L'Art médical
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| L'ART MÉDICAL
REDACTEURS :
MM. Bourgeois (de Tourcoing).
Cuampkadx.
Du pu esn e (de Genève).
Frédault.
Hermbl.
Imbert-Gourbbyre.
Jorez (de Bruxelles).
Jousset.
MM. Labrunne.
Mailliot.
MlLCENT.
OZANAM.
Patin.
Ravel (de Cavailloo).
Violet.
Rédacteur en chef : M. J. Davasse.
Par». — Typ. de A. Parem, rue Mon»ieur-l«-Prin*e, 31.
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L'ART MEDICAL
JOURNAL
DE MÉDECINE GÉNÉRALE
ET
DE MÉDECINE PRATIQUE
FONDS PAR
JEAN-PAUL TESSIER
PHILOSOPHIE MÉDICALE
HISTOIRE NATURELLE NOSOGRAPHIB
ANATOMIE ÉTIOLOGIB
PHYSIOLOGIE SÉMÉIOTIQUE
HTGIKNK ANATOMIE PATHOLOGIQUE
THÉRAPEUTIQUE EXPÉRIMENTALE
MÉDECINE DP.S INDICATIONS POSITIVES
{Soscimtis... Ixdi calboticam senlenliam ac doctrinam
de bomine, qui corpore et anima it.i absolvatur, ut
anima, eaque ralionalis, sit vera per se, atque imme-
diala corporis forma. Pim HP. ix.
Quinzième année
TOME XXXI
PARIS
J.-B. BAILL1ÉRE it F ILS
LIBBAIHFS DB l'a C A B Ê M I B IMPERIALE DB M fi 1> H Cl M
Rue Uaulefeuilie, II»
LONDRES j H AD AID
Mirr. Kuliùh» C. BAilXT-bàiixitM
1870
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L'ART MÉDICAL
JANVIER 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
Etude sur nos traditions.
— SUITE —
xv' siècle. — Le xve siècle est le véritable point de
départ d'un nouvel ordre pour les sciences. C'est à
tort qu'on fait partir du xvi6 siècle le mouvement dit de
renaissance scientifique, il remonte plus haut. Après la
grande inondation des barbares sur l'empire romain,
un premier mouvement de renaissance a lieu au vi* siè-
cle, comme nous l'avons vu ; puis un second apparaît
sous Charlemagne, qui fonde les universités et agrandit
l'école de Salerne. Au xii* siècle, l'école théologique
commence avec saint Bernard et Pierre Lombard, et
l'école de Paris devient illustre. Au xiii', avec Alexandre
de Haies, Albert le Grand, saint Thomas, Roger Bacon,
saint Bonaventure, l'élan est donné aux sciences phy-
siques et naturelles par la théologie ; et déjà Atratus,
Basinge, Campano, Léonard de Pise, Sacrobosco, Arnaud
de Villeneuve, Raymond Lulle, se font remarquer dans
la physique et les mathématiques, sans compter les
médecins que nous avons cités. Au xiv" siècle, pendant
que l'Europe occidentale, et la France en particulier,
gémissent sous le poids des guerres et des famines,
pendant que les querelles scolastiques s'épuisent entre
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6 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
les réalistes et les nominaux, entre les scottistes et les
thomistes, entre les averrhoïstes et les alexandristes,
on sent la nécessité de recourir aux sciences expéri-
mentales, si bien lancées déjà au xme siècle ; et c'est
alors qu'en outre des médecins, on trouve comme phy-
siciens et mathématiciens, les Bradwardin, Dace, Da-
gfomari ou Abace, les Dondi père et fils, Mûris ou Jean
de Meurs, Waling'fort, qui suivaient les traces du grand
Léonard de Pise et de Jean de Holywood (Sacrobosco).
Le xv* siècle héritait donc de ce mouvement en avant
donné aux sciences diverses par la théologie au xiv* siè-
cle; et comme d'une part la France secouait le joug de
l'étrang'er et allait revivre d'une vie nouvelle, que d'une
autre part les querelles scolastiques s'épuisaient, le pé-
ripatétisme cédait la place à un platonisme plus littéraire
que scientifique, les idées devaient êlre portées en
grande partie vers les sciences d'observation et d'expé-
rience.
Les sciences étaient alors cultivées par deux sortes
de personnes : les savants eng-a^és dans les ordres
ecclésiastiques et un petit nombre de laïques, plus pai-
ticulièrement occupés d'alchimie et de médecine. Dans
les siècles précédents, il y avait eu quelques mathéma-
ticiens et médecins laïques et mariés, comme Fibonacci,
les Dondi, et la plupart des chirurgiens ; car il était dé-
fendu aux clers de répandre le sang\ Cependant l'uni-
versité de Paris voulait maintenir la cléricature et le
célibat pour les savants et les médecins, lorsque le car-
dinal d'Estouteville, envoyé par le Saint-Siège pour la
réformer en 1452, fit lever cette interdiction. A partir
de ce moment, il y eut encore quelques ecclésiastiques
adonnés aux sciences mathématiques et physiques, mais .
la plupart des médecins furent laïques.
Du reste, le mouvement donné aux sciences fit dès
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 7
lors des progrès rapides. Ainsi, dans l'ordre physique
et mathématique, nous pouvons citer plusieurs noms
restés célèbres. Le cardinal Cusa donna l'idée d'une
nouvelle entente de l'astronomie et remit le premier en
honneur l'ancienne théorie de Pythagore, qui supposait
que la terre est ronde et qu'elle tourne autour du soleil.
L'Autrichien Peurbach suivit la môme voie, donna la
Theoria planetarumqin fait époque et fut publiée en 1488.
L'Anglais Batecombe écrivit le De sphaerœ concavœ fa-
brica et mit , De sphaera so/iàa, De opnratione astrolabii.
Cordova, médecin astronome de Séville, compléta l'al-
manach perpétuel de Zacuth. J. Muller, dit Regiomon-
tanus, enseigna l'astronomie à Padoue et publia des éphé-
mérides astronomiques, un calendrier, des tables d'ob-
servations. Bernard de Trévise écrivit quatre livres sur
la philosophie hermétique, ou alchimie, et sur la recherche
de la pierre phtlosophale. L. B. Alberti, neveu du cardinal
du même nom, acheva le palais Pitti à Florence et con-
struisit le palais Buccellaï, ainsi que plusieurs églises.
Il est le premier, paraît-il, qui inventa les écluses, et la
chambre noire destinée à observer les étoiles. Bernard
de Lates, médecin, inventa un anneau dont on se servit
longtemps pour mesurer la hauteur des étoiles et du
soleil. G. Nardi et de Féravant sont célèbres pour avoir
transporté la maison de ville de Bologne, haute de
80 pieds. Le cordelier Paccioli reprit lo* mathématiques
de Fibonacci, suivit l'application de l'arithmétique au
commerce et enseigna le premier la tenue des livres en
partie double. Toscanelli fut l'un des meilleurs mathé-
maticiens conseillers de Christophe Colomb.
La médecine, on le comprend, se ressentit de ce mou-
vement, mais aussi des agitations fiévreuses et souvent
folles de cette époque.
L'astrologie, l'alchimie, la magie, la théosophie pren-
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8 HISTOIRE DE LA MEDECINE*
lient une grande extension et préparent les doctrines du
xvi6 siècle. On explique les maladies épidémiques par
la conjonction des planètes et les influences astrales.
Cependant la Faculté de Paris, à l'occasion du procès
de l'astrologue Pharès, condamne la théosophie comme
un art diabolique. D'un autre côté, à Venise, où l'on
dépouille les jésuates, l'alchymie est formellement inter-
dite en 1488. — Les sciences s'affranchissent de plus en
plus de l'influence théologique : après avoir vanté l'au-
torité dAristote, comme égale à celle d'Albert le Grand
et de saint Thomas, on commence à ne vouloir d'aucune
autorité : les uns s'adonnent à l'observation et à l'expé-
rience ; d'autres cherchent la science dans la théosophie.
Ce sont les préludes du xvie siècle. — La division entre
les médecins et les chirurgiens vient se compliquer de
l'intervention des barbiers et des baigneurs, et de là les
grandes disputes de la Faculté de Paris, comme nous
l'expliquerons plus loin. — Les pharmaciens sont sou-
mis en France à la surveillance des facultés et à celle de
médecins salariés par l'Etat (nouveaux Archiàtres). —
Un grand avantage pour la médecine résulte de 1 in-
vention de la typographie, qui reproduit en gravures
les figures des plantes de l'ouvrage de Dioscoride et des
planches anatomiques.
Des maladies épidémiques nouvelles vinrent encore
dans ce siècle désoler l'Europe. — La mette ou sueur an-
glaise parut pour la première fois en Angleterre et y fit
de grands ravages. Elle se répandit de là en Picardie et
dans le Poitou, où dominaient les Anglais pendant les
malheurs de la France. — Le scorbut se déclara, pour
la première fois, sur un navire qui visitait l'Islande et la
Norvège; il s'étendit ensuite sur l'escadre de Vasco de
Gaina dans son voyage à Calicut; et plus tard encore,
en 1515, sur l'escadre de Cartier pendant son séjour au
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 9
Canada* — La coqueluche se déclara à Paris et dans les
environs, pendant la guerre des Maillutim. — La piique
polonaise, qui existait chez les Tartares dès 1287, se pro-
pagea lors de la troisième éruption de cette race au
xv* siècle, et se répandit en Bohême, en Autriche, dans
toute l'Allemagne. — Enfin, la syphilis et la gonorrhêe
éclatèrent dans plusieurs parties de l'Europe en même
temps, sans qu'on puisse savoir exactement leur lieu
d'origine. Quelques médecins pensèrent qu'elle n'était
qu'une dégénérescence de la lèpre qui n'existait presque
plus; mais d'autres soutenaient que les maladies ne se
transformaient pas, comme Freind le rapporte, et pré-
tendaient que c'était une importation d'Amérique. Ce qui
est certain, c'est que la syphilis, à laquelle on rattachait
la gonorrhêe, éclata subitement et simultanément dans
plusieurs parties de l'Europe, pendant l'été de 1493; les
Français l'appelaient le mal napolitain, et les Napoli-
tains l'appelaient le mal français.
Parmi les auteurs de ce siècle, on cite : — Valescus
de Tarent u, en Portugal, pratiqua à Montpellier et y pu-
blia une compilation de matière médicale. — Jacques de
Forli, commentateur d'Hippocrate et de Galien. — Leo-
nicène, de Padoue, le premier qui ait traduit Galien en
latin. — Concoregio,de Milan, qui exerça à Montpellier.
— Dencius ou Hwjues de Sienne, qui se distingua comme
commentateur, professeur célèbre à Parme et à Ferrare.
— Guainer, professeur à Pavie. — Montagwna, profes-
seur à Padoue. Linacre étudia à Florence et revint
professer à Oxford, sa patrie, et à Londres, où il établit
un collège et fit des traductions des anciens. - Savo-
narole , qui a laissé deux ouvrages estimés sur les
fièvres et sur les bains. — Achillini, de Bologne, sec-
tateur zélé d:\ristote et des Arabes. — Despars, cha-
noine et trésorier de la Faculté de Paris, né à Tour-
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10 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
nay, traducteur et commentateur estimé de Galien. —
Chntnpier, archiàtre des rois Charles VII et Louis XII;
auteur de nombreux ouvrages. — Cofot, chirurgien >
le premier lithotomiste. — \ictoriis de Kaënza, célèbre
aussi comme philosophe. — Fracasfrr , fil un poëme
sur la syphilis, où il en donna la première description
fidèle. Il fut très-attaché à l'astrologie. Enfin, il est
célèbre pour avoir établi la doc trine de la contagion par
des contages. — l'racastnr fut, au xv* siècle, la person-
nification la plus considérable de la théorie astrologique
qui admettait, comme causes des maladies, [ps influences
astrahs. Mais c'est par son ouvrage De enntugionp/ibritres,
dont la publication eut lieu au xvie siècle que ce médecin
fut surtout célèbre. Il y enseigna ladoctrinede laconta -
gion, c'est-à dire que certaines maladies se propagent
en se communiquant d'un individu à un autre, par l'en-
tremise de principes contagieux qui viennent des exha-
lations du corps des malades et se répandent dans l'air
à une petite distance, au delà de laquelle ils n'ont plus
d'action, ou s'attachent à certains corps comme des
brins de paille, des morceaux de corde, des lambeaux
d'étoffe, des mouches, des toiles d'araignée, qui les
transportent au loin et suffisent à répandre la maladie
dans des villes entières. Certains corps, tels que ceux
que nous venons de nommer, sont plus susceptibles que
d'autres de répandre la contagion, ils sont appelés con-
tumaces. Fracastor admettait ainsi trois sortes de conta-
gion : la contag'ion par contact, la contagion par l'air et
la contagion par des corps intermédiaires. — Benivieni,
de Florence, fut célèbre pour avoir donné les premières
observations d'anatomie pathologique, et Montagnana
ouvrit beaucoup de cadavres à Padoue. — Alexandre
Bencdet'i, professeur à Padoue, est l'un des plus anciens
anatomistes. — Mais à la fin du siècle, paraît Berenger
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 11
de Carpi. qui imprima réellement l'impulsion à la re-
naissance de l'anatomie, et que Faliope appelle le pre-
mier des nstutrateurs de F anatumie moderne. - On pour-
rait encore citer Zerbi, qui publia un livre sur l'anato-
mie, mais sans importance. — Hundt, célèbre médecin
de Leipsick, appartient plus au xvie siècle qu'au xvc.
Doctrine psychologique au moyen âge. — La physio-
logie n'était encore constituée dans l'antiquité que sur
un petit nombre de dogmes et d'expérimentations. Avant
(pic les sciences modernes se fussent livrées à l'expé-
rience, l'époque du moyen âge était une sorte de période
de transition qui prépara les principes généraux de la
science. Aussi, la physiologie était alors partagée en
deux branches, l'une de doctrine générale, se confondant
avec l'étude philosophique du traité de l ame, l'autre
toute particulière qui ne s'ocetipant que du jeu des fonc-
tions organiques s'alliait intimement à l'anatomie et se
confondait avec elle. C'était dès lors dans l'étude du
traité de l'âme que pour les médecins du moyen âge
résidait plus particulièrement l'étude de la physio-
logie.
N'était-ce point là d'ailleurs le vrai point de départ de
la science de l'homme? Nos modernes, il est vrai, ne le
pensent point et ils ont élagué de leurs occupations
scientifiques cette partie générale de la science qui en
est la base fondamentale : pour eux, il n'y a pas de
physiologie en dehors de l'étude des fonctions des par-
ties; mais aussi, leur science est tombée dans un maté-
rialisme, autant sot et ridicule qu'il est grossier et mé-
prisable. En attendant, il faut bien courber la tète sous
la brutale violence de l'opinion qui nous gouverne : je
la méprise et je la hais, mais je suis bien obligé de re-
connaître qu'elle est glorieuse et triomphante, et que je
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18 HISTOIRE DR LA MEDECINE.
suis vaincu. Cela étant, ne nous occupons plus que du
passé.
J'ai examiné assez longuement cette question de la
doctrine psychologique au moyen âge, dans un travail
intitulé : Du passage de la psychologie oTAristote à la psy-
chologie des philosophes chrétiens; travail inséré dans la
Revue du monde catholique; Paris, 1866. Je n'en repren-
drai ici que les traits principaux et derniers.
L'École d'Aristote à laquelle Galien s'était rattaché
sans l'avoir jamais bien comprise, fut modifiée après
la mort du maître. Aristoxène et Dicéarque faisaient
déjà de l'âme une harmonie au lieu d'un principe sub-
stantiel. Straton de Lampsaque réunit l'intelligence à la
sensation dont il la faisait dériver, précédant ainsi de
près de vingt siècles, dans les mômes idées, notre Con-
dillac.
Les stoïciens rattachés à Zenon et à Cléanthe, et sur-
tout Chrysippe, leur vrai maître, reconnurent l'unité et la
substantialité de l'âme dont ils admettaient huit parties,
mais à laquelle ils attribuaient une partie dominante
résidant dans le cœur. C'est ainsi qu'aux lieu et place
des cinq facultés de l'âme admises par Aristote, de nu-
trition, d'appétit, de sensation, d'intelligence et de
locomotion, ils n'admirent plus qu'une seule faculté ca-
pitale, d'où ils faisaient dériver les autres, la faculté vitale.
Posidonius qui combattit contre Chrysippe, soutint
qu on avait trop exalté l'âme et pas assez accordé au
corps, auquel il voulait reconnaître une certaine in-
fluence dans la vie. Il disait que trois choses sont ca-
pitales dans l'homme : l'appétit des actes naturels, le
courage ou la vigueur de la vie, et la raison. C'est sans
doute des enseignements éclectiques de ce maître de
Cicéron, que Galien dériva sa doctrine des trois facul-
tés : naturelles, vitales et intellectuelles.
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 13
A l'École d'Alexandrie, Philon, d'origine judaïque,
tenta d'allier la philosophie grecque aux traditions rab-
biniques d'où allait dériver le Talmud. Il admit que
l'âme tire son intelligence de la raison divine qui lui
peut être associée, et qu'elle est ainsi formée de deux
parties, l'une corporelle et vitale, imparfaite et destinée
à mourir, l'autre divine, raisonnable, qui lui peut être
accouplée pendant la vie et retourne après la mort à son
foyer divin. Cette doctrine si fortement empreinte de
manichéisme se perpétua avec cette hérésie et a formé
le duo-dynamisme physiologique qui , par les écoles
arabico-judaïques, est venu s'implanter dans la Faculté
de Montpellier.
Alexandre d'Aphrodise, qui fut un des premiers à
faire revivre Aristote et qui combattit le stoïcisme, est
considéré comme ayant admis un principe intermédiaire
entre l'âme et le corps, pour en faciliter l'union ; c'est
l'opinion que lui ont prêtée plusieurs auteurs, entre
autres Vincent de Beauvais et plus tard Farnel. Mais,
quand on lit son commentaire sur la métaphysique, sa
doctrine paraît tout autre : il fait de l'âme une simple
figure, non plus une forme active, une entéléchie; il
lui supprime sa réalité substantielle; et il s'inspire de
Philon pour faire de l'intelligence une puissance asso-
ciée à l'âme et la seule partie immortelle de l'homme.
Les médecins dits arabes qui paraissent avoir connu
Aristote expliqué par Alexandre d'Aphrodise et qui
avaient de grandes associations d'idées avec les doc-
trines de Philon, accentuèrent cette théorie. Ces méde-
cins dits arabes et qui paraissent n'avoir été que des
juifs déguisés, comme je l'ai montré dans un travail
sur Averrhoës et taverrhoïsme {Bévue du monde catholique,
1864) , avaient déjà paru hétérodoxes au parti reli-
gie ux musulman dans la personne d' I bn-Sina (A vicennes);
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14 HISTOIRE DR LA MEDECINE.
et c'est contre cette hétérodoxie que Al-Gazzali avait
dirigé son livre intitulé la Destmction des philosophes. La
philosophie, ou, comme les Arabes l'appelaient, la filsa-
/i?/, n'était autre qu'une doctrine talmudiste propagée
chez les médecins de Bassora ou de Bagdad, lesquels
médecins étaient presque tous, sinon tous juifs, en rela-
tion avec les traditions de l'École de Philon d'Alexandrie.
Ces doctrines indiquées déjà dans les enseignements
d'Ibn-Zohr et Ibn-Gebirol, s'accentuèrent chez Ibn-
ïofail dans l'Andalousie, et ce lut de cet Ibn-Tofail que
Ibn-Roschd ou Averroës les reçut pour les diluer et les
répandre.
A partir du xie siècle, elles se répandirent dans la
Gaule narbonnaise, en Italie et jusqu'à Paris avec le
livre de Cansis, dont on a tant parlé à cette époque, et
semblent avoir eu pour adeptes chez nous Amaury de
Chartres, David de Dinan et Michel Scott, le traducteur
à la cour de Frédéric. Censurées et condamnées dans
la Faculté de Paris, en 1209, elles ne se répandirent pas
moins en s'unissant aux théories hérétiques des Albi-
geois, avec lesquels leur origine manichéenne était un
trait commun.
Cependant, les philosophes chrétiens avaient réagi
vigoureusement contre ces erreurs et les hérésies qui en
découlaient. Saint Augustin luttait en faveur de l'unité
du principe animateur. Saint Grégoire de Nysse, dans
son Traité de la formation de f homme, établit trois sortes
de vitalités : une vitalité nutritive dépourvue de senti-
ment; une vitalité à la fois nutritive et sensitive; une
vitalité de raison et de perfection. Au vie siècle, nous
trouvons avec Boëce cette doctrine implantée dans la
psychologie, et nous lisons dans son Commentaire sur Por-
phyre que l'àme a trois facultés maîtresses : une de nu-
trition, une autre de sensibilité et de mouvement, une
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étude sur nos traditions. 15
troisième de raison. Au vu* siècle, Jean Philopon fait de
ces trois puissances trois âmes distinctes, ce qui était
contraire à l'imité du principe animateur.
C'est alors qu'arrivent enfin les grands siècles de la
scolastique, où avec Albert-le-Grand et saint Thomas,
la doctrine psychologique unanimement reçue enseigne
que l'àme est la forme active du corps et lui est sub-
stantiellement unie, qu elle développe tous les actes de la
vie par trois facultés principales : la faculté végétative
ou nutritive, la faculté sensible-motrice ou animale, et
la faculté intellectuelle. Le concile de Vienne en 1311 et
celui de Latran plus tard, en 1515, censurèrent définiti-
vement la théorie des deux âmes, issue du manichéisme,
propagée dans les sectes des Albigeois, de Taverrhoïsme
et de l'alexandrisme.
La doctrine scolastique parfaitement étayée chez tous
les grands docteurs du moyen âge, fut certainement
reçue par tous les médecins jusque vers la fin du
aivb siècle ou jusque dans le xve. Ils étaient tous clercs,
attachés à l'Eglise, et en cette qualité vivaient dans
l'orthodoxie. Mais, à partir du xve siècle, la médecine
fut pratiquée par bien des laïques qui n'avaient plus des
raisons autant majeures d'être orthodoxes et qui, plus
soucieux de Galien que de saint Thomas ou d'Aristote,
déclaraient qu'on devait bien plus s'en rapporter à l'ex-
périmenté Galien qu'au philosophe inexpérimenté; et
dès lors, en médecine, la division psychologique de
Galien prenait le pas sur celle de saint Thomas.
Cette double tendance, l'une scolastique, l'autre galé-
nique, se perpétua quelque temps dans la phychologie
médicale. Nous verrons comment au xvie siècle Fusch
et Fernel s'en tirèrent par une sorte de synchrétisme,
où cependant l'influence de Galien domina.
F. Fkédault.
— La suite au prochain numéro. —
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16
MÉDECINE GÉNÉRALE
MÉDECINE GÉNÉRALE
ÉTUDE CRITIQUE SUR VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE
CELLULAIRE.
— TROISIÈME ARTICLE. —
DES NÉOPLASIES ET EN PARTICULIER DES NEOPLASIES
PATHOLOGIQUES.
Virchow applique à la formation des produits mor-
bides sa théorie de l'activité cellulaire : c'est Yirritation
formative qui produit les néoplasies, et la doctrine des
exsudais et des blaslèmes est remplacée par celle du
développement et de la transformation continue des
tissus. Nous retrouvons donc ici la thèse que nous
avons déjà examinée à propos de l'inflammation. Les
néoplasies se forment par le même mécanisme que la
génération : il y a des formations par segmentation des
cellules ou par génération endogène. Les premiers
éléments formés se ressemblent tous, au moins en ap-
parence; ils sont indifférents, et il n'est pas possible de
dire qu'une néoplasie, qui est encore à ce premier stade,
deviendra du pus, du cancer, du tubercule ou un tissu
physiologique quelconque.
Les néoplasies ne sont point des sécrétions morbides;
ce sont des transformations des cellules préexistantes, et
en particulier, des cellules épithéliales et des cellules
du tissu conjonctif. Les néoplasies se divisent en ho-
mologues et en hétérologues. Virchow donne le nom de
produit hétérologue, non-seulement aux tumeurs ma-
lignes, mais encore à tout tissu qui s'éloigne du type
propre au lieu où il se forme. Il rappelle que les tissus
VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 17
hétérologues sont tous composés d'éléments, dont on
retrouve les analogues dans les tissus physiologiques.
Le pus est un produit hétérologue. Sur les surfaces,
il se produit aux dépens des cellules épithéliales ; dans
les parenchymes, par la transformation des cellules du
tissu conjonctif. Sur les surfaces, il y a d'abord prolifé-
ration des cellules épithéliales, produisant un liquide
puriforme, puis transformation des cellules épithéliales
en cellule de mucus et en cellule de pus. Dans les paren-
chymes, les cellules du tissu conjonctif prolifèrent avec
une rapidité inouïe et se transforment en globules de
pus. Uans tous les cas, le pus est le produit d'une trans-
formation des éléments solides du corps vivant.
La tubercule est essentiellement une petite tumeur, et
ce qu'on appelle tubercule infiltré est un produit inflam-
matoire. Cette dernière lésion doit se distinguer du tu-
bercule, quoiqu'elle se rencontre dans la même maladie
et qu'elle ait une terminaison identique, la casêification.
Les gros tubercules sont produits par l'agglomération
djune quantité de petits tubercules miliaires. %Le tuber-
cule est une néoplasie qui est toujours extrêmement
pauvre et qui arrive rapidement à sa période régressive;
cette période régressive commence toujours par le centre
du produit. Elle a reçu le nom d'état caséeux. L'état ca~
séeux est commun au tubercule, au pus, au cancer, aux
produits inflammatoires. Toutes les néoplasies, arrivées
à l'état caséeux, se ressemblent; aussi est-il souvent im-
possible de dire si un poumon farci de masses caséeuses
est tuberculeux ou non.
Le tubercule, est produit par la prolifération des cel-
lules du tissu conjonctif. Il est composé, comme le pus,
d'éléments très-petits et très-nombreux.
La cellule tuberculeuse a son analogue dans la cel-
lule du ganglion lymphatique.
TOME XiXI. — JANVI£a 4870. 2
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18 MÉDECINE GÉNÉRALE.
Le cancer est une néoplasie, composée d'éléments très-
grands et très-rapidement développés. Elle est le pro-
duit de la prolifération des cellules du tissu conjonctif et
des cellules épithéliales. Elle constitue une sorte (T organe
dans lequel les cellules épithêlioides sans enchâssées dans un
siroma du tissu conjonctif vasculaire de nouvelle formation
(p. 430). Le cancroïde ne peut pas être distingué du
cancer proprement dit par la structure épithéliale de
ses éléments, car l'un et l'autre tissus possèdent des
cellules à aspect épithélial (p. 429). Le cancer s'étend
en transformant les tissus autour de lui, et l'inspection
microscopique démontre que les tumeurs cancéreuses
sont entourées d'une zone en voie de transformation ;
les, tumeurs cancéreuses peuvent se reproduire après
l'opération ; enfin elles se multiplient et apparaissent
dans plusieurs points de l'organisme. Pour expliquer
ces différents phénomènes, Virchow admet qu'il se forme
une substance contagieuse qui s'infiltre et se propage
par les anastomoses des cellules du tissu conjonctif; celte
substance contagieuse sert à propager le cancer au loin
par le système lymphatique et peut-être par le sang».
Virchow termine le chapitre des néoplasies, en pro-
clamant bien haut que la forme des cellules est insuffi-
sante pour distinguer les tumeurs malignes des tumeurs
bénignes; que les tumeurs composées de tissus homolo-
gues, comme les myxomes et les enchondromes, peuvent
devenir malignes si elles contiennent beaucoup de suc;
c'est la grande quantité de suc qui fait la malignité.
Nous signerions des deux mains la plupart de ces
propositions. J.-P. Tessier professait que les néoplasies
étaient dues à la transformation des solides et des liquides
coagulables des corps vivants; le DrFrédault a démontré
dans ce recueil (année 1855) que les tumeurs hétérolo-
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 19
gues étaient composées d'éléments, ayant leur type dans
les cellules physiologiques ; dans ma thèse inaugurale
(1846), j'ai soutenu contre les micrographes l'identité
de nature du cancroïde et du cancer proprement dit.
Virchow ne fait donc que reproduire et vulg-ariser les
enseignements de notre école, seulement les préjuges
d'un solidisme exagéré l'empêchent de reconnaître que
les liquides coag*ulables peuvent servir à la formation des
néoplasies, et son inintellig-ence des questions de patho-
logie g-énérale le conduit à admettre sur la propaga-
tion et la multiplication du cancer une théorie insensée.
Mais toutes ces questions ont une importance considé-
rable, et chacune d'elles mérite un examen et une
discussion détaillés; c'est ce que nous allons faire.
§ I. — Les néoplasies sont un produit de l'activité
cellulaire; les exsudats et les blastèmes n'existent point.
• Ainsi, avec quelques restrictions peu importantes,
vous pouvez substituer à la lymphe plastique, au b astème
des uns, à f exsudât des autres, le tissu conjonctîf avec ses
équivalents, et vous pouvez le regarder commi le tissu ger-
minatif par excellence du corps humain, et le considérer
comme le point de départ rég-ulier du développement
des parties nouvellement formées » (p. 354).
« Les néoplasies qui ne rentrent pas dans cette
classe sont peu nombreuses : ce sont, d'un coté, les
formations épithéliales; d'un autre côté, celles qui ont
des relations avec les tissus animaux plus élevés, des
vaisseaux par exemple. » (1*. 354.)
A propos de la formation du pus, Virchow ajoute :
« Il est douteux que la troisième série des tissus, les
muscles, les nerfs, les vaisseaux, etc., produisent le pus,
et cela parce qu'on ne doit pas confondre les éléments
du tissu conjonctif qui entrent dans la composition des
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20 MÉDECINE GENERALE.
gros vaisseaux, des nerfs et des muscles, avec les élé-
ments musculaire, nerveux et vasculaire. — Des obser-
vateurs compétents, comme 0. Weber, ont déjà décrit
dans ce genre de tissu l'existence du pus sorti de leur
parenchyme. Je ne puis dire à cet égard rien de positif.
La règle est sans aucun doute le tissu interstitiel. »>
(P. 396.)
Ce passage est d'une obscurité tout à fait germanique,
il en résulte cependant que les néoplasies se dévelop-
pent non-seulement aux dépens des cellules du tissu
conjonctifet des cellules épithéliales, mais encore, d'a-
près les recherches de 0. Weber, aux dépens des cel-
lules des tissus musculaire, nerveux et vasculaire, ou
en bon français, que les néoplasies se développent aux
dépens des solides du corps vivant, ce qui est la moitié de
la formule de J.-P. Tessier : Les néoplasies se développent
aux dépens des solides et des liquides coagulables de f éco-
nomie.
Mais la deuxième partie de la loi posée par notre
école est-elle fausse et Virchow a-t-il réellement dé-
montré que le sang et les éléments fibrineux ne sont
pas susceptibles d'entrer dans la formation des néo-
plasies ?
Le physiologiste prussien ne veut accepter à aucun
prix que le sang et la fibrine puissent s'organiser; son
siège est fait sur cette question. Aussi prend-il à l'avance
toutes les précautions imaginables. La transformation
du sang en pus est évidente dans la phlébite. Virchow
nie résolument que le liquide puriforme trouvé dans les
caillots intra-veineux soit du pus; ce liquide est com-
posé de fibrine désagrégée et ayant subi une espèce de
ramollissement et de régression chimique.
Cette opinion étrange est venue renverser la théorie
de la phlébite. Au lieu de considérer la formation du
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 21
caillot intra-veineux comme le premier phénomène de
l inflammation veineuse, Virchow attribue la thrombose
à une altération inconnue du sang ( encore l'humo-
risme qui reparaît, tant il est difficile de s'en débarras-
ser); puis la fibrine subit la régression chimique, et ce
ramollissement, en vertu d'une loi aussi inconnue que
celle qui préside à la formation du caillot intra-veineux,
se transmet à la paroi veineuse, dont il détermine l'in-
flammation et la suppuration !
Ainsi, Virchow reconnaît bien qu'il y a un caillot,
une inflammation des parois veineuses et une suppura-
tion. Seulement, comme il ne peut admettre que la
Obrine se transforme en pus, il suppose que Yirritation
(Broussais, pourquoi es-tu mort!), causée par un simple
caillot, suffit pour déterminer l'inflammation et la sup-
puration des parois veineuses.
Certes, nous ne voulons pas proscrire l'hypothèse en
tant quelle constitue une méthode pour trouver la vé-
rité. Ce que nous repoussons de toutes nos forces, c'est
l'hypothèse à l'état permanent et définitif; c'est l'hypo-
thèse prenant droit de domicile dans la science et posant
pour une vérité démontrée. Virchow fait une hypothèse:
l'activité cellulaire du tissu conjonctif produit sans blas-
tème préalable toutes les néoplasies. Puis, au lieu de
chercher dans l'observation et l'expérimentation la véri-
fication de son hypothèse, il prend les faits les mieux
connus, le processus pathologique, le plus étudié; il le
torture, il intervertit l'ordre du phénomène, et il le con-
traint de rentrer sous les lois de la pathologie cellulaire.
Nous trouvons le procédé par trop prussien, et nous
opposerons à la théorie de Virchow sur la phlébite les
objections suivantes :
1° En vertu de quelle loi, si la paroi veineuse n'est
pas enflammée, se forme-t-il un caillot dans un point
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22 MÉDECINE GÉNÉRALE.
déterminé du système veineux? L'altération du sang1,
qu'on a décorée du beau nom d'inopexie, n'est qu'une
hypothèse accourue au secours d'une autre hypothèse;
mais, même en l'acceptant, elle ne suffit pas pour ex-
pliquer la formation d'un caillot dans un point déter-
miné ; elle expliquerait tout au plus la coagulation du
sang* en masse, ou la coagulation dans les extrémités
veineuses, là où le cours du sang- est retardé; mais
pourquoi la formation d'une thrombose dans la veine
cave, dans les sinus utérins, dans la crurale, dans une
veine quelconque, soumise à un traumatisme?
2° Si la fibrine qui compose le caillot intra-veineux se
change en un liquide puriforme, en vertu d'une loi chi-
mique, pourquoi ce phénomène a-t-il lieu si rarement
et pourquoi la plupart des phlébites restent-elles à l'état
de phlébites adhésives? Les lois chimiques ont une ap-
plication nécessaire, fatale môme; quelle est donc la
cause qui suspend leur action dans un cas et qui la
précipite dans un autre?
3° Si c'est le caillot intra-veineux qui détermine l'in-
flammation de la paroi veineuse, pourquoi ne la déter-
mine-t-il pas toujours, et comment se fait-il qu'un
grand nombre de caillots, môme ceux produits par l'art
chirurgical , soient complètement innocents pour la
pario veineuse?
.On voit que la théorie de Virchow soulève de sérieuses
objections. Mais le fait môme sur lequel ce physiologiste
a basé sa théorie est controuvé. 11 est absolument faux
de soutenir que le liquide puriforme rencontré au centre
des caillots intra-veineux n'est point du pus, et cette
grande découverte, dont on a fait tant de bruit, n'est
qu'une erreur inventée pour la justification de la patho-
logie cellulaire. La preuve de cette erreur, nous la
trouvons dans la description de Virchow lui-même.
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V1RCHOW BT LA PATHOIiOGIE CELLULAIRE. 23
Lisons avec attention le passage dans lequel notre au-
teur établit sa théorie :
« Étudiez ces thrombus : vous verrez la masse qu'ils
renferment, et qui ressemble à du pus, se former par la
transformation des couches centrales du caillot; vous vous
assurerez qu'elle ne provient pas de la paroi vasculaire ;
c'est une transformation toute chimique, analogue à celle
que Ton produit artificiellement en laissant lentement
digérer de la fibrine coagulée : la fibrine se décompose
et se change en une substance finement granulée, et
toute la masse devient un détritus. C'est une espèce de
ramollissement et de régression chimique des substan-
ces organiques : dès le début, une quantité de petites gra-
nulations deviennent visibles; les gros filaments de la fibrine
se divisent en morceaux ; ces derniers se subdivisent en frag-
ments plus jwtits, et enfin la masse finit par être composée de
petits granules fin*, pâles » (p. 174).
Virchow ajoute : Cette masse est puriforme, mais
n'est pas du pus puisqu'elle ne contient pas de cellules,
et qu'il n'y a pas plus de pus sans corpuscule puru-
lent que de sang1 en l'absence de globules sanguins.
Très-bien; mais écoutons jusqu'au bout l'auteur de la
pathologie cellulaire :
« A côté de ces granules, il n'est pas rare de voir un
certain nombre d'autres productions : par exemple des
éléments réellement celluleux, qui sont arrondis, sphériques
ou anguleux, dans lesquels on voit wn, deux ou plusieurs
noyaux, souvent serrés les uns contre les autres et ayant une
grande analogie avec les corpuscules du pus, avec cette seule
différence qu'ils contiennent souvent des granules grais-
seux , démontrant qu'il s'agit ici d'une décomposi-
tion » (p. i75).
Ainsi le liquide puriforme qui n'était pas du pus ,
parce qu'il ne contenait pas de cellules, contient main-
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24 MÉDECINE GÉNÉRALE.
tenant « des éléments réellement celluleux, arrondis, à
un ou plusieurs noyaux, » c'est-à-dire de vrais globules
de pus.
Virchow se tire de ce mauvais pas en ajoutant que
« souvent ces cellules contiennent des granules grais-
seux , démontrant qu'il s'agit ici d une décomposi-
tion; » mais cette phrase ne démontre qu'une chose,
c'est l'extrême embarras de Virchow et la puissance du
préjugé qui obscurcit son esprit, car tous les anatomo-
pathologistes savent bien que le pus est un liquide qui
entre rapidement dans la voie régressive, et que souvent
on rencontre des granules graisseux dans le pus le
plus authentique.
Nous acceptons donc les faits tels que les décrit Vir-
chow. Au début de la phlébite il y a un caillot; ce cail-
lot se ramollit à son centre par la désagrégation de la
fibrine; et il est très-vrai qu'il y a un certain moment
où le liquide puriforme, placé au centre du caillot, n'est
pas encore du pus, et qu'il contient presque exclusive-
ment de fines granulations ; mais ce n'est là que le com-
mencement du travail, et bientôt apparaissent des élé-
ments figurés , des cellules arrondies à un ou plusieurs
noyaux, des cellules de pus en un mot, et la transforma-
tion de la fibrine coagulée en pus est achevée.
Écoutons maintenant un autre micrographe, M. Ran-
vier, décrivant les mômes phénomènes, et nous nous con-
vaincrons que les caillots intra-veineux de la phlébite
suppurent bien réellement, puisqu'ils contiennent des
éléments cellulaires nombreux et des globules de pus.
« Dans le premier cas (quand le caillot est encore so-
lide), on trouve, en dissociant les caillots, une très-grande
quantité de cellules épi thèliales des veines, cellules aplaties,
en apparence fusiformes, souvent soudées au nombre de
deux ou trois par leurs bords. Toutes ces cellules pré-
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VIRCH0W ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 25
sentent dans leur intérieur des granulations graisseu-
ses d'une grande finesse, mais très-nettes. A côté de ces
cellules, on en voit d autres aplaties, irrégulières dans leurs
contours et chargées également de granulations grais-
seuses. D'autres cellules rondes, ayant en moyenne 15 mil-
lièmes à 2 centièmes de millimètre, à un ou plusieurs
îioyaux, contiennent aussi des granulations graisseuses.
On remarque, en outre, de très-nombreuses cellules, tout
à fait semblables aux globules du pus ou aux globules
blanc du sang*, mais contenant toutes des granulations
graisseuses libres, et des granules solubles dans l'acide
acétique. Ces derniers semblent provenir d'une disso-
ciation moléculaire de la fibrine qui, dans beaucoup de
points du coagoilum, se présente encore à l'état fibri-
laire.»(ln Gazette médicale, 1869, n° 23, p. 309.)
Les micrographes se suivent et ne se ressemblent pas;
M. Ranvier, qui n'avait point à défendre une théorie
particulière, expose simplement ce qu'il a vu. Il ressort
de sa description que, même avant la liquéfaction du
caillot, le thrombus contient au moins quatre espèces de
cellules et en particulier des globules de pus; tandis
que Virchow qui a regardé la même lésion à travers le
mirage de la pathologie cellulaire, n'a trouvé que des gra-
nulations fines et pâles, quelques cellules et beaucoup
de granules graisseux.
En résumé, quand un caillot intra-veineux est sup-
puré, on rencontre à son centre des cellules de pus mé-
langées à des granules graisseux; en s'éloignant du
centre, on rencontre des couches qui renferment
des cellules de pus, mélangées à des cellules épi—
théliales, à des granules graisseux et à de la fibrine
désagrégée. Plus on s'éloigne du centre, et plus la
fibrine est abondante et plus elle rapproche de l'état
normal. Ainsi, formation d'un caillot dans le point où
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26 MÉDECINE PRATIQUE.
la veine enflammée a perdu son élasticité physiolo-
gique et où, par suite, elle est rétrécie (car un canal
qui ne peut se dilater est, à cause de c? fait, réellement
rétréci) ; désagrégation de lu fibrine ; disparition de cet
élément, qui est remplacé par des cellules de pus et
des granules graisseux. L'évolution des phénomènes
prouve donc, en dehors de toute Ihéorie, que la fibrine
se transforme en pus. Voici, du reste, une étude faite
très - consciencieusement et très- scientifiquement qui
établit la même vérité : « Scherer a examiné avec soin
les changements que du sang* extravasé par reflet d'une
contusion à la cuisse, subit pendant la durée de son sé-
jour dans le corps; quelques jours après l'accident il
avait perdu sa coagulabilité, et ne contenait plus de fi-
brine; les globules y existaient encore, mais renflés et
sphériques; ils contenaient plus d'eau et moinsd éléments
solides que dans l'état normal. Trois jours plus tard,
les globules avaient disparu, le sang était devenu bien
plus aqueux encore, et il s'était déjà produit des corpus-
cules de pus ; au bout de quelques jours, il était trans-
formé tout entier en pus. (Cité dans fArt médical, t. III,
p. 338.)
Ainsi, avant de se transformer en pus, la fibrine se
désagrège, se détruit, disparaît comme fibrine; il en est
de même des tissus. Les solides et les liquides coagu-
lables ne se changent pas directement en néoplasie, ils
commencent par se désagrégei% et par se détruire. Virchowle
dit lui-même textuellement : « Toute néoplasie suppose,
dans le point où elle se forme, la disparition de certains
éléments histologiques du corps » (p. 393). Mais, dans
notre École, on a enseigné cette vérité bien avant
Virchow et dans un autre style :
a Le changement d'un tissu en un autre ne peut se
faire sans transition : et c'est se faire une bien fausse
uigitizeo uy
VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. Tt
idée des choses de croire qu'il s'agit ici d'une sorte de
métamorphose cabalistique. Évidemment que, pour re-
vêtir une forme nouvelle, il faut quitter l'ancienne et
qu'il existe un moment entre la perte de l'ancienne
l'orme et la prise de la nouvelle où la matière est désor-
ganisée, amorphe. Comme pour revivre sous un mode
nouveau, il faut mourir à l'ancien, le tissu meurt à
sa texture primitive : on le voit disparaître peu à peu,
ses éléments devenir plus confus et se perdre enfin dans
un blastème amorphe qui est tout à la fois, qu'on me
permette cette figure, comme le tombeau de sa première
forme et le berceau de sa nouvelle. » (Prédault, des
Eléments organisâmes des produits pathologiques, in Art.
médical, t. I, p. 509.)
Du reste , Virchow ne peut nier que la fibrine
ne serve à la formation des néoplasies, il y croit
comme nous, mais la nécessité de la doctrine cellulaire
lui fait oublier ce qu'il écrit. Ainsi, à la page 191, il dit
textuellement que les thromboses peuvent se transformer
en tissu cancéreux ! « Tantôt l'altération attaque les pa-
rois veineuses qui deviennent réellement cancéreuses et,
au bout d'un certain temps, le cancer pénètre dans le
vaisseau et se propage dans son intérieur ; tantôt il se
forme un thrombus dans le point attaqué ; le thrombus
entoure plus ou moins le bouchon cancéreux et il est
envahi par la masse cancéreuse. »
Ainsi, la loi posée par J.-P. Tessier est vraie, les néo-
plasies résultent de la transformation des solides et des
liquides coagulables du corps vivant.
§ II. — Les néoplasies se divisent en homologues et
et en hétérologues. Les néoplasies hétérologues sont
formées de cellules ayant leurs analogues dans des
types physiologiques.
28 MÉDECINE GÉNÉRALE.
Voici les passages dans lesquels Virchow expose ses
idées sur ce point.
« Nous devons donner le nom de néoplasies héléro-
logues non-seulement aux tumeurs malignes et aux
productions dégénératrices, mais encore à tout tissu qui
s'éloigne du type propre au lieu auquel il se forme :
nous nommerons homologues toutes les nouvelles for-
mations qui reproduisent le type du lieu où elles sont
engendrées » (p. 394).
Dans ce passage, hêtérohgue n'est pas synonyme de
malin, puisque Virchow appelle néoplasies hé térologues,
non- seulement les tumeurs malignes, mais encore celles
qui sont constituées par des cellules étrangères au type
du lieu où elles se développent. Mais, à la page suivante,
h('térologue et malin deviennent synonymes, comme
aussi homologue et hénin :
«Dans le sens restreint de ce mot, on ne regarde
comme destructeur que les néoplasies hétérologues. Les
néoplasies homologues peuvent devenir nuisibles par
accident, mais elles n'ont pas le caractère destructif et
malin, dans le sens qu'on attache traditionnellement à
ces mots » (p. 395).
A la fin de ce même chapitre, les relations entre les
mots malin et hétérologue, bénin et homologue, sont
encore changés, puisque les tissus homologues peuvent
devenir malins.
« Les tumeurs analogues aux substances de tissu con-
jonctif et qui semblent entièrement homologues et bé-
nignes présentent aussi cette particularité d'être plus in-
fectantes lorsqu'elles sont plus riches en suc et de l'être
moins lorsqu'elles sont sèches. Un myxome qui contient
beaucoup de liquides est toujours une tumeur suspecte :
suivant la quantité de suc qu'elle contient, elle récidivera
ou non. » (P. 431 .) De même pour la tumeur cartilagi-
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 29
neuse (enchondrome), de même pour les fibromes. La
malignité n'est donc plus constituée par l'hétérologie mais
par la quantité de suc que contient la néoplasieet «surtout
si ce liquide peut exercer sur les parties voisines une in-
fluence pernicieuse, être contagieux ou irritant » (p. 430).
Obscurité, contradiction, explication fantaisiste, tous
les défauts de Virchow se retrouvent à propos de cette
distinction des néoplasies en homologues et hétérolo-
gues. Du reste, il faut avouer que le sujet est aujour-
d'hui extrêmement difficile à débrouiller. Les néopla-
sies présentent d une part des tissus qui, comme le can-
cer et le tubercule, diffèrent complètement, au moins
quant à leur forme extérieure, des tissus normaux; de
l'autre, des produits qui paraissent de simples hyper-
plasies comme les tumeurs fibreuses et les lipomes. Il
semble qu'il y ait là une base assurée de classification,
mais l'inspection microscopique vient démontrer que
ces tissus en apparence si différents des tissus normaux
sont cependant composés d'éléments anatomiques ana-
logues à ceux des tissus physiologiques. Comment alors
appeler hétérologues des néoplasies composées de cel-
lules homologues? Ajoutez à ces notions déjà contradic-
toires que les tumeurs composéss de tissus parfaitement
homologues, des tumeurs qui ne sont que de simples
hyperpiasies, peuvent devenir malignes, et vous aurez
une idée de la confusion qui règne sur ce point d'ana-
tomie pathologique.
Cette confusion est née précisément des travaux les
plus récents sur la structure intime des néoplasies et
de la valeur trop absolue que les micrographes et
Virchow en particulier ont accordée à ce fait incontes-
table aujourd'hui : les néoplasies sont toujours compo-
sées d'éléments anatomiques qui ont leur analogue dans
l'état physiologique.
30 MÉDECINE GENERALE.
Dans la première partie de cet article, nous avons
exposé les opinions de Virchow sur ce point. — Les
tissus hétérologues sont composés de cellules apparte-
nant à un autre point du corps ou à la vie embryonnaire,
hétêrotopie, hétêrochronie. A propos de l'histoire des néo-
plasies en particulier, notre auteur rapporte la cellule
tuberculeuse à la cellule des ganglions lymphatiques,
la cellule cancéreuse à la cellule épithéliale, le globule
du pus au globule blanc du sang, etc., etc. Mais l'er-
reur de Virchow et de ses élèves consiste à faire d'une
analogie une similitude. Pour lui, les néoplasies ne
sont pas seulement composées d'éléments dont on peut
retrouver des types dans des tissus physiologiques, ce
sont des éléments identiques à ces tissus physiologiques,
mais qui se sont trompés de temps ou de lieu, ce sont
de vraies cellules épithéliales qu'on retrouve dans le
cancer, c'est bien la gélatine de Warthon qui compose
certaines tumeurs colloïdes; en un mot, il n'y a point
de cellules pathologiques, elles ne sont telles que par
hétêrochronie ou hétérotopie.
Gomment comprendre maintenant qu'avec des cel-
lules parfaitement physiologiques on puisse faire des
tissus pathologiques ; que des cellules épithéliales puis-
sent constituer un tissu aussi étranger à l'organisme que
celui du cancer, que les cellules des ganglions lympha-
tiques puissent faire du tissu tuberculeux ou même que
des globules blancs dusangconstituent un liquide aussi
peu physiologique que le pus!
Il y a là évidemment une erreur et, cette erreur vient
d'une exagération que notre école a su éviter.
En i855, M. Frédault publia dans CArt médical, sur
\ organisation pathologique, un chapitre remarquable qui
se terminait par les lignes suivantes :
« Il n'est donc pas possible que X élément hétêrologue
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VIRCHOW ET LÀ PATHOLOGIE CELLULAIRE. 31
soit autre chose qu'un produit pathologique, c'est-à-dire
une forme morbide, une aberration de l'acte organisa-
teur, et, à ce titre, il est de même nature que s'il était
analogue, il suit la même loi et se fait par le même acte.
Seulement, dans un cas, l'acte normal, dévié dans sa
raison d'être, reste normal dans sa forme, tandis que
dans t 'autre il est altéré dans F un et T autre; il y a un degré
de perversion de plus, rien au delà. Aussi le produit hé-
térologue n'est pas changé et on ne peut pas dire qu'il
soit tout à fait sans analogue, car il rappelle des formes
dont il est une déviation, et il s'y rapporte au même titre
que toutes les déviations possibles; les monstruosités
peuvent toujours être rapportées au type dont elles
sont une aberration. Aussi, pour nous, la question est-
elle tout entière ainsi fixée : rapporter les formes hétéro-
loques aux formes normales ou aux formes analogues dont
elles sont une aberration. (Art médical, année 1855, t. Il,
p. 268.)
Le Dr Frédault ne s'est pas borné à émettre d'une
manière purement spéculative celte doctrine de l'ana-
logie entre les cellules des tissus hétérologues et les
cellules des tissus physiologiques, il s'est appliqué à re-
chercher cette analogie pour le tubercule, pour le can-
cer et pour le pus. On ne peut donc contester que le
D* Frédault n'ait devancé Virchow et ses élèves sur cette
question, comme il avait été devancé lui-même par les
travaux de Muller. Mais, de plus, notre ami n'a pas fait
une identité de ce qui n'est qu'une analogie; il a séparé
nettement le terrain physiologique du terrain patholo-
gique, et tout en rapportant à des types physiologiques
les éléments des néoplasies, il constate que ce sont des
éléments déviés et malades.
En résumé et pour ce qui se rapporte à la question
d'anatomie pathologique générale, il me semble dé-
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32 PATHOLOGIE.
montré que les néoplasies solides et liquides sont des
transformations; que ces transformations sont sous la
dépendance du même principe d'activité que les forma-
tions physiologiques, principe d'activité dévié par
la maladie; que les néoplasies se font aux dépens des
solides et des liquides coagulables de l'économie.
Nous allons exposer maintenant les opinions particu-
lières de Virchow sur le pus, le tubercule et le cancer,
et c'est à propos de cette dernière néoplasie que nous
examinerons l'étrange opinion de Virchow sur l'exten-
sion, la reproduction et la multiplication du cancer dans
l'organisme à l'aide d'un suc contagieux.
P. Joussbt.
— La suite aa prochain numéro. —
PATHOLOGIE
NOTES SUR QUELQUES OBSERVATIONS DE
GARDO-AORT1TE HÉMORRHOIDAIRE.
Troisième article (V,.
La lecture des trois observations qui précèdent a mis
en évidence le but de ce mémoire. Chacune d'elles, en
effet, présente le récit d'une de ces évolutions patholo-
giques, longues, compliquées, mobiles dans leurs as-
pects, qui caractérisent à l'ordinaire la maladie hémor-
rhoïdaire. A travers ces affections si diverses la cardo-
aortite tient une place importante, parfois prépondérante,
toutefois sans qu'il soit jamais possible de lui attribuer
le rôle de cause prochaine. Cependant, encore bien
qu'elle apparaisse toujours subordonnée au mouvement
(1) Voir les numéros de septembre et décembre 4869.
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OBSERVATIONS DE CARDO-AORTITE. 33
morbide d'une maladie constitutionnelle, il est superflu
de démontrer qu'il est de réelle importance de l'étudier
à part et, dégagée des autres incidents de la maladie. Il
doit résulter de cette appréciation particulière un double
profit : d'abord pour la maladie hémorrhoïdaire qu'il
importe, plus que jamais, de sortir du vague mal défini
où la délaissent les nosographes modernes, puis, pour
les affections du cœur tout aussi mal définies et étroite-
ment interprétées par l'organicisme qui, depuis Laënnec,
a prévalu dans leur histoire.
Il est certain que l'étude de la cardo-aortite introduit
une distinction, une ligne de démarcation utile dans ce
sujet où la multiplicité des détails, la subtilité des finesses
du diagnostic local et organique, obstruent souvent le
jugement du médecin plutôt qu'elles ne l'enrichissent
véritablement.
Aussi bien ne s'agit-il point ici de contester aucun
des résultats acquis, de quelque importaneequ'ils puissent
paraître. Il est plutôt question de subordonner à un
ordre hiérarchique plus scientifique, par conséquent
plus fécond, les innombrables lésions cardiaques dé-
crites par les anatomo-pathologistes.
Or, pour parvenir à un résultat chaque jour plus né-
cessaire, il est évident que l'analomie pathologique et
l t-lude des altérations fonctionnelles superposées sou-
vent bien péniblement sur les lésions cardiaques sont
insuffisantes. Non pas qu'il faille nier aucune des
nuances observées, mais de nouveaux groupements, de
nouveaux points de vue sont réclamés pour féconder le
sujet.
La cardo-aortite est un de ces groupements nouveaux,
une distinction spécifique d'autant plus importante
qu elle résume un double point de vue : des signes locaux
et des réactions ou influences constitutionnelles et dia-
TOME XXXI. — JANVIER 1870, 3
34 PATHOLOGIE.
thésiques. En d'autres termes, le groupement sympto-
matique des signes physiques auquel Bizot et Tessier
ont donné le nom de cardo-aortite ne demeure pas à
l'état de simple constatation de lésions, comme il arrive
si souvent dans la description des maladies dites orga-
niques du cœur, il appelle immédiatement des influences
pathologiques générales. Dans le mémoire de Tessier,
c'est la goutte, dans les observations que nous présen-
tons, c'est la maladie hémorrhoïdaire qui est la cause
prochaine de l'affection locale, en tant qu'il soit permis
de donner le nom d'affection locale à un état morbide
qui ne se présente jamais que déterminé par une in-
fluence diathésique.
Cependant, reconnaissons-le tout d'abord, si la cardo-
aortite nous paraît une réalité, une distinction des plus
utiles, ce n'est pas à dire que dans notre pensée le sujet
soit complètement élucidé, qu'il ne demeure encore en-
touré de beaucoup d'obscurités et de chances d'erreurs
possibles. Tout ce qui a trait aux maladies du cœur est
difficile. Pour la cardo-aortite, le diagnostic est par-
fois bien malaisé. Aussi avantque de conclure, trouvons-
nous utile de nous arrêter quelques instants pour déli-
miter autant qu'il sera en nous les signes diagnostics
de cette affection.
Y a t-il des prodromes, des signes précurseurs de
l'apparition de la cardo-aortite? L'affirmation est difficile
à établir, si l'on songe que l'affection s'intro luit à peu
près toujours dans le mouvement d'une maladie com-
mencée. Cependant nous ne croyons pas trop avancer
en disant qu'un peu de dypsnée passagère et revenant
par intervalles, de la jactitation, de l'insomnie, sont des
symptômes avant-coureurs fréquents, sans oublier des
palpitations de cœur procédant par attaques. Chez un
de nos sujets, ces crises de cardo-aortites sont toujours
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OBSERVATIONS DR C ARDO-AORTITE . 35
signalées par une attaque d'asthme de plusieurs heures
avec sibilance et grand bruit dans la poitrine, mais ce
n'est pas l'ordinaire. Puis les signes proprement dits
apparaissent.
D'abord la douleur, caractéristique par son s-iége
placé en haut et en dedans de la cagethoracique, proche
la ligne médiane, sous la première pièce du sternum,
se prolongeant jusqu'à la clavicule. Cette douleur est
si poignante, si aiguë, que l'on ne saurait l'attribuer
exclusivement à la suffocation produite par laphlegma-
sie. Il faut croire que les nerfs laryngés récurrents qui
s'enroulent autour de la crosse de l'aorte, tiennent une
certaine place dans le fait physiologique de celte dou-
leur qui nous parait bien plus aiguë que la douleur de
l'endocardite.
La marche de l'œdème est caractéristique, sui yeneris,
capable d'être distinguée de celle de tous les autres œdè-
mes aigus. On le voit débuter par la main gauche et se
montrer rapidement à la main droite, puis au visage,
puisa la poitrine. Ce n'est que plus- tard, quand la ma-
ladie a duré et fait de grands progrès que l'on voit
l enflure gagner le dos et les jambes. Tant qu elle est
circonscrite aux extrémités supérieures, on la voit pa-
raître, disparaître, varier d'intensité. Ces alternatives
peuvent durer pendant bien des jours. Quand l'œdème
sest généralisé et que l'on croit avoir atteint une pé-
riode cachectique, c'est la rétrocession possible de l'en-
flure qui étonne et qui dislingue l'œdème de l'aortite, de
1 hydropisie ultime dépendant des altérations valvu-
laires.
Ici encore, plusieurs alternatives donnent lieu à des
variations dévolutions subordonnées à la présence de
certaines lésions.
Si comme pour notre sœur de charité, il n'y a pas
36 PATHOLOGIE.
de catarrhe, peu ou point d'oedème pulmonaire, on voit
cette énorme hydropisie fondre en deux ou trois jours
avec une incroyable rapidité devant la détermination
hémorrhoïdaire.
S'il y a des localisations pulmonaires, comme c'est
l'ordinaire chez les vieillards, comme on en voit un
exemple, et ici dans notre seconde observation, la dis-
parition de l'œdème est beaucoup plus lente. Elle peut
durer plusieurs mois à s'opérer. L'œdème disparaît le
plus souvent après qu'il s'est établi un flux diarrhéique
matutinal substitutif de la fluxion hémorrhoïdaire, qui
ne revient guère à un âge avancé.
Mais les signes qu'il faut apprécier avec le plus d'exac-
titude dans la séméiotique de la cardo-aortite, ce sont
ceux qui sont présentés par le pouls et les battements
du cœur.
Le médecin a devant lui un malade qui présente à un
haut degré tous les symptômes d'une maladie du
cœur; cependant il n'y a pas de bruits valvulaires.
On constate du souffle sur le trajet de l'aorte, encore pas
toujours; enfln, une parfaite régularité dans lerhythme
des mouvements du cœur et dans les battements du
pouls.
Cette régularité rhythmique se suspend quelquefois :
nous l'avons vue dans des moments de tumulte nerveux,
pendant des crises d'asthme ou de suffocation, pendant
l'essai de moyens thérapeutiques perturbateurs; mais,
après les moments orageux, elle reprend son cours; on
ne la voit pas même se démentir au moment des pério-
des inflammatoires, pendant lesquelles le pouls s'accé-
lère sous l'impulsion de la fièvre.
Est-ce à dire que nous ayons la pensée d'avoir stricte-
ment exprimé tous les signes par lesquels la cardo-aortite
se révèle à l'observateur? Pas le moins du monde, et
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OBSERVATIONS DE CARDO-ÀORTITE. 37
notre prétention ne saurait aller aussi loin. Nous avons
g-arde d'oublier qu'en définitive la cardo-aortite, quoique
n'étant pas, à proprement parler, une affection du cœur,
doit cependant, par nécessité de contiguïté et d'affinité
immédiate, participer, dans une certaine mesure, à
l'ensemble de conséquences anatomiques et physiolo-
giques qu'entraîne avec soi la présence d'un obstacle
dans les voies circulatoires.
Ne pas perdre de vue toutefois que nous étudions une des
affections symptomatiques de la maladie hémorrhoïdaire,
et que tout en accordant une juste part d'influence à l'ac-
tion des obstacles, il est plus important ici de rechercher
et de mettre en évidence la part d'intervention de la
maladie constitutionnelle sur la production des circon-
stances qui engendrent ces obstacles. Or, à cet égard,
il n'est pas possible de ne pas établir de grandes dif-
férences entre les maladies qui ont la faculté de pro-
duire des déterminations sur le cœur et ses annexes.
On sait la puissance d'organisation plastique de la
goutte, et surtout du rhumatisme, sur l'endocarde et
les orifices valvulaires. Il est admis aussi que la
chlorose et les hémorrhoïdes engendrent plus tardive-
ment des altérations des orifices et des modifications
hypertrophiques dans les muscles cardiaques.
Dans ces deux dernières maladies, le cœur est soumis
à des palpitations nerveuses, à des flux < ns sanguines.
Ces circonstances, à la longue, engendrent des condi-
tions d'hypertrophie et de dilatation dans le tissu muscu-
laire, des insuffisances aux orifices ; par voie de consé-
quence, dans ces maladies, le cœur est soumis aux lois
de la compensation, puisa l'asysto!ie,si la cachexie sur-
vient. Mais combien les résultats sont ici différents de ce
qu'ils sont pour la goutte et le rhumatisme! Quelle évo-
lution différente, quelle intensité moindre, quelles varié-
38 PATHOLOGIE.
tés dans les temps d'arrêts! En définitive, les dépôts
plastiques sont moin^ fréquents et plus tardifs, de même
pour les déformations valvulaires aussi.
Ces remarques préjudicielles étant faites, il est permis
de se demander quelle est, à l'égard des faits de com-
pensation et d'asystolie, la part de la cardo-aortite. Il est
certain que cette part d'influence existe; mais en même
temps il est impossible de dissimuler que rien n'est
encore plus difficile que de donner à cette part d'action
une limite exacte.
Pour pouvoir le faire, il faudrait qu'il fût possible
d'affirmer que toutes les lésions du cœur et de ses an-
nexes se traduisent par des bruits de souffle ou autres
exactement correspondants. Or, qui ignore que de nom-
breuses affections des valvules mitrales et aorliques
peuvent accomplir toutes leurs périodes sans se révéler
par des bruits correspondants? Il est plus que vraisem-
blable qu'il en est de même pour l'aortite. Cette affec-
tion, nous l avons vu, procède par fluxions, qui se suc-
cèdent à des époques invgulières, souvent fort distantes.
Qui peut savoir si tous les mouvements fluxionnaires
qui engendrent l'aortite laissent des traces, et, si ces
traces persistent, si ces lésions sont assez accusées sur
les tuniques artérielles pour déterminer des signes phy-
siques? Il est bien plus probable que bon nombre de ces
cardo-aortites légères, passent inaperçues, et qu'il faut
qu'elles se soient souvent reproduites pour laisser sur
les tuniques artérielles des lésions sensibles. Pour se
douter de leur présence, l'observateur n'a pas d'autres
guides que des troubles fonction nels, qu'il faut savoir
interpréter. C'est de la séuiéiotique délicate s'il en fût;
car ces troubles sont des dyspnées, de l'oppression fu-
gace, de la gêne, une certaine angoisse mal définie.
Ajouter que ces troubles fonctionnels interviennent sou-
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OBSERVATIONS DE CARDO-AORTITB. 39
vent au début d'un catarrhe avec des fluxions hémor-
rlioïdaires du côté du foie ou de l'estomac, qu'il n'y a
pas de bruit de souffle ou seulement un souffle passa-
ger, et l'on pourra juger de l'incertitude où l'on pourra
tomber.
11 y a des degrés infinis depuis la fluxion aortique
légère la plus aisée à méconnaître, jusqu'à des attaques
telles que celles que nous avons dù décrire dans nos ob-
servations. Ces attaques présentent les signes du sum-
mum d'intensité. Tous les signes que nous avons con-
densés tout à l'heure s'y rencontrent : le souffle, la
douleur, l'œdème qui apparaît quand la lésion aortique
a quelque peu duré. Plus de doute possible; mais, quand
l'orage est tombé, les signes s'aflaiblissentet Ton demeure
élon néde la variubili té q ui peutse produire dans les signes
persistants. Chez certains malades, le souffle continue
comme dans notre observation n° 3; chez d'autres, le
souffle dispar aît comme dans l'observation n°2. Mais ce
qui chez nos hémorrhoïdaires (car ne perdons pas de vue
que ce sont eux que nous étudions) manque bien rare-
ment, pour ne pas dire jamais, c'est une gêne habituelle
dans la respiration ; ce sont des tumultes prompts vers
le cœur à la moindre émotion, à la plus petite fati-
gue, etc.
Quand l'aorte et le cœur sont de la sorte soumis à des
lésions anatomiques et à des troubles fonctionnels aussi
évidents, nul doute que la série des phénomènes de la
compensation ne s'établisse, de même que ceux de l'asy-
stolie, si manifestes et si douloureux chez certains hé-
morrhoïdaires anémiques. On sait les accidents de syn-
cope que cette disposition organique constitue à l'état
de menace perpétuelle.
Quand les hémorrhoïdaires sont forts et puissants, les
compensations hypertrophiques sont pins fréquentes;
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40 PATHOLOGIE.
mais alors ce sont, à l'ordinaire, les dispositions gout-
teuses qui dominent chez les sujets affectés. Il est inutile
de revenir ici sur les relations des hémorrhoïdes et de
lu goutte; cette question a été traitée dans la première
partie de ce mémoire.
Nous n'insisterons pas sur les phénomènes nerveux
qui se superposent si souvent aux symptômes de la
cardo-aortite. Ils peuvent, nous l avons vu, réaliser un
degré d'intensité extraordinaire; mais ces phénomènes
sont plutôt dus à la maladie hémorrhoïdaire qu'à la
localisation aortique. Il suffit d'en signaler la possibilité,
car, par leur présence et l'infinie variabilité de leurs
aspects, ils compliquent singulièrement la situation.
Ajoutons, toutefois, qu'ils peuvent parfaitement être
absents.
A propos des phénomènes nerveux il est permis de se
demander si l'intermittence du pouls est un signe de
cardo-aortite. Dans les périodes d'acuité et de violence de
l'affection nous ne l'avons jamais constatée; au contraire,
le pouls dans ces moments où la'phlegmasic est en voie
d'organisation, le rhythmeest d autant plus régulier que
les pulsations sont plus actives.
Maintenant, en dehors de ces périodes d'acuité, il y a
des irrégularités dans le pouls chez plusieurs sujets.
Ces irrégularités sont tantôt l'intermittence à longues
distances, tantôt des variabilités d'intensité moins ca-
ractéristiques. Ces différences de rhythme s'observent
plutôt chez les vieillards ou chez des sujets hémorrhoï-
daires disposés aux palpitations tumultueuses. Nous
n'avons pas, à ce propos, la pensée d'exprimer un sen-
timent absolu; mais, dans les malades qui ont été soumis
à notre observation, l'intermittence nous a paru être un
symptôme de cachexie chez des hémorroïdaires voisins
del'asystolie, plutôt qu'un signe proprement ditd'aortite.
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OBSERVATIONS DE CARDO-AORTITE . 41
Enûn, il est impossible de ne pas rappeler ici que
dans des cas d'insuffisance bien caractérisés de Ja val-
vule mitrale traduits par le souffle classique, on voit
tout à coup le souffle disparaître; la lésion ne disparaît
pas cependant. Des faits de cette nature ont été constatés
par les observateurs les plus sérieux. Tout porte à croire
qu'il en est de même pour l'aortite et que l'observateur
voit tout à coup dans certains cas , dans certaines cir-
constances, qu'il est jusqu'à présent impossible de dé-
Gnir, le souffle faire silence.
Au point de vue du diagnostic, il n'y a que l'endo-
cardite que l'on puisse confondre avec l'aortite. Il est
certain que la confusion a dû se produire souvent et
qu elle doit encore se présenter. Nous avons établi tout
à l'heure les caractères nosographiques de l'aortite. II
n'y a pas lieu de les reproduire ici : rappelons seule-
ment—comme traits séméiotiques importants de l'aor-
tite — la plus longue durée delà maladie à l'état aigu,
le siège de la douleur, la marche de l'œdème, enfin le
rhylhme du pouls qui demeure toujours régulier malg ré
lïntensité du mouvement fébrile.
Dans l'endocardite, la maladie est moins longue
quelle que soit son issue. Si elle doit être mortelle, ter-
minaison à l'état aigu plus fréquente que pour l'aortite,
la conclusion est plus rapide. La douleur précordiale
dans l'endocardite est moins poignante, moins aiguë,
souvent elle est nulle. Le rhythme du pouls dans l'endo-
cardite s'altère plus vite, ce qui se conçoit, par le fuit
des dépôts plastiques qui s'opèrent sur les valvules et
altèrent rapidement les mouvements par la production
de l'insu Aisance.
.Mais des considérations plus élevées dominent heu-
reusement le menu détail des symptômes, ce sont les
états constitutionnels qui engendrent ces détermina-
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42 PATHOLOGIE.
lions locales. L'endocardite aiguë Irès-souvent unie à la
péricardite est à l'ordinaire, pour ne pas dire toujours,
une métastase rhumatismale. L'aorlile est un symptôme
de l'alcoolisme, de la dartre; mais, avant tout et surtout
de la maladie hémorrhoïdaire. Nous n'oublions pas la
goutte, mais c'est encore dans l'évolution complexe des
hémorrhoïdes, combinées avec la dartre, que l'on trou-
vera le plus souvent les types les plus accuses, les plus
distincts de la cardo-aortite.
Etudiée sous linfluencede ces données nosologiques,
nous osons croire que la constitution de la cardo-aortile
est d'une réelle importance pour élucider la nosogra-
phie si obscure encore des affections du cœur. Ce ne
sont certes pas les matériaux qui manquent, il n'y en
a que trop. Les auteurs modernes ont poussé jusqu'à la
sublilité l'élude analytique des lésions de l'organe et
celle des phénomènes physiques qui les doivent tra-
duire, assure-t-on, avec une régularité mathématique.
Il y a là du luxe inutile au milieu de vraies ri-
chesses. De là à l'obscurité, à la fatigue, il n'y avait
qu'un pas, et qui oserait dire qu'il n'a pas été fran-
chi?
Si l'on veut débrouiller ce chaos et rétablir l'intérêt
dans un sujet difficile, il faut envisager la question de
haut, il faut établir des distinctions, en étudiant ces
maladies dites du cœur ù travers les maladies constitu-
tionnelles dont, dans l'immense majorité des cas, ces états
organo-pathologiques relèvent comme affections sympto-
matiques.
La cardo-aortite lient, à l'égard de la maladie hémor-
rhoïdaire, de la dartre, de la goutte, de l'alcoolisme et
de la chlorose, la même place que l'endocardite et la
péricardite tiennent dans l'histoire du rhumatisme. Nul
doute que de réels progrès ne résultent pour la science
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OBSERVATIONS DE CARDO-AORTITE . 43
de l'étude approfondie de cette affection locale en re-
gard de ces maladies constitutionnelles.
Eu égard au pronostic, la valeur de l'aortite est con-
sidérable et doit être d'un grand poids dans les résolu-
tions du médecin.
L'aortite aiguë est toujours un accident grave; elle
peut être mortelle. Mais, quand par un traitement bien
dirigé le sujet est parvenu à surmonter le mal, il n'est
pas immédiatement exposé à entrer dans la voie chro-
nique et cachectique.
D'autre part, il faut savoir, et ceci est un fait patho-
logique jusqu'ici inaperçu de beaucoup de médecins,
que 1 aortile procède souvent par petites attaques aiguës,
courtes, chacune en soi de peu de gravité, mais qui ne
laissent pas que d'avoir de la valeur pour le pronostic
général. Ces petites attaques se dissimulent souvent en
se combinant avec des catarrhes, des (luxions hémor-
rhoïdaires, des crises dégoutte anomale ou de sciatique.
Interprétée en présence de ces faits d'ordre divers,
l'affection si caractéristique de l'aortite acquiert une
importance sérieuse. Quand cette courte étude n'aurait
d'autre mérite que celui d'attirer l'attention sur des faits
obscurs et difficiles , nous estimerions utile de l avoir
entreprise.
Quant au traitement de la cardo-aortite, quelques
renseignements utile > ressortent de notre étude ; nous
les faisons ressortir avec d'autant plus de confiance
qu'ils sont confirmés par des faits déjà nombreux rela-
tés dans les mémoires des auteurs qui nous ont pré-
cédé. 11 y a aussi un enseignement indirect à recueillir
dans des observations de maladies du cœur dont les
auteurs n'ont point songé à la distinction de la cardo-
aortite.
Dans la période phlegmasique de début, aconit, bella-
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44 MÉDECINE PRATIQUE.
dona, apis, sont les médicaments appelés à rendre ser-
vice. — Plus tard, quand la lésion de l'aorte est confir-
mée, nua\ lachesis sont utiles, mais aucun médicament
ne produira des effets aussi efficaces que lactande et l'ar-
senite d antimoine.
Edouard Dufresne
(de Genève).
MEDECINE PRATIQUE
CAUSERIES CLINIQUES
TOMB II
XI
TRAITEMENT DE IJl DIPHTHÉRIB.
I. Il y a déjà quelque temps, j'abordai cette ques-
tion en conversant avec un chirurgien des hôpitaux : je
lui demandai quelle médication il employait contre cette
maladie et quels en étaient les résultats?
— J'ai traité, me dit-il, par la cautérisation avec le
nitrate d'argent, environ 60 ou 80 angines couenneuses
et j'en ai perdu seulement trois ou quatre, qui ont suc-
combé au croup.
— Mais, lui répliquais-je, quels sont, pour vous, les
signes caractéristiques et différentiels de l'angine couen-
neuse, et quelles formes de celte maladie avez- vous trai-
tées?
— Quand je vois chez mes malades du blanc au fond
de la gorge, me répondit-il familièrement, je cautérise.
Si j'ai affaire à la véritable angine couenneuse diphthé-
ritique, je la guéris, et habituellement je préviens le déve-
loppement du croup. Si je n'ai à soigner qu'une angine
pseudo-diphthéritique, je la fais disparaître d'autant
plus rapidement.
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CAUSERIES CLINIQUES. 45
Je ne poursuivis pas plus loin la conversation; car, si
j'avais à discuter avec un chirurgien fort intelligent,
studieux même, et d'ailleurs pourvu de toutes les con-
naissances dites classiques, il cherchait peu, on le voit,
à distinguer de la diphlhérie les six espèces d'angines
diphthériformes, et il songeait encore bien moins à dis-
tinguer, entre elles, les cinq formes de la diphlhérie qui
constituent pourtant comme cinq angines différentes
quant à la gravité, au pronostic et au traitement. Dans
ces onze sortes d'angines, il voyait du blanc au fond de la
fjorge^ suivant son expression, et il cautérisait et recau-
térisait. Le plus souvent, paraît-il, il eut à soigner des
angines diphthériformes ou des diphthéries de forme
bénigne et commune. Aussi obtint-il un nombre consi-
dérable de guérisons qu'il attribue à la cautérisation.
Dès lors, celle-ci est devenue pour lui, en pareil cas, un
spécifique, grâce à la double confusion nosologique
qu'il a commise, confusion des espèces d'angine et con-
fusion des formes de la diphlhérie.
Du reste, je le présume, la plupart des médecins et
des chirurgiens des hôpitaux commettent, comme les
simples praticiens, cette double confusion nosologique;
sinon, on n'aurait pas traité un aussi grand nombre de
malades sans avoir trouvé depuis longtemps déjà les
remèdes appropriés respectivement aux angines diph-
thériformes et aux cinq formes de la diphthérie.
Pour mettre fin à la confusion nosologique dont j'ai
voulu citer un exemple frappant, confusion qui est la
première source des errements thérapeutiques, je vais
essayer de décrire brièvement, d'une part, les six es-
pèces d'angines diphthériformes, et, de l'autre, les cinq
formes de la diphlhérie, en signalant surtout leurs carac-
tères différentiels. Puis, analysant, à la lumière de cette
double distinction, les observations cliniques plus loin
46 MÉDECINE PRATIQUE.
rappelées, je pourrais classer celles-ci, chacune dans sa
forme respective, sans avoir besoin de les reproduire
tout entières, ce qui abrégera beaucoup mon mémoire
et surtout m'évitera des répétitions fastidieuses. Cette
étude n'ayant jamais été tentée d'après cette méthode,
le lecteur voudra bien être indulgent pour l'essai qui
va suivre.
II. Dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences mé-
dicales, actuellement en voie de publication, le Dr -Michel
Peter a donné, à l'article angine (IV, 709), des rensei-
gnements instructifs que je vais reproduire en partie et
même tâcher de compléter. J'emprunterai aussi à la
Médecine pratique du Dr Jotisset (I, 289), des documents
que je tenterai pareillement de compléter.
Dans sept affections différentes du pharynx, on ob-
serve des taches blanches ou des plaques d'apparence
couenneuse. Autrement dit, on constate cette lésion dans
sept sortes d'angines, dont les unes sont essentielles,
dont les autres ne sont que des formes ou même des
variétés anatomiques, lesquelles doivent être réparties
en quatre catégories :
1° Les angines avec productions d'un élément parasi-
taire : l'angine du muguet;
2° Les angines avec sécrétion exagérée d'un produit
normal: l'angine tonsillaire et l'angine pultacée;
3° Les angines avec sécrétion d'un produit anormal,
la fibrine, et avec ulcération de la membrane muqueuse :
l'angine aphtheuse, l'angine ulcéreuse si Y angine herpétique;
4° Les angines avec sécrétion d'un produit anormal,
la fibrine, et avec intégrité de la membrane muqueuse :
l'angine diphthéritique.
Je vais rappeler sommairement les caractères locaux
différentiels de toutes ces angines.
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CAUSERIES CLINIQUES. 47
III. Première catégorie: angine avec production d'un
élément parasitaire. — Le muguet est une maladie propre
aux nouveau-nés et rarement observée chez eux après
le second mois. Il est caractérisé par l'inflammation de
U muqueuse digestive et par la production de Y oïdium
afbicans sur cette muqueuse. Il est constitué par des
disques formés de grains blanchâtres, arrondis, isolés,
comparables à des grains de millet. Ils deviennent ra-
pidement d'un blanc semblable à celui du lait caillé,
■gros, arrondis, confluents et surtout abondants sur la
langue. Il apparaissent sur toutes les parties de la
bouche avant ou en même temps que sur le pharynx, et
celui-ci n'est jamais atteint isolément, exclusivement.
Le microscope les montre composés d'un amas de spores
et d'un feutrage de cylindres tubuleux. La forme bénigne
du muguet, caractérisée par l'absence de symptômes
généraux, guérit facilement. La forme commune s'ac-
compagne d'une véritable cachexie ; elle est mortelle
20 fois sur 22, dans les hospices de nouveau-nés (Val-
leix).
IV. Deuxième catégorie : angines avec sécrétion exa-
gérée d'un produit normal : l'angine tonsillaire et l'an-
gine pultacée.
L'angine tonsillaire, ou amygdalite, est caractérisée par
une hypersécrétion de matière sébacée; elle présente des
taches blanches à l'orifice des follicules amygdaliens.
G est une matière caséeuse, grasse, assez odorante; on
la détache des conduits qu'elle encombre en pressant ou
en frottant ceux-ci avec une spatule. Cette affection, le
plus souvent chronique ou subaiguë, ne s'accompagne
pas d'adénite sous-maxillaire et guérit toujours, plus ou
moins rapidement, suivant la médication employée.
V. L'angine pullacée est une angine inflammatoire
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48 MÉDECINE PRATIQUE.
avec hyperémie et desquamation de l'épithélium. Elle
présente, sur une et le plus souvent sur les deux amygda-
les, des fausses membranes blanches que le microscope
montre composées de cellules épithéliales. Ces fausses
membranes sont épaisses, molles, peu adhérentes et
déposées par îlots ou plaques sur une muqueuse intacte.
S'il y a adénite sous-maxillaire, elle est peu prononcée
et peu douloureuse, ce qui la distingue de l'adénite, de
la diphthérie, qui est très-caracté risée et beaucoup plus
douloureuse. Elle guérit toujours, môme sans traiteâ
ment et plus vite si celui-ci est bien approprié. Traite-
ment préconisé par le Dr Jousset : solubilis, belladona,
lachesLs. Ajoutons : cyanure de mercure, huit chlnricum.
VI. Troisième catégorie : angines avec sécrétion d'un
produit normal librineux et ulcération de la membrane
muqueuse : angine ou stomatite ulcéreuse, angine aph-
theuse, angine herpétique.
L'angine ulcéreuse accompagne à peu près toujours la
stomatite ulcéreuse, dont elle est une afTection. Sur 95
cas de stomatite ulcéreuse, M. Bergeron n'a constaté
que 6 fuis l'angine ulcéreuse et une seule fois l'existence
isolée de cette angine. Celle-ci, comme la stomatite ul-
céreuse, est une maladie de caserne et d'hôpilaux, rare
pendant l'allaitement et la première enfance. Les sym-
ptômes et lésions de la stomatite ulcéreuse évoluent dans
l'ordre suivant : après quelques jours de malaise, gen-
cives rouges, boursouflées, saignantes, se recouvrant
bientôt d'un enduit pultacé grisâtre; salivation aug-
mentée, ganglions sous-maxillaires tuméfiés et légère-
ment douloureux au toucher; apparition de plaques
jaunâtres légèrement saillantes qui se réunissent et
constituent alors des plaques plus grandes et très-adhé-
rentes. Si on les enlève, on trouve l'épithélium détruit,
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CAUSERIES CLINIQUES. 49
la muqueuse excoriée et saignante; puis se montrent
île véritables ulcérations durant des semaines. D'après
M. Bergeron, les ulcérations débuteraient toujours par
la gencive de la mâchoire inférieure, et, quand il existe
des ulcérations pariétales, elles sont limitées à un seul
coté. Plus haut, nous avons rappelé que ce médecin a
constaté une seule fois, sur 95 cas, l'ulcération de la
muqueuse existant uniquement sur le pharynx, siège
ordinaire de la diphthérie. L'altération de la muqueuse
guérit plus ou moins longuement, difficilement, mais
elle guérit toujours, à moins qu'elle ne soit compliquée
de gangrène, de cachexie.
VIL L' angine aphtheme n'existe presque jamais sans
la stomatite aphtheuse. Celle-ci, après du malaise ou
même de la lièvre, débute par une vésicule reposant par
une papule très-rouge et marquée à son centre d'un
point plus sombre. La vésicule s'élargit, crève et laisse
échapper un liquide d'abord blanchâtre, puis puriforme;
à la vésicule crevée succède une ulcération arrondie, à
bords rouges tuméfiés et taillés à pic. Le fond de l'ulcère
est grisâtre et ne présente jamais d'induration, ce qui
le distingue du chancre syphilitique. Il y a ordinaire-
ment salivation, mais rarement fétidité. L'aphthe occupe
les diverses parois de la bouche et il est rarement isolé,
aussi est-il exceptionnel de le voir siéger exclusivement
à l'isthme du gosier ; sa durée est d'un septénaire, quel-
quefois de deux.
VIII. L'angine herpétique présente une éruption
d'herpès sur les amygdales, coïncidant souvent, sinon
toujours, avec une éruption d'herpès sur les lèvres, la
face, les parties latérales du cou ou les parties génitales
et l'absence d'adénite sous-maxillaire; cependant on
TOJIE XXXI. — JANVIER 1870. 4
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50 MÉDECINE PRATIQUE.
observe quelquefois celle-ci chez des sujets très-dartreux.
Quand leruption est bornée aux amygdales, elle se ma-
nifeste par des vésicules siégeant sur une base enflam-
mée. Ces vésicules se rompent et se recouvrent de lymphe
plastique. Ces petits disques de lymphe plastique sont
très-adhérents à la membrane muqueuse, puisqu'ils sont
des produits cicatriciels à la surface d'une érosion.
Quand on réussit à les détacher, on constate une perte
de substance. Si on assiste au début de l'angine herpé-
tique, qu'on voie les vésicules de l'herpès ou qu'il en
existe encore, il est facile de la distinguer de l'angine
diphthéritique. Mais plus tard le diagnostic est beaucoup
plus difficile, lorsque les fausses membranes sont con-
fluenles et forment plaques. Pourtant, si, en même temps
que les plaques couenneuses, il n'y a pas de vésicules,
ni petites ulcérations, ni petites fausses membranes, et
qu'il y ait une adénite sous maxillaire , on devra nier
l'herpès et afGrmer la diphthérie. L'angine herpétique
guérit toujours plus ou moins rapidement, en trois ou
quatre jours, dit le DrJousset. Remèdes efficaces : solu-
bilisa sulfur, kali chloricum, etc.
IX. Quatrième catégorie. Angine avec sécrétion d'un
produit anormal fibrineux et intégrité de la membrane
muqueuse : la diphthérie.
L'angine diphthéritique présente des plaques grises
et plus souvent jaunâtres, confluentes ou le devenant
bientôt, adhérentes à la membrane muqueuse, quoiqu'on
puisse les détacher sans excorier celle-ci. Ordinairement
les fausses membranes paraissent d'abord sur une seule
amygdale, puis envahissent l'autre et le pharynx. Elles
ne présentent pas des dépressions en godet ni des exco-
riations de la muqueuse comme l'angine herpétique. La
diphthérie a des plaques plus étendues, plus jaunes,
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CAUSERIES CLINIQUES. 51
plus consistantes et plus adhérentes que l'angine pul-
tacée. La fausse membrane diphthéritique offre, à l'exa-
men microscopique, de la fibrine amorphe ou finement
striée et contenant de nombreuses cellules de pus. La
diphlhérie, enfin, présente un engorgement des gan-
glions sous-maxillaires et môme cervicaux, plus con-
stant, plus prononcé et plus douloureux que dans aucune
autre angine. Je n'ai pas besoin d'ajouter que l'angine
diphthéritique est, en général, beaucoup plusgraveque
les autres angines, plus ou moins suivant la forme
qu'elle revêt : sa complication avec la laryngite diph-
théritique la rend très-souvent mortelle.
En décrivant plus haut six espèces d'angines, j'ai
montré que deux d'entre elles seulement, l'angine pul-
tacée et l'angine herpétique, pouvaient être confondues
avec l'angine diphthéritique. Aussi ai-je mis en regard
leurs caractères difiérentiels, afin qu'on ne jugeât pas
efficace contre la diphlhérie le traitement qui aurait
réussi dans l'angine pultacée ou dans l'angine herpé-
tique. Mais comme on pourrait encore présumer efficace
contre tous les cas de diphlhérie, la médication qui au-
rait guéri certaines formes de la diphlhérie, je vais
exposer, comparativement, celles-ci, dont la gravité est
fort différente : cela fait déjà prévoir que le traitement
doit varier avec elles. Quand j'aurai rappelé au lecteur
les caractères différentiels des cinq formes de la diph-
lhérie, je pourrai analyser avec lui les observations cli-
niques, publiées sur elle jusqu'ici, et rechercher quels
médicaments se sont montrés efficaces dans chaque
forme de cette grave maladie.
La diphlhérie se manifeste sous les cinq formes sui-
vantes : la forme commune, la forme bénigne, la forme
croupale, la forme putride et la forme ataxique.
52 MÉDECINE PRATIQUE.
X. La forme commune débute par une fièvre violente
ou bien par une fièvrequi s accroît graduellement et peut
monterjusqu'à iGOenvirouchez lesenfants. Puis survient
le gonflement d'une seule amygdale, sur laquelle ap-
paraît une tache blanchâtre qui envahit la luette, l'autre
amygdale préalablement tuméfiée et quelquefois enfin
la partie postérieure des fosses nasales ; il y a alors un
léger nasonnement, mais jamais jetage par les narines,
comme dans la forme putride. Il y a quelquefois enroue-
ment, mais peu intense et peu durable. Les ganglions
sous-maxillaires deviennent douloureux et s'engorgent,
rarement au début, mais le plus souvent à mesure que
se développe la maladie, dont la durée est de cinq à
quinze jours. Les fausses membranes sont pareilles à
celles que je viens de décrire, comme caractérisant
l'angine diphthéritique proprement dite. Laformecom-
mune présente deux variétés : l'une, relativement lé-
gère, dans laquelle le pouls monte de 90 à 120 et les
symptômes locaux et généraux sont modérés; l'autre
variété plus grave, et dans laquelle le pouls monte de
120 à 160, la fausse membrane épaissit, jaunit, noircit
même, durcit et quelquefois exhale une odeur gangré-
neuse. Si la première variété peut guérir sans traite-
ment ou malgré les traitements les plus intempestifs, la
seconde variété se prolonge et emporte la malade si une
médication efficace n'intervient pas.
XI. La forme bénigne, c'est la forme commune atté-
nuée, abrégée dans ses symptômes généraux et locaux.
L'adénite sous-maxillaire, si elle a le temps de se mon-
trer, est peu intense et surtout peu durable. Si la fièvre
est forte, par hasard, elle est passagère. Les fausses
membranes sont peu développées ou peu persistantes.
Trousseau a soutenu qu'une simple angine érythéma-
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CAUSERIES CLINIQUES. 53
teuse suffisait à caractériser la forme bénigne de la diph-
thérie, et cela parce qu'il avait observé de pareilles
angines érythémateuses chez des personnes exposées à
la contagion de cette maladie. Son opinion paraît, du
reste, confirmée par l'observation de simples angines
érythémateuses disparaissant sans traitement et pour-
tant suivies, quelques jours ou quelques semaines plus
tard, de ces paralysies si diverses, consécutives parfois
aux cinq formes de la diphthérie, mais cependant plus
prononcées après et surtout pendant la forme ataxique.
XII. La forme croupale est caractérisée par la succes-
sion de deux périodes : la période angineuse et la période
croupale ou laryngienne.
La période angineuse débute, avec ou sans prodromes,
par une fièvre peu marquée, une angine tonsillaire
avec adénite sous-maxillaire.
« L'angine se développe rapidement; elle présente la
succession des symptômes suivants : rongeur générale
du pharynx, tuméfaction iïune seule amygdale, sur la-
quelle apparaît une tache blanchâtre Lien circonscrite.
Cette tache, formée d'abord d'un mucus demi-transpa-
rent, puis d'une fausse membrane peu adhérente,
constitue au boutde quelques heures, une plaque saillante,
convexe et fortement adhérente. Cette fausse membrane
s'agrandit rapidement, elle envahit la luette de son
côté; puis, se propageant comme l'érysipèle malin par
des ilôts et des traînées, elle envahit l'autre amygdale
préalablement tuméfiée, et, au bout de vingt-quatre à
quarante-huit heures, elle occupe l'isthme du gosier dans
sa totalité. Cette évolution est d'autant plus rapide que
les enfants sont plus jeunes. Le gonflement ganglion-
naire est considérable, et en proportion du développe-
ment de la fausse membrane. Enfin, le mouvement
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54 MÉDECINE PRATIQUE.
fébrile diminue à mesure que la maladie locale aug-
mente : autre point de ressemblance avec l'érysipèle
malin. Les jours suivants, la fausse membrane s'épais-
sit; elle se colore diversement, en jaune, brun ou noir,
et simule la gangrène.
« Seconde période, croupale ou laryngienne. Carac-
térisée par l'extension de la fausse membrane au larynx,
cette période s'annonce par une toux sèche et de l'en-
rouement. La toux et la voix deviennent rauques et
sourdes; et de plus en plus sourdes, à mesure que l'af-
fection fait des progrès. La gène de la respiration appa
raît ensuite, et le sifflement larynoo-traMal s'établit. C'est
un bruit qui imite assez bien celui de \a.scie-à-pierrc. Il
est plus fort dans l'inspiration parce que, à ce moment,
les lèvres de la glotte se rapprochent et diminuent l'es-
pace resté libre.
« La toux s'éloigne et s'éteint, la voix disparaît, les
acefc de suffocation commencent. Ce sont d'abord des
accès de dyspnée; ils reviennent toutes les trois à quatre
heures et sont plus fréquents la nuit. Bientôt la dyspnée
arrive jusqu'à la suffocation. La malade s'asseoit brus-
quement, la tête renversée en arrière, la bouche large-
ment ouverte, les muscles inspirateurs contractés, la face
rouge, 1 anxiété extrême. Ces accès durent de deux à
cinq minutes, et sont suivis d'un calme relatif, pendant
lequel continue le sifflement laryngo-trachéal.
«Quand la maladie doit se terminer par la mort, les
accès se rapprochent, deviennent plus intenses; bientôt,
ils sont continus avec exacerbation et rémission. L'état
des malades devient alors réellement épouvantable : ils
étranglent. Enfin, un coma môlé d'asphyxie s'établit;
la face devient pâle, bouffie, livide ; l'anesthésie et le
froid asphyxique dominent; il y a un calme relatif ; les
accès de suffocation disparaissent et la mort survient
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CAUSERIES CLINIQUES. 55
lentement. Plus rarement, les malades succombent dans
un violent accès de suffocation. Souvent celte scène
d'agonie ne marche pas d'une manière continue ; l'ex-
pulsion d'une fausse membrane ou un changement dans
l'innervation des muscles respiratoires rétablissent la
respiration et donnent un mieux inespéré. Puis la fausse
membrane se reforme, les muscles se contractent ou .
se paralysent de nouveau, et les accidents reparaissent.
« Quand la trachéotomie a été pratiquée, la mort
n'arrive point par suffocation dans la forme croupale,
mais par quelques complications de pneumonie ou de
bronchite pseudo-membraneuse.
« Si la maladie doit se terminer par la guérison, les
accès de suffocation s'éloignent; la toux devient plus
grasse et il s'établit une expectoration muqueuse, jau-
nâtre, contenant dos débris de fausses membranes qui
ont quelquefois le volume et la forme des tuyaux bron-
chiques laryngé et bronchiques. » (Dr Jousset, I, 289.)
Croup d emblée. — Dans cette variété de la forme crou-
pale, la première période manque, la fièvre est peu in-
tense, les fausses membranes se form nt d'abord dans
le larynx, puis elle remonte dans le pharynx. Il n'y a
pas d'adénite sous-maxillaire. Le croup d'emblée pré-
sente la même évolution que la seconde période de la
forme croupale précédemment décrite.
XIII. Diagnostic différentiel du croup, de la laryngite
striduleuse, du spasme de la glotte et Y œdème de la glo'te.
Ayant vu, dans maintes observations, les praticiens
confondre la période croupale et surtout le croup d'em-
blée avec les trois maladies précitées, je vais essayer de
prévenir pareille erreur en exposant leurs caractères
différentiels ; je rappellerai, en outre, les traitements
efficaces contre ces trois dernières maladies; celui
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56 MÉDECINE PRATIQUE.
contre le croup sera exposé ultérieurement. Le lecteur
pourra dès lors les relire plus rapidement dans des cas
de diagnostic incertains et pressants.
La laryngite stridulcuse se montre habituellement avant
sept ans, très-rarement après, jamais dans l'âge adulte.
Elle est déterminée : 1° par la structure du larynx parti-
culière à l'enfance (existence de laglotle vocale et absence
de laglolte respiratoire) ; 2° par l'accumulation de muco-
sités sur les cordes vocales pendant le sommeil ; 3° par
un spasme des muscles de la glotte dû à une action ré-
flexe. Son début est caractéristique. L'enfant, ap rès
avoir éprouvé dans la journée un peu de toux et d'en-
rouement et même sans avoir rien éprouvé, est brus-
quement réveillé vers le milieu de la nuit par un accès
très-violent de suffocation accompagné d'une toux
rauque éclatante, d'une inspiration difficile et sifflante.
La voix est enrouée, rauque. L'enfant, assis sur son lit,
anxieux, haletant, paraît être dans un état extrême-
ment grave. La toux est fréquente, la figure animée, la
peau chaude, le pouls développé. Cet état violent se
calme peu à peu, la toux devient moins sèche, la respi-
ration moins sifflante et, dans les cas les plus simples,
l'enfant se rendort tranquillement; le lendemain, il ne
présente qu'un peu d'enrouement avec une toux rauque
mais déjà grasse. Dans une varirté plus grave de la
laryngite striduleuse, les accès de suffocation se répè-
tent la même nuit quand l'enfant a dormi quelques
heures, la fièvre est très-violente. I e lendemain, la voix
et la toux restent rauques, l'inspiration difficile et les
accès de suffocation se montrent de nouveau, mais sur-
tout la nuit et pendant le sommeil. Cependant ces accès
de suffocation présentent pour caractère de suivre une
série décroissante en sorte que c'est toujours le premier
qui est le plus violent. Dans les cas les plus intenses, la
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CAUSERIES CLINIQUES. 57
maladie se prolonge trois, quatre, sept jours, mais elle
devient alors déplus en plus semblable à une laryngite
simple. Les auteurs rapportent quelques cas de mort
survenue pendant l'accès de suffocation.
Traitement préconisé par le Dr Jousset : sambucus et
ipéca pendant l'accès, arsenicum pour les cas se prolon-
geant plusieurs jours; le vomissement provoqué fait
habituellement disparaît re tous les acciden ts. Une éponge
imbibée d'eau très-chaude et maintenue sur le larynx
produit un grand soulagement. 11 y a des cas excessive-
ment rares qui ont nécessité la trachéotomie.
XIV. Le spasme de la glotte a été appelé à tort asthme
thymi/fite, pan e qu'on l'avait cru coïncidant toujours
avec l'hypertrophie du thymus; c'est une névrose du
larynx, caractérisée par la convulsion tonique des
muscles constricteurs de la glotte. Ce spasme survient
comme affection symptomatique dans le cours de la la-
ryngite et du croup, dans l'hystérie et surtout dans les
attaques d'éclampsie et d'épilepsie; il est quelquefois
produit par des tumeurs ganglionnaires qui irritent les
nerfs du larynx. Mais il existe un spasme de la glotte
constituant une maladie essentielle propre à la première
enfance et avant des rapports intimes avec l'éclampsie.
Ce spasme essentiel, qu'on observe surtout chez les
garçons et jamais en dèhors de la première dentition,
procède par accès irréguliers, accès survenant au réveil
ou à propos des mouvements de déglutition, ou bien
quand l'enfant se met en colère. Pendant l'accès, la
respiration se suspend brusquement, la figure devient
anxieuse et rougit fortement et, dans les violents accès,
les lèvres bleuissent. Puis, après trente à quarante se-
condes, la respiration se rétablit par une inspiration
eonvulsive. L'air, en passant rapidement par h\ glotte
58 MÉDECINE PRATIQUE.
encore rétrécie, produit un sifflement aigu prolongé.
Ce sifflement caractéristique ressemble à celui qu'on
observe, en dehors de toute maladie, chez les enfants
colères qui se pâment. Quelquefois la maladie se com-
pose d'un accès unique, soit que l'enfant succombe au
premier accès, soit au contraire qu elle se termine brus-
quement ainsi par la guérison. Mais le plus souvent les
accès se multiplient et se rapprochent; on voit alors
d'autres muscles participer au spasme : le diaphragme,
les muscles de la face, ceux des extrémités; quelques
enfants sont pris d'une attaque complète d'éclampsie.
Si la maladie se prolonge, les enfants maigrissent, pâ-
lissent et tombent dans une sorte de cachexie. Si la ma-
ladie n'est point arrêtée par un changement de lieu ou
de régime, ou bien par un traitement approprié, les en-
fants succombent pendant un accès.
Traitement préconisé par le Dr Jousset : motchus est
le principal remède qui doit être administré parfois à la
dose de quelques centigrammes En second lieu, con-
viennent plat in a et zinewn qui ont donné des succès,
puis cttprum. Pendant l'accès, il faut relever l'enfant, le
porter à l'air, lui jeter de l'eau à la figure, le flageller.
L'application d'eau froide, d'huile chloroformée sur la
région antérieure du cou, sont deux moyens propres à
rompre le spasme.
XV. L' œdème de la glotte est mal nommé, car ce n'est
pas un œdème de la glotte, mais bien un œdème du
tissu cellulaire sous-muqueux de la partie supérieure
du larynx, c'est-à-dire des replis arythéno-épiglottiques
et de l'épiglottc. Ce tissu cellulaire, comparable par sa
laxité à celui des paupières, peut être le siège d'un
œdème considérable. Celui-ci constitue un obstacle au
passage de l'air surtout pendant l'inspiration, pareeque
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CAUSERIES CLINIQUES. 59
la colonne d'air précipite les bourrelets œdématiés vers
l'ouverture de la glotte, les rapproche et ferme plus ou
moins complètement l'entrée du larynx. L'expiration,
au contraire, repousse, éloigne les bourrelets, aussi
est-elle comparativement plus tacile. Les symptômes
communs aux œdèmes de la glotte sont : une dyspnée
avec inspiration difficile et sifflante, une expiration
facile, une tuméfaction de l'épiglotte perceptible au tou-
cher. L'œdème do la flotte très-rarement essentiel est
presque toujours une affection symptomatique ou une
complication de Tune des maladies suivantes : albumi-
nurie, phthisie laryngée, ulcérations syphilitiques, abcès
du pharynx, érysipèledu pharynx, angine ulcéreuse de
la variole ou !e la fièvre typhoïde, brûlure de la gorge
en buvant du thé bouillant ou bien en inspirant de la
vapeur d'eau.
Traitement préconisé par le Dr Jousset : beUadona
quand il y a des symptômes d'angine; ayis /achesis, ar-
sen'eum contre la dyspnée laryngée avec sifflement la-
rvngo-trachéal et grand effort des muscles inspirateurs,
aggravation de la dyspnée dans la position couchée. Ce
dernier symptôme est propre à l'œdème de la glotte. Il
faut toujours préférer Je remède qui est indiqué contre
la maladie dont l'œdème de la glotte est le symptôme ;
ainsi nrseniciim dans les brûlures, les affections du cœur
et des reins, lanasarque; apis dans l'albuminurie, contre
les piqûres d'insectes; arseniewn et lachem contre la
gangrène de la bouche, le dernier remède contre la
forme putride de la diphthérie. S'il y a imminence d'as-
phyxie, il faut pratiquer la trachéotomie.
XVI. Aûn de les mettre encore mieux en relief, je vais
résumer dans un tableau synoptique les caractères dif-
férentiels des quatre maladies précédemment décrites.
MÉDECINE PRATIQUE.
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CAUSERIES CLINIQUES. 61
XVI f. La forme putride de la diphtérie correspond à
Yangine gntigrêneube des anciens, à Y empoisonnement diph-
thèritique des modernes. Elle est caractérisée par la
prostration des forces, par la tendance aux hémorrha-
gies et à la gangrène, par la multiplicité des localisa-
tions diphthéritiques. Elle débute souvent par des vo-
missements, une fièvre modérée, une adénite et une
légère douleur pharyngienne. Puis survient un gonfle-
ment considérable des ganglions sous-maxillaires ; les
amygdales se recouvrent de fausses membranes épais-
ses, jaunâtres et putrides ; celles-ei envahissent les fosses
nasales, après avoir été souvent précédées d'épistaxis.
On observe ensuite de la prostration, de l'anorexie, la
pâleur et la bouffissure de la face.
A sa période d'état , la maladie est caractérisée par
une prostration et une indifférence complètes; une fièvre
modérée avec tendance au refroidissement; une angine
intense avec des fausses membranes épaisses, grisâtres,
noirâtres, ramollies et d'une odeur gangréneuse ; des
ganglions et le lissu cellulaire fortement tuméfiés, in-
durés et présentant une rougeur érysipélateuse ; un
jetage des fosses nasales avec ulcération de la lèvre su-
périeure; par la multiplication des localisations diphthé-
ritiques sur les yeux (localisation coïncidant avec le
coryza, quelquefois avec la perforation de la cornée,
mais jamais avec la laryngite), sur la vulve, le prépuce,
les plaies, la surface des vésicatoires, sur le larynx (dans
ce dernier cas, sans toux ni accès de suffocation, mais
seulement avec dyspnée et enrouement); par des hé-
morrhagies, surtout des epistaxis, des ecchymoses, des
péléchies ; par des gangrènes de la gorge, de la vulve,
de la peau : par des éruptions très-diverses, rubéoliques,
scarlatiniformes, miliaires, ortiées, le pemphygus. Les
malades plongés dans une grande prostration, indiffé-
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62 MÉDECINE PRATIQUE.
rents atout, pâles, bouffis, livides, refusent toute nour-
riture. Avec un pouls faible, tremblant, souvent ralenti,
ils se refroidissent graduellement et meurent par syn-
cope ou par asphyxie lente. La guérison s'annonce par
le retour de l'appétit et des forces, par le bon aspect des
plaies et l'élimination des fausses membranes.
La forme putride présente plusieurs variétés : Dans
Tune d'elles, l'affection locale se borne à quelques faus-
ses membranes à la vulve ou derrière les oreilles ; dans
une autre plus grave, les fausses membranes se mon-
trent dans le pharynx, sur les parois de la bouche, les
gencives, dans les fosses nasales. Celle dernière variété
est la seule dont je citerai plus loin des cas de guérison
opérée par divers médicaments.
XVIII. La forme (italique de la diphlhérie est carac-
térisée par l'incohérence des symptômes, par une marche
irrégulière et imprévue, par la prédominance des sym-
ptômes nerveux. Elle présente plusieurs variétés et des
affections concomitantes ou consécutives.
Variété à marche très-rapide. — D'abord légère angine
avec quelques plaques blanches dans le pharynx; puis
symptômes locaux peu intenses coïncidant avec un mou-
vement fébri econsidérablequi s'aggrave incessamment;
la diphlhérie envahit les fosses nasales, le délire éclate
et la mort survient le 3* ou le 4* jour.
Variété spasmodique. — Elle revêt les allures de la
forme croupale, seulement il y a toujours diphthérie des
fosses nasales. Quand les fausses membranes ont envahi
le larynx, le croup s'accompagne d'accès de suffocation
hors de proportion avec l'étendue et l'épaisseur des pla-
ques diphthéritiques. Le spasme des muscles de la glotte,
puis leur paralysie, ensuite la paralysie du diaphragme
contribuent aux accès de suffocation ; aussi ces derniers
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CAUSERIES CLINIQUFS. 63
persistent malgTé la trachéotomie et l'absence d'obstacle
laryngé au passage de l'air. Souvent la malignité de la
maladie est annoncée par des paralysies prématurées,
soit du voile du palais ou de la langue, soit des paupières
ou des muscles de la glotte, du diaphragme. Les paraly-
sies, qui sont intermittentes, produisent des accès de
suffocation souvent mortels. La convalescence est trou-
blée par de graves paralysies consécutives. La mort su-
bite n'est point rare dans cette forme, soit pendant la
maladie, soit pendant la co valescence.
Les affections consécutives et les complications de la forme
ataxique sont les suivantes : entérite chez les très-jeunes
enfants, pneumonie, érijsipèle, albuminurie (elle est d'un
fâcheux pronostic), paralysie limitée ou généralisée. Li-
mitée , elle est bornée au pharynx, produit la chute et
l'inertie du voile du palais, le nasonnement, la dégluti-
tion difficile ou impossible, la mort (par le passage du
bol alimentaire dans le larynx). La paralysie généralisée
débute par le pharynx, s'accompagne de faiblesse dans
les jambes, de paralysie progressive uvec amaurose,
paralysie de la vessie, du rectum, du diaphragme. Cette
dernière amène la mort par asphyxie.
Les paralysies diphthéritiques sont plus prononcées
et plus fréquentes pendant et après la forme putride.
Elles se montrent plus rarement dans les quatre autres
formes de la diphthérie et plutôt après que pendant leur
évolution, tandis qu'elles se manifestent plus souvent
pendant qu'après la forme putride.
XIX. Dans ses Eléments de médecine pratique (I, 280),
le Dr Jousset n'avait décrit que quatre formes de la diph-
thérie: la forme croupale qu'il appelait forme commune,
la forme bénigne, la forme putride et la forme ataxique.
J'ai cru devoir admettre cinq formes : la forme com-
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64 MÉDECINE PRATIQUE.
raune, la forme bénigne, la forme croupale, la forme
putride et la forme alaxique. Gomme on l'a vu plus
haut, je donne, avec la tradition, le nom de forme com-
mune à celle où la diphthérie plus grave que la forme
bénigne et quelquefois môme mortelle, est bornée au
pharynx.
J'espère que des observations ultérieures porteront
notre confrère à reconnaître la forme commune telle que
je la décris sommairement et à ne plus donner cette
qualification à la forme croupale. Du reste, il a déjà
publié dans Y Art médical, XXX, 450, un cas de diphthé-
rie qu'il doit probablement considérer comme n'appar-
tenant pas à la forme bénigne ni à ses trois autres
formes; or, elle représente la forme la plus ordinaire,
la forme commune , et celle-ci fut singulièrement
amendée et abrégée par le traitement : toutes choses
que va prouver le résumé suivant de cette observation.
Observation .
Diphthérie, forme commune, guérie parla cyanure de mercure.
M"* L. B., âgée de i ans et jouissant d'une bonne santé, est at-
teinte de diphthérie.
i«Tjour, 28 mai 180'). Pouls à 116, nausées, enrouement marqué
et pas de toux. Une plaque de fausse membrane, très-épaisse et
très-adhérente, recouvre toute l'amygdale gauche et même empiète
sur la luette. Petite tache sur l'amygdale droite. Les ganglions sous
maxillaires ne sont ni engorgés ni douloureux. Prescription : Cya-
nure de mercure, 3» trit. a prendre toutes les deux heures.
2* jour, 29 mai. Pouls à 116, chaleur moins forte, malaise dis-
paru, la fausse membrane commence à jaunir. Ganglions sous-
maxillaires gonflés et douloureux. L'enfant mange des potages et
des asperges. Même prescription.
3e jour, 30 mai. État général excellent, sommeil et appétit. L'en-
fant se lève dans la journée et s'amuse. La fausse membrane semble
plus mince à sa partie inférieure, l'amygdale est très-tuniéfiée et
l'arrière-gorge exhale une odeur de gangrène très-prononcée. Les
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CAUSERIES CLINIQUES. 05
ganglions sous-maxillaires sont toujours très-en gorgés, mais ils ne
sont plus douloureux. Prescription : Cyanure de mercure 6' en inges-
tion, et on touchera l'amygdale avec le mélange suivant :
Cyanure de mercure, 1**.. 10 gouttes.
Eau 75 grammes.
Alcool 25 —
Dnns la journée, l'enfant a eu par la narine droite une épistaxis
qu'on a arrêtée avec du perchlorurc de fer. Elle a mangé deux fois
de la viande et a bu deux petites verrées de vin de Malaga.
V jour, 31 mai. Même état général. La fausse membrane a moins
d'odeur, elle est plus mince, mais elle a envahi la luette. Les nan-
glions inoins engorgés. Prescription : Cyanure de mercure, V trit.,
à l'intérieur.
5' jour, Y* juin. Amélioration, appétit naturel. La fausse mem-
brane s'amincit. L engorgement glandulaire a disparu. Cependant le
pouls, qui était à 112 et 120, a monté à 130. Les fausses membranes
ont envahi toute la luette et une partie de l'amygdale ilroite.
G'jour, 2 juin. Amélioration, pouls revenu à 112 et 101. État
général excellent. Tuméfaction de l'amygdale presque disparue.
Fausse membrane très-diminuée. Muqueuse rouge et saignante
dans les parties où la fausse membrane a disparu ; aussi la gorge,
indolore auparavant, est devenue douloureuse. Prescription : Cya-
nure de mercure, 2- trit., à l'intérieur, et bain local avec
Cyanure de mercure, lre trit 0,05
Eau 75
Alcool 25
7e jour, 3 juin. Diminution progressive de la fausse membrane,
la çorge de plus en plus rouge et douloureuse. L'enfant mange
moins à cause de la douleur de la déglutition. Même traitement.
8* jour, 4 juin. Luette entièrement débarrassée de la fausse mem-
brane et d'un rouge de sang; des ilôts séparés sur les amygdales.
Gorge très-douloureuse. Douleur dans l'oreille en avalant. Pres-
cription : Belladone 2e alternée avec cyanure de mercure 2*. Garga-
risme supprimé.
, 9' jour, 5 juin. La gorge continue à se nettoyer, mais l'enfant est
couverte d'une forte éruption d'urticaire. Pouls à 120. Prescription :
Apis 3* pendant douze heures, puis cyanure de mercure pendant douze
heures.
10* jour, 6 juin. Dots de fausses membranes dans la gorge. La
TOMl XXXI, — JANVIER 1870. 5
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66 MÉDECINE PRATIQUE.
douleur d'oreilles en avalant empêche l'enfant de manger. Pouls à
116. L'urticaire n'a pas diminué et empêche l'enfant de dormir.
Prescription : Urtica urens 3* toutes les deux heures.
I Ie jour, 7 juin. Diminution de l'urticaire et de la fièvre. L'enfant
recommence à manger. 11 y a toujours quelques fausses membranes
dans la gorge. Même traitement.
12' jour, 8 juin. Urticaire très-intense. L'enfant mange peu à
cause de la douleur d'oreille. Prescription : alterner toutes les
heures cyanure de mercure 2e et astacus fluuiatilis 2e trit.
13e jour, 9 juin. Amélioration notable qui se continue les jours
suivants. Appétit très-bon. Les fausses disparaissent tout à fait,
seulement le 15' jour. On supprime cyanure de mercure et on continue
astacus flucialilis, parce que l'urticaire se prolonge encore, tout en
diminuant, pendant cinq à six jours.
Trousseau et d'autres auteurs soutiennent que de
simples angines érythémateuses et durant 3 à 4 jours
avec peu ou pas de fièvre, constituent néanmoins une
forme bénigne de la diphtliérie : 1° parce qu elles appa-
raissent dans le cours d'une épidémie de cette maladie;
2° parce que, chez quelques malades, elles sont suivies de
paralysies survenant quelques jours, quelques semaines
après.
Comparez cette forme bénigne de la diphthérie avec
celle relatée dans l'observation précédente où les fausses
membranes n'ont complètement disparu que le 15e jour.
Ce cas, on le voit, n'appartient ni à la forme alaxique, ni
à la forme putride, mais bien à la forme commune ainsi
nommée, je le répète, parce que c'est la plus ordinaire,
la plus fréquente. Le cyanure de mercure l'a améliorée
rapidement et à plusieurs reprises, en faisant tomber
la fièvre et disparaître les fausses membranes surve-
nues plusieurs fois.
Dr Gallavardin,
de Lyon.
— La tuile prochainement. —
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SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ H0MŒ0PATHIQUB DE FRANCE. 67
REVUE CLINIQUE A LA SOCIÉTÉ HOMOEOPATHIQUE.
— Suite et fin. —
J'ai tenu à rapporter la suite de cette clinique, parce
que j'ai commis une erreur de thermométrie médicale
que j'ai voulu rectifier moi-même.
« Je suis obligé de confesser une erreur bien autre-
ment grave qu'une erreur de diagnostic sur un cas in-
dividuel. J'ai fait fond sur la température du sujet,
comme sur un élément de diagnostic précis. Or je dois
reconnaître, contraint par le témoignage de faits nou-
veaux, qu'il faut remettre à l'étude la thermométrie
médicale. Il reste vrai sans doute que dans les affec-
tions graves à marche rapide, fièvre intermittente per-
nicieuse, scarlatine, etc., le thermomètre monte vite à
une hauteur insolite. Mais, par contre, je vous signale
une ascension du thermomètre à 40°, dans une affection
éminemment bénigne, dans une fièvre éphémère au-
thentique, laquelle ne dura pas plus de vingt-quatre
heures, et dont je viens de recueillir l'observation.
B..., enfant de 8 ans, fut pris sans aucun prodrome
d'un mouvement fébrile intense pour lequel je fus ap-
pelé le 25 octobre au matin. Je trouvai l'enfant fort
abattue, la face rouge, le pouls à 160, et la chaleur,
prise dans l'aisselle, atteignant 40° : du reste, aucune
affection locale. Ce mouvement fébrile excessif avait
commencé la veille au soir, il se prolongea une partie
de la journée, puis cessa dans la soirée, vingt-qualre
heures après son début. Quand je revins, vers six heures
du soir, je trouvai l'enfant assis sur son lit, réclamant
des aliments; le pouls battait encore à 96, mais la cha-
leur était tombée à 38°. La nuit fut excellente, et le len-
demain la convalescence était complète.
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68 MÉDECINE PRATIQUE.
La clinique d'aujourd'hui vous impose la lecture de
quatre cas de pneumonie, et je demande à en ajouter un
cinquième, sauf à vous expliquer ensuite cette insistance :
Pneumonie guérie le neuvième jour de la maladie, le
cinquième du traitement homœopathique (bryonia).
M"** B..., âgée de 50 ans, sujette, aux rhumes, fut
prise le samedi 23 octobre, après avoir travaillé beau-
coup dans le ménag-e, d'un violent mouvement fébrile
avec toux incessante, dyspnée, point decôlé adroite. On
appela un médecin qui habile la même maison que la
malade. Le médecin diagnostiqua une pneumonie, et
administra une potion stibiée à la dose de 40 centigram-
mes de tartre atibié pour 200 grammes de véhicule, une
cuillerée toutes les deux heures. — Cette potion fatig*ua
beaucoup la malade sans diminuer les symptômes, et je
fus appelé le 27 octobre, cinquième jour de la maladie :
mouvement fébrile intense, pou!s à 108, chaleur à 38°, 3
malaise, dyspnée, toux fréquente et grasse, expectora-
tion visqueuse et jaunâtre, douleur extrêmement forte
dans la rég-ion de la fosse sous-épineuse droite. Cette
douleur s'exaspère par la toux et la respiration; elle
n'est pas diminuée depuis le début de la maladie, quoique
nous soyons au cinquième jour. Haie crépitant fin, ég,al
et sec, existant seulement dans l'inspiration, dans le tiers
supérieur du poumon droit : pas de soulfle.
Bryonia, 12e, quatre globules, eau 200 grammes,
une cuillerée toutes les deux heures ; tisane de fleurs de
mauve coupée avec du lait. — 28 octobre, sixième jour :
amélioration très-notable du point de côté; diminution
du mouvement fébrile; pouls à 96; chaleur à 38°.
Cependant la malade se plaint d'avoir passé une mau-
vaise nuit. Même signe stéthoscopique, même traite-
ment.— 29 octobre, septième jour : mieux plus marqué,
douleur de côté presque nulle, pouls à 84, chaleur à
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SEANCE DE LA SOCIETE HOMOEOPATHIQUB DE FRANCE. 69
37°,2. Pas d'auscultation. Môme traitement. — 30 oc-
tobre, huitième jour: état presque stationnaire, le pouls
est à 84, la chaleur à 37°, le râle crépitant n'existe plus
que dans la fosse sus-épineuse. Môme traitement. —
31 octobre, neuvième jour : excellente nuit, appétit,
pouls à 72, chaleur à 36°, 3, à peine quelques bulles de
raie sous-crépi tant. Potages ; trois doses de bryon. par
jour.
Maintenant, pourquoi ce luxe d'observations de pneu-
monie? C'est que je m'obstine à poursuivre un argu-
ment, à savoir : que, si la guérison spontanée, d'obser-
vation germanique, se produit par une crise rapide,
tellement brusque et considérable qu'on a créé pour l'ex-
primer le mot de dé/ervescence, la guérison par le trai-
tement homœopathique s'opère d'une faron tout autre,
par l'abaissement lent et progressif du mouvement fé-
brile : cette comparaison fait tomber l'objection qui
assimile à l'expectation pure notre traitement de la pneu-
monie.
Si je n'ai pas à craindre de fatiguer l'attention de la
Société, je demande à revenir encore sur la question de
lathermométrie médicale, pour exprimer de nouvelles
réserves sur les conclusions qu'on a prétendu en tirer,
il me semble, prématurément: le journal de M. Marchai,
ta Tribune médîciie, a surtout patronné ces conclusions.
M. Kobert de la Tour a donné cette formule : l'ascen-
sion du thermomètre au-dessus de 3 ° caractérise les
fièvres et les sépare des phlegmasies. Cette caractéris-
tique serait précieuse, si elle était sûre. Mais l'expé-
rience nous montre que, dans des cas de méningite
même tuberculeuse, le thermomètre s'est élevé à plus
de 39°, et que dans la pneumonie on a pu noter des tem-
pératures de 39°, 40°, même 41% d'après G. Sée. Je sais
bien qu'à cette objection dernière, ils ont fait une réponse
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70 THÉRAPEUTIQUE .
spécieuse : c'est que la pneumonie dans ces cas n'est
pas une phlegmasie essentielle, que c'est une pneumonie
catarrhale, que c'est enCn une fièvre essentielle. Que
M. Marchai nie les maladies locales, je suis d'accord
avec lui, par la raison que toute maladie affecte non un
organe isolé, mais l'homme tout entier. Qu'il appelle
pneumonie catarrhale la pneumonie qui s'accompagne
de bronchite; soit : mais de là à conclure que la pneu-
monie soit synonyme de grippe, il y a loin. Et je suis de
ceux qui distinguent nettement de la grippe la pneu-
monie franche, et même la pneumonie dite catarrhe. »
P. Jousset.
THÉRAPEUTIQUE
LA GHÉL1 DOINE
La Chélidoine(Chelidonium majus) ne serait-elle point
quelquefois indiquée dans la Purpura hœmorrhagica,
dans la forme grave de l'Ictère essentiel et dans la Fiè-
vre jaune?
a Les anciens faisaient un grand usage (de la chéli'ioino), et c'est in-
justement que nous la délaissons, carello recèle des principes actifs qui
lui supposent des propriétés non équivoques, et qui ont seulement be-
soin a étre mieux appréciées par une expérimentation méthodique. »
Mérat etdeLens, Dict. an. de mai. m., 1830, 11,218.
Je rencontrai naguère un cas d'empoisonnement par
la Ghélidoine, qui frappa mon attention et me fit pen-
ser que cette plante pourrait être employée dans le trai-
tement de la purpura hœmorrhagica (4), comme elle
l'est d'ailleurs dans celui du scorbut.
1) Morbus maculosus Werlhofii. morbus haemorrhagicus maculosus
\Verlhofii,Ecchymoma hecusium (volunlarium, spontaneum, Ploucquet,
Del. sy st. no*., 1792, III, 107-108, bibliographie), Hematosis, Petechiano-
sis, Péléchianose, Affection pélocliiale chronique (Piltschall), Héinacé-
linose (Charles Pierquin ), Hémorrhagie pétéchiale «F. Hartmann, Ther.
nom. des mal. aig., II, 231), Maladie tachetée de Werlhof (Dict. des se.
rnèd., 1823, LX, p. M3 des Appendices Brachct cité).
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LA CHÉLIDOINE. 71
«Pendant le cours d'une épidémie de fièvre typhoïde,
dit le docteur Comyn (de Paschendaele) , un homme
d'une trentaine d'années, qui habitait une maison dans
laquelle celte maladie avait trouvé accès, crut ne pou-
voir mieux se préserver du fléau qu'en se gorgeant à
plusieurs reprises de fortes décoctions de chélidoine. Il
en résulta, au bout de quelques jours, divers accidents
<(ui l'obligèrent, le 21 mai 1845, d'aller consulter
M. Comyn. Celui-ci crut reconnaître les symptômes
! une fièvre bilieuse au premier degré, d'autant plus
|ue c était la maladie régnante dans le pays.
«Outre les recommandations hygiéniques applicables à
la circonstance, un purgatif fut administré. Mais, pen-
dant que le médicament opérait, on appela le Dr Comyn
pour une expuition incessante de sang qui s'était dé-
clarée inopinément et s'accompagnait d'un malaise gé-
néral. Cette expuition n'inquiéta guère M. Comyn, qui
la prit pour une sin j.le écrétion momentanée. Il fut ce-
pendant frappé de voir dans toute l'étendue de la face
interne de la bouche une multitude de petites taches
noires, dont quelques-unes laissaient suinter des gout-
telettes de sang.
« M. Comyn se retira en recommandant qu'on sur-
veillât bien le malade. Il comptait, d'ailleurs, sur l'effet
du purgatif, qui lui réussissait bien contre l'affection ré-
gnante. Mais, pendant la nuit, on lui annonça de nou-
velles et abondantes évacuations sanguines par les selles
et les voies urinai res. Les taches noires de la bouche se
sont converties en véritables phlyetènes sanguinolentes,
de la grandeur de forts pois, lesquelles, s 'étant crevées
par un coin de leur base, donnent lieu, non plus à une
simple expuition, mais à un écoulement hémorrhagique
permanent. La peau présentait, dans toute son étendue,
à des intervalles plus ou moins rapprochés, de ces ta-
72 THÉRAPEUTIQUE.
ches arrondies sans élevures, de même aspect que celles
de la bouche avant leur vésication. Le blanc des yeux
est parsemé d'ecchymoses moins régulières, d'une belle
couleur roug^e-vermeil qui tranche sur le fond pâle de la
sclérotique.
«Le Dr Comyn apprit bientôt quelle était la cause véri-
table de cette étrange hémorrhagie. Il lui opposa le froid
et les acides sous diverses formes. Malgré cela, le sang
continua pendant trois jours à s extravaser par les voies
digestives et urinaires. Le troisième jour, alors que le
malade était presque exsangue, il survint une épistaxis
qui faillit l'enlever. Cependant cette nouvelle hémorrha-
gie ne tarda pas à s'arrêter. Les selles sanguinolentes
se supprimèrent ensuite et furent remplacées par de la
constipation. L'hématurie cessa aussi petit à petit. Le
malade a parfaitement guéri » (1).
A ce cas d'intoxication par la Ghélidoine, j'en joindrai
deux autres que j'ai trouvés dans le même journal.
a Dans une observation d'empoisonnement de toute
une famille par celte plante (Phil. Trans., t. XX, n° 242),
en même temps qu'une purgation intense avait lieu, il
survint des symptômes cérébraux tout particuliers, du
délire, des visions, etc. » (2).
h Une femme, âgée d'environ 45 ans, dit M. le Dr Pol-
let, débilitée par les privations qu'elle s'imposait habi -
tuellement, vint me consulter. En l'absence d'un vice
(I) Journal des connaissances médico-chirurgicales, t. XXVI. mars IS47,
p. I 18-119.
{2} P., La Chélidoinc. Matière médicale, thérapeutique, toxicologie.
Ibidem, t. XXXII (lisez t. XXX), janvier 1849, p. 29: le cas cité par P.
c&t sans doute le suivant. J. Newton, de noxia \i Glaucii lutei. Phil.
Trans., n° 242 (Haller, Meth. st. med.t 1, 196, et Bibf. med. pr.y IV, 254 ;
James Newton. An account of some effects of papaver corniculatum lu-
teum. Philos. Transact. Y. 1698, p. 2d3 (J.-I). Reuss, Rep. romw., XI, 3(H,
au mot Chelidonium envisagé comme poison ; on lit dans les Transac-
tions philosophiques abrégées, t. I, p. 4W, que le Glaucium, Chelidonium
glaucium, L., occasionne parfois le délire, et que tout semble alors être
changé en or (F.-V. Mérat, SuppUm. au DicU un. de m. nu ou t. VII,
LA CRÉLIDOINE. 73
organique appréciable, je n'avais d'autre remède à lui
conseiller qu'une alimentation plus réparatrice. Quel-
ques jours après on vint me prier de me rendre immé-
diatement près de la malade. J'appris que la malheu-
reuse femme était tombée sans connaissance après avoir
fait de vains efïorts pour vomir. Je ne pus la voir que
quelques heures après. Je la trouvai sans connaissance,
le pouls lent, excessivement petit, la face pâle et très-
abattue. Bref, malgré mes soins, la malade expira.
« Je ne pouvais me rendre raison d'un changement
aussi subit. Les voisins m'apprirent que peu d'heures
avant que la malade eût eu des nausées, elle avait fait
usag-e d une grande quantité de chélidoine en décoction
(remèàe qu'à la campag'ne on regarde comme un toni-
que par excellence).
« L'autopsie ne put être faite (1). »
Mathéo - José - Bonaventure Orfîla ayant introduit
12 grammes d'extrait aqueux de Chélidoine dans l'esto-
mac d'un petit chien et dans l'œsophage, constata qu'au
bout de quatre heures la sensibilité et la mvotilité étaient
à peu près anéanties : la mort eut lieu quelque temps
après (2).
Considérant que la Chélidoine produit chez l'homme
sain les symptômes suivants : Coloration jaune de la
peau au cou et à la poitrine. Mains colorées en jaune.
— Coloration plus foncée de la peau pendant cinq à six
semaines. Le blanc des yeux est d'un jaune sale. Sin-
gulière coloration jaune du visage comme dans l'ictère.
- Hémorrhag*ies. — Douleur à l'épig^astre et dans l'hy-
pochondre droit. — Prostration extrême des forces. —
Lenteur du pouls. — Peau fraîche : sensation de froid
(\) Jour*, des eonn. m. eh.% janv., 1849, p. 25.
(i< Ibidem, p. 30.
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^ THéRAPËTTTIQUB.
général à la peau. — Délire. — Crampes. — Paralysies.
— Somnolence, coma. — Mort (1);
Considérant ce que la Chélidoine a de commun avec
arsenicum qui est indiqué dans l'ictère grave (2) ;
Considérant que Dioscoride (3), Galien (4), Lazare Ri-
vière (6), François Joël (6), J.-G.-W. Rademacher (7),
Antoine Portai (8), O. Buchmann (9), et P. Jousset (10),
ont employé cette plante dans la jaunisse ;
Je crois que la Chélidoine peut prendre sa place dans
le traitement de la forme grave de l'ictère essentiel.
Toutefois Chelidonium majus ne me semblant pas of-
(I) Jahr, A*. Man. de m. hom., 1843, I, 197-98 (d'après S. Hahnemann);
0. Buchmann, l'Art mèd.t t. XXIV, p. 9, H, 14, 20, 43, 93, t. XXV,
p. 106.
(4) L'arsenic produit « une faiblesso incroyable, du délire, dos con-
vulsions do tout le corps, un pouls lent, inégal, une démangeaison in-
supportable, la jaunisse, un pissemont de sang, la para vsio. oT.-P. Caels.
De la cure des maladies produites par l'abus des minéraux. Ou v race traduit
de l'original latin publié en f 78 1 à Amsterdam et à Bruxelles Paris. La-
grange, 1781. in-8, p. fiS fiU. Ko phosphore, 'acde arsénieur, l'antimoine,
produisent des désordres semblables à ceux de l'ictère irrave. M. Julien
Proust, lin genre morbide JctéYe grave. Paris, A. Parent. IN"7, in-4,
p. 07. Th. do dort , n' 440;Cfr. encore M. Blachc*, la Steato.se. Paris,
Leclerc. ISiiG, in-8, p. Hh.
'3» a La racine (de la grande Esclore) beue avec vin blanc et anis,
prouffiloà la jaunisse.» Les sir Itrres d> Podacion Disoseoride d'Anazar be
de la Matière médicale, translatez de latin en français (par .Martin Malhoej.
Lyon. Thibauit-Payan, 13",,!, in-'*, p. 433, ch. ! 1*3 du second livre. Dans
1 édition de Sprengel. c'est le chap. 211, vol. XXV. p. 331.
(>) Antomi .Musa* Brasavoli, In lec refertissmus in omîtes Galeni Ubros.
Vcnet., ap. JunfiM, l.VW, fol. p. 9(i, verso.
(3) Len ohmreations de médecine de L. R. qui contiennent quatre centu-
ries de Guèrisons très-remarqnabl-'s, aurquelle* on a joint des Obsercntions
qui luynvoient rte communiquées Le tout mis en François parM. F. Dobozo
Lyon. Jean Certe, 1080, pot. in-8, cent. I. obs. fi, 17, 18, p. 10. 43.
('.) Franç. Joël, Pra-t.. 1. V. s-et. I. c. 8. Op»ra. Amst., 1770, in-4,
p. ti8, etTli. Uurnet. The*, med., Von.. 1783. p. 3*1.
(7 S.-J. Otterbi) .r£. Aperçu historique de la médecine contemporaine de
l'Allemagne, Paris, liiqnouv, l'So-2. in-V, Th. de dort , n° 130. p. fil ; lier,
de thèr. méd.-rhir., t. III. 15 juillet 1K33, p. 3ii8 ; Dorvault, liée, pharmac.
de 1833, Snpalêm. à l'Officine pour 183 5. Paris, Labé, 183IÏ, in-8, p. 13
(dans les affections chroniques du foie).
(8 Obt. sur la nature et le traitera, des mal. du foie. Paris, Lonqchamps,
1813, in-4, p. l()3.
i9j Chelidonium majus, trid. par le Or Champeaux. L'Art médical,
janv. 184.7, p. 19.0. B. cite Cretizhauer 1783 , Domin s. Schallern. Ber-
nhatd. élève do Ra lernacher. Ibid., dec. 1806, p. 447-48, Bénédix et
Liebderk. Ibid., t. XXV, p. 1H-17.
(10) Eléments de médecine pratique contenant le traitement homœopathique
de chaque maladie. Paris, J.-B. Bailltcreet pis, 1868, in-8, t. II, p. 411.
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LA CHELIDOINE.
75
frir le tableau complet des symptômes cérébraux de l'ic-
tère malin et particulièrement les convulsions éclamp-
tiformes, je présume que cette plante serait spécia-
lement indiquée dans la variété hémorrhagique de
la forme grave de l'ictère essentiel , tout en l'étant
aussi dans la variété dite typhoïde et dans la variété
mixte (1).
De même que le phosphore, dont j'ai cherché à dé-
montrer l'indication dans l'ictère malin (2), a été em-
ployé (3) et préconisé dans la fièvre jaune, de même la
Chélidoine me paraît indiquée dans cette dernière ma-
ladie. Julien Paumiers (Palmarius), auteur d'un Traité
des maladies contagieuses qui a été publié en 1578, faisait
(I) Sur ces trois variétés Cfr. P. Blaehez, De l'Ictère grave. Thèse.
Conc. de l'agrégat. Paris, Walder, 1860, in-4, p. 20.
i-1 Le phosphore à dose infinitésimale ne sernit-tl point quelquefois indique
dans la forme grâce de l'Ictère essentiel? — Recherches historique* ef rlini-
qutf. — Et amen de la part que les médecins français ont prise à rétablisse-
ment d< •cette maladie Paris, J.-B. Bail ière et fils, 1861, in-8, 64 p. An. :
Hftue international de la doctrine homœnpalhique. Bruxelles, Tircher, in-8,
Vie an., 15 juillet 186!, p. 15-16; 15 juin 18>2, p. 18i)-ll»0, VII' an.,
1^» jollet 18fi2, p. I<> (par M. le Dr Jorez); M Gallavardin, les Paralysies
jthosphoriques. Paris, J.-B. Baitlière et fils, 1865, in-8, p. 82. — Me sera-
l-il jori! k do eiler la phrase suivante : « Car, de ce qu'un médicament
P'oduiHelle affection, il n'est nullement démontré qu'il la guérisse, eten pre-
nant le phosphore comme exemple, je voudrais connaître le médecin qui
oserait l'appliquer comme moyen curutif dans l'ictère grave, sur cette
*eule donnée qu«» T'empoisonnement par le phosphore donne lieu à des
symplûmos très-analogues à ceux que l'on observe «Jans cette dernière
maladie.» M. G. Dujardin-Beaumelz. Bull, gèn.de ihèr. m.etchir , 15 mars
lîftH. p. ii05.
(3) M. le Dr Ad. Cartier. La fièvre jaune de la Nouvelle-Orléans : Mé-
moire envoyé a .MM. les Rédacteurs de l'Art méd'ml, t. IX, février I8,VJ,
|i. 106-107. M. le Dr Charles Ozariam m'écrivait a la date du 7 février
Ml : « Si le phosphore ressemble à l'ictère grave, il ressemble bien
ptus encore à la fièvre jaune. Ne pourrait-on pas encore l'employer pour
la combattre? Et si les doses homœopaihiqucs sont alors insuffisantes,
c»' que je crois, ne pourrait-on pas le donner à fortes doses, sous forme
de phosphore rouge amorpi e, qui est sans danger, comme je l'ai vérilié
plusieurs fois. »
Même proposition thérapeutique, dans une lettre du 7 juillet 1861.
En février 1864, le D'Ch. Ozanam a formulé sa proposition dans l'Art
*fd., t XIX, p. lWï-l4i) • Empoisonnement par lo phosphore. Mort le
septième jour. — Indication du phosphore dans le tiaitement de la lièvre
jaune. De son côté le Dr G.-H.-G. Jahr a dit, en 18!i2, quo phosphorus
pouvait être indiqué dans la troisième période de la fièvre jaune (Bulle-
tin it Cart de guérir par des remèdes spécifiques rationnellement indiqués.
i" vol., février et mars 1862, p. 344).
76 THÉRAPEUTIQUE.
grand cas de la racine de cette plante dans la fièvre
jaune (1).
Doses. — Je conseillerais d'abord les basses dilutions,
la teinture mère ensuite. Quand il y aurait lieu à don-
ner du vin dans la purpura hœmorrhag'ica, il serait bou
de prescrire le Chelidonium majus en teinture mère, vu
que le vin contrarie les effets de ce médicament.
Note additionnelle. — Thomas Bateman, parlant d'un
cas de purpura hœmorrhag'ica, qui s'était terminé par
la mort, remarque que cette maladie survint pendant
une salivation très-forte, qui avait été produite par
quelques grains de mercure combinés avec de l'opium, et
administrés pour la guerison d'un rhumatisme (2 . Ce
fait ne permettrait-il |>as de conjecturer que Mcrcarius
pourrait <A,lre employé dans la purpura hœmorrhagica
comme il l'est du reste dans le scorbut?
La racine de grande Chélidoine mêlée à du vin blanc
et de l'anis a été employée par quelques-uns dans la
jaunisse due h l'cbslruclion du foie (3).
La racine de grande Chélidoine bue avec du vin et
l'anis guérit ceux qui sont en proie à la jaunisse pro-
duite par l'obstruction (4).
Charles Ravel.
Cavaillon, 15 décembre 1869.
(I) P., dans Journ. des eonn. méd. -chir., janvier 18'»H, p. 20.
(2, Abrège pratique des Maladies de la peau, elas&t es d après le système no-
$olo<nque du D' Wtllan ; par T. B., tradutt de rawjlais sur la ini>{itiftne
et dernière édition, par Guillaume Bertrand. Pans, Plancher, J.-B. Uail-
lière, 1820, in 8, p. 151. Ordre 3, cl). 5.
Ç\) Aétius d'Amide, Tetrabibl., i, serm. i, col. 58, C.
('•) Paul d'É-me, De te med., I. vu, c. 3. col. ii'*i>, C, dans i'édition
qu'Henri Eslienne a publiée des Media* artis principes.
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A NOS LECTEURS.
77
B U L L E T I i\
A NOS LECTEURS.
Quinze ans se sont écoulés depuis la création de ce journal, et sept
demi depuis la mort de son fondateur. L Art médical compte déjà
trente volumes.
En commençant le trente-unième, quil nous soit permis de jeter
un regard eu arrière pI de voir si nous sommes restés tidèlcs à la
pensée qui uous a eréés.
Gardiens de la tradition et défenseurs dévoués de tout véritable
propres, uous avons constamment suivi la voie que suit la vérité
inediraie entre les deux erreurs collatérales : l'esprit de routine et
i'esprit de secte ; l'une qui, de nos jours, sous un faux semblant de
nouveauté et de rénovation scientitique, aboutit à l'ornière du phy-
ïiologisine et du microscope à outrance; l'autre, qui se parque et
-etoutfe volontairement dans l'idée d'un seul homme et dans une
méthode exclusive.
Toutes les parties de la médecine, depuis les problèmes les plus
•taves de lu philosophie médicale jusqu'aux plus minutieux détails
•le la médecine pratique, nous les avon? étudiées et nous les étu-
dions chaque jour, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, à la lu-
mière des grandes lois que notre École a proclamées et qui ont pour
fondement : la tradition, la raison et l'expérience.
Fidèles disciples de la vraie philosophie chrétienne, nous répu-
dions le vague spiritualisme aussi bien que ie matérialisme audacieux
de deux sectes, en apparence opposées, mais se touchant par les
extrêmes; et nous n'acceptons pour base de la physiologie générale,
que la doctrine féconde de l'unité substantielle de l'homme, du com-
pose humain.
Eu pathologie, Yessentialité des maladies nous éclaire d'une lumière
sûre et uous garde à la fois de la confusion des états morbides,
ccued de la médecine, à toutes les époques de son histoire , et des
distinctions arbitraires entre des atlections de même nature, autre
écueil non moins funeste. L'esse ntiali te, la fixité des espèces mor-
bides uous a permis et nous permet avec certitude de résoudre les
problèmes nosologiques qui ne trouvent ailleurs aucuue solution,
tille doune une base certaine a la nosographie ; elle permet de la
perfectionner de plus en plus à l'aide des formes naturelles que com-
prend chaque espèce; elle seule établit un rapport légitime entre la
78
BULLETIN.
physiologie et la pathologie et rend aussi exacte, aussi rigoureuse
que possible, la médecine pratique.
En étiologie, la doctrine des prédispositions définies nous a rendu
et nous rend tous les jours d'immenses services. Elle nous tient à
égale distance de ces deux faux systèmes, dont l'un cherche dans les
altérations organiques du corps, dont l'autre prétend trouver dans les
modifications des milieux, la cause exclusive de toutes les maladies.
Les rapports de l'homme avec le monde extérieur, pas plus que les
lésions élémentaires des tissus, ne donnent la clef de la souffrance,
de la maladie et de la mort, qui sont soumises à des modes définis.
La loi de la subordination, de la dépendance d>'s symptômes et des lé-
sions aux mala iics dont ils ne sont que l'effet et le signe, nous per-
met de chercher, de trouver dans des phénomènes morbides, com-
muns à plusieurs maladies, des modifications spéciales propres a
faire reconnaître chacune d'elles. Elle nous donne une séméiotique
également éloignée de t elle des anciens, qui, à force de s'appliquer
a tout, ne s'appliquait nettement à rien, et du diagnostic physique,
anatoraiqne des modernes, qui, n allant pas au delà de la lésion, ne
résout par conséquent qu'une faible partie du pioblème.
Cette loi met enlin l'anatomie pathologique à sa place, place d'une
haute importance, mais non exclusive ; elle n'y réduit pas toute la
pathologie, comme on tend trop à le faire aujourd'hui; mais elle ne
l'amoindrit pas non plus outre mesure, comme on l a fait trop long-
temps.
Enfin, la médecine des indications positives et la thérapeutique ex-
périmrtnta'e, nous sauve du scepticisme ou de la fantaisie, double
aboutis3ant du chaos de l'enseignement officiel, comme aussi du
fanatisme des rares et trop fidèles disciples du pur hahnemannisme.
Telle est la ligne que nous avons suivie et que nous continuerons
à suivre entre les erreurs contemporaines. Nous y sommes encou-
ragés par la bienveillance de nos lecteurs, par de nombreuses et
importantes adhésions, par le sentiment et l'expérience de la recti-
tude de nos doctrines, par une influence incontestable sur les idées
d'un grand nombre de médecins, enfin par le spectacle des égare-
ments de nos adversaires.
Que nos amis, que nos bienveillants lecteurs continuent à nous
soutenir de leurs sympathies, de leur concours généreux, de leurs
travaux, et, avec l'aide de Dieu, nous poursuivrons encore long-
temps, pour la léguer à d'autres, cette œuvre qui, malgré ses imper-
fections, a, malgré de grands obstacles, malgré la mort et les vides
que rien n'a pu combler, a su vivre, se fonder solidement et ne se
sent pas près de mourir. Alph. Milcent.
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NECROLOGIE
19
(Bxtrait do Bulletin de la Société homœopatniqu'.)
Arnaud (Jean -Baptiste -Martin) naquit en 1801, à Maraussan
;Hérault), iit ses études au collège de Clermont, obtint de brillants
succès, et put être reçu bachelier ès lettres le 18 août 1821 a l'Age
de 16 ans. Ces premiers travaux avaient fatigué cette jeune consti-
tution, et il fut obligé de se reposer sous le toit paternel pour re-
mettre sa santé. Nous le retrouvons subissant avec succès son exa-
men «lu baccalauréat ès sciences, le 24 mars 182r>. Ce fut à l'école
de Montpellier qu'il étudia la médecine et obtint le diplôme de
docteur, le 30 août 1830.
Des cette époque, on vit chez le jeune étudiant se montrer cet
amour de la conciliation et de la justice; à dilFérentes reprises, il
fut choisi par ses con lisciples pour être le médiateur dans ces divi-
sions intestines qui animaient la jeunesse de cette époque contre le
corps enseignant. Tous ceux qui l'ont connu ont retrouvé dans
l'homme mûr cette grande bonté, cette douceur et cette mansuétude
qui n'excluait pas une grande fermeté.
Pendant cette période où les soins de la clientèle laissent au jeune
docteur de si grands loisirs, nous trouvons Arnaud cherchant dans
les prédications des saints-simoniens, puis des phalanstériens la
solu'ion des vastes questions d'économie sociale. Son cœur géné-
reux lui frisait oublier ses propres intérêts pour travailler au sou-
lagement des prolétaires. Conséquent comme un homme de cœur,
il ne s'en tiiit point aux théories, mais il p;»ya de sa personne.
Aussi, quand il crut devoir revenir à la pratique de la médecine,
il n'y rapporta pas la fortune comme tant d'autres ; mais il con-
serva ce qu'il prisait beaucoup plus : l'estime de tous ceux qui
avaient partagé ses recherches.
Dès l'apparition de l'homœopathie à Lyon, il s'en occupa, porté
par cet esprit d'investigation qui faisait le fond de son caractère ;
ami du bien, Une craignit pas le ridicule que les liommes pratiques dé-
versent pour se venger sur ceux que l'amour de leurs semblables
anime.
Il fit partie des premières sociétés médicales homœopathiques, et
nous trouvons dansle volume de 1 845 «lu Bulletin de la Société de méde-
cine komœopathique une proposition qu'il iit àcette société. Nous allons
nous y arrêter quelques instants, car, à notre avis, elle peint par-
faitement celui qui fut notre ami.
Il propose à ses confrères un plan d'études pour la théra-
peutique et la matière médicale ; mais il commence par affirmer sa
lAerU scientifique et son droit d'examen,...
Il développe sa proposition, montre les avantages qu'eu recueil-
lerait la doctrine, pais arrive à établir son credo en médecine par la
80
NÉCROLOGIE.
critique île riiomœopathie telle que voulaient la maintenir les par-
tisans du statu quo. Il rencontre des oppositions au sein de la
réunion, mais l'hommage que l'on doit rendre à ces premiers
disciples, c'est qu'ils furent pleins de tolérance pour des idées
qu'ils ne pouvaient point partager intégralement. Chacun vint ap-
porter ses objections et discuter ce premier aperçu d'un travail sur
les maladies de la peau, travail que notre confrère continua seul.
La suite du recueil nous fournit de nombreuses études et dos ma-
ladi s de la peau et des médicaments, qui sont les mieux indiqués.
Il est regrettable que ces divers articles n'aient point été réunis en
un seul faisceau, car il serait plus facile de consulter ces recherches
si précieuses pour un ordre de main lies si diflieiles à guérir. Ce qui
pouvait être regardé comme un acte t méraire n'empêcha pas la
société de nommer pour son secrétaire général celui qui avait osé
porter une main téméraire sur l'arche sainte. Arnaud consacra ses
veilles à ses nouvelles fonctions et fut pendant de longues années
un des membres les plus laborieux de cette société.
Nous nous contenterons de renvoyer ceux qui voudront mieux
l'apprécier à la collection du BulLtin de la Sociite homœopalhique ...
La maladie et la fatigue tinrent pendant de longues années Ar-
naud éloigné «le nos séances ; malgré nos vives instauces, il oe
pouvait prendre place dans ce milieu où la mort avait fait tant de
vides, où il ne retrouvait plus ce même esprit de tolérance seien-
tiiique dont avait besoin son esprit si lucide.
Enlin, il y a quelques années, cédant à nos vives sollicitations,
nous le vimes revenir parmi nous; il semblait qu'il voulût nous
donner ses derniers jours....
La Société, heureuse de le retrouver, s'empressa de le nommer
un de ses vices-présidents, iière de penser qu'un jour il dirigerait
ses travaux, voulant payer un tribut de reconnaissance au vaillant
lutteur que rien n'avait pu abattre.
Il nous a été enlevé après trois jours de maladie
L. Molin.
Nouvelles. — Le D* Jousset commencera un cours de clinique
homœopathique le mardi 10 janvier, à 8 heures du soir, et le conti-
nuera le mardi et le jeudi de chaque semaine, 41, rue de Verneuil.
Le Rédacteur en chef, Julks Davasse.
Pnrîi. — Imprimerie k. Parent, rue Monsieur-lr-Pnoce, 3t.
L'ART MÉDICAL
FÉVRIER 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
ÉTUDE SURjNOS TRADITIONS.
— suite —
De la doctrine pathologique du xii" au xvi* siècle. —
II faut nous arrêter sur un point capital de notre his-
toire, touchant la discussion doctrinale qui se manifesta
vers le xme siècle et eut un grand retentissement dans
les siècles suivants.
Nous avons indiqué la querelle qui s'éleva entre
deux écoles qui apparurent vers le xme siècle : l'école
qui tenait pour l'antiquité et celle qui tenait pour les
Arabes. Nos historiens qui s'en sont occupés l'ont telle-
ment mal jug^e qu'elle est demeurée une obscurité his-
torique. J'espère la faire voir dans tout son jour et en
montrer l'importance.
Un premier démêlé tout théologique au premier
abord s'éleva dès la fin du xne et le commencement du
xin* siècle, entre nos théologiens et les philosophes qui
nous apportèrent les commentateurs arabiques d'Aris-
tote. Michel Scott, l'introducteur d'Averrhoës (Ibn-
Hoschd), et les autres averrhoïstes ou arabisants, soute-
naient tout à la fois le panthéisme et le manichéisme;
et ce sont ceux qui formulaient les théories que les Albi-
TOME XXXI. — FEVRIER 1870. 6
82 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
geois mettaient en pratique (1). Ils admettaient deux
âmes dans l'homme, et en même temps deux principes
dans le monde , le principe du bien et le principe du
mal. On comprend que nos théologiens ne durent pas
être insensibles à de pareilles doctrines et on entrevoit
la vive discussion doctrinale qui dut s'ensuivre.
Mais, il est bien clair que cette discussion ne pouvait
demeurer sur le terrain purement théologique : elle
touchait de trop près aux intérêts et aux questions capi-
tales de notre science pour que les médecins n'y prissent
point part. Il s'agissait poux eux de savoir si la maladie
a une existence propre, une réalité substantielle ou non.
• Les livres des médecins arabes nous apportaient la des-
cription des maladies nouvelles, la rougeole, la variole,
qu'ils attribuaient à des principes particuliers, et le fond
de leur thérapeutique était moins dans les sirops, les
alcoolats et les remèdes qu'ils employaient, que dans
leurs tendances spécificiennes qui consistaient à traiter
la maladie comme un être morbide habitant en nous.
Joignons-y leurs doctrines astrologiques qui faisaient
intervenir des influences astrales, sortes de principes
malfaisants, et nous comprendrons toute la portée que
pouvait avoir en médecine ce qu'on nommait les doc-
trines des Arabes. C'était une préparation de la Kabbale
et du Paracelsisme, deux modes du spécificisme dont
nous verrons l'éclosion au xv° siècle.
Nos médecins, liés avec les théologiens, théologiens
eux-mêmes pour la plupart, faisaient appel aux doc-
trines catholiques sur la nature du mal ; et de là la lutte.
Voyons donc d'abord cette doctrine du mal telle que
les Pères et nos grands docteurs la soutenaient, et quelle
pouvait être son influence en médecine.
(4) J'ai étudié celte question dans mon travail sur Averriwës et l'aver-
rlwïme, inséré dans la Revue du Monde catholique. 1864.
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ETUDE SUR NOS TRADITIONS. 83
Saint Denys l'Aréopagite est de tous les auteurs le
plus clair et le plus complet sur cette question; non-
seulement il a sondé la nature du mal en g-énéral, il a
aussi indiqué ce qu'est le mal dans la maladie. Ne pou-
vant citer tout le chapitre qui s'y rapporte, et que j'en-
gage à consulter, je citerai au moins les principaux
passages qui nous regardent. Il dit : « Tous les êtres
procèdent du bien. De plus, le bien dépasse infiniment
tous les êtres : d'où il suit qu'en une certaine manière
le non- être a place en lui. Mais le mal n'est ni être, car
alors il ne serait pas absolument le mal, ni non-être,
car cette appellation transcendantale ne convient qu'à
ce qui est dans le souverain bien d une manière surémi-
nente. Le bien s'étend donc loin par delà tout être et
tout non-être ; et le mal ne sera ni être, ni non-être,
mais quelque chose de plus étranger au bien que le
non-être, quelque chose qui n'arrive pas même à la
hauteur du non-être Le mal, en tant que mal, n'en-
gendre ni ne produit aucun être et tend, au contraire,
à vicier et à corrompre la nature des choses. Si l'on dit
qu'il est fécond en ce que, par l'altération d'une sub-
stance, il donne l'être à une autre substance, nous répli-
querons, avec vérité, qu'autant qu'il est corruption et
mal, il ne produit pas, mais plutôt dégrade et ruine, et
que le bien seul est un principe d'existence. Ainsi, de
lui-même, le mal est destructeur, et il n'est fécond que
par le bien : tellement que, de sa nature, il n'est rien ni
auteur de rien, et qu'il doit à son mélange avec le bien,
et d'exister, et d'avoir et de produire quelque chose de
bon. De plus, ce n'est point sous le même rapport
qu'une chose sera bonne et mauvaise à la fois; la faculté
de produire et d'altérer ne sera pas identique, et ne
s'exercera pas indépendamment du sujet où elle réside.
Le mal absolu n'a donc ni être, ni bonté, ni fécondité.
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81 HISTOIRE DE LA. MEDECINE.
et n'engendre aucun être, ne produit aucun bien
Si donc, par la corruption d'une substance, une autre
substance se produit, il ne faut pas l'attribuer à la vertu
du mal, mais à la présence d'un bien incomplet. De
même la maladie est une altération partielle de l'orga-
nisation; je dis partielle, et non pas totale, parce
qu'alors la maladie elle-même aurait disparu. Mais l'or-
ganisme subsiste; et c'est l'anomalie dont il est atteint
qui constitue la maladie. Ainsi ce qui ne participe nulle-
ment au bien n'a de subsistance réelle ni en soi, ni dans
les êtres
On ne doit pas attribuer au mal une existence propre et
indépendante, ni un principe où il trouve sa raison
d'être. Oui, il revêt une couleur plausible aux yeux de
quiconque s'y abandonne, parce qu'on recbercbelebien;
mais au fond, il n'est que désordre, parce que l'on estime
bon ce qui n'est pas véritablement tel. C4ar autre est
l'intention adoptée, autre le fait accompli. Çonc le mal
fausse la route, n'atteint pas le but, trahit la nature,
n'a ni cause ni principe formels, est en dehors de la fin,
des prévisions, des désirs, et ne subsiste réellement pas.
Par suite, il est une privation, une défectuosité, un dé-
règlement, une erreur, une illusion ; il est sans beauté,
sans vie, sans intelligence, sans raison, sans perfection,
sans fixité, sans cause, sans manière d'être déterminée.
Il est infécond, inerte, impuissant, désordonné, plein
de contradiction, d'incertitude, de ténèbre; il n'a pas de
substance et n'est absolument rien de ce qui existe.
Comment donc le mal est-il quelque puissance? Par son
mélange avec le bien; car ce qui est entièrement dénué
de bien n'est rien et ne peut rien
Le mal donc n'est point un être et ne subsiste dans au-
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éTUDK SUR NOS TRADITIONS. 85
cun être. Le mal, en tant que mal, n'est nulle part, et
quand il se produit, ce n'est pas comme résultat d'une
force, mais d'une infirmité. » (Des Noms divins, chap.4,
Œuvres de saint Denys, traduction de M&r Darboy.)
Cette doctrine, qui est la doctrine catholique, se re-
trouve tout entière dans saint Thomas , qui s'appuie
des déductions de saint Denys. « Utrum malum sil natura
• guœdam? — Respondeo dicendum quod unum opposi-
« tum cog-noscitur per alterum, sicut per lucem tene-
• brœ. Undè etquid sit malum, oportet ex ratione boni
• accipere. — Diximus autem supra, quod bonum est
« orane id quod est appetibile; et sic, cum omnis natura
« appetat suum esse et suam perfectionem, necesse est
« dicerequodet perfectio cujuscumquenaturœrationem
• habeat bonitatis. Unde non potest esse quod malum
• signifiée t quoddam esse, autquamdam formam, seu
■ naturam, relinquitur ergo quod nomine mali signifi-
« cetur qusedam absentia boni. — Et pro tanto dicitur
■ quod malum neque est existens, nec bonum, quia
• cum ens, inquantum hujusmodi, sit bonum, eadem
« est remolio utrorumque. — Ad primum ergt) dicen-
« dum quod Aristoteles ibi Ioquitur secundum opinionem
« Pythagoricorum, qui malum existimabant esse natu-
« ram quamdam ; et ideo ponebant bonum et malum
• gênera. Consuevit enim Aristoteles, et prœcipue in lo-
« gicalibus, ponere exempla quse probabilia erant suo
« tempore secundum opinionem aliquorum philosopho-
« rum. Vel dicendum sicut dicit philosophus (in-4°, Me-
• taph.% text. 6), quod prima contrarietas est habilus et
« privatio, quiascilicet in omnibus contrariis salvatur;
« cum semper unum contrariorum sit imperfectum res-
« pectu alterius, ut nigrum respectu albi, et amarum
■ respectu dulcis. Et pro tanto bonum et malum dicun-
« tur gênera non simpliciter, sec contrariorum; quia
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86 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
« sicut omnis forma habet rationem boni, ita omnis pri-
« vatio, in quantum hujusmodi, habet rationem mali.
« — Ad secundum dicendum quod bonum et malum
« non sunt diflerentiœ constitutivœ, nisi in moralibus,
« quœ recipiunt speciem ex fine, qui est objectum vo-
« luntatis, a quo moralia dépendent. Et quia bonum
« habet rationem finis, ideo bonum et malum sunt dif-
« ferentiœ spécificité in moralibus; bonum per se, sed
« malum, in quantum est remotio debiti finis. Nec ta-
« men remotio debiti finis constituit speciem in mora-
« libus, nisi secundum quod adjungitur fini indebito ;
« sicut neque in naturalibus invenitur privatio formœ
« substantialis, nisi adjuncta alteri formœ. Sic ig-itur
« malum quod est diflerentia constitutiva in moralibus,
« est quoddam bonum adjunctum privationi alteri us
« boni; sicut finis intemperati est non quidem carere
« bono rationis, sed delectabile sensu absque ordine
• rationis. Unde malum, in quantum malum, non est
« difîerentia constitutiva, sed ratione boni adjuncti
« — Ad quartum dicendum quod aliquid agere dicitur
« tripliciter. Uno modo formaliler, eo modo loquendi
« quo dicitur albedo facere album ; et sic malum etiam
« ratione ipsius privationis dicitur corrumpere bonum,
c quia est ipsa corruptio, vel privatio boni. Alio modo
a dicitur aliquid agere eflective, sicut pictor dicitur fa-
o cere album parietem. Tertio modo per modum
« causœ finalis, sicut finis dicitur effîcire movendo effi-
« cientem. llis autem duobus modis malum non agit
« aliquid per se, id est, secundum quod est privatio
a quœdam, sed secundum quod ci bonum adjungitur.
a Nam omnis actio est ab aliqua forma, et omne quod
« desideratur ut finis, est perfectio aliqua. Et ideo ut
« Dionysius dicit 4 capi^. de Divin, homin., part. 4,
« aliq. aprinc. lect. 23 : Malum non agit, neque deside-
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ÉTUDB SUR NOS TRADITIONS. 87
« ratur, nm virtuteboni adjuncti; per se autem est infinitum,
« etprœter vnluntatum et intentionem. — Ad quintum di-
« cendum quod, sicut supra dictum est, partes universi
* habent ordinem ad invicem, secundum quod una agit
t in alteram, et est finis alterius et exemplar. Hœc
« autem, ut dictum est in solut. ad 2 arg., non possunt
■ convenire malo nisi ralione boni adjuncti. Unde ma-
« lum usque ad perfectionem universi pertinet, neque
• subordine universi concluditur, nisi per accidens, id
« esl, ratione boni adjuncti. » {Simm. Theolog., pars 1,
quœst. 48, art. 1.)
II faut bien méditer ces solutions, parce que la ques-
tion est grave, plus grave que peut-être on ne le pense.
Nous allons voir ses conséquences pour la médecine.
Il n'y a au fond de la question du mal que deux doc-
*
trines. L une catholique, que nous venons de présenter,
et qui admet que le bien a seul un principe et que le
mal n'en a pas, que le bien a une existence réelle et que
le mal n'en a pas, que le bien est quelque chose de sub-
sistant et que le mal n'est qu'une négation, une priva-
tion. L'autre doctrine, considérée comme fausse, admet
que le mal a un principe comme le bien a le sien : c'est,
on le sait, la doctrine des Manichéens.
Si nous appliquons ces doctrines à la médecine, nous
voyons qu'il résulte alors aussi deux doctrines médi-
cales. L'une, d'accord avec la doctrine catholique, admet
que la maladie n'est rien de réel, n'a pas de principe ni
de cause spéciale; quelle n'est qu'un désordre, qu'un
état anormal, une mauvaise disposition de l'organisme,
une mauvaise manière d'être, une forme morbide de la
vie. L'autre doctrine, en rapport avec celle des Mani-
chéens, admet que la maladie a un principe d'existence
comme la santé a le sien, qu'il est vrai que la maladie
n'est qu'un désordre de l'économie, mais un désordre
HISTOIRE DE LA MÉDECINE,
qui a son principe, sa substance, sa forme, sa cause
d'être. Pour la première doctrine, la maladie n'est
qu'une forme abstraite et négative, opposée à la santé.
Pour la seconde doctrine, la maladie est quelque chose
de concret, qui a son principe morbifique réellement
subsistant dans l'organisme.
Saint Thomas, nous l'avons vu plus haut, attribue la
doctrine d'un principe du mal à Py lhagore,et il croit qu' A-
ristote lui prête l'appui de sa logique en faisant du mal
un prédicat ou attribut. Or, c'est sur cet appui, doublé
de l'appui du manichéisme, que la doctrine s'est fait
jour en médecine et a voulu représenter la maladie par
un principe morbifique, opinion que nous verrons se
produire vigoureusement dans les siècles modernes.
Mais, cette opinion n'est vraiment pas celle de la tra-
dition médicale. Hippocrate, tout en croyant avec Py-
thagore que la maladie est une apirpia de l'organisme,
n'admet pas cependant que la maladie ait un principe
morbifique. On lui a attribué, il est vrai, cette opinion,
mais elle n'est pas de lui : elle vient de l'école d'Alexan-
drie et du méthodisme, éclosions malsaines du pytha-
gorisme où Manès a puisé son hérésie. Hippocrate ad-
met bien une altération première des humeurs, des
solides ou des facultés, en un mot, ce que l'on a appelé
une cause prochaine ; mais nulle part il ne l'a donnée
pour la maladie elle-même, elle n'est en réalité pour lui
que l'effet premier de la maladie, que la source de l'in-
dication. Et les empiriques, ensuite Galien, ont très-
bien montré aux dogmatistes égarés et aux méthodistes
que la cause prochaine n'était pas la maladie , mais
l'effet premier de la maladie. Nous l'avons vu plus haut
dans le chapitre précédent.
La véritable tradition médicale est donc avec la doc-
trine catholique , non avec l'opinion opposée. Et elle
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 83
pourrait encore s'étayerdes raisonnements et de l'auto-
rité de Platon, qui comparant la maladie au désordre de
l'injustice, fait venir le mal de l'ignorance, et ne man-
que jamais l'occasion de traiter le mal comme une chose
qui n'existe pas par elle-même, qui n'est qu'un désordre
et qu'une privation de bien. On peut voir, entre autres,
le premier livre de la République et des lois et quelques
dialogues.
Il suit de là, que la maladie n'est qu'une mauvaise
manière d'être de l'organisme vivant, et, comme on l'a
dit, une privation de la santé, une forme morbide de la
vie, qu'elle n'est rien par elle-même, rien d'existant, rien
de réel, rien de subsistant, qu'elle n'a pas de principe
d'existence, pas de cause formelle. Donc, dire qu'il y a
un principe morbifique subsistant de la maladie, c'est
aller tout à la fois contre la doctrine catholique, contre
la raison qui l'appuie, contre la tradition médicale qui
s'y conforme.
Mais, de ce que les maladies sont des formes morbi-
des de la vie, sans existence réelle, s'ensuit-il qu'elles
ne sont pas distinctes les unes des autres comme espèces
distinctes? Saint Denys dit bien que le mal est sans
forme, sans fixité, sans manière d être déterminée ; mais ce
qu'il dit s'entend du mal absolu, du mal en lui-même.
Le mal n'est rien en lui-même, il n'est pas même rien ;
donc il est bien certainement sans forme, sans fixité, et
sans manière d'être déterminée ; mais le mal dans les
êtres se présente sous des formes déterminées, non pas
lui, le mal, encore une fois, mais l'être qui est dépravé.
Ce n'est pas la maladie que le médecin considère : la
maladie n'est rien, ce n'est que l'homme malade qui est
quelque chose, quelque chose de différent de l'homme
en santé, et différent dans telle ou telle disposition gé-
nérale qu'on nomme une maladie. Aussi, saint Thomas,
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90 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
dans le passage que nous avons cité, explique que le
mal n'est rien, môme en morale, mais qu'il se présente
en morale sous des formes d'espèces différentes, selon la
fin qui le détermine, c'est-à-dire que le vice en lui-
même, pris absolument et en dehors de tout être, n'est
rien, moins que rien, mais que dans les êtres vicieux, les
vices se présentent sous des formes d'espèces, comme le
mensonge, la gourmandise, l'assassinat. Encore une
fois, même dans ce cas, le vice n'est rien, mais c'est
l'être vicieux qui est menteur, gourmand, assassin. 11 en
est de même en médecine, où chaque espèce morbide n'est
qu'une forme de l'état maladif, une manière spécifique
d'être malade.
La plupart des médecins des xmet xive et xve siècles,
alliés à des théologiens, ou théologiens eux-mêmes,
comme nous l'avons dit, se rattachaient complètement à
cette doctrine pathologique, assurée sur les dogmes
théologiques et si bien d'accord avec les doctrines an-
ciennes, en particulier avec les doctrines hippocratiques.
Mais quelques-uns se laissaient entamer soit par l'aver-
rhoïsme, soit par les systèmes astrologiques qui ensei-
gnaient des principes malfaisants réellement subsis-
tants. Ils se laissaient surtout fortement impressionner
par ces éclosions de maladies nouvelles que l'antiquité
n'avait pas connues: la rougeole, la variole, le feu Saint-
Antoine, la coqueluche, la suette, le scorbut, la plique
polonaise, la syphilis, la gonorrlx'e ; et ils trouvaient
à expliquer ces maladies nouvelles soit par des influen-
ces astrales particulières, soit par des influences démo-
niaques spéciales, soit par des principes matériels mal-
faisants et contagieux.
Ainsi, naissait et se développait, d'abord sous le cou-
vert de l'arabisme, la doctrine du spêci ficisme matérialiste
qui venait faire échec à la doctrine hippocratique, aussi
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 91
bien qu'à la doctrine oatholique, et qui devait avoir de
si grands retentissements dans les siècles suivants.
Nous avons vu comment plusieurs médecins la propa-
gèrent, comment quelques autres tentèrent une conci-
liation sur le terrain thérapeutique, et comment Fracas-
tor fut, en définitive, le héros des tendances nouvelles.
C'est par lui, et avec lui, que le spécifîcisme matérialiste
se transmit dans toute sa vitalité aux siècles sui-
vants.
En résumé, la tradition médicale, écrite dans Hippo-
crate, avait consacré que les maladies sont d'espèces
différentes les unes des autres, et que dans leur nature
elles sont de simples modifications de l'être sans existence
substantielle. Cette doctrine, soutenue par les successeurs
d'Hippocrate contre ceux qui voulaient assimiler la mala-
die à un empoisonnement, reçut une nouvelle démonstra-
tion rationnelle de la philosophie chrétienne. Mais le
spécificisme matérialiste reçut un renfort de la philoso-
phie arabiste, de l'éclosion des maladies nouvelles, et de
la théorie des contages dont Fracastor fut le héros.
Des anciennes Facultés de médecine. — Nous avons
déjà indiqué comment naquirent les Facultés en Occi-
dent sous l'influence de la papauté, des rois francs et
des évêques. Nous avons vu le mouvement de renais-
sance scientifique et lettrée en Occident, briller un mo-
ment sous l'inspiration heureuse de Charlemagne, puis
s'éteindre et s'arrêter sous les descendants du grand
empereur, enfin reparaître pour s'établir définitivement
sous l'influence du pape français Sylvestre II, au temps
des premiers rois de la troisième race. Examinons main-
tenant comment les Facultés se constituèrent, quelles
règles elles suivirent.
Dans ces premiers temps de la fondation des Univer-
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92 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
si tés, des savants qui avaient étudié dans les cloîtres,
loin du monde et du tumulte des guerres, furent appe-
lés par les évêques près des cathédrales pour donner
l'instruction aux clercs ou jeunes gens destinés à
l'Église. Ainsi, dès le début, c'est l'évêque qui fonde un
enseignement sous sa haute tutelle : les professeurs
sont des moines ou des membres du clergé séculier :
les élèves sont des clers appartenant à l'Église.
Bientôt, l'affluence des élèves fut grande, et le nombre
des professeurs augmenta, en ce sens que les élèves de-
vinrent professeurs; leur talent reconnu les désignait.
Ces nouveaux professeurs n'entraient pas dans les or-
dres, ils restaient clercs sans être plus; quelques-uns
seuls étaient ordonnés et se rattachaient de plus près à
l'Église. L'affluence des élèves, le nombre des profes-
seurs, la nécessité de mettre de l'ordre dans l'enseigne-
ment nécessitèrent une organisation : dès lors, les Uni-
versités et les Facultés furent constituées ; l'évêque les'
établissait, le pape leur donnait une organisation et le
roi subvenait à l'entretien et au bon ordre. Une Univer-
sité instituée dans une ville ne relevait que de l'évêque,
du pape et du roi : elle était en dehors et au-dessus de
l'autorité seigneuriale, en dehors et au-dessus de l'au-
torité des communes. Les professeurs, les élèves et tous
les gens qui en dépendaient, formaient un monde à part
dans la société, qui bientôt eut son organisation, ses
coutumes, ses privilèges, et par conséquent ses abus.
Dans les premiers temps, les Universités dépendaient
immédiatement de l'évêque; mais quand elles furent
organisées, qu'elles eurent leur grand maître, leur jus-
tice, leurs traditions, elles vécurent pour ainsi dire en
dehors de l'évêque, s'affranchirent peu à peu de son au-
torité, en appelaient au pape contre l'évêque, en appe-
laient au roi contre le pape, et trouvaient ainsi le moyen
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ETUDE SUR NOS TRADITIONS. 93
d'être pour ainsi dire indépendantes, comme celle de
Paris le devint.
Un grand nombre d'Universités furent fondées dans le
moyen âge. Les trois premières furent celles de Paris,
de Bologne, et de Montpellier, à la fin du xn" et au com-
mencement du xiue siècle ; puis vinrent celles de : Vi-
cence, 1204;Padoue, 1222; Naples, 1224; Verceil, 1228;
Toulouse, 1228; Salamanque, 1240; Lisbonne trans-
portée à Coïmbre, 1290; Lyon, 1300; Rome, 1303;
Cahors, 1332; Avignon, 1340; Pise, 1343; Prague,
1347; Cracovie, 1347; Huesca, 1354; Pavie, 1361;
Angers, 1364; Vienne en Autriche, 1365; Funfkirchen
en Hongrie, 1367; Cologne, 1388; Heidelberg, 1387;
Erfurth, 1392. Ce mouvement de fondation se continua
dans les siècles suivants.
L'Université de Paris était le modèle et comme le type
de toutes les autres : il nous suffît de la faire connaître
pour que Ton sache l'organisation commune à toutes
les autres, aux exceptions près bien entendu. Nous pre-
nons d'ailleurs cette organisation telle qu'elle résultait
au commencement du xvi' siècle de ce qui avait été
constitué antérieurement.
On appela d'abord Université la réunion des clercs
étudiants venus de pays différents, ainsi que les profes-
. seurs; c'était l'ensemble des individus enseignant et
étudiant. Et, comme on distinguait quatre provenances
principales des élèves, on divisait l'Université en quatre
nations, France, Picardie, Normandie, Angleterre-Aile^
magne. C'était là une division toute provisoire évidem-
ment, et Ton comprend ce qui l'avait provoquée. Les
jeunes gens se rapprochaient entre compatriotes, et
comme ils constituaient quatre groupes de nationa-
lités, on y a vu quatre sections de l'Université. Cette
division qui fut plutôt une distinction parmi les élèves
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94 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
qu'une division parmi l'Université, n'empêcha pas l'or-
ganisation Universitaire en Facultés, qui eut lieu peu
après. Pendant longtemps, et jusqu'au xvi* siècle, les
clercs de l'Université se réunissaient en nationalités;
mais la division en Facultés existait dès la fin du
xii* siècle. Il y avait alors, comme il y eut toujours
depuis, quatre Facultés, de Théologie, de Médecine, de
Droit, des Arts. Chaque Faculté avait une vie à part, un
dogme, des professeurs, des gradés. Les quatre Fa-
cultés réunies formaient l'Université qui avait son chan-
celier ou grand maître.
L'organisation de l'Université de Paris fut réformée
sur quelques points et constituée définitivement par le
cardinal d'Estoutevillc, en 1452.
La Faculté de médecine de Paris enseignait dans une
salle basse de la rue du Fouarre, salle dénudée, et
garnie seulement de paille dont on obtenait le renouvel-
lement de la bonté du roi. Elle avait un doyen, des pro-
fesseurs et des gradés, docteurs, licenciés, bacheliers.
Son assemblée générale se faisait au bénitier de Notre-
Dame, plus tard elle eut une chapelle. Tous les ans, à la
Saint-Luc, le 18 octobre, la Faculté, doyen en tête, suivi
du massier, des professeurs et de tous les élèves, assistait
à une grande messe; il y avait amende pour quiconque
y manquait.
Voici maintenant l'organisation des grades, qui n'ont
été institués d'abord que dans le milieu du xuie siècle.
Quand les élèves arrivaient à la Faculté, ils se faisaient
inscrire sur des registres. Dès ce moment, ils étaient
clercs attachés à l'Université, et jouissaient de tous ses
privilèges.
Après deux ans d'étude, on pouvait passer l'examen
de baccalauréat. Les docteurs chargés de faire passer
l'examen interrogeaient les candidats tous les jours*
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 95
pendant une semaine, sur les diverses branches de l'en-
seignement. Le dernier jour, tous les docteurs de la Fa-
culté étaient tenus de venir pour des questions ; il est pro-
bable que lorsque leur nombre fut considérablement
augmenté, quelques-uns seuls étaient désignés.
Une fois reçu, le bachelier prétait serment, et conti-
nuait ses études pendant deux autres années pour passer
l'examen de licencié. Pendant ces deux autres années,
non-seulement il était tenu de suivre les cours de la Fa-
culté : il devait encore répéter les leçons des professeurs
pour ceux qui aspiraient au baccalauréat ; il était ainsi
répétiteur pour les matières qu'il avait apprises dans les
deux années précédentes, et il lui devenait ainsi impos-
sible de les oublier, puisqu'il était tenu de les enseigner
et de se familiariser avec elles. Combien il est fâcheux
qu'un si excellent principe ne soit plus mis en pratique;
de nos jours, on voit des jeunes gens qui, à la fin de
leurs études médicales, passant leurs thèses, ont oublié
ce qu'ils avaient appris leurs premières années, pour
leurs premiers examens.
Les examens pour le grade de licencié duraient huit
jours, comme pour le grade de bachelier, mais avec
beaucoup plus de sévérité. Au dimanche qui suivait cette
semaine, toute la Faculté était reunie, et alors avait lieu
l acté de Paranympkeqm était une sorte de consécration :
le candidat à genou, tête nue, prêtait serment et ensuite
recevait du chancelier de l'Université la licence d'exercer
et d'enseigner hic et ubique terrarum. Le licencié pouvait
assister aux assemblées de la Faculté, mais il n'avait ni
voix délibérative, ni voix consultative; il ne participait
pas à la direction de la Faculté. Pour avoir ce droit, il
lui fallait devenir docteur-régent ou maître-régent.
La licence avait d'abord été exigée vers le milieu du
xiii* siècle comme une garantie de l'orthodoxie dans
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96 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
l'enseignement. Jusque-là il n'y avait aucune restric-
tion, et tout maître, se déclarant tel, pouvait enseigner,
sauf à encourir des censures, s'il s'écartait de l'esprit
général ou s'il tombait dans l'hérésie.
La pratique médicale était accordée comme un droit
de la licence, mais il fallait bien du temps pour que
l'Université imposât ses grades à la société, et il me pa-
raît que la libre pratique de la médecine par des méde-
cins non reçus se perpétua pendant bien des siècles. Au
commencement du xvme siècle, on voit la Faculté, selon
Crevier, réclamer contre les médecins non diplômés ; ce
qui suppose que l'autorité universitaire voyait encore
s'élever contre elle bien des opposants.
On arrivait au doctorat quelques mois après la licence.
Le candidat présentait une requête, comme pour les au-
tres grades : le doyen fixait alors la vespérie et le jour
de réception. La vespérie était, comme son nom l'in-
dique, un acte qui se passait le soir; un docteur-régent
ayant au moins dix ans d'exercice, le présidait et ouvrait
la séance par une discussion avec le récipiendaire; puis
le docteur, qui avait présidé l'examen de licence du can-
didat, entrait également en discussion; enfin, le prési-
dent prononçait un discours latin, dans lequel il indi-
quait les devoirs et l'importance du doctorat. C'était là
le premier acte. Quelques jours après le jeune docteur,
escorté de deux bacheliers et des appariteurs de l'école,
allait rendre visite à tous les docteurs-régents. Enfin,
avait lieu la réception à laquelle assistaient au moins
vingt docteurs : il y avait serment du candidat, discus-
sion avec le plus jeune des docteurs, discussion scienti-
fique entre le président et le docteur qui avait présidé la
vespérie, puis discours latin du récipiendaire.
Tous les docteurs-régents étaient égaux entre eux,
avaient les mêmes droits et constituaient la partie diri-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 97
gente de la Faculté de Paris. Cependant on distinguait
les jeunes et les anciens, les uns ayant moins, les autres
plus de dix années d'exercice. Tous avaient le droit de
pratiquer et d'enseigner dans le ressort de la Faculté.
Cela existait dans toutes les Facultés, mais il y avait une
exception honorable pour celle de Paris, dont les licen-
ciés et les docteurs avaient droit de pratique et d'ensei-
gnement nrbi et orbi, droit qui leur fut conféré par le
pape Nicolas V, en 1160. Tout savant ou docteur étran-
ger qui venait à Paris ne pouvait y enseigner que sous
la permission et l'autorité de la Faculté; il en était de
même dans toutes les Universités.
Quoique renseignement fût libre, la Faculté nommait
des professeurs et des examinateurs, pour assurer la
continuité et la fixité des cours qui, sans cela, eussent
pu dépendre de la bonne ou mauvaise volonté de tel ou
tel. C était un acte de sagesse. Mais coque l'on ne sau-
rait trop louer, surtout quand on voit ce qui se passe
aujourd'hui, c'est le principe que l'on avait établi, que
ceux-là qui sont professeurs ne peuvent être examina-
teurs. On comprenait la partialité révoltante (pie pou-
vait avoir un professeur examinateur ; on ne voulait pas
qu'il pût favoriser à l'examen ceux qui suivaient assi-
dûment son cours et nuire à ceux qui préféraient
suivre un cours libre ; on craignait que le professeur
ne fît de questions que sur les matières qu'il aurait spé-
cialement enseignées, et qu'ainsi l'élève fût tenté de
n'apprendre que ce qui dépendait d'un seul professeur.
Il suffit de voir ce qui se passe actuellement pour juger
combien ce principe des anciennes Facultés était sage :
aujourd'hui l'on suit assidûment quelques professeurs,
on se fait voir a. leurs cours, on n'apprend que ce qu'ils
enseignent ; la science est toute renfermée dans l'école
officielle ; et les jeunes gens sont tenus de ne rien con-
TOHE XXXI. — FÉVRIER 1870, 7
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98 HISTOIRE DE J,À MÉDECINE.
naître en dehors de ce qu'elle professe. Monstruosité
révoltante de partialité et d'intolérance chez les profes-
seurs, d'ineptie et d'incapacité dans les études, d'arrêt
et d'abaissement dans la science.
Tous les deux ans, la Faculté se reconstituait pour
deux années. Tous les docteurs de la Faculté étant
réunis, les appariteurs apportaient deux urnes : l'une
contenait les noms des jeunes, l'autre les noms des an-
ciens. On tirait au sort deux noms dans l'urne des jeunes,
et trois noms dans l'urne des anciens : à ces cinq doc-
teurs élus par le sort, la Faculté conférait ses pouvoirs
pour nommer le doyen, les professeurs et les examina-
teurs. Au jour désigné, les cinq électeurs assistaient
avec toute la Faculté à une messe du Saint-Esprit, puis
se réunissaient dans une salle isolée et procédaient à
l'élection. D'abord, ils s'entendaient sur trois docteurs
dignes du décanat, mettaient les trois noms dans une
urne et tiraient au sort: le premier sortant était élu. Les
mômes formalités étaient suivies pour la nomination des
professeurs et des examinateurs : on désignait trois fois
plus de noms qu'il en fallait, et l'on tirait au sort le tiers.
La Faculté se constituait quelquefois en tribunal pour
rendre des décisions administratives ou scientifiques,
jug*cr la conduite d'un de ses membres, prendre partie
dans une question scientifique. Dans ces circonstances,
on peut comprendre quelle pouvait être cette autorité,
qui quelquefois suspendait un médecin dans son exer-
cice, admettait ou récusait telle opinion, telle formule de
traitement. La majorité constituait un corps tout puis-
sant qui, souvent emporté par ses préjugés ou ses pas-
sions, nuisait non-seulement aux individus mais aussi à
la science, en ne permettant de reconnaître comme bon
que ce qu'elle jugeait tel. Nous en verrons les tristes
résultats.
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ÉTUDE SI R NOS TRADITIONS. 99
L'ancienne Faculté de médecine de Paris a duré cinq
cents ans, depuis le milieu du xme siècle jusqu'à la fin
du xviii*. L'Université existait dès le xne siècle, puisque
le pape Céleslin, mort en 1492, en fait mention, ainsi
que le remarque J. Riolan ; mais il paraît probable qu'on
n'enseigna d'abord que la théologie, qu elle ne fut con-
stituée par Philippe-Auguste que l'an 1200, et que ses
statuts furent rédigés par Robert de Gourson, en 1215.
Ce n'est qu'un demi-siècle plus tard, vers 1270ou 1280,
qu'eut lieu la division et séparation des quatre Facultés
de l'Université, Pierre de Limoges étant doyen de la
Faculté de médecine. C'est alors que la compagnie prit
un sceau particulier et la masse d'argent ou verge sur-
montée d'un globe et enlacée de deux serpents. Les
statuts furent confirmés par Philippe de Valois, en 1331.
Les premiers registres connus, et qui nous restent, da-
tent de 1395.
C'est au xive siècle que la Faculté de médecine de
Paris commence à briller de tout son éclat, et cependant
elle était bien faible encore. On la voit professant dans
les salles basses et non pavées de la rue du Fouarre,
n'ayant pas même la propriété de ces salles et y ensei-
gnant de commun avec la Faculté des arts. Elle a une
bibliothèque, mais fort peu riche; on y compte huit ou
neuf ouvrages : la Concordance de Jean de Saint- Amand,
la Concordance de Jean de Saint-Flour, le livre de Galien
de Usu partium^ les Médicaments simples et la Pratique de
Mézué, le Traité de la Thériaque, t Antidotaire d'Albu-
casis, f Antidotaire clarifié de Nicolas Myrepsus, et enfin
le plus beau et le plus singulier joyau de la Faculté, ainsi
qu elle le disait à Louis XI qui lui demandait à l'emprun-
ter (en 1471) pour le faire copier, et auquel elle le prêta
moyennant une caution de douze marcs de vaisselle
d'argent et un billet de 100 écus d'or que souscrivit un
100 MISTOIRK DE LA. MÉDECINE.
riche bourgeois pour le roi. Ce plus beau et plus singulier
joyau de la Faculté était le Totum continens Rhasis en deux
petits volumes.
A la fin du xiv* siècle, la Faculté comptait trente et un
docteurs-régents. On ig*nore le nombre des licenciés qui
avaient droit à la pratique. Il y avait également des chi-
rurgiens, mais qui faisaient bande à part, et avec les-
quels la Faculté venait d'entamer une querelle dont nous
avons déjà parlé. Les chirurgiens formaient un collège
à part et en dehors de la Faculté ; ils n'étaient pas même
compris dans l'Université; on ne les considérait que
comme des artisans, et c'est, à ce titre que saint Louis
leur avait donné des statuts en 1268, sous la direction
de Jean Pitart, les désignant sous le nom de maîtres chi-
rurgiens jurés de la ville et des faubourgs de Paris. Gela de-
mande une explication. L'Université était cléricale, tous
ses adhérents étaient clercs, et comme tels inaptes à ver-
ser le sang; l'Eglise le leur défendait. Les chirurgiens
ne pouvaient faire partie de l'Université, on le comprend :
ils versaient le sang. Mais, la Faculté, composée de mé-
decins, avait la juste prétention d'être au-dessus des
chirurgiens, et ne considérait la chirurgie que comme
la servante de la médecine. Les chirurgiens, au con-
traire, ayant reçu une certaine instruction, étant lettrés
comme ils s'intitulèrent alors, avaient aussi la préten-
tion d'être les égaux des médecins. On voit de suite la
rivalité et l'ombrage des deux côtés : les chirurgiens
demandaient à faire partie de la Faculté. La Faculté les
repoussait. Au milieu de cette discussion, la Faculté prit
la détermination d'appeler à elle les barbiers, de leur
enseigner l'anatomie et la chirurgie, et de les livrer à
la pratique chirurgicale sous la direction des médecins.
Ces barbiers n'avaient cependant pas de diplômes, et
l' Université semblait ainsi accéder à la pratique libre,
* • •
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étude sur nos traditions. loi
mais elle son tirait par une fiction, déclarant que ces
barbiers n'étaient que les aides des docteurs et licenciés.
Dans le xv* siècle, la querelle dont nous venons de
voir les débuts, continue. En 1425, les chirurgiens de
robe longue ou lettrés obtiennent du Parlement un ar-
rêt qui interdit aux baigneurs et aux barbiers de faire
de la chirurgie, et ne leur permet que de panser les
plaies et d'arracher les cors : mais la Faculté les prend
sous sa protection et les couvre de son autorité.
En 1452, le cardinal d'Estouteville fut chargé par le
saint-siége de réorganiser les Facultés de théologie, de
droit et de médecine. II abolit la coutume qui jusque-là
exigeait que tout médecin fût célibataire, bachelier, li-
cencié et docteur; il disait que les hommes mariés sont
surtout ceux auxquels il convient d'accorder le droit
d'enseigner et de pratiquer la médecine. Cet acte était
d'une importance extrême, car il consommait la sépara-
tion de la médecine d'avec la cléricature ; c'est de cette
époque en effet que l'on commence à voir un moins
grand nombre de médecins engagés dans les ordres.
Le cardinal d'Estouteville exigea aussi que l'hygiène,
Jusqu'alors négligée, fît partie de l'enseignement , et
qu'une thèse fût soutenue sur cette matière par les ba-
cheliers. C'est lui aussi qui fît prendre la robe rouge
aux professeurs.
En 1454, la Faculté existait toujours rue du Fouarre,
dans la même situation où nous l'avons vue, et ses as-
semblées se tenaient, soit au bénitier de Notre-Dame,
soit à l'église des Mathurins. Mais elle s'était dévelop-
pée, elle comptait plus de soixante docteurs-régents, et
sa réputation était universelle. Jacques Desparts, cha-
noine de l'église de Paris, et médecin du roi Charles VII,
convoqua la Faculté au bénitier Notre-Dame, sous la
présidence du doyen Denis-dessous-le-Four. « Là, dit
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102 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
M. Sabattier, après avoir fait sentir la nécessité do don-
ner à la Faculté des écoles plus convenables, il proposa
les moyens qui lui paraissaient devoir le mieux concou-
rir à l'exécution de ce projet. Mais la g*uerro contre les
Anglais obligea pour le moment d'en ajourner l'exécu-
tion ; et lorsqu'on put y revenir, le défaut d'argent de-
vint un obstacle non moins puissant. Alors, Jacques
Desparts fit don à la Faculté de 300 écus d'or (3,450 li-
vres), et d'une bonne partie de ses meubles et de ses
manuscrits pour opérer cette construction qui fut com-
mencée au bourg de la Bucberie, sur le terrain d'une
vieille maison qu'on acheta d'un bourgeois nommé
Guillaume Cbanteloup, et qu'on réunit à celui d'une au-
tre non moins vieille, appartenant aux Chartreux , et
achetée dès 1369, moyennant 10 livres de rentes que
l'Université promit de payer à ces religieux. En 1495,
la Faculté avait fait construire près de l'entrée de la
principale porte de ses nouvelles écoles un petit bâtiment
qu'elle érigea en chapelle en 1511. Elle abandonna dès
lors l'église des Mathurins, où jusque-là elle avait fait
célébrer ses offices. La plupart des docteurs remplis-
saient dans l'origine les fonctions de chantres, et la
messe de saint Luc était chaque année chantée en
grande musique. A l'égard de J. Desparts, la Faculté ne
crut pouvoir mieux faire pour lui prouver sa reconnais-
sance, que de lui assurer, de son vivant même, afin
qu'il n'en ignorât, un obit vigile et messe à chaque an-
niversaire de sa mort, qui eut lieu le 3 janvier 1457. Ce
service fut même institué à perpétuité. Perpétuité! vain
mot que les hommes attachent à leurs trônes comme à
leurs autels, et qu'un coup de vent en efface comme des
lettres sur le sable. Il n'y a plus de messes pour J. Des-
parts, mais honneur à sa mémoire, car il fut homme
de bien, plein de zèle pour la science et pour ses pro-
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 103
grès auxquels il contribua à la manière de ce temps. Il
étudia les Arabes, commenta Avicenne, composa un
abrégé alphabétique des maladies et des remèdes, un
livre sur le régime, et une recette générale des médica-
ments internes et externes. Il légua par testament à la
Faculté son Avicenne et ses commentaires. »
La Faculté s'installa dans son nouveau local, rue de la
Bucherie, Tan 1505, et elle y demeura jusqu'à sa chute.
En 1460, elle recevait du pape Nicolas V, une bulle qui
accordait à ses docteurs le droit d'enseigner et de pra-
tiquer dans toutes les Universités du monde catholique.
Son autorité grandissait à chaque instant, ses décisions
avaient force de loi dans toutes les écoles ; et dès lors
elle dut entrer dans la décadence qui commence tou-
jours par la tyrannie. Nous verrons plus loin ce qu'il en
fut.
F. Frédault.
— La suite au prochain numéro. —
MÉDECINE GÉiSÉRALE
ÉTUDE CRITIQUE SUR. VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE
CELLULAIRE.
— QUATRIÈME ARTICLE, —
III
LB TUBERCULE.
Le tubercule est un produit organisé, il est constitué
par des cellules très-petites et à noyaux très-nombreux :
il a donc quelque analogie avec le pus. Son organisation
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104 MÉDECINE GÉNÉRALE.
est fort pauvre, les vaisseaux sont peu nombreux et l'é-
volution naturelle du produit morbide amène prompte-
ment leur oblitération. Aussi la période régressive com-
mence de bonne heure pour cette néoplasie; elle débute
toujours par le centre, elle est constituée par une trans-
formation granulo- graisseuse du tissu qui prend l'as-
pect caséeux, elle se termine le plus souvent par la
fonte puriforme et la destruction des tissus envahis.
D'autres fois les granules graisseux sont résorbés et le
tubercule passe à l'état crétacé. La caséification n'est
pas propre au tubercule comme on le croyait autrefois.
Le pus, et tous les produits de l'inflammation, le cancer,
les ganglions lymphatiques, peuvent arriver à l'état ca-
séeux; tous les états caséeux se ressemblent et il est
absolument impossible de les distinguer.
Le tubercule est produit par la prolifération ou la
transformation des cellules du tissu conjonctif. Le type
physiologique de la cellule tuberculeuse est la cellule
du ganglion lymphatique. Le tubercule est essentielle-
ment une petite tumeur. 11 n'y a qu'une espèce de tuber-
cule : le tubercule miliaire ; ce qu'on a appelé le tubercule
infiltré est un produit de l'inflammation.
Cette description est, dans ses points essentiels, lare-
production des travaux de Laënnec et des connaissances
classiques sur le tubercule. Certaines propositions
cependant sont nouvelles et appartiennent en propre à
l'école micrographique, ce sont les suivantes : le tuber-
cule est un tissu ; ce tissu se développe exclusivement
aux dépens des cellules du tissu conjonctif; le type
physiologique de la cellule tuberculeuse est la cellule
lymphatique; la caséification n'est pas exclusivement
propre au tissu tuberculeux. Le produit morbide connu
sous le nom de tubercule infiltré n'est pas le tubercule,
c'est un produit de l'inflammation.
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VIRCHOW ET LA. PATHOLOGIE CELLULAIRE. 105
Certainement le tubercule est un tissu, et c'est là une
vérité fort importante, due aux recherches modernes.
Mais la question litigieuse c'est celle qui assimile à un
produit inflammatoire ce que Laënnec et les auteurs qui
l'ont suivi appelaient tubercules infiltrés; c'est pour asseoir
cette opinion qui fait d'un très-grand nombre de phthi-
sies une forme de pneumonie (pneumonie caséeuse,
pneumonie épithéliale) qu'ont été avancées les autres
propositions : les tubercules se développent exclusive-
ment aux dépens des cellules du tissu conjonctif. La
caséification est une terminaison commune à plusieurs
produits morbides ; voici les arguments sur lesquels
s'appuie cette opinion :
L'inspection micrographique démontre qu'il existe
dans les poumons des phthisiques deux lésions d'aspect
différent : la granulation tuberculeuse et la pneumonie ca-
séeuse. La première de ces lésions est constituée par des
noyaux et des cellules extrêmement petites; ces cellules
contiennent habituellement un grand nombre de
noyaux. Elle se développe aux dépens du tissu conjonctif.
L'autre lésion, la pneumonie caséeuse, a son siège à
la fois dans les alvéoles et dans le tissu interalvéolaire.
Elle est constituée par des éléments beaucoup plus volu-
mineux que les précédents, par des cellules en voie de
prolifération mais surtout par des cellules épithéliales.
Les deux lésions que nous venons de décrire : granu-
lation tuberculeuse et pneumonie caséeuse, sont égale-
ment pauvres en vaisseaux et ont une tendance à passer
rapidement à la période de régression graisseuse (caséi-
fication), elles se rencontrent le plus souvent chez les
mêmes malades, et l'une à côté de l'autre, dans le même
poumon. Cependant, quelquefois elles semblent exister
isolément.
À notre époque où les idées organiciennes obscurcis-
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106 MÉDECINE GBNKRALE.
sent encore la plupart des intelligences médicales, on
a donné à ces différences de lésion une importance
exagérée, et l'histoire de la phthisie a été follement bou-
leversée du point de vue du microscope. La magnifique
unité constituée par Laënnec a été scindée. Les uns
(Empis) appelant tubercule et phthisie tuberculeuse l'af-
fection caractérisée par des productions caséeuses (tuber-
cules jaunes des auteurs) ; les autres réservant le nom
de tubercule et de phthisie tuberculeuse à la produc-
tion de granulations grises dans le poumon.
La constatation des signes d'un travail inflammatoire
fréquent là où l'école de Laënnec enseignait qu'il existait
seulement une néoplasie a été la première cause de la
confusion a laquelle nous assistons; et comme l'illustre
auteur de l'auscultation avait réagi contre Broussais en
niant l'inflammation dans la plupart des processus pa-
thologiques, les descendants de Broussais, les organi-
ciens modernes, ont réagi contre Laënnec en donnant
à l'inflammation une importance exagérée dans la tu-
berculisation. La vérité se trouve dans cette loi d'ana-
tomie pathologique posée par J.-P. Tessier : Les néopla-
sies (pus, cancer, tubercules, etc.) se développent par
deux mécanismes différents, avec ou sans inflammation.
Il est donc certain que l'inflammation joue un rôle
considérable, plus considérable qu'on ne le supposait
avant l'intervention du microscope, dans le processus
tuberculeux, mais nous ne pensons pas que ce soit une
raison pour couper en deux l'histoire de la phthisie.
C'est ce que l'étude de la pneumonie caséeuse va, je
crois, établir d'une manière irréfragable.
Qu'est-ce donc que la pneumonie caséeuse?
L'examen à l'œil nu, l'examen macroscopique permet
de constater l'évolution suivante : apparition dans la
trame du tissu pulmonaire d'une substance grise, plus
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 107
ou moins rosée, mais ayant toujours un certain degré
de transparence (infiltration g-élatiniforme, pneumonie
à frai de grenouille). Cette substance occupe tantôt de
petits points multiples et circonscrits, tantôt une partie
plus ou moins considérable des lobes pulmonaires. Elle
est très-peu vasculaire dès le début; elle se sèche
promptement, perd sa transparence; on voit apparaître,
dans des points multiples, des taches louches, opaques,
de plus en plus jaunes, et bientôt la masse entière pré-
sente cet aspect particulier qui lui a mérité le nom de
caséeux (tubercules jaunes de Laënnec); en même
temps les rares vaisseaux de la néoplasie s'oblitèrent
complètement. Plus tard ce produit morbide passe,
suivant les cas, soit à l'état de ramollissement puri-
forme, soit à l'état de calcification.
L'aspect extérieur et l'évolution de cette lésion res-
semblent donc complètement à l'aspect extérieur, à l'évo-
lution de la granulation tuberculeuse type : même cou-
leur grise, même transparence au début, même pauvreté
de vaisseau; enfin terminaison par un état caséeux
identique. Ajoutons que presque toujours on rencontre,
soit dans le même poumon, soit au milieu de la matière
caséeuse, de véritables granulations tuberculeuses.
L'examen microscopique ne permet point de consta-
ter dans le tissu qui constitue la pneumonie caséeuse
les noyaux nombreux et les petites cellules à noyaux
multiples de la granulation , la cellule tuberculeuse
manque à ce produit morbide. En revanche, les cellules
épithéliales, lésion essentiellement inflammatoire, rem-
plissent les alvéoles pulmonaires et constituent une
grande partie de la prétendue infiltration grise : donc
il n'y a point là de néoplasie, mais un produit de l'in-
flammation.
J'avoue que cette arg-umentation ne me satisfait point
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1(H MÉDECINE GENERALE.
et que la question ne me paraît pas complètement ré-
solue.
D'abord la présence des cellules épithéiiales ne prouve
absolument rien contre la nature tuberculeuse de la
prétendue pneumonie caséeuse. Les granulations tuber-
culeuses du rein et du testicule développent dans les
canalicules urinifôre et spermatique une inflamma-
tion tout à fait identique à celle qui existe dans les al-
véoles pulmonaires des phthisiques; et dans l'un et
l'autre cas, la prolifération des cellules épithéiiales, suite
naturelle de cette inflammation si malheureusement
appelée catarrhale (i), par Hérard et Cornil, entre pour
une grande part dans la constitution de la masse tuber-
culeuse caséifiée.
L'absence de la cellule tuberculeuse dans l'infiltra-
tion grise aurait une grande valeur s'il existait une
cellule tuberculeuse, mais il n'existe pas plus de cellule
tuberculeuse que de cellule cancéreuse; les petits élé-
ments qui constituent la granulation tuberculeuse type
se rencontrent identiques dans les gommes syphili-
tiques et dans les tumeurs morveuses, ils n'ont donc
rien de spécifique, ce sont des éléments communs à
plusieurs lésions, leur absence dans l'infiltration grise
n'est donc pas une raison suffisante pour nier la nature
tuberculeuse de cette lésion.
Mais il ne faut pas croire que la prétendue pneumo-
nie caséeuse ne contienne que des éléments épithéliaux,
des leucocythes, des granules graisseux et des débris
de fibrine. Ce tissu gris, demi-transparent, contient une
(I) Ces autours appellent la pneumonie caséeuse pneumonie catarrhale
tuberculeuse, parce que le siège principal de la lésion est dans les cel-
lules épithéiiales des alvéoles. Mais cette expression de catarrhale rap-
pelle l'idée d'une maladie, la bronchite grave, qui n'a aucun rapport
avec la tuberculisalion. Pneumonie établissait déjà une confusion ; ca-
tarrhale double pour ainsi dire cette confusion.
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 109
grande quantité de cellules à noyaux multiples, plus
grandes il est vrai que les cytoblastions de la granula-
tion tuberculeuse, mais qui ne sont ni des leucocythes,
ni des cellules épithéliales. Ces éléments, dont parlent
à peine Hérard et Cornil, sont des cellules en voie de
prolifération, des cellules jeunes, des cellules qui n'ont
pas encore de caractère.
Il est nécessaire de rappeler ici que Virchow a dé-
montré qu'au début de toutes les néoplasies les cellules
nouvellement formées se ressemblaient toutes, et qu'il
était impossible de distinguer par l'examen microscopi-
que si le produit nouveau deviendrait cancer, tubercule,
tissu fibreux ou toute autre néoplasie; qu'en un mot il y
avait un moment du processus où les éléments étaient
indifférents,
Eb bien, les grandes cellules de l'infiltration grise,
ces éléments en voie de prolifération et encore sans ca-
ractère, que deviennent-ils plus tard? Ces éléments
entrent prématurément dans la période régressive; ils
se caséifient avant d'avoir présenté aucun caractère
spécilique; il meurent avant de s'être développés complè-
tement, et c'est pour cela que l'infiltration grise ne pré-
sente pas les petites cellules, les cytoblastions des gra-
nulations tuberculeuses.
J'ajouterai que la granulation grise tuberculeuse pré-
sente h sa circonférence des cellules très-analogues à
celles que l'on rencontre dans l'infiltration grise, de
grandes cellules en voie de prolifération ; que souvent
ces grandes cellules se caséifient avant d'être arrivées à
leur état complet de développement et sans passer par
letat de cellules tuberculeuses types. Cette analogie
d'évolution d'une part, toutes les raisons que nous
avons énumérées précédemment, d'autre part, nous
permettent de conclure que la pneumonie caséeuse et
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110 MÉDECINE GÉNÉRALE.
Ja granulation tuberculeuse sont deux lésions de
môme nature, que le mode d'évolution est seul diffé-
rent.
La pneumonie caséeuse est donc un tissu tuberculeux
arrivé prématurément à sa période régressive ; mais en
est-il ainsi de l'affection à laquelle on a donné le nom
de pneumonie lobaire caséeuse ?
Cette affection débute comme une pneumonie franche :
elle s'accompag-ne, au début, de tous les signes de
l'hépatisation ; elle siège le plus souvent dans les lobes
inférieurs et se termine plus ou moins rapidement par
la mort avec des symptômes de cachexie tuberculeuse.
La lésion consiste dans la transformation complète d'un
ou de plusieurs lobes du poumon en une substance ana-
logue à du mastic de vitrier. Habituellement on ne
trouve pas de granulations tuberculeuses dans les
poumons, comme lésion concomitante.
Les signes stéthoscopiques et l'ensemble des sym-
ptômes ne permettent pas de douter qu'à son début
cette affection soit caractérisée par une véritable hépati-
sation fîbrineuse du tissu pulmonaire. Le râle crépitant
véritable, le souffle, les crachats visqueux, sont des
signes assurés de cette lésion, et dans les trois cas qu'il
m'a été donné d'observer, je n'ai pas hésité sur le dia-
gnostic. La suite des symptômes démontre que cette
pneumonie se change en phthisie en même temps que
les poumons se caséifient complètement. A cet état, ils
ne laissent plus passer l'air et donnent à l'auscultation
soit une absence de bruit respiratoire, soit du souffle
produit par le retentissement des bruits qui se passent
dans les grosses bronches. Plus tard encore, quand la
cachexie apparaît, les râles humides et le gargouille-
ment annoncent le ramollissement de la masse caséi-
ûée. A l'autopsie enfin, à la place de l'hépatisation rouge
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 1 1 1
qu'avait annoncée l'auscultation, on trouve la caséifica-
tion d'un ou plusieurs lobes.
Ces faits me semblent suffisamment clairs pour qui
n'est pas rivé à un système; et ils sont la démonstration
de la transformation du tissu pulmonaire et de son
exsudât en tissu tuberculeux.
Pour terminer, nous citerons un long1 passage du
livre de M. Villemin. Le lecteur trouvera dans ce pas-
sade la preuve de ce que nous avons avancé sur les
caractères histologiques de la pneumonie caséeuse.
M. Villemin fait remarquer, en premier lieu, que dans
les tubercules des séreuses, des muqueuses, des gan-
g-lions lymphatiques, quand on examine le processus à
sa période initiale, « la zone proliférante se compose
de cellules absolument identiques par la forme, les
dimensions ou tout autre caractère aux cellules de la
pneumonie caséeuse. Ces cellules sont globuleuses ou
allongées, à un ou plusieurs noyaux, et ce n'est que par
leur compression, les unes contre les autres, qu elles
prennent quelquefois des faces planes qui leur donnent
un aspect épithélial; elles ne sont, du reste, jamais
soudées entre elles On a donc affaire à des éléments
conjonctifs, en voie de prolifération. » (P. 145-6.)
Dans le passage suivant, M. Villemin combat l'opinion
qui fait de l'infiltration grise un produit de l'inflam-
mation. J'ai souligné quelques passages, sur lesquels je
désire attirer l'attention du lecteur.
« Dans un tissu conjonctif, la tuméfaction et la pro-
lifération cellulaire tuberculeuse ne diflërent pas de la
tuméfaction et de la prolifération inflammatoire, ce n'est
que par le stade final qu'on peut juger de la nature
du processus; l'inflammation aboutit à la formation du
pus ou d'un tissu hypertrophique
Mais ce qu'on appelle la pneumonie caséeuse n'est con-
112 MÉDECINE GENERALE.
slitué ni par du pus, ni par du tissu fibreux : cest un
produit formé de cellules au stade de prolifération qui aboutit
à la métamorphose graisseuse. Or la nécrobiose ne survient
pas dans l'inflammation à cette période de son évolu-
tion, tandis qu'au contraire elle constitue un des carac-
tères du tubercule; on peut s'en assurer dans les tissus
simples où toute confusion est impossible. Du reste, on
ne manque pas de rencontrer, dans ces prétendues
pneumonies, des nids d'éléments lymphatiques (cel-
lules de granulations grises) d'une dégénérescence plus
avancée que le reste, et qui marque le centre des foyers
arrivés a leur complète évolution ; seulement ces élé-
ments sont ordinairement de la grosse espèce, comme
on en trouve dans les tubercules des os, ou des tissus
conjonctifs lèches. Quantauxautres parties du processus,
elles représentent la néoplasie au stade de prolifération et cor-
respond à ce que nous avons décrit comme zone moyenne et
externe de la granulation type. Si l'on avait affaire à un
produit inflammatoire, de nature épithéliale surtout, on
n aurait pas, comme cela a lieu, une suppression delà circu-
lation dans les parties malades, et le poumon, au lieu de
prendre dès le début l'aspect anémique et la consistance
sèche propre aux tubercules, serait remarquable, au
contraire, parla turgescence et l'engluement sanguin
qui caractérise les processus inflammatoires.» (P. 146-7.)
Nous sommes Join de la pneumonie catarrhale de
MM. Hérard et Cornil, et nous avons une preuve déplus
des erreurs que peut enfanter l'histologie quand elle
n'est pas éclairée par les lumières supérieures de la
pathologie générale.
Une des causes persistantes de Terreur que nous
venons de combattre est cette funeste manie de créer
sans cesse des mots nouveaux, et le choix malheureux
de l'expression caséipeation, substitué au mot de dég-é-
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VIRCHOW ET L\ PATHOLOGIE CELLULAIRE. 113
nérescencc graisseuse. La première expression est de-
venue, clans l'esprit de la plupart des médecins, syno-
nyme d'affection tuberculeuse, de sorte qu'il a engendré
et qu'il engendre encore une confusion regrettable entre
celte néoplasie et les produits de l'inflammation quand
ces deux lésions sont arrivées à un stade final commun,
la régression graisseuse. Celte confusion s'augmente
encore quand ces deux lésions siègent dans le même
organe. Aussi sommes-nous obligé d'ajouter ici qu'il
ne faut pas conclure de notre plaidoyer en faveur de Vin-
filtrat ion tuberculeuse que nous rejetions l'existence de
lésions inflammatoires du poumon arrivé à la période
de régression graisseuse. Ces lésions sont incontesta-
bles dans certains cas d'asthme et de catarrhes chroni-
ques.
IV
DU PUS.
Le pus est une néoplasie constituée par des éléments
organisés, la cellule purulente et un liquide intercel-
lulaire, le sérum du pus. 11 se produit aux dépens des
cellules du tissu conjonctif dans les parenchymes, et
aux dépens des cellules épithéliales sur les surfaces.
La doctrine des exsudais est fausse pour le pus comme
pour les autres néoplasies ; jamais ce produit morbide
ne résulte de la transformation d'un exsu lat. Le rus
est une transformation et non pas une sécrétion. Les
cellules du pus, comme celles de toutes le?, néoplasies,
ne se forment pas directement de la cellule conjonctive
ou épithéliale. Le premier effet de la prolifération pa-
thologique est la formation de cellules jeunes, sans ca-
ractère, indifférentes, et qui, par leur développement,
prennent le caractère de la cellule du pus (p. 400).
TOME XXXI. — FEVRIER 1870. 8
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114 MÉDECINE GENERALE.
La suppuration n'est pas, à proprement parler, une
destruction ; c'est une formation d'éléments nouveaux.
Seulement ces éléments, contenus dans une substance
interccllulaire liquide, ne peuvent jouer le rôle de tissu
solide. La suppuration a donc pour dernier résultat le
ramollissement et la liquéfaction des parties, et c'est
ainsi, ajoute Virchow, que « la croissance et la destruc-
tion, ces deux processus si opposés l'un à l'autre en ap-
parence, ont cependant dans le fond une certaine ana-
logie » (p. 104). La suppuration s'accompagne de la
formation des granulations. Les granulations sont consti-
tuées par un tissu en voie de transformation purulente ;
elles présentent, dans la partie qui s'éloigne le plus de
l'abcès, des cellules arrondies ne possédant qu'un
noyau. Ces noyaux se multiplient à mesure qu'on se
rapproche de la surface suppurante, et là les cellules ne
peuvent plus être distinguées de l'élément purulent.
Vulcération se produit par la prolifération continue des
granulations, par la transformation en pus et la des-
truction des éléments nouveaux. La membrane pyogé-
nique est due à l'organisation des cellules conjonctives
autour du foyer de suppuration. Cette membrane n'en-
gendre donc pas le pus, mais est produite par le même
travail que lui.
Les globules du pus ne peuvent être distingués des
globules blancs du sang, des leucocythes. Ces deux élé-
ments se ressemblent complètement. Cependant le pus
n'est pas formé par les leucocytes, sortis mécani-
quement des vaisseaux. La cellule purulente est due à
une élaboration, à une génération nouvelle. Sur les
membranes muqueuses, en particulier, on peut voir la
prolifération engendrer successivement des cellules
jeunes n'ayant encore aucun caractère et se transfor-
mant peu à peu soit en cellules épitliéliales, soit en
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VIKCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 115
mucus, soit en pus. On retrouve habituellement les trois
processus simultanés sur les muqueuses enflammées. Si
donc la cellule purulente est due à la transformation
d'une cellule jeune, d'abord indifférente, elle n'est pas
constituée par un leucocyte sorti des vaisseaux. Il y a
des liquides purifonnes qui ne contiennent pas de cel-
lules de pus et sont soit des cellules épithéliales, soit du
mucus, soit de la fibrine désagrégée (l).
Le pus n'est jamais résorbé en nature; quand il n'est
pas évacué au dehors il peut se présenter deux cas :
ou bien les parties liquides du pus sont seules résor-
bées, les parties solides se dessèchent, subissent plus ou
moins la dégénérescence graisseuse, et passent à Y état
caséeux. Cet état peut persister indéfiniment ou subir,
au contraire, un nouveau ramollissement qui nécessite l'ul-
cération des parties et l'évacuation du produit morbide.
Mais quelquefois la résorption du pus est complète;
elle s'opère par le mécanisme suivant : les parties li-
quides du pus ne sont pas résorbées ; les cellules subis-
sent rapidement la régression graisseuse, le produit
s'émulsionne, devient analogue à du lait et est résorbé
directement.
Tel est le résumé de la théorie de Virchow sur lafor-
mation du pus.
Le physiologiste de Berlin combat victorieusement la
théorie déjà vieille de la sécrétion du pus et celle plus
moderne de sa formation mécanique parla transsudation
des leucocytes. Il appuie sa démonstration sur l'évolu-
tion du processus ; la formation des cellules indifféren-
tes, auxquelles succèdent graduellement des éléments
complets. Cet argument est sans réplique et ne permet
ti) Voir au chapitre des néophsies ce que nous avons dit à propos du
caillot intra-veineux.
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116 MEDECINE GÉNÉRALE.
pas de soutenir l'opinion qui fait de la suppuration une
simple transsudation de leucocytes.
La justice nous oblige de rapporter encore ici un
passage du remarquable travail publié par le Dr Fré-
dault dans [Art médical de 1856. On verra que Virchow
se borne à reproduire, en un style obscur, des idées
exposées beaucoup plus clairement par l'élève de
J.-P. Tessier.
« Ainsi, les globules du pus ne ressemblent pas seule-
ment aux globules muqueux et aux jeunes cellules épi-
tbéliales, mais bien à toutes les cellules élémentaires : de
sorte que le globule du pus n'est pas une forme extraor-
dinaire étrangère à l'économie, mais au contraire une
forme qui a son type dans [état normal. ïl faut remarquer
aussi que les globules de pus n'ont pas une forme cel-
luleuse organisante, car le pus ne produit aucun tissu ;
la forme de ses globules est une forme élémentaire, et qui,
en cette qualité, nes 'njnifie aucune organisation précise ; c'est
le signe d'un travail organisateur en général, mais d'un
travail non spécifié. Et, ainsi, lorsqu'une partie quel-
conque, le sang, un liquide organisable, un solide
même, se convertit en pus, il ne fait (pie se transformer
en un clément commun d'organisation. » (Art médical,
t. III, p. 201.)
Vircbow a donc répété M. Frédault quand il a rap-
proché la cellule purulente de la cellule muqueuse et de
la jeune cellule épilbéliale; et au lieu d'appeler cet
élément nouveau une forme élémentaire, un élément coin-
mun, il l'a appelé une cellule jeune^ une forme indifférente.
L'expression varie, mais l'idée est absolument la même;
il s'agit toujours d'un élément sans caractère propre, et
pouvant servir à toutes les néoplasies possibles.
Dans ce même passage du Dr Frédault, nous retrou-
vons encore l'idée de l'analogie entre les éléments des
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 117
néoplasies et les cléments physiologiques. La cellule du
pus a son type dam fêtai normal. Voici un passage plus
explicite encore : .
« Et, chose vraiment digne de frapper l'esprit, ce
type normal, commun de toute organisation, se retrouve
dans le sang. Le sang contient un globule blanc tout à fait
semblable au globule du pus. r. (P. 262.) Et un peu plus
loin : « Je ne tiens avant tout, ici, qu'à signaler Yanalogie
du pus avec les (/lobules blancs du sang, ce type de la forme
commune des cellules élémentaires. Cette analogie fait
reconnaître que le globule du pus a son type dans une forme
normale. » (P. 269.)
Et quant à la nature du processus, M. Frédault dit
catégoriquement :
« Que le globule du pus se forme d'une manière ou
d'une autre, toujours est-il qu 'il se forme comme une cel-
lule, qu'il est une véritable formation, et qu'il a son type
dans le sang » (p. 267).
Une connaissance plus approfondie des liquides pu-
rifornies; l'impossibilité reconnue delà résorption du
pus en nature ; la description des divers modes régres-
sifs des collections purulentes non évacuées constituent
un véritable progrès dans l'histoire du pus. Cependant,
nous devons faire observer que le pus, arrivé à l'état
caséeux, n'est plus susceptible de subir un nouveau
ramollissement. C'est pour ce produit un état indéfi-
niment stationnaire et qui peut tout au plus tourner à
la calcification. C'est la confusion du tubercule et du
pus easéifié qui a fait croire à la possibilité du ramollis-
sement du pus arrive à la période de régression grais-
seuse.
Virchow n'admet pas plus pour le pus que pour les
autres néoplasies la transformation des exsudats et
des liquides coagulablesdu corps. Nous avons déjà traité
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118 MÉDECINE GÉNÉRALE.
cette question à propos dos néoplasies en général, et
nous avons démontré que les caillots intraveineux su-
bissaient réellement la transformation purulente. Il
nous resterait, pour compléter notre démonstration, à
rapporter ici l'évolution des suppurations à ]a surface
des plaies et dans les cavités formées par le soulèvement
de l'épidémie. Virchow sait aussi bien que nous que
lorsqu'on essuie parfaitement une plaie, ce n'est pas du
pus qui se forme immédiatement, mais un liquide trans-
parent; que dans la pustule et la vésication, c'est un
liquide librineux qui apparaît pendant les premières
heures et qui se transforme graduellement en pus. Mais
ces phénomènes gênent la théorie cellulaire, et Virchow
setirede cette difficulté en s'envcloppantdans les nuages
d'une obscurité d'autant plus profonde que la difficulté
est plus grande. Qu'on en juge par le passage suivant :
« On a pensé qu'il se formait d'abord une exsudation,
au milieu de laquelle le pus se produisait, et les re-
cherches faites sur le développement du pus ont surtout
porté sur de semblables liquides. Il était bien naturel,
tant qu'on n'admettait pas la continuité de la formation
cellulaire, qu'on considérât les jeunes cellules comme
des formations libres, et qu'on pensât à la formation
des germes au milieu du liquide épanché, germes qui,
devenant peu à peu plus nombreux, produiraient les
corpuscules du pus. Mais les choses se passent autre-
ment. Quand la suppuration dure longtemps, un nombre
de cellules, de plus en plus considérable, subit la pro-
lifération, la pustule s'élève parce que le nombre des
cellules qui viennent s'y rendre est augmenté. Quand
une pustule de variole se forme, elle contient d'abord
une gouttelette de liquide; mais ce liquide ne produit
rien et diminue seulement la cohérence des parties voi-
sines. » (P. 398.)
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CAUSERIES CLINIQUES. 119
Qu'est-ce que signifient ces jeunes cellules, regardées
comme des formations libres; qui sont considérées
comme des germes, lesquels germes deviennent des
cellules de pus ? Et cette vérité trop véritable que la
pustule s'élève parce quo le nombre des cellules devient
plus considérable? Puis celte gouttelette du liquide qui
remplit la pustule a son début, mais ne produit rien? Il
ne s'agit ni de germes, ni des vérités de M. de La Pa-
lisse, mais il s'agit de la succession do phénomènes in-
contestables, l'épanchement d'un liquide fïbrineux qui,
graduellement, est remplacé par un liquide purulent.
Eh bien, de deux choses l'une: ou le liquide fïbrineux est
repris par l'absorption pour être remplacé par du pus,
ce qui est une supposition purement gratuite; ou bien
il est transformé en pus; et comme c'est là l'expression
d'un fait parfaitement observé, nous pouvons conclure
que le pus, comme toutes les néoplasies. est produit par
la transformation des solides et des liquides coagulables
du corps vivant.
P. JOUSSET.
— La suite au prochain numéro. —
MÉDECINE PRATIQUE
CAUSERIES CLINIQUES
* TOME II
XI
TRAITEMENT DE LA DIPHTHERIE.
— Suite —
XX. Si, par un coup d'oeil rétrospectif, on considère
l'exposé précédent des cinq formes de la diphthérie, on
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120 MÉDECINE PRATIQUE.
reconnaîtra que, dans cette maladie, la gravité et le
pronostic diffèrent, non-seulement suivant la forme,
mais encore suivant la variété de la forme. Pour per-
mettre d'apprécier la valeur d'un traitement dans la
diphthérie, il est donc indispensable d'en signaler les
formes et les variétés de forme contre lesquels il a été
appliqué : ce qui n'est généralement pas fait par les
médecins, hormis quand ils exposent avec détail les
observations cliniques.
Vu leur pronostic, les cinq formes de la diphthérie
pourraient être, pour ainsi dire, considérées comme
cinq maladies différentes.
Ajoutées auxsix précitées (muguet, angines tonsillaire,
ulcéreuse, aphtheuse, pultacée, herpétique), elles con-
titueraient onze maladies dans lesquelleson voit du blanc
au fond de la gorge, suivant l'expression familière d'un
chirurgien des hôpitaux. Mais, comme sur ces six
maladies deux seulement, l'angine herpétique et l'angine
pultacée, peuvent être quelquefois confondues avec les
cinq formes de la diphthérie, il ne resterait que sept
maladies analogues ou semblables quant à la lésion
apparente, mais très-différentes quant à la nature ou à
la gravité et au pronostic.
Le chirurgien précité, on se le rappelle, ne s'occupant
nullement de distinguer ces sept espèces ou formes
d'angines, appliquait un traitement uniforme, la cau-
térisation, aux 80 malades qui en étaient atteints. Il
attribuait les 76 guérisons obtenues à la cautérisation,
et cela bien à tort, car il ne devait, je le répète, ce succès
apparent qu'à la double confusion nosologique par lui
commise. 11 a été et il est encore trop souvent imité sur
ce point par les médecins qui écrivent comme par ceux
qui pratiquent, préconisant presque tous plus ou moins
aveuglément une médication exclusive.
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CAUSERIES CLINIQUES. 121
Pour éviter leurs errements et d'autant mieux recher-
cher les remèdes efficaces contre la diphthérie, je vais
analyser les observations cliniques publiées sur cette
maladie, éliminer celles qui ne lui appartiennent pas,
el, quant à celles qui lui appartiennent, les classer
suivant leur forme respective.
Dans une première partie de la section de thérapeu-
tique, je consacrerai un premier article à chaque médi-
cation préconisée contre la diphthérie et à ses résultats.
Dans la seconde partie de cette section, je passerai
successivement en revue les cinq formes de cette maladie
en signalant les effets heureux ou malheureux des
remèdes employés contre chacune d'elles. Gomme on le
présume, cette seconde partie constituera une sorte de
tableau synoptique exposant les indications cliniques
des médicaments dans chaque forme.
On a préconisé et employé contre la diphthérie, la
saignée, la glace, la cautérisation avec le nitrate ff argent
ouX acide chlorhydrique, X inoculation de lamatièrediphthé-
rilique comme préventif et curatif et les médicaments
suivants : aconit \ hepar sulfuris calcarcum, spomjia tosta,
belladonn, bnjonia et ipéca, niercurius vivus, mercurius solu -
bilisymercurius corrosivus eisublimatus,mercuriicyanuratum ,
kali chloricum, kali bichromaticum , mercurius biiodaius,
ammonium causticum , arsenicum , argentum nitricum ,
ni tri acidum, muriatis acidum, sulfuris acidum, capsicum
an mai m , phytolacca decandra , chininum arsenicosum ,
iodium, bromum, bromure de potassium, bromure de mercure,
sulfate de quinine, nitrate de potasse et bicarbonate de
l h) tasse, le chlore gazeux, Veau de chaux.
Je vais passer en revue quelques-uns de ces remèdes
et médications, dire leurs succès et insuccès, rechercher
leurs indications et contre-indications.
122 MÉDECINE PRATIQUE.
XXI. Saignées. — Le Dr Simorre, de Contres (Loir-et-
Cher), pratique une saignée toutes lesquatre heures, habi-
tuellement quatre par jour, quelquefois même cinq, six
ou sept. La guérison a lieu, dit-il, le plus habituellement
en vingt-quatre heures. Pendant les épidémies de 1862
et 1863, il a traité ainsi avec succès 53 malades et 2 en
1860. Ce médecin ne donnant pas les signes objectifs
présentés par ses malades, je présume qu'il n'a eu à
soigner que les formes bénigne ou commune légère de
ladiphthérieou peut-être môme des angines herpétiques
ou pul lacées. Ce qui me porte à le croire, c'est qu'il met
en doute l'efficacité des saignées dans le croup. Cette
médication, également appliquée par le Dr Corsât, de
Contres, ne serait donc pas employée dans les formes
graves de la diphthérie mais seulement dans les formes
bénignes et probablement aussi contre les angines
herpétique et pultacée, qui guérissent spontanément et
même, parait-il, malgré les saignées. {Tribune médicale,
t. H, p. 33 et 54.)
XXII. Glace. — Le Dr Bleynie père, après le Df de
Grandboulogne et le Dr Baudon, préconise ce traitement
chez les adultes et les enfants atteints de diphthérie. Le
malade laisse fondre dans sa bouche un petit morceau
de glace immédiatement remplacé par un autre, et cela
jusqu'à la disparition des fausses membranes qui a lieu
du deuxième au septième jour. Le soulagement est im-
médiat, on donne en même temps du vin et quelques
aliments. Le Dr Bleynie déclare n'avoir jamais eu d'in-
succès en employant cette médication.
La Tribune médicale (t. I, p. 245) emprunte l'extrait
précédent à la Revue médicale de Limoges, sans citer
aucune observation clinique à l'appui, aussi ne puis-je
pas savoir quelles espèces ou formes d'angines ont traitées
CAUSERIES CLINIQUES. 123
ces Irois médecins. Cependant, le Dr Lacaze signale
explicitement deux cas de forme bénigne ou commune
légère et un cas de forme putride guéris par la glace.
Du reste, celle-ci peut être employée comme un utile
adjuvant de concert avec le traitement homœopathique,
car elle constitue ainsi une des nombreuses applications
de l'hydrothérapie, qui provoque si puissamment la
réaction.
XXIII. Cautérisations. — Le Dr Augé, de Rouilly (Indre),
expose dans les termes suivants l'action nuisible de la
cautérisation :
« Je suppose qu'il s'agisse d'une angine couenneuse
commune {herpès du pharjnx). Un médecin peu attentif se
contentera du symptôme commun (fausses membranes)
et diagnostiquera une angine couenneuse qu'il appel-
lera aussi du nom de diphthérite. Le traitement clas-
sique sera : cautérisation énergique au nitrate d'ar-
gent.
« L'amygdale est cautérisée , il se fait une eschare
doublée de la fausse membrane, plus épaisse, plus dense
et plus large; car vous n'avez pas appliqué le crayon ou
le pinceau sur la fausse membrane seulement. L'action
du caustique s'est étendue. De plus, aussitôt après*
l'opération, par un mouvement de déglutition, il y a
contact des deux amygdales et le caustique se porte de
l une sur l'autre, ainsi que sur le voile du palais; de sorte
qu'au lieu d une eschare vous en avez deux ou trois,
qui seront prises pour des fausses membranes, et qui,
au bout de quelques heures, pourront être recouvertes,
en effet, d'une véritable fausse membrane.
« Le lendemain- on trouve une fausse membrane plus
blanche, plus épaisse et l'on est très- étonné d'en trouver
sur l'autre amygdale et sur le voile du palais.
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121 MÉDECINE PRATIQUE.
« Le médecin, effrayé, cautérise éncrgiquemcnt. Le
surlendemain, même étonnement, même médication.
Il entretiendra ainsi pendant long-temps des fausses
membranes, qu'il appelleradiphthéritiques. Mais voyant
qu'il n'y a point ou seulement peu de fièvre, qu'il y a
de l'appétit, il cessera ses cautérisations. Au bout de
quelques jours, il y a du mieux; les eschares se déta-
chent et, en peu de temps, la guérison est complète. A
ce moment, on criera victoire ! et ce sera la cautérisation
qui aura opéré ce magnifique succès.
« Ce que je raconte, je l'ai vu plusieurs fois. J'ai vu
deux enfants atteints d'angine couenneuse herpétique,
cautérisés quatre ou cinq fois par jour, chez lesquels
les amygdales et le voile du palais étaient recouverts de
peaux épaisses et fétides dues à l'abus de la cautérisation
et qui n'ont eu du mieux qu'après la cessation de cette
détestable méthode. Ils ont guéri par des toniques et des
gargarismes.
a Chez une petite fille atteinte d'angine couenneuse
herpétique, j'ai fait l'expérience suivante, pour convain-
cre la mère qui voulait que sa fille f ut cautérisée, parce
qu'une petite voisine l'était quatre ou cinq fois par jour.
J'ai touché avec le nitrate d'argent pendant huit jours
l'amygdale droite recouverte d'une fausse membrane
(herpétique), et je ne touchai qu'une fois l'amygdale
gauche qui était atteinte du même mal.
a Au bout de deux jours, l'amygdale gauche fut guérie,
tandisque j'entretins pendant huit jours la fausse mem-
brane sur l'amygdale droite, qui ne guérit qu'après la
cessation des cautérisations; j'entretenais un véritable
cautère sur une amygdale. » (Tribune médicale du 5 sep-
tembre 1869. — L'Art médical, XXVIII, 311.)
Voilà bien un exemple démontrant qu'on peut aggra-
ver, prolonger, en la cautérisant, une simple angine
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CAUSERIES CLINIQUES. 125
herpétique qui guérit spontanément et même, parait-il,
malgré ce traitement.
Le Dr Bouclier, de Sancergues (Cher), décrivant une
épidémie de 18 cas de diphthérie qui avait été traitée
avec là cautérisation par le nitrate d'argent ou le perchlo-
njre de fir ou Y acide chlorhydrique, Y alun, ajoute :
« Ce traitement local na jamais rien modifié. Les fausses
membranes se sont reformées rapidement, quelquefois
après une heure, avec leur adhérence primitive et leur
épaisseur quelquefois excessive.
« En revanche \ ces cautérisations fatiguaient beaucoup les
petits muladest .F en ai vu deux avoir des convulsions à la
suite.
« Beaucoup de malades, en outre, atteints de diphthé-
rie. (juèrissent journellement sans avoir été cautérisés.
«Ainsi, point de bénéfices aux cautérisations; au
contraire, leur pratique entraîne des dangers, épuise
les forces si amoindries des sujets, provoque des convul-
sions.
« Pourquoi la cautérisation, en effet? La fausse mem-
branes ri est rien qu'une étiquette. Il y a au-dessous d'elle
une maladie générale qui la commande, et qu'on n'atteint
pas par les caustiques. Veut-on une preuve à l'appui de
<*tte opinion?
«La rougeole, la scarlatine, la variole, la suette, la
lièvre typhoïde, la fièvre puerpérale, le choléra, la dy-
s^ntérie, sont des maladies générales résultant d une
,nto.\ication spéciale. Elles présentent trois caractères
m'iles rapprochent et eu forment un groupe parfaite-
ment distinct.
' Ces caractères sont : l'état du sang, la contagion, les
loches spéciales à la peau. Eh bien î la diphthérie pré-
sente le même état du sang; elle est contagieuse et, de
plus, elle a des taches à la peau. La diphthérie est donc
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■
126 MÉDECINE PRATIQUE.
une maladie générale par intoxication et qui rentre dans
le cadre précédent. » {France médicale du 27 octobre 1860.
— LArt médical, XII, 461.)
Dans les Archives générales de médecine (1850, p. 53-
54), le Dr Empis a publié une Etude de la diphthérite cf a-
près une maladie observée à r hôpital Necker en 1848, étude
à laquelle j'emprunte le passage suivant :
« Chez plusieurs de nos enfants, la diphthérite débuta
par une simple plaque très-souvent circonscrite, qui fut
vigoureusement combattue par l'aclion fréquemment
réitérée des caustiques. L'application locale était pronip-
tement suivie d une grande amélioration. La diphthé-
rite cessait de s'étendre en surface et, au bout de quel-
ques jours, marchait vers la cicatrisation. Cependant
alors môme que la cicatrisation était complète, comme
chez plusieurs de nos enfants, on voyait, au bout de
dix à quinze jours, la diphthérite se répéter avec vio-
lence sur le canal aérien et produire la mort. »
Dans sa quatrième lettre à M. le Dr Marchai (de Calvi),
rédacteur de la Tribune médicale, le Dr Jousset disait :
« Vous vous rappelez, très-honoré confrère, avec
quelle bruyante satisfaction Brctonneau et Trousseau
ont publié les succès merveilleux du traitement local
dans la diphthérie! Ce traitement, bien appliqué, arrêtait
tous les accidents, et je ne me rappelle plus dans quel
village de la Touraine une bonne femme avait guéri,
avec de l'alun insufflé dans la gorge, tous les malades
qui s'étaient adressés à elle, tandis que les médecins
étaient arrivés à une mortalité effrayante.
a Malgré ces prétendus succès, vous avez vu, très-
honoré confrère, la trachéotomie devenir chaque jour
plus fréquente et témoigner ainsi que le traitement lo-
cal était bien souvent insuffisant. Enfin, dans ces der-
nières années, Trousseau, le grand promoteur de Y alun
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CAUSERIES CLINIQUES. 127
et du nitrate aaryent, m'a avoué qu'il se bornait à tou-
cher l'arrière-gorge avec un peu du jus de citron! Voilà,
en dernière analyse, où alxmtit tout le tapage de ce qu'on
a appelé pompeusement l'École de Tours, sur le traite-
ment local de la diphlhérie. » {L'Art médical, XXIX, 97.)
Si, après avoir lu ce qui précède, un médecin préfère
encore employer la cautérisation contre la diphthérie,
c'est qu'il considère les fausses membranes comme un
poison pouvant envahir tout l'organisme et, à cause de
cela, devant être détruit sur place. Ce même praticien
cautérisera aussi, à l'occasion, le chancre induré, croyant
naïvement, par là, prévenir le développement de la sy-
philis.
Celle doctrine des empoisonnements morbides n'est
qu'une hypothèse, et le poison diphthéritique n'est
qu'une métaphore.
En effet, comme le dit très-bien le Dr Jousset :
« Les empoisonnements véritables sont essentielle-
ment des maladies de cause externe et en rapport direct
avec un agent déterminé. Un poison est une substance
minérale, végétale ou animale, parfaitement analysée
et susceptible d'être isolée. Elle a trois caractères prin-
cipaux :
i* Elle agit sur tous les individus d'une même espèce
animale ;
2* Elle agit immédiatement et sans incubation;
3* Son action est proportionnée a sa quantité.
« Les poisons morbides hypothétiques se distinguent
des précédents :
« 1° Parce qu'ils agissent sur un nombre d'individus
fort restreint dans une espèce animale ;
« 2° Parce que, pour la plupart, ils n'agissent qu'une
seule fois pendant la vie d'un même individu;
« 3" Parce qu'ils ne développent leurs effets qu'après
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1?8 MÊDECINIî PRATIQUE.
une période de temps plus ou moins longue (pi on ap-
pelle incubation;
« 4° Parce que la quantité de matière inoculable et
contagieuse est tout à fait indifférente ; qu'une syphilis
grave, par exemple, peut élre produite par une quan-
tité infiniment petite de liquide inoculable, tandis qu'une
quantité dix fois, cent fois plus considérable produit,
chez un autre individu, une syphilis bénigne, et, chez
un troisième, ne produit rien du tout ;
« 5" Enfin, parce que les poisons morbides sont entiè-
rement soumis à l'organisme vivant, qui les reçoit ou
les repousse; qui engendre, avec le même agent, des
formes morbides diverses, et qui, au moins pour la di-
phthérie, crée la maladie de toutes pièces et en l'absence
de tout contage ; parce (pie, en un mot, ces prétendus
empoisonnements sont des maladies de cause in-
terne.
« C'est donc par métaphore qu'on appelle la fausse
membrane inoculable un poison, puisque cette substance
a des propriétés toutes différentes de celles des vérita-
bles poisons. Or, il ne convient pas à une science comme
la nôtre, qui aspire à devenir une science positive, de
prendre une comparaison fausse pour une vérité, de se
nourrir de métaphores, et encore moins de baser tout
un traitement sur des hypothèses creuses.
« La diphthéric est une maladie contagieuse, premier
fait. La fausse membrane est l'agent de cette contagion,
second fait. De ces deux faits, on ne peut légitimement
conclure qu'une chose : c'est qu'il faut, autant que pos-
sible, soustraire les personnes saines aux émanations
des personnes atteintes. Mais, conclure de ces deux
faits que la fausse membrane est un poison; que la di-
phthérie est un empoisonnement; et qu'on arrêtera cet
empoisonnement en détruisant la fausse membrane;
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CAUSERIES CLINIQUES. 129
c'est faire un roman, propre uniquement à égarer la
pratique médicale.
En résumé..., « la fausse membrane n'étant qu'un
produit morbide, un effet et non une cause, sa destruc-
tion ne saurait empêcher ni sa reproduction , ni son
extension. » (LArt médical, XXIX, 100.)
Insufflation de poudre fine de nitrate d'argent à l'aide
d'un tube et d'un appareil en caoutchouc (poire com-
pressible de Galante;. C'est un procédé de cautérisation
préconisé parle Dr Guillon père.
Il a, dit-il, guéri divers malades sous les yeux de
Bretonneau, Blache, Trousseau et Delpech. Et pourtant
ces médecins n'ont pas adopté son procédé, ce qui n'est
pas une recommandation en sa faveur. {Tribune médi-
cale, I, 433.)
XXIV. Nitrate de potasse et bicarbonate de potasse. —
LcD'Constant-Cavenne fait boire en vingt-quatre heures
1 à 2 litres d'une tisane d'orge miellé contenant par
litre, soit :
Nitrate de potasse. . . . I gramme.
Bicarbonate de potasse. . . 3 —
soit
Nitrate de potasse. ... 3 —
Bicarbonate de potasse. . . 4 —
« Quand je voyais, écrit ce médecin, les malades uri-
ner ou suer abondamment, j'augurais favorablement de
la promptitude et du bon succès de la cure. Du reste,
presque immédiatement ou parallèlement , je voyais
s'amoindrir l'exsudation plastique et l'engorgement
sons-maxillaire diminuer. L'alcalinisation des humeurs,
traduite par l'alcalinité de l'urine, était le gage de la
guérison. Plus d'une fois (c'est ce qui résulte de mes
observations) le sujet ayant cessé de boire, l'urine de-
TOME XXXI. — FÉVRIER 1870. U
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130 MÉDECINE PRATIQUE.
venait neutre ou acide, et l'amélioration était enrayée,
ou même l'état de la gorge empirait ; et, avec la reprise
des boissons, avec le retour de l'alcalinité de l'urine, la
diphthérie rétrogradait et la guérison s'affirmait. »
Quoique cet auteur s'élève avec véhémence contre la
cautérisation, il cautérise, néanmoins, tous ses malades
avec le nitrate d'argent ou avec le miel chl or hydrique.
Il dit n'avoir perdu que deux malades sur 26 cos de
diphthérie. Dans la Tribune médicale (t. 1, p. 481, 498,
521, 533). il a publié 23 observations de malades guéris,
parmi lesquelles j'en trouve : .
4 appartenant à la forme bénigne (obs. VII, VIII,
X, XI) ;
16 appartenant à la l'orme commune;
2 appartenant à la forme putride (obs. V, XIII).
XXV. Insufflation de peurs de soufre préférablement non
lavées, parce qu'elles contiennent un peu d'acide sulfu-
rique. — A l'aide d'un petit ballon en caoutchouc muni
d'un tube recourbé, ces fleurs de soufre sont projetées,
trois fois par jour, ou même toutes les quatre heures,
sur les fausses membranes, lesquelles disparaîtraient
rapidement. Telle est du moins l'assertion du DrAnto-
nio-Maria Borbosa (de Lisbonne), qui cite deux cas de
diphthérie, forme commune, guéris par ce traitement.
Le chlorate de potasse, administré antérieurement, n'a-
vait pas paru eflicace. (Tribune médicale, t. II, p. 458.)
XXVI. Injections deau de chaux contre le croup, par
le Dr Albu, médecin de l'hôpital Saint-Lazare, à Berlin.
— Il introduit la seringue Pravaz entre les anneaux de
la trachée et injecte quelques gouttes d'eau de chaux
tiède. Puis, ne voyant aucun accident en résulter, il en
injecte la pleine seringue, sans provoquer d'accès de
CAUSERIES CLINIQUES. 131
suffocation. Seulement une grande excitation et de la
toux en résultent, et les enfants expectorent subitement
des lambeaux de fausses membranes diphthéritiques.
Sur six croups traités ainsi, il y eut un succès cbez
unej eune fille de 10 ans, qui allait subir la tracbéotomie
et guérit, grâce à deux injections d'eau de cbaux par
jour, et à l'usage interne de cette eau ot de la décoction
de quinquina. Ses cinq autres malades étaient des en-
fants au-dessous de 5 ans et arrivés à la période de
suffocation. 'Berlin. Klinik. Wochenschrift, n° 5.)
Le Dr Albu a voulu dissoudre, sur place, les fausses
membranes que MM. Bricbeteau et Adrian avaient dis-
soutes dans l'eau de cbaux.
Ces faits prouvent que la trachée et les bronches sont
moins sensibles que le larynx et la glotte, et que ces
injections provoqueraient moins la suffocation que lors-
qu'elles sont faites par la bouche. Mais elles sont indi-
quées seulement contre les fausses membranes bron-
chiques et hypo-laryngiennes, et non contre les fausses
membranes laryngiennes que leur siège rend les plus
dangereuses. {Union médicale, 1869, n° 70; — Lyon mé-
dical, 11, 413.)
XXVII. Le copahu et le cubèbe, alternés toutes les
deux heures, une cueillerée à thé du sirop de l'un ou de
l'autre, ont procuré deux guérisons de la forme bénigne
et commune, et une de la forme croupale d'emblée. Ce
dernier malade prit, en six jours, 60 grammes de sirop
de copahu et 24 grammes de sirop de cubèbe. [Bulletin de
thérapeutique, t. LXX, p. 90.)
XXVIII. Phitolacca decandra. — Le Dr Bayes (de Cam-
bridge) a guéri une diphthérie de forme ataxique, 1° en
faisant prendre à l'intérieur :
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132 MÉDECINE PRATIQUE.
Phitolacca TM 6 gouttes.
Eau 1 once,
et en employant le gargarisme suivant :
Acide phênique 5 gouttes.
Vinaigre concentré. ... 14 —
Eau 1 once.
{Bulletin de la Société homœopathique, 1866,
t. VII, p. 177.)
En employant, soit phitolacca 6e à l'intérieur et phito-
lacca TM en gargarisme, soit phitolacca TM à l'intérieur,
quatre médecins américains disent avoir guéri : le
Dr Bayes, 4 cas; le Dr Ed. Blake, 1 cas; le Dr Rhodes
Keed, 4 cas, et le Dr Warner Bubb, 13 cas d'angines
diphthéritiques. Mais, comme, dans leurs observations,
ils n'ont pas signalé l'adénite sous-maxillaire, ni les
autres symptômes objectifs caractéristiques, on se de-
mande s'ils ont eu à traiter des angines pultacées, her-
pétiques, ou seulement les formes bénigne et commune
de la diphthérie. (Bulletin de la Société hom., t. VII,
p. 178 et 186.)
XXIX. Kaolin (terre de porcelaine). — Sur 120 à
150 croups traités depuis douze ans, le Dr Landesmann
(de Genève) a employé 15 à 20 fois seulement ce remède,
parce qu'il n'est pas appelé au début ou qu'on a donné
les anciens remèdes ordinaires. Il le considère comme
efficace dans la plupart des cas; cependant, il n'en cite
que deux trop brièvement et sans l'exposé des signes
objectifs du croup.
Dans le premier cas, kaolin 6e réussit après l'insuccès
d'aconit, hepar, spongia, bromitm, phosphorus, iodium.
Chez le second malade, qui devait être trachéotomisé
le lendemain, kaolin 6e réussit après l'insuccès de bro-
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CAUSERIES CLINIQUES. 133
mum 3\ {AUgemeine Homœopatkische Zeitung, t. LXX1X,
p. 105.)
Le Dr Aegidi est le premier, dit-il, qui ait conseillé et
employé kaolin 6e-3Ûe, dans les formes graves du croup.
Mais il ne cite aucune observation à l'appui de cette
assertion.
{Allg. Hom. Zeit., t. LXXIX, p. 118.)
XXX. Plumbum. — - Le Dr Schuessler, d'Oldenbourg,
après avoir vu mourir plusieurs diphthéritiques vaine-
ment traités par apis, iodium, kali bichromalicum ,
oralis aciclum, se mit a la recherche d'un remède plus
efficace. Quel est, se demanda-t-il, le symptôme de la
maladie qui doit décider du choix du médicament? Ce
n'est pas la rougeur et le gonflement des parties molles
de la gorge. Ce n'est pas non plus la formation de
l exsudat ou, si l'on veut, l'apparition du champignon,
Le ramollissement putride grangréneux des fausses
membranes et des parties mollesde la gorge lui semblè-
rent être les lésions qui devaient déterminer le choix du
remède. Trois médicaments produisent de pareilles
lésions : arsenicum, plumbum , secale comufum. Ce der-
nier produisant ces lésions avec absence de douleur, il
l'élimina. Il lui restait donc à choisir entre arsenicum
et plumbum dont voici les symptômes pothogénétiques
consignés dans le manuel du Dr Jahr.
Arsenicum : Inflammation de la gorge portée jusqu'à
la gangrène.
Inflammation et gonflement des parties génitales
portés jusqu'à la gangrène ;
Tuméfaction du bras qui est recouvert de pustules
noires d'une odeur putride ;
Plumbum : Epigastre couvert de taches gangreneu-
ses, érosions de la peau par places ;
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134 MÉDECINE PRATIQUE.
Eschare avec sanie purulente fétide ;
Gangrènes de l'aspect le plus repoussant.
Inflammation des yaisseaux qui circulent dans les
ulcères de la gangrène froide (?) ;
Violente inflammation des parties génitales avec
forte fièvre et finalement gangrène des parties, ce qui
amène la mort.
ArsemcitM, présentant un nombre moins considérable
de symptômes que plumbum , le Dr Schuessler se
décida à prescrire ce dernier médicament, ce qu'il fit
avec un succès qui contribua, dit-il, à la vulgarisation de
l'homœopathie dans un district où régnait une épidémie
de diphthéTie. Il cite très-brièvement deux cas de gué-
rison seulement ; ils paraissent appartenir, l'un à la
forme ataxique, l'autre à la forme putri<le. Cette dernière
existait chez une petite fille de 6 ans traitée par un
médecin allopathe qui ne lui donnait plus que deux
jours à vivre.
Le Dr Schuessler prescrivait Plumbum 4e et 30e à
prendre toutes les trois heures. Il ne peut dire quelle
dilution lui a paru plus efficace. Alg. Hom. Zeitung,
t. LXXVIII, p. 67.
Ce médecin n'ayant point donné d'observations clini-
ques avec les symptômes objectifs de la diphthérie, on
se demande quelles formes de cette maladie il a traitées,
ou s'il n'a eu à soigner que des angines herpétiques et
pultacécs.
Plumbum me paraît indiqué contre les paralysies
concomitantes (forme ataxique) et consécutives de la
diphthérie, vu les symptômes de paralysie qu'il produit
chez l'homme sain. On est étonné en pensant à ceux qui
ont déterminé le médecin d'Oldenbourg à prescrire ce
médicament chez les diphthéritiques. Les symptômes
pathogénétiques précités porteraient à prescrire plumbum
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CAUSERIES CLINIQUES. 135
contre la forme putride et en général contre toute com-
plication de gangrène?
XXXI. Lachesis. — Chez un enfant mourant de la
forme putride et vainement traité par le merci/re et le
bromure de mercure, le Dr Frédault a réussi très rapide-
ment avec lachesis. Ce remède est, du reste, générale-
ment recommandé contre la forme putride de diverses
maladies : diphthérie, scarlatine, variole, etc.
XXXII. Cure de la diphthérie par f inoculation de la ma-
tière diphthéritique. — Pendant une épidémie de diph-
thérie, le Dr Masotto pratiqua cette inoculation, io fois
dans un but curatif, 20 fois dans un but préventif.
Dans la première série des quinze inoculés, la ma-
ladie se montra bénigne. Dans la seconde série des
vingt inoculés, deux furent atteints de la maladie, l'un
vingt jours, l'autre vingt-deux jours après l'inocula-
tion ; mais leur diphthérie fut peu grave, de courte du-
rée, et guérit presque sans traitement. {Bulletin de thé-
rapeutique, t. LXXV1II, p. 93.)
En pareil cas, doit-on pratiquer l'inoculation chez
l'homme, comme on le fait chez les bestiaux dans une
épidémie de péripneumonie? ou bien doit-on admi-
nistrer la matière diphthéritique diluée comme on ad-
ministre le vaccin à la 3°, 6°, 30e dilution?
Si le Dr Masotto nous avait dit les formes de la diph-
thérie qu'il a traitées, et qui régnaient dans cette épi-
démie, nous serions beaucoup mieux renseignés sur la
valeur de l'inoculation qu'il a pratiquée.
XXXIII. Aconit, hepar sulfuris calcareum, spongia tosta.
— Ces trois médicaments sont les premiers qui aient
été préconisés contre la diphthérie par leshomœopathes.
Mais ceux-ci n'ont pas, à notre connaissance, donné
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130 MÉDECINE PRATIQUE.
une seule observation avec les signes objectifs de cette
maladie. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter la
Clinique homœopathique du DrBeauvais, deSaint-Gratien,
et les Klinische Erfahrungen in der Homœopathie du
Dr Rueckert.
Cependant le Bulletin de la Société homœopallùque de
1860 (t. I, p. 130) parle de plusieurs cas de diphthérie,
guéris par hepar lre, 3e, 10e, 18e. Mais il il ne dit pas
quelles formes de cette maladie ont été traitées.
Dans la laryngite pseudo-membraneuse de la rou-
geole, le Dr Jousset a vu échouer hepar et spongia, et
réussir bryoniael ipéca. (L'Art médical, II, 299.)
Sil y a complication d'une forte fièvre surtout chez
les enfants, aconit me paraît devoir être fort utile, al-
terné avec un autre médicament approprié à la diph-
thérie.
Le poly sulfure de potassium, à la dose de 10 centi-
grammes dans 90 grammes d'émulsion d'amandes
douces et amères, a permis au Dr Lecorney de guérir
deux diphthéries de forme croupale. (LArl médical,
IX, 397.)
XXXIV. Iodium. — Dans le croup d'emblée et à son
début, le Dr Raymond dit avoir fait prendre avec suc-
cès, toutes les heures, une cuillerée à café de la potion
suivante : Iodium, TM, 6 gouttes; eau, 150 grammes.
Mais ce médecin ne cite aucune observation clinique à
l'appui de son dire. (Bulletin de la Société homœopathique,
1860, t. I, p. 35.)
Dr Gallavardin,
de Lyon.
— La suite prochainement. —
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RECHERCHES SUR LA TYMPAN 1TE.
137
NOSOGRAPME
RECHERCHES SUR LA TYMPAN ITE ET SON TRAITEMENT.
— SUITE —
L'observation que je viens de rapporter (1) présente
aux points de vue étioiogique et thérapeutique certaines
particularités qui méritent bien qu'on s'y arrête un in-
stant. Aussi ai-je cru devoir les faire suivre de quel-
ques réflexions sur la tympanite et son traitement.
Je ne parlerai point ici des tympanites des divers or-
ganes (vessie, utérus, etc.), je me bornerai à indiquer
les variétés de tympanites qui ont leur siège dans le
tube digestif et ses annexes : elles sont au nombre de
cinq : 1° tympanite de l'œsophage; 2° tympanite de
l'estomac; 3° tympanite de l'intestin grêle ; 4° tympanite
du gros intestin, et 5° tympanite du péritoine.
Ces variétés peuvent être réunies dans une seule et
même classe que nous étudierons en prenant pour type
la tympanite de l'intestin grêle. Nous réservons pour le
chapitre du diagnostic les caractères différentiels des
cinq variétés que nous venons de nommer.
Tympanite de ï intestin grêle. — C'est une maladie ca-
ractérisée par le développement et l'accumulation de
çaz dans la portion d'intestin comprise entre les val-
vules pyloriquo et iléo-cœcale.
Etiotogie. Au point de vue des causes, nous diviserons
les tympanites de l'intestin grêle en idiopathiques et
symptomatiçues .
(1) Voy. le numéro de décembre *869 de VArt médical, pages 453 et
Mirantes.
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138 NOSOGRAPHIE.
A . Nous classerons dans un premier groupe (tympa-
nites idiopathiques) toutes celles qui ne dépendent ni
d'une affection locale du tube digestif ou de ses annexes,
ni d'une maladie générale. Ce groupe comprendra les
tympanites qui résultent de la déglutition de l'air atmo-
sphérique (1), celles qui se développent par l'ingestion
de certains aliments, de certaines substances toxiques
(par exemple : les champignons, le venin des serpents)
ou de certains médicaments, comme les purgatifs sa-
lins (2), celles qui dépendent de la suppression acciden-
telle de la transpiration, celles qui résultent d'une va-
riation brusque de la température ou d'un changement
dans la pression atmosphérique (3).
A ce groupe, nous devons rattacher les tympanites
qui semblent sous l'influence d'un trouble passager de
l'innervation, comme, par exemple, celles qui survien-
nent à la suite d'une émotion vive.
B. Au second groupe appartiennent les tympanites
qui résultent non plus d'un état nerveux passager, mais
d'une maladie nerveuse bien caractérisée comme l'hy-
pochondrie et l'hystérie. On pourra m'objecler, sans
doute, que la ligne de démarcation est souvent difficile
à établir entre Y état ou le tempérament nerveux et les
maladies nerveuses; toutefois, il me semble que c'est la
une distinction fort importante, tant au point de vue de
l'étiologie qu'au point de vue du traitement. La consti-
tution de Tindividu mérite d'être prise en sérieuse con-
sidération dans toutes les maladies; mais vouloir faire
de cette disposition (qu'on pourrait aussi appeler du nom
barbare d' idiosyncrasie) la cause de tous les états mor-
(1) Voir Gérardin (Thèse de Paris, 1814), et Baumès (Traité des ma-
ladies venleuses, 183-2).
(2) Voir Fodéré (Essai de pneumatologie, p. 51), Sydenham et Baumès.
(3) Voir FoJcré (Essai do pneumatolo;zic, p. i)3 .
RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 130
bides qui apparaissent chez l'individu, c'est, à mes yeux,
uae erreur aussi grande que de ne vouloir admettre
d'autres causes morbides que celles qui viennent du
dehors. Pour moi, l'homme agit et réagit : il a une ac-
tivité propre, mais cette activité est modifiée par les
divers ag-ents de la matière au milieu desquels il vit.
Et, pour en revenir a l'observation que je viens de pu-
blier, je prétends que, dans le cas de MMe X..., nous
avions bien réellement affaire à une tympanite idiopa-
thique, quoique les accès aient été déterminés deux ou
trois fois par des émotions morales.
Parmi les tympanites symptomatiques, nous range-
rons aussi, au même titre que les tympanites causées par
des névroses, les tympanites symptomatiques d une ma-
ladie g-énérale telle que la chlorose, les cachexies, etc.
Dans le même groupe, mais dans une catégorie spé-
ciale, nous placerons les tympanites qui proviennent
d une altération du tube digestif ou d'un obstacle méca-
nique situé sur son trajet. Ici encore nous rangerons
les tympanites consécutives à une entérite, à une dysen-
térie ou à la fièvre typhoïde.
D'après M. Labric (thèse de Paris, 1852), l'obstacle
qui s'oppose à la sortie des gaz et des matières accumu-
lées dans l'intestin peut se produire de trois manières
diflérentes :
1° Ou bien l'obstacle a lieu avec altération des parois
intestinales, telles que l'hypertrophie du tissu cellulaire
sous-muqueux de l'intestin , la formation de brides ré-
sultant de cicatrices, d'ulcérations, comme on en ob-
serve à la suite de l'entérite chronique, les tumeurs
polypeuses ou cancéreuses, etc..
2° Parfois l'obstacle réside dans l'intestin, comme,
par exemple, les corps étrangers, les accumulations de
140 NOSOGRAPHIE.
matières fécales (i), les amas de vers intestinaux (2),
l'invagination intestinale.
3° Enfin l'obstacle peut siéger en dehors de l'intestin,
comme on le voit dans l'étranglement interne avec toutes
ses divisions.
Sêmêiologie. La tympan i te de l'intestin grêle, dégagée
de toutes complications, présente des symptômes con-
stants que l'observation de M"B X... nous a fourni l'oc-
casion d'énumérer dans leur ordre de succession.
Mais, le plus souvent, la tympanite s'arrête pour ainsi
dire dans son évolution, et la distension abdominale se
termine dans la majorité des cas par l'émission natu-
relle des gaz. Nous laisserons de côté ces formes bé-
nignes de la maladie pour nous occuper seulement de
la tympanite à forme grave.
Le phénomène le plus remarquable de cette maladie
est un ballonnement du ventre parfois très-considérable
et qui se fait le plus souvent d'une manière rapide. La
peau de l'abdomen est amincie, luisante.
Le gonflement demeure constamment le même, quelle
que soit la position que prenne le malade. Souvent on
voit se dessiner sous la peau du ventre ainsi distendue
des bosselures formées par les circonvolutions intesti-
nales; ces bosselures changent de place chaque fois
qu'il se fait un déplacement des gaz contenus dans la
cavité de l'intestin.
La percussion de l'abdomen donne une sonorité exa-
gérée, iympanique ; cette sonorité ne varie pas quand on
change la position du malade et qu'on le fait coucher
sur les côtés. En percutant, on obtient au doigt une
(1) Voy. Spœring, cité par Morgagni, lettre 38».
(2) Voy. Hercule Saxonia (Praelect. pract., t6 partie, ch. 24) et Plater
(obs, p. 656).
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 141
sensation de dureté comme si on frappait un morceau de
bois.
L'auscultation fait entendre par intervalles des bruits
amphoriques que l'on peut même percevoir à distance.
Ces bruits se renouvellent avec plus ou moins de fré-
quence; ils précèdent habituellement les douleurs que
ressent le malade.
Les douleurs de la tympanite sont plus ou moins vio-
lentes, plus ou moins rapprochées; leur durée n'est
ordinairement que de quelques secondes, parfois de
quelques minutes. Ces douleurs ne sont pas générale-
ment augmentées par la pression.
Le plus souvent, et quand le ballonnement a atteint
un certain degré, le maladeaurie constipation opiniâtre;
cependant, on a vu dans certains cas les garde-robes
avoir lieu (ainsi que le prouve l'observation de Mme X...).
Les vomissements sont très-rares dans la tympanite
simple.
La distension considérable des anses intestinales par
les gaz produit en outre des symptômes généraux qui
résultent du refoulement des organes contigus : le dia-
phragme étant repoussé en haut, la base de la poitrine
élargie, il en résulte une gêne de la respiration et de la
circulation; l'asphyxie peut en être la conséquence. On
a alors la série des symptômes de l'asphyxie imminente :
cyanose, dyspnée, etc.
Parfois aussi on observe des accidents de péritonite à
la suite d'une rupture de l'intestin. Lieutaud (lib. i,
obs. 270-486) cite deux cas de rupture des parois intes-
tinales produite par une tympanite essentielle. Gendron
en rapporte aussi une observation (i) : « Une femme
d'une grande corpulence est atteinte d'une colique Ka-
rl) Journal de médecine, n° 80.
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142 NOSOGRAOHIE.
tulenlc si atroce, qu'aucune éruption de flatuosités ne
se faisait et qu'elle en périt bientôt. Le corps ayant été
ouvert, on vit que les parois de l'intestin avaient été
déchirées. » (Benivenius, lib. i, p. 287.)
Quelquefois la rupture peut être incomplète (voy.
Haller, Opuscules pathologiques, obs. 26 ; et Morgagni,
lettre 38f). Ce fait a été constaté à l'autopsie.
Diagnostic. Après la description des symptômes do la
tympanite de l'intestin grêle, il convient de placer un
résumé des caractères qui servent à la distinguer d'avec
les autres formes de tympanite.
On a confondu pendant longtemps la tympanite de
l'intestin grêle avec la tympanite péritonéale. -Mais en y
regardant de plus près, on s'aperçoit que la tympanite
péritonéale est une maladie extrêmement rare et fort peu
étudiée par les modernes. Ainsi les observations de
Littre (i), de Lieutaud (2), de Combalusier (3), portent
presque toutes sur des cas de tympanites intestinales;
l'observation fort remarquable sur laquelle Combalusier
s'appuie pour défendre la théorie des tympanites péri-
tonéales est une observation de kvste hydatique de
J'épiploon (4). Duret (5) a été conduit par un grand
nombre d'observations à émettre les conclusions sui-
vantes : « La cause matérielle de l'hydropisie sèche
n'est autre chose que le vent qui est contenu dans la
capacité des intestins et non dans celle du bas-ventre.»
Cependant Portai (6) a trouvé à l'autopsie des gaz
dans la cavité du péritoine. Mais ce développement de
gaz accompagnait une gangrène partielle de l'intestin.
(I) Mémoires de l'Académie des sciences, 1713.
(-2) Lieutaud (lib. i, obs. 17, 70, 286).
(3) Combalusier (Pneumalo-palhologie, p. 32).
(4) Pneumalo-palhologie, p. 40.
(5) Duret [De hydrope, p. 283).
(6) Portai (Pneumatie, obs. 10, p. 244).
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RECHERCHES SUR LA TYMPAN ITE. H3
Nous trouvons une observation analogue dans Morga-
g-ni (lettre 38, f. 30) et dans Lieutaud (lib. i, obs. 270).
En 1839, M. Fiaux a recueilli l'observation d'un cas de
tympanite péritonéale dans le service du Dr Rayer : le
sujet présentait une perforation du duodénum qui avait
livré passage aux gaz épanchés dans le péritoine. Dans
une autre observation recueillie par MM. Richard et
Duhordel, et publiée dans le Journal des connaissances
médico-chirurgicales (novembre 1842), il s'agissait d'un
abcès ou d'une gangrène du poumon qui avait perforé
le diaphragme et l'air passait directement des bronches
dans la cavité péritonéale.
Enfin M. le Dr Michel Lévy a publié en 1849, dans la
Gazette médicale de Paris, un cas de tympanite périto-
néale ne résultant pas d'une perforation de l'intestin.
Du reste, le diagnostic différentiel de ces deux formes
de tympanite est assez difficile à établir. Dans la tympa-
nite du péritoine, les anses intestinales ne se dessinent
pas sous la peau de l'abdomen ; dans cette môme tym-
panite, il doit y avoir absence de gargouillements, de
constipation, de nausées. La percussion fait constater
en outre une égalité parfaite du son dans toutes les
parties de l'abdomen et l'absence de matité au niveau
de certains organes comme le foie, la rate, la vessie dis-
tendue.
Les tympan ites du côlon et de l'estomac ont pu aussi
dans certains cas être confondues avec la tympanite de
l'intestin grôle. Mais la tympanite du côlon résulte le plus
souvent d'une obstruction intestinale (comme dans les
cas de Broussais et de Talma), d'une accumulation de
matières fécales ou d'un obstacle quelconque résidant
dans la dernière partie de l'intestin et que l'on peut or-
dinairement constater par le toucher rectal. Dans cette
variété de tympanite, les coliques se font sentir sur le
144 NOSOGRAPHIE.
trajet du gros intestin, surtout dans les fosses iliaques ;
le ballonnement et la sonorité se constatent principale-
ment sur les côtés de l'abdomen; souvent on observe de
la dysurie; enfin, dans les cas où la tympanite résulte
d'un spasme rectal, l'introduction par l'anus d'une sonde
en gomme élastique permet aux gaz de s'échapper et
fait cesser immédiatement le météorisme (i).
La tympanite de r estomac présente aussi des caractères
spéciaux : ballonnement de la région épigastrique, dou-
leurs dans cette région, régurgitations et émission de
gaz par la bouche, absence de borborygmcs, de mouve-
ments dans le ventre ; si on applique l'oreille sur lépi-
gastre, on a la sensation d'un bruit assez semblable au
murmure d'un ruisseau. Et cependant, on a pu con-
fondre la tympanite stomacale avec l'hydropisie ascite.
On en trouve des exemples dans Morgagni et dans Lieu-
taud ; ce dernier parle môme d'un cas dans lequel. une
tympanite stomacale fut prise pour une grossesse, et
Franck cite des observations d'après lesquelles la dis-
tension de l'estomac par des gaz était telle que cet or-
gane descendait jusqu'au pubis. On a vu même cette
distension amener la rupture de l'organe, ainsi que j'ai
pu le constater moi-même chez une vieille femme dans
le service de M. le Dr Delaunay, à l'Hospice général de
Poitiers.
Quant à la tympanite de r œsophage, c'est une maladie
rare et qu'on ne peut guère confondre avec les autres
variétés de tympanite. Je ferai remarquer cependant
que le spasme de l'œsophage est un symptôme fréquent
de certaines névroses et que l'accumulation ou la ré-
tention des gaz dans cet organe peut facilement en ré-
(I) Voy. pour les iympanittsdu œlon, Portai, Slorck, Boerhaave, Van
Swieten, Franck, Gendron, etc.
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 145
sulter, ainsi que cela s'observe chez les femmes qui
éprouvent la sensation de la boule hystérique.
On a confondu encore les tympanites avec un certain
nombre de maladies. Ce sont : 1° la péritonite, qui s'ac-
compagne souvent, il est vrai, de développement de gaz,
mais qui se distingue de la tympanite par les vomisse-
ments verdàtres, les douleurs si violentes à la pression,
la fièvre, etc.
2° La physométrie ou tympanite utérine, maladie assez
rare dans laquelle le son tympanique n'occupe pas toute
l'étendue de l'abdomen et ne dépasse guère en haut
l'ombilic. On peut le limiter à la percussion par une
ligne circulaire qui, partant de l'ombilic et n'arrivant
pas jusqu aux dernières limites des régions iliaques,
dessine la matrice distendue (1).
3* L'ascite, témoin le cas de cette fille à laquelle
Alph. Leroi et Portai se disposaient à pratiquer la para-
centèse, et qui, s'étant couchée un soir, se trouva tout
à coup, le lendemain matin à son réveil, guérie de sa tu-
meur, qui n'était que venteuse. On reconnaît ordinaire-
ment l'ascite à la matité qui existe au niveau du liquide,
à la fluctuation, etc.
4° V emphysème du tissu cellulaire des parois abdomi-
nales, facile à distinguer par la crépitation que Ton
obtient en comprimant légèrement le ventre avec le
doigt. Combalusier en cite quelques exemples. M. La-
bric (2) en a vu un cas dans le service de M. Piedagnel,
chez une femme âgée de 69 ans qui succomba à un
cancer de l'estomac : deux jours avant sa mort, elle
présenta une accumulation considérable de gaz dans les
mailles du tissu cellulaire de la paroi abdominale. A
(I) Voir pour la tympanite utérine, Mauricpau, de La Mo Uc, Baudclocque,
Franck, Duparcque, Lisfranc, elc,
(i) Labric (Thèses de Paris, I852j.
TOME XXXI. — FEVRIER 1870. \0
*
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146 NOSOGRAPHIE.
l'autopsie, on trouva, entre la tumeur cancéreuse et les
parois du ventre, des adhérences qui mettaient en com-
munication la cavité stomacale avec le tissu cellulaire
sous-cutané.
5° Les kystes de l ovaire, qui forment au début une tu-
meur s'élevant du bassin et partant d'un côté ou de
l'autre de la ligne médiane. Cette tumeur se développe
lentement ; elle offre souvent des bosselures à sa sur-
face. À la percussion, elle donne un son mat dans toute
son étendue.
G° La grosseste, difficile à reconnaître dans les pre-
miers mois, surtout lorsqu'elle s'accompagne de tym-
panile. A une époque plus avancée, la confusion ne de-
vrait plus être permise, et cependant il y a des exemples
nombreux de fausse grossesse dite nerveuse qui prouvent
que souvent les accoucheurs n'ont su diagnostiquer la
tympanite qu'après neuf mois et môme davantage (1).
7° Diverses tumeurs abdominales, comme par exemple
les corps fibreux de l'utérus, les tumeurs du foie, de la
rate, etc. Le diagnostic différentiel de ces différentes
sortes de tumeurs serait trop long à faire ici. Je me con-
tenterai de rappeler l'observation citée par Portai
(Pneumatie, page 200), d une dame de 40 ans présentant
un retard dans ses règles et au-dessous du foie une tu-
meur qu'on disait être une obstruction. On 3e disposait à
l'envoyer à Plombières et on la préparait à l'usage de
ces eaux par du petit-lait et des apéritifs, lorsque la pré-
tendue obstruction, qui n'était autre qu'une tympanite,
disparut tout à coup.
Mécanisme de production de la tympanite, — Nous venons
de passer en revue les différents symptômes auxquels
donnent lieu le développement et l'accumulation des
(I) Voy. Velpeau (Traité d'accouchements).
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RECHERCHES SUR LA TYMPAN ITE. 147
gaz dans le canal digestif, et particulièrement dans
l'intestin grêle ; il dous reste maintenant à démontrer
comment un semblable développement de gaz peut se
produire et surtout persister dans les cas de tympanite
grave.
Nous n'insisterons pas sur les différents modes de
production des gaz : peu nous importe qu'ils viennent
du dehors ou qu'ils soient développés sur place par la
fermentation ou la putréfaction des substances renfer-
mées dans le tube digestif. Nous chercherons seulement
a expliquer le mode de formation des tympanites,
qu'elles résultent, soit 1° d'une production anormale et
considérable de gaz, soit 2° d'une disposition spéciale de
1 intestin entravant la circulation des gaz qui s'y déve-
loppent dans l'état physiologique.
Le développement rapide et considérable des gaz peut
suffire à provoquer des tympanites du côlon ou de l'es-
tomac : la distension de ces organes amène un tel rap-
prochement des bords des valvules iléo-cœcale et pylo-
rique, qu'on pourrait voir se produire la rupture des
parois plutôt que l'écartement des bords de la valvule
ainsi rapprochés. Mais, pour l'intestin grêle, il est im-
possible d'admettre la même explication. Il faut qu'il y
ait en outre une disposition spéciale de l'organe, d'où
résulte un obstacle matériel au cours des gaz qui y sont
renfermés.
Il suffît de se reporter au chapitre de l'étiologie pour
voir que, dans un grand nombre de cas, les gaz sont
retenus par un obstacle mécanique situé dans l'intestin
lui-même ou dans l'épaisseur de sa paroi, ou quelque-
fois en dehors d'elle.
Il est aussi incontestable que souvent les troubles de
l'innervation ont une grande influence sur la produc-
tion des tympanites. Les observations de Morgagni, de
148 NOSOURAI'HŒ.
Portai, do Lazare Rivière, de Vidal, de Baumes, etc.,
mettent ce fait hors de doute.
Aussi les anciens admettaient-ils que le spasme était
toujours la cause de la tympanite essentielle. Cependant
Willis avait démontré que la ligature de la 8e paire de
nerfs, c'est-à-dire des pneumogastriques, produisait une
sorte de paralysie de l'estomac et une distension de cet
organe par les gaz. Le même Willis et Fréd. UofTniann
avaient aussi remarqué que dans l'agonie, et même
après la mort, on voit parfois le bas- ventre ?e remplir
de gaz et s'enfler prodigieusement. Ceci donna lieu à
cette opinion défendue par Slahl (1) que, dans certains
cas, la tympanite est causée par Y atonie ou la faiblesse
des fibres du canal alimentaire.
Combalusier, dont l'opinion est d'un grand poids en
pareille matière, s'exprime ainsi {{) : « Les vents dé-
pendent ordinairement d'une double cause : l'une est
matérielle, c'est l'air; l'autre est pour ainsi dire effi-
ciente, c'est lo vice du tuyau membraneux, qui souvent
consiste dans le spasme et quelquefois dans le relâche-
ment. Cette vérité est conforme à l'expérience qui prouve
qu'un homme sain prend pour l'ordinaire, sans danger,
presque toutes sortes d'aliments. Il faut cependant con-
venir qu'il peut quelquefois se développer des aliments,
par la fermentation ou par la putréfaction, une si pro-
digieuse quantité d'air qu'elle est en état de forcer les
parois du tuyau, quelque égale et quelque vigoureuse
que soit leur résistance, de les distendre violemment et
de produire bien des fâcheux symptômes. «
J'ai cherché à vérifier expérimentalement ces diverses
hypothèses, et dans ce but j'ai pratiqué, avec l'aide du
Dr Jousset, plusieurs expériences que je vais rapporter
II) Stahl. Disput. de flalulent.
v2) rncumato-patboloyic, p. 08.
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 149
sommairement : On prend un animal vivant, un lapin
par exemple, et on lui incise le ventre au niveau de la
partie supérieure de l'intestin grêle, de façon à produire
une hernie de cet intestin. On introduit par une inci-
sion, dans l'intestin ainsi hernie, une sonde en gomme
élastique, et on lie sur cette sonde les bords de l'incision
faite à l'intestin ; puis on recoud les bords de la plaie
abdominale et l'on injecte dans l'intestin une solution
saturée de bicarbonate de soude , et immédiatement
après une solution égale d'acide tartrique. Presque aus-
sitôt, on voit le ventre de l'animal se ballonner consi-
dérablement, en raison de la formation d'une quantité
notable d'acide carbonique. Ce ballonnement constitue
une véritable tympanite, et la rupture de 1 intestin ne
tarderait pas à arriver si on injectait une nouvelle quan-
tité de gaz. En ouvrant avec précaution l'abdomen, on
constate le fait suivant : les anses intestinales, dilatées
par place, compriment les anses voisines de façon à
empêcher complètement la circulation des gaz ; mais,
dès que le ventre est largement ouvert, les gaz se ré-
pandent dans tout l'intestin et la tympanite disparaît.
Ceci nous explique pourquoi l'on ne peut produire de
tympanite artificielle chez un animal dont le ventre a
été préalablement ouvert, car alors la paroi abdominale
ne s'opposant plus aux mouvements de la masse intes-
tinale, les gaz passent sans difficulté d'une circonvolu-
tion dans l'autre, au lieu de séjourner dans une anse
d intestin qui, dilatée outre mesure, presse les anses
voisines contre les parois de l'abdomen.
J'ai produit les mômes phénomènes en plaçant un
intestin dans un manchon de verre ouvert aux deux
extrémités.
C'est par un mécanisme analogue à celui que je viens
d'exposer tout à l'heure qu'on voit, dans la tympanite
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150 THÉRAPEUTIQUE.
de l'estomac des ruminants, le rumen distendu compri-
mer la caillette qui se trouve au-dessous. De même en-
core dans la tympanite du cheval, le développement
rapide des gaz dans une portion du gros intestin donne
lieu à une tumeur gazeuse qui comprime les anses in-
testinales voisines et empêche les gaz de s'échapper au
dehors.
Ce mécanisme de la compression des anses intesti-
nales explique comment une partie des matières conte-
nues dans l'intestin peut être évacuée lorsque la com-
pression devient extrême sans que les gaz soient expulsés.
Enfin, il est facile de comprendre comment, au bout
d'un certain temps, l'intestin dilaté perd son élasticité
et devient absolument impuissant à réagir sur la masse
gazeuse qu'il contient; de là aussi la facilité avec la-
quelle se reproduisent les accidents de tympanite après
une distension extrême de l'intestin.
Dr Jean Jablonski.
— La fin au prochain numéro. —
THÉRAPEUTIQUE
ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE.
— 6e ARTICLE (1). —
Venons-en maintenant à l'objectif de tout ce qui pré-
cède, à savoir : la distinction de parallélisme entre les
deux modalités électriques employées médicalement.
Nous avons énoncé le fait culminant de la méthode :
l'électricité statique administrée par l'intermédiaire de
(4) Voir l'Art médical de juin, juillet, août 4866, mars 1867 et février
ma.
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 151
l'opérateur lui-même. Ce précepte est un progrès que
nous ne craignons pas de nommer immense, et c'est à
son omission qu'il faut attribuer l'arrêt qui a marqué si
fâcheusement la carrière thérapeutique de l'électricité
de rotation, alors qu'apparaissait la découverte de Gal-
vani.
Depuis la moitié du dernier siècle, en effet, l'art de
guérir a scruté les propriétés merveilleuses d'un agent
réputé l'analogue du fluide vital. Aussi fut-il adopté avec
enthousiasme, d'autant plus que la thérapie se présentait
facile, ne raisonnant que par excès ou par défaut du
fluide électrique ; mais bientôt à l'aveugle confiance suc-
céda le doute, suite nécessaire des mécomptes du vol-
taïsme, et la voie salutaire devait rester longtemps in-
comprise. Demandons-le donc hardiment : l'application
à la médecine des appareils d'induction électro-magné-
tiques et électro-chimiques a t-elle été également fé-
conde, malgré le talent de ceux qui l'ont érigée en
méthode? Au lecteur impartial de faire la réponse. Aussi,
faisant abstraction des hommes pour ne voir que les
choses dans leur imposante vérité, évoquons simplement
des phénomènes principes oubliés, en même temps que
leurs consolantes conséquences, dans la cure des mala-
dies, notre mobile à nous médecins.
Ainsi que tant d'autres physiciens, et avec des moyens
nouveaux (1), M. Beckensteiner a démontré le transport
par le courant électrique des métaux et des acides mis
en œuvre par les appareils d'induction. Cela seul ne
suffirait-il pas à faire rejeter avec lui une méthode dan-
gereuse en elle-même? Nous en trouvons la preuve
dans la désorganisation des tubesencéphaliquesetmédul-
laires chez les animaux soumis à de longues séances ;
(1) Études sur l'électricité, théorie du transport.
152 THÉRAPEUTIQUE.
comme aussi dans les prostrations subites et les douleurs
interminables de la colonne et des membres chez ceux
des expérimentateurs qui se sont trouvés par hasard
dans le courant de fortes piles, quelques instants seule-
ment. De trop éclatants exemples en font foi pour mettre
en doute une action qui sidère la force vitale : témoins
MM. Silbcrmann, Bazin (d'Angers) et tant d'autres sa-
vants plus ou moins connus.
L'électricité statique est par contre innocente. De
nombreuses raisons militent en outre en sa faveur,
comme nous allons le voir en quelques traits synopti-
ques généraux :
L'électricité statique, qui veut dire, comme son nom
l'indique, se tenant en équilibre sur les corps (stat), est
essentiellement expansive et agit à distance. Les machines
de rotation la produisent, ou plutôt la soustraient à l'air
ambiant d'où elle émane, de là son nom à' atmosphérique.
Nous avons signalé, dans nos premiers articles, son
rôle primordial, comme agent régénérateur de la vie
chez tous les êtres organisés; elle est pour toute une
école l'analogue du principe vital lui-môme. On pressent
de là sa prééminence en médecine.
L'électricité dynamique (force, mouvement) est celle
qui se propage de proche en proche dans les molécules
des corps. Aussi l'a- 1 on nommée moléculaire (par op-
posite à expansive) ; elle ne peut agir à distance. On
l'appelle galvanique, du nom de l'inventeur, quand le
courant vient directement de la source productrice ;
induite, quand elle procède elle-même d'un premier cou-
rant qui a électrisé le second foyer par influence (appa-
reils d'induction). Cette électricité est celle des réactions
chimiques, de l'agrégation des métaux et minéraux ; on
l'a nommée de là tellurique. Elle décompose les liquides,
l'eau en particulier, tandis que l'électricité statique la
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ÉTUDES DR THÉRAPIE ELECTRIQUE. 153
recomjme ; on connaît cette expérience vulgaire des cours
de physique.
Ajoutons qu'elle oblige le médecin ù agir sur les or-
ganes privés de vêtement ; partant, difficulté dans le
traitement, pour ne pas dire souvent inconvenance;
qu'elle est enfin fort douloureuse par l'application des
électrodes.
Avant môme toute comparaison, le simple examen
des lois harmoniques de l'univers indiquerait 'e choix,
puisque deux courants fluidiques régissent notre globe :
l'un sidéral, qui entretient la vie des animaux et des
plantes, l'autre lellurique, présidant aux lois de la na-
ture morte. Laissons donc, avec M. Beckensteiner, à
chacune sa spécialité: à l'électricité voltaïque, la solu-
tion des problèmes de métallurgie et de chimie ; à l'élec-
tricité de l'aimant, abandonnons les problèmes de la
force mécanique ; mais à l'électricité atmosphérique ou
de frottement appartiennent les problèmes de médecine,
surtout quand elle est combinée à l'électricité vitale du
corps humain.
Faisons un court historique à ce sujet, — Cette idée de la
communication d une force adœquale à l'organisme
malade est très-vieille en médecine. Sans rechercher les
procédés chinois qui remontent au moins au grand jao
contemporain du père d'Abraham, et qui nous montrent
ce vieux peuple déjà très au courant de l'électricité ki,
et des fluides yong et i/n (positif et négatif) ; sans exhu-
mer ce livre de l'antique Orient, le Zend-Avesta, qui
parle d'un principe fluidique s'élevant du centre du
corps et décrivant les lignes que la récente découverte
du pendule magnétique vient de nous démontrer, nous
trouvons chez les prêtres de l'ancienne Egypte des pra-
tiques, ou mieux des secrets, qui étaient la principale
médication d'alors, et consistaient, indépendamment
154 THÉRAPEUTIQUE.
d'une autre influence sans doute extra ou supra-natu-
relle, dans l'imposition des mains, les frictions, le mas-
sage méthodiques, en un mot une sorte d'entraînement
magnétique et une application de l'électricité animale,
terminée par le sommeil dans lequel tombaient les ma-
lades avant leur entrée dans le temple; des apparte-
ments sous les portiques étaient destinés à les recevoir.
Ainsi préparés, ils entraient dans le sanctuaire où la
pylhonisse rendait des oracles, en vertu d'une sorte de
somnambulisme clairvoyant (1). Les historiens du temps
nous ont transmis la renommée des sybilles de Cumes,
Delphes, etc. L'application d'une torpille vivante dans
la goutte et la céphalée, recommandée par Dioscoride,
Vossius, Galien et Paul d'Egine, partait du même prin-
cipe évidemment, l'action d'un aura magnétique vital.
Nous voyons le célèbre Pythagore, 585 avant J.-C,
parler de l'art de guérir qui consistait en attouchements
et frictions avec chants, à l'instar des prêtres de Sérapis
et d Esculape. Hippocrate connaissait très-bien aussi la
valeur de l'électricité animale, c'est-à-dire l'influence
d'un individu bien portant sur un malade. Il ne pouvait
en être autrement de l'héritier des pratiques magnéti-
ques des prêtres égyptiens.
Nous ferons la même remarque à l'égard de Galien,
dont les préceptes cyniques ne sauraient trouver place
ici, mais qui n'étaient au fond que l'échange entre deux
personnes des courants de leur électricité naturelle.
De cette idée médicale vraie, une seule chose est restée
acceptée par tous : c'est le revêtement d'une peau d'ani-
mal fraîchement ccorché et chaude, comme le lapin et
le mouton. Evidemment ces peaux agissent surtout par
(1) Qui est sur la limite, difficile à fixer, des faits naturels et des
phénomènes d'un autre ordre. (Note de la Rèd.)
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 155
Ieleclricité vitale dont elles sont imprégnées et qu'elles
communiquent à ceux qui ont fait des chutes graves ou
dont la vitalité s'épuise par des maladies consomptives.
Le plexus solaire, ce centre de vie végétative qui est
aussi Xultimum moriens, se ranime à ce conlact à' aura
vi/alis et maintient quelque temps encore une flamme
d'emprunt, bientôt épuisée, avec une chaleur qui n'a
plus son foyer.
Paracelse (1) admettait qu'une émanation s'irradiait
d'un individu sur un autre. Le premier des alchimistes,
il a donné un axe polaire à l'homme, et prétendait même
que le corps suspendu sur des eaux tranquilles, à sa
libre direction, aurait la tête invariablement tournée
vers le nord et les pieds vers le sud. Nous avons l'espoir
que ces idées de polarité reprendront vie dans la science,
grâce aux remarquables travaux de Behr sur les cou-
rants naturels, qui ont fait l'objet de l'article précé-
dent.
On voit Van Helmont (2), au milieu du xvne siècle,
revendiquer la matière subtile et impondérable, ad-
mettre les attouchements, les frictions et l'imposition des
mains. « La volonté dirige cet esprit, dit-il, qui, une
fois mis en mouvement, n'est arrêté ni par la distance,
ni par le temps. La volonté est la première de toutes les
grandes forces humaines et la cause de tous nos mou-
vements. » Evidemment il a clairement compris, dès
cette époque, l'électricité animale, sans pouvoir lui don-
ner un corps par des expériences démonstratives.
William Maxwel, médecin dé Charles II, roi d'An-
gleterre, a été plus loin : a Celui, dit-il, qui est capable de
mettre en action son fluide et d'influer ainsi sur un
autre individu, en agissant sur son esprit vital, peut, au
(1) Tbeophr. Paracelsi opéra omnia. Genèvo, 1658.
(i) Van Helra. Opéra omnia, in-fol. Frankfurt, i682.
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156 THÉRAPEUTIQUE.
moyen de l'esprit vital universel, guérir t°l,tes sortes
de maladies » (i).
Le P. Kircher (2), ce génie scientifique d une fé-
condité si remarquable, dit expressément que la puis-
sance d'agir sur un autre est d'autant plus facile que
l'on réunit à un plus haut degré les trois conditions
suivantes : noblesse de l'âme, grande puissance de vo-
lonté et vivacité de l'imagination ; quand, d'autre part,
le sujet ne cherche pas à repousser l'influence de l'opé-
rateur. Deux savants hors ligne» François Bacon et
Isaac Newton, professaient une manière de voir iden-
tique.
En 1740, naquit Mesmer, à Vienne en Autriche.
Jeune docteur, il s'empara des idées éparses sur ce su-
jet et donna sous le nom de magnétisme animal ce qu'il
appelait sa découverte. Il eut toutefois le mérite d'ad-
mettre, dès son premier ouvrage, une influence mu-
tuelle entre les corps célestes, la terre et les corps ani-
més. Sans entrer dans les détails, il réalisait l'applica-
tion de l'électricité par l'intermède des auras, influences
secrètes ou latentes de l'organisme vivant. Non-seule-
ment il opérait par l'influence des sens, mais encore il
soumettait les malades à l'action d'un appareil connu de-
puis sous le nom de baquet de Mesmer, qui n'était autre
qu'une sorte de machine électrique de son invention,
et qui n'a pas peu contribué à discréditer une idée juste
au fond. Nous voulons parler de sa composition com-
plexe et, disons le mot, visible des couches végétales
superposées. Mais le grand point que tout le monde
ignorait, sauf les rares adeptes auxquels le baquet
était transmis, c'est que ce meuble magique renfermait
(I) Medici magneli, lib. ni, in-16. Frankfurt, 4679.
(î) Kirch. De arle magn. Colo,
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ÉTUDES DE THERAPIE ÉLECTRIQUE. 157
une série d'aimants qui contenaient autant de tubes
métalliques et dont le pôle nord était tourné en haut;
ils communiquaient avec une bonbonne assez semblable
à une grande bouteille de Lcyde. Mieux valait, à tous
égards, se servir de la machine électrique, en lui com-
muniquant une influence vitale, mais alors personne
ne l'eût osé.
Privati, de Venise, eut le premier l'idée de l'aire
transporter par le fluide des substances solides. Il pré -
tendait, mais à tort, que les émanations traversaient le
verre lui même qui les contenait et pénétrait le malade.
Le savant abbé Nollet le contredit avec raison, et celte
idée mère", qui portait tout l'avenir et les suprêmes res-
sources de la thérapie électro-statique, fut mécon-
nue.
En 1752, Franklin, en Amérique, soutint qu'on ne
peut jamais mêler la vertu médicinale avec le fluide;
erreur qui fit taire encore ceux qui reprenaient les ex-
périences de Privati sur le transport.
Enfin le Dr Jallabert, de Genève, fit appel de la con-
damnation qui frappait, dès cette époque, l'électricité
slatique, et publia la guérison d'une paralysie datant de
quinze ans; puis une épilepsie invétérée qui fut guérie
par des secousses répétées avec la bouteille de Leyde.
Le célèbre de Haen eut bientôt une série de guérisons
(paralysies de causes diverses, chorées, tremblements,
aménorrhées, etc.). Le Df Watson, un cas de tétanos de-
sespéré.
A partir de cette époque, les travaux se multiplient,
el nous n'en finirions pas si nous voulions tous lesénu-
mérer. La France a eu le glorieux privilège d'être à la
tète de ces pionniers de la science et de la charité,
parmi lesquels il faut distinguer deux lyonnais, l'abbé
Bertholon et Bonnefoy, que nous devons honorer double-
158 THÉRAPEUTIQUE.
ment : au dernier revient même la g-loire de la décou-
verte du télégraphe, clairement désigné dans son mé-
moire, ainsi que la photographie et l'impression sur
étoffes par l'électricité (1-2). Découvertes qui ne devaient
pas êtres suivies, et dont la première ne devait être
complètement réalisée qu'un demi-siècle après lui.
Mode d'administration. - Les électrophiles, jusqu'à ces
derniers temps, avons-nous dit, n'avaient appliqué le
fluide aux malades qu'en s'isolant eux-mêmes, soit
qu'ils ignorassent le transport des atomes mis dans le
cercle fluidique, soit qu'ils craignissent (à tort) cette
sorte de mutualité. L'opérateur tenait un manche iso-
lant, en verre par exemple, auquel étaient fixés les di-
vers excitateurs; ceux-ci communiquaient au sol par
une chaîne métallique. Cette pratique ne pouvait donner
que des effets physiques et non vitaux comme ceux de
la méthode par communication vitale. Grâce à cette der-
nière, le médecin, se mettant lui-même dans la sphère
d'action du courant, animalisant ainsi le fluide, calme
ou excite à son gré, et. ne se bornant point aux para-
lysies, peut sinon gaiérir, du moins soulager un certain
nombre de maladies. Voyons donc en quoi consistent ses
diverses opérations, suivant dans cet examen les pré-
ceptes de l'auteur lui-même (3).
Les passes électriques. — Comme pour le courant ma-
gnétique, le malade étant sur le tabouret isolant et la
machine en action, l'opérateur étend les deux mains,
distantes du patient de 15 à 25 centimètres, et les dirig-e
parallèlement de la tête aux pieds. La sensation éprou-
vée est celle d'une effluve moelleuse qui le pénètre
agréablement. Si l'opérateur approche les mains, sans
(4) Bertholon. De l'étude du corps humain en santé et en maladie.
(£) Bonnefoy. Application de l'électricité à l'art de guérir, 1782.
(3j C. Beckensteiner. Études sur 1 électricité.
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 159
les approcher assez pour déterminer 1 étincelle, la sen-
sation est plus vive, moins agréable.
Les frictions électriques. — Elles consistent simplement
dans le passage léger des mains sur le corps du ma-
lade, vêtu de laine ou de soie; ce qui détermine une
série de picotements.
Le massage électrique. — Il n'esl autre que le massage
ordinaire, mais avec une puissance incomparablement
plus grande et avec cette différence que la partie souf-
frante peut être vêtue.
Avec la main armée d'excitateurs, le médecin produit:
Les courants pnr les pointes. (Tiges métalliques acumi-
nées à une de leurs extrémités.) — A la distance d'une
dizaine de centimètres du malade, elles lui font éprou-
ver la sensation d'un vent frais ou chaud suivant la na-
ture des substances employées. Ainsi l'iode procure un
vent chaud qui est frais au contraire avec l'argent, le
platine et l'or. C'était le souffle ou T aigrette des anciens.
Ceux-ci avaient bien reconnu comme les modernes des
diOérences thérapeutiques dans l'emploi des excitateurs,
ce qui, avant toute preuve expérimentale, pourrait au-
toriser, ce semble, à admettre le transport de parcelles
alomistiques dans le corps du malade. Partant, modifi-
cation profonde de la trame des organes.
Les étincelles. — Une surface et mieux une boule mé-
tallique les produisent. C'est surtout alors que l'union
consensuelle du malade avec le médecin est utile, car
ce dernier peut, suivant le besoin, modifier le degré
des décharges.
La commotion. — Cette pratique, très en usage autre-
fois, doit être rejetée dans les cas ordinaires, même ap-
pliquée localement. Les actions douces ont l'avantage
de ne point troubler l'organisme, et sont, au demeurant,
plus efficaces.
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160 THÉRAPEUTIQUE.
Les rubéfiant* électriques. — On peut tenir le même
langage restrictif sinon réprobatif à leur égard. Cer-
tains corps, tels que le charbon de bois, peuvent toute-
fois donner des résultats précieux dans des cas d'ur-
gence, en déterminant en une ou deux minutes la ru-
béfaction et en cinq une vésication qui vajusqu'au moxa.
Les douches électriques. — Le liquide est projeté sur le
malade par l'aura fïuidique. Elles peuvent servir à dé-
montrer, sans réplique, le double courant propre a
l'électricité statique seule. Pour cela, il suffit que deux
personnes tiennent en main un appareil à douche
chargé d'un liquide quelconque, d'eau par exemple.
L'une est sur le sol et l'autre sur le tabouret isolant.
La machine étant en action, les deux personnes présen-
tent les appareils à la rencontre l'un de l'autre, à une
distance de 30 à 40 centimètres, et aussitôt deux jets
aqueux se produisent de l'opérateur à l'opéré et vive
versd. C'est une répétition plus appréciable de la belle
expérience de Fusinieri (i). Une forte étincelle éclatant
entre une boule d'or et une boule d'argent, on peut voir
manifestement durant quelques instants une tache
jaune sur l'argent et une blanche sur l'or, les métaux
s'étant déposes réciproquement l'un sur l'autre.
Depuis, plusieurs physiciens ont démontré ces échan-
ges. Par là même le double courant, mais sans le re-
connaître ou le signaler d'une façon sensible pour tout
le inonde, comme avec l'appareil à douche.
Nous ne donnerons qu'une preuve du simple et
unique courant dans l'électricité dynamique, mais elle
nous paraît péremptoire. C'est que les procédés usuels
galvaniques ne pourraient aucunement servir à dorer,
argenter, etc., s'il en était autrement.
(I) Journal de Paris, im> p. 405.
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ETUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. \6\
On le sait déjà, l'électricité n'étant pas seulement
pour nous une force, mais, et plus encore, un moyen
de transmission des substances modificatrices de l'orga-
nisme, une bonne partie de l'arsenal pharmaceutique
devient ou peutdevenir l'auxiliaire obligé du traitement,
c'est-à-dire la médication elle-même, laquelle est ap-
pliquée, absorbée loco dolenti, constituant ainsi la vraie
méthode à' électricité localisée, avec bien plus de vérité que
celle des appareils d'induction, qui a cette prétention
pour de simples contractions musculaires.
Quant aux métaux, étant bons conducteurs, il suffit
d'avoir un excitateur en forme de tige pointue d'un
côté, renflée de l'autre. Pour l'or, à cause de son prix,
on visse une boule creuse de ce métal, ainsi que pour
d'autres métaux précieux.
Qu'on nous permette ici une digression qui est un
rapprochement : les sept métaux des astrologues, figu-
res représentatives de sept planètes, viennent peut-être
aujourd'hui nous dévoiler par leur action iluidique sur
tel ou tel appareil d'organes la clef d'une science qui
ferait sourire nos savants du jour à l'énoncé de ses pro-
positions. Mais voici le fait, qu'on le veuille ou non : Il y
a des correspondances supéro-inférieures, c'est-à-dire
du soleil et des planètes sur les corps terrestres. Sans
doute, on a pu exagérer, en les voulant généraliser et
systématiser, et surtout en les appuyant sur des ana-
logies qui cependant ne paraissent pas sans quelque
fondement. L'or était pour les anciens le métal solaire.
Eh bien ! le cercle dynamique, on s'en souvient, nous a
donné son équation qui est précisément celle du soleil,
puisque ces deux corps ont la même mesure qualita-
tive. Il y a plus, si un rayon de soleil vient à frapper
l'appareil de Behr, pendant que l'or est mis en expé-
rience, le pendule s'arrête. La corrélation est frappante.
TOME XXXI.- fÉVBlEB 18" 0. U
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I«2 THÉRAPEUTIQUE.
Comme confirmation thérapeutique, nous dirons que
les courants avec de l'or ont une spécialité d'action in-
déniable, spécialement dans la plupart des affections du
cœur, et que les astrologues et les alchimistes faisaient
grand fond sur ce métal dans ces maladies. On sait,
d'autre part, que tous les courants naturels partent du
cœur, et que le soleil est le centre du système planétaire.
Nous en dirons autant de l'argent comme représen-
tatif de la lune et spécifique des centres nerveux, mieux
vaut dire spécial à ces affections. Les applications élec-
triques n'ont pas fait défaut à ces remarques, ainsi qu'on
s'en convaincra au traitement des névroses.
Nous tiendrons le même langage pour le fer (Mars)
et la crase du sang; — pour le plomb (Saturne) et les
affections spléniques ou intestinales ; — pour rétain (Ju-
piter) et les troubles hépatiques ; — le cuivre (Vénus) et
les maladies de i'appareil génital (1); — le mercure
(Mercure), et les maux des voies respiratoires et lym-
phatiques.
Ajoutons que les minéraux, végétaux et animaux, à
effets médicamenteux, peuvent se rattacher à ces métaux
dans le même ordre morbigène.
Un exemple va rendre cette pensée palpable, comme
aussi pourra guider dans les expérimentations astrales.
Laissons laparole à M. ieDr Blanc, «l'obligeance duquel
nous devons cette observation inédite : « Une sensilive,
tenant l'index de sa main droite en regard de laplantte
Jupiter, ne tarda pas à recevoir à ce doigt l'impression
d'un fluide tiède. Cette impression augmenta quand je
mis en contact l'index de sa main gauche avec l'index
de la droite de sa mère; le contact de ce même index de
la main gauche et de la région du foie de la mère aug-
(I) Les horoœopalhes allemands ont môme reconnu que le cuivre gué-
rissait les douleurs qui suivent la parturilion.
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études de thérapie électrique. i&3
menta bien plus encore l'intensité de l'impression. Je
substituai au contact de l'index et du côté droit de la
mère celui d'un morceau d'étain de près de 400 gram-
mes, puis celui d'une petite branche de chélidoine. Enfin,
dégageant la main gauche de tout al tracteur, je tins
devant les yeux de la sensitive une bande de vitre jaune.
Chacune de ces trois expériences augmenta l'intensité
de l'impression ci-dessus, et chacune aussi, après quel-
ques instants de prolongation, amena la déviation de
l'od jupitérien, lequel se porte constamment sur le foie
pour s'y accumuler. Ainsi donc cette séance a eu pour
résultat de confirmer les correspondances qualitatives de
Jupiter avec Yindex, le foie, Yélain, la chélidoine et Yod
qui accompagne la lumière jaune. »
A l'objection que toutes ces forces auraient du être
mesurées, pesées, on peut répondre par la difficulté, la
presque impossibilité môme de telles expériences, et
qu'enfin la sensibilité du sujet était assez éprouvée pour
que ses impressions fussent admises à l'instar d'un in-
strument de précision.
Empruntons encore au même médecin le fait suivant
qu'il appelle affection solaire, et qui au moins est fort
singulier : a Après avoir fait constater les corrélations
sidéro-terrestres par des sensitifs, dont les facultés sou-
mises à de rig-oureuscs épreuves ne permettent plus le
moindre doute, nous sommes bien forcés d'admeltre que
l'homme correspond par ses org;anes aux corps célestes
composant le monde solaire, et que ce n'est pas sans
raison que les anciens philosophes l'ont nommé à cause
de cela microcosme ou petit monde...
II y a peu de jours, on m'a présenté une jeune fille
atteinte d'une affection solaire. Elle se porte bien l'hiver,
mais au fur et à mesure que le fluide du soleil pro-
gresse en puissance, ses malaises progressent en pro-
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Wi ' THÉRAPEUTIQUE.
portion. Son affection n'est pas uniforme pendant la
durée du jour, mais augmente et décroît selon l'éléva-
tion et l'abaissement du soleil. La malade éprouve à
chaque annulaire (doigt solaire) une douleur assez vive
qui se propage à tout le reste de la main, à l*excepti(/n
du mont de la lune qui demeure intact. En même temps,
le cœur irradie sa souffrance à l'estomac et au cerveau.
La malade perd son appétit, ses forces et le calme de ses
nerfs. Une pareille affection qui paraît, cesse, croît et
décroît selon le degré de la puissance d'action du soleil,
est évidemment une maladie solaire. »
La conclusion, c'est que des relations encore presque
inconnues ou plutôt oubliées relient les êtres de la créa-
tion et les harmonisent; il peut suffire à nos études d'en
esquisser les grandes lois ; aussi bien pourrions-nous
craindre de dépasser notre sujet. Mais souvenons-nous
que les forces de la nature se coordonnent, se présup-
posent et s'harmonisent dans le plan divin.
- La suit* au prochain numéro. —
Dr Frestier
(de Lyon .
Le Rédacteur en chef, Jules Uayassr.
Paris - lmprira rie \. I'amnt. ru* Monsirur-lf-Princ» 31.
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L'ART MÉDICAL
MARS 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS.
— SUITE —
CHAPITRE IV
DE LA MÉDECINE AU XVl' SIÈCLE.
On considère souvent le xvie siècle comme le point
de départ de tout le mouvement scientifique moderne,
et on le nomme le siècle de la renaissance : nous avons
vu comment, en réalité, les siècles antérieurs avaient
préparé cette grande éclosion que nous avons mainte-
nant à étudier. La philosophie scolastique avait perdu
grandement de son importance auprès des savants; et
il semblait qu'elle ne fût plus apte qu'à servir la théo-
logie, elle qui cependant se basait sur le péripatétisme,
c'est-à-dire sur la philosophie scientifique et expéri-
mentale par excellence (1). En sa place se montrait
une sorte de néo-platonisme introduit en Italie, par les
Grecs échappés de Constantinople après la prise de
(l) J'ai tenté d'expliquer tout lo mouvement scientifique qui a inau-
guré la science moderne, dans un travail qu'a publié la Revue du monde
wtWiÇH*, et qui a été édité séparément : De la Scolastique à la science mo-
derne, chez Palmé ; Paris, 4867.
TOME XXXI. MABS 1870. H
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162 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
cette ville par les Turcs en 1453; et, chose singulière,
c'était cette philosophie nouvelle, toute imprégnée de
rêveries, et toute contraire à la science expérimentale,
qui venait prêter la main à une révolte contre le péri-
patétisme. Il est vrai qu'en s'unissant aux sciences
nouvelles, elle faillit les entraîner dans la voie perni-
cieuse de la Kabale, sous le prétexte de donner aux
conceptions de l'esprit une réalité concrète.
Le xvi° siècle nous présente donc ce double courant
singulier, d'une philosophie tout à la fois averrhoïste,
astrologique et platonicienne,se repaissant de rêves ima-
ginaires, qui, pendant que les sciences particulières
travaillaient à leur avancement par l'observation ,
l'expérience et le raisonnement sévère, s'attachait à
matérialiser toutes les essences métaphysiques, ou tout
au moins à leur donner une réalité concrète.
A un autre point de vue, ce siècle nous présente
encore cette nouvelle contradiction de deux autres ca-
tégories de savants : les uns s'efïorçant de faire revivre
l'antiquité, s'attachant à la traduire et à la commenter ;
les autres faisant fi de tout ce qui a été fait avant eux,
et ne s'attachant qu'à trouver des voies nouvelles.
Le néo-platonisme était né singulièrement. En 1438,
l'empereur Paléologue étant venu au concile de Flo-
rence pour traiter avec le pape Eugène IV, de la réu-
nion de l'Église d'Orient avec celle d'Occident, union
qui eut effectivement lieu pendant quelque temps,
amena avec lui Gémisthius, dit Pléthon, Bessarion et
Gennadius. Déjà Théodore de Gaza et Georges de Trébi-
zonde étaient venus en Italie vers 1430, fuyant l'invasion
desTurcs, le premier à Ferrare, le second à Venise. Quel-
ques années plus tard, après la prise de Constantinople
par Mahomet II, d'autres Grecs arrivèrent à Home et à
Florence, comme Argyropoule et Ghalcondyle. Tous
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 163
s'occupèrent de traduire les principaux livres grecs,
et entre autres Aristote et Platon dont on eut ainsi des
versions plus exactes, puis Homère, Théophraste,
Alexandre d'Aphrodise. Mais ils apportèrent avec eux
également leur esprit de passion et de division. Gémis-
thius se disait sectateur de Platon, Gennadius et Gaza
soute: aient Aristote. Gémisthe fit paraître un traité
comparatif des deux philosophes, où il donnait l'avan-
tage à son maître. Bessarion, pris pour arbitre, apai-
sait les difficultés, lorsque Georges de Trébizonde
entra en lice avec une grande vigueur dans un pam-
phlet célèbre où il établissait qu'Aristote avait soutenu
des opinions plus rationnelles et plus en accord avec
les dogmes chrétiens. La querelle se poursuivit jusque
dans le xvi' siècle. Mais, pendant que Gémisthe se
faisait et demeurait catholique en apparence, soute-
nant le platonisme qui s'accordait avec les réalistes
{anti-nomina listes) alors triomphants, Georges restait
schismatique et donnait à Venise des traductions soup-
çonnées fortement d'inexactitude. Le platonisme triom-
phait donc. Gémisthe, qui de retour dans le Péloponèse
publia son Traité des lois, fortement imbu de paga-
nisme, donna à Côme de Médicis l'idée de l'Académie
platonicienne, dont Marcile Ficin fut ensuite pendant
si longtemps l'inspirateur.
Cette école néo- platonicienne fortement imprégnée
de paganisme, d'arabisme et des anciennes idées d'A-
lexandrie, fut représentée par Pomponace, Pomponius
Lœtus, Marcile Ficin; et pour se soutenir donna la
(I) Il faut se souvenir qu'au xv« siècle, l'école philosophique, dile
réaliste, triompha dans l'Université de Paris, et qu'à ce moment les mé-
decins s'unirent aux théologiens pour chasser de l'Univrsité les adhé-
rents au nominalisme. Ce fut certainement celte victoire du réalisme,
qui, de Paris s'étendant dans toutes les écoles occidentales, prépara
l'avènement du néo-platonicisme.
• 104 HISTOIRE DE LA. MEDECINE.
main à Reuchelin, Agrippa, à toute la nouvelle Kabale
issue de l'école arabiste. Mais, d'un autre côté, par les
littérateurs qu'elle contenait, elle suscita cette école
d'humanistes si célèbre sous Léon X, au commence-
ment du xvi* siècle, Laurent Valla, Ange Politien,
Lascaris, Chalcondyle, Accolti, Bibbiéna, Bembo, Sa-
dolet, Erasme ; et c'est par ces humanistes qu'elle sus-
cita en médecine les traducteurs et commentateurs de
l'antiquité.
La lutte contre la logique aristotélicienne était sou-
tenue par le Picard Ramus qui luttait à Paris contre
Charpentier, médecin de Charles IX, professeur de
mathématiques au Collège de France, nouvellement
fondé; par le cardinal Patrizzi, l'un des plus grands
détracteurs de la logique péripatéticienne; par Cornélius
Agrippa, médecin philosophe, professeur voyageur,
qui en bloc repoussait toute l'antiquité, et qui fut suivi
par Paracelse et son école.
Pendant ce temps, les travaux de détail, d'observa-
tion et d'analyse, se faisaient dans tout le domaine
scientifique. La découverte de l'Amérique, les grands
voyages autour du monde, donnèrent une impulsion
considérable à toutes les études naturelles. La fondation
du Collège de France donna une grande impulsion à
l'étude des langes orientales.
Citons les principaux travaux de ce siècle pour donner
une idée générale de son mouvement scientifique.
Nous signalons d'abord dans la linguistique, les tra-
vaux de Budé qui fut surnommé le prodige français ;
ceux du voyageur G. Postel (1 51 0-1 584), plus ou moins
visionnaire, qui a donné les premiers éléments de l'é-
tude comparée des langues; ceux du naturaliste Conrad
Gessncr (1516-1565), qui fut aussi voyageur et l'un des
plus érudits de son temps., et qui, dans son Mithridates,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 165
donna les éléments de 130 idiomes anciens ou mo-
dernes, et la traduction du pater en 22 langues. Bi-
bliander fit aussi de la linguistique comparée, et on
peut dire qu'il en institua la science dans son de Ba-
tione communi omnium linguarum et litterarum Commenta-
rius (1548). Buxtorf donna une grammaire et un lexi-
que de l'Hébreu, du Chaldéen et du Syriaque.
Les mathématiques étaient étudiées concurremment
avec la mécanique et l'astronomie, ses alliées natu-
relles. P. Maurolico (1549-1575) perfectionna Archi-
mède, Apollonius et Diophante, donna une nouvelle
théorie des sections coniques, et rendit les gnomons
plus justes. Tartaglia, mort en 1577, appliquâtes ma-
thématiques à l'art de la guerre, en déterminant le
mouvement curviligne, découvrit le cube de deux va-
leurs, donna la solution d'équations diverses, indiqua
le moyen de mesurer l'aire d'un triangle dont on con-
naît les trois côtés, sans chercher la perpendiculaire ;
enseigna à remettre un bâtiment à flot quel qu'en soit
le poids, et entrevit la loi de la chute des corps. Car-
dan (1501-1576) trouva les racines négatives dans les
équations carrées; la transformation d'une équation
cubique en une autre manquant de second terme; le
calcul des racines imaginaires; une méthode pour ré-
soudre les racines bicarrées; l'application de l'algèbre
à la géométrie; l'évaluation approximative de la pesan-
teur et de la résistance de l'air. On lui attribue aussi
l'invention du cadenas à lettres. Vièle (1540-1603) fut
le véritable inventeur de l'algèbre; il indiqua la plu-
part des transformations des équations, la méthode
pour se débarrasser du second terme et des coefficients,
la résolution numérique pour un degré quelconque,
l'analyse des sections angulaires. J. Napier, ou Néper
(1550-1617) est connu pour l'invention des logarithmes.
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166 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
H. Briggs (1556-1630) donna la formule du binôme et
perfectionna les logarithmes. Ch. Harriot (1560-1621)
acheva définitivement la constitution de l'algèbre, sub-
stitua les petils caractères aux majuscules, nota les in-
connues par des voyelles , exprima les produits en met-
tant les facteurs côte à côte, et donna la solution du
dernier terme de l'équation.
En astronomie, Copernic (1474-1548) reprenant la
question du système planétaire et les idées du cardinal
Cusa du siècle précédent, indiqua les révolutions des
corps célestes en 1543, qu'il avait déjà trouvéescn 1515,
et qu'il ne cessa d'étudier. Tycho-Brahé (1546-1601)
voulait que les planètes tournassent autour du soleil, et
que le soleil tournât autour de la terre. Il découvrit l'iné-
galité des mouvements de la lune, indiqua que les co-
mètes devaient être au delà de la lune, et nota un grand
nombre d'étoiles. Galilée (1564-1642), qui joignit le
xvie siècle au xvit*, et qui appartient plus encore à
ce dernier par ses diverses découvertes et ses aven-
tures, trouva la loi de la chute des graves, le mou-
vement parabolique des projectiles, la loi du plan incliné,
la loi des oscillations du pendule, entrevit le thermomè-
tre et la balance hydrostatique, découvrit le télescope
après Jansen de Middlebourg, et le microscope. Avec le
télescope il vit les taches et la rotation du soleil, déjà
vues par Fabricius, les montagnes de la lune, les pha-
ses de Vénus et de Mercure, les satellites de Jupiter.
Il vit encore, mais mal, l'anneau de Saturne que Huygens
décrivit plus tard. Képler (1571-1631), qui appartient
plutôt aux débuts du xvne siècle par ses découvertes,
fit connaître le trois grandes lois astronomiques, l'in-
clinaison de l'orbite lunaire sur l'écliptique, la ré-
fraction de la lumière qu'il applique à l'analyse de la
vision, et eut l'idée d'amplifier la puissance du télescope.
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étude sur nos traditions. 167
En 1682, sous le pape Grégoire XIII, eut lieu la réforme
du calandrier. Les découvertes astronomiques sont liées
pour la plupart à la fabrication des lunettes ou verres
grossissants, qui commença en Hollande vers la fin de
ce xvr siècle.
En physique, il nous faut signaler : l'étude des forces
mécaniques, l'équilibre sur un plan incliné, la loi de la
pression des liquides par Stevin de Bruges. Gilbert, mort
en 1603, étudia le magnétisme et donna la grande hy-
pothèse du magnétisme terrestre. J. B. Porta (1540-
1613; découvrit la chambre noire, interpréta les phéno-
mènes de la vision, les lois de la réflexion de la lumière
dans les mirois, et fut un des grands promoteurs de la
physique moderne. De Dominis, évêque de Spalatro, ex-
pliqua 1 arc-en-ciel et les couleurs par la réfraction de la
lumière ; premier essai d'analyse que devait poursuivre
Newton. B. Castelli (1579-1644) mesura la vitesse de
l'écoulement des liquides, et précéda ainsi Torricelli, qui
le rectifia dans le siècle suivant.
La chimie, qui n'était encore que l'alchimie dans le
siècle précédent, fut portée à la recherche des essences et
à la préparation des médicaments. Le mercure, le sti-
bium découvert par Valentin, les mines d'alun décou-
vertes par Challoner, les études sur la fabrication du
verre que Néri divulgua le premier, semble-t-il, et des
préparations diverses, occupèrent les chimistes de ce
temps, Robert Fludd, Trollius, Libavius, Giauber,
Fioraventi.
En histoire naturelle, les connaissances s'étendent
d'une étonnante manière. Léonard de Pesaro ouvre le
siècle avec son spéculum laptdum (1505). Bientôt, Ber-
nard de Palissy, le potier, trouvera la science des fos-
siles, Johnston donne une grande histoire naturelle des
animaux. Salviani et Rondelet étudient les poissons,
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168 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
particulièrement ceux de la Méditerranée, et commen-
cent une distribution méthodique. Le grand voyageur
Belon cherche la conformité des types de l'organisation
et compare le squelette de l'oiseau à celui de l'homme.
Conrad Gessner, le plu3 grand naturaliste de l'époque,
un des plus érudits de son temps, que nous avons déjà
cité à propos de linguistique et que Guvier considérait
comme le fondateur de la zoologie moderne, quoiqu'il
fût non moins grand botaniste, a donné la plus grande
compilation naturelle de cette époque. Aldovrandi com-
mença les collections de curiosités naturelles. P. Co-
lonna s'occupa des coquilles, Olina des oiseaux, Mouflet
des insectes ; 0. de Valdès décrivit les plantes d'Amérique
et fut suivi par Cabeza de Vacca, Lopez de Gomara,
Seri, Acostaet d'autres. A. Gésalpin étudia les organes
de la fructification des plantes, et particulièrement les
cotylédons qu'il comparait aux éléments de l'œuf, et
rapprochait la génération végétale de la génération ani-
male. Colon na commença à distribuer les plantes par
genres.
Ces grands travaux scientifiques, propagés par l'im •
primerie qu'on avait découverte récemment, et qui s'était
enrichie de la découverte du papier, ne pouvaient man-
quer d'avoir leurs analogues en médecine, qui les avait
en partie fournis. C'est en effet une remarque à faire
que toutes ces grandes études et ces découvertes diverses
étaient le fait d'écclésiastiques ou de médecins, et ce sont
presque tous des médecins que ces grands mathémati-
ciens, physiciens chimistes ou naturalistes de ce temps.
L'Église fournisait aussi des mathématiciens, mais plus
encore des astronomes ; nous verrons comment, au siècle
suivant, on vit paraître un nouvel ordre de savants d'a-
bord amateurs, qui ensuite et peu à peu accaparèrent
les sciences astronomiques, mathématiques, physiques
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étude sur nos traditions. 169
et naturelles, en se couvrant des titres d'académiciens
et professeurs.
En médecine, nous allons distinguer d'abord trois
grands courants auxquels se rapportent les doctrines
principales. Nous verrons ensuite quels ont été les tra-
vaux les plus remarquables dans les branches scienti-
fiques* auxquelles ils se rapportent. Enfin, nous nous
arrêterons un instant sur les destinées de la Faculté de
Paris, célèbre entre toutes.
§ I. — Doctrines générales.
1. HlPPOCRATO-GALENISTES CONCILIATEURS. — Dès les
siècles précédents, on s'était attaché à traduire et à
comprendre les anciens. Mais le xvie siècle fut non moins
célèbre par son mouvement littéraire que par son mou-
vement scientifique, et nous eûmes en médecine des hom-
mes distingués qui s'attachèrent plus particulièrement
à traduire les anciens et à les commenter; nous ne cite •
rons que les principaux qui continuent le travail auquel
Léonîcène et de Linacre s'étaient adonnés au xve siècle.
Guillaume Kock, docteur de la Faculté de Paris, tra-
duisit plusieurs ouvrages grecs.
Jean Gonthier d Andernach, dont le vrai nom était
Winther (1487^4574), passa d'abord de l'Allemagne où il
était né, à l'université de Louvain où il devint profes-
seur de langue grecque, et où il eut Vésale pour élève.
Il vint ensuite faire de la médecine à Paris, se fît rece-
voir à la Faculté, où il prit tous ses grades, et bientôt fut
attaché comme médecin à la maison de François Ier. Il
s'adonna à l'anatomie, comme nous le dirons plus loin,
et fit en môme temps des cours où il s'efforçait d'expli-
quer Hippocrate, Aristote et Galien, mais sans oublier
Déraosthène, l'un de ses auteurs favoris. Ayant em-
170 HISTOIRE DE LA il É DEC IN R.
brassé le prostestantisme, il fut obligé de s'en aller à
Metz, où il continua ses travaux, et mourut d'une fièvre
grave près de Strasbourg*, étant allé visiter un seigneur
qu'il soignait. Il traduisit presque tout Galien, Oribase,
Paul d'Egine, Alexandre de Tralles, et Gœlius Aurelia-
nus. Il donna en outre de nombreux ouvrages de com-
mentaires.
Jean Hagenbut, ou Hagenpol, traduisit aussi Hippo-
crate et Galien, Platon, Plutarque, Dioscoride et Aétius.
IJonard Fusch commenta Galien et Hippocrate, dont
il revit les textes, donna plusieurs volumes de commen-
taires et plusieurs autres de botanique et de matière mé-
dicale, fit spécialement un ouvrage destiné à attaquer
l'autorité des Arabes, et doit être remarqué comme un
des premiers institutaires. A ce dernier titre, nous le re-
trouverons un peu plus loin. Il était né, vers 1501 , à
Wembdingen en Bavière ; vers l'âge de trente ans, il se
rendit à Tubinge où il demeura jusqu'à sa mort, en
1566.
Jean de Gorris, ou Gorreus, était né à Paris en 1505, et
y devint doyen de la Faculté, en 1548. Il occupa une
grande situation médicale, fut lié avec de Thou, et uni-
versellement estimé pour son grand savoir, sa doctrine
et son urbanité. Il a laissé plusieurs livres de commen-
taires sur Hippocrate et Galien, des livres sur la matière
médicale et sur la saignée, et surtout un Dictionnaire
des définitions médicales, aujourd'hui œuvre fort rare,
mais qui est demeurée, malgré de nombreux imitateurs,
le véritable tableau de l'ancienne médecine : c'est dans
ce livre qu'il faut encore aujourd'hui aller chercher la
véritable interprétation de la science ancienne.
Castelli, qui vécut vers la fin du même siècle, a repris
l'œuvre de Gorreus, et son Lexicon a eu beaucoup plus
de succès. Il est, en effet, plus complet dans l'ensemble,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 171
mais Gorreus sur quelques points me paraît préférable.
On ne peut séparer Louis Duret (1526-1586) et Jacques
//0i/rV/(pr(1515-1562 environ), les deux plus grandes répu-
tations de ce siècle, à Paris, comme médecins galénistes ;
et, l'un le maître, l'autre l'élève. /. Houiller était d'É-
tampes; issu d'une famille riche, il devint doyen de la
Faculté de Paris, en 1546, et exerça dans la capitale jus-
qu'à sa mort avec un immense succès. 11 s'attacha
comme élève Louis Duret, né à Baugé-en-Bresse d'une
famille de gentilshommes piémontais, qui, comme lui,
était adonné à l'étude des lettres et des anciens, et qui
devint professeur au Collège royal ou Collège de France.
Les divers livres que ces deux médecins ont donnés,
principalement les commentaires sur les prénotions eï
sur les aphorismes, ont joui longtemps d'une immense
réputation.
Amtce Foës naquit à Metz en 1528, vint à Paris où il
suivit les leçons de J. Houllier, et retourna plus tard à
Metz, où il mourut en 1595. Outre plusieurs commen-
taires, il donna une sorte de dictionnaire semblable à
celui de Gorreus {jEconomia Hippocratis alphabeti série
dhiincta); mais surtout, il édita le premier la collection
complète des œuvres hippocratiques, sérieusement re-
vues. Ce grand travail, édité un grand nombre de fois,
et qui est resté dans la science, lui coûta six années de
labeur, avec une incroyable ardeur, qui épuisa ses forces.
JeanKat/e> ou Cajus, professeur à Cambridge, corrigea
les textes de Galien, de Celse et de Scribonus Largus.
Mercuriaiis de Forli donna une édition critique des
œuvres d'Hippocrate, fort inférieure à celle d'Anuce
Foes, et un livre sur la gymnastique des anciens, œuvre
d'érudition. Montanus, de Padoue, donna ses soins à
1 édition des œuvres de Galien, publiée à Venise. Chris-
tophe de Veya% docteur et professeur en l'Université
172 MÉDECINE GÉNÉRALE.
d'Alcala, est connu pour ses commentaires sur Hippo-
crate et Galien.
Quelques autres médecins de ce temps entreprirent de
concilier la doctrine des Arabes sur les humeurs, avec
celle de Galien. /. Sylvaiicus serait le plus intéressant et
le plus instructif de tous. On peut encore citer : S. Cham-
pier, médecin à Lyon, qui fut ensuite attaché aux ducs
de Lorraine, Jean Manard, Nicolas Borarius, médecin à
Udine, F. Vallesius, professeur à A Icdla, AL de Neustain,
Michel Servet, dont nous reparlerons plus loin.
F. Frédault.
— Li suite au procbaio numéro. —
MÉDECINE GÉNÉRALE
ÉTUDE CRITIQUE SUR VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE
CELLULAIRE.
— CINQUIÈME ARTiCLB. —
V
DU CANCER.
Comme toutes les néoplasies, le cancer commence
par des cellules indifférentes (p. 404). Ces cellules se
développent rapidement; de volume variable, elles sont
en général plus grandes que celles des autres néopla-
sies. Elles affectent des formes diverses, mais la plupart
revêtent la forme épiihêlinle; il n'y a donc pas de cellule
cancéreuse spéciale (p. 428). Le tissu cancéreux subit
une régression centrale comme les autres néoplasies
(p. 407)' mais cette régression est tardive. Le cancer ne
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V1RCH0W ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. H3
se compose pas seulement de cellules cancéreuses, il pos-
sède en outre des vaisseaux et un stroma de tissu con-
jonctif ; c'est une néoplasie en forme d'organe (p. 430).
La tumeur cancéreuse s'accroît par sa circonférence, et
elle est toujours entourée d'une zone de tissu en voie de
transformation. Cette zone, qui a de 3 à 5 lignes de
largeur, n'est pas reconnaissable à l'œil nu (p. 407). Le
diagnostic du cancer, par le caractère de ses cellules,
est complètement impossible, et la jeune école s'est fait
illusion en croyant pouvoir distinguer par le microscope
le cancroïde du cancer (p. 427-428).
Le cancer se propage et se multiplie au moyen d'un
suc contagieux qui s'infiltre par les ouvertures du tissu
conjonclif, par les' vaisseaux lymphatiques et peut-être
par les vaisseaux sanguins (p. 408-409).
De cet exposé, nous examinerons seulement trois pro-
positions : les deux premières, parce qu'elles sont la con-
firmation des vérités que nous soutenons depuis plus
de vingt-cinq ans ; la troisième, parce qu'elle constitue
"ne erreur qui ressort directement de la théorie humo-
riste de Yùi/ectioni théorie que nous avons constam-
ment combattue.
§ 1er. Les éléments du cancer n'ont rien de spécifique;
ds ne peuvent suffire au diagnostic; il n'y a point de
cellules cancéreuses.
Virchow expose cette opinion dans plusieurs pas-
sages que nous allons rapporter.
«C'est en vain que l'on s'efforce de séparer la can-
croïde du cancer proprement dit par la structure épi-
Ihéliale de ses éléments. Le cancer possède également
des éléments à aspect épithélial. » (P. 427.)
«La simple forme des éléments qui composent la tu-
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174 MÉDECINE GENERALE.
meur n'a aucune valeur. 11 est faux, comme on l'a dit,
que le cancer soit malin, parce qu'il a des éléments
hétérologues (spécifiques), et le cancroïde bénin, parce
qu'il a des éléments homologues (hyperplastiques).A vrai
dire, aucune de ces tumeurs ne possède d'éléments hé-
térologues et aucune n'est bénigne. • (P. 428.)
a Le reproche le plus grave et le mieux fondé qu'on
ait fait à la jeune école micrographique, c'est d'avoir
affirmé que les néoplasies reproduisant des tissus nor-
maux et préexistants avaient toujours une marche bé-
nigne. » (P. 60.)
La pensée de Virchow est maintenant clairement
exprimée. L'examen micrographique ne suffit point au
diagnostic du cancer. Le cancroïde est une tumeur ma-
ligne, quoiqu'il soit composé d'éléments homologues ;
la cellule cancéreuse n'a rien de spécifique. Nous avions
donc raison d'écrire, en 1845, dans notre thèse inau-
gurale :
« Mais la conclusion qui arrive à placer sérieusement
le no/i me tangere (cancroïde) à côté des verrues et des
cors aux pieds n'est pas une opinion soutenable. En
effet, \enoiime tangere est caractérisé par une petite tu-
meur qui s'ulcère indéfiniment, qui peut se reproduire
après les opérations les plus attentives, qui détermine
quelquefois l'engorgement des ganglions lymphatiques
et la transformation de ces ganglions en tissu encépha-
loïde, et enfin qui se termine par la cachexie cancé-
reuse et la mort ; par conséquent, le noli me tangere est
un cancer, quels que soient d'ailleurs les caractères
microscopiques que présente son tissu. » (P. 48.)
Dix ans plus tard, M. le D* Frédault publiait dans
t Art médical un travail sur la cellule cancéreuse, et fort de
ses connaissances spéciales en micrographie, il démon-
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VIRCHOW ET LA PATHOLOQÎE CELLULAIRE. 1*5
trait l'inanité de l'opinion qui veut diagnostiquer le
cancer par ses éléments microscopiques.
«Ainsi, la doctrine nouvelle qui veut distinguer le
cancer par le globule (la cellule cancéreuse), et les ma-
ladies selon les tissus morbides différents est une doc-
trine médicale fausse. Il en résulte qu'elle ne veut pas
admettre, comme étant de nature cancéreuse, des tu-
meurs où elle ne rencontre pas le globule, et que, ce-
pendant, l'observation médico-chirurgicale soutient être
de nature cancéreuse. * (Art médical, t. I, p. 30 )
Virchow est donc venu confirmer, sur ce point impor-
tant du diagnostic des affections cancéreuses, les en-
seignements de Fécole de J.-P. Tessier, et désormais
l'épithélioma, le fibrôme, l'enchondrome et tous ces tis-
sus que la jeune école avait, au nom du microscope, ar-
bitrairement séparés des tissus cancéreux, retrouvent
leur signification à la place que nous leur avions assi-
gnée dans notre thèse, c'est- à-dire qu'ils constituent des
lésions diverses dans la grande unité morbide : le can-
cer.
§ 2. Le cancer se produit et s'accroît par la transforma-
tion des tissus. La théorie cellulaire tout entière repose
sur cette idée que les néoplasies ne sont que des trans-
formations de tissu, et Virchow se sert très-souvent de
cette expression. Or, à l'époque où nous écrivions notre
thèse (1845), l'école régnante contestait cette transfor-
mation des tissus en cancer ; elle préférait admettre les
hypothèses les plus aventureuses plutôt que de renoncer
à la théorie humoriste des sécrétions morbides, et nous
dûmes à ce moment démontrer par des observations
particulières la transformation du tissu musculaire et
du tissu nerveux en tissu cancéreux (thèse inaugurale,
p. 32). Nous ajouterons que J. -P. Tessier et ses élèves
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176 MÉDECINE GÉNÉRALE.
ont constamment défini lés néoplasies des produits
morbides développés aux dépens des solides et des li-
quides coagulables du corps vivant; que, par consé-
quent, ils ont enseigné bien avant Virchow que les
néoplasies se produisaient et s'accroissaient par la
transformation des tissus. Le physiologiste de Berlin n'a
donc fait ici que prêter son autorité à une vérité pour
laquelle nous avons eu à soutenir non-seulement les con-
tradictions, mais encore les persécutions des humoristes
officiels.
Dans notre troisième article, nous avons démontré
que Virchow avait tort de nier la transformation des
exsudats et des liquides coagulables du corps vivant en
néoplasie ; nous ne reviendrons point sur cette question
à propos du cancer.
§ 3. Le cancer se propage et se multiplie au moyen
d'un suc contagieux.
Virchow a repris cette opinion dans sa Pathologie des
tumeurs et rapplique aussi au tubercule (p. 48). Voici
les passages de la pathologie cellulaire où cette idée
est exposée :
«Cette observation a, d'après moi, une importance
fort grande; elle nous montre que toutes ces formations
ont une tendance à la contagion Mais il est de toute
évidence quune substance contagieuse se forme dans le
foyer (cancéreux) lui-même C'est ce qui m'a amené
à conclure (et la chose ne saurait guère s'expliquer
autrement) que l'infection est transportée immédiate-
ment par les sucs malades du foyer d'altération aux élé-
ments voisins qui sont liés avec lui par des anastomoses
sans Fintermédiaire des vaisseaux et des nerfs:» (P. 408.)
Dans sa Pathologie des tumeurs, Virchow dit plus
clairement et en moins de mots : » J?ai pour la première
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 177
fois démontré cette doctrine, selon moi d'une haute im-
portance, dans J 'histoire de l'enchondrome, où j'ai dé-
montré en môme temps que l'imbibition des sucs infec-
tants se fait par les anastomoses du tissu connectif, et que
ceux-ci sont le point de départ de nouveaux foyers de
tumeurs. » (P. 48, en note.)
Ainsi l'augmentation de la tumeur cancéreuse est due
à l'absorption et à la circulation dans les anastomoses
du tissu connectif (i) d'un suc contagieux.
Virchow est très-notablement embarrassé pour expli-
quer la multiplication du cancer dans l'organisme. Ce
qu'il veut, avant tout,c cstsupprimer l'humorismeet se
passer de l'altération du sang*. Il accepte tour à tour, et
suivant les besoins de la cause : la théorie des métastases
mécaniques; la cellule est entraînée par les lymphatiques
elles veines; — la théorie d'une action catalytique ana-
logue à celle du sperme sur l'ovule ; — puis, pour les
cas qui ne peuvent être expliqués par ces hypothèses, la
théorie de Y infection produite par le suc cancéreux.
Il est nécessaire que le lecteur fasse comme nous;
qu'il s'arme de patience et d'attention pour lire et suivre
les divagations, les contradictions et les obscurités que
Virchow a accumulées sur ce point.Nous allons, suivant
notre habitude, le laisser parler, en prenant la liberté
de souligner certains passages, de placer quelques pa-
renthèses, afin de le rendre intelligible.
La principale préoccupation de Virchow est de se dé-
barrasser de l'idée de dyscrasie, de l'idée d'une maladie :
«Les formes (les maladies) dans lesquelles on regrette
surtout l'insuffisance des moyens thérapeutiques, celles
dans lesquelles on croit avoir affaire à une dyscrasie chro-
nique, profonde \ incurable, sont justement celles qui peu-
Ci) Les anastomoses et les canalicules du tissu connectif, sur lesquels
reposent tout le système de Virchow sont eux-mêmes contestés !
TOMI XXXI. — MARS 1870. H
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178 MÉDECINE GENERALE.
vent le moins s'expliquer par une modification primi-
tive du sang*; et, dans ce cas, la cause de ladyscrasie est
une modification profonde de certaines parties ou de
certains organes. Je ne puis rien conclure des recherches
faites sur ce point, mais ce que je puis affirmer, c'est
l'inutilité des recherches micrographiques et des ana-
lyses chimiques pour démontrer l'altération du sang
dans ces affections, tandis qu'il a toujours été possible
de reconnaître des altérations d'organes et de parties
d'organes, et chaque jour on se trouve de plus en plus porté
à supposer que la dyscrasie est secondaire et dépendante de
certains organes altérés.
« C'est surtout à l'occasion de la propagation des tu-
meurs malignes qu'il nous faudra discuter cette ques-
tion ; on pense en général que la malignité dépend du sang et
non de f affection locale; et pourtant c'est surtout dans la
marche des tumeurs malignes quil est aisé de démon-
trer le mode de propagation soit dans les tissus les plus
rapprochés du lieu affecté, soit dans les organes éloi-
gnés, i. (P. 190.)
Virchow est toujours préoccupé de remplacer un hu-
morisme étroit par un soiidisme plus inintelligent en-
core, et jamais il ne s'élève à l'idée de maladie. Il ne
soupçonne pas que le cancer soit un état contre nature
de l'organisme vivant tout entier, et qu'il soit puérile
de rechercher si c'est le sang qui rend les solides ma-
lades, ou si c'est les solides qui altèrent le sang. Tout est
ca?icéreux chez un cancéreux, les solides et les liquides ; et
comment Virchow s'arrête-t-il à cette objection que le
microscope et l'analyse chimique ne démontrent rien
dans le sang des cancéreux, lui qui enseigne que le
microscope ne peut pas reconnaître si les premiers élé-
ments d'une néoplasie sont destinés à former un cancer
ou une tumeur bénigne. A propos de l'inflammation,
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 179
nous avons montré Virchow retombant dans l'humo-
risme qu'il avait stigmatisé pendant tout un chapitre;
l'histoire du cancer nous offre le même spectacle d'un
chef d'école enseignant le oui et le non sur la même
question. Ainsi, dans sa Pathologie des tumeurs, Virchow
dit textuellement :
« Pour ma part, je n'ai pas la moindre hésitation,
dans l'état actuel de nos connaissances, à céder à la né-
cessité et à chercher dans le sang", par conséquent
dans un principe dyscrasique, la cause du développe-
ment de certaines tumeurs. Je ne connais pas du moins
d'autre explication à un certain nombre de maladies,
par exemple les tumeurs syphilitiques et beaucoup de
cancers. » (T. I, p. 38.)
Mais Virchow va nous enseigner le mode de propa-
gation des tumeurs malignes. Il a bien la naïveté au-
dacieuse de dire que cela est aisé; nous allons bien le
voir. Voici ses trois explications :
Première explication : métastase mécanique. — Voici le
texte où est exposée cette théorie.
« Ce mode de propagation répond parfaitement d'or-
dinaire à celui que nous avons déjà étudié : les vaisseaux
lymphatiques sont les conducteurs de l'altération et les
ganglions lymphatiques sont envahis par elle; seule-
ment, après ces lésions, on voit des actes morbides ana-
logues se reproduire plus loin. Tantôt l'altération at-
taque les parois veineuses qui deviennent réellement
cancéreuses, et au bout d'un certain temps, le cancer pé-
nètre dans le vaisseau et se propage dans son intérieur;
tantôt il se forme un thrombus dans le point attaqué ;
le thrombus entoure plus ou moins le bouchon cancé-
reux et il est envahi par la masse cancéreuse. La ma-
180 MÉDECINE GENERALE.
ladie peut donc se propager dans deux directions (1) ;
mais c est seulement dans une direction et lorsque la veine est
rompue quelle peut se propager par des particules solides: à
vrai dire, une résorption des cellules cancéreuses par les vais-
seaux lymphatiques ne serait pas chose impossible ; mais il est
impossible dans ce cas que la maladie dépasse les gan-
glions lymphatiques avant qu'il soit devenu entièrement
cancéreux ; les masses cancéreuses prennent dès lors
leur point de départ des ganglions et s'étendent dans
les vaisseaux qui en émergent. — // est impossible qu un
vaisseau lymphatique transporte jusque dans le sang les
cellules cancéreuses comme il le fait pour le suc cancé-
reux ; ceci n'est admissible que pour les veines, et encore ici
est-il probable que la propagation de la maladie ne se fait
pas fréquemment, car les métastases du cancer ne ré-
pondent pas en général aux métastases que nous avons
étudiées à propos de l'embolie. » (P. 191.)
Est-ce assez obscur? Nous croyons nécessaire d'expli-
quer la pensée de Virchow pour les lecteurs qui ne sont
pas familiarisés avec ce style.
Les cellules cancéreuses peuvent être absorbées par les
lymphatiques et par les veines ; mais celles qui sont
absorbées par les lymphatiques trouvent dans les gan-
glions une barrière infranchissable. Ce sont donc seule-
ment les cellules absorbées par les veines qui pourraient
aller former des métastases dans les organes éloignés.
Mais la distribution des métastases ne répondant pas à
la distribution veineuse, et le cancer du sein, par
exemple, allant déterminer des métastases dans le foie
et dans les os sans en faire naître dans les poumons, il
faut renoncer à cette théorie. Donc la première expli-
cation de Virchow n'explique rien. Voyons la seconde.
(1) Comprends si tu peux et choisis si tu l'oses !
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 181
Deuxième explication: infection, — Voici cette théorie
solido-humoriste.
■ La forme ordinaire de la propagation métastatique
du cancer indique une tendance à se porter vers les or-
ganes sécréteurs. Le cancer attaque bien plus rarement
le poumon que le foie, non -seulement lorsque le can-
cer a débuté par l'estomac ou l'utérus, mais encore
lorsqu'il a d'abord attaqué la mamelle ; pourtant cest le
contraire qui devrait arriver, si cette terrible maladie se pro-
pageait par le transport des particules cancéreuses, déve-
loppant la maladie dans les points où elles s'arrêtent.
Le mode de propagation métastatique nous fait suppo-
ser plutôt qu'elle a lieu par le transport de certains fluides
ayant la propriété d'inoculer la maladie, et de disposer
certaines parties à la reproduction de la masse cancé-
reuse primitive. Supposez une marche semblable à celle
que nous observons en grand dans la variole. Le pus
variolique peut transmettre la maladie par inoculation ;
mais la contagion est volatile, et les personnes qui ont
respiré un certain air peuvent aussi avoir des pustules
virulentes à la peau. — Les choses semblent se passer ainsi
dam les dyscrasies (les métastases) survenant à la suite
d'affections hétéropathiques (de cancer); les nouvelles
éruptions de la maladie se font, non pas dans la direc-
tion des vaisseaux sanguins et lympathiques, non pas
dans les points qui semblent être exposés d'abord à
l'altération, mais dans les organes éloignés. »( P. 192.)
Voilà une réfutation péremptoire de la première expli-
cation de Virchow, de la théorie des métastases méca-
niques. La distribution des nouveaux foyers cancéreux
démontre jusqu'à l'évidence qu'il ne sont point pro-
duits par le transport mécanique de cellules enlevées
au foyer primitif. La nouvelle explication de Virchow
qui trouve dans l'absorption d'un fluide comparable au
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182 MÉDECINE GÉNÉRALE.
contagium volatil de la variole la raison de la multiplica-
tion des cancers dans l'organisme est-elle plus accep-
table?
Virchow aurait dû commencer par démontrer les pro-
priétés contagieuses du suc cancéreux. Cela était d'au-
tant plus nécessaire que toutes les expérimentations
faites jusqu'à ce jour ont été négatives. Mais le physio-
logiste prussien nous a déjà habitué à ce sans-façon qui
consiste à remplacer les expérimentations par des sup-
positions. Il faudrait nous expliquer ensuite comment
un suc contagieux peut traverser le poumon sans inocu-
ler le cancer et aller produire son effet dans un os
éloigné par exemple.
Nous repoussons donc les hypothèses de Virchow
parce qu'elles sont non-seulement indémontrées mais
encore contradictoires avec la succession des phéno-
mènes qui constituent le processus morbide.
Gomment ce micrographe n'a-t-il pas compris que la
cause qui suffisait à engendrer le premier cancer suffi-
sait à sa multiplication. Mais Virchow n'a pas l'idée
des maladies; il se préoccupe de deux hypothèses ri-
vales: Thumorisme et le solidisme, et il ne voit rien au
delà.
Du reste, il est inutile de s'arrêter plus longtemps à
cette théorie de Y infection; si chère qu'elle semble au
cœur de Virchow à la page 192, il la réfute lui-môme
à la page 409.
« On n'a pu découvrir, jusqu'à présent, si l'infection
peut se propager aux organes lointains au moyen des
sucs altérés comme cela se fait pour les parties voisines ;
on ignore si le sang peut se charger de liquides nui-
sibles en traversant le foyer et les transporter dans un
point éloigné.»
Comment, vous avouez maintenant qu'on n'a pu dé-
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VIRCHOW ET LA. PATHOLOGIl? CELLULAIRE. 183
couvrir si la multiplication des cancers avait lieu par
infection ; que vous ignorez si le sang* peut se charger
d'un liquide infectieux, et tout à l'heure vous trouviez
fort aisé d'expliquer la multiplication des tumeurs ma-
lignes par le transport d'un suc contagieux ï Mais Vir-
chow va se rejeter encore une fois dans les métastases
mécaniques pour les désavouer de nouveau.
«Je dois avouer que je ne possède pas de faits assez
probants pour résoudre cette question (de la propaga-
tion par des sucs contagieux), et que je ne puis pas re-
jeter f idée de généralisation du mal par des cellules prove-
nant des tumeurs et transportées au loin par le sang. »
(P. 409.)
Voilà donc la théorie des métastases mécaniques qui
reparaît, mais cela ne dure guère et Virchow ajoute
tout aussitôt :
a Cependant il y a des faits nombreux qui semblent
s élever contre l'infection au moyen de cellulesdétochées:
ainsi cette circonstance que certaines altérations se pro-
pagent en remontant le cours de la lymphe; que le foie
peut devenir malade, après un cancer mammaire, sans
que le poumon soit altéré, etc. Il semble probable, dans
ce cas, que les sucs altérés causent la généralisation du
mal.» (P. 409.)
Ainsi, dans la même page, Virchow prend, quitte et
reprend les hypothèses des métastases mécaniques et de
l'infection, et en définitive les réfute toutes les deux, en
sorte qu'il ne nous reste plus d'espoir de trouver l'expli-
cation de la multiplication des cancers ailleurs que dans
V action cataly tique.
Troisième explication : action catalytique. — Nous trou-
vons cette explication à la page 193:
• Il n'en suit pas que desélémentscelluleux ne puissent
184 MÉDECINE GÉNÉRALE.
dans certains cas èive les agenh de la contagion. Qu'on consi-
dère les altération s particulières del'épiploon, du mésen-
tère et d'autres parties du péritoine dans les cas de
cancer de l'estomac ; admettre qu'elles résultent du
transport de certains fluides, sera bien plus difficile à
expliquer que d'admettre que des cellules cancéreuses
se sont détachées accidentellement de la surface de f estomac,
sont tombées sur le péritoine, et y ont germé en quelque
sorte. *
Que d'impossibilités, disons le mot, que d'absurdités
accumulées en quelques lignes! Voyez- vous les cellules
qui se détachent accidentellement d'un cancer de l'esto-
mac, qui viennent se semer et germer sur le péritoine :
tout à l'heure Virchow faisait du cancer une néoplosie
contagieuse, maintenant il en fait un parasite suscep-
tible de se semer et de germer, et il fait détacher les
cellules cancéreuses de l'estomac pour ensemencer le
péritoine, sans réfléchir que le cancer de l'estomac s'al-
tère toujours du côté delà membrane muqueuse et que,
par conséquent, il ne peut en aucune sorte semer ses
cellules dans le péritoine. Mais ayons la patience de lire
et poussons jusqu'au bout pour voir jusqu'à quel point
le fantaisisme (qu'on nous permette ce mot) uni à l'igno-
rance des premiers principes de la science médicale
peut égarer un homme fort intelligent d'ailleurs.
«Ces cancers secondaires du péritoine, par leur mul-
tiplicité, leur forme, leur siège, ont la plus grande res-
semblance avec les maladies de la peau causées par les
parasites végétaux, comme le porrigo, le pityriasis ver-
sicolor, dans lesquels on voit les spores se détacher,
tomber et causer de nouvelles éruptions. Mais dans ces
cas de cancer il n'est pas prouvé que ce soient les cel-
lules cancéreuses détachées elles-mêmes qui, par leur
prolifération, forment les tumeurs secondaires ; on
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 185
pourrait plutôt leur prêter une action contagieuse, cata-
lytique sur le tissu, analogue à celle du sperme sur
l'ovule. » ^
Nous voilà maintenant dans la catalyse, puis nous
allons retourner au suc contagieux si nous continuons
notre citation : « L'observation directe nous enseigne
que dans toutes ces tumeurs secondaires, les jeunes
éléments de la tumeur naissent du tissu préexistant ;
mais il y a longtemps que j'ai dit qu'une contagion lo-
cale, qui, du siège primitif du mal, se répand peu à peu
dans le voisinage, ne peut avoir lieu que par des /i-
guides qui pénètrent le tissu sans exercer sur lui une
action catalytique et y déterminent de nouvelles pro-
ductions indépendantes. Il y a donc là une infection hu-
morale à laquelle le sang n* participe pas, qui passe di-
rectement d'un élément à l'autre.» (P. 193.)
Et dire que cet homme est un maître; qu'il a une
école, des élèves en Allemagne et en France ! Quel
abaissement dans le niveau des intelligences médicales
suppose un semblable résultat. Mais n'anticipons pas
sur nos conclusions.
Je pense qu'il est inutile de réfuter cette dernière
explication de la multiplication des cancers dans l'éco-
nomie. Sans compter qu'elle ne s'appliquerait qu'aux
cancers de l'estomac et aux cancers secondaires du pé-
ritoine.
Il nous semble tout à fait superflu de réfuter la théo-
rie de la catalyse et du parasitisme, auxquels Virchow
n accorde, du reste, aucune importance, et que son
imagination féconde a déjà sans doute remplacée.
De tout cela nous devons cependant tirer un ensei-
gnement: c'est que la multiplication des cancers dans
l'organisme ne s'explique ni par les métastases méca-
niques, ni par la théorie de l'infection, si chère à notre
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186 MÉDECINE PRATIQUE.
époque ; c'est que le physiologisme allemand est aussi
infécond que le physiologisme de Broussais, et qu'en
dehors de l'idée rigoureuse et définie de la maladie, on
ne trouve que contradiction, confusion et divagation.
Continuons donc à enseigner que le cancer est une ma-
ladie caractérisée par la tendance à la production dans
l'organisme du tissu cancéreux; que le tissu cancé-
reux est une néoplasie qui se développe aux dépens
des solides et des liquides coagulables des corps vivants
et dont la caractéristique clinique est de s'ulcérer indé-
finiment.
Dans le prochain article nous examinerons la pyohé-
mie et Y embolie.
P. JOUSSET.
— La suite au prochain numéro. —
MÉDECINE PRATIQUE
CAUSERIES CLINIQUES
TOME II
XI
TRAITEMENT DE LA DIPHTHERIE.
— Suite -
XXXV. Mercurius solubilis 6', prescrit par le Dr Van
Coetsem, a procuré la guérison d'une diphthérie de
forme oommune {Bibliothèque homœopathique, II, 362).
J'ai entendu un de nos confrères préconiser contre
la diphthérie mercurius vivus 3* et hepar 3' alternés,
mais il ne citait aucune observation clinique pour con-
firmer cette indication. En pareil cas, le plus efficace
des sels de mercure est probablement le suivant.
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CAU8ERIES CLINIQUES. 187
XXXVI. Le cyanure de mercure a été recommandé
d'abord par le Dr Berk, ensuite par le Dr de Villers.
Ce dernier a publié, dans la Bibliothèque homœopathi-
çue (t. II, p. 3, 56, 69), douze observations de guéri-
sons opérées par la 6e dilution de ce remède.
10 appartiennent à la forme bénigne consécutive à
la scarlatine.
1 appartient à la forme putride (p. 59).
1 appartient à la forme ataxique (p. 5).
Ce médecin n'a jamais signalé alors l'adénite sous-
maxillaire.
Le Dr Beck ne la cite que deux fois sur 15 observa-
tions publiées dans la Bibliothèque homœopathique, t. II,
p. 129. Dans les observations publiées, je trouve les
résultats suivants :
4 cas de la forme commune (III, IV, VI, VII), guéris.
2 cas de la forme putride (I, II), guéris.
1 cas de la forme croupale, après la trachéotomie
(V), euéri.
1 cas de la forme ataxique (VIII), mort.
La forme putride chez un dartreux (obs. i) était tel-
felnent grave qu'elle avait été vainement traitée par
bel/adona 6e, mercurius 6' et 4e, iodium 3*, bromum 3e,
merc. corrosivus 36, apis 38. Le malade, allant de mal
en pis jusqu'au 68 jour et à ce moment dans un état
désespéré, prit alors seulement le cyanure de mercure
avec un succès très-rapide.
1 cas de forme putride a été guéri avec le cyanure de
mercure 4- et 6e par le Dr Pitet (Bibliothèque hom., II,
360).
1 cas de la forme commune aveo ce même remède,
6* dil., par le Df Van deh Berghe {Bibliothèque hom., II,
363).
1 cas de la forme commune, avec le cyanure de
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188 MÉDECINE PRATIQUE.
mercure par le Dr Jousset. (rArt médical, XXX, 450. )
i cas de forme commune, avec le même remède
par le Dr L. Molin [Bulletin homœopathique , 1870,
t. XII, p. 245).
Mais, après tous ces succès, voici les revers.
Le Dr Sybel signale 2 cas de diphthérie (quelles
formes) vainement traités par la cyanure de mercure.
De mon côté, j'ai eu l'occasion de traiter avec ce
remède un enfant atteint de la forme croupale qui a
succombé après une amélioration momentanée. Il me
semble opportun de relater brièvement cette observa-
tion, soit pour atténuer l'engouement actuel des méde-
cins homœopathes au sujet de ce médicament, soit
pour montrer comment cette forme a quelquefois une
rapidité imprévue. D'ailleurs il me parait aussi utile
de raconter les insuccès que les succès; les uns et les
autres sont également instructifs. Les médecins, qui
ne citent que les derniers, entreprennent la conspira-
tion du silence contre la vérité et contribuent singuliè-
rement à retarder les progrès de la thérapeutique. En
satisfaisant ainsi leur petit amour-propre, ils causent
plus ou moins indirectement la mort d'une foule de
malades. Et, d'ailleurs, il faut bien qu'ils l'apprennent
dans leur propre intérêt : en signalant les succès et
non les insuccès, les indications et non les contre-indi-
cations du remède qu'ils préconisent, ils préparent son
discrédit et son abandon de la part des praticiens qui
oublieront bientôt et le médicament et son prôneur.
OBSERVATION.
Diphthérie, forme croupale, traitée par mercurii cyanuratum 3*.
Mort.
Un petit garçon de 4 ans, robuste, est atteint de diphthérie.
jour, 5 juillet 1869, plaques diphthéritiques sur les amyg-
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CAUSERIES CLINIQUES. 189
daks. Adénite sous- maxillaire. Pouls à 125. — Prescription: Mercur.
cyanuratum, 3" trit. dans une verrée d'eau; à prendre une cuillerée à
café toutes les heures.
3* jour, 6 juillet. Expulsion d'une fausse membrane, pouls à 125.
— Même prescription.
4e jour, 7 juillet. Expulsion de deux fausses membranes. Pouls à
130 le matin et à 125 le soir. — Même traitement.
5* jour, 8 juillet. Çxpulsion d'une fausse membrane. Pouls à 120
le matin et à 1 12 le soir, 8 heures. — Même prescription.
6« jour, 9 juillet. L'ayant cru en voie de guérison la veille, j'al-
lai voir cet enfant, ce jour-là, plus tard qu'à l'ordinaire, c'est-à-dire
à 9 heures du matin. J'arrivai au moment où il expirait, asphyxié
par le-s fausses membranes qui avaient envahi le larynx dans la
nuit. Et je n'avais sur moi aucun instrument, pas même un trocart,
pour tenter la trachéotomie, la ponction de la trachée, suivant le
procédé de notre confrère, le D' Du Planty. Les parents de ce petit
malade, qui, auparavant, venaient tous les jours chez moi, n'eurent
malheureusement pas la pensée de venir m'appeler pendant la nuit.
Cette observation est un enseignement pour les pra-
ticiens à qui elle montre avec quel soin ils doivent sur-
veiller cette maladie, dont la marche est si rapide et
parfois si imprévue.
En résumé, dans la diphthérie, le cyanure de mercure
a jusqu'ici donné les résultats suivants :
10 cas de forme bénigne, guéris.
8 — commune, guéris.
4 — putride, guéris.
2 — ataxique, dont i mort.
1 — croupale, mort.
J'omets à dessein le cas de forme croupale traité après
la trachéotomie.
Le Dr Beck avait lu l'histoire de cinq personnes qui,
ayant été empoisonnées par le cyanure de mercurey pré-
sentaient, après la mort, la gangrène de la bouche.
C'est cette parlicularité qui lui avait suggéré l'idée de
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190 MÉDECINE PRATIQUE.
la prescrire à l'enfant du Dr de Villers, atteint de la
forme ataxique. Ce médicament est donc indiqué con-
tre la gangrène de la bouche, compliquant soit diverses ma-
ladies aiguës, soit la diphthérie. C'est dans les formes
commune et putride de cette dernière maladie qu'il
me paraît le mieux réussir. Il ne faudrait le prescrire
qu'avec réserve dans la forme ataxique. Mais on a bien
eu tort de le préconiser contre le croup, dont il n'a pas
guéri un seul cas jusqu'ici.
XXXVII. Apis mellifera. — Le Dr Neuschaefer a traité
avec ce remède 40 cas de diphthérie en 14 semaines :
27 cas chez des malades âgés de 3 à 27 ans, 13 cas
chez des malades âgés de 9 mois à 3 ans. De ces 13,
6 moururent du croup. Tous les autres atteints de
diphthérie (quelles formes?) guérirent.
Dans la plupart des cas, apis 3e suffît, employé en
ingestion, gargarisme, inhalation, mélangé à l'al-
cool (1/3) et à l'eau (2/3). On touchait la gorge avec un
pinceau imbibé de ce mélange et, par là, on provo-
quait la toux et l'expulsion des fausses membranes.
Les plus malades avaient quatre petits frères ou
sœurs, qui, pendant l'épidémie, prirent, deux fois par
jour, apis en ingestion, gargarisme, inhalation. Ils
furent préservés. Aussi l'auteur recommande-t-il ce re-
mède comme préventif.
Aconit fut alterné avec apis dans les cas de forte
fièvre et avec succès.
Hepar suif, cale, ou spongia furent aussi donnés avec
succès. Dans quelles formes?
Dans les cas graves, arsenic et chininum arsenicosum
furent nécessaires.
Pendant cette épidémie périrent, traités par les mé-
decins Allopathes, beaucoup de malades âgés de 1 an
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CAUSERIES CLINIQUES. 191
et moins a 14 ans. {Allg. Hom. zeitung, t. LXXVIII,
p. 102.)
A part les 6 malades qui succombèrent au croup,
le Dr Neuschaefer a oublié de nous dire à quelles for-
mes appartenaient les 34 autres cas et dans lesquelles
furent efficaces apis d'une part et, de l'autre, arsenic et
ckininum arsenicosum. «
Le Dr Polie, de Hanovre, a été plus précis en
nous citant cinq cas de dipbthérie, forme putride (dont
l'un après la scarlatine), guéris par apis 3°, 3 gout-
tes toutes les deux heures ; cataplasmes chauds autour
du cou; injections dans les fosses nasales, et gargarisme
d'abord avec vin rouge 1/3 et eau 2/3, ensuite avec al-
cool, 3 gouttes, et eau, une cueillerée abouche, ou 1/5
d'alcool et 4/5 d'eau ; enfin en touchant les fausses mem-
branes avec un pinceau imbibé de la dilution alcoolique
ou d'alcool étendu.
Ce médecin cite avec détails deux observations de la
forme putride qui était très-caractérisée, surtout chez
un enfant de 4 ans, ayant fausses membranes d'o-
deur putride d'abord sur l'amygdale gauche, puis dans
le pharynx, la bouche, l'angle des lèvres et les fosses
nasales, adénite sous-maxillaire et cervicale. Ce petit
garçon guérit en quinze jours, grâce au traitement pré-
cité. [Allg» Hom. zeitung, t. LXXIX, p. 19.)
Le Dr Schuessler dit avoir perdu une diphthérie
(quelle forme?) traitée par apis.
En résumé, quatre cas de diphthérie, forme putride ,
guéris par apis 3e.
XXXVIII. Bryonia et ipéca. — Le Dr Teste avait
prescrit, le premier, contre la diphthérie ces deux remè-
des qui m'ont paru très-efficaces contre la toux quin-
teuse et que le Dr Jousset conseille comme très-
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192 MÉDECINE PRATIQUE.
actif dans la bronchite capillaire, pouvant quelquefois
compliquer la diphthérie.
Le Dr Teste a fini par reconnaître que la guérison
de cette dernière maladie devait être attribuée à bryonia
seule, et cela après la publication du Dr Curie. [Bulletin
delà Soc. hom., 1860, t. I, p. 213.)
Ce dernier médecin dit {Bulletin hom., I, 35) avoir
guéri vingt-cinq à trente cas d'angine couenneuse et de
croup, et n'avoir perdu qu'un seul malade.
Le Dp Lintilhac a eu également plusieurs succès et un
seul insuccès.
Le Dr Curie prescrit 6 gouttes de bryonia T M dans de
l'eau sucrée à prendre une cueillerée d'heure en heure.
La maladie, écrit-il, est enrayée au bout de douze heu-
res, c'est-à-dire que les fausses membranes ne font plus
de progrès, la gène de la respiration diminue, les mu-
queuses deviennent moins sèches. Après quarante-huit
heures du traitement, les fausses membranes commen-
cent à se détacher.
Ces deux médecins ne nous disent pas combien ils
onttraitéet guéri de cas appartenant à chacune des cinq
formes de la diphthérie. Ils ne précisent donc pas suffi-
samment l'indication de bryonia.
Le Df Malaper du Peux, de Lille, a guéri seize cas de
diphthérie en traitant l'angine couenneuse (quelles for-
mes?) par mercurius 3e et le croup par bryonia et ipéca
alternés. (Bulletin de la Société hom., 1860, t. I, p. 206.)
Sur ces seize cas de diphthérie, combien de croups
ont été traités par les deux derniers médicaments?
Le Dr Teste a guéri deux angines couenneuses (quel-
les formes?) et un croup d'emblée par bryonia 3e, une
cueillerée toutes les dix minutes. Le second jour du trai-
tement, l'amélioration était manifeste. (Bulletin de la Soc.
hom., 1860, t. I, p. 213.)
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CAUSERIES CLINIQUES. 193
Avec bryonia 12e, le Dr Emery a guéri une bronchite
pseudo-membraneuse persistant depuis plusieurs an-
nées; le malade expectorait des fausses membranes
avant la forme et le volume des tuvaux bronchiques.
Ce médicament pourrait être employé contre la métrite
pseudo-membraneuse, l'entérite pseudo-membraneuse
et contre ladiphthérie se prolongeant dans les bronches.
Serait-il indiqué dès lors contre toutes les variétés de la
forme putride ?
En 1847, le Dr Teste a vu, dans un village delaCote-
d'Or, une femme de 50 ans, qui, pour se guérir d'une
hernie, avalait, chaque jour depuis quatre mois, 10 à
12 grains (0,50 à 0,60) de bryonia. Celle-ci avait pro-
duit une diphlhérie chronique dans la bouche, le pha-
rynx et les bronches; aussi celte femme expectorait
constamment des fausses membranes. (Journal de la So-
ciété gallicane , 1850, t. I, p. 205.)
Le Dr Curie a, je crois, produit également des fausses
membranes dans le pharynx et les bronches en donnant
la teinture mère à des chats ou à des lapins.
Quant aux résultats cliniques, les auteurs précités
n'ont pas, en général, relaté leurs observations avec
des détails objectifs suffisants, pour que je puisse dire
dans quelles formes de la diphlhérie bryonia est indiquée.
D'après la clinique et la pathogénésie, ce remède me
paraît devoir réussir surtout contre la forme putride,
variété chronique.
XXXIX. Brome. — Divers travaux ont été publiés sur
ce remède par Frantz (1827), Barlhez (1828), Butske
(1829), Fournet (1830), Czcrwiakowski (1833), Heimer-
dinçer (1837), Horing (1838), Glover 1842), Attomyr
(1845), Stapf (1846), Lippe (1846), Noack et Trinks
(1847), Roth (1852), Jahr (1858), et surtout par notre
TOME XXXI. — MARS 1870. i \
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194 MÉDECINE PRATIQUE.
confrère le DT Charles Ozanam. En effet, par ses mémoi-
res de 1856, 1859, 1861 et 1869, il a plus que personne
contribué à vulgariser l'emploi de ce médicament.
Dans son mémoire de 1869 (voy. Art médical, XXX, 52
et 104), il relate 20 observations cliniques de diphthérie
appartenant :
10 à la forme bénigne (obs. ix), guéries ;
5 à la forme commune (obs. n, iv, vu, ix), guéries ;
4 à la forme croupale, dont 3 guérisons (obs. m, vi,
p. 13), et 1 mort (obs. îx);
2 à la forme ataxique. Ses paralysies consécutives
ont été guéries par la noix vomique et l1 électricité (obs. vm)
et par la noix vomique et la strychnine (obs. i).
Je recommande le lecture de l'observ. m, qui est très-
remarquable.
Le Dr Ozanam employait autrefois bromum 6", 12e, 4e.
Aujourd'hui il prescrit une solution d'eau bromée
au l/1000c ou bien au 1/1500°. Cette solution est admi-
nistrée d'heure en heure par goutte dans autant de
cueillerées d'eau sucrée, de manière à donner 1/2 à 2
grammes de solution dans les 24 heures.
11 recommande surtout les fumigations bromêes contre
le croup. « Pour cela, dit-il, on pose devant le malade
un vase plein d'eau bouillante, muni d'un entonnoir en
papier ou bien on verse dans l'eau une forte pincée de
bromure de potassium ou de sel marin, destiné à lixer le
brome dans la solution, afin qu'il ne s'évapore pas tout
de suite ; puis Ton ajoute peu à peu, en deux ou trois
fois pendant l'espace de cinq à dix minutes, une cuil-
lerée à café de la solution d'eau bromée. Le malade en
respire lentement les vapeurs, qui, mélangées à une
grande proportion de vapeur aqueuse, n'ont plus rien
d'irritant et pénètrent profondément dans les bronches. »
Comme préservatif, il fait prendre Veau bromée en
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CAUSERIES CLINIQUES. 195
boisson. Ayant à prévenir la diphthérie dans un pen-
sionnat déjeunes filles avoisinant un hôpital où régnait
cette maladie, il fit faire des fumigations dans les dor-
toirs, en versant 8 à 10 gouttes de brome pur dans des
assiettes remplies d'eau. Ce corps si difïusible imprégnait
latmosphère; aussi on ne mettait, dans les dortoirs, les
assiettes que le jour, on les en retirait la nuit. Dès lors
on ne vit plus reparaître la diphthérie qui avait déjà
atteint 7 pensionnaires, avant les fumigations. On con-
tinua néanmoins celles-ci pendant vingt-cinq jours pour
empêcher le retour de cette maladie, dont l'incubation
est parfois très-longue.
Je rappelle ci-après les cas de diphthérie traités avec
le brome, par divers praticiens.
GUÊRISONS.
1 forme croupale. — Dr Lescarbault.
i — croupale avec brome 4". — Dr Milcent, Art
médical, VII, 30.
i — croupale avec brome 3e. — Dr Patin, id. , IV, 3.
1 — commune. — Dr de Léséleux, Tribune médi-
cale, II, 5.
2 — commune avec brome 3*. — Dr Gallavardin.
1 — putride avec eau bromée. — Dr Gallavardin.
MORTS.
3 formes croupales. — Dr Pau lier, Tribune médicale,
II, 2.
3 — croupales. — Dr Ebrard, id., id.t p. H3.
Le Dr Dufresne, de Genève, écrit le Dr Ozanam, a
traité avec le brome 7 diphthériques, dont 2 sont morts.
Mais à quelles formes appartenaient les uns et les au-
tres?
Dans sa Clinique homœopathique, le Dr Rueckert rap-
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190 MÉDECINE PRATIQUE.
porte bien 13 guérisons de diphthérie par le brome, mais
je n'y trouve pas signalés les caractères objectifs de celte
maladie.
En résumé, parmi les cas de diphtbérie publiés et
dont la forme a pu être déterminée, j'en trouve :
10 de forme bénigne, guéris;
8 — commune, guéris;
2 — ataxique, guéris ;
13 — croupale, dont 7 morts et 6 guéris.
XL. Bromure de potassium. — Le Dr Ozanam recom-
mande l'emploi de ce remède de 0,25, 0,50, 1 ou 2 gram-
mes, même dans les cas graves. Le médicament est
dissous duns 200 grammes d'eau, dont le malade prend
d'heure en heure une cuillerée à bouche.
Notre confrère a guéri ainsi : 3 diphthéries de forme
commune (obs. 10, U, 12). Le Dr Noack a guéri une
diphthérie de forme putride, en prescrivant 0,75 de
bromure de potassium dans 150 grammes d'eau. (Art mé-
dical, XXIII, 360.)
En employant le bromure de potassium bromé, ainsi
préparé :
Eau 150 grammes,
Bromure de potassium. 0,05 centigr.,
Eau bromée 10 gouttes,
le Dr Ozanam a guéri une diphthérie de forme com-
mune (obs. 13).
La médication suivante se rapproche de celle de notre
confrère, aussi je l'expose immédiatement après la
sienne.
XL1. Eau a" Adélaïde (Reïïbrunn).— Dans un Mémoire
publié en 1860 sur Y angine couenneuse et le croup, le
Dr Wilhelin Zimmermann raconte qu'il a traité de 1856 à
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CAUSERIES CLINIQUES. 197
1858, dans la commune d'Anzin, 184 cas de diphthérie,
appartenant :
112 à la forme putride.
72 — croupale.
Il n'a eu que 29 morts : j'ignore de quelle forme rele-
vaient ces derniers, car je ne connais le Mémoire de ce
médecin que par l'analyse qu'en a faite le Dr Frédault,
dans rArt médical, XIII, 151. Supposez même que ces
29 décès appartiennent à la forme croupale, il resterait
43 guérisons, ce qui constituerait un très-beau résultat.
Le Dr Zimmermann attribue ses succès, relativement
considérables, à la médication suivante.
Il faisait appliquer sur les côtés du cou, 8 fois dans
les vingt-quatre heures, des linges imbibés d'une solu-
tion dont voici la formule :
Iode pur 12 grammes.
Alcool rectifié 1 25
Iodure de potassium. . 4
Bromure de potassium. 4
Eau distillée 15
Il faisait prendre, en outre, comme boisson, à ses ma-
lades l'eau artificielle de la Source (f Adélaïde tTHeilbrunn,
dont il avait fait préparer les trois formules suivantes :
N° l. Na 2. N°3.
Bicarbonate de soude saturé. 15 gram. 10 gr. 5gr.
Sel marin 15 10 5
Iodure de potassium 4 3 2
Bromure de potassium. ... 1 0,75 0,50
Eau filtrée 1000 1000 1000
Dans les cas légers, il prescrivait la potion n° 3, et
dans les cas plus graves, le n° 2, et même le n° 1, en
faisant prendre 30 grammes par heure.
Gomme le remarque avec à-propos le Dr Frédault, les
198 THÉRAPEUTIQUE.
agents actifs de ces formules sont employés depuis long-
temps par les homœopathes. En les prescrivant à doses
faibles, ils évitent les aggravations que signale le Dr Zim-
mermann et qui l'obligèrent à diminuer ses fortes doses,
lorsqu'elles produisaient : la céphalalgie, l'intumescence
et la rougeur de la face, l'injection des conjonctives, un
larmoiement très-ahondant.
Dr Gallavardin,
de Lyon.
— La suite prochainement. —
THÉRAPEUTIQUE
DE LA PURPURA ILEMORRHAGICA.
Le Mercure [Mercurius), le Sulfate de quinine (Chi-
nimtm sulfuricum), le Tabac (Tabacum), l'If (Toxus bac-
cata), à dose infinitésimale, ne seraient-ils point quel-
quefois indiqués dans le traitement de la Purpura
Hœmorrhagica ? Notice bibliographique de cette maladie.
I. Mercurius.
Je citerai d'abord un fait que Thomas Bateman a
consigné dans son Abrégé pratique des maladies de lapenu.
Cet auteur rapporte que la Purpura hœmorrhagica sur-
vint pendant une salivation très-forte qui avait été pro-
duite par quelques grains de mercure combinés avec de
l'opium, et administrés pour la guérison d'un rhuma-
tisme; la terminaison de la P. H. fut mortelle.
A Charles Florent Tortual ou Tourtual (de Munster),
sont dus les deux cas suivants de maladie maculée hé-
morrhagique. « Dans le premier, il s'agit d'un doreur
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DE LA PURPURA HJEMORRHAGICA. 199
•
sur métaux, chez lequel la maladie succéda à des acci-
dents occasionnées par les vapeurs mercurielles. Il mou-
rut douze jours après la première hémorrhagie. Dans
le second, il est question dun dame qui, après avoir été
atteinte d'une affection vénérienne longtemps mécon-
nue qui exigea un traitement mercuriel énergique, et avoir
éprouvé une longue suite de chagrins, éprouva tous les
symptômes qui caractérisent la maladie hémorrhagique ;
l'usage des toniques lui rendit la santé » (1).
Le mercure, d'ailleurs, sous forme de protochlorure, a
été employé dans le traitement de la P. hœmorrhagiea.
J.-C. Sabatier a, dans le pourpre simple aigu, recom-
mandé le calomel et pour vaincre la constipation, lors-
qu'elle existe, et pour favoriser peu à peu la résorption
des taches pourprées (2). « Hunt a souvent vu une forme
bien caractérisée de diathèse hémorrhagique liée à une
congestion hépatique et à une obstruction de la veine
porte, quelquefois avec complication de jauuisse (3).
L'emploi des astrigents, des toniques et des analeptiques
aurait alors des conséquences fatales. La seule chose à
faire, c'est de purger le malade au moyen de doses ré-
pétées de calomel et de jalap, dans le but de débarrasser
les intestins des matières noires et poisseuses qu'ils con-
tiennent toujours » (4). L.-V. Duchesne-Duparc dit que
les purgatifs et parmi eux le calomel sont fréquemment
employés dans le traitement de la P. (5). W. Whalley a
publié un cas de P. H. dans lequel il ordonna, entre au-
tres remèdes, un mélange d'acide gallique et de proto-
M) Nouv. Bibl. mèd., 2e ann., t. V. Paris, 1824; 8, p. 220-21.
(2) Bull, de thêrap., 1834; VII, 109-10.
(3> Il est permis de conjecturer que « Chelidonium majus » serait
aussi indiqué dans cette occurrence.
(4) L. Noirot, Annuaire de litt. m. étrnng. pour 1857 ; I, 278-79.
(5) Traité prat. des dermatoses. Paris, 1859, p. 377.
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200 THÉRAPEUTIQUE.
chlorure de mercure, et obtint une guérison rapide (1).
Robert-James Graves mentionne \ecalomel comme ayant
été donné dans un cas de P. H. dit Exanthema haemor-
rhagicum (2).
II. Chininum Sulfuricum.
On sait que le sulfate de quinine est employé dans le
traitement de la P. H. Je citerai à ce propos Thomas
Pridgin Teale (3), Emile Pereyra (4), de Nolhac (5),
Boureau (6), un anonyme (7), F. Rilliet et E. Bar-
thez (8), Hunt, Habershon (9) etW. Whalley. Eu décem-
(1) Noirot, Ann. pour i8C0; IV, 244-47.
(2) Leçons de clin, m., tr. par Jaccoud ; 61e leçon, obs. Paris, 1862,
II, 504.
M. Renault ( Dict. annuel, par P. Garnier; 4» ann., 18G7, p. 411-12)
rapporte un cas de P. H. observé sur une 611e, à l'hôpital de Lourcine,
cas anormal dont on n'a pas pu saisir l'étiologie. Cette fille était-elle ou
avait-elle été soumise à un traitoment mercuriel ?
« Le vif-argent, appliqué imprudemment à la surface extérieure d'un
corps animé, soit en linimcnls, soit en emplâtres, produit souvent la
dissolution de tout le sang, le crachement do sang, et les autres sortes
d'hémorrhagies. •
T. P Cacls, Delà cure des mal., etc., p. 42-43. — Cfr. Fréd. Hoffmann»
De Metailurgia morbif., § 19, p. a 29; édit. de 1713.— F.-F. Fodéré, Mèd.
lèg.\ 1813, IV, 147, § 301. — Hipp. Cloquet, Dict. des se. mèd., 1820.
XLIII, 540-54.1. — Mérat et do Lens, Dict., 1832. IV, 377. — Galtier,
Mat. m., H, 704. — A. Trousseau et II. Pidoux, Thèr., 3* édit., 1847, I,
187-8S 200. — Maslieurat, Journal des conn. m. c, avril 1841, XIII, 133.
- Grisolle, Path., 1840, I, 823. — P. Brentano, l'Art médical, mai 1865,
XXI, 389-390.
(3) Giacomini, Mat. mèd., 344.
(4) Journ. des conn. m. ch., juillet 1840, XII, 30.
(5) Ibidem, juin 1844, XX, 223-24.
(<i) Bull, de thèr., 1847, XXXII, 390.
(7) Ibidem, 1851, XIM 380, 426.
(8) Maladies des enfants, 2e édit., 1853, II, 331. (Le sirop de quinquina
pourrait être prescrit.) Nous citerons, ajoutent R. et B., un cas de pur-
pura secondaire, où l'emploi du sulfate de quinine a été suivi de succès.
Cfr. le t. 111, publié en 1854, p. (00-101. — Auguste-César Baudelocque
et J.-F.-N. Jadelot employaient le sulfate de quinine dans la variole,
avec purpura hiemorrhagica.
(9) Noirot, Ann. p. 1859, 111, li-1-193.
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DE LA PURPURA ILtfMORRHAGICA. 201
bre 1869, à un femme âgée de 74 ans, atteinte de Pur-
pura simplex, j'ai eu l'occasion do prescrire avec succès
le sulfate de quinine, à fortes doses, mais dans le but
de combattre des accès de fièvre intermittente qui étaient
venus se joindre à la P., comme ils se joignent d'ail-
leurs, depuis plusieurs an nées, à beaucoup de maladies,
dans le Comtat Venaissin.
Or, dans plusieurs cas observés par Vépan, la qui-
nine, employée toujours chiniquement pure, a paru
déterminer l'apparition de la Purpura Hœmorrhagica.
Ainsi, chez une femme de 50 ans qui prit, toutes les six
heures, 10 centigrammes de sulfate de quinine pour une
névralgie, et 15 centigrammes le lendemain, un vési-
caloire ayant été appliqué à l'aisselle, le jour suivant, la
place du vésicatoire était toute noire ; il en suintait une
sérosité sanguinolente et tout le corps était recouvert
de taches de Purpura. La quinine fut supendue, et l'on
y substitua les acides minéraux; au bout de neuf jours,
tout le corps était sain ; l'aisselle était guérie au bout de
quinze jours. L'auteur prescrivit ensuite de la quinine
à la malade pour des douleurs de dents, et le Purpura
reparut.
• Une autre femme prit de la quinine pour se débar-
rasser d'une fièvre tierce; le second jour elle eut une
épistaxis ; le corps était couvert de taches de Purpura, les
gencives saignantes. Les selles étaient foncées et sangui-
nolentes. On suspendit la quinine et l'on donna des aci-
des minéraux pendant trois jours, puis un laxatif, et
au bout de buit jours les taches avaient disparu.
Un garçon de 12 ans, présentant une faiblesse géné-
rale, prit de la quinine. Au bout de quelques jours, il se
développa du Purpura, mois la quinine fut continuée
assez de temps [!] pour essayer son action [!]; le Pur-
pura augmenta, les gencives saignèrent. On cessa la
202 THÉRAPEUTIQUE.
quinine, on donna des purgatifs salins, et au bout de
dix jours la peau était saine.
«Enfin, un homme qui prenait de la quinine pour
une fièvre larvée, ne présentait encore au bout de quinze
jours aucune trace d'affection cutanée. Rendu attentif
à ce sujet, on crut qu'il y échapperait ; trois jours après,
il eut néanmoins vingt taches sur les épaules » (1).
Donc Chininum sulfuricum, à dose infinitésimale,
pourra être quelquefois indiqué dans le traitement du
morbus maculosus Werlhofîi.
III. Tabacum.
Le Tabac (Nicotiana Tabacum) produit aussi la Pur-
pura Hœmorrhagica, comme le montrent les faits
suivants.
a J'ai observé, dit Jacques-Pierre Pointe, rarement il
est vrai, sur les pieds et les jambes de quelques ouvriers
[employés à la manufacture de tabacs à Lyon] une
éruption cutanée qui consistait en une multitude de ta-
ches d'un rouge assez vif, et qui ne disparaissaient pas
sous la pression ; ces taches étaient larges comme des
lentilles environ, et assez douloureuses ; plusieurs d'entre
elles se terminaient par de petits ulcères. Cette maladie,
après avoir résisté pendant deux à trois mois aux divers
moyens que j'ai employés pour la combattre, a paru se
terminer spontanément.
«Exanthème ressemblant à celui du morbus maculosus
Werlhofii. — Jean Bonnet, âgé de 39 ans, revenu de la
campagne de Russie avec les pieds gelés, entra à la ma-
(1) Dict. annuel, par P. Garnier, \* ann., 1867, p. 412; De la quinine
comme cause de purpura, par V. Bull, de thèr., 15 fdvrier 1807, LXX,
11-140; Cfr. Jul. Aug. Édouard Monneret, Journ. de méd., par Beau, fé-
vrier 1844. II, 45-46 (hémorrhagies ; pétéchies produites par le sulfate
de quinine).
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DE LA PURPURA ILŒMORRHAGICA. 203
nufaclure en 1821 ; il n'éprouva dans les premiers temps
de l'exercice de cette nouvelle profession aucune incom-
modité dont il ait conservé le souvenir, et il n'eut au-
cune maladie grave jusqu'en décembre 1826; à cette
époque la partie inférieure des jambes et les pieds devin-
rent le siège d'un œdème. Peu babitué à s'écouter, J. B...
continua de travailler. Vers la fin de janvier, quelques
petites taches rouges se montrèrent sur les mollets; une
légère douleur, qui se faisait sentir surtout vers les ar-
ticulations des membres inférieurs, se manifesta d'abord
d'une manière assez obscure, et devint ensuite plus
forte. Quoique cette maladie fît des progrès sensibles, cet
ouvrier restait toujours dans les ateliers, et ne se plai-
gnait point. Les symptômes prirent plus d'intensité, les
taches se multiplièrent, elles occupèrent bientôt toute la
superficie des membres pelviens, et une partie des pa-
rois abdominales; ce fut alors que J. B... réclama uncer-
tifîcatde maladie. J'examinai cette affection que j'avais
déjà rencontrée sur un autre ouvrier , mais point aussi
développée; ces taches étaient semblables à celles du mor-
bus macu/osus hœmorrhagicus Werlhofii, leur rougeur était
foncée lie de vin, et ne disparaissait pas sous la pression,
leur largeur très-variable depuis un simple point rouge
jusqu'à 2 ou 3 lignes de diamètre ; un assez grand
nombre d'entre elles se touchaient; la partie infé-
rieure des membres pelviens offrait un léger œdème, et
les articulations étaient un peu doulouleuses; il n'y
avait point de fièvre, les autres fonctions n'avaientpoint
éprouvé d'altération notable. Tel était Tétait de J. B...
lorsqu'il se présenta à ma visite, sa maladie a résisté
longtemps aux divers moyens que j'ai alternativement
employés pour la combattre: boissons délayantes etni-
trées, tisanes acidulées, médication tonique essayées,
sans succès, etc., et moyens hygiéniques appropriés à
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S04 THÉRAPEUTIQUE.
ces différentes méthodes; ce n'est qu'après six mois de
durée, sans que cet ouvrier ait cependant jamais été
alité, que les taches qui couvraient ses membres infé-
rieurs et une partie du tronc ont commencé à disparaî-
tre; la plus grande partie de ces macules s'est terminée
par résolution, un assez grand nombre de celles surtout
qui occupaient les pieds a passé à l'état de suppuration,
et il en est résulté de petits ulcères dont la cicatrisation
a été difficile à obtenir ; les autres phénomènes de la
maladie se sont également dissipés, et J. B... est rentré
à la manufacture parfaitement bien portant. » (1).
Le labac peut donner lieu à des hémorrhag-ies. Ber-
nardin Ramazzini a vu une jeune fille juive, occupée
pendant tout le jour à déployer des paquets de tabac,
rendre beaucoup de sang* par les vaisseaux hémorhoï-
(1) Observations sur les Maladies auxquelles sont sujets (es ouvriers
employés à la Manufacture royale de Tabacs, à Lyon (1828), dans Mé-
langes de médecine, par J.-P. Pointe, précédées d'une notice biographi-
que sur l'auteur, par J.-P. Bourland-Luslerbourg. Lyon, A. Yingtrinier,
4861. 8. p. 198-200. Cfr.. p. 204; It-s observations occupent les pag. 173-
211 des Mel. demèd, sur J.-P Pointe, Cfr. l'Art médical, mai 1860, XI,
394-400. A rénumération des nombreux écrits de J.-P. P.. que j'ai faite
dans ce recueil, je joindrai l'indication des articles et opuscules sui-
vants : Observations de pleuro-pneumonie suivie d'un vaste dépôt dans
le poumon gauche, par P., et extrait du rapport de M. de Kergaradec.
JVowo. BiM. mèd., 18*4, IV, 214-15. — Observations sur des gastro-enté-
rites avec fièvre rémittente et intermittente, guéries par le bulfate de
quinine administré en frictions. — Rapport de Bagneris, Itard et Miquel
à l'A. R. de M., sect. de M., s. du i>2 août 1826, Arch. gèn. de méd., sep-
tembre 1826, XII, 133-34. — Conseils pour les temps de choléra. Lyon,
1854, 8, 16 p. an. Rev. thér. du Midi, Vil , 16'. -65 (par L. Saurel).—
Création d'un lycée impérial pour les enfants de l'âge de six à douze ans,
sur la commune de Saint-Rambert l'Ile- Barbe, près Lyon. Lyon, Louis
Perrin, 1858, 8 , 29 p. an. Reo. Ihêr. du Midi, 1858, XII, 517-20 (par
Louis Saurel). — Monographie des Thermes de Weissembourg, dans
Mèl. de mèd., p. 1-132. — De la grippe qui a parcouru la France en 1837,
Ibid. p. 133-171. — Pointe signale (p. 153) les accidents du côté du sys-
tème nerveux (p. 155); un mouvement fébrile intermittent dans cette
grippe.
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DE LA PURPURA HVEMORRHAGICA. 205
daux pour s'être reposée sur ces paquets (1). « Morgagrii,
dit Antoine-François de Fourcroy, semble attribuer une
apoplexie mortelle [une hémorrhagie cérébrale?] à l'u-
sage excessif du tabac auquel le malade était adon-
né (2).— Une fille de 23 ans avait la galle : un chirur-
gien fit appliquer dessus des linges imbibés d'une
décoction de trois onces de feuilles de tabac ; trois heures
après, [cette fille] vomit du sang » (3).
Mais voici une observation qui me paraît tout à fait
concluante, si l'on accepte Tétiologie invoquée par l'au-
teur.
«Je fus appelé, dit le Dr Georges Wiliis, auprès d'un
jeune homme de bonne famille, âg-é de 22 ans, et qui,
environ quinze jours auparavant, jouissait encore d'une
très bonne santé. A la suite d'un refroidissement, il se
plaignit d'une toux insupportable. Le 9 novembre, il
rendit en toussant une grande quantité d'un sang noir
et continua à expectorer le même liquide, toutes les
fois qu'il toussait, jusqu'au moment de ma visite. Je
tournai d'abord mon attention vers la poitrine et ne
(1) Essai sur les mal. des Artisans, trad. du lalin de Ramazzini, avec
des noies et des additions par M. de Fourcroy. Paris, Moutard, 1777,
lî, ch. 16, p. 430.
(2) Joseph Lanzooi , Oper., 1738, II, 394. Obs. H4 (coma , apoplexie
et mort produits par lo tabac). — Hist. morb. Vralislav, p. 293. - Joseph
Frank, Path.t 111, 13-14, note 53. — Notons o qu'on se sert de la décoc-
tion de tabac dans la paralysie, l'hémiplégie, l'apoplexie, la léthar-
gie, etc. » Mérat, Dict. des se. méd., 1821, LIV, 200. L'examen de l'ar-
ticle que Mérat a consacré au tabac me fournirait l'occasion de plusieurs
rapprochement* qui viendraient à l'appui de la formule de similitude.
i,3) Trad. de Ramazzini, p. 200*201. — Les ouvriers employés aux
manufactures de tabac sont sujets au flux de sang (F.-V. Mérat), p. 190.
- Parent Du Chatelet et D'Arcet prétendent que c'est à tort que l'on a
regardé lés hémorrhagies comme l'apanage des ouvriers des fabriques
de tabac, Nouv. Bibl. mèd.y 1829, UI, 119. Parent Du Chatelet et D'Arcet
n'ayant pas rencontré les faits constatés par divers observateurs, et en
des pays différents, Irur négation n'infirme pas des afGrmalions pOSi-
tHCS.
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206 THÉRAPEUTIQUE.
trouvai aucune particularité dans le bruit respiratoire.
Le pouls, à 96 par minute, était rebondissant. La lang ue
était chargée et offrait, à sa surface, une tache noire
de la grandeur d'un shilling"; on trouvait beaucoup de
ces mêmes taches, mais plus petites, sur les gencives.
Je demandai à voir les membres, et les trouvai couverts
de taches semblables à des ecchvmoses mêlées à un
grand nombre de petites pétéchies d'un brun noirâtre,
Le diagnostic était suffisamment clair. Mais, comme
mon malade était d'une condition sociale assez élevée,
comme en tout temps il avait eu une nourriture géné-
reuse, que de plus il habitait une localité très-saine, je
ne pus d'abord me rendre raison de ces symtômes si
évidents de Purpura hœmorrhagica, ni rapporter à une «
autre affection ce concours de symptômes et de circon-
stances. Ces pensées me portèrent à prendre de plus
amples informations sur les habitudes de mon client;
j'appris alors que, grand fumeur, il expectorait une
quantité de salive énorme et qu'il était dans un état
continuel de salivation. J'ordonnai : mixture acide,
une dose de pilules apéritives, car les intestins n'étaient
pas libres. Les trois jours suivants, même traitement,
en ajoutant un grain dipécacuanha aux pilules.
L'hémoptysie céda. Le 13, le malade souffrit pendant la
nuit, d'une manière cruelle dans un testicule; la dou-
leur disparut, mais le malade observa du trouble dans
son urine. Je vis, en effet, qu'il avait rendu beaucoup
de sang- en urinant. Le 15, les intestins sont libres,
mais l'urine conserve toujours le même aspect. J„es
taches de la langue ont disparu, deux petites paraissent
seules sur la lèvre supérieure et le côté du nez. —
Même traitement. Le 16, pas d'amélioration. Je change
le traitement. Suspendre les acides et les remplacer par
la térébenthine, selon la formule suivante :
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DE LA PURPURA HvEMORRHAGICA . 207
Essence de térébenthine. ... 8 grammes.
Sucre blanc 8
Poudre d'acacia 8
Teinture de lavande 4
Eau de menthe poivrée .... 250
Faites une mixture (i).
« Le 17, l'urine est plus claire. Régime : huîtres et
lait ad libitum. Le 20, la térébenthine, toujours employée,
produit les meilleurs effets. L'urine présente sa couleur
normale et le malade exprime lui-môme le bien qu'il
éprouve. Je lui permets de se lever et de continuer à
prendre la mixture, pour laquelle il n'accuse aucun dé-
goût. — Le 23, les taches ecchymotiques ont disparu
généralement, laissant seulement une trace pâle qu'in-
dique leur contour, comme cela se voit à la suite d'une
contusion. Je suspens la térébenthine et je prescris à la
place quelques gouttes de muriate de fer, deux fois par
jour, avec une pilule de rhubarbe comme apéritif. —
Depuis cette époque, aucun des symptômes que nous
avions pu étudier n'a reparu.
« Réflexions. Je me contenterai d'arrêter l'attention
du lecteur sur trois points, ajoute le Dr G. Willis :
« 1° Sur le caractère étendu des manifestations lo-
cales du désordre du sang, indiqué par une grande
éruption et par la libre exsudation du sang par les mu-
queuses de l'organe respiratoire, des reins et de la ves-
sie.
« 2° Sur la cause de l'état morbifîque du sang. N'est-
ce pas F abus du tabac? Pour moi, je ne vois pas d'autre
cause. Je crois que la fumée de tabac, longtemps inha-
(t) c La térébenthine va très-bien sous cette forme, si on la mêle
avec soin. On pile d'abord ensemble la poudre et lo sucre; on ajoute
ensuite la térébenthine, et enfln ta teinture et l'eau. Le malade en prit
une once par jour. » G. Willis.
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208 THÉRAPEUTIQUE.
lée, possédant des propriétés nartico-irritantes, est aussi
capable d'amoindrir la consistance du sang1 que les
autres agents de la même espèce, et que Yessence (!) des
symptômes du pourpre consiste dans la fluidité ou défi-
brination du sang» (1).
« 3° Le traitement de ce cas est une excellente preuve
de l'efficacité de la térébenthine dans le pourpre, et
justifie les recommandations du Dr Neligan sur ce su-
jet » (2).
IV. Taxi s baccata.
L'If (Taxus baccaia) peut également donner lieu à un
état analogue à la Purpura hœmorrhagica.
a Un garçon âgé de cinq ans, dit Chrétien-Théophile
Selle, eut à la plante du pied gauche une douleur qui
l'empêchait de marcher et qu'on attribuait à une pi-
qûre d'épingle qui lui était entrée dans le pied;
on y voyait en efîet une tache de la grandeur d'un demi-
pouce, de couleur de sang; j'ordonnai des cataplasmes,
que le chirurgien avait jugé à propos d'appliquer
froids. L'enfant avait en même temps, presque partout
le corps, des taches semblables à des piqûres de puce,
mais qui étaient d'une couleur extrêmement foncée,
comme sont les pétêchics de la plus mauvaise espèce (3).
Il se sentait au reste parfaitement bien, si ce n'est qu'il
paraissait un peu bouffi, pâle, qu'il était enroué et qu'il
(1) Les altérations du sang doivent être considérées comme des ques-
tions de séméiotique, et non comme des questions d'éliologie. Ces alté-
rations no sont pas la cause, la mère des maladies, mais l'effet, les en-
fants de la maladie, et elles servent a constituer des caractères nosolo-
giques. Jean-Paul Tessier, leçon du o janvier 1843.
(i) Annuaire de mèd. et de chir. prat. pour 1855 , par A. Jamain et A.
VVahu. 10e ann., 1851, p. 97-101.
(3) a Ducan [Duncan?] a observé de pareilles pétéchies sans fièvre,
chez une personne qui avait mangé de grosses fèves. Voyez son Histoire
des maladie*, o. 68. » Selle.
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DE LA PURPURA H.EMORRUAGICA. l'09
avait la poitrine embarrassée : j'attribuai ces accidents
en partie aux cataplasmes froids, et en partie à un cra-
chement de sang qui lui était survenu. Comme il était
naturellement plein d'humeurs, je crus que sa maladie
n'était autre chose qu'un rhume de poitrine, occasionné
par quelque froid. Quant aux taches, il m'était impos-
sible de croire qu'elles eussent quelque rapport avec
celte affection de poitrine, d'autant plus qu'il n'y avait
presque point de fièvre qui pût avoir produit une si
grande dissolution des humeurs. Je lui ordonnai le vin
émétique à petites doses, dans la vue de dissoudre et
d'évacuer la pituite. Il vomit à différentes reprises et
la poitrine fut soulagée.
Cependant les forces diminuaient de plus en plus; il
ne pouvait plus se tenir sur pied ; quelques jours après,
le pouls devint fébrile. Les lèvres, qu'il avait toujours eu
fort pâles, commencèrent, la supérieure surtout, à se
tuméfier, et à prendre une couleur noirâtre. Je me dou-
tai alors que quoique j'eusse pourvu à ce qui paraissait
le plus urgent, je n'avais point saisi le véritable état de
la maladie. Ce fut dans le même temps que je découvris
que l'enfant avait mangé une quantité de baies rouges
d'if. Je me rappelai aussi que l'humeur rejelée par le
vomissement, et qu'on avait alors regardée comme du
sang-, était d'une couleur d'orange foncée, et que par
conséquent elle pouvait bien être la mucosité des baies
de l'if. Celle conjecture paraissait d'autant plus vraisem-
blable, que l'appétit dont il manquait quelques jours
auparavant, était revenu immédiatement après le vomis-
sement. Aussitôt, j'ordonnai un second émétique, des
boissons acides et des vésicatoires. Mais un extrême
abattement de forces survenu tout à coup, finit par en-
lever le malade au bout de seize heures ou environ.
A l'ouverture du cadavre, je trouvai l'estomac un peu
tome xxxi. — - mars 1870. 14
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210 THERAPEUTIQUE.
enflammé, et couvert d'une mucosité noirâtre. Il y avait
aussi dans les intestins grêles une humeur gélatineuse
de la même couleur, qui, selon toutes les apparences,
était un reste des baies d'if corrompues. La tache à la
plante du pied était encore rouge ; mais l'épiderme en était
enlevé, et l'on n'y voyait aucun vestig-e de blessure.
La maladie avait duré environ quatorze jours. Le
malade avait eu constamment la tête libre, jusqu'au
dernier moment ; et lorsque le pouls ne se faisait plus
sentir, il conservait encore sa présence d'esprit ordi-
naire. Une heure avant de mourir, il ne pouvait plus
retenir aucune boisson.
« C'est sans doute aux baies d'if qu'il faut attribuer la
douleur du pied, ainsi que les taches; car toute la ma-
ladie n'a point affecté la marche d'une fièvre, et on ne
connut pas plutôt sa nature que ses effets funestes.
« Les effets mortels de ce poison furent aussi prompts
que son développement avait été lent. » (1).
« Il y a des plantes (par exemple les baies d'If), dit en-
core Selle, qui occasionnent quelquefois des taches sem-
blables aux pétéchies, quoiqu'elles ne soient point ac-
compagnées de fièvre, elles exigent le même traitement.
On emploie avec le plus grand succès l'acide vitriolique,
après avoir évacué les restes des baies qui pourraient
encore se trouver dans les premières voies.» (2).
(1) 0b$. de mêd., trad. de l'allemand, du Dr Selle, par Coray. Paris, A.
Crouilebois, 096, 8, 1" obs., p. 4-4, an. Jean-George Puihn, Materia
Venenaria regni teyetabilis. Lipsiac, ap. C. G. Hilscherum, I78o, 8, p. 100,
§ 245. Cfr. H. Percival (de Manchester), Bill, mcd., 1808, XXII, 90. —
Hartmann (de Francfort) a fait l'autopsie d'une jeune fille qui s'était
empoisonnée par l'usage d'un décodé do feuilles de taxus baccata, à
l'aide duquel elle se voulait faire avorter; Noue, liibl. mcd. 1827, II, 125.
— Heurtrel d'Arboval dit avoir vu toutes les vaches d'une exploitation
atteintes d'hématurie, pour avoir mangé des feuilles d'if. P. Rayer, f£x-
pèrience, t. I, 5 mai 1838, n° 37, p. 577, note 1.
(2) Mcd. clin., ou Man. du prat., trad. de l'allemand, du DrC.-G. Selle,
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DE LA PURPURA IL43M 0 R R H AQ IC A .
211
Dans le tableau que S. Hahnemann a fait des effets
de l'if, j'aperçois les hémorrhag-ies (une dissolution du
coagulum fibrineux rouge) et les pétéchies (1).
Quelques traits de la pathogénésie de la Taxus bac-
cala (2) viennent aussi à l'appui de la proposition que
je fais en ce moment pour la thérapeutique du morbus
macufosus Werlhofii.
V.
Notice Bibliographique de la Purpura Hœmorrhagica.
Werlhof (Paul-Godefroy), en 1735, dans A. J. H. Jourdan,
Biogr. méd. VIT, 49 i et Dezeimeris, Dict. hist., IV, 396; — Rod.,
Aug., Behrens, en 1735, dans Haller, Meth. st. med., 1751, II,G53;
— Ploucquct, Delineat, s. n. III, 107 et Lit. 1808, II, 2-3, au mot
Ecchymosis spontanea, sine violentia externa; 1 809, V. 55 et au mot
Haemorrhagia universalis, II, 255-56 : IV, 421 : V. 86 (bibl.) ; —
Wolf {de Varsovie), hist. d'une suffusion hémorrhagique plaquée
dans Bibliothèque médicale, 5e année, t. XVIII. Paris, 1807, 8, p.
258-60 (chez une fille de 11 ans : tamponnement des narines avec
de la charpie imbibée dans une dissolution d'alun, gargarisme avec
une infusion de sauge mêlée de vinaigre et d'eau-de-vie, potion avec
l'eau de menthe, de cannelle, la mixture d'acide sulfurique, le lauda-
num et le sïrop d'écorces d'oranges. — Lotions avec l'esprit-de-vin
camphré, et, à l'intérieur, apozème de quinquina, de simarouba et
de serpentaire de Virginie, avec éther sulfurique et sirop d'écorces
d'oranges. — Injection d'un fort soluté d'alun dans les narines: gué-
par Coray. 2« édit. française, Montpellier, Tourne!, p. et f., an 3 (1795),
8, i, I, p. 148-49. Je note l'emploi de l'acide sulfurique, qui est un des
médicaments employés, dans les deux méthodes, contre le morbus ma-
culosus WerlhoGi.
; t) Essai sur un nouveau principe pour découvrir les vertus curatives
des substances médicinales, suivi de quelques aperçus sur les principes
a'imis jusqu'à nos jours (1790). Etudes de méd. homœop., par S. H.,
2' sér., 2* art. Paris, J.-B. B., 1855, 8, p. 84, et l'Art médical, décem-
bre 1855, II, 478. — Taxus baccata me parait aussi être indiquée dans
le traitement de la forme grave de l'ictère essentiel, si je considère les
effets palhogénésiques do ce poison dans les écrits de S. Hahnemann,
de Carminali, de Harmand de Montgarni.
<3; G.-H.-G. Jahr, N. Man., 4* édit., 18; 5, 1, 716-77. .
212 THEEAPEUTIQUE.
rison rapide) ; — J.-Ii. Demangeon, Ibidem, -200 (Bang, Werlhof,
Baehrens, Klinge, Consbruch et Henning eités) ; — Horst, jeune,
méd. à Cologne, Obs. sur une sutf. hémorrh. plaq. (morbus macu-
losus hacmorrhagicus Werlhofii, haeraorrhaea petechialis;, 1808,
XXI, 237-42 (chez une demoiselle de 13 ans, et à la suite d'un re-
froidissement : guérison au bout de 13 jours) ; — Allemand, Obs.
sur une maladie dans laquelle le malade rendait le sang par la bou-
che et les narines. Annales clin, de Montpellier, n°83. Novembre
1809, p. 259-64 (le soir, à l'intérieur de l'une des joues, couple de
pustules noires, dures et élevées, d'où coulait le sang qui était rendu
avec de la salive : oxyerat miellé pour gargarisme : l'hémorrhagie
dura toute la nuit. Camphre à hautes doses, fort décocté de quin-
quina acidulé et gargarismes de même nature, vin généreux, fumi-
gations de gaz acide nitreux dans la chambre, lavements d'eau vi-
naigrée le 3e jour, urines teintes de sang, le 4e jour hématurie, le 5'
jour apparurent les pëtéohics : le sang coulait toujours par la bou-
che et par les urines : vin, bouillon, quinquina en décoction, acides
délayés, camphre : — amers toniques : guérison au bout de 1 7 jours.
— Kruegclstein, sur le morbus hacmorrhagicus de Werlhof. Bi-
bliothèque méd., 181 1, XXX11I, 392 (sur trois cas deux ont été pro-
voqués par une irritation vermincuse, et le troisième par une sup-
pression brusque de la transpiration) ; — Boehrae, Hist. remarquable
d'un m. m. h. Werlhofii, 1815, XLIX, 205 (saignée, purgatifs.
Boehmc employa les toniques et les astringents : guérison) ; — IIu-
feland, L, 390 :(« Un garçon de 7 ans, atteint d'un m. m. W.,
échappa au plus grand danger par l'usage du quinquina, des acides
et des bains d'écorce de chêne. Chez cet enfant, qui auparavant avait
été très - scrofuleux , la maladie du système sanguin se reporta,
aussitôt après sa guérison, sur le système lymphatique, de sorte que
l'état scrofuleux reparut)»; — A. de Laudun, 1811, XLIV, 382
(acides et quinquina triomphèrent promptement de la m. t. h ); —
IJ. Latour, Hist. phil et méd. des causes essentielles, imméd. ou
proch. des Hémorrhagies. Orléans, Guyot aîné, 1815, 8. 1. 1. p.
394-93, obs. -433 (aménorrhée : — rougeole, purpura haimorrh.) :
p. 390 obs. -434, t. II, p. 31, obs. 471 (Lordat, Hémorrhagie tache-
tée de toute la peau, après un mouvement de colère ; p. 134, obs.
592 (D. Latour lui-même) ; p. 178-79, obs. 603 (Sporlius, d'après
Fabr.de Hilden) ; p. 180-83, obs. 004 (Horst jeune, que j'ai déjà
cité); p. 180, obs. 007 (RiedhV; p. 153, obs. 590, et p. 187, obs. 009
(Don. Monro); p. 189-92, obs. 011 (D. Latour); p. 192-93 (IX La-
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DR LA PURPURA H/EMORRIIAGÏCA
213
tour}; p. 193, obs. 613 (Vandcrmonde) ; p. 197-98,obs.6l9(Horstius);
p. 222-23, obs. 629 (D. Latour).— Henning. Exemples du m. m. de
W. chez trois enfants : Bibl. méd., 1818, LXII, 397-98 (toniques et
aromatiques, boissons acidulées); — J. D. Rcuss, Rep. 1818, XIII,
230 (bibliogr.) ; — Tb. Bateman, Mal. de la peau, p. 1-47-37; —
Pittschaft, Bibl. méd., 1820, LXIII, 399-400 (deux cas) ; — F. E.
Fodéré, Dict. des se. méd., 1820, L, 219 (m. dite t. h. est une va-
riété du scorbut. Bellefonds cité); — Ségalas, Obs. d'une exbalation
de sang dans 1 épaisseur de la peau et à la surface des membranes
muqueuses en général. Analysée et critiquée par de Lens dans la
Bibl. méd., septembre 1820, LXIX, 381-83 (chez un jeune homme
de 20 ans, à la suite d'un refroidissement : une saignée était indi-
quée au début; elle fut suppléée par la persistance d'une épistaxis
et d'une hémoptysie évidemment actives : guérison); — H. Golfin,
Obs. sur un cas de m. m. h. sthénique. Ibid. juillet 1821, LXXIII,
95-96 (successivement traitée par les purgatifs, les toniques, les as-
tringents, les antiscorbutiques, les acides et un régime très-nourris-
sant, la maladie faisait tous les jours de nouveaux progrès ; régime
anuphlogistique, prompt succès) ; — Ch. Grossi, méd. àMontericco,
province de Reggio, Obs. sur un cas très -grave de la maladie dé-
crite par Werlhof soi'S le nom de m. m. h. Ibid. 96 97 (asthénique :
acides, toniques, astringents, rubéfiants sans effet; l'opihm, secondé
par l'emploi du camphre, du quinquina, de l'eau de cannelle spiri-
tueuse, du bon vin rouge et d'une nourriture animale procura la
guérison); — Bourgeois, Obs. sur un cas de mal. dite tachetée hé-
morrhagique de Werlhof. Ibid., déc. 1822, LXXVIII, 393 (ratania
obtint ici un succès remarquable); — de Lens, Ibid., 394 (Vaidy
cité;; — Mérat, Appendices du Dict. des se m. 1822, LX, 1 13-14; —
Jacques Poilroux, de Castellane ^Basses-Alpes), Nouvelles Recher-
ches sur les Maladies chroniques, et principalement sur les affec-
tions organiques et les maladies héréditaires. Paris, Crochard, Poil-
roux neveu, 1823, 8, p. 105; — J. A. Rochoux, Dict. de méd. en
21 vol., janvier 1827, XVII, 451 ; — A. P. Isidore Polinière, Etudes
din. sur les émiss. sang, artificielles, 1827, II, 796 805 (Sain le-
Marie et Bellefonds cités. Cinq obs. : 1" obs. : saignée au moment
où une hémorrhagie cérébrale se consommait : mort; 2* obs. : huit
sangsues, saignée, guérison ; 3' obs. : deux sangsues, guérison ;
4* et obs. : rubéfiants cutanés, boissons douces et acidulés, puis
toniques et astringentes, régime très-analeptique, guérison dans ces
deux cas : Polinière a suivi les indications thérapeutiques); L. Ch.
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214 THÉRAPEUTIQUE.
Roche et J. L. Sanson, N. Elém., 2* éd., 1828, V. 616-18 (héma-
célinose. Gautier Bellefonds, Claude Ch. Pierquin de Gembloux
(qui a donné un article bibliographique très-étendu sur la p. h.
(Cal'isen), P. Rayer cités, ; — J. F. Lobstein, Traité d'Anatomie pa-
thologique, t.I. Paris, Strasbourg, Levrault, 1820, 8, p. 204, 209,
210, 216, §218, 252, 254, 261; — Louis Pfeiffer, Un. Rep., 1833,
II, 36 37, 137; J. G. Sabatier, Considérations thérap. sur le P. et
son traitement : Bull, de thér., VII, 105-11 ; -- Table des onze
prem. an. delà Revue méd. Par., 1 835, p. 1 10; — Jean-Louis Alibert,
Monogr. des Dermatoses, 2* éd. Paris, Germer-Buillière, 1835, 4,
p. 720 27 (Dans sa Nosographie, A. se servait du mot Hématospilie ;
dans ses Dermatoses, il adopte celui de Péliose, il doune une synony-
mie étendue, il dit que c'est le morbus UenosmîiQs anciens, le molopas
d'Aristote et de Galien (1), il cite encore Werlhof, Behrens, Bra-
chet, Duncan, Adair, Ferris, Willan, Austen. Dans le cours de son
travail, A. cite S wediaur, Buckhaave, Plumbe, rapporte trois obs.,
deux lui sont personnelles, et préconise, entre autres remèdes, le
décocté de quinquina aiguisé avec l'acide sulfurique); H. Lin d au,
Un. Reg, 183G, p. 7 (bryonia, rhus) ; — Grandjean, Un mot sur le
P. H. et sur son traitement : Bull, de thér., 1837, XII, 258-60
{trois obs. : trois guérisons); — Roth, Clin. Ilomœop., 1838, M,
214-15, obs. 2,925, par Muller ^Rhus) : obs. 2,926, par Bethmann
(ledum palustre);— C. W. Hufeland, Man. de Méd. prat., trad. par
E. Didier, 1838, I, 5il-22, — Rûekert, Traitera. Ilomœop. des mal.
de la peau. Paris, 1838, lre p., ch. XIII, p. 149-54 (à consulter pour
les médicaments); — P. Rayer, Hématurie avec gravelle d'acide
urique, suivie de pétéchies, chez un colon de l'Ile de France. Dans
l'Expérience, t. 1, 5mai 1838, n°37, p. 581-82 (?j;- Emile Percyra
(tamponnement des fosses nasales, limonade sulfurique : sulfate de
quinine, sinapismes aux pieds : vésicatoires sur l'abdomen, aux
cuisses : guérison); — B. C....y, Journal des connaissances médica-
les pratiques et de pharmacologie, t. VIII, novembre 1840, p. 33
(1) Castelli Lexicon. Genevœ, ap. fratres de Tournes, 1746, 4, p. 505,
au mot Molops. — J.-E. Hebenstreit, Exegesis nominum grœcorum, quœ
morbos definiunt. Leipzig, 1751, 4, p. 330. — filancardi Lexicon. Lovanii,
1754, 8, I, 57 i, au mol Molopes. Ce mot désigne los pétéchies qu'on ob-
serve dans les Gèvres dites malignes et pestilentielles. Etienne Blancard
renvoie au mot Enchymoma (p. 353), où il parle des tacbes scorbu-
tiques.
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DE LA PURPURA H/EMORRHAGICA. 215
(mort) ; — Louis-Félix Capitaine (1), Ibidem, p. 33-3-i (homme de 35
ans, dans le service de Pierre-Marie Honoré, à l' Hôtel-Dieu de Paris :
rirop de cachou acidulé ave; de l'eau de Rabel, ergot de seigle : gué-
rison au bout de deux mois) ; — E. A. J. Berton, Mal. des Enf.,
2* éd., 1812 p. 694; — L. S. Holtrop, Bibl. med. ch. Hag. com.,
18-12, p. 80 de l'Index System, latin us (dix auteurs cités); — M. S.
Krikger, Scripta mcd.-chir., 1842, p. 334 (bibliogr.); — A. Bouchar-
dat, Annuaire de Thér., p. 1843, III, 166; — F. Foy, Formai . des
méd. prat., 4* éd., 1844, p. CXVII; — Jeun-Paul Tessicr, Cours de
Médecine professé à l'École pratique de Paris. 1" année, 1843-1844
(La P. H. est une maladie essentielle, distincte et différente du ty-
phus, de la fièvre typhoïde avec pétéchies et du scorbut. On a em-
ployé plusieurs médications, les toniques, les saignées, les purgatifs
et une méthode mixte : il faut suivre les indications); — de Nolhac
(P. H. compliquée de fièvre typhoïde;; — A. Legrand, le Pourpre
est une affection générale, et c'est a tort qu'on range cette maladie
parmi les affections de la peau. — Un mot sur son traitement. Bull,
de thér., 1845, XXIX, 200-204; Journ. des conn. m. ch., sept.
1845, XXIII, 124 (chez un malade atteint d'un pourpre hémorrha-
gique essentiel, Kouthier, interne du professeur Amiral, ayant ana-
lysé le sang, a constaté une diminution marquée de la fibrine et
une diminution dans le chiffre des globules. L. rapporte deux cas
de P. symptomatique suivis de mort, et un cas de P. essentiel ter-
miné par la guérison) ; — A. F. Mordret, Difficultés de diagnostic,
Congestion cérébrale. — Hémorrhagie successive des principaux
organes. — Mort après six jours de maladie. — Souvenirs médico-
philo'ophiques d'un médecin de province, suivis d'observations.
Paris, J.-B. Bailliêrc, 1845, 8, obs. n° 1, p. 173-181 (Postillon, âgé
de 27 ans, faisant un usage immodéré de vin et de liqueurs alcooli-
ques; congestion cérébrale; hémoptysie; éruption confluente sem-
blable à de larges morsures de puces; vomissements et selles mé-
(I) Sur ce médecin, trop tôt enlevé à sa famille, à ses amis, à la science
(né le 21 août 1809, mort en 18H). Cfr. la Notice biographique que Ch.
Martin» a insérée dans le Journ. des conn. méd. prat. et de pharmacol.,
i. Mil, février 1841, p. 150-51, et le discours prononcé au nom de la
Faculté de médecine de Paris, sur la tombe de M. L.-F.-C, par A. Bou-
cturdat, agrégé de la Faculté, Ibid. p. 160. — Journ. des conn. mèd.-chir.,
par H. Gouraud, J. Lebaudy, A. Trousseau, février 1841, XIII, 88. —
Pour les articles que L.-F. Capitaine a insérés dans le Journ. des conn.
w. pr. et de pharmacol., Cfr. la Table générale des matières contenues dans les
dix premiers volumes (1833-1843). Paris, 1844, p. 8.
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216 THKRAPEUTIQU k .
langés d'une assez grande quantité de sang noir ; hématurie; surface
du corps recouverte de taches pourpres noirâtres, larges comme des
lentilles (pétéchics); trois saignées; boissons astringentes, acidulées
avec l'acide sulfurique. — C'est bien là un cas de morbus maculosus
Werlhofii, de maladie tachetée hémorrhagique de Werihof) ; —
L. Vesin, Quelques réflexions sur le Pourpre, considéré comme
affection générale et sur son traitement. Bull, de thér., XXIX,
548-52 (Behrens, Werihof, Zeller, Aaskowh, Rayer, Legrand, cités.
Vesin dit que, s'il existe des cas de pourpre avec diminution de
la fibrine, il en existe aussi sans diminution ou même avec aug-
mentation de ce principe. 1 obs. de V. : tamponnement des fosses
nasales, boissons acidulées avec l'eau do Rabel, quinquina, opium,
ratania : plus tard, eau de Seltz, vin de Bordeaux, infusé de
houblon, ferrugineux, régime tonique. Au bout de deux mois, nou-
velle hémorrh. nasale : pouls fréquent, dur; saignée suivie de plu-
sieurs autres : guérison ; il existe des pourpres sthéniques et des p.
asthéniques (Bateman, Parry, Rayer); — A. Grisolle, Path., 1,
648-51; — J. Moore Neligan. Traitement du P. II. par l'huile
essentielle de térébenthine, Jour, des conn. m. ch., mai 1846,
XXIV, 207-208 ; Rev. méd.-chir. de Paris, janvier 1847, 1, 40-41;
Bull, de thér., XXXII, 157; Annuaire p. 1848, par Bouchardat.
Paris, Germer-Baillière, VIII, «7 ; — Boureau, Quelques réflexions
pratiques sur le Pourpre hémorrhagique et son traitement. Bull, de
th., XXXII, 388-91 ; — Conradi, Journ. d. conn. m. ch., mai 1848,
XXVIII, 205-200 (élixir acide de Haller, quinquina. P. II. et P. ur-
ticans : quinquina, eau de Rabel, ferrugineux : camphre, quinquina,
élixir de Mynsicht, topiques aromatiques, cautérisations avec la
pierre infernale); — A. Costes (de Bordeaux), hist. crit. et philos,
de la doctr. physiologique. Paris, G. Baillièrc, 1849. 8, p. 156-58
(Objections de Brachet contre le système de Broussais dans son ap-
plication au m. m. W); — R. Krebel, Gesch. des Scorbuts. St-Pe-
tersb., 1849. 8, p. 109 (Th. Coycock cité); — Lossetti, Journ. d.
conn. m. ch., février 1849, XXXII (lisez XXX), 73 (sept saignées :
guérison : heureux accouchement;; — F. Hartmann, Thér, hom.
des mal. aig., 1850, II, 231-32 (bryon., bell., acon., arn., ledum.,
rhus, sec. corn., phosph.,sulphurisacidum, kreosotum, arsenicum).
Lucas-Championnièrc, Table an. des vingt premiers vol. du Journ.
de m. et de chir. prat. Par., 1850, p. 51 1-12, art. 248, 2,506, 3,510;
— Essai avec l'acide gallique dans le traitement du P. H., Bull, de
thér., 1851, XL, 379-80 : Gfr. la page 426 où se trouve rectifiée une
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DE LA PURPURA H^MORRHAQICA. 217
erreur qui s'était glissée dans une formule : Journ. des conn. m. ch.,
1" nov. 1851, XXXIV, 601-602 : Annuaire p. 1853, par Bouehar-
dat, XIII, 188; — Grantham, Bons effets de l'acide gallique dans le
P. H. Bull, de thér., 30 novemb. 1853, XLV, 475-76, et Annuaire
p. 1854, par Bouchardat, XIV, 215 (trois cas : trois guérisons) ; —
F. Rilliet et E. Barthez, Mal. des enf., 2e éd., 1853, II, 314-35 :
1854, III, 100-101 ; — F. L. J. Valleix, Guide du méd. prat., 3* éd.
1851, V, 290-96; — G. H. G. Jahr, N. Man.. 6« éd., 1855, II, 138
(bryon., rhus, coccin., iod.. led., sec. corn.); — Ch. Meaux Saint-
Marc, Tables alphab. des cinquante volum. de la lr° série (1829 à
1853). des Annales d'hyg. publ. et de Méd. lég. Paris, J. B. B.,
1855, 8, p. 73 ; — E. Bouchut, Mal. des n. nés., 3e éd., 1855, p.
652^ P. sunplex dans la rougeole hémorrhagiquc) ; — A. Marfan,
Pseudo-croup. Purpura hœmorrhagica . — Albuminurie. Ann. clin,
de Montpellier par Alexis Alquié, 10 juin 1855, III, 105-107 (quin-
quina, ratania); — Georges Willis; — Hunt, Annuaire p. 1857
par Noirot, I, 278-79 (Lorsque la P. dépend d'un état de faiblesse
générale ou d'une alimentation insuffisante, recourir aux analepti-
ques et aux astringents; quand, sans cause apparente, chez des su-
jets sains et robustes, survient la P. avec des hémorrhagies qui en-
traînent souvent la mort, il faut faire vomir fréquemment le malade.
— Les pétéchies qui s'observent dans la fièvre typhoïde et les fièvres
éruptives exigent l'emploi des acides minéraux, de la quinine et des
analeptiques); — Alph. Devergie, Traité prat. des mal. de la peau.
2* éd., 1857. p. 323-30.
Jules Bouteiller, Table des Bull, de la Soc. anatomique de Paris,
1857, p. 203; — Linck, Morb. H. W. Revue internationale de la
doctrine homœopathique par Jorez. Bruxelles, Tircher, 8, an.,
octobre 1857, p. 63-64 (chez un garçon de 8 ans : rhus, acid. suif,
dilué : guérison au bout de douze jours) ; — Pingault, Obs. de P.
H., ou de m. m. h. Annuaire, par A. Cavasse, lre an. 1857, 1, 148
(astringents et toniques) ; — Charcot, P. H. et tuberculisation aiguë,
Ibidem, 165; — Péan, P. IL congénitale. Apoplexie du thymus. Ibid.
2* an. 1858, II, 173 (les taches existaient sur toute la peau et les m.
muqueuses. Mort en quelques jours); — Habershon, Ann. p. 1859
par Noirot, III, 188-93 (P. simple, P. hémorrhagique qui se ratta-
chent à une affection de la rate ou du foie : P. érythématique et
urticans, résultant d'un état d'hyperémie aiguft de la peau : P. con-
gestif qui s'observe dans les affections du cœur : P. pétéchial, dans
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218 THÉRAPEUTIQUE.
le typhus et la fièvre typhoïde. Etude de l'altératioa de la rate dans
deux cas de P. II.); — L. V. Duchesne-Duparc, Dermatoses, p. 373-
77 ; — Ch. Caillaut, Mal. de la Peau chez les Enfants, 1859, p. 219-
56; — De l'emploi du perchlorure de fer dans le traitement du P.
H. et de son action sédative sur le cœur, par Pize. — Rapport de
Marie-Guill.- Alphonse Devergie (Académie I. de médecine, 22 mai
1870^ dans Annuaire par Cavasse, 4a ann., 1860, IV, 268-70; —
Séances de l'A. I. de m. du 29 mai et du 5 juin 1860, Blacho lit
une note dans laquelle il revendique, en faveur de Thierry et De-
leau, la priorité de l'emploi du perchlorure de fer dans le traite-
ment du P. H. — Devergie refuse la priorité à Deleau. Ibidem, p.
270; — Trousseau examine la question de thérapeutique spéciale
soulevée par Pize, p. 270-71 ; — Séances du 12 et du 19 juin : De-
vergie dit que les doutes élevés par Trousseau à l'égard de l'effica-
cité du perchlorure de fer dans le traitement du P. H. sont dénués de
tout fondement, p. 271; — Piorry, en 1857, a administré avec succès
le perchlorure de fer à des malades atteints de P. H. : il prescrivait
en même temps les sucs d'herbes, p. 275; sur l'emploi du perchlo-
rure de fer contre la purpura, Cavasse (p. 282) cite les observations
publiées par Argoing, Zane, Mazaé, Azéma, Lizé, Mignot, Souf-
flet, Sassicr, Bertet, Pons; — Huet, Ibidem, p. 282 (petite épi-
démie de P. à la prison des jeunes détenus : le perchlorure de fer
n'amenait pas une guérison plus sûre ou plus rapide que les toni-
ques en général; — Fernandez-Meunilla, quelques réflexions sur
une épidémie de P. observée à l'hôpital militaire de Lille, en 1860 :
An. Ann. p. Cavasse, IV, 282-83 (antiscorbutiques purs doivent
avoir le pas sur tous les autres agents; le perchlorure de fer n'a pas
une puissance d'action plus grande que celle des simples ferrugi-
neux); — Léo de Perry, quelques considérations sur le P. II. idio-
pathique (m. t. h. de W., m m. h. W.) Ibid., p. 283 (d après Buc-
quoy : seule, la P. H. idiopathique correspond à la maladie appelée
par Werlhof, morbus maculosus. La P. ne reconnaît pas seulement
pour cause l'affaiblissement produit par les privations, les chagrins
ou une mauvaise hygiène, on le rencontre au moins aussi fréquem-
ment chez les sujets jeunes, vigoureux et dans la plénitude de la
santé : c'est à tort qu'on admet dans la P. une altération constante
du sang, elle manque souvent, surtout au début de la maladie ;
quand elle existe , tantôt c'est la déhbrination , tantôt, au con-
traire, un état tout opposé, correspondant à la pléthore. Ce earac-
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DE LA PURPURA H^MORRHAGICA. 219
•
tore différencie la P. du scorbut, dans lequel l'altération consiste
dans letat de dissolution (1) : dans un certain nombre de cas, la
P. H., accompagnée de lièvre, a la plus grande analogie avec les
fièvres éruptives (Purpura exanthématique) : le traitement de la
P. H. repose sur deux indications principales, qui résultent de la
nature sthénique ou asthénique de la maladie); — Worms, obser-
vations de P. Ibid., 283 (trois obs. : un cas simulait dans son inva-
sion le rhumatisme articulaire aigu : l'hémorrhagie sous-cutanée
détermina la mortification des ecchymoses). — Japhet, du P. H. de
nature rhumatismale. Ibid., 283-84. ( « Un homme, au quatrième
jour de l'invasion d'un rhumatisme articulaire aigu, a présenté des
taches ecchymotiques qui ressemblaient à celles de la P., dont cet
homme ne présentait auparavant aucune trace »); — Dubourg, Mé-
moire sur la P. H. mentionné dans l'Art médical, février 1861,
XIII, 156; — Raige-Delorme, Ch. Daremberg, N. Dict. iexicogr.,
1851-1863, p. 1102; — F. Barrier, Traité pr. des mal. de l'en-
fance, 3*éd., Paris, Lyon, 1861, 8, p. 591-97;— Alfred-Marie Fou-
cart, P. H.; emploi du perchlorure de fer, non suivi de succès. Ann.
par A. Jamain et A. Wahu, 1861, XVI, 56 (deux cas, dont un ter-
mine par la mort) ; - A. Espanct, Mat. méd.. Par., 1861, p. 768
(rhustox.); — Robert- James Graves, Clin., II, 502-19.; — Bons
et rapides effets du perchlorure de fer dans le P. H. Bull, de thér.,
30 août 1863, LXV, 180-82; — C. baron de Bœnninghausen, Les
Aph. d'Hippocratc , accompagn. des glose9 d'un homœopathe,
trad. de l'allem., par Mouremans. Paris, J.-B. Baiilière et fils,
1864, 8, t. II, p. 27, 1. VI, aph. 20 (arnica, sulfuris acidum); —
(1) Un médecin célèbre (Lindj a saigné des malades dans les diverses
périodes du scorbut do mer, et le sang lui a toujours paru conserver sa
tendance à la coagulation, ot n'a pas donné plus de signes de putridité
que celui des personnes attaquées de pleurésie. Reid, Phth. pulm. Lyon,
1792, p. 7-2-73. — Pierre Frank cile deux cas d'épistaxis scorbutique :
deux saignées furent pratiquées chez chacun de ces deux malades, et
le sang présenta la couenne phlogistique, Mèd. pral., trad. par Gouda-
reau. III. 2S2-83, § 590. — Deyeux et Parmenlier, cités par Louis-René
Lecanu, Éludes chimiques sur le sang humain. Th. de doctorat, Paris,
1837, p. 38 ; Budd en 18'»U; Becquerel et Rodier en 1847. — Ritchie et
Buchanan, dans l Union mid.; 1847, n°« 127 et 14t. — P. Joussel (1, 149)
remarque que Becquerel et Rodier ont opéré sur des cas de scorbut à
la première période, tandis que M. Andral a analysé le sang de scorbu-
tiques très-avancés. L'altération du sang ne saurait être la cause du
scorbut, puisqu'elle n'apparaît que dans les dernières périodes.
220 THÉRAPEUTIQUE.
Armand Trousseau, Clin. mért. de l'Hôtel-Dieu de Paris, V éd.
1865, 1, 148-49, 6# lec. (Purpura dans la rougeole se présente sous
une forme bien différente du morbus hœmorrhagicus de Werlhof,
très-différente du P. aigu, tel que nous le connaissons : un cas de
rougeoie avec purpura) : HT, 36, leçon 66» (Purpura dans la dys-
pepsie); — Vepan; — E. Bouchut et Armand Després, Dicl. de
thér. m. etclûr., Paris, Germer-Baillière, 1867, gr. in-8, p. 1248;
— Henaidt ; — Baudon, P. H. guéri rapidement par le perclilorure
de fer., Bull, de thér., 29 février 1868, LXXIV, 174-76; — Tables
des Arch. gén. de méd. table IV (de 1838 à 1842), p. 36 : table V
(de 1843 à 1852), p. 82 : table VI (de 1853 à 1862), Paris, P. As-
selin, 1868, p. 63;— P. Jousset, Elém. de méd. pr., 1868, 1, 155-59
(Phosphorus, Belladona, Lachesis, Ferrum percbloricum, Thlaspi
bursa pastoris, Millefolium, Aconitum, Secale cornutum. Injec-
tions avec le perclilorure de fer, tamponnement avec de la ebarpie
imbibée de ce Liquide : ce sel doit être mêlé à l'eau dans la propor-
tion d'un dixième. — Les c altérations du sang varient avec la pé-
riode de la maladie. Dans les premiers temps, il y a augmentation
de fibrine; plus tard, la proportion d'eau augmente considérable-
ment, la fibrine diminue et finit même par disparaître complète-
ment (Hérard.) » ; — J.-B. Baillière et fils, Cat. gén. des Livres de
méd., juillet 1869, p. 66, 94. (G.-G. Bauer(1828), Brevet (1843;,
cités); — Charles Ravel, La Chélidoine (Chelidonium majus) ne
serait-elle point quelquefois indiquée dans la Purpura Hœmorrha-
gica, dans la forme grave de l'ictère essentiel et dans la fièvre
jaune? L'Art médical, t. XXXI, janvier 1870, p. 70-76 et à part,
Paris, typ. A. Parent, 1870, in-8«, 8 pages. Charles Ravel.
ERRATUM. — Page 156 du numéro de février : à la 4e avant-
dernière ligne du texte, lire visible au lieu de visible.
ETUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE.
— 7 e ARTICLE (1). —
Nous avons parlé dernièrement du transport des sub-
stances mises en action dans le courant fluidique et, par
(1) Voir l'Art médical de juin, juillet, août 4866, mars 1867, février
1869 et février 1870.
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ELECTRIQUE. 221
conséquent, des médicaments. Donnons-en de suite un
remarquable exemple en faisant l'histoire complète et
encore inédite de l'eau électrisée avec de l'or, qui sera
du reste à sa pince légitime; car nous aborderons
aussitôt après le traitement des maladies par l'électri-
cité statique animalisée, ou mieux vitalisée, d'autant
plus, que cette eau constituera, nous l'espérons, une des
principales ressources thérapeutiques, bue même en de-
hors de la machine de rotatien.
PRODUIT d'ÉLECTRISATION STATIQUE.
[Nouvel or potable.)
Quelque étrange que puisse paraître ce titre, le fait si
important de la cure de maux réputés incurables n'en
restera pas moins, revendiquant une vérité et s'étayant
d'un souvenir. Aussi ne craignons-nous pas d'annoncer
la découverte de cette sorte de polychreste, croyant que
le scepticisme railleur n'aurait que faire devant la ma-
jesté du vrai, d'où qu'il vienne, de l'art comme de la
nature. Qu'on nous pardonne donc de ne pas suivre les
lois connues de la science à l'endroit de la genèse de
notre médicament, qui rappelle une panacée du moyen
âge; à ce propos, il ne sera pas sans intérêt de rap-
peler ce qu'était la puissance formale d'après les anciens
philosophes, pour comprendre le premier être des corps,
et en induire l'or naissant.
Opinions des anciens sur la nature des corps (i). — « A
l'inverse des idées nettement exprimées dans les éléments
de pharmacie de Baumé, Paris, 1797; dans Y Encyclopédie
de Vorrepicrre, et dans tant d'autres traités plus ou moins
[1) Nous devons encore 5 l'obligeance de M. le Dr Blanc cette note
substantielle inédite.
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222 THERAPEUTIQUE.
modernes (1), tous les anciens philosophes sont d'avis
unanime que, pour extraire de l'or sa véritable teinture,
il faut d'abord ouvrir ce métal, puis le disoudre dans
un dissolvant de même nature que lui et nullement
corrosif. Pour mieux attester l'absence de corrosivité de
ce dissolvant, l'un d'eux va jusqu'à dire que l'artiste
peut, sans inconvénient, opérer cette dissolution dans le
creux de sa main. Or, une doclrine suivie et professée
sans exception par les chimistes philosophes de diver-
ses époques et dilférents pays, mérite le respect des
hommes sensés, et il paraît bien étrange que la plupart
de nos savants modernes se soient jetés dans la contro-
verse avec une si téméraire légèreté. Pour se ranger de
notre côté, il n'est besoin que de considérer le grand
nombre d'illustrations de plus d'un genre que l'on
compte parmi les adeptes ou ceux qui aspirent à l'être ;
il suffît de citer Albert le Grand, saint Thomas d'Aquin,
son disciple, Raymond Lulle, le plus profond logico-
méthodisle qu'on ait jamais vu, qui, après s'être arraché à
la cour du roi de Minorque, où il vivait dans le faste et
les plaisirs, devint missionnaire ardent et martyr; Van
Helmont, qui au détriment de l'éclat et des prérogatives
de sa noblesse, des richesses qui devaient lui échoir, et
môme de l'affection des siens, persista dans son amour
pour la haute chimie; Géber l'inventeur de l'algèbre;
Avicenne et Rhazès dont les noms sont liés à l'histoire
de la médecine; Duchenne de la Violette, médecin du roi
Henri IV; David de Planiscampy, chirurgien de
Louis XIII; le comte Bernard de Trêves, Jean d'Espa-
gnet, président du parlement de Bordeaux, etc. , etc., pour
convaincre lo lecteur que la vraie teinture d'or des phi-
losophes n'est point une fable. Car, comment supposer
(i) Nous laissons à M. le D' Blanc toule la responsabilité des opinions
qu il émet, et de toute doctrine ou hypothèse admise ici sans démons-
tration suffisante. (Note de la rèdact.)
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ÉTUDES DE THERAPIE ELECTRIQUE. 223
que de tels hommes se soient tous accordés à pour-
suivre une chimère issue de la crédulité et de l'igno-
rance?
« D'un autre côté les notices biographiques émanées
de contemporains dignes de foi, relatent, au sujet de
l'or potable, des cures aussi surprenantes que nom-
breuses, devant lesquelles pâlissent celles que le docteur
Chrestien obtenait de son or préparé selon les procédés
ordinaires de la chimie. Sans parler de tant d'autres
adeptes, ces notices affirment les guérisons opérées par
d'Espagnet dont elles élèvent le chiffre à trois mille,
nombre qui étonne quand on considère que ce président
du parlement n'avait pas toujours le loisir de s'occuper
des malades. Mais c'est assez d'exemples. Venons-en à
la matière et à la forme.
Matière et forme des corps. — « Le simple bon sens
oblige à admettre, en tout être organisé vivant, un dy-
namisme occulte, ne se manifestant sensiblement que
par la matière qu'il assujettit à son type, dynamisme
nommé pas beaucoup forme, puissance formate, arc/iée.
Cette puissance de forme n'est pas toujours, avec la ma-
tière servant à sa manifestation, en acte dans des pro-
portions identiques. Dans les germes, la première est
prépondérante ; mais, une fois que leur développement
nutritif les a transformées en espèces accomplies, la
puissance formale est saturée par la matière qui la ma-
nifeste. Parvenues à ce point, ces mômes espèces ne de-
meurent pas à l'état stationnaire, mais, obéissant à une
loi générale de la nature, subissent une modification in-
cessante, en vertu de laquelle la matière de l'agrégat
acquiert une plasticité progressive, cause d'inactivité,
en même temps que le dynamisme de sa forme, perdant
graduellement de sa puissance, finit par ne plus pou-
224 THÉRAPEUTIQUE.
voir lier et assujettir les parties matérielles qui lui ser-
vent de manifestation et de réceptacle. Alors ces parties,
dégagées des forces organiques, rentrent dans le do-
maine des affinités chimiques, se disséminent, et pour-
ront servir de récipients à de nouvelles puissances for-
males, ce qui a fait dire à François de Soucy sire de
Gerzan, médecin de Henri de Lorraine: «La génération
n'est pas autre chose que l'introduction d'une nouvelle
forme dans la matière. »
«Ainsi donc, dans l'ordre naturel, la puissance for-
male des substances organiques accomplies tend gra-
duellement à perdre son empire sur la matière qui lui
est asservie, mais l'art de la spagyrie peut imprimer une
inarche rétrograde et ramener en ces substances la pré-
dominance de la forme. A l'aide de cet art, on obtient la
desagrégation philosophique ou corruption (mot dérivé
de rumperc cum), exprimant la rupture du lien cohésif
qui unissait les molécules les unes avec les autres, la-
quelle corruption fait séparer la matière impure sous
forme de fèces, des parties pures et incorruptibles, en
lesquelles réside toute la puissance formale.
« Alors la substance ainsi ennoblie par l'art, est, selon
le langage des philosophes, réduite à son premier être,
ramenée à Y état potentiel, par opposition à celui de la
manifestation en acte, pendant lequel la forme était en-
chaînée et saturée par la matière. Quand la substance
ainsi élevée en perfection appartient à la médecine, elle
constitue le médicament spagyrique, forma pollens, non
materia, qui, en raison du départ de ses impuretés, s'est
affranchi de tout ce qui pouvait exister en lui de véné-
neux ou acre, et ne se compose que des parties essentiel-
les, balsamiques, au direde l'école ; qui, en outre, sous le
rapport de sa forme médicatrice, laisse bien loin der-
rière lui les produits pharmaceutiques.
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 025
<»Ce que nous venons d'exposer touchant les deux rè-
gnes organiques doit, selon l'enseignement unanime des
hermétiques, s'appliquer également au minéral, bien que,
dans un très-grand nombre d'espèces de ce règne, les
modifications graduelles se dérobent à l'investigation de
l'homme, soit par les corps opaques qui les recouvrent,
soit par la densité et la résistance de la matière qui les
compose, deux propriétés en vertu desquelles ces modi-
fications sont tellement lentes et insensibles que la
science fluidique transcendentale, ou autrement la phi-
losophie corpusculaire est seule capable de les appré-
cier et percevoir, pendant que la science officielle consi-
dère lesdites espèces comme jouissant en leur état de la
fixité absolue.
«L'or en germe. — Voulant éviter les longueurs, nous
laisserons de côté des détails particuliers, et, nous con-
formant à cet adage connu : ab uno disce omnes, nous
aborderons exclusivement notre sujet actuel qui est l'or.
Pour cela faire, invoquons de nouveau la doctrine des
alchimistes, qui tous enseignent qu'avant d'être métal
mûr, l'or existait à l'état de germe; que ce germe s'est
développé en absorbant et transmutant en sa propre
nature diverses substances minérales, et en même temps
a graduellement acquis une densité croissante jusqu'à
ce que, passant de l'état potentiel à celui de la manifesta-
tion en acte, il se convertît en un métal accompli, dans
lequel la puissance formale est saturée par la matière.
Ce métal accompli est nommé par les philosophes or
vulgaire, parce qu'il constitue celle des modifications ou
formes de l'or qui est généralement connue de tous ; or
fixe, parce qu'il ne peut plus végéter, et, à moins des cir-
constances accidentelles, ne présente jamais à l'homme
de modification sensible; et enfin, or mort, parce qu'il
TOMB XXXI.- MARS (870. i»
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226 THERAPEUTIQUE.
ne peut plus transmettre la vie auréeuse à des sub-
stances métalliques en dehors de lui. Néanmoins, dans
cette condition de maturité, l'or n'est pas irrévocable-
ment lié à son actualité; car, de même qu'il en est pour
les substances organiques, l'art de la spagyrie peut, au
moyen de la putréfaction philosophique, éliminer ses
parties impures, et par cela même le ramener en arrière,
c'est-à-dire à l'état potentiel. Ainsi rajeuni, il a perdu
toutes ses propriétés vénéneuses attachées à ses impuretés,
et ne contient plus que des parties balsamiques; alors il
est nommé or vivant parce qu'il peut étendre sa vie au-
réeuse à des substances métalliques étrangères; or végéta-
ble parce qu'il a le pouvoir de végéter et s'accroître en
se nourrissant d'autres métaux. Et c'est là le véritable or
potable qui par sa grande pureté a la vertu de purifier le
corps de l'homme, comme par ses qualités solaires et
maturatives, qu'il possède à plus haut degré que toutes
les autres substances connues, réveille sa chaleur vitale
et mûrit toutes ses crudités. »
Cet exposé suffit pour instruire le lecteur sur la na-
ture essentielle de Y or potable et préparer son esprit à
la connaissance du médicament auréeux que nous allons
lui proposer. Ce médicament nommé, par M. Beckenstei-
ner et par nous-môme, eau aurifère, consiste en miasmes
auréeux que l'électricité statique a séparés à la fois d'un
or fixe et d'un autre or réduit, par un dissolvant non
corrosif, à l'état de terre visqueuse noire, pour les com-
biner avec l'eau commune. Dans cette préparation l'ex-
trême subtilité de l'agent, la vivification de l'une des
deux substances qui le fournissent, et la nature du mens-
true exempt de toute corrosivité, sont autant de perfec-
tions qui méritent à bon droit pour cette eau le titre de
succédané de l'or potable.
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 227
Lot des anciois et la Kabbale. — L'or est connu depuis
les temps les plus reculés et dans tous les pays, puisque
les peuples sauvages môme le reconnaissent et le dis-
tinguent à son éclat. Il a servi à fabriquer les instruments
en métal, et les livres saints mentionnent le travail qu'on
apportait aux coupes, encensoirs et candélabres d'or.
Onsait que Moïse fit brûler le veau d or; que môme, au
rapport de Stahl, l'auteur de la théorie du phlogistique,
il avait le secret de l'or potable, puisqu'il fit boire de
l'eau de ces cendres, et délivra, par ce moyen, les Israé-
lites des fruits de leur conduite plus que désordonnée.
Pline (i) dit que ce métal se trouve à l'état parfait dans
la nature, tandis qu'il faut l'intervention du feu pour
parachever tous les autres. Enfin l'école cabalistique,
rêvant sans cesse de la transmutation en or des métaux
inférieurs, a rempli le monde de ses chercheurs, dont la
plupart n'ont pas peu contribué à discréditer leur doc-
trine par le manque de science ou par la jonglerie ; c'est
que la méthode du petit nombre d'initiés n'a jamais été
connue du public, cachée qu'elle était sous le voile des
métaphores plus ou moins ingénieuses, disons même
inextricables.
Gouttes fif or pharmaceutiques. — Toutefois, nous re-
trouvons à toutes les époques la transmission de cet
arcane de famille en famille, jusqu'à la fin du dernier
siècle. A cette époque on vendait encore à Paris les
gouttes dor de madame la générale de Lamotte; mais, à
en croire Baumé, la dissolution n'était point celle des
alchimistes, c'est-à-dire naturelle et non corrosive.
A l'époque où écrivaient Baumé et Vorrepierre, épo-
que de tourmente révolutionnaire, l'horizon de la pensée
ne pouvait rester calme et reprendre en silence des étu-
U) Histoire naturelle, XXXIII, 3.
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228 THÉRAPEUTIQUE.
des que l'avènement de la nouvelle chimie aurait pu
éclairer; mais tel est l'orgueil scientifique qu'une com-
plète indifférence attendait les travaux des alchimistes,
eux les vrais auteurs de la science nouvelle, et les prépa-
rations d'or qui, en particulier depuis Geber, avaientjoui
de la plus grande faveur, tombèrent dans l'oubli. Les
docteurs Chrestien, de Montpellier, etLegrand ont cher-
ché, dans un temps qui nous touche, à les remettre en
honneur, surtout pour combattre les affections syphiliti-
ques, suivant en cela le conseil que G. Fallope donnait
au xvie siècle. Ces médecins ont réussi, au moyen des
sels auriques. à modifier un grand nombre d'états dys-
crasiques, mais ces remèdes ont, on le sait, des propriétés
toxiques, et partant dangereuses, sans parler de leur
médiocre efficacité sous ces formes corrosives. Aussi
croyons-nous que la découverte de la préparation auri-
fère, objet de ce travail, sera précieuse pour l'art de gué-
rir, en rendant possible l'introduction de l'or dans l'or-
ganisme, soit directement par les courants et par l'étin-
celle électriques, soit dissous dans l'eau par les mêmes
agents sans la participation du malade.
M. Beckenteiner avait indiqué déjà sommairement
l'œuvre dans ses études sur F électricité, p. 315. Les pre-
miers essais datent du mois d'avril 1837. Il n'avait en-
core rencontré aucun cas spécial où le traitement élec-
trique dût être appliqué à l'intérieur, lorsqu'un des
grands négociants de notre ville, M. P'", le fit prier de
lui venir en aide, pour parer, s'il se pouvait, à la médi-
cation qu'il subissait d'après le conseil d'habiles chirur-
gieds du reste. Elle consistait en applications de sangsues,
environ tous les deux jours, à l'eflet de combattre l'in-
flammation des organes génito-urinaires, et de suppléer
à l'introduction des sondes dans l'urèthre. Ce canal
était tellement rétréci, qu'à peine pouvait-il admettre
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ÉTUDES DE THERAPIE ELECTRIQUE. 229
l'instrument le plus délié, et l'urine ne s'écoulait qu'avec
d'horribles souffrances, goutte à goutte; le ventre
était ballonné , dur au toucher ; l'haleine elle-même
avait une odeur urineuse caractéristique. L'avis de tous
était qu'un pareil état ne pouvait être longtemps com-
patible avec la vie. Cet intéressant malade fut électrisé
trois fois par jour, et but à chaque séance un verre à li-
queur d'eau électrisée avec de l'or. Peu de jours après
il urinait plus librement, et, au bout de trois mois, il était
guéri. Depuis cette époque, chaque fois que notre ami
jugeait utile d'employer l'action électrique à l'intérieur,
il donnait à boire de l'eau qu'il électrisait sur-le-champ.
Voici comme :
Electrisation de F eau par for. — Le malade, assis sur
l'isoloir, tenait à la main un verre dans lequel l'opéra-
teur versait de l'eau fraîche d'une certaine hauteur. La
machine étant en mouvement, l'eau s'électrisait, et si
l'expérience avait lieu dans l'obscurité, on voyait comme
de l'esprit de vin enflammé, tombant de la carafe dans le
verre. Pour les uns, ce liquide avait une saveur acide;
pour d'autres, une odeur sulfureuse ou phosphorique;
chez tous, le besoin d'uriner se faisait sentir peu après
l'ingestion, phénomène qui explique suffisamment le
rôle de l'eau électrisée dans les rétentions d'urine, même
avec obstacle matériel, comme dans le précédent exemple.
Une fois l'eau versée, au moyen d'une tige d'or terminée
par une petite sphère également en or, on faisait déton-
ner une série d'étincelles qui chargeaint d'autant la
liqueur, en y ajoutant le précieux métal, grâce au trans-
port, aujourd'hui indiscutable.
Emploi dun lingot alchimique, suivi d'un fait de transmu-
tation.—M. Beckensteiner employait donc ainsi l'eau plus
ou moins électrisée sur l'isoloir, depuis bien des années,
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230 THÉRAPEUTIQUE,
lorsqu'une circonstance imprévue vint le mettre sur la
voie d'une modification capitale : un de ses confidents,
à la suite de lectures attentives sur les œuvres des alchi-
mistes, lui fit part de sa pensée d'entreprendre l'opéra-
tion de Yceuf philosophique, dans l'espoir fondé, disahVil,
de trouver quelque moyen héroïque dans les maladies.
Ils consultèrent ensemble leur ami commun, M. l'abbé
L , très-versé dans la connaissance des ouvrages her-
métiques et spagyristes des xv% xvie et xvne siècles.
M. Magnin (tel était son nom) se mit donc au travail
sur ses conseils, et, depuis le 24 juin 1846 jusqu'au
24 juin 1847, il entretint, sans interruption, un feu de
lampe sous la mixture cabalistique, laquelle était ren-
fermée dans deux fioles dites de médecine, qui étaient
fixées intimément ensemble parle col. Au bout de l'année,
le patient chercheur avait obtenu une matière grisâtre,
semblable à de la boue desséchée. U prétendait que, pour
obtenir la poudre de projection, capable de transformer les
métaux inférieurs en or, il faudrait qu'il mêlât les sub-
stances que contenaient ces vases, avec d'autres sub-
stances, et qu'il fît encore la même opération pendant
deux années, suivie encore d'une troisième opération con-
tinuée durant trois ans. Mais sa patience était épuisée,
et, ne voulant pas achever ces manipulations, il pria
notre ami de lui faire fondre le contenu de ces fioles. M. le
Dr Lambert, alors professeur de chimie, fut chargé de la
mission et voulut bien faire la fonte lui-même ; il obtint un
petit lingot d'or à la surface supérieure duquel existait une
sorte de cristallisation imitant des feuilles de fougères
entrelacées. Ce phénomène n'avait jamais été observé
dans les fusions analogues. M. Puy, essayeur, auquel ce
lingot fut soumis, déclara que l'or était pur à 1000/1000
sans aucun mélange, et qu'il était certainement le pro-
duit d'un alchimiste. On ne fit alors aucune observation
<
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ELECTRIQUE. 231
à M. Puy sur l'or alchimique, et plus tard, quand on
voulut avoir des explications à ce sujet, M. Puy était
mort. Quant à M. Magnin, il était mécontent, croyant
avoir un plus gros lingot, et ne reparla plus de l'œuvre
jusqu en 1854. Obligé, à cette époque, de se retirer à la
campagne, il proposa à M. Beckensteiner de lui acheter
le résidu de ses expériences; c'est ainsi que ce dernier
devint propriétaire du lingot alchimique qui devait lui
être si utile un jour dans la confection de l'eau d'or.
Jusqu'alors, ainsi que nous l'avons vu, notre opéra-
teur électrisait l'eau, séance tenante, le malade étant
sur l'isoloir, mais il vit que cette action était fugitive, et,
pour qu'elle se continuât de manière à changer les modes
vicieux des fonctions troublées, surtout chroniquement,
il résolut de la faire boire au domicile des malades et
aussi fréquemment que besoin serait. A cet effet, il se
servit de flacons de verre, armés à l'extérieur d'une
feuille d etain, comme s'il se fût agi de la construction
d une bouteille de Leyde. et qu'il électrisa au moyen
d'une tige d'or introduite dans l'eau du flacon ; sur cette
lige se déchargeaient les étincelles. Peu après, il eut la
pensée bien naturelle de prendre une bonbonne ou bou-
teille de grande dimension, 30 litres environ, dans la-
quelle il introduirait, sous la forme des plus grandes
surfaces possibles, une plus grande quantité d'or (la
valeur de 1,000 francs environ).
En conséquence, il fit préparer des bandes d'or lami-
nées et des boules d'argent faites en deux parties, de
façon à pouvoir être dorées à l'intérieur comme à l'exté-
rieur, afin d'augmenter les surfaces, et il affecta une
partie du lingot alchimique à la dorure des boules d'ar-
gent. C'est alors qu'un fait curieux se produisit, qui dé-
montrerait à lui seul la valeur de ces préparations
alchimiques taxées de rêves de nos jours : un pauvre
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232 THÉRAPEUTIQUE.
doreur de son état, auquel notre ami avait démontré la
dorure et l'argenture électriques, et cédé un grenier
pour y faire son laboratoire, était chargé de dorer ces
boules d'argent, mais, comme pour la dorure au mer-
cure on peut donner plus d'épaisseur à la couche d'or
que par le galvanisme, il fut convenu de les dorer au
mercure et d'y déposer plusieurs couches d'or succes-
sives. Chaque boule d'argent fut pesée soigneusement et
numérotée pour qu'on pût retrouver facilement les deux
mêmes valves symétriques; il en fut de même de la
masse d'or à y déposer. Dans la dorure au mercure il se
manifeste toujours, on le sait, une perte sur l'or em-
ployé, et c'est pour évaluer cette perte, que toutes les
boules d'argent avaient été pesées avec soin, ainsi que l'or
à ce destiné. Mais, au contraire, ce fut un excès de poids
qui se manifesta, le double environ de l'or réservé à ch aque
boule. Pour que le poids total se fût ainsi accru, il fallait
donequ'une partie de l'argent des boules se fût changée
en or, ou que le mercure employé à la dorure ne se fût
pas entièrement évaporé. Les boules dorées furent de
suite chauffées au degré suffisant pour l'évaporation,
mais elles n'en conservèrent pas moins le même poids.
Bien qu'assez incrédule jusqu'alors sur les manipu-
lations alchimiques, notre ami ne put se refuser à croire
aux phénomènes qu'il avait sous les yeux. Il lui res-
tera le regret de n'avoir pas conservé la note des
pesées pour 'pourvoir rendre compte d'une manière
exacte de l'opération de dorure des boules d'argent
qu'il possède encore à l'heure présente.
Toutefois le fait n'en reste pas moins certain, quoique
moins rigoureux. Une circonstance récente vient de
fournir une nouvelle preuve de cette transmutation :
il y a quelques mois à peine une plaque d'argent dorée
ayant été introduite dans une de ces bonbonnes, en a
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 233
été retirée à peu près privée de son or, par l'effet du
transport électrique, tandis que les boules dont nous
venons de faire l'histoire sont aussi jaunes que le pre-
mier jour et elles servent constamment au même usage
depuis douze à quatorze ans.
Mode (félectrisation des. bonbonnes. — Chaque bon-
bonne contient une quinzaine de ces boules ; elle est
revêtue extérieurement d'une feuille d'étain jusqu'aux
trois quarts de sa hauteur, comme on le fait pour une
bouteille de Leyde, et fixée dans une corbeille d'osier.
Une chaîne fait communiquer l'armature extérieure
avec la machine électrique : le tout est placé sur l'iso-
loir. Dès la mise en action de l'appareil, des étincelles
éclatent entre la boule d'or d'un excitateur qu'on pré-
sente, ou mieux qu'on fixe à un support au-dessus de
l'eau, et les boules contenues dans le vase, se propa-
geant comme un feu de file à toutes les parties métal-
liques. Le jour on n'aperçoit qu'une étincelle entre la
boule de l'excitateur et celle du vase qui est la plus
rapprochée de lui, mais dans l'obscurité on voit l'eau
du vase toute lumineuse, et une série d'étincelles entre
les boules elles-mêmes. Trente à quarante tours de
roue suffisent à électriser l'eau de la bonbonne. A ce
moment les étincelles sont faibles, bientôt même elles
cesseraient, bien que l'on continuât la rotation du
disque de la machine. C'est qu'il faut arrêter l'électri-
sation pour éviter la rupture du vase pour surcharge
du fluide. Un accident de ce genre nous est arrivé : une
des boules qui avait reçu la décharge des autres, fut pro-
jetée avec une telle violence, qu'elle perfora la paroi
du verre et alla s'aplatir contre une plaque de chemi-
née. Sa force de projection fut telle que l'orifice de
sortie était rond et de la dimension exacte de ce pro-
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234 THÉRAPEUTIQUE.
jectile d'un nouveau genre. Il est facile d'obvier à cet
accident au moyen d'un électromètre qui indique par
son élévation le point auquel il faut s'arrêter. L'électri-
sation de l'eau doit être continuée de quart d'heure en
quart d'heure pendant plusieurs heures, et répotée plu-
sieurs jours, c'est-à-dire un mois durant, de deux à
trois heures par jour, pour atteindre la plus grande
efficacité possible.
Quand elle est ainsi chargée, on la soutire dans des
flacons de verre bouchés à l'émeri, autour desquels on
a collé une feuille d étain, comme à une bouteille de
Leyde. Enfin, avant de boucher, on électrise encore avec
l'excitateur d'or.
L ozone dam leau électrisèe. — Il s'exhale toujours
des flacons récemment préparés une odeur caractéristi-
que d'ozone, qui n'est autre que celle des pluies d'o-
rage, que chacun connaît. La formation de l'ozone
(oxygène électrisé) est ici toute naturelle. Or, il n'est
plus besoin aujourd'hui de faire connaître le rôle
immense que joue l'ozone dans tous les phénomènes
de la vie soit animale, soit végétale , à ce point qu'il
peut être nommé le dispensateur de la santé et de la
maladie. Deux exemples suffiront à établir cette asser-
tion, quelque hardie qu'elle paraisse : n'a-t-on pas
vu, dans les épidémies de choléra, les papiers ozono-
métriques exposés à l'air rester intacts, tandis qu'ils
décelaient de plus en plus la présence de l'ozone dans
la mesure du retrait du fléau? N'a-t-on pas reconnu,
d'autre part, que l'air des grandes villes comme Lyon
en contenait faiblement, quelquefois point, alors qu'il
abondait déjà dans la banlieue ?
Qui ne sait, en effet, que la vitalité est plus grande
à la campagne qu'à la ville?
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 235
(1 nous suffira de citer dans cette question capitale
d'hygiène publique les noms de savants tels que Van-
marum, Schœnbein, général Morin, MM. Houzeau,
Frémy, Wolf, Bérigny, Bœckel, E. de Beaumont, Bous-
singault, et les docteurs Leclère, de Pietra-Santa,
Becquerel , Scelles de Mondlésert, etc., qui tous con-
cluent à la nécessité d'ozoniser l'air des habitations et
des villes, lequel deviendrait alors un comburant éner-
gique, détruirait les causes morbigènes et préserverait
des épidémies.
Inaltérabilité de Peau électrisée. — L'eau électrisée
n'impressionne nullement le goût et peut même être
conservée indéfiniment, qualité suréminente, capable
de rivaliser avec les plus belles créations de l'hygiène
navale, qui ferait l'acquisition la plus précieuse, car
les marins auraient désormais une boisson saine,
agréable et incorruptible, propriétés encore introuvées,
en dépit de toutes les recherches de nos chimistes, pour
les voyages de long cours. Nous appelons, sur ce point
palpitant d'intérêt, l'attention des hygiénistes et même
des hommes d'État. Il suffit d'annoncer, pour prouver
1 inaltérabilité de ce produit, que des flacons vidés à
moitié depuis plusieurs années, ont encore tous les
caractères de l'eau de table ordinaire.
Lor à Tétat atomistique dans F eau électrisée. — Analysée
par plusieurs chimistes, il a toujours été impossible d'y
constater l'or par les réactifs ; mais exposée aux rayons
solaires, on voit apparaître, si le vase contenant offre
une vaste surface et peu de profondeur, au bout de
dix à quinze minutes environ, une couche d'un reflet
métallique rougeâtre et miroitant. Nous pouvons
avancer que l'eau retint de l'or à l'instar de celle qui
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236 THÉRAPEUTIQUE.
bouillie avec du mercure, prend les qualités vermifuge
et purgative, sans que le poids du mercure ait dimi-
nué, ni que l'analyse chimique ait pu dévoiler sa pré-
sence. En faisant évaporer au soleil le contenu d'une
dizaine de flacons, en plein air et successivement, on
voit, sur le vase qui a servi à l'évaporation, de petites
paillettes d'or bien caractérisées ; ces paillettes dispa-
raissent en même temps que les rayons lumineux et
reparaissent à la surface de l'assiette dès que ceux-ci
l'éclairent de nouveau ; on parvient même, en réunis-
sant ces quelques gouttes, résidu de l'évaporation de
chaque flacon dans un seul très-petit, de la contenance
d'une once, puis en évaporant à son tour ce résidu
qui est rougeàtre (couleur ordinaire de l'or en couche
mince), a obtenir une véritable dorure intérieure du
petit flacon, avec l'aspect caractéristique de l'or bruni
ou luisant, éclat qui tient sans doute à l'enveloppe du
verre ; quelques gouttes d'eau gommeuse mélangées à
la liqueur sont ici nécessaires pour que la couleur
dorée apparaisse.
Dr Frestier
(de Lyon).
— La suite au prochain numéro. —
Le Rédacteur en chef, Jules Davasse.
I iri> Imprimmo K. Iahint. rue Monsieur-le-Pnnce. 3t.
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L'ART MÉDICAL
AVRIL 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
ÉTUDE SURfNOS TRADITIONS.
— SUITE — •
IL Institutaires. — On donne le nom d'institutaires
aux médecins qui se sont plus particulièrement occupés
de coordonner les diverses parties de la science médi-
cale, par cela qu'eux-mêmes ont nommé leurs œuvres
des Institutes ou lmtitutfones medicœ.
Ces mots ne sont pas très-anciens, non plus que les
idées qu'ils représentent ; leur orig-ine est du xvi" siècle.
Hippocrate avait bien indiqué ses idées générales sur la
science dans plusieurs livres, mais il n'avait pas donné
la systématisation générale de la science comprenant les
diverses branches particulières et les définitions capitales.
Galienavaitcomprisl importancede cette systématisation,
et il semble qu'il ait voulu l'embrasser dans plusieurs de
ses livres, en particulier dans les suivants : Ars med'ca;
de Partibus arlis medicœ ; de Optima sec/a; Introduction seu
Medicus. Oribase fut le premier à réunir sous le nom de
Synopsis toute la science antérieure ordonnée selon ses
diverses parties ; et cela dans le même temps que l'em-
pereur Justinien faisait recueillir le Corpus jurisy auquel
on a donné le nom (ïlnslitutes; de sorte que si ce nom
apparut pour la première fois dans la science du droit,
TOME XXXI. — AVRIL 1870. 16
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238 HISTOIRE DR LA MEDECINE.
l'idée qu'il représente reçut peut-être sa première appli-
cation en médecine. A partir de ce moment, on eut des
Synopsis, des Pandec/es, des Canons, des Compendium; et
ainsi Aaron, médecin d'Alexandrie en 622, Sylvius
Pandectarius, plus tard, écrivirent des Pandectes. Les
Arabes, Avicennes, Mésué, écrivirent des Canons, qu'on
peut nommer en français la doctrine des règles géné-
rales; en 1248, Gilbert l'Anglais fit un Compendium to-
tius medicinœ. Mais ce ne fut qu'au xvie siècle que l'idée
fut vraiment mûrie et put éclore.
Léonard Fuschs paraît avoir été le premier à donner
les Instihitîones medicinœ ; son livre, petit, fort incom-
plet, très-rare aujourd'hui, parut en 1530. En 1544 et
1569 Fente/ donna le sien, beaucoup plus complet et
qui fait époque dans la science. Mercado en donna un
autre beaucoup plus vaste encore, plein de subtilités et
de divagations , plus comparable à une Encyclopédie
qu'à de véritables Institutes. Dans le même siècle on
eut encore ceux de Heum et de Castelli, et nous verrons
que la tradition s'en est perpétuée dans les siècles sui-
vants. Nous ne nous arrêterons ici que sur Fuschs et
Fernel.
Léonard Fuschs suit à peu près Galien, ou du moins
s'en inspire. Son ouvrage se divise en cinq livres dont
voici les titres : liv. 1, Medicina generatiua, et resnntura-
les; liv. 2, lies non naturales ; liv. 3, De rébus, prxtcrnatu-
ram; liv. 4, De signis medicis, de judiciis, de urinis, de
puhibus; liv. 5, De curandi ratione. Au chap. vu du liv. 1,
il s'explique nettement que la médecine est divisée en
cinq parties, et voici comme il l'entend de la manière
suivante : « Prima «fcycirAoytxT] dicitur, ut est, quœ uni-
aversam hominis qui medicœ artis subjectum et mate-
« ria est naturam et constitutionem indagat, ac perquirit,
«hoc est quœ de hominis elementis. humoribus, spiriti-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 239
abus, temperamentis, partibus, earumque facultatibus,
«et actionibus tractât: ad cam igùtur medicinœ partim
«speclanl Galeni libri de Elementis, de temperamentis,
• de facultatibus naturalibus, de fœtus formatione, de
«semine, de placitis Hippocratis et Platonis, de admi-
« nistratione anatomica, de usu partium liumani corpo-
«ris, et id g-enus alii. Hos idcirco naturales vocat, quod
«scilicet de bumani corporis natura tractent, et in iis
« causœ constitutionis partium totius animalis, et hu-
imani corporis assiquentur. Atque jam dici libri Galeni
«a medicinœ initialis dilig-enter cog^noscendi sunt, quod
«fieri nequeat, ut ea quœ a naturali constitutione re-
«cesserunt probi teneamus, nisi prius eaquœ secundum
«naturam se habent, et naturalia nominant, cog"nosca-
■ mus. — Altéra est uyteivv), quœ sanilatim tuetur et
• quo minus in morbus incidat, corpus prœcavit. Cœle-
«rum sanitatis custodia e quatuor rébus pcndet, admo-
• vendis, educendis, faciendis, et extrinsecus incidenti-
«bus. Admovendum autem nomine cibus, potus, et si
• quid medicamentorum intro sumitur, etiam sit attrac-
«tus, intellig"itur. Faciendorum vero, frictio, ambulatio,
• vectio, equitatio, et omnis alià corporis exercitatio. In
• hoc génère continentur somnus, vig-ilia, vinus, animi
■ aflectus. Foris incidunt, aer nobis circumdatus, un-
«guenta, lavacra. Educenda quœ in alvo, jecore, liene,
«venis et arteries, reliquisque corporis, partibus excre-
• menta collig'untur. Hanc partim in libris vere aureis,
«quibus de tuenda sanitale titulum indidit, et in iis
• quos de alimentorum facultatibus ac in eo quem de
«boni et mali succi cibis inscripsit Galenus, absolutis-
«sime tradidit. — Tertia AiTioXoywn, et alio nomine ilaOo-
Ojoya?} dicta est quœ causas, afiectus prœlernaturam,
«et symplomata inquirit ad hanc medicinœ partem per-
tlinent Galeni libri de morborum et symptomatum dif-
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240 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
«ferentiis inscripti. — Quarta i'r,as-.oTixYi, indicia tradit,
«quœ et intégrant et adversam valetudinem luculenter
« demonstrant. Adque adeo prœteritorum cognitionem,
«prœsentium inspectionçm , et futurorum prœdiclio-
«nem continent, rem certe omnium maximi, et ad aflec-
«tuum dignotionem necessariam, et ad curandi ratio-
« nem valde utilem. Ad eam medicinœ parlim spectant
« Hippocratis libri omnes, quibus titulum fecit de praesa-
«giis. Item Galeni libri de laborantibus locis, dejudiciis,
a de diebus decretoriis, de difTerentiis febrium, de prœ-
«notione, de difTerentiis pulsuum, et de prœdictione ex
«pulsibus. — Quinta espareuTuwj, est quœ legitimorum
a praesidium admonitione morborum propulsât, sanita-
«temquerestituit, et in summa medendi rationem docet.
« Hanc partim omnium calculo, doctissime et plenissime
«Galenus 14 libris de Medendi methodo, et duob. Ad
«. G/'iucon. Item in quinto maxime de simpl. facult. trac-
• tavit. — Ad bas itaque quinque partes, ea quibus me-
«dicina constituitur, et nequaquam ad medicinœ fi nem
«respicienles nonnulli, medicinam partim tbeoreticem,
«partim practicem faciunt. Num eam partem quœ uni-
ci versam corporis humani naturam et constitutionem
«inquirit : itemque eam quœ alïectus prœternaturam
«indagat, et eam eliamque sanitatem tuetur, et eam
« quœ morbos propulsât, quod in actione consistent, prac*
« ticas. Verum quum certis ipsœ ex fine, ut dictum est
«judicandœ et distingoiendœ sint, hœc ratio ab eruditis
«omnino, tanquam inutilis, et a velerum sententia eva-
« rians, contemnenda et repudienda erit. » (Edition de
1554, p. 33 et suivantes.)
J. Fernel, qui se disait d'Amiens, était né à Clermont,
en Beauvoisis, en 1497, selon Plantius, qui avait toute
sa confiance; d'autres disent à Montdidier, en 1486 ou
1506. Il vint finir ses études scolaires à Paris, y sui vit
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 241
les cours de la Faculté de médecine, y devint l'un
des plus célèbres médecins de ce siècle, et y mourut en
1558. Son corps fut déposé dans l'église Saint-Jacques—
la-Boucherie, dont il ne reste aujourd'hui qu'une tour.
Il a laissé bien des écrits sur les fièvres, sur les médi-
caments, sur les comiUoru'm medicinalium, sur la patho-
logie. Son ouvrage capital parut en 1544 sous le titre
de Médicinal et plus tard sous celui de Universa medicina,
comprenant alors, outre le principal ouvragée, des ad-
jonctions sur des maladies particulières. Dans la Préface,
l'auteur écrit que la médecine est divisée en cinq parties,
comme l'avait indiqué Galien : « Prima omnium prima
«existet *uaioX</ru«j, quœ hominis intègre sani naturam,
«omnes illius vires functiones que perquiret. — Altéra
«HxfoV>Yo«j, morbos et afîectus indagans qui prœterna-
o turam homini possunt impendere, et quœ illos causse
«efficiunt, quœ signa demonstrant. — Tertia npopaxTuv)
«explicans, quibus medici futura prœsentiunt, et quis
« morborum decursus, qui existus fit futurus. — Quarta
«TyuwcTj, quœ formans corporis constitutionem bona vi-
«vendi légende conservât, et imminentia maie arcet;
«simul œgrotis propriam et accommodatam virtus ra-
«tionem deceruit. Omnia postremo pars 0e:«i«uTucYj
«œgram corporis afTectionem salutariam usu et admo-
• nitione propulsai, sanitatemque restituit; quœ ut
«summa totius medici nœ artem via et ratione condit,
«varia que prœsidia suggerit, quibus tum loti corporis,
«tum acique laboranti particular, opportum succur-
rit. »
Cependant, l'ouvrage ne contient, en réalité, que trois
parties : la Physiologie, qui comprend sept livres, sur la
description et l'usage des parties, les éléments, les tem-
péraments, les esprits et la chaleur innée, les facultés,
les fonctions et les humeurs, la génération ; la Patholo-
242 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
gie, qui comprend trois livres, sur les maladies et leurs
causes, les symptômes et les signes, le pouls et les uri-
nes; la Thérapeutique comprend sept livres, sur la
guérison, la saignée, la purgation, les actions et les
genres de médicaments, de l'usage des médicaments,
des médicaments externes, et des médicaments com-
posés.
11 est bien clair que Fernel, tout en acceptant la tra-
dition de Galien, la voulait réformer et visait à faire
rentrer dans la pathologie l'étude des causes et celle
des signes. Mais ce ne fut que plus tard, avec Gau-
bius et Astruc, que la séméiolique prit décidément sa
place dans la pathologie, bien qu'elle ait été l'objet de
quelques travaux dans le xvie siècle. Nous reviendrons
plus loin sur la pathologie de Fernel.
III. Réformateurs. — Les médecins étaient au cou-
rant des deux principales tendances qui se partageaient
les écoles philosophiques du temps, les nouveaux plato-
niciens et les nouveaux péripatéticiens. Ils virent, ce
qui était vrai, les deux courants de l'esprit humain re-
présentés par les deux grands philosophes de l'anti-
quité, l'un idéaliste, mais réaliste, l'autre expérimental
et observateur, mais nominaliste; et aussi se parta-
geaient-ils ainsi eux-mêmes en deux groupes : l'un de
rêveurs et spéculateurs idéalistes, l'autre d'observateurs
et expérimentateurs qui firent les découvertes dont nous
parlerons plus loin. Mais les observateurs laissaient
bien loin les doctrines philosophiques d'où ils sortaient,
abandonnant la discussion aux philosophes, et se ren-
fermant dans l'étude des faits. Il est donc assez remar-
quable que la théorie réaliste qui fît le mouvement pré-
tendu réformateur, n'eut qu'une apparence de triomphe,
et que ce fut la doctrine, en apparence battue, qui
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ÉTUDE 8UK N08 TRADITIONS. «18
triompha définitivement. L'étude du xviu* siècle nous
montrera cette étonnante solution.
Nous ne voulons d'abord nous occuper que de ceux
qui accueillirent les nouveaux rêves platoniciens.
Cette école néoplatonicienne, dont nous avons parlé
au commencement de ce chapitre, apportée de Constan-
tinople par Gémiste, Pomponace, Pomponius, Lee tu s,
Marcile Ficin, trouvait un terrain tout préparé en Occi-
dent pour la recevoir : ce terrain qu'avait cultivé l'ara-
bisme pendant les xiii% xive et xve siècles, et dont nous
avons parlé dans le chapitre précédent. Il y avait dans le
néoplatonisme et l'arabisme les mêmes rêves idéalistes,
la même doctrine sur le réalisme morbide, les mêmes
conceptions astrologiques , la même opposition au oa-
tholioisme e*t au péripatétisme. Et de fait, ce n étaient
en réalité que deux courants émanés du même foyer,
I ancienne école d'Alexandrie ; et qui, après leur passage
l'un chez les Grecs, l'autre chez les Arabes, venaient se
retrouver en Occident et unir leurs puissances. C'est à
ce double courant que doivent être rattachés tous nos
réformateurs du xvic siècle.
Quelques noms résument les voies différentes dans
lesquelles ces réformateurs s'engagèrent.
Jean Argentier, de Castel-Nuovo, en Piémont, paraît
le premier à soulever une révolte ouverte contre Galien.
II faut cependant remarquer qu'il est tout différent des
autres réformateurs dont nous allons parler, car il est
plutôt dans la doctrine des scolastiques. En le mettant,
comme tous les historiens l'ont fait, à la tête des réfor-
mateurs, on n'a pas été parfaitement exact sur son
compte; on a vu surtout la violente opposition qu'il
faisait avec juste raison au g>alénisme, comme ayant
altéré la tradition hippocratique ; on n'a pas assez ac-
centué l'esprit scolastique dont il était animé. En réalité,
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244 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
il est nominaliste, et non réaliste comme les autres ré-
formateurs. Aucune des idées du médecin de Pergame
ne reste à l'abri de ses critiques : il lui reproche le grand
nombre d'esprits qu'il avait admis pour expliquer l'ac-
tion des diverses facultés; il dit que ces esprits sont des
êtres purement imaginaires, et qu'il suffît d'une seule
force pour expliquer la vie ; il s'élève contre la confu-
sion de la maladie et de la cause prochaine; il soutient
que les maladies ne viennent pas des qualités élémen-
taires, que ce sont des manières d'être désharmoniques
de l'économie, des ametria fondées sur la complication
des parties du corps. Les galénistes et humoristes l'at-
taquaient. Il fut soutenu par Laurent Joubert et Rondelet,
de Montpellier, Jérôme Capivacci, professeur à Padoue,
Dudith de Honkowicz, Hongrois, et beaucoup d'autres.
Cornélius Agrippa, de Netlesheim, suivit une autre
voie : il tenta définitivement l'alliance de la kabale et de
la médecine. Il précédait Paracelse et voulait pour son
art ce que Renchelin et Pic de la Mirandole faisaient
pour leur philosophie. Suivant lui, il y a trois mondes :
le monde intellectuel, ou monde des idées, des esprits,
des démons ; le monde céleste, ou le moncle des astres ;
le monde élémentaire, ou le monde des corps terrestres.
Ces trois mondes se correspondent réciproquement, de
sorte que ce qui se passe dans l'un influence ce qui se
fait dans les deux autres. Ce sont des particules éma-
nées des corps terrestres qui font en outre communi-
quer les corps terrestres ensemble. Du reste, les formes
substantielles sont les fondements des qualités occultes ;
les formes terrestres correspondent aux formes spiri-
tuelles et aux formes célestes ; et leurs formes exem-
plaires, ou idées premières, sont dans X Archétype. Les
humeurs, les particules matérielles, certains mots et
certaines paroles, certains nombres établissent la cor-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 245
• respondance entre les trois mondes ; et c'est le mage
qui a la clef de ces correspondances. Nous sommes,
comme on le voit, en pleine kabale, en pleine magie;
aussi Agrippa se vantait de faire de l'or. — Cette doc-
trine fut tour à tour combattue et soutenue avec achar-
nement. Wger combattit vigoureusement la kabale et
la croyance aux démons, à la sorcellerie. Guillaume-
Adolphe Scribonius écrivit contre Wyer, et soutint l'exis-
tence des démons et de leur influence. Jean-liaptistc
Porta tenta d'expliquer tout le surnaturel par les sym-
pathies et les antipathies du corps dépendant de la grande
âme du monde; c'est l'âme du monde de Platon, dont
il fait une force spirituelle qui anime toute la création.
Porta est le précurseur du mesmérisme.
C'est alors que de tous côtés pullulèrent à l'infini des
livres sur la démonologie, la nécromancie, l'astrologie,
la chiromancie. Parmi tous les auteurs nous citerons
Bartolomé Bocca, ou Codés, auteur célèbre sur la chiro-
mancie ; Jean dEndagine et André Comi, qui écrivirent
aussi sur la chiromancie. Jacques Horst écrivit sur une
prétendue dent miraculeuse, d'or, qu'il disait être pous-
sée sur un enfant de dix ans, en Silésie; il fit des pro-
phéties d'après cette dent. Valentin Truliger, astrologue,
mit en vogue l'usage des calendriers. Michel Nostrada-
mus, né en Provence, docteur de Montpellier, allia l'as-
trologie à la médecine. Il en fut de même de A . Mizaud,
de Montluçon, de J. Carvin, de Montauban, de Bartisch,
qui écrivit sur les maladies des yeux, de Settala, qui
écrivit sur les taches de naissance.
Fracastor, qui commença de paraître au xv* siècle,
comme je l'ai signalé, appartient cependant bien plus
au xvi°. Il était né en 1483, à Vérone, et revint mou-
rir aux environs de sa ville natale en 1553. Son livre
de Contagioiiiôus, qui a eu une si grande influence, ne
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246 HI8T0IRE DE LA MEDECINE.
parut qu'en 1526; son poëme sur la Syphilis est de 1530.
L'Alchimie se développait concurremment avec la ka-
bale; elle cherchait à faire de l'or en transmutant les
métaux ; elle décomposait les corps et en reformait de
nouveaux; et s'il y avait en elle de folles idées, au moins
il en existait de sérieuses, et la chimie moderne était en
germe dans ces opérations extraordinaires. Basile Va-
lentin% que quelques-uns ont cru un bénédictin alle-
mand, paraît avoir été le premier auteur alchimiste de
ces temps; mais les uns le font vivre au xiva siècle,
d'autres le placent au xvi8. Après lui on cite Quirinus
Apollinaris, médecin à la cour de Bayreuth; Isaac Ilol-
landus, qui perfectionna l'art de l'émailleur, Nicolas Ba-
ruaud, dans le Dauphiné, transmutateur célèbre; Ewald
ou Theobald, de Hogheland ; Jean-Aurelius Augurelti, de
Ri mini ; Michel Sendivogius, de Pologne.
L'alliance de la kabale et de l'alchimie en médecine fut
surtout établie par Paracelse. Il ne s'agissait plus d'être
médeoin et alchimiste, ou médecin et théosophe, méde-
cin et magicien, etc. : il fallait être tout cela à la fois ; il
fallait, dans une seule synthèse, réunir toutes ces scien •
ces. Ce fut l'œuvre que tentèrent Paracelse et ses sec-
tateurs.
Paracelse^ dont le nom était Philippe-Auréole-Théo-
phraste Bnmbast de Hohenheim, naquit en 1493, à Ein-
silden, près de Zurioh, en Suisse, selon les uns, ou a
Gaiss, dans le canton d'Appenzell , selon Haller. Son
père était médecin et fort attaché a l'alchimie. Le fils
s'attacha d'abord à cette science, eut successivement
plusieurs maîtres, et commença une suite de voyages
qu'il ne termina qu'avec sa vie. Pendant quelque temps
il fut professeur à Bàle, en 1526, mais il se fit chasser
pour ses débauches. On rapporte qu'il ne montait jamais
en chaire sans être ivre. Il paraît qu'après avoir étudié
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 247
l'alchimie, il voulut étudier la médecine dans Galien ;
mais il trouva cette manière d'apprendre trop lente, et,
son imagination aidant, il se forgea un système. Il
commença par faire brûler publiquement Galien et Avi-
cennes, attaquant les anciens avec vigueur, ne respec-
tant guère qu'Hippocrate, et se faisant bonneur de
mépriser la science, que d'ailleurs il ignorait. Une seule
méthode lui suffisait : c'était une sorte d'intuition théo-
sophique, au moyen de laquelle, disait-il, l'homme doit
se mettre en rapport intime avec Dieu et les choses
créées. Dans l'intuition se trouve une lumière mystique
qui enseigne toutes choses à l'esprit, et lui donne la force
de chasser les démons; par elle il communique avec Dieu,
de qui l'on tire toutes choses, car l'homme n'invente
rien. Adam contenait toutes les sciences en contenant
les germes de toutes les créatures ; et c'est en retrou-
vant en soi l'homme adamique que l'on retrouve la
science.
Ce procédé intuitif de Paracelse fut un principe fon-
damental à la philosophie gnostique de l'école d'Alexan-
drie, dont les théosophes du xvi° siècle n'étaient au
fond que les disciples. « Selon Paracelse, un homme
qui, en renonçant à toute sensualité et en obéissant
aveuglément a la volonté de Dieu, est parvenu à pren-
dre part à l'action qu'envient les intelligences célestes,
possède par cela seul la pierre philosophale. » (Spren-
gel, ///$/. de la méd., t. III, p. 303.) Cette belle indication
ne fut jamais qu'un mot pour les gnostiques et les
théosophes. Aussi, il ne faut pas prendre les expressions
de Paracelse à la lettre. Pour lui, comme pour son école,
comme pour l'école gnostique, renoncer à toute sen-
sualité et obéir aveuglément à la volonté de Dieu, ce
n'est pas autre chose que de tomber dans l'extase, et
c'est ce que Cardan, l'un de ces célèbres, nous apprend,
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248 (^HISTOIRE DE LA MEDECINE.
lorsqu'il « prétend qu'il pouvait à volonté tomber dans
une extase pendant laquelle il voyait et entendait tout
ce qu'il lui plaisait, et découvrait même l'avenir, car
les signes des événements futurs se peignaient sur les
ongles de ses doigts. »(Sprengel, ibid., p. 276.) « Aussi,
le mépris pour toutes les connaissances acquises à force
de travail et d'application, et l'orgueil de croire tenir la
sagesse immédiatement de Dieu , sont deux qualités
communes à Paracelse et aux autres fanatiques, tant
anciens que nouveaux. Dans tous les temps, la véritable
théosophie (de ces gens) consistait à se réunir intime-
ment à Dieu , le père éternel de tous les bons esprits ;
réunion qui opère par la contemplation intérieure des
perfections de l'être suprême, et l'abnégation non-seu-
lement de toutes les sensations, mais encore de toutes
les facultés de l'àme. Quel besoin a donc le théosophe
de s'adonner à des études pénibles, puisque sans elles,
et en tenant son âme dans un état entièrement passif,
la Divinité elle-même, dont il est une émanation, lui
fait part de ses lumières et de sa sagesse? D'ailleurs,
comme il acquiert de cette manière un empire unique
sur les démons, ceux-ci lui procurent tout ce qu'il peut
désirer. Le tbéosopbe qui s'est rendu digne de partici-
per ainsi à la lumière divine, n'a pas plus besoin d'a-
dopter une religion positive, ni de s'assujettir à des cé-
rémonies religieuses. La lumière intérieure et les
théopbanies auxquelles la Divinité l'assimile remplacent
tous ces usages vulgaires et les surpassent même de
beaucoup. » (Ibid., p. 298.) Ce procédé gnostique, trans-
mis de l'école d'Alexandrie à la kabale, de la kabale à
la théosopbie, fut par elle transmis aux anabaptistes, et
de ceux-ci aux illuminés.
L'homme, disait Paracelse, est un microcosme, ou petit
monde, qui correspond à l'ensemble de l'univers, ou ma-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 249
croeosme, g*rand monde ; et toutes les parties de l'orga-
nisme sont contenues spirituellement dans le macrocosme.
Il y a dans chaque corps deux essences, l'une spirituelle,
l'autre matérielle : la spirituelle peut aussi être appelée
sydérique, parce qu'elle a son idée, ou paradigme, dans les
intelligences célestes qui habitent les astres ; la matérielle
contient les signes ou figures du corps spirituel, et tout
l'art du théosophe consiste à retrouver la signification
de ces signes. Pour retrouver les essences spirituelles des
corps matériels, il faut que l'homme renonce à toute
sensualité, obéisse aveuglément à la volonté de Dieu,
et plonge son intelligence dans la communication avec
les intelligences célestes : par là il possède la véritable
pierre philosophale. Galien, en se basant sur les quatre
qualités, s'est trompé du tout au tout, car les qualités
ne sont rien, il n'y a qua les essences qui soient quelque
chose, des choses réelles. Dans les corps, il y a trois
principes essentiels élémentaires, le sel, le soufre» et le
mercure; ils peuvent acquérir des qualités différentes
sous l'influence de la chaleur, du froid, du sec ou de
1 humidité; ils sont sous la dépendance du corps sydé-
rique, qui est une force particulière, sorte de force vi-
tale, Yarchêe, dont le siège est principalement dans l'es-
tomac, mais qui est aussi par tout le corps. Les maladies
ne sont ni des altérations des qualités premières, ni des
lésions organiques, comme le disait Galien ; ce sont des
essences ou entités réelles qui nous pénètrent, et qui
viennent de cinq causes principales : 1° ens astrorum,
ou entités astrales qui impriment sur le corps les modi-
fications que déterminent les astres ; 2° ens veneni, qui
sont les poisons et substances alimentaires ; 3° ens natu-
rale, entités naturelles soumises aux entités astrales ;
4° ens spirituale, les esprits, les démons; 5° ens deale,
effets immédiats de Dieu sur nous. La thérapeutique
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250 HISTOIRE DE LA «MEDECINE.
doit trouver des remèdes propres à chaque entité mor-
bide, et pour cela il faut encore suivre la méthode théo-
sophique ; les plantes ayant, comme toutes choses, leur
paradigme astral, les formes qu'elles présentent sont des
figures ou signes de ce paradigme ; et ainsi leur ana-
tomie, ou étude analytique et synthétique des signes,
fait connaître leurs correspondantes ; c'est-à-dire que la
figure de la plante indique l'idée astrale qui correspond
à sa forme ou essence ; c'est la théorie des signatures.
Enfin, comme c'est cette essence qui agit, et non la
qualité du corps, il faut distiller, alambiquer, faire des
extraits, des teintures, pour arriver à saisir cette essence
active.
Ce système demanderait à être examiné fort au long,
car, à vrai dire, d'une part il contient toute la médecine
moderne, et d'un autre côté ce n'est qu'un extrait d'i-
dées qui avaient précédé. Nous sommes obligés d'être
brefs. La distinction de la matière et de sa forme n'est
que la théorie d'Aristote rajeunie par Albert le Grand et
saint Thomas. L'idée que les qualités des corps ne sont
rien, et que leur substance est tout, est encore une idée
toute scolastique. L'autre idée de faire des maladies des
essences et non des altérations de qualités se retrouve
dans beaucoup d'auteurs de ce siècle; mais Paracelse
donne une sorte de realité solide à l'essence morbide, et
par là il s'éloigne de la doctrine scolastique, pour laquelle
le mal n'a pas de réalité subsistante. Il se rapprochait
donc de la doctrine de Fracastor, qui avait pour ainsi
dire fait de la maladie un être mal représenté par le
contage ; et il acceptait la doctrine des espèces morbides
telle qu'elle s'était posée au xv« siècle. Enfin, d'accord
avec cette pathologie, il installa la thérapeutique de
la spécificité, déjà si bien lancée par Torrigiani au
xiv- siècle.
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ÉTUDE SUR N08 TRADITIONS. 251
Paracelse , résumant de grandes idées, a fait faire
un pas à la médecine, en vulgarisant la doctrine des
espèces morbides; mais comme homme, il est flétris-
sable à plus d'un titre. L'histoire lui reproche d'avoir
été un cynique charlatan, coureur de carrefours, et
vendeur de remèdes; de s'être fait passer pour avoir
trouvé la pierre philosophale ; enfin, de s'être livré à
une débauche crapuleuse. Il mourut âgé de 48 ans.
Cardan naquit en 1501, à Milan. Il raconte cynique-
ment la débauche à laquelle il dut sa naissance. D'abord
professeur de mathématiques, ensuite médecin, il pra-
tiqua à Paris, à Bologne, puis à Berne, où il mourut
à l'âge de 75 ans. Esprit brillant et pénétrant, trôs-
érudit, mais d'une exaltation extrême, comme l'a dit
Boerhaave, très-sage quand il est sage et très-fou quand
il s'égare; sapientior nemo, ubi sapit, dementior nullus,
ubi errai. Sa méthode philosophique était l'extase dans
laquelle il tombait à volonté, et par laquelle il se met-
tait, disait-il, en relation avec tous les êtres et avec
toutes choses. Il veut que tout vienne de la terre et de
l'eau sous l'influence de la chaleur céleste. Il n'y a que
deux qualités, la chaleur, qui est la cause formelle, et
l'humidité, qui est la cause matérielle. Tous les corps
organisés sont animés. Tout naît de la putréfaction.
Tout est régi par les nombres qui mettent en rapport les
choses terrestres et les constellations. Il n'y a pas pro-
prement de principe général qu'on puisse appeler na-
ture. Galien s'est trompé du tout au tout, surtout en
thérapeutique, où le principe contraria contrariis curan-
tur est absolument faux, et où le principe de similitude
est plus vrai. Du reste, Cardan est perpétuellement en
contradiction avec lui-même, affirmant et niant tour à
tour les mêmes choses. Il s'était mêlé à l'astrologie, à la
magie et à toutes les extravagances de son temps. Il
252 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
avait de lui-même la plus haute opinion : prétendant
qu'il ne naît un grand médecin que tous les mille ans,
et qu'il était le septième à citer. Travailleur sans repos,
érudit comme pas un de son temps, très-versé dans les
mathématiques et dans la physique, où il a excellé, Car-
dan n'est, en somme, pour la médecine, qu'une sorte de
doublure de Paracelse. S'il a poussé l'usage de la médi-
tation jusqu'à la folie, il faut cependant reconnaître qu'il
a montré combien grande pouvait être l'utilité de ce
procédé intellectuel, trop négligé de nos jours.
Parmi les autres médecins qui appartiennent à cette
école de Paracelse et Cardan, on cite les suivants : 77/ ur-
neyner, de Bàle, alchimiste de grande réputation, qui
passa pour avoir fait de l'or, pour le compte du roi d'An-
gleterre et le margrave de Brandebourg; il se rendit
célèbre par des guérisons heureuses en Hongrie, fit une
fortune immense et périt misérablement. Adam Iioden-
stein expliqua les termes obscurs de Paracelse. Pierre
Sêverin est le plus célèbre des paracelsistes; il a publié
un exposé de la doctrine de son maître. Ce fut lui qui
précisa l'idée réaliste des essences morbides qu'il ap-
pelait des semences, semina morborum, unissant ainsi la
doctrine de Paracelse à celle de Fracastor, et posant les
maladies comme des analogues des espèces végétales et
animales.
D'autres médecins s'efforcèrent d'unir la doctrine de
Paracelse à celle de Galien ; mais cette tendance n'eut
de grands représentants que dans le siècle suivant.
Si nous nous rendons bien compte des pensées qui
emportaient les réformateurs dont nous venons de par-
ler, nous remarquerons que leurs tendances vraies
étaient réalistes, comme nous l'avons signalé, c'est-à-
dire qu'ils voulaient donner aux abstractions médicales
une réalisation concrète, une existence substantielle.
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 253
Ainsi, la maladie n'était plus pour eux comme pour les
scolastiques de la grande époque, et d'ailleurs, selon
la tradition médicale antérieure, un simple état de la
personne malade : ils devenaient spécificiens réalistes
dans le sens où Fracastor avait posé la question : la
maladie avait pour eux une existence propre et réelle,
matérielle, pour ainsi dire, représentée par un contage,
une vapeur éthérée morbide, une cinquième essence de
la nature, une semence vraie, ou une sorte d'esprit
astral.
Léonard Furchs, dont nous avons parlé parmi les In-
sfîiutaires, .disait que la maladie est une substance ; et,
dans le siècle suivant, Plempius le lui reprochera amè-
rement.
Toutes leurs idées étaient tournées vers cette cin-
quième essence qu'ils imaginaient devoir entrer dans
tous les corps. Les anciens, disaient-ils, avaient admis
quatre essences: l'eau, la terre, le feu et l'esprit; il
doit en exister une cinquième qui est entre l'esprit et
les trois autres matérielles. Ils supposaient cette cin-
quième essence dans tous les corps et tous les êtres;
ils lui attribuaient d'être un principe de vie entre
l'àme et le corps ; ils lui attribuaient d'être un moyen
de relation des corps entre eux et des êtres terrestres
avec les êtres planétaires; ils lui attribuaient de consti-
tuer des principes morbides; ils lui attribuaient enfin
d'être le principe d'action des médicaments et de pouvoir
être abstrait des corps : d'où ce nom iïabstrac/eurs de
quintessence donné aux alchimistes, aux théosophes, aux
paracelsistes, et que le rire mordant de Rabelais finit
par tourner en dérision.
11 est impossible de rien comprendre à tout ce mou-
vement médical et scientifique du xvi* siècle, si on ne
se pénètre pas de ces idées issues du mouvement philo-
TOMB XXXI. — AVBIL 1870. 17
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251 HISTOIRE DR LA MEDECINE.
sophique néoplatonicien et kabalisle auquel le réalisme
scolastique prépara la voie.
§ II. — Physioloyie, anatomie.
Jusque dans le milieu du xvi" siècle, la physiologie et
l'anatomie étaient ce que Galien les avait faites, c'est-à-
dire à l'état d'indication, non de constitution. On étu-
diait dans le médecin de Pergame les traités sur les
facultés, sur l aine, sur les facultés naturelles, le de itsu
parlium et le de ndminislrxtionibus anatomicis. On y joi-
gnait l'étude du de anima tel qu'on le trouvait dans
Aristote, dans les thomistes et dans les scottistes. On se
tirait du tout comme on pouvait.
Les institutaires, et en particulier Fernel, dont l'in-
fluence fui si considérable, rendirent cet immense ser-
vice de constituer la science, de lui donner un corps,
d'en marquer les divisions et de lui instiller les doc-
trines du temps. G est donc dans Fernel qu'il faut aller
chercher ce qu'on entendait alors dans l'opinion cou-
rante sur la physiologie.
Il donne le nom de physiologie à la science des choses
naturelles, et la définit ainsi dans sa Préface : « Om-
« nium prima est «puGtoXoyavj, quae homines intègre sani
« naturem omnes illius vires functiones que perse-
a quitur. »
Il la divise en cinq livres, c'est-à-dire cinq parties :
i° m r/uo partes cor ports necessaris describvntur ; 2° de ele-
mentis; 3° de temperamentis ; 4° de spiritibus et calido t>i-
nato; 5° de facultatibus ; 6° de finie tionibus et humoribus;
7° de hominis procreatione atquc de semble.
La science est ainsi suffisamment ordonnée et se pré-
sente sous une certaine grandeur. Ce n'est que du Ga^
lien, il faut en convenir, mais du Galien mis en ordre,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 855
éclairé et supérieurement vulgarisé. Le maître, en s'y
retrouvant, eût été satisfait de son disciple. L'anatomie
est là, non distincte sans doute, mais elle a sa place
dans le premier livre qui traite des parties; car elle n'est
vraiment elle-même qu'une division delà physiologie;
et après elle, plus loin, vient régulièrement l'étude des
puissances et des fonctions.
Mais, pendant que Fernel et les institutaires consti-
tuaient ainsi l'œuvre galénique, les idées qu'ils met-
taient en ordre étaient singulièrement ébranlées. La
doctrine des éléments était vigoureusement attaquée et
manifestement en décadence; à sa place, la doctrine
aristotélique et scolastique de la substance était carré-
ment posée, et partout on admettait qu'un corps ou un
être quelconque est formé d'un principe matériel et d'un
principe actif, ou evr£>sxia, ou forme, substantiellement
unis; ainsi, l'homme est composé d'une âme spirituelle
substantiellement unie à un corps matériel. Fernel ne
se dissimule pas cette conversion des idées, et il tente
de l'arranger tant bien que mal avec la théorie des
quatre éléments. Il l'accepte d'ailleurs carrément, et,
dans le curieux traité De rerum abditis causis, il se montre
un scholastique achevé.
D'un autre côté, les alchimistes commencent à dé-
montrer que la terre n'est pas un élément; qu'elle est
un composé de plusieurs substances particulières. Bien-
tôt, on analysera l'eau, puis l'air, et la théorie des quatre
éléments succombera. 11 faudra deux siècles encore, il
est vrai; mais déjà l'édifice est ébranlé par l'analyse de
la terre, et les principes chimiques, considérés comme des
substances, mettent déjà la théorie en déroute.
D'un autre côté encore, on admet une prétendue cin-
quième essence, que même on prétend abstraite, et dont
Galien n'avait jamais parlé. On en fait dans l'homme
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256 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
un principe d'existence, principe vital. Qu'est-ce? Kernel
est embarrassé. Il se décide à voir dans ce principe vital
une sorte de tiers parti entre l'àme et le corps, dont il
attribue l'idée à Alexandre d'Aphrodise. Il dit : « Hanc
« corporis atque animi communionem confirmans Alexan-
«der Aphrodiseus, spiritum quem proponimus, ait, per
aquem idoneam vinculum illis interpositis, qui adversas
« naturas interjectu suo conciliet alque contineat. Is
«cnim extreino utique similaris et accommodatus, cum
«non sit prorsus sine corpore, crasso quidem corpori
« inseri potest : cum vero tenuior splendidiorque sit, po-
• test cum anima connecti. Sicque utriusque quodam-
a modo particeps, naturam corporis injustum cum na-
• tura corporea copulat, immortalemcummortali,puram
«cum impura, divinam cum ievrena.» (Physioloy., lib. ix,
cap. 2.)
D'un autre côté, beaucoup de réformateurs admet-
taient deux principes dans l'homme : une âme plus ou
inoins matérialisée subvenant aux fonctions du corps,
et un principe d'intelligence dont les uns faisaient une
àme véritable, pendant qu'à l'exemple de Paracelse,
ils nommaient la première Yarchéc, ou commandante, de
àpxr,. C'était un ressouvenir de la doctrine des Albigeois.
D'autres, divisés en averrhoïtes et alexandristes, s'en-
tendaient bien pour reconnaître que le principe spirituel
ne devait être qu'une émanation de la Divinité, un rayon
de l'intelligence divine; mais les premiers faisaient de
l'àme un vrai principe matériel, tandis que les seconds
n'en faisaient qu'une pure forme. Enfin, beaucoup de
médecins attachés à la scolastique, dont la Sorbonne de
Paris représenta les principes jusque dans le xvme siè-
cle, adoptaient la doctrine des philosophes du xme siècle,
les uns l'entendant à la façon de saint Thomas, en sou-
tenant que l'individuation est purement matérielle, les
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 257
autres disant, avec Scott et saint Bonaventure, que cha-
que individualité a un principe d'hœccéi/é, principe
simple et tout spirituel, selon les bonaventuristes, ou
double, spirituel et matériel, selon les purs scot-
tistes (i).
Enfin Galien avait admis trois sortes de facultés prin-
cipales : naturelles, animales, et vitales ; ces dernières
lui avaient été suggérées par les stoïciens. Mais, au
XVIe siècle, il faut tenir compte des cinq facultés de l'àme
admises par Aristote, réduites à trois par les scolasti-
ques. Fernel pense aussi tenir compte des facultés mo-
rales admises par quelques philosophes du temps, et
tente vainement de concilier ces divergences en se ran-
geant cependant à l'avis de Galien. Il est vrai que cela
sera peut-être mal d'accord avec l'étude des fonctions
organiques. Mais qu'y faire? Nous verrons, dans le
siècle suivant, comment la division galénique triompha
jusqu'à nos jours.
Par d'autres points, cette constitution était bien fra-
gile. Plusieurs médecins scolastiques, comme Joubert,
attaquèrent la réalité de ces prétendues puissances ou
facultés admises autrefois : nominalistes déterminés, ils
traitaient toutes ces conceptions de principes purement
nominaux, sans existence réelle ; ou bien ils disaient,
avec les scottistes, que l'àme n'a pas besoin de puis-
sances adjointes, qu'elle agit par elle-même. Et pendant
ce temps, d'autres savants, laissant toutes ces questions
doctrinales, s'attachaient, par l'observation et l'expé-
rience, d'abord à contrôler Galien, puis à le boule-
verser.
(1) Pour que les Ames ne soient pas confondues dans l'autre inonde,
il faut, disait-on, qu'elles aient un principe propre d'individuation.
Pendant que la divinité et l'àme du Sauveur allaient dans les limbes,
qu'est-ce qui soutenait l'intégrité du corps sur la croix et au tombeau,
si ce n'est un principe d'individuation purement corporel, disaient les
scottistes.
258 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
s
Nous avons vu que l'anatomie avait commencé de
renaftre dès le xve siècle ; dans le xvie, deux amphithéâ-
tres de recherches cadavériques sont établis, l'un en
1552, à Venise, l'autre en 1556, à Montpellier; et les
découvertes se multipliaient sous les mains de Gonthier
d'Andernach, Fallope, Michel Servet, J. Bauhin, Vésale,
Carpi, Césalpin, Arantius, Coïter, lnyrissias, Fabrice d%A -
quapendente, Colombo, Eustachi.
L'anatomie galénique était véritablement renversée,
ou mieux, remplacée par une science distincte qui ten-
dait à se séparer de la physiologie.
Pour donner une idée des découvertes an atomiques,
citons seulement les principales par ordre de date :
1532. Charles Etienne découvre les veines du foie, et,
la même année, Nicolas Massa découvre les vaisseaux
lymphatiques des reins.
1534, Jacques Dubois et André Vésale trouvent les val-
vules des veines.
1546, Ingrassias étudie l'oreille et décrit l'étrier.
1547, Cornarius trouve les valvules de la veine azy-
gos.
1548, Arantius décrit le muscle relevaur de la pau-
pière supérieure.
1552, Eustachi s'illustre en faisant paraître ses célè-
bres tables anatomiques.
1553, Michel Servet indique la petite circulation ; c'est
le même qui devait mourir sous la haine de Calvin.
Eustachi signale le canal thoracique du cheval.
1571, Césalpin étudie le cœur et les poumons, les ar-
tères et les veines, et entrevoit la grande circulation.
1572, Fabrice d Aquapendente signale les valvules des
veines et pense aussi à la circulation; il n'y avait plus
qu'un pas à faire pour que la grande découverte soit
mise à jour.
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étude sur nos traditions. 2r>9
1579, Bauhin décrit la valvule du caecum.
1593, J. Cassèrius s'illustre par ses travaux sur l'o-
reille, où il confirme ce qu'avait déjà vu Ingrassias.
Le mouvement donné par ces découvertes fut consi-
dérable; avec les découvertes physiques et mathémati-
ques dont nous avons parlé au commencement de ce
chapitre, il détourna les esprits des questions soulevées
par la métaphysique pour emporter la majorité des sa-
vants vers l'observation et l'expérience. Aussi, à partir
de ce moment, la physiologie et l'anatomie eurent
comme tendances principales de se concentrer dans
l'observation des parties, le scalpel à la main, et dans l'é-
tude des fonctions org-aniques presque exclusivement. La
science de la nature de l'homme y perdit la considération
générale de la vie, et les grandes études philosophiques
qui avaient été considérées jusqu'alors comme le fonde-
ment de la médecine. Il y eut des retours, sans doute,
des tentatives de réaction parfois heureuses, mais sans
fixité. Lobseryation et l'expérience devaient faire faire
de grands progrès dans le détail de la science ; nous au-
rons à le constater; mais leur exaltation aux dépens de
la raison et de la métaphysique a jeté la science dans
une voie qui, pour avoir été fructueuse, n'en est pas
moins déplorable. Il eut été sage de s'enrichir sans rien
perdre, de profiter de l'observation et de l'expérience
pour consolider la raison et la métaphysique de la
science; mais le savant n'est pas toujours sag*e, tant
s'en faut.
F. Frédault.
— La suite an prochain numéro. —
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260
MÉDECINE GÉNÉRALE.
MÉDECINE GÉNÉRALE
ÉTUDE CRITIQUE SUR VIRGHOW ET LA PATHOLOGIE
CELLULAIRE.
— SIXIÈME ARTICLE. —
En approchant du terme de nos études sur Virchow
et la pathologie cellulaire, il nous semble nécessaire de
rappeler au lecteur le but que nous nous sommes pro-
posé en entreprenant ce travail dont le commencement
se perd, grâce à notre mode de publication, dans un
passé déjà vieux de cinq à six mois.
Nous avons voulu dans cette étude faire connaître
l'école micrographique allemande et il nous a semblé
convenable, pour arriver à ce but, de prendre le plus
distingué d'entre les maîtres de Vorg-anicisme moderne,
de le dépouiller de l'atmosphère nuageux que lui com-
pose un néologisme barbare, et de montrer que sous
cette auréole il n'y a ni un Dieu, ni même un héros,
comme le veulent ses partisans; mais un anatomo-patho-
log-iste d'une certaine valeur. Je crois avoir solidement
établi que Virchow n'est qu'un rêveur et un fantaisiste
en fait de doctrine et que, par conséquent, on ne saurait
sous aucun rapport en faire un chef d'école.
DE LA PYOHÉMIE.
Nous ne voulons pas traiter incidemment la question
si vaste et si importante de la diathèse purulente; seule-
ment nous trouvons dans Virchow des faits et des témoi-
gnages qui viennent confirmer les conclusions que notre
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 29
cher maître J.-P. Tessier exposait déjà en 1838 dans le
journal l Expérience. La théorie de la résorption puru-
lente et celle de la phlébite dont sa grande intelligence
médicale avait démontré toutes les faussetés, et qui ne
s'étaient jamais relevées de sa critique, sont complète-
ment mises à néant par les travaux de Virchow. Nous
nous empressons de recueillir cette démonstration qui,
après plus de trente ans de lutte, vient consacrer les
travaux de notre école sur la question la plus impor-
tante de la pathologie.
Les théories que J.-P. Tessier a combattues avaient
toutes pour caractère commun d'expliquer la diathèse
purulente par la présence du pus dans le sang. Les par-
tisans de la phlébite expliquaient le passage du pus dans
le sang par l'intermédiaire d'une phlébite suppurée,
tandis que les tenants de la résorption purulente ensei-
gnaient que le pus passait directement du foyer sup-
purant dans les vaisseaux. Or, Virchow démontre que
le pus en nature n'existe jamais dans le sang, que la
pyohémie est un rêve.
Virchow commence par nier que le microscope puisse
constater la présence du pus dans le sang, parce que les
globules blancs du sang ressemblent absolument aux
globules du pus. Il ajoute que dans la grossesse et dans
tous les états où les ganglions lymphatiques sont irrités
les globules blancs du sang sont extrêmement nom-
breux et constituent une leucocythose qui a souvent été
prise pour une pyohémie.
« Que doit-on comprendre par pyohémie ? En général
on a pensé que cette afîection était due à la présence du
pus dans le sang. Or, le pus est caractérisé par des élé-
ments morphologiques (des cellules). Il s'agissait donc
. de démontrer la présence de ces éléments dans le sang.
Mais, comme je vous l'ai fait voir, les globules blancs du
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262 MÉDECINE GÉNÉRALE.
sang ressemblent complètement, même chez les gens qui jouis-
sent de la meilleure santc, aux corpuscules du pus; un des
côtés importants de la question nous échappera donc
naturellement.» (Page 156.)
«Toute irritation notable des ganglions lymphatiques
a pour conséquence l'augmentation des globules blancs
du sang, c'est-à-dire qu elle produira une leucocy-
those. Ceux qui croient possible la résorption du pus,
ceux qui attribuent à ce liquide les lésions observées
alors, peuvent aisément trouver dans le sang des cel-
lules ressemblant aux globules purulents; ces cellules
sont quelquefois en si grand nombre qu'on peut voir à
l'œil nu, sur le cadavre, des points ressemblant à du
pus, constitués par l'amas de ces leucocylhes; ou bien on
les retrouve encore formant ces couches épaisses, unies
ou granuleuses à la partie inférieure de la couenne de la
saignée. La démonstration semble aussi convaincante
que possible. On part de l'idée que le pus peut pénétrer
dans le sang; on examine le sang, on y trouve des élé-
ments ressemblant réellement à des corpuscules de pus,
et ces éléments sont en quantité considérable. Ceux-là
môme dont l'opinion est que les corpuscules purulents
ressemblent aux globules blancs (et cela est arrivé sou-
vent dans l'histoire de la pyohémie), sont tentés de se
laisser séduire par l'idée que ce sont des globules pu-
rulents..... » (Page 165.)
On nepeutdoncpas démontrer la présence du pus dans
le sang par un examen direct, et tous les faits que les
partisans de la résorption purulente ont invoqués
comme des cas de pyohémie étaient des cas de leucocy-
those.
Virchow prenant la question à un autre point de vue
démontre que le pus nest jamais résorbé comme pus
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. ?G3
(page 457) ; qu'il ne peut passer dans le sang1 ni par les
vaisseaux lymphatiques ni par les veines, à moins quun
abcès ne s'ouvre dans une veine.
Le pus ne peut pénétrer dans le sang* par les vaisseaux
lymphatiques attendu que les vaisseaux rencontrent sur
leur parcours des ganglions qui constituent une barrière
infranchissable pour toutes les cellules, pour tous les
éléments figurés. Le héruni du pus seul peut franchir
les ganglions lymphatiques, mais les cellules du pus sont
retenues. Le pus, comme pus, ne peut donc passer dans
le sang à travers les vaisseaux lymphatiques.
« L'important est de savoir si le lymphatique rempli
de pus peut se jeter dans la circulation sanguine et y
provoquer la pyohémie. En règle générale, il faut nier
la possibilité d'un semblable phénomène, et la raison en
est bien simple: tous les lymphatiques susceptibles d'une
semblable absorption sont situésa la périphérie du corps;
et, s'ils proviennent des parties externes ou des organes
internes, ils n'arrivent dans les vaisseaux sanguins qu'a-
près un long parcours. Tous sont interrompus par des
ganglions lymphatiques : vous connaissez la structure
de ces derniers, vous savez qu'ils ne sont pas formés par
un enroulement de lymphatiques. Je vous ai expliqué
leur structure, et après s'être divisés vous les avez vus
arriver à des points entièrement obstrués par des éléments
celluleux : vous voyez bien qu'un corpuscule de pus ne
saurait traverser les ganglions. » (Page 161.)
Le pus ne peut donc être résorbé par les lymphatiques.
Peut'il être résorbé par les veines? Voici l'opinion de
Virchow.
« 11 est, à vrai dire, un cas particulier, dans lequel le
pus, sans être précisément résorbé, subit une intravasation ;
c'est celui où le pus peut pénétrer dans un vaisseau lésé
ou perforé et parcourir ce vaisseau. Un abcès peut se
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264 MÉDECINE GÉNÉRALE.
former auprès d'une veine, en déchirer la paroi et le
pus se vider dans le vaisseau Il s'agit de savoir si ce
cas est fréquent. Pour les veines, cette possibilité est bien
réduite depuis les trente dernières années; on est de plus
en plus revenu des idées qu'on avait jadis sur la résorp-
tion du pus en substance par les veines. » (Page 46i .)
Remarquons qu'il s'agit ici d'un cas particulier sur lequel
nous nous expliquerons dans un instant, mais qu'il est
i
impossible de fonder une théorie générale sur un cas
particulier.
« Dans les cas très-rares, du reste, où le pus pénètre
dans les veines, il est certain que les éléments du pus se
mêlent au sang ; mais ce mélange n'arrive ordinaire-
ment qu'une seule fois; l'abcès se vide, et s'il est volu-
mineux, il se formera plutôt une extravasation sanguine
qu'une pyohèmie durable. On pourra réussir alors à ren-
contrer une seule fois dans le sang des corpuscules du
pus avec leurs éléments spéciaux ; mais jusquà présent,
il nest donné à personne de démontrer, par des preuves ayant
la moindre valeur , r existence d'une piohèmie morpholo-
gique.» (P. 170.)
En résumé et pour dernière conclusion, disons avec
Virchow : Il n'est donné à personne de démontrer, par
des preuves ayant quelque valeur, la présence du pus
dans le sang.
Quant à la pénétration dans le sang du pus d'un ab-
cès qui s'ouvrirait dans une veine, nous faisons sur ces
faits, très-rares d'après Virchow, nos réserves formelles.
Nous croyons effectivement que dans ce cas, s'il se pré-
sente jamais, on observera bien plutôt une hémorrliagie
qu'une diathèse purulente ; mais ce qui rend ce fait
presque impossible à se produire, c'est le mode de pro-
pagation des abcès et le mécanisme de leur ouverture.
En effet, c'est à l'aide de l'inflammation que les abcès se
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 265
propagent, et c'est par ulcération et non pas par rupture
qu'ils ont coutume de s'ouvrir; or, toutes les fois que
l'inflammation atteint une veine, elle a pour résultat
habituel la formation d une thrombose et la disparition
de la cavité de la veine, d'où l'impossibilité presque ab-
solue de la pénétration du pus dans les vaisseaux par
ce mécanisme.
Dira-t-on que le sérum du pus est un liquide nuisible
et que c'est lui qui, facilement absorbé, va empoisonner le
sang: et produire les symptômes de pyohémie ! Triste
refuge d'une théorie aux abois. Le sérum du pus est
un liquide fort innocent ; il est absorbé continuellement
dans les abcès et sans cesse renouvelé ; dans le travail
régressif du pus appelé caséi/ication, il est entièrement
résorbé, et cela sans aucun dommage pour l'économie.
Il faut donc admettre avec J. -P. Tessier, que la résorption
du pus est impossible et par les veines et par les vais-
seaux lymphatiques ; et il faut chercher ailleurs l'expli-
cation de la diathèse purulente.
Cette confirmation par l'école contemporaine des opi -
nionsémisesen 1838 par un jeune interne de l'Hôtel-Dieu
de Paris, le retour des esprits,à trente ans de distance, aux
vérités enseignées par J.-P. Tessier a quelque chose de
triste et de consolant à la fois. L'école de Paris a possédé
pendant vingtans un homme doué d'une intelligence mé-
dicale d'élite, etparcequecet homme a heurté de frontles
préjugés régnants, parce qu'il a écrasé les médiocrités
vaniteuses qui repoussaient sa doctrine, il a été jeté aux
gémonies; puis lui mort, cette même école s'empresse
d'accepter, retour d'Allemagne, un certain nombre de
vérités que J.-P. Tessier a enseignées, et de porter au
Gapitole un Prussien qui ne s'élève au-dessus des au-
tres micrographes que par les lambeaux de doctrines
qu'il a empruntées à notre maître.
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166 MÉDECINE GENERALE.
Virchow, nous l'avons déjà dit, ne peut atteindre à la
notion de maladie, et comme pour le cancer, nous le
voyons chercher pour la diathèse purulente une expli-
cation dans je ne sais quel suc miasmatique dont l'exis-
tence même est tout à fait problématique, mais il faut
de temps à autre à ce solidiste enragé quelques théo-
ries humoristes.
« Cette sorte de métastase (la métastase du sel cal-
caire sur l'estomac et le poumon dans la rachitisme),
dans laquelle diverses substances se mêlent à la masse
du sang*, non point sous leur forme palpable ^ mais sous
forme de solution, a une certaine importance pour l'étude
de ces états complexes, qu'on désigne sous le nom de
pyohèmie. Cette explication me semble seule possible pour
expliquer certains actes pathologiques diffus n'affectant
pas la forme ordinaire, circonscrite des métastases.»
(P. 488.)
Voyons les exemples de ces actes pathologiques non
circonscrits.
« C'est dans cette classe qu'on doit ranger la pleu-
résie métastatique qui se développe sans abcès apparents
dans les poumons; la lésion rhumatismale articulaire,
dans laquelle les jointures ne présentent aucun foyer pu-
rulent, l'inflammation gangréneuse diffuse du tissu cel-
lulaire sous-cutuné, qu'on ne saurait expliquer si on
n'admettait pas une infection de nature chimique. »
Est-ce assez pitoyable ! En quoi une pleurésie n'est-elle
pas une lésion circonscrite, et qu'est-ce que c'est quedes
abcès apparents du poumon , il y a donc des abcès non appa-
rents? pourquoi appeler rhumatismale les arthrites qui
surviennent dans la diathèse purulente puisqu'il n'y a
point là de rhumatisme, et où Virchow a-t-il vu que ces
arthrites ne suppuraient point, quand ce sont peut-être
les seules qui subissent cette terminaison.
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VIRCHÔW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 2<>7
Mais revenons à Y infection de nature chimique et conti-
nuons notre citation : « Ici comme dans l'infection va-
riolique, comme dans l'infection cadavérique, suite de
plaie anatomique, nous avons affaire au transport, dans
l'organisme, de suc altéré ichoreux ; admettez donc une
dyscrasie (une infection ichorcuse), lorsque la substance
ichoreuse ayant pénétré dans l'organisme, manifeste
son action dans les organes qui semblent avoir une pré-
dilection spéciale pour de semblables substances. »
(P. 188.)
Il faudrait pourtant savoir ce que l'on dit quand on
a l'honneur d'être un maître, quand on alacharge d'en-
seigner. Virchow est-il pour une infection chimique ou
pour une infection ichoreuse? C'est ce que nous ne sau-
rons jamais probablement. Mais ce liquide ichoreux,
d où vient-il? qui l a vu? c'est du pus putréfié. Non, car
Virchow dit positivement en parlant de la cause des
abcès métastatiques : « 11 faudrait tenir compte d'une
condition , c'est la présence de certains liquides qui
il ont aucun rapport direct ou nécessaire avec le pus lui-
même, qui diffèrent entre eux par leur composition et
leur origine. » (p. 184).
Qu'est-ce donc que ce liquide ichoreux? une hypothèse
et rien qu'une hypothèse. Mais quand on est microgra-
phe, Allemand et positiviste, on a des privilèges.
Virchow explique les abcès métastatiques par sa fa-
meuse théorie de Y embolie. L'extrémité des caillots intra-
veineux, sans cesse battue par le courant sanguin, laisse
échapper des parcelles de fibrine qui, se séparant dans
le poumon, le foie et les autres organes, deviennent la
source d'infarctus et d'abcès multiples.
Nous ne nous arrêterons pas longtemps à cette hy-
pothèse ; elle est fausse pour trois raisons :
1° Il va des abcès métastatiques sans phlébite, par
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268 MÉDECINE PRATIQUE.
conséquent sans caillots migrateurs; 2° il va des obser-
vations de plaie de tête, dans lesquelles des abcès métas-
tatiques se développent dans Je foie après avoir épargné
Je poumon, ce qui serait inexplicable si ces abcès du
foie étaient produits par des embolies venues des par-
ties supérieures du corps ; 3° dans la diathèse purulente
on observe fréquemment des arthrites suppures, des
collections purulentes des plèvres qui ne peuvent nulle-
ment s'expliquer par des embolies.
Nous le verrons, du reste, dans le prochain paragra-
phe ; Virchow a une grande tendance à expliquer les
maladies par les embolies; il nous rappelle Cruveilhier,
qui voulait expliquer toute la pathologie par des
phlébites capillaires, et nous ne voyons vraiment pas
pourquoi Virchow se permet d'appeler l'anatomiste
français mystique, à cause de sa théorie de la phlébite
universelle, lui qui verse si complètement dans la théo-
rie au moins aussi mystique de l'embolie universelle.
P. Joussbt.
— La suite au prochain numéro. —
MÉDECINE PRATIQUE
RECHERCHES SUR LA TYMPANITE ET SON TRAITEMENT.
— SUITE (I) —
Traitement. — Le traitement de la tympanite pré-
sente deux indications principales que le médecin ne
doit pas perdre de vue : i' évacuer les gaz accumulés
dans le tube digestif, 2° empêcher le retour des acci-
dents de tympanite.
M) Voy. Art médical. Décembre 1869 et février 1870.
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 269
La première indication correspond au traitement de
t accès , et la seconde au traitement de la maladie elle-
même.
I. Traitement de t accès. — Le médecin appelé près d'un
malade en proie à une tympan i te grave, doit se préoc-
cuper ayant tout de savoir si la tympanite est sympto-
matique ou idiopalhique.
Dans le premier cas, il doit autant que possible s'a-
dresser à la cause première de la maladie. On ne peut,
en effet, avoir la prétention de guérir par les mômes
moyens les diverses variétés de tympanites, dépendant
soit d une névrose, soit d'une cachexie, soit enfin d'une
obstruction intestinale.
C'est donc seulement aux cas de tympanite idiopa-
lhique que s'adressent d'une manière véritablement ef-
ficace les divers modes de traitement que nous allons
passer en revue.
Le traitement devra varier avec le siège de la maladie.
Dans les tympanites de t estomac, par exemple, on voit
parfois le gonflement céder à quelques gouttes d'éther,
d'eaux de fleur d'oranger, de mélisse ou de menthe.
Dans les cas plus graves, il faudra avoir recours aux
médicaments de la tympanite, dont nous parlerons plus
loin. Dans quelques circonstances, la tympanite ne cé-
dera qu'à l'introduction d une sonde œsophagienne jus-
que dans l'estomac.
Dans les tympanites du côlon, on a vu souvent le g'on-
flement disparaître après l'administration d'un lave-
ment purgatif, parfois aussi il a fallu avoir recours à
l'introduction d'une sonde dans le rectum ; on a même
été obligé, pour soutirer les gaz de l'intestin, d'adapter
à l'extrémité de la sonde une seringue dont on se ser-
vait comme d'une pompe aspirante.
TOME XXXI. — AVRIL 1870. 18
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270 MÉDECINE PRATIQUE.
C'est surtout dans la tympanite du colon qu'on peut
dire que les moyens de traitement varient autant que
les causes. Il arrive fréquemment que cette forme
de tympanite est due à une constipation habituelle et
opiniâtre, à un obstacle mécanique agissant sur l'intes-
tin de dedans en dehors ou de dehors en dedans ; alors,
c'est la constipation qu'il faut combattre, c'est cet obsta-
cle qu'il faut enlever par les moyens indiqués.
J'emprunte à la thèse du Dr Josat (p. 36) un exemple
frappant qui prouvera l'utilité de l'exploration directe
dans les cas de tympanite du côlon : « Une vieille femme
de 83 ans vint me consulter l'an dernier, pendant un
séjour que j'ai fait en Champagne, près de Dormans.
Elle accusait surtout une constipation que rien ne pou-
vait faire cesser; il n'y avait pas moins de trois semaines
écoulées depuis sa dernière garde-robe. Cette constipa-
tion produisait un gonflement énorme du ventre dans
le trajet du colon. Je me suis assuré que ce gonflement
était dù à une forte quantité de gaz. La plupart des
fonctions sensitives et nutritives étaient dérangées chez
cette pauvre malade. La marche était devenue fort dif-
ficile, la respiration gênée et la vue fort troublée. J'eus
recours, sans succès, aux purgatifs les plus énergiques.
Je me décidai alors à explorer l'anus. J'éprouvai bien-
tôt une résistance d'une nature inconnue : ce n'étaient
point les fèces que je touchais, mais un corps mollasse
et douloureux, derrière lequel semblaient s'être accu-
mulées les matières stercorales. Je me perdais en con-
jectures, quand la malade vint à mon secoure, en m'a-
vouant qu'après ses dernières couches, ayant voulu se
livrer trop tôt à ses travaux des champs, elle avait
éprouvé une descente de matrice pour laquelle la sage-
femme lui avait introduit une boule de cire qui s'y
trouvait depuis sans avoir été ni changée, ni lavée. Or,
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 271
il y avait de cela cinquante-trois ansl... Qu'on juge de
l'état de ce corps après un séjour pareil dans des parties
constamment irritées par sa présence, et humectées par
la matière ichoreuse qui en résultait. Je me mis sur-le-
champ à en faire l'extraction, j'eus une peine infinie...
La tympanite disparut, et cette femme fut tout à fait
délivrée de la constipation, et de tous les accidents
qu'elle développait. »
Les hjmpanites de l'intestin gré/e sont les plus difficiles
à guérir. On a préconisé dans ces cas un grand nom-
bre de remèdes, notre intention est d'y revenir au cha-
pitre du traitement de la maladie ; mais il arrive sou-
vent que tout l'arsenal thérapeutique est épuisé sans
résultat : il ne reste alors au médecin qu'une seule res-
source, et cette ressource ultime est la ponction de f in-
testin.
Je crois nécessaire d'entrer à ce sujet dans certains
détails.
La ponction a été pratiquée depuis longtemps dans
la tympanite. Les annales de la médecine nous appren-
nent que Van Helmont, dans sa jeunesse, fît exécuter
çn sa présence la paracentèse dans une tympanite qu'on
avait prise pour l'ascite, et qu'après avoir inutilement
attendu la sortie des eaux, ayant à la fin ôté le trocart,
il en sortit un air putride, répandant une odeur cada-
vérique, et que le malade mourut dans la journée, quel-
ques heures après l'opération (1). Ce terrible exemple
dut pendant longtemps ôler aux chirurgiens l'envie de
ponctionner le ventre dans les cas de tympanite.
Cependant Sauvages eut recours à ce moyen chez une
femme atteinte de tympanite péritonéale, et il eut, pa-
raît il, le même insuccès que Van Helmont.
(l.t Ignot. hydrop., n° 44. Acla nature curiosa.
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£72 MÉDECINE PRATIQUE.
Littre et Combalusier conseillent, néanmoins, d'em-
ployer la ponction dans les cas de tympanite grave; il
est vrai de dire que ces auteurs ne l'ont jamais prati-
quée.
La ponction était donc à peu près abandonnée ou,
pour mieux dire, elle n'avait presque jamais été mise
en usage jusqu'en 1779, époque à laquelle une observa-
tion que nous rapporterons plus loin fut consignée dans
le Journal de médecine et de chirurgie.
L'acupuncture, au contraire, comptait un assez grand
nombre de partisans. Ten-Rhyne (1) et Ktempfer (2)
vantent beaucoup ce mode de traitement qu'ils disent
être journellement employé par les Japonais et les Chi-
nois.
Ambroise Paré raconte qu'il réussit à guérir une tym-
panite en piquant plusieurs fois les intestins avec une
aiguille pour en faire sortir l'air.
Au dire de Mérat (Voy. article Météorisme du Dict. des
Sciences méd. , 1819), Rousset, contemporain d'Am-
broise Paré, dit que l'acupuncture a été employée par
un chirurgien de ses amis, dans une plaie de l'épigas-
tre, avec issue et étranglement d'une portion d'intestin.
Pierre Low, chirurgien anglais, s'en est, dit-on, plu-
sieurs fois servi dans les hernies inguinales. Garengeot,
Sharp et Van Swicten, la conseillent aussi ; ils veulent
seulement qu'on se serve d une aiguille ronde et non
pas d une aiguille coupante. « Il ne faut pourtant pas,
ajoute Mérat, que l'aiguille soit trop fine, parce que les
mucosités intestinales toucheraient bien vite l'ouver-
ture faite; il ne faut pas non plus qu'elle soit trop grosse,
dans la crainte qu'elle n'augmente l'inflammation ;
mais je crois que cet inconvénient est moindre que le
(I; De Arthrilide, p. 143.
(2) Amœoit., p. 587. (Voy. Heister chirurg., p. 463.)
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 273
précédent. Je dois faire observer, dit-il, que, dans les
cas dont je viens de parler (ceux de Paré, Rousset,
Low, etc.), les acupunctures ont été faites sur des in-
testins à nu, ce qui facilite et simplifie l'opération, mais
je ne vois pas que l'épaisseur des parois abdominales
distendues et amincies par le météorisme, puisse ajou-
ter beaucoup de difficulté ou de gravité a l'opération. On
pourrait peut-être se servir en place d'aiguille d'un tro-
cart fin, dont la canule retiendrait l'intestin, et permet-
trait à l'air de continuer de sortir, en aidant cette sor-
tie de la pression abdominale. »
Ce que Mérat donnait comme une sorte d'hypothèse,
avait été pratiquée avec succès quarante ans aupara-
vant. C'est ce qui ressort d'une observation très-remar-
quable, publiée en 1779, par Dusseaux, maître en chi-
rurgie, à Aurillac. Cette observation, insérée dans le
tome LI de l'ancien Journal de médecine, chirurgie,
pharmacie, etc., mérite une mention toute particulière.
Observation I.
11 s'agissait d'une jeune fille de 16 à 17 ans qui fut prise tout à
coup, le jour où elle attendait ses règles, de coliques avec ballon-
nement rapide du ventre. M. Brieude, médecin, appelé au bout de
vingt-quatre heures, « trouva le pouls petit, serré et convulsif ; les
extrémités étaient froides et les douleurs de colique très-aiguës. Ce
qui le surprit davantage, ce fut l'enflure du ventre que la mère et
la malade l'assurèrent être parvenue à ce point si volumineux, de-
puis si peu de temps. Sa surface était exactement ronde et uniforme,
il n'était pas possible de découvrir par le tact aucun gonflement
local qni pût faire conjecturer que cette tympanite (car c'en était
une) fût intestinale. Elle résonnait sensiblement lorsqu'on frappait
dessus, de sorte que tout démontrait qu'il s'était fait une explosion
d'air élémentaire dans l'abdomen, laquelle était contenue dans le
péritoine.
■ Pour expliquer ce phénomène aussi extraordinaire que dange-
reux, Q fallait supposer, dit Dusseaux, qu'un coup de froid, dont
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274 MÉDECINE PRATIQUE.
l'impression avait été très-sensible à cause de l'apparition prochaine
des règles, avait glacé l'utérus et son voisinage ; que les humeurs
gelées avaient donné lieu à une dissolution phlogoso-gangréneuse
qui avait été sans doute accélérée par les remèdes échauffants (la
mère de la malade, dans l'espoir d'apaiser ses souffrances, lui avait
administré successivement de l'enu-dc-vie, de la thériaque et du
vin chaud) ; c'était, dit encore Dusseaux, une personne trouvée dans
la neige qu'on avait approchée trop subitement du feu. Ces conjec-
tures, ajoute l'auteur, paraissent assez vraisemblables. »
Cependant il fallait se décider à agir, et la ponction fut résolue
Voici comment Dusseaux se justifie de celte hardiesse : « Cette
explosion d'air, arrivée presque subitement, était certainement dans
la cavité de l'abdomen ; aucun remède connu ne pouvait la dissiper
assez promptement pour soulager la malade. La ponction était le
seul secours efficace en ce moment, elle était nouvelle en pareil cas.
Les praticiens la conseillent, mais aucun ne l'avait faite. Elle fut
cependant ordonnée par M. Brieude, et je fus appelé à l'instant
pour la faire. M. Bouygues, apothicaire, y assista avec nombre de
personnes du voisinage. A peine le trocart fut il retiré que l'air
sortit impétueusement et éteignit plusieurs fois la chandelle ; nous
fûmes tous surpris de ne point le trouver fétide : nous n'eûmes point
la prévoyance de le ramasser pour l'examiner.
« Le ventre de la malade s'affaissait à proportion que l'air sortait,
ses douleurs disparaissaient de même, au point qu'elle se crut par-
faitemeat guérie à la fin de l'opération. La canule la gênait; lorsque
le ventre fut aplati, elle ne voulut pas la souffrir, je ne pus que la
ceindre avec une serviette.
« Nous nous occupâmes ensuite de faire reparaître les règles et
d'arrêter le mouvement de putréfaction que nous supposions être la
cause de la tympanite. Les cordiaux acides, les antipasraodiqucs
furent continués à forte dose avec beaucoup de lavage ; toutes nos
tentatives furent infructueuses. Les coliques recommencèrent le
lendemain, et le cinquième jour la malade lut aussi enflée qu'avant
la ponction ; nous la proposâmes une seconde fois, la mère et la
fille s'y opposèrent; des mauvais conseils leur avaient persuadé
qu'elle était inutile dès que la rechute était si prochaine. M. Brieude
fut forcé de perdre de vue la mala le, parce qu'il fut appelé à la
campagne. Mes représentations ne furent pas assez puissantes pour
la persuader; elle fut victime de son opiniâtreté et mourut peu de
jours après. »
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 275
D'autres observations plus récentes prouvent l'inno-
cuité de la ponction dans la plupart des cas.
Observation II.
En 1823, Levrat publiait dans les Bulletins de la Société médicale
d'émulation, une observation de tympanite intestinale guérie par la
ponction de l'intestin grêle : o Pour pratiquer cette opération, dit
Levrat, je lis taire un instrument de la grosseur d'une aiguille de
bas, terminée par une pointe en forme de trocart, et recouvert par
une canule en argent de 15 lignes de longueur.
« Après avoir fait mettre la malade sur son séant et avoir fixé
dans le côté droit, entre le nombrii et l'épine antérieure et supérieure
de l'os des iles, la portion de l'intestin grêle qui formait la saillie la
plus prononcée, je portai en un seul temps sur cette partie mon
instrument, comme dans l'opération de la paracentèse. Je retirai
l'aiguille et laissai la canule ; au même instant, les gaz contenus
ians l'intestin s'échappèrent avec sifflement, et l'odeur qu'ils ré-
pandaient confirma de plus en plus l'opinion que je m'étais formée
sur le siège et la nature de la maladie. Le ventre s'affaissa subite-
ment. Craignant que cet affaissement ne fût porté trop loin et ne
nuisit au succès que j'attendais de l'opération, je bouchai la canule
et, dans la soirée, je revins tirer encore quelques pintes de gaz : il
en sortit fort peu. Le ventre avait repris le volume qu'il a ordinai-
rement à la suite des premières couches.
« Le lendemain de l'opération, la malade, qui était fort bien et
qui avait passé une bonne nuit, eut envie d'aller A la garde-robe et
rendit, à mon grand etonnement (attendu les lavements et les po-
tions laxatives que je lui avais prescrites), beaucoup de matières
fécales de forme globuleuse. Pendant trois ou quatre jours, elle a
continué à pousser, de temps en temps, des selles de cette nature.
Vingt jours après l'opération, cette dame vaquait à ses affaires. »
Observation TÏJ.
Dans la thèse de M. Maisonncuve (1833), nous trouvons une
observation de tympanite intestinale survenue chez un jeune étu-
diant en médecine, par suite d'une constipation opiniâtre.
• La ponction pratiquée dans le flanc gauche donna issue à une
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276 MÉDECINE PRATIQUE.
grande quantité de gaz. Cette évacuation soulagea instantanément
le malade, les accidents de suffocation disparurent tout d'un coup ;
mais, après deux heures de calme, il se manifesta de violentes co-
liques, à la suite desquelles eut lieu une abondante évacuation de
matières stercorales endurcies. Le malade succomba dans la nuit. »
L'autopsie démontra une péritonite générale avec peu de sérosité
dans le petit bassin; le point de départ de cette péritonite était une
eschare gangréneuse du cwcum. Cette eschare était la véritable
cause de la péritonite, à laquelle la ponction était restée complète -
tement étrangère, puisque l'on constata que la plaie de l'intestin,
résultant de cette ponction, était déjà cicatrisée.
Observation IV.
La Gazette médicale, de <8t0, rapporte le fait, observé par le
Dr Schur, d'un enfant à la mamelle, ayant le ventre uniformément
distendu par des gaz amassés dans la cavité péritonéale. Le mé -
decinfit une ponction avec une lancette; cette opération ne donna
d'issue immédiate à aucun gaz ; mais, l'ouverture ayant été retenue
béante à l'aide d'une mèche de charpie, il se forma une hémorrhagie
assez abondante; celle-ci fut accompagnée de la sortie d'une grande
quantité de gaz et le ventre s'affaissa considérablement. L'enfant,
quoique très-affaibli, se remit peu à peu et guérit parfaitement.
Observation V.
Dans le Journal des connaissances médico-chirurgicales (1842), se
trouve consignée l'observation fort curieuse de MM. Richard et Du-
hordel, d'Evreux.
Le malade, âgé de 21 ans, était atteint d'une tympanite qui, au
bout de trois jours, s'était tellement développelée que le médecin,
à bout de ressources et craignant une rupture des parois de l'ab-
domen ou une asphyxie imminente, se décida à faire une ponction
à droite et un peu au-dessus de l'ombilic; un flot de gaz inodores
s'échappa par la canule du trois quarts et le soulagement fut im-
médiat. Il n'y eut pas ombre de péritonite.
Mais, au bout de deux jours, la tympanite reparut ; une deuxième
ponction fut faite au voisinage de la première; cette ponction donna
issue à des gaz fétides, et cependant le malade fut soulagé pendant
huit jours. Alors la tympanite reparaissait encore; on fit une troi-
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■
RECHERCHES SUR LA TYMPÀNITE. 277
sième ponction, mais les gaz qui s'échappèrent cette fois étaient
encore plus infects, « au point de rendre insupportable l'air de l'ap-
partement. »
Le malade vécut encore vingt et un jours après cette troisième opé-
ration, et deux autres ponctions lui furent faites successivement, à
-
huit jours d'intervalle ; ces deux ponctions n'amenèrent aucune
espèce de soulagement.
En effet, à partir de la troisième ponction, « le ventre n'était plus
tympanisé généralement comme avant les premières ponctions ; il
n'y avait qu'à la région sus-ombilicale et hypochondriaque gauche
que le ballonnement était notable. La matité d'un liquide épanché
se faisait sentir à la partie inférieure de l'abdomen, surtout aux
régions inguinales, et augmentait tous les jours. »
On constata à l'autopsie que la tympanite était le résultat d'une
gangrène du poumon qui avait. produit une perforation du dia-
phragme et établi ainsi une communication entre les cavités thora-
cique et abdominale.
Observation VI.
Le Dr Schuh (t) rapporte dans le MedicinUche Jarbucher des (Ester-
reichischen Staates l'observation d'un jeune homme affecté de lièvre
typhoïde et dont le ventre s'est énormément distendu au moment où
le malade paraissait entrer en convalescence. La pression sur le
ventre n'était nullement douloureuse ; la sonorité était uniforme,
grave, peu tympanitique; le diaphragme refoulé en haut et le foie
tellement en arrière qu'on ne pouvait le découvrir à l'aide de la
percussion; le cœur battait derrière la troisième cote, beaucoup
au-dessus du mamelon ; les poumons comprimés par les gaz, qui
remontaient des deux côtés jusqu'à la troisième côte ; respiration
courte et laborieuse ; anxiété extrême; menaces de suffocation.
La ponction fut faite avec un trocart très-fin à la droite de l'om-
bilic, en couchant le malade sur le côté gauche. Beaucoup de gaz
fétide s'échappa par la canule sans beaucoup de soulagement. Les
poumons étaient descendus de la largeur d'une côte ; on ne sentait
pas encore le foie ; la malade mourut le lendemain.
A l'autopsie, on trouva dans le péritoine beaucoup de gaz fétide,
de la lymphe plastique, de la sérosité fétide ; dans l'intestin grêle
(!) Voy. Gazette médicale de Paris (1845).
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278 MÉDECINE PRATIQUE.
des infiltrations typheuses, sans eschares ni ulcères; les glandes
mésentériques tuméfiées, bleues et infiltrées ; au côlon transverse
gauche, il y avait une eschare perforée, livrant passage aux matières
fécales.
Il est important de noter que, dans ce cas, non plus
que dans le cas qui fait le sujet de l'observation précé-
dente, la mort n'a pas été la conséquence de la ponction,
mais bien de la maladie primitive.
Observation VII.
Une observation, non moins intéressante, a été recueillie par
M. Sainet, dans le service de M. Blache (1).
Le sujet de l'observation est un« enfant de 5 ans et demi, qui,
lors de son entrée à l'hôpital des Enfants, le 19 juillet 18a0, pré-
sentait depuis six semaines un gonflement du ventre sans garde-
robes ni vomissements. M. Blache diagnostiqua une tympanitc
intestinale, et le 20 juillet on pratiqua deux ponctions au niveau des
bosselures avec un trocart explorateur : il sortit un gaz d'une odeur
fade et le ventre devint un peu souple.
« Le 21, au matin, le gonflement s'est reproduit ; du reste, même
état. — Huile de croton 2 gouttes; charbon, \0 grammes; potion
gommeuse avec ammoniaque, 30 gouttes.
« Le 22. Le ventre est plus tendu, pas de selles; le faciès est
pourtant assez satisfaisant ; les piqûres qui résultent des ponctions
ne sont pas enflammées. Deux nouvelles ponctions sont pratiquées qui
ne donnent issue qu'à très-peu de gaz, parce que la canule est bou-
chée par des matières fécales; pas de vomissements. — Huile de
croton, 2 gouttes; charbon, 10 grammes; potion gommeuse avec
ammoniaque, 30 grammes.
« Le 23. L'enfant a 136 pulsations peu développées, 60 inspira-
tions anxieuses. Il se plaint toujours ; le ventre est plus distendu,
les poumons sont fortement refoulés en haut ; quelques selles ver-
datres, liquides et peu abondantes, ont été rendues hier. — Com-
presses froides sur le ventre.
« Les 24 et 25, même état. — Frictions d'éther sur l'abdomen.
« Le 26. Le ventre est toujours très-ballonné ; son clair à la per-
(\) Voy. Thèse de Labric. Paris, 185*2.
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 279'
cussion dans tout l'abdomen, excepte au-dessous de l'ombilic, où
l'on obtient de la matité. Ou fait encore une ponction qui ne donne
issue qu'à peu de gaz ; le ventre s'affaisse un peu, mais le soir il est
revenu au même degré de distension ; l'enfant se plaint continuel-
lement. »
A partir de ce jour, il y a des alternatives de tension et d'affais-
sement du ventre ; on emploie les douches ascendantes froides qui
amènent des évacuations abondantes, mais le petit malade s'affaiblit
de plus en plus et succombe dans la nuit du 2 au 3 août.
L'autopsie, faite trente-six heures après la mort, démontre l'exis-
tence d'une tympanite idiopathique, siégeant dans le gros intestin.
« Dans la cavité du péritoine, on ne trouva aucune trace d'inflamma-
tion; on ne retrouve pas sur l'intestin les piqûres résultant des dif-
férentes ponctions que l'on a pratiquées. »
Observation VIII.
J emprunte encore cette observation à la thèse de M . Labric ( 1 852) .
Elle a été recueillie par ce médecin, alors qu'il était interne dans le
service de M. Piedagnel.
Le malade était un homme de 50 ans qui, depuis neuf jours, était
atteint d une tympanite intestinale qu'aucun remède n'avait pu di-
minuer, lorsque M. Piedagnel et M. Michon, appelés par lui en
consultation, se décidèrent à pratiquer la ponction. « M. Michon la
fît avec un trocart explorateur, à cinq travers de doigt au-dessus de
l'ombilic, sur la ligne médiane. On enfonça le trocart aux deux tiers
et perpendiculairement à la surface abdominale. L'aiguille retirée,
il sortit par la canule une quantité considérable de gaz avec quel-
ques gouttes de matière noirâtre liquide, répandant l'odeur de ma-
tières fécales. Le ventre diminua considérablement : parois souples,
respiration plus facile, cœur revenu à sa position, nombreux bor-
borygmes sous la main qui comprimait les parois abdominales. A
mesure que les gaz s'échappaient, la canule du trocart, de perpen-
diculaire qu'elle était lors de l'opération, devint oblique de haut en
bas et d'avant en arrière. Elle fut Uxée à demeure, comme cela se
pratique chez les animaux auxquels cette opération est souvent faite
avec succès; le ventre n'avait plus qu'un mètre de circonférence, on
le comprima modérément avec un bandage de corps mouillé avec
de l'eau fraîche et recouvert d'une vessie remplie de glace.
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280 MÉDECINE PRATIQUE.
« Trois quarts d'heure après l'opération, le malade alla à la selle;
il rendit des matières liquides, noirâtres, mêlées de gazàla suite. 11
y fut au moins quinze fois, rendant à chaque fois une quantité con-
sidérable de matières. Dans la soirée, le hoquet avait cessé; respi-
ration calme; face gaie; pouls à 100, égal, régulier; pas de miction;
on obtint 4 litre d'urine par le cathétérisme. Le malade n'accusai
de douleur qu'au niveau de la fosse iliaque, sonore comme tout le
reste de l'abdomen. On retira la canule du trocart, par laquelle, au
dire du malade, il n'était sorti aucun gaz depuis la visite du matin.»
Pendant cinq ou six jours encore, le malade eut des évacuations
alvines abondantes, mais la fièvre ne tombait pas. Les signes d'une
péritonite se prononcèrent de plus en plus, et le malade succomba
le dixième jour après l'opération.
« A Y autopsie, on trouva, avec des traces d'une péritonite an-
cienne et des indices d'une péritonite aigué récente, un rétrécisse-
ment du gros intestin au niveau de la réunion du côlon ascendant
et du côlon transverse, rétrécissement formé par des brides anciennes,
nombreuses, cellule-fibreuses, unissant ces deux portions d'intestin
d'une manière très-intime, et les tenant accolées l'une à l'autre dans
une étendue de 10 à 15 centimètres... Sur aucune portion de l'in-
testin, on ne put découvrir les traces de la ponction; de même sur
la portion du péritoine pariétal, correspondant à l'endroit où on
avait enfoncé le trocart ; sous la peau, on trouva à ce niveau un
foyer purulent. »
On voit que le malade qui fait le sujet de cette obser-
vation a succombé à une péritonite; mais, quoique la
canule du trocart ait été laissée dans l'intestin pendant
un temps assez long* pour pouvoir déterminer des acci-
dents, je ne crois pas que cette péritonite puisse être
rapportée à la ponction.
En effet, Y autopsie a fait constater les traces dune
péritonite déjà ancienne, qui probablement était passée
à l'état suraigu après le nouvel engouement intestinal
survenu trois ou quatre jours avant la mort.
Observation IX.
J'ai rencontré dans le Moniteur des hôpitaux du 26 mai 1853 une
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RECHERCHES SUR LA. TYMPAN ITE. 281
observation lue à l'Académie de médecine par le Dr Miquel (de
Tours). Voici le fait : Une dame de 56 ans était atteinte detympanite
intestinale consécutive à une obstruction du tube digestif placé vers
la On de l'iléon. « Une ponction fut faite dans la partie la plus ré-
sonnante du ventre avec un trois-quarts de Récamier extrêmement
fin. Je choisis pour cela, dit M. Miquel, la partie gauche de l'épi -
gastre. Il sortit avec violence une grande quantité de gaz et deux ou
trois gouttes de matières fécales liquides. 11 se fit aussitôt une dé-
pression transversale, puis l'écoulement gazeux cessa, quoique le
ventre restât tendu. Cette piqûre fut peu douloureuse. Je pensai que
la cessation de l'écoulement gazeux tenait à ce que l'instrument
plongeait dans des matières fécales trop épaisses (M. Miquel croyait
avoir fait la ponction dans le côlon transverse) ; elle fut laissée en
place et il se fit une expulsion gazeuse intermittente... »
La canule fut enlevée le septième jour seulement ; elle fut rem-
placée par une sonde de moyen calibre, qui donna issue à beaucoup
de gaz et de matières fécales liquides. C'est alors seulement qu'on
reconnut l'existence de la tumeur de l'iléon; la sonde fut laissée à
demeure, et la malade vivait ainsi depuis plusieurs mois quand
l'observation fut présentée à l'Académie.
Avant de clore la série de ces observations, il est bon
de rappeler l'innocuité des ponctions faites à MBe X...
(voir l'observation rapportée in extenso au commence-
ment de ce travail).
Nous savons de source certaine que la ponction a
*
réussi plusieurs fois dans des circonstances analogues.
Voici ce que dit à cet égard le DT Debout (1) : « Nous
avons appris de M. le professeur Nélaton que, danscinq
cas au moins, il avait, à l'instigation de Récamier, pra-
tiqué la ponction abdominale, et que non-seulement
cette pratique n'avait été suivie d'aucun accident, mais
encore que les malades avaient toujours été soulagés,
que la tympanite avait même guéri dans un cas ou deux.
M. Velpeau nous a également raconté qu'il avait pra-
tiqué deux fois cette opération avec succès dans des cas
analogues. »
(1) Voy. Bulletin de Thérapeutique, U XLIV, p. 530.
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282
MÉDECINE PRATIQUE.
Observation X. •
•
Enfin, tout récemment (1), une nouvelle observation du même
genre a été publiée par le Dr Castagnon (de Plaisance, du Gers).
Ce médecin vient de pratiquer simultanément deux ponctions de
l'abdomen chez un malade affecté de tympanite, par suite d'un ré-
trécissement dans l'S iliaque du côlon. Le malade a succombé le
lendemain, non point à une péritonite résultant de la ponction, mais
à la maladie même qui avait provoqué la tympanite. Je lis, en effet,
dans cette observation que depuis longtemps le malade éprouvait des
douleurs dans la fosse iliaque gauebe, des coliques fréquentes, des
garde- robes fétides, un état permanent de langueur et de cachexie;
que depuis quelques jours il avait des vomissements, des coliques
et de la diarrhée ; qu'enfin, au moment où l'opération fut prati-
quée, ce malade avait le pouls extrêmement fréquent, le faciès hip-
pocratique, le hoquet ; il était donc, avant la ponction, dans un état
désespéré.
Ajouterai-je que pendant l'opération t des gaz horriblement fétides
s'échappèrent par la canule du trocart, et que quelques gouttes d'un
liquide brunâtre et nauséabond apparurent en même temps? » Ne
sont-cc pas là les indices d'une affection organique de l'intestin, et
faut-il s'étonner de ce que la ponction n'ait procuré au malade qu'un
soulagement passager ?
En résumé, il me semble que l'on peut, que Ton doit
même pratiquer la ponction toutes les fois que les autres
moyens médicaux ont échoué et que la vie du malade
est en péril.
11 m'est donc impossible de partager entièrement
l'opinion que notre honoré confrère, le Dr Marchai (de
Calvi) professe dans une lettre adresséeà M. Castagnon,
h propos du cas dont je viens de parler. Voici celte
lettre : « Je crois comme vous, mon cher confrère, qu'il
existait un rétrécissement dans l'S iliaque. Il s'agissait
probablement d'une dégénérescence. La connaissance
(1) Voy. la Tribune médicale du 6 mars 1870.
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 283
des antécédents de famille aurait ajouté peut-être à
cette probabilité.
«Quant au siège de la tympanite, il semble que si elle
avait été péritonéale, rien ne se serait opposé à l'issue
des gaz en totalité. Il est môme permis de penser que la
ponction, suivant qu'elle procurerait l'issue complète ou
l'issue partielle des gaz, serait le meilleur moyen de dis-
tinguer la tympanite intestinale de la tympanite péri-
tonéale. Ce qui limite l'issue des gaz dans la tympanite
intestinale, ce sont les inflexions de l'intestin par suite
de son extrême distension.
« Je regrette que vous n'ayez pas eu à votre disposi-
tion Y aspirateur de M. Dieulafoy; vous auriez pu multi-
plier les ponctions, de manière à évacuer les gaz en to-
talité et à assouplir le ventre, ce qui aurait permis
l'exploration de la région suspecte. »
(Qu'on me permette d'ouvrir ici une parenthèse et de
dire, contrairement à l'avis de notre très-honoré con-
frère, que le cas était trop grave pour que Y aspirateur àe
M. Dieulafoy pût faire merveille; et que, du reste, par
le seul fait de la multiplication des ponctions, les gaz
auraient été expulsés en majeure partie, et le ventre
serait devenu souple sans que l'on ait eu besoin de re-
courir à l'intervention de Y aspirateur.)
•> Observation XI.
« J'ai fait aussi, ajoute M. Marchai, la ponction du ventre dans
un cas d'obstacle au cours des matières. La sonorité était uniforme
et extrême) l'élasticité était tout ce qu'elle peut être, et l'autopsie fit
reconnaître une immense tympanite intestinale. Il n'était sorti que
très-peu de gaz par la canule, qui avait donné issue en même temps
à une petite quantité de matière intestinale très-liquide. Je fus
frappé de voir se produire l'érection pénienne aussitôt après la
ponction. La mort survint moins d'une heure après l'opération qui
avait été pratiquée au moyen d'un trocart du plus faible calibre. Je
284 MÉDECINE PRATIQUE.
m'étais bien promis de ne plus recommencer, mais je suis revenu
sur cette résolution depuis l'invention de M. Dieulafoy.
« L'obstacle chez mon malade consistait en un rétrécissement
fibreux du côlon descendant. Le sujet, quoiqu'il souffrit depuis long-
temps, n'était pas cachectique comme le vôtre, probablement parce
que la lésion n'était pas une dégénérescence.
o Recevez, etc.... »
Il est regrettable qu'un esprit aussi judicieux que
M. Marchai ait été amené par ce premier insuccès a
condamner d'une façon presque absolue la ponction in-
testinale. Peut-être, en faisant une seconde ponction, il
aurait pu obtenir l'issue au moins partielle des gaz qui
distendaient l'abdomen et le malade eût été soulagé;
peut-être aussi a-t-il eu affaire à un cas de péritonite
foudroyante, ce que la lecture de son observation ne
semble pas indiquer?...
Quoi qu'il en soit, je persiste à croire que la ponction
doit être faite dans un grand nombre de cas. A l'appui
de mon dire, je citerai quelques observations dans les-
quelles, de l'avis même des médecins, la ponction eût
pu sauver la vie au malade.
Observation XII.
En première ligne, je mentionnerai le fait publié en 1840, par le
Df Scuhr, dans le Wochtnchrifl furdiegesammte Heitkunde. Il s'agissait
d'un jeune enfant qui fut atteint quelques jours après sa naissance
d'une tympanite abdominale. Cet enfant succomba à la maladie, les
parents n'ayant pas permis qu'on fit la ponction. L'autopsie dé-
montra que les gaz étaient contenus dans la cavité péritonéale, qu'ils
étaient inodores et ne provenaient pas des intestins qui étaient
complètement vides.
(11 suffît de se reporter à notre observation IV pour voir
que dans un cas identique la ponction avait parfaitement
réussi au même docteur Scuhr.)
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE.
285
Observation XIII.
En 1848, M. le Dr Michel Lévy (1) a publié le cas d'un soldat âgé
de 25 ans, qui succomba à une tympanite péritonéale idiopathique
développée en huit jours. Le jour même de sa mort, dit M. Michel
Lévy, « la distension des parois étant portée au maximum et l'as-
phyxie imminente, je songe à la ponction de l'abdomen, mais l'opé-
ration est rejetée dans la consultation que je provoque à ce sujet, et le
soir, à neuf heures, le malade expire après douze heures d'angoisses,
la face et les extrémités violacées couverts d'une sueur froide et
visqueuse. A la contre-visite qui avait eu lieu àtroisheurcs, lepouls
était devenu insaisissable ; il y avait 56 à 00 inspirations brèves par
minute. »
Il est bien évident pour nous que, dans un cas sem-
blable, la ponction eût présenté des chances réelles de
succès.
Observations XIV et XV.
Le Dr Debout, rédacteur en chef du Bulletin de Tltérapeniique, ra-
conte ($) qu'à son début dans la clientèle il fut appelé a près d'un
homme, jeune encore, chez lequel, u la suite de purgatifs répétés,
destinés à le débarrasser d'un accès de goutte, il était survenu une
tympanite intestinale portée si loin que la suffocation paraissait im-
minente. Les anses intestinales se dessinaient à travers les parois
abdominales, distendues au point que l'on pouvait se demander si
ces parois ne se déchireraient pas. Nous songeâmes, dit-il, à ponc-
tionner les anses intestinales ; mais, malgré les bonnes raisons que
nous pûmes donner en faveur de cette opération, un médecin des
hôpitaux, M. Kapcler, appelé en consultation, refusa de nous cou-
vrir de sa responsabilité ; et, nous inclinant devant son opinion,
nous dûmes nous en tenir à des aspirations des gaz intestinaux pra-
tiquées avec une sonde en gomme élastique introduite dans le rec-
tum. Mais telle était la distension de l'intestin grèle que la sonde
ne put évacuer les gaz contenus môme dans les côlons, et que cette
pratique n'eut aucun succès. Le malade succomba quelques heures
(1} Voir Gazette médicale de Paris, -1848.
f*) Yoy. Bull, de Thêrap., t. XLIV, p. r,29.
TOME XXXI. — AVRIL 1870. f<J
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286 MÉDECINE PRATIQUE.
après, véritablement asphyxié. Dans un autre cas, chez une femme
âgée, atteinte d'une affection organique de l'utérus, une tympaoite
survenue brusquement comme chez notre premier malade, entraîna
également la mort en quelques jours. Les circonstances étaient
moins favorables que dans le premier cas, et nous fûmes, par con-
séquent, moins disposé à recourir à la ponction abdominale, qui eût
peut-être prolongé la vie de la malade. »
Observation XVI.
Le Journal de médecine et de pharmacie de Touloute publia en
mai 1855 l'observation d'un cas de tympanite abdominale idiopa-
thique qui résista à une application de sangsues, aux frictions mer-
curielles, aux drastiques à l'intérieur et en lavements, à l'introduc-
tion d'une sonde dans le rectum, etc. Le malade succomba à une
asphyxie rapide, déterminée par la distension extrême de l'abdo-
men (1).
Je pourrais citer encore plusieurs observations consi-
gnées par Portai dans ses Mémoires sur la nature et le trai-
tement de plusieurs maladies (2), mais je crois avoir suffi-
samment démontré Futilité de la ponction dans les cas
graves.
J'invoquerai toutefois, à l'appui de mon opinion, ce
passage de la thèse de M . Labric (3) : a La ponction de
l'intestin a bien, comme résultat immédiat, l'évacuation
des gaz contenus dans le tube digestif, et par suite,
l'affaissement du ventre, la cessation des troubles qui
résultaient de la distension extrême de l'abdomen, en
un mot, le soulagement du malade. Mais ce n'est point
à ce seul résultat que l'on arrive en pratiquant cette
opération ; on peut encore obtenir la contraction intes-
tinale. En effet, la distension extrême de l'intestin par
l'accumulation des gaz devient pour lui une cause d'im-
(\) Voy. Dullel. de Thèrap., tome XLIX, p. 333.
(2) Voir tome V, p. 252 et suivantes.
(3) Thèses de Paris, 1852.
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 287
puissance ; il ne peut réagir avec énergie sous l'influence
des médicaments, et par conséquent ne peut chasser les
gaz qui le distendent. On rendra à cet intestin toute sa
puissance contractile en enlevant une partie de ce gaz.»
Mais tout en admettant en théorie l'utilité de la ponc-
tion, un grand nombre de médecins la repoussent par
crainte de la péritonite.
Nous avons déjà répondu à cette objection, en mon-
trant l'innocuité de la ponction dans la plupart des cas
que nous avons rapportés. Nous pouvons encore étayer
notre manière de voir de cette phrase de M. Miquel (de
Tours) : « La paracentèse, les ponctions ovariques,
comme les exécutent aujourd'hui les médecins pru-
dents, ont démontré que le péritoine peut être piqué
sans inconvénient grave. Les travaux des hommes qui
se sont occupés de la réunion immédiate des plaies in-
testinales témoignent que les adhérences de cette mem-
brane séreuse sont bientôt établies. Enfin l'acupuncture
faite par M. Michon dans la tympanite typhique nous a
appris qu'on peut piquer l'intestin sans grave inconvé-
nient. N'est-il pas prouvé d'ailleurs depuis longtemps
que ce qui fait le danger des plaies intestinales, c'est
lepanchementdes matières fécales dans le péritoine?... »
Enfin certains médecins timorés nous opposeront un
dernier argument : Pourquoi, nous diront-ils, ne pas
choisir l'acupuncture de préférence à la ponction?...
C'est, leur dirons-nous, parce que la ponction est, à
notre avis, moins dangereuse que l'acupuncture. On
comprend, en effet, qu'il peut fort bien se faire que la
piqûre de l'intestin ne corresponde pas exactement à la
piqûre des parois abdominales; il pourra donc arriver,
lors de f acupuncture, que les gaz et même les liquides
s'échapp?nt dans le péritoine jusqu'à ce que l'intestin
ait recouvré sa contractilité. Dans la ponction, au con-
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2*8 THERAPEUTIQUE.
traire, la canule de l'instrument forme une sorte de canal
qui permet aux gaz et aux liquides de passer facilement
de l'intestin au dehors.
En préférant l'acupuncture à la ponction, on s'expo-
serait donc à provoquer, par excès de prudence, une
péritonite que l'on évitera presque toujours en pratiquant
la ponction avec un trocart fin.
Dr Jean Jablonski.
- La fin au prochain numéro. -
THÉRAPEUTIQUE
CYANURE DE MERCURE DANS LE CROUP.
Monsieur le Rédacteur,
Grâce au Dr Villers qui nous a fait connaître par la
voie de votre excellent journal les heureux résultats
obtenus par le cyanure de mercure dans l'angine diph-
thérique, ce médicament a été employé en France avec
succès dans quelques cas isolées de cette terrible ma-
ladie. Je suis, je crois, le premier à qui il ait été donné
d'employer ce nouveau remède dans une épidémie d'an-
gines couenneuses. Les résultats inespérés que j'ai ob-
tenus me paraissent si encourageants que je crois de
mon devoir de les faire connaître. Je ne raconterai pas
en détail tous les cas d'angines diphthériques que j'ai eu
à traiter; l'épidémie s'est montrée à peu près dans tous,
avec le même caractère.
Le médecin qui a traversé une épidémie sait que le
temps et les lorces manquent bien souvent pour re-
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CYANURE DE MERCURE DANS LE CROUP. 289
cueillir tous les faits de la pratique; d'ailleurs, un pa-
reil récit serait trop long* et tout à fait inutile ; je dirai
donc : Aà uno disce omnes.
Le dimanche 7 novembre i863, je rentrais chez moi
à Saint-Romans (Isère), d'où j étais absent depuis quel-
ques jours, et j'apprenais que deux jeunes filles, l'une de
9 ans, l'autre de 14, venaient de succomber ù l'angine
couenneuse et qu'une troisième, prise du même mal,
était à l'agonie. Le pays voisin, Saint-Jean-en-Roy an,
venait d'avoir, en quinze jours, 32 morts sur 40 ma-
lades, dont 30 avaient reçu les secours des médecins de
la localité.
La population était justement alarmée, et on atten-
dait mon retour avec impatience. Je dois l'avouer, je
fus. en cette circonstance médiocrement flatté de la con-
fiance des gens de mon pays. Je n'ignorais pas la gra-
vité de la maladie qui paraissait avoir dans cette épidé-
mie une forme des plus malignes. Etudiant en médecine
et homœopathe, étaient deux raisons dont la critique se
serait admirablement servie, si l'homœopathie s'était re-
fusée à faire de vrais miracles. Mais venons au fait. J'ai
eu à traiter, durant huit jours, 28 cas d'angine diphlhé-
rique.— 14 m'ont paru graves et appartenir à la forme
croupale; chez eux la période angineuse et croupale se
sont successivement montrées avec leurs symptômes ha-
bituels. Les 4 enfants morts ont succombé a la forme
croupale. Les cas à forme bénigne ont été surtout ceux
que j'ai traités dès le début avec le cyanure de mercure.
A part deux femmes de 30 à 35 ans , l'épidémie a
frappé surtout sur les jeunes filles de 5 à 15 ans. Sur
28 cas, 5 garçons seulement ont été atteints, parmi eux
un jeune homme de 22 ans. Le mal m'a paru très-con-
tagieux, il est des familles ou j'avais 3 et 4 malades. Je
m'empresse de dire que je n'ai pas eu un décès et que
290 THÉRAPEUTIQUE.
chez tous le médicament a été promptement efficace.
Dès que je me vis en face de l'angine diphthérique je
pensais au cyanure de mercure, mais je n'avais pas chez
moi de préparation homœopathique de ce médicament
et durant trente-six heures je traitais mes malades avec
spongia, brome et lartarw. Ces médicaments n'amenant
aucun bon résultat, j'envoyai chercher ù la pharmacie
voisine 3 centigrammes de cyanure de mercure. Je fis
dissoudre i centigramme dans 125 grammes d'eau, puis
je divisai ces 125 grammes en huit parts égales dont je
fis huit nouvelles potions de 125 grammes. C'est cette
préparation que je portais chez mes malades et dont je
versais environ trois cuillerées dans un verre que je
faisais remplir d'eau ; le malade prenait de ce verre une
cuillerée toutes les deux, trois ou quatre heures, selon
l'intensité du cas.
Ces généralités données, j'entre dans le récit d'un fait
particulier.
Dans la nuit du dimanche, je suis appelé pour aller
voir un enfant de 7 ans, Marie Lyonne, blonde, bien
constituée, n'ayant jamais été malade. Les parents me
racontentquel'enfanttoussedepuisunehuitainedejours,
que depuis quatre jours elle se plaint de mal à la g'org-e,
qu'après de violents efforts elle a rendu des glaires, et
que depuis trois jours elle est réveillée plusieurs fois du-
rant la nuit par des accès de suffocation et une toux
aboyante.
On a administré un vomitif à l'ipéca et l'enfant a
rendu en abondance des mucosités dont j'ipnore la na-
ture. Le vomitif n'a pas soulagé la malade et elle a été
prise cette nuit môme de plusieurs accès de suffocation
tellement violents que les parents craig-nent une fin
prochaine. Je trouve l'enfant assise sur son lit, les mus-
cles du visaçe contractés, la face cyanosée, la peau brû-
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CYANURE DE MERCURE DANS LE CROUP. 291
Jante, l'œil injecté, presque fixe, elle est en proie à un
violent accès de suffocation. La voix est éteinte, la res-
piration offre le sifflement laryngo-trachéal, les fosses
nasales sont obstruées par des fausses membranes, les
ganglions sous-maxillaires sont engorgés, la bouche en-
tr'ouverle laisse constamment couler de la salive. Après
plusieurs tentatives je parviens à voir le fond de la gorge.
Les amygdales, le voile du palais sont tapissés de fausses
membranes, l'enfant refuse toute nourriture depuis
vingt-quatre heures.
Prescription.— Brome 3e, 2 gouttes dans 125 grammes
d'eau à prendre par cuillerée de deux en deux heures.
Tenir au cou une éponge toujours humectée d'eau
chaude. De l'eau vinée pour boisson.
Le lendemain matin, cinquième jour de la maladie, je
trouve l enfant^encore plus mal que la veille, la dyspnée
est plus intense, les accès de suffocation plus rappro-
chés, 1 enfant refuse de montrer sa gorge, je ne puis
saisir son bras pour avoir le nombre de pulsations, la
malade me repousse et se débat dans un accès de suf-
focation.
Prescription. — Tartarus 3e, 3 gouttes dans 125 gram-
mes à prendre d'heure en heure.
Le soir, môme état que le matin, mon pronostic est
que l'enfant ne passera pas la nuit.
Prescription. — Cyanure de mercure, à la dose que j'ai
indiquée plus haut, à prendre par cuillerée de deux en
deux heures.
Le sixième jour de la maladie à ma visite du matin
je suis tout étonné de trouver l'enfant calme, la voix est
toujours éteinte, mais le sifflement laryngo-trachéal est
moins fort, la toux et l'expectoration plus faciles. Les
parents me racontent qu'après la deuxième cuillerée de
la potion la malade a expectoré en quantité des matières
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292 THÉRAPEUTIQUE.
épaisses, verdâtres ressemblant, disent-ils, à des rubans
verts. On me montre les matières expectorées et je re-
connais les produitsdiphthéritiques,quelques membranes
avaient l'épaisseur d'un demi -centimètre. L'enfant a
dormi deux heures vers le matin, la peau est moins brû-
lante, le pouls à 125.
Même prescription, eau vinée.
Le mercredi, septième jour de la maladie, l'amélio-
ration progresse, l'enfant a dormi trois heures, les accès
de dyspnée sont bien moins fréquents et moins violents.
La face est moins contractée, moins cyanosée; l'expecto-
ration facile donne des fausses membranes, la voix est
toujours éteinte, mais le sifflement laryngo-trachéal a
presque disparu.
Même prescription ; aliments, pour boisson de l'eau
vinée.
Le jeudi, huitième jour de la maladie, l'enfant a dormi
une partie de la nuit et vers le malin a demandé à
manger; pouls à 100, l'amygdale gauche reste seule
couverte d'une large plaque diphthéritique. La voix est
toujours éteinte et l'expectoration donne toujours des
fausses membranes. — Môme prescription.
Très-occupé par mes autres malades et croyant mon en-
fant dans une bonne voie, je ne retournai la voir que
le samedi matin, dixième jour de la maladie. Je fus sur-
pris et déçu, son état était de nouveau très-alarmant. La
dyspnée avait reparu ainsi que les accès de suffocation
et le sifflement laryngo-trachéal ; le pouls est à 130, la
face de nouveau contractée. Je demande si on a conti-
nué le médicament, et j'apprends que la potion est ter-
minée depuis trente heures; les parents attendaient pa-
tiemment ma visite.
Prescription. — Cyanure de mercure, une cuillerée de
deux en deux heures.
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CYANURE DE MERCURE DANS LE CROUP. 293
Dimanche, onzième jour de la maladie, l'enfant est
mieux, elle a de nouveau expectoré des fausses mem-
branes. La respiration est plus facile; elle a dormi trois
heures.
Même prescription.
Lundi, douzième jour de la maladie, la gorge conti-
nue de se nettoyer, la respiration reprend son état nor-
mal, le pouls est à 98, le sommeil est bon et la malade
veut se lever ; la voix est toujours éteinte.
Même prescription.
Mardi, douzième jour de la maladie. Il n'y a plus de
plaques diphthéri tiques dans la gorge, mais la voix est
toujours éteinte et on entend un farfotement dans le
larynx qui me fait songer à hepar sulfuris; ce médi-
cament m'avait rendu service dans un cas analogue
l'année précédente.
Prescription. — Hepar sulfuris 42e, 2 gouttes dans
428 grammes d'eau, à prendre par cuillerée de trois en
trois heures.
Mercredi, quatorzième jour de la maladie, l'enfant
est moins bien, le pouls est à 100, la respiration est plus
difficile. Décidément je compris que j'avais tort d'aban-
donner le cyanure de mercure.
Obligé de quitter Saint-Romans, j'ordonnai ce médi-
cament à la dose de trois cuillerées par jour tant que
l'enfant serait entièrement remis.
Le 19. La petite malade respirait bien, dormait bien
ne toussait plus, mais la voix restait éteinte; j'ai observé
le môme fait chez sept ou huit de mes malades. D'après
le conseil du Dr Noack fils, je leur envoyai du phos-
phore 6* et aucun n'est resté aphone.
Onze de mes malades m'ont offert des symptômes à
peu près semblables à ceux du cas que je viens de ra-
conter, moins alarmants et moins tenaces peut être,
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294 THtiRAPBUTIQUB.
grâce à l'administration plus continue et plus hâtive du
cyanure de mercure.
Je n'ai observé qu'un seul cas à forme putride. Il s'est
présenté chez une Glle de 10 ans, serofuleuse, fatiguée de-
puis longtemps de la poitrine, mal nourrie, appartenant
à des parents pauvres. Elle aeu des crachements de sang,
des épitaxis fréquentes, une pâleur et une prostration
extrêmes, le pouls filiforme et l'arrière-gorge tapissée de
plaques diphthéritiques. Dans ce cas comme dans les
autres, et môme plus que dans les autres, le cyanure de
mercure s'est montré promptement efficace ; la malade
s'est rétablie en moins de huit jours.
Un autre cas très- intéressant est celui d'une jeune
fille de i2 an3, grande, forte, d'un tempérament san-
guin, et n'ayant jamais eu de convulsions. Lorsque je la
vis pour la première fois elle était au lit depuis trois
jours, s'était plainte de mal à la gorge et après de vio-
lents efforts avait rendu des glaires. Les glandes sous-
maxillaires sont engorgées et les amygdales couvertes de
membranes diphthéritiques. Depuis vingt-quatre heures
la maladie a pris une forme convulsive. J'ai été témoin
de plusieurs crises; la malade tourne ses yeux, pousse
des cris de béte fauve, puis se tait, ouvre la bouche,
reste immobile, semble ne plus respirer et insensible à
tout excitant physique et moral. Elle reste dans cet état
environ dix minutes, puis les yeux reprennent leur
place normale mais restent fixes, elle pousse de nouveau
quelques cris inhumains, et peu à peu reprend l'usage
de ses sens, excepté celui de la parole; elle nous répond
par des signes, et dix minutes se passent encore avant
qu'elle puisse nous parler. D'autres fois, au début et à
la fin de la crise, l'enfant se jette à terre et avec ses mains
et ses pieds gratte le plancher comme un animal qui
voudrait faire un trou dans le sol. J employais vaine-
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CYANURE DE MERCURE DANS LE CROUP. 295
ment toutes mes forces pour la remettre sur son lit, il
fallut patiemment attendre la fin de la crise qui reve-
nait deux fois par heure.
Prescription. — Cyanure de mercure et stramonium 6*,
à la dose d une cuillerée, à alterner d'heure en heure.
Après vingt-quatre heures , les convulsions avaient
cédé, la malade allait généralement mieux. Je fais
continuer le cyanure de mercure. Elle allait mieux, me
disait-on, car je ne pus retourner le soir; mais, au mo-
ment de partir, on vint me dire que les crises recom-
mençaient. J'ordonnai de nouveau stramonium 6«, à
alterner de deux en deux heures avec le cyanure de mer-
cure. Quelque temps après je demandai des nouvelles
de ma malade et on me répondit qu elle gardait ses
moutons à la montagne.
Je ne dirai qu'un mot de Marie Terret, âgée de 35 ans,
qui, malade d'une fièvre synoque, a été atteinte par
l'épidémie, et dont la langue et le fond de la gorge
étaient tapissés de larges plaques diphthcritiques épaisses
au moins d'un centimètre. Chez elle aussi, le cyanure de
mercure s'est montré d'une efficacité incontestable ainsi
que sur sa petite fille couchée dans le môme appartement
et prise du môme mal.
Je ne puis passer sous silence un fait qui s'est
passé huit jours après mon départ. Une jeune fille de
12 ans, d une vigoureuse constitution, est atteinte par
l'angine diphthéri tique ; en trois ou quatre jours lessym-
ptômes deviennent très-alarmants, mais sous l'action
du cyanure de mercure, — j'en avais laissé quelques
potions préparées à une personne de ma famille, — l'état
s'amende, la respiration devient meilleure et la malade
expectore des fausses membranes. Tout allait pour le
mieux, mais malheureusement la personne à qui j'avais
laissé le médicament venait de quitter le pays, et le mal
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296 THÉRAPEUTIQUE.
reprenant sa marche rapide emporta l'enfant en trois
jours, le septième jour de la maladie, malgré les soins
d'un médecin des environs dont j'ignore les prescrip-
tions. J'ai eu l'occasion de voir, il y a quelques jours, le
père de l'enfant ; tant que ma fille a pris votre remède,
me disait-il, elle a craché facilement, dès que forcément
nous ne lui en avons plus donné, sa poitrine s'est remplie
et elle n'a plus craché.
Ce cas, malgré sa terminaison malheureuse, n'en
prouve pas moins l'action du cyanure de mercure.
Il résulte de mes observations que brome 3e, tarta-
rus 3* et spongia i" ne m'ont paru modifier en rien la
marche de la maladie. Chez tous mes malades le mieux
s'est manifesté après l'administration du cyanure de
mercure, qui a abattu la fièvre, favorisé l'expectoration
des fausses membranes et arrêté le génie malin de la
maladie. Tous les cas traités dès le début par ce médica-
ment n'ont pas présenté de symptômes graves. Je n'i-
gnore pas qu'il existe une forme bénigne de la maladie,
mais chez la plupart l'engorgement des ganglions sous-
maxillaires, la fièvre, la dyspnée, l'aphonie faisaient
craindre une forme plus redoutable. Je sais qu'en thé-
rapeutique on est souvent le jouet d'illusions ; mais à en
juger par le génie malin de l'épidémie, je crois ne pas
me tromper en attribuant au cyanure de mercure et
non pas à dame nature la cure de mes 28 malades. Je
rappellerai que les 4 malades qui n'ont pas été traités
par moi sonf morts et que le pays voisin a eu 32 morts
sur 40 malades; d'ailleurs, le cas que j'ai rapporté en
détail prouve admirablement l'action du médicament
qui, deux fois cessé, a été repris deux fois avec un plein
succès après la réapparition de symptômes graves.
Aurions-nous dans le cyanure de mercure le spécifique
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OPIUM. — STRAMONIUM. 297
de toutes les formes de ladiphthérie, je ne sais, mais ce
que je sais bien c'est qu'il a été le spécifique de l'épi-
démie que j'ai eu à traiter.
Paul Rognin.
OPIUM, — STRAMONIUM.
DANS LA PURPURA HEMORRHAGICA.
Opium, Datura stramonium, à dose infinitésimale,
pourraient aussi être indiqués dans le traitement du
morbus macolosus quand cette maladie présente des
accidents cérébraux. En effet, l'opium produit des taches
livides çà et là sur le corps (après quinze heures). — Epi-
staxis (Beineg-gs). — Hémoptysie (G. Yong). Fragment
sur les effets positifs des médicaments obs. chez F homme sain,
par S. Hahnemann. Traduits du latin par MM. Cham-
peaux et Milcent. L Art médical, 1855, II, 444, 445, 446,
523. — L'opium produit des taches ecchymotiques à la
peau (Schweickert). — Après la mort par l'opium, ec-
chymoses à la peau. Giacomini, Mat. mèd., 68.
Le Slramonium produit des hémorrhagies (S. Hahne-
mann), le Purpura (Greding1), l'apoplexie (Bùchner).
LArt méd., II, 545, 550, 551. — Ch. D. Meig- a rap-
porté (Nouv. Bibl. méd., 1827, II, 452) un cas d'empoi-
sonnement par le Datura stramonium : tout le corps
était couvert de pétéchies brillantes.
ADDITIONS.
Carol. Strack. Obs. méd. de Febribus intermitt. et qua ratione eis-
<lem medendum sit, Offenbach, Weiss et Brcde, 1786. 8. 1. III. c. 3.
malades 77a et 78e, p. 196, 97. (Mention de taches symptomatiques de
la lièvre intermittente, dont quelques -unes avaient de l'analogie avec
celles du purpura simples : Van Swicten a vu une jeune fille qui
à la suite d'une fièvre quarte prolongée rendit beaucoup de sang par
les gencives et eut une ecchymose dans les paupières.) Labric, Érup-
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298 THÉRAPEUTIQUE.
tion pourprée verraineusc: c'est la 2# des Observations communiquées
à la Société de Médecine pratique. Annales de la Soc. de Méd. prat.
de Montpellier. Aon. T. VIII, n° 47, novembre 1806, p. 334, 37.
An. Bibl. méd. XV, 03, 91. (Fille de 9 ans, éruption de pourpre :
eau d'orge acidulée avec l'acide sulfuriquc, crème de tartre à petites
doses, embrocations huileuses camphrées, fomentations et lave-
ments émollients, hémorrhagie du nez. Affection vermineuso, mer-
cure doux, rhubarbe et jalap ; fièvre aiguë, embrocations huileuses
sur l'épigastre et l'abdomen, foment. émollientcs, émulsion nitrée
cuite., seize vêts lombrics rendus, 2e purgatif, guérisin). Guillaume
Rcmer; Obs. sur une éruption de pétéchies sans fièvre. Bibl. méd.
1811, XXXf. 120, 21. (Gurçon de six ans, affection vermineusc
combattue à l'aide du mercure doux, auquel furent quelquefois asso-
ciés le cina et le jalap ; neuf lombrics furent rendus, les pétéchies
eurent entièrement disparu le 16e jour, où il survint un ptyalisme
que les purgatifs firent cesser, et l'enfant se trouva guéri. Est-ce
un cas de purpura simplex?) Joseph Bourges, Table des mat. du
Journ. gén. de méd. fr. et étr. ou Rec. périod. de la Soc. de méd.
de Paris, T. III des tables; Paris, 1818, p. 197, au mot Pourpre
(indication de deux articles); P. h. Cottercau, Formulaire; Paris,
1840, p. 80, 81 (Pourpre simple chez des sujets vigoureux, chez
des sujets faibles, P. hemorrhagica, P. contagieux ou pétéchies); —
Auguste -François Chomel, Path. gén., 3» éd. p. 120 ; — E. Bou-
clait, Mal. des n. nés et des euf. à la mamelle, 3* éd. 1855. 1. XVI.
p. 668 (« La P. h. observée chez un de nos enfants [qui était en
proie à la fièvre intermittente] doit être considérée comme une com-
plication de ladite fièvre, le P. se montre ordinairement dans l'é-
paisseur de la peau. Dans un cas, cette hémorrhagie interstitielle,
occupait un seul organe intérieur, et elle s'était produite dans la
substance corticale du rein); Idem, Ibidem, 1. XV, p. 651 (« 11 en est
[parmi les enfants atteints de rougeole] qui présentent une érup-
tion rubéolique singulière, caractérisée par un exanthème très-
foncé en couleur et presque noir, entremêlé, chez quelques sujets,
d'ecchymoses cutanées, véritables hémorrhagies de la peau sembla-
bles à celle du purpura simplex, parscm -, chez d'autres, d'un grand
nombre de taches saillantes, comme papuleuses ») E. Tartarin, De
l'iodurc de fer dans certaines dermatoses liées à l'anémie . Pur-
pura. - Obs. 1. Anémie palustre récidivée. — Purpura sympto-
matique, Rupia. Traitement et guérison par les dragées de Gil-
les. — Obs 2. Purpura fébrile, adynamique. — Traitement et gué-
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ÉTUDES DB THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 299
rison par le sirop de proto-iodure de fer de Gilles. — Obs. 3, Pur-
pura fébrile. — Etat scorbutique. — Traitement et guérison par
les dragées de proto-iodure de Gilles, dans l'Avenir médical de
l'Iodure de fer, journal des cliniques des hôpitaux de Paris. N° 67,
lundi 21 février 1870, p. 633, 3 t.
Charles Ravel.
ETUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE.
— T ARTICLE (1). —
( Suite.)
Preuves à F appui du transport de for dans teau par le
courant électrique. — Déjà en 1838, M. Pariset commu-
niquait à la Société d'agriculture un article des expé-
riences de notre ami, établissant le transport opéré
par l'électricité en mouvement, ce qui a donné plus
tard l'idée de la dorure et de l'argenture électriques.
Becquerel, dans son grand ouvrage, a relaté le trans-
port d'un métal sur un autre au moyen de l'étincelle.
On connaît du reste l'expérience de Fusinieri relatée
dans le précédent article. D'autres, que nous pouvons
dire journalières, nous donnent des preuves irrécusa-
bles qu'une étincelle entraîne un atome ou parcelle,
soit qu'elle éclate dans l'eau ou tout autre corps con-
ducteur. Il est donc hors de doute qu'une série doive
entraîner de l'or extrait du conducteur. Qui ne sait que
les machines électriques sont érodées en des points où
les frottements ne se reproduisent jamais, où il est
même très-difficile d'épousseter ? Le courant entraîne
donc forcément des parcelles du métal parcouru. Ceci
est surtout évident sur les machines dorées dont les
(1) Voir VArt médical de juin, juillet, août 1860, mars 1867, février
1869, février et mars 1870.
300 THÉRAPEUTIQUE.
sillons laissant à nu le laiton sont les meilleurs témoins
du transport : on n'a qu a considérer, en outre, les
éraillures très-étendues qui sillonnent les bandes d'or
retirées des bonbonnes en vidange. Aussi dirons-nous
hardiment que nous avons pu toucher du doigt le
transport du précieux métal dans cette eau, sous la
forme la plus atomistique possible, inconnue à ce jour
du monde savant, et n'avons-nous pas craint de lui
appliquer le nom que les disciples d'Hermès donnaient
à leur remède universel; toutefois, ne cherchons pas à
faire revivre les secrets de ces temps reculés, nous bor-
nant à constater que celte eau, dans tous les cas inno-
cente, guérit souvent et soulage toujours.
Préparée comme nous venons de le voir, au moyen
des boules d'or, elle avait déjà bien plus de puis-
sance que celle éleclrisée extemporanément sur l'isoloir,
et que les malades buvaient aussitôt ; mais voici venir
une nouvelle phase de l'œuvre; c'est l'incorporation
d'une nouvelle quantité d'or sous une autre forme, qui
a parachevé le remède, pour ainsi dire, à tel point que
la durée des guérisons est désormais réduite à quel-
ques semaines ou même quelques jours, au lieu de
plusieurs mois qu'il fallait auparavant, et sans traite-
ment électrique d'aucune sorte.
Tels sont les développements ou améliorations subis
par cette eau médicinale, qu'elle est capable de riva-
liser aujourd'hui avec les moyens les plus vantés; et
même son action est si complexe, qu'elle semble ne
devoir être égalée par aucun en particulier. Avant de
narrer la découverte de ce nouvel or vivant ', incorporé
au composé déjà décrit, répondons de suite à une
objection assez naturelle : l'impossibilité d'un remède
universel.
lln'estpas in différent, en effet, d'électriser avec le même
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ÉTUDES DE THERAPIE ÉLECTRIQUE. 301
métal, puisque chaque affection réclame un traitement
spécial. On pourrait donc en induire la non-réussite de
l'eau a or dans toutes les circonstances où ce métal ne
serait pas indiqué. Toutefois l'expérience nous a prouvé
qu'il pouvait être employé chez tous les malades, sans
danger apparent, concurremment avec les autres moyens
spéciaux appropriés à chaque état morbide, et qu'il avait
une supériorité relative chez le plus grand nombre, ce qui
nous ramènerait à répéter les louanges de nos pères au
sujet de leur panacée. — Revenons au récit:
Depuis longtemps, comme nous suivions avec inté-
rêt les résultats précités, et que nous pressions notre
ami de faire quelque expérience sur des flacons de
dissolution d'or venus de son alchimiste M. Magnin,
et oubliés à sa maison de campagne depuis plus de
vingt ans, nous parvînmes à le décider à l'évapora-
tion , ce qu'il fit, sans témoin, un jour d'été de 1865,
pour le contenu d'une de ces bouteilles, après l'avoir
versé dans une grande capsule de verre, qu'il exposa
au soleil derrière une vitre. Ce contenu était jaunâtre,
non acide, et sentait fortement l'alcool, du reste clair,
transparent et sans aucune dépôt ; mais, au bout de
quelques jours, il existait une léger dépôt rougêalre au
fond du vase. Bientôt, en examinant la surface du liquide,
tous ceux conviés cette fois à l'expérience virent appa-
raître une paillette d'or avec son éclat métallique, de suite
suivie par une autre, puis une troisième, enfin une série
qui semblaient se chercher, se joignaient et disparais-
saient dès que la capsule n'était pas éclairée par les
rayons solaires. Était-ce un sel d'or? Ces sels tachent
la peau, les ongles, et ont un goût âpre; jamais pareil
phénomène ne s'est manifesté ici. Pas la moindre sa-
veur acide au liquide, mais un goût d'alcool très-pre^
nonce. M. Magnin n'avait jamais dit l'emploi de cette
TOME XXXI. — AVRIL 1870. 20
302 THÉRAPEUTIQUE.
dissolution d or. Kenoveau possesseur de ces œuvres al-
chimiques qui ne s'intéressait nullement à ces prépara-
tions du vivant de l'auteur, fut intrigué par tous les
phénomènes précités, et, pour avoir quelques éclaircis-
saiments, il écrivit à M. l'abbé L.... à Paris, lui deman-
dant la reproduction fidèle, s'il était possible, des con-
seils par lui donnés autrefois au sujet de ïœuf philosophi-
que. Voici sa réponse: « J'avais pris la proportion indi-
quée dans le Cosmopolite (Paris 1723); je viens de re-
trouver le ruban qui est resté, servant de marque, à la
p. 47. Les proportions indiquées dans cette page sont
celles-ci: terre ou mercure II,orI, argent II.» Il existait
donc dans Y œuf phihmop/wjue dont nous avons vu les
merveilleux résultats, quatre parties autres que l'or qui
ne formait qu'une partie, et quand cette boue de l'œuf fut
fondue, il ne se trouvait pour résidu que de l'or; pas
une trace d'argent qui chimiquement ne pouvait pas
disparaître; enfin, après avoir retiré le lingot du creu-
set, il ne restait absolument rien.
Reproduction du métal aurù/ue. — Notre auteur, disions-
nous, après avoir obtenu des paillettes d'or, se mit à les
extraire par le filtrage ; chaque fois il brûlait le filtre et
laissait la cendre dans la masse. L'évaporation du liquide
avait lieu, mais, en remettant une nouvelle quantité d'al-
cool, à quelque temps de là, la production de paillettes
d'or se renouvelait bientôt aussi abondante. Ce surpre-
nant phénomène de la naissance du métal (on ne peut
l'interpréter autrement) nous reporte à la légendaire
multiplication des arcanes d'Hermès, et, sans vouloir
chercher une minière dans ces nouvelles expériences de
laboratoire, voyons-y un moyen, comme la partie thé-
rapeutique de ce travail va le prouver, d'extraire ce
métal-médicament à une degré de puissance jusque là
ignoré.
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉLECTRIQUE. 803
Action thérapeutique de ï eau d or. — L'eau élect risée
aurifère exerce spécialement son action bienfaisante sur
les organes digestifs, génito-urinaires et l'axe cérébro-
spinal. C'est-à-dire, pour traduire physiologiquement,
en partant du point de départ, que les centres nerveux
de la vie organique et de la vie animale sont directement
ses tributaires. Aussi, de quelles nombreuses applica-
tions n'est-elle pas susceptible? Prenons pour premier
exemple l'affection cholérique où le trouble des grands
sympathiques est si manifeste. Plusieurs malades déjà,
à la deuxième et même la troisième période du terrible
fléau, ont pu entrer en réaction, grâce à cette eau ; mais
ces faits, objets de simples communications bienveillan-
tes, ne sauraient être invoqués par nous comme preu-
ves authentiques. Cependant, à en juger d'après les
cholériques que nous avons eus à traiter et les expériences
du professeur Starn, là gérait une grande ressource.
Il y a quelques années, en effet, une gazette alle-
mande publiait la note ci-après, reproduite alors par
plusieurs journaux scientifiques : «Une machine électri-
que, à disque de cristal, de 90 centimètres de diamètre,
étant mise en mouvement rapide, le professeur Starn
de Munich, posa sur le condensateur un fil de cuivre
dont l'autre extrémité fut dirigée dans un verre d'eau ;
celle-ci fut saturée d'ozone. Par contre, un autre fil fut
attaché aux frottoirs et son extrémité libre plongée dans
un autre verre d'eau, laquelle fut saturée de cyanure.
Cette dernière, ayant été bue, donna tous les symptômes
cholériformes, et leur remède fut l'eau saturée d'ozone. »
Rien d'étonnant, par conséquent, que notre eau électri-
sée, qui est aussi saturée d'ozone, venant directement
du condensateur, ne soit l'antidote du choléra, qu'on
nous passe le mot, en acceptant l'idée d'un empoison-
nement, admise par les nosologistes.
304 THÉRAPEUTIQUE.
Ce fait, rapproché de celui signalé précédemment
(l'absence complète de l'air ozonisé pendant les épidé -
mies de choléra), mérite la plus sérieuse attention. Il
n'y a en effet rien d'impossible, que l'air atmosphéri-
que et les divers courants que sillonnent, dans tous les
sens, l'enveloppe terrestre, ne changent, dans certains
cas, les conditions de salubrité èt des éléments indespen-
sables à la vie. Aussi, la prédominance de l'une ou de
l'autre électricilé pendant un temps plus ou moins long1,
ou peut-être un état encore inconnu du fluide électrique,
l'absence enfin de ce fluide essentiellement vital, sont
autant de causes capables, lorsqu'elles coïncident avec
des conditions météorologiques exceptionnelles, d'attirer
ou d'oxyder l'air ou l'eau, de les saturer enfin de gaz
nuisibles aux organes digestifs des animaux et surtout des
hommes. Des recherches entreprises dans ce sens seraient
de la plus haute importance en hygiène publique.
Une expérience de plusieurs années nous autorise à
présenter cette eau comme un des plus puissants remè-
des, et d'une complète innocuité. Aussi, peut-on, sans
le moindre inconvénient, la donner dans toutes espèces
d'états morbides, lorsqu'il y a indication déporter l'agent
curatif à l'intérieur, ce qui est le cas ordinaire, ou quand
on n'a pas à sa disposition de machine électrique. Elle
réussit plus particulièrement dans la faiblesse générale,
suite de déperdition du fluide vital par des excès ou des
maladies qui ont épuisé les forces ; l'âge avancé y re-
trouve une sorte de vigueur et une longévité vraiment
exceptionelles. Nous pourrions citer de nombreuses
observations à l'appui de ces remarques.
Les troubles du svstème nerveux, si communs de nos
jours, entre autres l épilepsie, sont heureusement modi-
fiés et souvent guéris par cette liqueur, on peut en dire
autant de ceux des fonctions digestives; le succès est
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ÉTUDES DE THERAPIE ELECTRIQUE. 305
même assuré dans toutes les gastroses exemptes de lé-
sion organique. Elle est d'un grand secours dans la
goutte, la gravelle uriqueet le diabète sucré, trois ma-
ladies qui proviennent d'une élaboration insuffisante
des aliments et des matières plastiques des sucs nour-
riciers. L'effet du remède est, partant, facile à saisir: il
redonne aux organes la puissance de transformer en
urée les molécules dont l'oxydation a été incomplète, ou
d'en opérer la combustion.
La plupart des maladies utérines y trouvent un mo-
dification importante, en particulier les prolapsus et les
congestions de ces organes.
Nous pouvons enfin signaler son triompbe dans les
neuf dixièmes dés affections syphilitiques anciennes,
alors même qus tous les moyens connus sont restés in-
fructueux, et que les malades ont fait abus des mer-
curiaux.
On ne sera point étonné de ces résultats inespérés si
l'on se reporte aux cures merveilleuses des anciennes
préparations aurifères à tout jamais tombées dans l'oubli,
en raison des dissolvants corrosifs, seuls admis pour
l'or depuis l'inlroduclion des sciences chimiques; ce qui
rendait le remède pire que le mal lui-môme.
Nous possédons aujourd'hui un dissolvant bien supé-
rieur: le fluide électrique, lequel, de plus, est tout à fait
inoffensif, grâce à l'électricité statique, qui seule est
capable de saturer du précieux métal, sans décomposer
la véhicule en quoi que ce soit. Aussi, nous n'avons pas
craint de nommer cette panacée nouvel or potable.
Citons quelques observations authentiques et person-
nelles : sur nos conseils en effet bien des malades, quoi-
que fort âgés, ont recouvré la force des organes digestifs
depuis longtemps perdue; entre autres notre vénérable
confrère, le Dr Guidi, mort à l âge de 96 ans, des
306 THÉRAPEUTIQUE.
suites d'une fracture du col du fémur, et non de
caducité; un homme conservé au moral comme au
physique, mort à 92 ans, et qui chaque hiver avait
des fluxions de poitrine dont il triomphait ; plu-
sieurs dames et demoiselles de 75 à 85 ans, etc Nous
pourrions citer un grand nombre d'exemples de lon-
gévité exceptionnelle pour notre ville, grâce à l'emploi
de cette eau; il suffît de constater le fait. Parlons bien
plutôt avec détails des maladies proprement dites que
ce moyen a pu maîtriser. En voici quelques uns :
M** V..., âgée d'environ 60 ans, au teint fleuri, et
jusque-là d'une santé robuste, fut atteinte, il y a quel-
ques années, d'une fièvre continue d'abord, puis à pa-
roxysmes indéfinis, qui progressivement prirent l'im-
portance d'accès à forme pernicieuse. C'était vers deux
heures de la nuit qu'apparaissaient de l'angoisse, des
frissons, des hoquets suivis de vomissements bilieux,
très-foncés et quelquefois sanguins, des sueurs froides
et de l'accablement durant le reste de la nuit et tout le
jour. L'inappétence était complète, la langue jaunâ-
tre, les selles ordinairement dures, rares, parfois
diarrhéiques, des épistaxis fréquentes. De l'avis de
plusieurs confrères, il y avait affection hépathique grave,
bien que rien ne le décélàt à l'inspection abdominale.
Beaucoup de médicaments avaient été donnés presque
sans résultat, en première ligne, le sulfate de quinine ;
le mal datait de plusieurs mois et menaçait prochaine-
ment la vie. Une consultation eut lieu, et nous propo-
sâmes l'électricité, spécialement l'eau électrisée, qui
furent acceptées ; l'eau fut donnée par quart de verre à
liqueur, afin d'obtenir la tolérance. En rnème temps
nous soumîmes le malade à l'action électrique, bien qu'il
fût au lit. Etant nous-même sur l'isoloir, et une machine
de rotation mise en mouvement, nous dirigeâmes un
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ÉTUDES DE THÉRAPIE ÉUXTIUQl'E. 307
courant au moyen d une lige d'or, sur tout le tube di-
gestif, puis des étincelles avec une boule d'or sur les
membres inférieurs, depuis la colonne do rso- lombaire
jusqu'aux pieds, ce qui terminait les séances.
Les fonctions digestives se firent un peu dès le lende-
main, et allèrent en s'améliorant presque sans inter-
ruption jusqu'à la convalescence, qui ne tarda pas plus
de trois semaines. La guérison ne s'est point démentie.
Voici une autre observation que nous avons relatée en
détail dans ce journal, t. xxm, p. 364; nous n'y revien-
drons pas; rappelons simplement ici qu'il s'agissait d' une
affection cérébrale, de nature probablement syphilitique,
ayant entraîné le coma et menaçant très-prochainement
les jours du malade. L'eau d'or fît tous les fra;s de la
guérison, sans l'intervention de l'électricité elle-même.
Plus récemment, un autre jeune homme, à la suite
d'accidents blennorrhagiques prétendus guéris, avait
vu ses urines se troubler, au point de ressembler à du
petit lait; il avait en outre la perception de mouches vo-
lantes avec diminution de la vue, à gauche. Bien que
l'œil fût sain en apparence, l'état des urines, le trouble
vésical et un ensemble de symptômes généraux, pou-
vaient faire craindre une maladie constitutionnelle lar-
vée, qui avait résisté, jusqu'à ce jour, à toute médica-
tion, et devenait pour ce malheureux jeune homme un
véritable sujet de désespoir. — C'est dans ces déplorables
circonstances que l'eau d'or, à la dose de trois verres à
liqueur, portés progressivement à un demi -verre ordi-
naire par jour, a modifié de plus en plus l'état local et
général, au point que laguérison a été assurée en quel-
ques mois.
Nous pourrions aussi rapporter l'histoire d'une pieuse
dame dont l'estomac ne pouvait digérer, depuis longues
années, que des bifleacks ou des soupes, et qui, au
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308 THÉRAPEUTIQUE.
moyen de quelques bouteilles d'eau éleetrisée, ainsi que
de courants sur l'épigastre et l'hypochondre avec de
l'or, a récupéré assez de force pour faire maigre et
même jeûner durant tout un carême, ce qui ne lui était
pas arrivé depuis plus de vingt ans. Voilà plusieurs
années que la guérison se maintient parfaite.
Un notaire des environs de Lyon avait des vomisse-
ments incoercibles depuis quarante ans. L'eau d'or les
a fait disparaître en quelques mois.
Plusieurs boulimies ont été guéries également par ce
moyen ; une entre autres, chez le parent d'un médecin,
qui avait usé de tout l'arsenal thérapeutique.
Nombre de tumeurs trouvent dans l'eau d'or un dis-
solvant incomparable. Telles sont les orchites et épidi-
dymites chroniques, les goîtres de diverses natures, les
nodus et fongosités articulaires; mais le plus souvent
il faut employer simultanément les courants ou les étin-
celles. On peut môme dire, sans craindre de se tromper,
que pour toutes les affections tributaires de l'électricité
il serait bien de faire boire de l'eau d'or en même temps
que l'on fait les passes électriques ; l'expérience nous a
appris que toutes les cures en sont activées.
Dans les maladies externes ou chirurgicales, il con-
vient également de faire baigner les parties malades, ou
au moins de les humecter avec cette eau. Des ulcères
chancreux lui ont dû la guérison.
La, dose interne pour un enfant, comme pour un adulte,
est d'abord d'un demi-verre à liqueur, matin et soir,
demi-heure avant ou trois heures après les repas.
Cette dose peut être progressivement élevée jusqu'au
verre entier ordinaire, divisé par fractions ou bu en
une fois, ce qu'on observera surtout dans le traitement
des maladies chroniques. Dr Frestier
(de Lyon\
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CORRESPONDANCE
A PROPOS DES POISONS MORBIDES.
Cette lettre, a été adressée au rédacteur de la Tribune
médicale, à propos d'un article dans lequel on expliquait
la plupart des maladies aiguës par la sueur rentrée, con-
sidérée comme un poison morbide,
Très-honoré confrère,
« Dieu, délivre-nous du malin et du langage figuré ! Les méde-
cins m'ont pensé tuer voulant me rafraîchir le sang ; celui-ci m'em-
prisonne de peur que je n'écrive du poison; d'autres laissent reposer
leur champs et nous manquons de blé au marché. »
J'ajouterai, si vous le permettez, à ces paroles si vraies de Paul-
Louis Courier : Un de mes confrères a pensé tuer son malade atteint
d'angine couenneuse en voulant détruire le poison iliphthéritique avec
l'acide phénique! Mon Dieu, délivrez-nous du langage figuré!
Quand donc les médecins se décideront-ils une bonne fois à sortir
de l'étiologie hypothétique? Quoi! Molière ne nous a pas corrigés,
et il faut que nous remplacions toutes les sottises des hypothèses
humorales par de nouveaux contre-sens physiologiques, et que les
poisons morbides viennent tenir lieu de la bile et de l'atrabile !
Mais qui donc nous oblige à trouver l'explication physiologique
des maladies et nous contraint à déraisonner surcette obscure ques-
tion ? Pour moi, je vous le déclare franchement, j'aimerais mieux,
sauf le déshonneur, être condamné aux travaux forcés à perpétuité
que d'être obligé de rechercher la quintessence, la nature d'une
maladie quelconque, fût-ce même celle du rhume du cerveau; et je
trouve qu'il est déjà bien assez dur d'assister aux pénibles etinfiuc-
tueux efTort de ceux qui, tourmentés par le mauvais génie de la
Médecine, s'attellent volontairement à cette question insoluble de
l'explication des maladie et nous donnent la sueur rentrée comme
une intoxication, sans songer qu'il faudrait d'abord démontrer que
la sueur est un poison, et ensuite que la sueur peut rentrer ! Per-
fectionnons de plus en plus la nosographie, c'est-à-dire l'histoire
naturelle des maladies, étudions les formes et les variétés sous les-
quelles se montre chaque espèce morbide ; puis, sur cette nosogra-
phie positive, asseyons une téra peu tique positive. Mais, pour Dieu,
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310 LETTRE A PROPOS DES POISONS MORBIDES.
ne dirigeons plus contre une cause morbifique hypothétique la vertu
plus hypothétique encore d'un médicament, sous peine d'être comme
le valet dont parle Scarron, « qui de l'ombre d'une brosse frottait
l'ombre d'un earosse. »
Mais revenons aux poisons morbides.
Pour les médecins qui acceptent cette étiologie, le poison mor-
bide est une cause morbifique qui altère le sang et produit tous les
symptômes de la maladie. L'observation enseigne que cette cause a
les caractères suivants :
i° Elle a pour supports des solides ou des liquides qui servent
d'instrument à la contagion ;
2° Ces solides ou rcs liquides ne possèdent point de caractères
physiques ou chimiques spéciaux ;
3° Le poison morbide n'agit qu'après une incubation ;
4«j 11 est .«ans aucune action sur un nombre très-notable d'indi-
vidus ;
5° Certains poisons morbides n'agissent qu'une seule fois sur le
même individu ;
6» Enfin l'action n'est nullement proportionnelle à la quantité
du poison .
D'où il est facile de conclure que les poisons morbides n'ont au-
cune analogie avec les poisons ordinaires, et que l'expression est au
moins mal choisie. Mais, très -honoré confrère, ce n'est pas moi qui
prendrai la peine d'écrire plus de quatre lignes pour faire la guerre
à une expression impropre, persuadé que la définition et l'usage ont
bien vite fait oublier la signification purement littérale. Si j'inter-
viens dans le débat, c'est que les liquides et les solides inoculables
auxquels on donne le nom de poisons morbides ne sont pas la cause
de la maladie.
Comment, me dira-t on, le liquide inoculable du chancre n'est pas
la cause de la syphilis? le pus de la pustule variolique n'est pas la
cause de la variole? le poison diphthérique n'est pas la cause de la
diphthéiïe? Non, très-honoré confrère ; c'est l'organisme vivant qui
engenùre toutes les maladies, c'est lui qui les contient toutes en
puissance, et qui, spontanément ou après une contagion, déroule
toute la série des symptômes et des lésions qui constituent la ma-
ladie.
L'homme est un être maladif et qui fait des maladies avec les
circonstances extérieures qui l'environnent, comme les ruminants
font de la viande avec du fourrage, et chaque variété de l'espèce
humaine, chaque individu dans la variété a une aptitude spéciale à
telle ou telle maladie, en sorte que la race nègre n'a pas d'aptitude
pour la fièvre intermittente et la fièvre jaune, et qu'il y a des indi-
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LETTRE A PROPOS DES POISONS .MORBIDES. 311
vidns dans toutes les races qui sont disposés à contracter un certain
nombre de maladies déterminées, et qui sont complètement réfrac-
taircs à un certain nombre d'autres. Ainsi il est des sujets qui ne
peuvent être vaccinés ou qui ne peuvent contracter la syphilis, etc.
C'est ce que J.-P. Tessier appelait la théorie des « prédispositions
définies » , théorie qui est la base véritable de l'étiologie positive, et
qui, appliquée a tous les êtres organisés, se formule en ces termes :
«Chaque être vivant est malade suivant son espèce et suivant son
individualité. »
Il nous faut maintenant démontrer que les «poisous morbides»,
qui n'ont aucune des propriétés des poisons, ne sont pas la cause
des maladies.
Nous n'irons pas chercher nos preuves dans des explications
physiologico-chiuiiques plus ou moins spécieuses, mais bien dans les
faits les plus vulgaires et partant les mieux connus. Voyons com-
ment se comporte le contage de la variole vis-à-vis de l'organisme
humain? Joue-t-il le rôle d'une cause interne et efficace? Peut-on
comparer son action à celle d'un poison véritable, de la strychnine,
par exemple, ou, au contraire, n'est-il que la condition habituelle-
ment nécessaire du développement de la variole? L'observation et
l'expérimentation nous fourniront ici tous les renseignements dési-
rables.
Il peut se présenter cinq cas :
1° L'organisme humain résiste absolument, et l'inoculation même
est impuissante à faite naitre la variole. Ici le poison varioleux perd
ses propriétés toxiques ; c'est un poison qui n'empoisonne pas ;
2° L'organisme humain, après avoir succombé une première fois et
contracté la variole, devient, pour un temps, complètement rôfrac-
taire au contage varioleux.
Dans ce cas, le poison varioleux est tour à tour toxique ou inerte ;
3° L'organisme succombe dans les conditions habituelles de la con-
tagion (cohabitation, respiration d'un air chargé d'émanations de
varioleux, etc.), mais la maladie revêt les formes les plus diverses :
bénignes, malignes, continentes, et ces formes ne sont pas en rap-
port avec la puissance du poison, mais avec l'organisme du malade,
en sorte que la variole bénigne peut communiquer une variole ma*
ligne et réciproquement ;
-i" L'organisme succombe, mais dans des circonstances toutes spé-
ciales, par suite de l'inoculation; et. malgré la puissance de ce mode
de communication des maladies contagieuses, la variole inoculée
est presque toujours bénigne ;
3" Enfin la variole, au moins une fois, est née 'en l'absence de
toute contagion, et cette circonstance, si rare pour la variole, est
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312 LETTRE A PR0!>OS DES POISONS MORBIDES.
fréquente pour d'autres maladies dont l'étiologie est soumise aux
mêmes hypothèses des poisons morbides, pour la diphthérie, par
exemple.
Le fait conserve donc toute sa valeur pour la discussion générale.
Eh bien, tous ces faits restent inexplicables si on se place dans la
théorie des poisons morbides et des causes externes vraies (c'e^ ù-
dire de colles qui produisent réellement une affection morbide).
Comparez à l'action du contage varioleux l'action d'un vrai poi -
son, de la strychnine, par exemple, vous ne trouverez que des diffé
renées et pas une analogie.
Dans l'espèce humaine, la strychnine est une cause certaine de
lésions et de symptômes pour tous les individus de l'espèce, à quel
que race qu'ils appartiennent. On n'observe ici ni immunité natu-
relle, ni immunité acquise, et l'effet produit est simple, prévu à
l'avance, proportionné à la dose du poison. Ici l'organisme «se laisse
aller complètement » ; il est dominé par la cause externe, qui mé-
rite bien le nom de cause, parce qu'elle contient réellement sou
effet et qu'elle l'engendre fatalement, quoique cependant l'orga-
nisme humain pâtisse toujours, même dans ce cas, suivant sa na-
ture.
Notre première conclusion est donc celle-ci : les prétendus poi-
sons morbides n'agissent pas comme les causes externes eflicaces,
comme les poisons véritables.
Mais plaçons-nous au point de vue de la théorie des prédisposi-
tions délinies : l'organisme engendre les maladies avec ou sans le
concours de circonstances extérieures déterminées.
Alors tout devient clair dans l'étiologie de la variole et des mala-
dies contagieuses.
D'abord leur production en l'absence de tout contage, ensuite l'im-
munité naturelle ou acquise de certaines races et de certains indivi-
dus ; jiuis le défaut de proportion entre le contage et la maladie pro-
duite, les formes bénignes engendrant les formes malignes et réci-
proquement.
Il ressort de tout ceci que : 1° l'organisme domine complètement
la cause externe, la contagion, qu'il l'accepte ou la repousse, et que,
quand il la reçoit, il la moditie et ne l'accepte que sous condition.
De là les formes si diverses des maladies contagieuses.
En un mot, le poison morbide n'est qu'une cause secondaire. La
chaleur et l'humidité, bien que nécessaires à la germianation, ne sont
pas la cause du développement des plantes. La cause véritable de la
germination est dans la graine, comme la cause véritable des mala-
dies contagieuses est dans l'organisme vivant, et non dans de pré-
tendus poisons.
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LETTRE A PROPOS DES POISONS MORBIDES. 313
La vérité delà théorie étiologique que nous soutenons devient en-
core plus éclatante dans l'histoire de la « petite vérole inoculée. »
Pourquoi, si le pus varioleux est un poison véritable et agissant
à la manière des poisons, pourquoi produit-il une variole très-béni-
gne quand il est inoculé à un sujet en bonne santé? Le pus vario-
leux inoculé à un individu sain ne produit qu'une variole mitigée,
parce que l'organisme de la personne était très-peu disposé à ce
moment à produire la petite vérole, et que, sollicité par le contage,
alors que la prédisposition a la variole n'était pas mûre, l'organisme
ne peut produire qu'une variole avortée.
Toutefois (et c'est là un fait digne de remarque*, si l'organisme
était prêt à concevoir la variole, l'inoculation déterminait une forme
grave et quelquefois mortelle, et ce résultat a été produit plusieurs
fois par l'inoculation.
Deuxième conclusion. — La cause interne, la disposition de l'orga-
nisme, la prédisposition définie domine complètement les phéno-
mènes dans les maladies contagieuses ; le contage n'est qu'une cir-
constance plus ou moins nécessaire à la production de la maladie,
mais tout à fuit incapable de la produire par lui-même.
Le contage joue dans la production de la variole le même rôle
cpie l'humidité et la chaleur jouent dans la germination d'une plante.
C'est une condition nécessaire, ce n'est pas une cause. Les prétendus
poi«ons morbides ne sont donc pas des poisons, puisque ce ne sont
pas des causes externes efficaces, puisque enfin leur action, entière-
ment subordonnée à l'organisme, n'a aucune analogie avec l'action
des poisons véritables. Les poisons morbides ne sont donc que des
expressions d'un langage figuré, de véritables métaphores.
J'ajoute pour terminer, mon très-honoré confrère, que cette mé-
taphore a déjà coûté la vie à bien des malades. En effet, n'est-ce pas
parce que certains médecins croient que la diphthétie est causée par
un poison morbide qu'ils la traitent par des injections hypodermi-
ques d'acide phénique ? On traite de même la variole, la scarlatine
et toutes les lièvres éruptives ; de même aussi la lièvre typhoïde, le
choléra, la peste, la dysenterie, la grippe, etc., et, d après votre cor-
respondant de dimanche dernier, la fièvre intermittente, la pneumo-
nie, la pleurésie!!!
Laissez faire la logique de l'esprit humain et son amour pour les
systèmes, et bientôt la pathologie et la thérapeutique seront simpli-
fiées : il n'y aura plus qu'une maladie, l'empoisonnement morbide,
et qu'un remède, l'acide phénique, ou toute autre substance que
notre imagination aura douée de propriétés antiseptiques univer-
selles.
Je connais déjà bien des médecins qui ont glissé sur cette pente
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3 M LETTRE A PROPOS DES FOISONS MORBIDES.
et j'ca ai peur, lu génération médicale tout entière y glissera. 11 est
si commode d'avoir un système facile à exposer et à comprendre et
qui réponde à toutes les difficultés de la pratique !...
Le bon sens, les déceptions thérapeutiques finiront, je le sais, par
faire justice de ce faux système des poisons morbides, mais, en at-
tendant, ce sont les malades qui « paient les pots cassés.» Que ne
puis je persuader à tous mes confrères de faire un pacte avec eux-
mêmes et de s'engager à ne jamais accepter comme base de leur pra-
tique une hypothèse non vérifiée, à ne faire que de la pathologie
exacte et de la thérapeutique posititive. Je leur promets beaucoup
de travail ; mais, ainsi qu'a dit le bonhomme :
Travaillez, prenez de la peine,
C'est le fonds qui manque le moins.
J'ajouterai que c'est là le seul moyen de pratiquer honnêtement
la profession médicale.
Agréez, je vous prie, l'assurance de mes sentiments de boune
confraternité.
P. Jousset.
VARIÉTÉS
DÉSORDRES DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE.
L'École de médecine continue à être le théâtre de scandales inter-
mittents. Le cours de M. le professeur Tar.licu est depuis huit jours
outrageusement interrompu par les scènes les plus déplorables. Des
huées, des chants, des injures, des accusations violentes et gratuites
île faux témoignage , de basse vénalité , des projectiles plus inso-
lents que dangereux, des sous jetés sur la chaire du professeur, sa
voiture retenue dans sa marche par je ne sais quel jeu dérisoire,
indigne d'étudianls sérieux, sa démission hautement exigée, tels
sont les tristes moyens de vengeance dirigés contre le savant expert
appelé à déposer devant la haute cour de justice.
Rien n'a trouvé grâce devant cette hostilité, au fond toute poli-
tique, ui l'ancienne popularité de M. Tardieu, ni la bonne tenue du
professeur, ni sa fermeté, ni ce quelque chose de si puissant et de
si respecté d'ordinaire en France , c'est-à-dire la faiblesse d'un
homme seul contre une foule irresponsable et sans nom. L'incon-
testable talent du professeur, le mérite et la valeur de son enseigne-
ment, la protestation d'un grand nombre d'auditeurs studieux et
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VARIÉTÉS
315
bienveillants, l'appel u la modération fait par l'élite des élevés en
médecine, par les internes de l'Hôtel- Dieu, l'inégalité de la lutte
entre une voix qui ne pt*ut se faire entendre et les clameurs d'une
légion d'adversaires, rien n'a pu triomper de cet abus de la force
de la part d'une multitude en délire.
Nous n'avons pas à juger la déposition de M. Tardieu à Tours. Il
l'a faite sous serment devant la justice divine et humaine. On doit
supposer qu'il l'a faite selon sa conscience , et personne ne peut
contester en matière de médecine légale sa science et ses lumières.
Qui donc a le droit de l'attaquer? Eût il d'autres torts, il est dans
l'exercice de ses fonctions comme professeur, comme il Tétait dans
celle d'expert et de témoin ; on doit respecter sa liberté de con-
science; l'insulter, lui demander sa démission, c'est juger un homme
non-seulement sans aucun droit, mais même sans l'entendre, c'est
un odieux abus de la force, c'e*t «ln l'arbitraire, c'est de la tyrannie.
Sans doute on peut dire que la Faculté, faisant depuis nombre
d'années litière de toute idée morale, de tout principe respectable,
n'a plus d'arme contre le désordre, et qu'ayant semé le vent, elle
récolte la tempête. Il n'en est pas moins triste de la voir ainsi dé-
sarmée contre de pareilles révoltes.
Qu'a-t-elle pu faire en effet? Fermer ses portes contre l'émeute,
après quatre séances où elle est restée maîtresse, suspendre tous les
cours, et donner ainsi satisfaction aux insurgés, au détriment des
étudiants paisibles, des jeunes gens laborieux, et cela sans certitude
aucune d'une solution définitive.
Quel argument pour la liberté d'enseignement ! Croit-on que si
l'État n'enseignait pas, que si les professeurs officiels n'étaient pas
des fonctionnaires, on rendrait responsable le savant des opinions
de l'homme public?
Si les étudiants étaient libres de suivre une école de leur choix,
l'État serait délivré de bien des ennuis et d'inextricables difficultés.
Au lieu d'interrompre les leçons d'un professeur qui leur déplairait,
les élèves se borneraient à déserter son cours et à lui retirer leur
subvention volontaire. Ils iraient ailleurs. La liberté de chacun se-
rait respectée et la paix publique ne serait pas troublée.
FONDATION D'UN HOPITAL HOMEOPATHIQUE.
La Société homœopathique de France fonde un hôpital qui
comble un vide et répond à un besoin urgent de notre époque.
U ouvre aux malades pauvres un asile qu'ils ont trouvé pendant
316
VARIÉTÉS
quatorze ans dans les hôpitaux de Paris, grâce à la courageuse ini-
tiative du Dr Tessier, mais qui, depuis sa mort, leur est fermé, au
mépris du droit qu'a tout homme de confier sa vie, sinon à un mé-
decin de son choix, du moins à un mode de traitement qui lui in-
spire confiance.
Quand elle a pu pénétrer dans les hôpitaux, l'homœopathie y a
donné (les statistiques officielles le démontrent) une mortalité
moindre, des guérisons plus rapides, une grande économie, la pos-
sibilité de traiter plus de malades dans un temps, dans un espace
donnés.
La France ne peut sous ce rapport rester en arrière de l'Alle-
magne, qui possède 16 hôpitaux homœopathiqnes ; de l'Angleterre,
qui en a 6; de l'Amérique du Nord, qui en a i; de la Russie, du
Portugal, île la Suisse, de l'île de Cuba, qui en ont chacun I .
Il est donc temps que l'initiative privée fonde à Paris un établis-
sement de ce genre, modeste à son début, mais riche d'avenir, qui
assure à la classe laborieuse les bienfaits d'une médication dont elle
jouit dans presque tous les pays étrangers.
Cet établissement, placé dans le voisinage des écoles, permettra
un enseignement clinique et la déinonsi ration d'une vérité scienti-
fique à laquelle cette publique épreuve ne peut être refusée plus
longtemps.
Confié à la surveillance de religieuses hospitalières, à la direction
d'une Commission nommée par la Société homœopathiquc de
France, aux soins éclairés de médecins désignés par leurs confrères
souscripteurs, cette fondation, qui n'est l'œuvre ni d'un seul, ni de
quelques-uns, mais du plus grand nombre, présente à la fois les
garanties d'une œuvre charitable et d'une oeuvre seieutihque ; elle se
recommande donc d'elle-mi'me à toute la bienveillance des esprits
élevés et des cœurs généreux.
Alph. Muxent.
Le Rédacteur en chef, Julks Davassk.
l'ari».. - Imprimerie 4. I aiunt, rur Monseur-le -rnnee. 3!.
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L'ART MÉDICAL
MAI 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS.
— SUITE —
§ III, — Pathologie.
La pathologie fut travaillée vigoureusement dans ce
xvie siècle, tant au point de vue de sa doctrine que de
ses autres branches.
I. Doctrine étiologique.— Bien que nous ayons déjà
parlé des théories à propos des réformateurs, nous de-
vons revenir sur la doctrine de la maladie qui n'est pas
autre que la doctrine étiologique.
Fracastor, à la fin du xv* siècle, affirmait, consolidait le
spécificisme au nom de la contagion par des particules
matérielles. La théorie fut vivement combattue par J.-B.
Montants, Valeriota et surtout par Facto (Paradozzi délia
pestilenza. Genoa, 1584), qui niait radicalement la con-
tagion.
La propagation des maladies par contact ou par des
matières contagieuses devenait évidente pour la variole,
la peste, la rougeole et surtout la syphilis. Cela ne
prouvait pas sans doute que le spécificisme réaliste fût
vrai comme doctrine, mais il s'en autorisait, soutenant
TOUR XXXI. — MAI 1S7C. ît
318 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
que la cause qui faisait naître la maladie était la vraie
cause morbide.
Ambroise Paré s'efforça d'indiquer les différences de
propagation de la variole, de la rougeole et de la peste,
et fut ainsi l'auteur de la théorie de X infection à côté de
la contagion. [Traité delà peste, de la petite vérole et delà
rougeole, avecune briève descriptionde la peste; Paris, 1568.)
Cependant la théorie du spêcificisme s'était pour ainsi
dire incarnée dans Paracelse. Avant lui, Basile Valentin
avait dit cette phrase significative, en parlant de l'anti-
moine : « Il faut, en attirant au dehors l'esprit élémen-
taire de ce métal, s'attacher à en préparer des médica-
ments, quoique par lui-môme il soit un poison violent;
le poison de la maladie est en effet chassé par cette sub-
stance vénéneuse qui devient ainsi un remède des plus
salutaires.» (Cité par Sprengel, Hist. de la mèd., t. III,
p. 268.) Nous avons vu comment Paracelse reproduisit
cette pensée de tous les alchimistes et astrologues, et
comment il fit des maladies des résultats de cinq sortes
d'être : YEns astrale, qui vient des constellations, ne
provoque les maladies que d une manière indirecte en
activant et infectant l'air; YEns veneni est une matière
née de la corruption des substances alimentaires que
nous avons ingérées, et cette matière se putréfie soit lo-
calement (local i ter) dans une partie, soit dans les voies
d'excrétion (emunctorialiter), lorsque cette matière pu-
tréfiée qui devrait être expulsée est retenue dans l'éco-
nomie; YEns naturale comprend le principe de ce que
les anciens nommaient les causes naturelles et sur les-
quelles les autres ont une influence; YEns spirituale est
l'influence morale; YEns deale est l'influence de Dieu
par la religion qui embrasse tous les effets immédiats
de la prédestination divine. Cette doctrine donnait ainsi
aux maladies diverses des causes réellement subsistantes
Digitizeci by (
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 319
dans l'individu malade, et substantialisait, pour ainsi
dire, les maladies. C'était le spécificisme dans sa plus
franche affirmation. Et icsdiseiples de Paracelse, comme
Pierre Séverin, admettaient pour les maladies une sorte
de pousse, de germination, de développement analogue
à ce que montrent les plantes ou les animaux ; d'où
cette expression de semina morborum ( les semences des
maladies) dont ils se servaient. La maladie redevenait
ainsi soit un empoisonnement, soit un parasitisme;
doctrine déjà agitée dans l'antiquité.
Beaucoup de médecins ne voulaient point accepter
ces théories. Les uns, en petit nombre, attachés aux
thèses scolastiques, comme Mercado et même Fernel,
soutenaient nettement que les maladies ne sont que des
formes accidentelles sans réalité et sans, substance pro-
pre. Les autres se rattachaient à Galien, en arboraient
franchement le drapeau, soutenaient carrément que les
maladies ne sont que des affections organiques , qu'il
n'y faut point voir des êtres et pas même des espèces,
que ce sont de simples souffrances des parties malades
ou de leurs éléments, ou de leurs humeurs. Dans ce
camp se distingua particulièrement Thomas Eraste, dont
le vrai nom était Lieber (né en 1523, mort en 1583), qui
poursuivit à outrance le paracelsisme dans ses Disputa-
tûmes contra Paracelsum (4 parties, de 1572 et 1573), et
ne ménagea guère plus le parti des concessionnistes, à
la tête desquels il signalait Fernel.
J. Fernel, dont nous nous sommes déjà occupé en
parlant des Institutaires, était, il est vrai, disposé aux
concessions, comme le lui reprochait Th. Éraste, mais,
tout en s'enveloppant dans de grandes réserves, et pen
chant tantôt du côté de Galien ou de la scolastique, tan
tôt du côté des réformateurs. On a écrit « qu'il fut le
premier des classiques à oser secouer le joug de Galien.»
320 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
Cela n'est point l'exacte vérité; car si sur certains points
il ne s'accorde pas avec Galien, sur d'autres, au con-
traire, il fait profession de s'en rapprocher le plus pos-
sible. Pour être juste, il faut dire de lui qu'il sentit très-
bien la portée de la doctrine du mal telle que l'avaient
posée les scolastiques, et qu'il ne méconnut pas combien
l'idée des maladies naturellement distinctes les unes
des autres, idée qu'Hippocrate avait saisie, et qui rece-
vait une si grande démonstration de la production des
maladies nouvelles, avait été mal comprise de Galien.
D'un autre côté, il trouvait dans Galien une systémati-
sation scientifique dont il ne méconnaissait pas la gran-
deur, et des commentaires qu'il sentait être une légi-
time expansion de l hippocratisme. Il garda donc de
Galien tout ce qu'il en put conserver, il le commenta
môme et l'exposa de telle manière que Galien en eût
été honoré ; et, d'une autre part, il modifia profondé-
ment la doctrine pathologique de ce maître. Jugeons-en
sur les textes.
Il définit d'abord la maladie, une affection du corps vi-
vant : morbus est affectus contra naturam corpori insidetis
[Patholoyiay lib. i, cap. 1). Il semble ainsi qu'il est seule-
ment galéniste, mais il ajoute que ce mot affectus doit
rendre le mot grec &*0eaiç : quœ grœcis est SiaôeGK, affec-
tus nobis appellatur [ibid.). Et pour qu'on ne s'y trompe
pas, il parle, selon Galien, des maladies des intempéries,
des maladies des parties similaires et de celles des parties
organiques; mais il a soin de montrer que la maladie
dans le sens générique est une affection de toute la
substance : affectus totius substantix. Gomme les scolas-
tiques, il dit : forma est morbi species in materiam impressa
inductaque (ibid., ch. H), où l'on voit que pour lui les
espèces morbides sont des formes sans réalité propre, de
simples impressions.
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KTUDE SUR NOS TRADITIONS. 32!
Ola lui permet de distinguer nettement l'affection
maladie de l'affection symptôme, ce que personne n'avait
encore fait d'une manière aussi nette. La maladie est
une affection de toute la substance du corps vivant ; le
symptôme ou affection locale est un désordre d une par-
tie ou de ses fonctions. «Objectum (c'est-à-dire le corps
«vivant) vero palitur et afficitur, hicque ejus motus
« affectio est atque perpessio, greccis iraôo;, vel rafl^a. Ex
« affectione tandem proficiscilur affectus, qui grœcis &a-
«ôcci;, quasi impressum affectionis vestigium. » Gela
n'est pas encore bien clair, mais il ajoute plus loin : « Di-
« versa tamen iisdem sunt Siaôsciç xal iraôoç, id est afïec-
« tus et affectio seu perpessio, ut rursum sunt raôstv xal
«voativ. ila sane afpci et œgrotare. Solum aegrolat quod
« morbo et affectu tenelur ; afficitur vero tum affectione. »
(Patholog., lib. i, cap. 1.) Enfin toutes les obscurités se
dissipent lorsqu'il dit : « Quod in partibus (substantia?)
«morbus; quod in functionibus, symptoma. » (Ibid.,
cap. 3). Et ensuite : « Totius substantiœ morbi sunt,
« qui partium substantiam primum et per se oppug-
« nant. » (Ibid., cap. 7.)
D'où il suit que la maladie est une forme morbide de
l'être vivant, une manière d'être, comme le disaient les
scolastiqucs, non point simplement un état des parties,
comme l'entendait Galien, et non point un être réel, ens
morbosus, comme l'entendent les spécificiens. C'est, pour
parler rigoureusement, une espèce morbide, une forme
imprimée et insinuée à la substance vivante : «Forma est
« morbi species in materia impressa inductaque. »
(Ibid., cap. ii). D'où il suit que, dans la méthode cura-
tive, il faut tenir compte de Y espèce morbide et de son
siège : « Quoniam autem ad curandi methodum, non
<« modo morbi speciem, vei uni etiain corporis safrm oui
« is inhrorescit compcrlaïucsscl oporlel, eoiivenil uUig-
322 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
« nuin insalubrium, alia sedem afiectam, alia morbum qui
« in ea consistil. » (IbùL, lib. n, cap. 7.)
Il faut lire surtout le curieux petit traité, de Abditis
rerum causis; au livre n% consacré à la pathologie, il
passe en revue les maladies épidémiques, endémiques,
virulentes, contagieuses, et donne de la syphilis, de
l'éléphantiasis, de la rage, des descriptions trop négli-
gées ; il en examine les causes et réfute la doctrine des
spécifîciens matérialistes; il admet que tout ce qui vient
de l'intérieur peut être cause de maladie; mais que, se-
lon la doctrine d'Hippocrale, c'est en nous-méme et de
notre propre corruption que naît la maladie. En un
mot, il est galénisle pour être hippocratiste, et spécifi-
cien comme les scolastiques, mais non comme les para-
celsistes.
On pourrait citer maint autre passage en confirma-
tion des précédents sur ce point de doctrine; il n'a point
hésité. Mais il faut surtout lire le petit traité que nous
venons d'indiquer, et nous y renvoyons tout lecteur dé-
sireux de s'instruire.
Il a déduit de là toute une doctrine étiologique éloi-
gnée de colle de Galion, et où l'influence scolastique
n'est point r .''ensable. Nous citons les principaux pas-
sages de son exposition. « Les philosophes établissent
quatre genres de causes, qui sont : la matérielle, la for-
melle, Y efficiente et la finale. La matérielle, qui sert de su-
jet à la maladie commençante, c'est le corps humain,
auquel, comme nous l avons dit, réside la maladie, de
même que l'effigie d'un homme ou d'un cheval en quel-
que masse de bronze. Car l'humeur peccante n'est pas
^selon que plusieurs se sont faussement imaginé) le su-
jet matériel de la maladie, quoiqu'on puisse dire que
c'en est en quelque façon la matière efficiente. La for-
melle est l'essence do la maladie introduite et empreinte
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 323
dans la matière. La finale est la lésion et la ruine des
actions. Uefficiente, laquelle, à vrai dire, est la plus
excellente cause et la principale de toutes, est celle qui
altère et change le corps, et qui le fait décheoir du bon
état auquel il était auparavant. Le corps humain est
quelquefois incommodé de lui-même et par des principes
intérieurs; quelquefois il est intéressé par l'empire de
choses qui sont hors de lui ; de là procèdent les deux
premiers et suprêmes genres des causes efficientes, dont
les unes sont originelles et comme nées en nous
lesquelles nous accompagnent dès le moment de la
naissance; les autres sont oeewrentes (adventitiœ) et
étrangères, qui nous attaquent de l'intérieur après que
nous sommes nés. Les insitœ sont naturelles ou contre-
nature, et les unes comme les autres prennent leur ori-
gine ou de la semence du père ou du sang de la mère.
Les naturelles sont celles qui nous changent avec le
temps et nous conduisent insensiblement à la mort,
comme la chaleur vitale... Les contre-nature sont nées
d'un vice de la semence du père ou du sang maternel.
Les occurrentes (adventitiœ) , lorsqu'elles nous assaillent,
en font souvent naître d'autres en nous. Par conséquent,
de toutes ces causes-là, les unes sont externes, les autres
internes : celles-ci se divisent de nouveau en deux, anté-
cédente et continente, laquelle est aussi appelée prochaine;
de sorte qu'il y a trois causes efficientes de maladies :
les externes ou évidentes, { antécédente et la continente.
L évidente est celle qui fait antérieurement violence au
corps ou aux choses qu'il contient. La continente est celle
qui réside dans le corps, adhère et est immédiatement
conjointe au mal. L'antécédente est celle qui, étant dans
le corps avant la continente, produit et meut celle-ci.
De toutes ces causes, les évidentes sont premières et
nécessaires, et d'elles proviennent toutes les autres.. .
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3*4 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
Au reste, la dépendance et l'alliage des susdites causes
est telle que la continente vient de l'antécédente, et
l'antécédente de l'évidente; et parce qu'elles sont toutes
liées par une certaine suite et continuation, la première
en ordre est l'évidente, de laquelle les autres procèdent,
la dernière est la continente : toutes celles qui sont entre
les deux s'appellent antécédentes. Or, il n'est pas né-
cessaire que toutes ces trois causes se rencontrent dans
la production de chaque maladie ; quelquefois il n'en
intervient que deux, et quelquefois une seule. p(Pathol.y
lib. i, cap. 11.)
C'était ainsi sur la doctrine étiologique que se posait
la doctrine pathologique au xvi* siècle, et elle était bien
là sur son véritable terrain. Deux camps surtout s'y dis-
putaient, celui des réformateurs spécificiens réalistes et
celui des hippocrato-galénistcs alliés aux scolastiques,
où l'on soutenait ce que j'appellerai le nominalisme
morbide, ce qui depuis a porté le nom d'essentialité.
Dans le traité déjà cité, où Fernel débat longuement
la question, on voit les arguments résolument posés,
et tels que nous pourrions les reprendre aujourd'hui.
Ces maladies contagieuses, épidémiques, venimeuses,
ne se propagent, en réalité, que selon les dispositions
des personnes ; car toute personne attaquée n'est pas
infectée, et chacun est infecté selon sa nature. D'une
autre part, les effets de ces maladies, symptômes et lé-
sions, sont des altérations, des corruptions de notre
nature; c'est cette nature qui est malade, ce ne sont pas
des êtres qui sont en nous. Enfin tous les moyens dits
spécifiques ne sont que des alexipharmnques qui modifient
notre nature; ni les purgatifs n'expulsent le prétendu
être qui nous a pénétré, ni ces spécifiques n'agissent
sur autre chose que sur nous, et la vertu qu'on leur at-
tribue n'est qu'une qualité formelle comme la maladie
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 325
est une qualité, un mode d'être de la puissance et de la
substance de tout l'être.
Cette question ainsi posée devait durer longtemps ;
elle dure toujours; et nous la verrons changer succes-
sivement de face avec les temps. Nous la trouverons au
xvne siècle mieux élucidée encore qu'elle n'est dans
Fernel, malgré l'incroyable clarté que lui a donnée ce
grand médecin; nous la verrons au xvnie siècle être
pour la Faculté de Paris une pierre d'achoppement inat-
tendue sur laquelle vinrent se briser des privilèges plu-
sieurs fois séculaires ; et peut-être que de notre temps
elle est destinée encore à être une des causes subver-
sives de la nouvelle Faculté.
II. Nosogràphie, nosologie. — A côté de ces discus-
sions de doctrines, des médecins suivaient la trace des
observateurs du siècle précédent ; et des maladies épi-
démiques se présentaient qui leur donnaient lieu d'exer-
cer leurs talents. Nous allons voir quelles furent ces
maladies et quelles furent leurs histoires; mais, avant
tout, il faut signaler l'ouvrage de Félix Plater, intitulé
Praxeos medicx, qui est considéré comme la première
nosogràphie générale en Occident.
Pendant que la lèpre et l'éléphantiasis disparaissaient
presque complètement, la syphilis, au contraire, se ré-
pandait comme une épidémie, ayant souvent une ter-
minaison funeste. Les principaux historiens furent
J. Lange y J. de Vigo, Coyttarus, Cornarus et Thomas
Jordan, qui en décrivit une espèce particulière répandue
en Moravie pendant l'hiver rigoureux de 1597.
N'omettons pas le livre de Fracastor en 1526.
Quand la syphilis parut, on discuta de tous côtés si
c'était une maladie nouvelle, une espèce nouvelle, ou si
elle avait été connue des anciens. « Cependant, comme
32ô HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
le dit justement Freind, comme aucune maladie qu'on
puisse lire dans les ouvrages anciens, il n'y a pas eu
la môme complication de symptômes, la maladie dont
je vais parler (la syphilis) a été observée si particulière-
ment dans plusieurs circonstances, que le plus grand
nombre des praticiens les plus savants et les plus expé-
rimentés ont d'abord été convaincus qu'elle était d'une
espèce nouvelle et d'une origine moderne, et qu elle n'a
été connue ni des médecins grecs, ni des Arabes. C'est
ainsi, dis-je, qu'en ont pensé tous ceux qui ont vécu
dans ce temps-là. » (Freind, Hist. de la méd., p. 268.)
Le scorbut se répandit activement et régna épidémi-
quement vers le milieu de ce siècle, à Cologne; en 1556
et 1562, dans le Hanovre; en 1556, dans le Brabant, le
Brandebourg, la Bohème, la Silésie, la Haute-Saxe, la
Frise, la Westphalie. Les principaux nosographes lu-
rent : Jean Ec/U, Hollandais; Baudoin de Boun.de Gand;
Jeun Wyer, du Brabant; Bembert Dodoens, de Malines,
professeur à Leyde; Dalthasar Brumer, de Halle; Salomon
Alhcrti, professeur à Wittemberg; Henri de Bra, dans la
Frise; Henri Petrœus, en Westphalie; Forestus, Seeerin
'Eugalen.
La coqueluche, qui avait déjà paru en France au
xve siècle, y régna encore épidémiquement en 1510 et
1557. En 1558, elle se répandit dans l'Allemagne. En
1580, elle régna dans toute l'Europe. Ses écrivains sont:
Coyttarus, Pasquier, Marcellus Donatus, Diomède Corna-
rus, Crato.
Une épidémie de pneumonie parut en 1535 à Venise
et dans ses environs, et se répandit à Brescia et dans
toute la Lombardie en 1537.
Une pleurésie épidémique régna en 1555 dans toute
la Suisse et la haute Italie. Elle reparut en Angleterre
en 1567, pour de là se répandre dans les Pays-Bas
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étude sur nos traditions. 327
et revenir en Suisse. Elle fut extrêmement meur-
trière.
Une sorte de fièvre putride, nommée maladie hongroise,
parut en 1566 dans l'armée de l'empereur Maximiliçn II
et se répandit sur les bords du Rhin. Elle a été bien dé-
crite par Thomas Jordan.
La raphanie se montra épidémiquement pour la pre-
mière fois dans le cours du xvie siècle; en 1588 et 1593,
dans la Silésie; en 1596, dans la Bohême. Elle a été
décrite par SchwencfehL
Une fièvre pétéchiale régna en 1505 dans la haute
Italie, et reparut en 1527 et 1528; elle fut décrite par
Fracas/or. Une semblable, qui fut décrite par Coyttarus,
parut en 1557 à Poitiers et dans ses environs, à La Ro-
chelle, Angoulême et Bordeaux. Une autre se montra
en Lombardie en 1587; elle eut pour historien André
Tréviso de Fontano. Enfin Boberti en décrivit une qui
régna à Trente en 1591.
La peste parut en 1528 dans la haute Italie, se ré-
pandit très-violente dans le midi de la France en 1534;
ravagea Fribourg(en Brisgaw) en 1564, et revint cette
même année décimer le midi de la France. Joubert fut
son historien. En 1568, elle sévit à Paris, compliquée
d'une fièvre putride. Elle régna avec une fièvre tierce,
en 1574, dans leBrabant; en 1575, à Trente; en 1576,
à Venise; en 1577, à Vienne, puis à Palerme. Ses noso-
graphes sont : Ambroise Paré, Nicolas Massa, Satins Di-
versus, Gonthier d Andemach.
' Baillou, qui fut un des doyens de la Faculté de Paris
(né en 1538, mort en 1616), est l'auteur le plus remar-
quable de ce siècle pour les descriptions des maladies ;
il a été au xvifl siècle ce que Sydenham a été au xvn*. Le
premier, il fit attention aux formes épidémiques des
maladies, et indiqua comment on y peut trouver, selon
328 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
la constitution épidémique, la prédominance des élé-
ments inflammatoires, bilieux ou muqueux.
Parmi les autres observateurs pathologistes, il faut
encore citer : Amatus de Portugal , Aloysius Mundella,
Thaddeus Dunus, Victor Trincavella, François Vallériola,
Hegnicr Solcnander, Fernel.
III. SÉMÉIOTIQUE, ANAT0MIE PATHOLOGIQUE. — Pendant
le xvie siècle, la séméiotique est indiquée, elle reçoit un
nom, mais elle n'a pas encore sa place. On voit qu'elle
doit renfermer tout ce qui se rapportait dans Hippocrate
et Galien a la Prognose antique; on ne lui a pas en-
core donné toute l'étendue qu'elle doit prendre ni celle
qu'elle doit avoir. Dans ce moment, elle est encore en-
sevelie dans les commentateurs, et c'est chez L. Duret,
J. Houllier, Christofe de Vega qu'il faut la chercher. Ce-
pendant, elle tend à se dégager avec Fernel, Lommius,
de Lemos, de Fontanus et surtout Prosper Alpin.
Fernel, qui, comme nous l'avons vu, est comme le
guide classique de son siècle, intitule le second livre de
sa Pathologie : De symptomalis atque signis. I! y explique
que le symptôme est différent de la maladie et de la
cause : c'est la doctrine traditionnelle. Ensuite, il admet
trois genres de symptômes d'après Galien : « Tria sunt
<« omnino summa symptomatum gênera, actio leesa,
« excrementorum vitia, et simplex corporis affectus. »>
(Gap. 2.) Quant aux signes, ce sont de simples appré-
ciations de l'esprit : « Morbi in intimo recessu conditi,
« qui neque cerni, neque sensu ullo percipi possunt,
« solis signis intelliguntur, quibus tanquam rerum indi-
« ctis mens recta rationo ducitur, et in recondita pene-
« trans, quœcumque magna obscuritate involvuntur sic
« aperit, ut oculis ea cernere videatur. Tan la est signo-
« rum nécessitas, ut bis sublalis nmlicime fundaincnta
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 329
« eorruant... quidquid igitur sensibus nostris obvium aliud
« quippiam latens et occultum comitahir : id illius est sig-
« num. » (Gap. 7.) Il divise ensuite les signes en pronosti-
ques et démonstratifs : les pronostiques sont de trois gen-
res, alt'a coctionis vel cruditatis, alia salutis vel mortis, alia
decretoria; les démonstratifs sont : salubres, insalubres ou
neutres (ibid.). Dans le livre 111e, il traite spécialement des
signes tirés du pouls et des urines.
Fernel fait là, d'après Avicennes du reste, une dis-
tinction entre les symptômes et les signes.
Lommius a écrit dans ce siècle un ouvrage que l'on
considère comme le premier traité d'ensemble sur la
séméiotique; il est intitulé : Observatiomtm medicinalium,
libri très; Antverpiae, 1560. Sa traduction française est
sous ce titre : Tableau des maladies où F on découvre leurs
signes et leurs événements; Paris, 1712. Cet ouvrage est
divisé en trois livres : 1* Où ton traite des maladies qui
attaquent généralement le corps humain; 2° où Ion découvre
les signes et les événements des maladies qui sont propres à
chaque partie; 3° où f on traite des pronostics que F on peut
tirer au sujet tant des maladies en général que de chacune en
particulier. Il y a dans ce petit livre de précieuses remar-
ques, un excellent esprit d'observation ; mais il n'y a
pas un vrai traité de séméiotique; aussi les divisions
générales de l'auteur ne nous sont-elles pas utiles.
Les deux traités de Lemos (De optima prœdicendi ra-
tione, lib.vi; Venise, 1592) et de Fontanus (Pronosticarum
ad artem medicam spectantium perioche ex Hippocrato et
Galeno collecta. Turnoni, 1597) sont bien moins estimés.
Sur les jours critiques, Amatus de Portugal fut le prin-
cipal écrivain ; et ensuite Augustin iV7/b, Lucas Gorico,
astrologue; /. Cardan, Fracastor.
L'uroscopie, qui s'était enrichie chez les Arabes, fut
soutenue par Clément Clementinus, G.-A. Scribonius,
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330 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
Hercule Sassonia, Thomas Fyens. Elle fut, au contraire,
attaquée dans ses abus par /. Lange, Forestus, Sigismond
Kaehenter.
Joseph Struthius, Léo Rognant écrivirent sur le pouls.
Le Traité de Prœsagienda vitaet morte de Prosper A/pin,
et le Tableau de* maladies de Lommius sont les deux plus
remarquables ouvrages de ce temps sur la séméiotique ;
ils méritent aujourd'hui encore d'être lus avec attention
par le médecin soucieux de son art.
Le traité de Prosper Alpin ouvre ce siècle d'une ma-
nière vraiment remarquable ; il est resté dans la science
comme une œuvre classique, et aujourd'hui encore il
mérite d'être lu et médité. Il est divisé en sept livres :
dans le premier, il est question des signes pronostiques
qu'indiquent l'état des fièvres; dans le deuxième, il est
traité du délire, des sens externes, de la surdité, du tin-
tement d'oreille, de la chaleur et du froid, des dou-
leurs, des veilles et du sommeil, etc. ; dans le troisième,
le pronostic est tiré des facultés motrices, du décubitus,
de l'inquiétude et l'anxiété, les palpitations, les convul-
sions ; dans le quatrième, le pronostic est tiré des facul-
tés vitales, du pouls, de la respiration et des facultés
naturelles; le cinquième est consacré à l'état des par-
ties; le sixième contient les crises; le septième parle des
excrétions. — Ce plan sort, comme on peut le voir,
d une pensée très-nette qui pose en principe qu'il faut
étudier les phénomènes morbides les uns après les
autres en les classant par genres. 11 ne s'agit plus ici de
distinctions subtiles entre les signes et les symptômes :
l'auteur prend les phénomènes les uns après les autres,
et il montre quels signes on peut en tirer dans telles ou
telles circonstances. C'est bien là l'idée d'Hippocrate
dans toute sa pureté, dans toute sa netteté; aussi le traité
Prœsagienda vita et morte est-il dans la tradition directe
ÉTUDE SUR N08 TRADITIONS, 331
des prénotions et du pronostic, et le premier qui leur ait
véritablement succédé. Mais, il faut lo reconnaître, l'au-
teur at trop négligé la diagnose : en parlant de chaque
phénomène, il indique bien la valeur pronostique qu'on
en peut tirer ; il n'indique pas sa valeur diagnos-
tique. C'est là un manquement regrettable. Il y aurait
bien aussi à dire que l'auteur n'a pas enregistré tous
les phénomènes, et que sa classification n'est pas sans
reproches; mais si l'œuvre n'est pas parfaite, elle n'en
est pas moins fort remarquable et la plus avancée de ce
temps.
Au commencement de ce xvi* siècle, Antoine Beni-
vieni donnait l'ouvrage ; De abditis nonmtllis, an miran-
dis morborum et sanaiionum causis, in-4\ Florent., 1507,
qui inaugurait une nouvelle branche de la séméiotique
qui en est restée distincte jusqu'ici, et qui cependant lui
appartient bien légitimement. Cet ouvrage rapportait
des histoires d'autopsies, dans lesquelles on avait ob-
servé des lésions organiques, que Ton considérait à tort,
d'après Galien, comme des causes de maladies. En réa-
lité, les altérations organiques ne sont pas des causes,
mais des effets de maladie; ce sont des manifestations
delà maladie; et, comme tous les phénomènes morbides,
elles servent au médecin de signes pour juger la mala-
die. Leur étude ne doit donc pas se rattacher à l'étiolo-
gie, mais à la séméiotique. Nous reviendrons du reste
sur ce point, quand nous aurons vu cette branche scien-
tifique prendre ses développements et manifester ses
prétentions.
Aux recherches de Benivienus, il faut rapporter les
observations que firent Marcel/us Donatu$% Schcnck, Do-
re*tus, Dodoens, qui suivirent les traces du médecin flo-
rentin, et enrichirent ces commencements de l'anatomie
pathologique.
332
HISTOIRE DE Ui MEDECINE.
§ IV. — Thérapeutique , chirurgie.
On comprend que la thérapeutique dut se ressentir
des divergences qui se manifestaient sur le terrain pa-
thologique. Quelques médecins soutenaient purement
et simplement la thérapeutique galénique. D'autres re-
prenaient Dioscoride ou cherchaient dans la pharmaco-
pée des Arabes, qui introduisait les sirops et les alcoo-
lats. Les alchimistes commencèrent à introduire les
médicaments chimiques et les essences des corps, selon
la théorie que nous avons exposée. Les voyages , les
travaux sur l'histoire naturelle, la nécessité de répondre
à des maladies nouvelles, donnèrent un grand élan à
la thérapeutique. Paracelse et Cardan attaquèrent vive-
ment le dogrne g*alénique du contraria contrariis curantur
pour lui substituer la doctrine du semblable; c'est un
point sur lequel nous reviendrons.
Avec la spécificité des maladies, l'ancienne idée des
antidotes fut étendue; et, sous l'influence immense du
paracelsisme, les spécifiques, déjà prônés par Torrigiani,
deviennent les principaux médicaments; on voulait
trouver des spécifiques contre les maladies nouvelles et
surtout contre la syphilis. D'autres cherchaient des pa-
nacées. L'alchimie se prêta aux compositions de médi-
caments et à l'introduction des médicaments chimiques,
du mercure, du soufre, de l'antimoine, de l'or, etc., à
la formation des teintures et élixirs : à l'instigation de
Paracelse, on essayait de trouver l'essence des médica-
ments pour combattre l'essence des maladies. Le système
de Paracelse et de Cardan insinua la doctrine des signa-
titres, d'après laquelle un médicament ou un agent quel-
conque de la nature marque dans ses apparences exté-
rieures les qualités propres dont il est doué. J.-B. Porta
uigmzeo
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 333
fut, sur la fin du xvi" siècle, un des principaux promo-
teurs de cette théorie qui a laissé de nombreuses traces
dans la science. C'est par elle qu'on fut conduit à essayer
la digitale dans les maladies du cœur, la scrofulaire
contre les scrofules, l'hépatique contre les maladies du
foie. Ce fut là un des grands arguments dont on se ser-
vit pour attaquer la théorie galénique du contraria con-
trants curantur.
La botanique médicale s'enrichit considérablement,
surtout avec le célèbre ouvrage de Conrad Gesner, le
premier grand naturaliste de l'Occident.
La matière médicale avec la chimiatrie et avec les
voyages qui se multiplient commença à s'accroître de
médicaments nouveaux. Le mercure avait déjà été em-
ployé, mais à l'extérieur : Vigo en composa encore un
emplâtre, qui porte son nom ; mais P.-A. Matthiole est
considéré comme le premier qui ait donné ce médica-
ment à l'extérieur. Paracelse propagea l'antimoine, l'or,
l'opium, le fer, le nitre, l'esprit volatil d'urine, de corne
de cerf, de sang*, et d'autres substances animales. Bras-
savo/a répandit en France l'usagée de la squine et du
gaïac, importé d'Amérique vers 4509. La salsepareille
fut introduite en Europe en 1530, le smilax aspera en
1535, le sassafras en i580.
Les traités qui se rapportent à la thérapeutique dans
cesièclesont ou des compilations des Grecs et des Arabes,
ou des livres de préparations chimiques, ou des vulga-
risations des médicaments nouveaux.
Parmi les médecins qui eurent une influence plus ou
moins grande en thérapeutique, il faut citer, après ceux
que nous avons nommés : J. Cardan, Trîncavelli, Monti,
Driver, Goiris, Rondelet, A matas Lusitanus, Porta, Massa-
n*a, Césalpin, C lus/us, N. Massa, Bra et /. Camerarhis.
Plusieurs étaient de vrais empiriques, comme Fioraventi.
TOME XXXI. — MAI 1870. 22
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334 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
Mais deux autres sont, plus que les autres, célébras
par les réformes qu'ils proposèrent sur l'usage de la sai-
gnée, et par leurs infortunes : Brissot et Botal.
Pierre Brissot, né à Fontenay-le-Comte en 1478, s'at-
tacha d'abord à l'étude des Arabes, dont il partageait
les idées ; mais il les abandonna ensuite pour les méde-
cins grecs, dont il devint zélé partisan. Alors, il com-
battit la méthode de saigner introduite par les Arabes ;
ce fut à propos d'une épidémie de pleurésies qui régna
à Paris. Selon la méthode arabe, alors fort en usage, la
saignée était considérée comme ayant une action plutôt
dérivative que révulsive, et comme devant être faite,
par conséquent, le plus loin possible du lieu malade.
Brissot reprit l'opinion de Galien, considérant la saignée
comme révulsive plutôt que dérivative, et comme de-
vant être faite, par conséquent, près du lieu malade; il
fit saigner tous ses plcurétiques au bras qui tenait au
côté affecté. Son livre, qui parut en 1525, après sa mort,
fit grand bruit; mais ce ne fut pas impunément qu'il
soutint son opinion : ses confrères, parmi lesquels le
plus irrité fut Denys de Paris, lui attirèrent des censures
sévères et une sorte de persécution qui l'obligea dépas-
ser à l'étranger. Il alla en Espagne, puis en Portugal,
où il cultiva la botanique et où il mourut. Cette que-
relle, car Brissot fut soutenu par d'autres médecins,
parmi lesquels fut René Moreau, dura encore quelque
temps, et se confondit ensuite avec celle que suscita
Botal.
Léonard Botal, dont on ignore la date de sa naissance
et celle de sa mort, était d'Asti, en Piémont, et florissait
dans le milieu du xvie siècle. Il vint en France, où il fut
le médecin de Charles IX et de Henri III. Se trouvant
à une époque où les uns ne parlaient que de médica-
ments nouveaux et spécifiques, où les autres ne faisaient
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 335
guère que purger les malades, surtout avec l'antimoine,
où d'autres enlin discutaient à propos de Brissot, la ré-
vulsion et la dérivation, il se fit un nom en proclamant
la saignée comme un héroïque remède contre toutes les
maladies. Il combattait tous ceux qui discutaient la ré-
vulsion, la dérivation, le choix des veines, disant que
tout cela était secondaire, qu'il importait peu qu'on sai-
gnât dans telle ou telle partie : qu'avant tout, il fallait
saigner et saigner beaucoup ; ce qu'il réitérait jusqu'à
quatre et cinq fois, chose monstrueuse pour l'époque.
Botal fut un vrai précurseur de Broussais. Ses opinions
trouvèrent des adversaires et, comme toujours en mé-
decine, des persécuteurs; mais en vain elles furent con-
damnées par le Parlement de Paris, elles se dévelop-
pèrent en France et en Espagne. Quant à l'auteur, il
paraît être mort malheureux et dans l'exil, comme tous
ceux qui font quelque tentative nouvelle en médecine.
La chirurgie prit beaucoup d'extension malgré les
dissentiments entre les chirurgiens et les médecins, et
s'enrichit de travaux et d'études remarquables. On étu-
dia surtout les plaies d'armes à feu. J. de Romaris indi-
qua l'opération de la taille par le grand appareil, en
1525. Amattts Lwitanus introduit l'usage des bougies
contre les caroncules de l'urèthre, en 1541. Franco fit la
taille par le haut appareil en 1560. L'opération césa-
rienne fut pratiquée pour la première fois au commen-
cement du siècle par Nu fer, de Turgan, un coupeur de
cochons; A. Paré étudia la ligature des artères et les
plaies d'armes à feu.
Parmi les chirurgiens, on cite encore Michel-Ange
Bhndo, qui s'occupa du traitement des plaies; Jean de
Vii/o, qui faisait peu d'opérations, avait surtout recours
aux médicaments ; Jacques Bêrcngcr, qui écrivit sur les
plaies de tète et les fractures du crâne ; Mariano Santo
330 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
de Barlctta, célèbre lithotomiste, commentateur d'Avi-
cennes; Gabriel Fallope ; Félix Wurtz, dont on vante le
traité des fractures ; François de Arct\ 116 11 Séville, cé-
lèbre par son lnbileté à guérir les fistules; Ambroise
Paré, le plus renommé de tous, célèbre surtout par ses
études sur les plaies d'armes à feu ; Jacques Guillemeau,
chirurgien de Henri IV, très-célèbre accoucheur ; Jean-
Philippe Igrassias, qui écrivit sur les tumeurs ; Georges
Bartisch, de Kœnisbruck, oculiste ; Jérôme Mercurii, de
Rome, l'un des meilleurs écrivains sur les accouche-
ments; François Roussel, médecin du duc de Savoie, qui
donna la plus grande célébrité à l'opération césarienne.
§ V. Institutions y Facultés.
Venons maintenant aux événements qui se produi-
sirent dans les institutions qui se rattachent à la mé-
decine.
Deux ordres religieux sont fondés pour soigner les
malades : les Frères de la Charité ou de Saint-Jean de
Dieu, établis en 1520, et qui, dès 1602, occupèrent l'hô-
pital de la Charité de Paris jusqu'à la Révolution. Les
clercs mineurs régu'iers ou obigons, frères infirmiers, des-
tinés à soigner les malades dans les hôpitaux ; ils furent
établis par Camille Lellis, sous Sixte-Quint, en 1585.
Dans la Faculté de Paris, la querelle qui s'était éle-
vée entre les chirurgiens et les médecins se continua ;
elle dura pour ainsi dire tout le siècle.
En prenant possession de ses nouvelles écoles, Tan
1505, sous le décanat de Jean Avis, la Faculté institua
définitivement des cours d'anatomie et de chirurgie poul-
ies barbiers, les proclamant en face de la Faculté, et ré-
cusant aux chirurgiens de robe longue de faire partie
de leur compagnie, tout en exigeant d'eux qu'ils sui-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 337
vissent les cours et payassent les droits d'école. Mais les
chirurgiens obtinrent un décret de l'Université, en 1515,
qui les déclara partie de droit de la Faculté ; et un autre,
en 1545, qui leur permit de conférer les grades de ba-
chelier, licencié et docteur. En 1577, leurs [privilèges
furent confirmés; et, deux années plus tard, ils re-
çurent du Pape un induit qui leur permettait de ré-
pandre le sang* dans les opérations. L'Université conti-
nuait de les soutenir contre la Faculté, qui avait alors
à sa léte le célèbre Baillou, meilleur observateur de la
nature des maladies que de la tolérance professionnelle.
En 1596, ils sont assez forts pour obliger les barbiers à
appeler un chirurgien juré dans les cas graves. Les
médecins étaient vaincus.
Les chirurgiens obtinrent même des privilèges sem-
hlables à ceux des médecins. C'était une tradition que
ceux-ci, comme faisant partie de l'Université, étaient
exempts de charges et impôts, privilèges que les rois de
France reconnaissaient à leur avènement. Cependant,
en 1512, lorsque Louis XII disputait le Milanais, la ville
de Paris s'imposa extraordinairement pour une forte
contribution dans laquelle on comprit la Faculté. Celle-
ci réclama, et le roi lit droit à leur requête, disant
« entendre et vouloir que les docteurs de la Faculté en
médecine continuassent à jouir et user de leurs privi-
lèges sans aucune nouucllelé. » line paraît pas qu'alors
les chirurgiens aient joui des mêmes privilèges, et ils
durent comme précédemment subvenir aux impôts;
mais ils obtinrent bientôt d'être sur le même rang que
les médecins, puisque, comme eux, ils faisaient doréna-
vant partie de l'Université après 1515. En effet, en 1544-,
François 1er déclara, par lettres patentes du mois de jan-
vier, que. <c les professeurs, licenciés et maîlres en chi-
rurgie ne peuvent èlre de pire qualité ni condition en
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338 HISTOIRE DE L\ MKDECI >E.
leur traitement que les suppôts de l'Université dont ils
auront les privilèges.»
Cette querelle outre les médecins et les chirurgiens
fut malheureuse : elle détermina une séparation nui-
sible à la médecine et à la chirurgie, et consomma une
division professionnelle qui avait déjà été funeste dans
les temps antérieurs. Mais surtout elle suscita dans la
Faculté un orgueil et un esprit d'intolérance sans exem-
ples. On vit les médecins de Paris se refuser à toute in-
novation scientifique, récuser tout progrès dont ils n'a-
vaient pas eu l'initiative. C'était du reste l'esprit général
de l'Université qui, dans ce xvie siècle, condamna Ramus
pour avoir voulu contester l'autorité d'Arislole. Certes,
nous sommes, en principe, pour le respect de l'autorité
des maîtres et des traditions ; mais, dans les choses de
libre examen, dans les questions d'opinion et de science,
il nous paraît révoltant de ne pas accorder cette liberté
qui est dans la nature des choses. Hamus n'avait du
reste pas soulevé une simple question philosophique, et
il y avait évidemment au fond de sa révolte logique le
germe du calvinisme dont, quelques années plus tard,
il se déclarait le disciple : mais qui peut assurer que la
violence philosophique dont il fut victime ne le poussa
pas définitivement dans l'hétérodoxie?
La Faculté suivit le pas de l'Université dans sa marche
intolérante : elle condamna les médicaments chimiques
et particulièrement l'antimoine; censura de Launay en
1560 pour les avoir employés; attaqua avec violence
Brissot et Botal pour leurs réformes dans la manière de
saigner, les obligeant à aller mourir en exil. A quoi
aboutirent ces actes de violence? Cela n'empêcha pas
l'antimoine et les remèdes chimiques de se propager,
d'abord sourdement, puis à découvert, et d'être enfin
a v-plés et autorisés! Brissot et Botal, morts en exil,
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ETUDE SUR NOS TRADITIONS. 339
eurent des disciples ardents qui propagèrent leur mé-
thode et la firent triompher.
Un acte considérable de la royauté vint tenter de por-
ter remède à cet esprit d'aigreur universitaire en éri-
geant une concurrence à l'intraitable mère. François Ier,
en 1550, érigea le Collêye de France pour y appeler les
savantsétrangersque l'Université n'aurait pas accueillis.
Car, chose remarquable, le grand mouvement d'ensei-
gnement s'était établi à Paris et avait pris tout son dé-
veloppement dans le xmf siècle par l'afflucnce de maîtres
venus de tous les points de l'Europe, alors qu'on de-
mandait seulement aux nouveaux venus deux choses :
de briller par des idées nouvelles et de ne point tomber
dans l'hérésie. Mais les temps étaient changés. Sous le
prétexte d'orthodoxie, on avait établi depuis des grades
exigés, on avait fermé la porte à tout ce qui n'était pas
de la docte corporation, on repoussait au lieu d'accueil-
lir; et de là cette déplorable décadence de l'Université
pendant le xv« et le xvic siècles. Alors, comme de nos
jours, l'étroitesse d'esprit des corps constitués aimait
mieux tout perdre que d'accepter ce qui leur était étran-
ger.
La fondation de François Ier fut donc une institution
des plus utiles, où brillèrent J. Houllier, Duret, Char-
pentier, et qui réveilla les études. Depuis, de nos jours
surtout, cette institution a été assimilée à la Sorbonne :
on n'y voit plus guère que des hommes qui appartien-
nent par un côté quelconque aux divers corps universi-
taires, et on ne trouve plus un enseignement libre ouvert
aux travaux qui sortent du cercle des sciences offi-
cielles. De là l'intolérance scientifique dans laquelle
nous vivons, comme au commencement du xvic siècle,
et un sensible affaiblissement des études comme à cette
époque. Aujourd'hui l'Université détient les Facultés, la
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340 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
Sorbonne, le Collège de France, les académies, les Hô-
pitaux:, les inspections et les places de toutes sortes ; Ton
voit partout les mêmes hommes, maîtres intolérants de
toute place et chassant brutalement quiconque aurait la
prétention d'entrer dans le docte corps officiel avec des
idées non contrôlées; et, en dehors de ce qui est officiel,
aucun enseignement n'est possible.
On est fort incertain des lois qui devaient régler la
pratique de la médecine. Il est bien certain que beau-
coup de chirurgiens exerçaient sans être attachés à
l'Université et sans être gradés. Les barbiers qu'on pre-
nait comme suppléants pouvaient passer pour des aides.
Mais un grand nombre d'alchimistes, de préparateurs
d'ingrédients de toutes sortes vendaient leurs prépara-
tions sans être inquiétés. L'Université avait bien établi
les grades dans le milieu du xmc siècle, mais tout
prouve qu'elle n'avait agi ainsi que pour maintenir ce
qu'elle nommait l'orthodoxie de l'enseignement; c'était
pour elle un moyen d'empêcher la propagation des mau-
vaises doctrines, rien autre. Si elle voulutensuite étendre
sur la société et sur la pratique l'autorilé de ses grades,
rien ne le démontre; et on ne voit pas que les lois visi-
golhes ni celles de Roger de Naples aient été introduites
officiellement en France. Dans plusieurs circonstances,
on la vit même réclamer en vain, lorsque les rois pro-
tégeaient des médecins qu'ils faisaient venir de l'étran-
ger pour les attacher à leur personne. Henri IV, par
exemple, se souciait bien peu de ces réclamations; et,
avant lui, François Ier et d'autres encore. Les Facultés
et les corporations avaient des lois propres, mais ces
lois ne pouvaient mener ni le pouvoir royal, ni le pou-
voir communal, l'un et l'autre faisant en général assez
bon marché de ce qui les gênait. Chacun d'ailleurs avait
ses privilèges. L'autorité universitaire était sans doute
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 341
considérable, mais dans les limites du cercle qu'elle
occupait ; cl, en dehors de ses quartiers, de ses maisons,
de ses collèges, de ses rues, quoique le prévôt des mar-
chands et même le chevalier du guet prêtassent serment
au recteur, l'autorité municipale était pleine et entière.
Souvent même il y avait lutte entre la commune et les
doctes Facultcs,et les prétentions n'étaient pas moindres
des deux cotés. On a pu expulser quelque charlatan au
nom de la commune, du parlement ou du roi, mais ce
n'était pas au nom de la Faculté. Il y avait des passions
violentes qui pouvaient s'agiter dans les deux milieux
également, et nous voyons Brissot, Botal et leurs adhé-
rents succomber sous leur frénésie, le parlement y prê-
tant la main : mais ce sont là des faits accidentels, des
excès où la loi générale de préservation sociale vient
autoriser les écarts d'une imagination en délire. Cela
n'explique pas et ne démontre pas l'existence d'une loi
qui aurait universellement exigé les grades universi-
taires pour l'exercice de la médecine. Nous allons voir
au xvii* siècle et au xvme la Faculté échouer dans ses
réclamations contre l'envahissement de Paris par des
médecins étrangers, quelques-uns, il est vrai, reçus à
la Faculté de Montpellier, mais d'autres, probablement
assez nombreux, non gradés.
Donc, a ces époques qu'on nous enseigne avoir été
barbares, la pratique et l'enseignement des sciences se
mouvaient dans une liberté aujourd'hui perdue.
F. Frédault.
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312
MÉDECINE GÉNÉRALE.
MÉDECINE GÉNÉRALE
ÉTUDE CRITIQUE SUR VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE
CELLULAIRE.
— SEPTIÈME AHTICLE (fin). —
VI
DE L'EMBOLIE.
Bien qu'il soil facile de retrouver dans la tradition
médicale, el en particulier dans les Commentaires de
Van Swielen, la description des caillots migrateurs et des
accidents qu'ils déterminent, il est incontestable que
c'est à Virchow que revient l'honneur (si honneur il y
a) d'avoir érigé ce fait en théorie.
Le lecteur connaît assez Virchow maintenant pour
comprendre avec quelle ardeur son imagination aven-
tureuse accueillit cette idée des caillots migrateurs et
comment son esprit amoureux du système en fit la hase
presque exclusive de la pathogénie. Cette étiologie gros-
sière et toute empreinte d'ialro-mécanisme devait plaire
à notre époque; aussi la théorie de l'embolie a fait for-
lune, et les caillots touristes, comme les appelle mali-
cieusement le*Dr Marchai (de Calvi), ont fait le tour du
monde.... médical.
L'embolie est une explication toute prête pour la gan-
grène des membres, le ramollissement du cerveau, la
mort subite, les abcès multiples, les oblitérations vas-
culaires multiples, en un mot, l'embolie remplace dans
la pathologie de Virchow l artérite, la phlébite et la syn-
cope.
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V1RCIÎ0W ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 313
Qu'est-ce qu'il y a de vrai, qu'est-ce qu'il y a de faux
dans ce système? C'est ce que nous allons examiner
après avoir exposé d'une manière succincte la théorie
de l'embolie.
Reconnaissons toutefois, avant de passer outre, que
les travaux suscités par cette question ont fortement
éclairé les problèmes si difficiles de l'hémorrhagie et du
ramollissement cérébral.
Voici; en quelques mots, la théorie de l'embolie :
Un thrombus (nous disions autrefois un caillot) se
forme dans un point quelconque du système vasculairc;
ce caillot, détaché et entraîné par le courant sanguin,
flotte et circule avec le sang; arrivé dans un point plus
rétréci de l'arbre circulatoire, il se fixe et oblitère le
vaisseau ; une fois arrêté, le thrombus détermine plus
ou moins rapidement l'inflammation de la membrane
interne du vaisseau et devient adhérent; en même temps
se développent tous les phénomènes qui se rattachent
directement à l'oblitération vasculairc.
Tels sont les phénomènes communs à toutes les em-
bolies ; mais il en est de particuliers qui différent suivant
qu'on observe cette lésion dans les artères ou dans les
veines.
Dans les artères, le caillot détaché du cœur ou d'un
gros vaisseau est entraîné vers le système capillaire; il
se fixe quand il arrive dans des vaisseaux trop étroits
et va déterminer les phénomènes de l'oblitération vas-
culaire tantôt dans le cerveau, tantôt dans un membre,
tantôt dans les reins, la rate ou tout autre viscère. Les
phénomènes qui se rattachent à cette oblitération sont
l'anémie, puis la mortification de la partie où se distribue
le vaisseau oblitéré; une augmentation de l'activité cir-
culatoire, et, par suite, des congestions, des hémorrha-
giesetmêmc des inflammations dans les parties nour-
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314 MÉDECINE GENERALE.
ries et alimentées par les collatérales de l'artère obli-
térée.
Dans les veines, les phénomènes sont très-différents.
Quand un caillot intra-veineux oblitère la veine dans
laquelle il s'est développé, la circulation est complète-
ment suspendue dans cette partie du vaisseau. Il n'est
donc pas possible d'invoquer, dans ce cas, les forces du
courant sanguin, la vis a ierrjo pour expliquer le dépla-
cement du caillot sanguin ; mais il ne faut pas oublier
que le caillot intra-veineux se prolonge habituellement
jusqu'à l'embouchure de la veine malade dans la veine
principale; or il existe souvent en ce point une prolon-
gation du caillot. Cette prolongation de caillot, trop peu
considérable pour oblitérer la grosse veine dans laquelle
elle fait saillie, est sans cesse battue par le courant san-
guin, et quand le travail régressif, propre à toute coa-
gulation fibrineuse, a détruit la résistance du caillot, il
est détaché et entraîné vers le cœur par le cours naturel
du sang.
Le caillot migrai ou r parcourt facilement son trajet
jusqu'au cœur, puisqu'il passe dans des vaisseaux de
plus en plus larges, mais, arrivé dans le ventricule droit,
il est lancé avec violence dans l'artère pulmonaire où il
s'arrête et se fixe plus ou moins vite suivant son vo-
lume.
Les symptômes qui accompagnent cette oblitération
sont variables suivant le point oblitéré.
Quand le caillot est volumineux et qu'il s'arrête au
commencement de l'artère pulmonaire, il en résulte une
asphyxie complète, une mort rapide et presque subite.
Si le caillot est plus petit, il pénètre profondément
dans l'artère pulmonaire et n'oblitère qu'une branche de
cette artère. Les résultats de cette oblitération sont,
d'une part, la suspension de la fonction de l'hématose
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 345
dans une partie du poumon ; do l'autre, des contestions,
des hémorrhagies et des inflammations d'autant plus
marquées dans cet organe qu'il est muni d'une double
circulation et que l'artère bronchique supplée l'artère
pulmonaire dans les points où elle est oblitérée.
Telle est, eu résumé, la théorie de l'embolie formulée
par Virchow, développée et modifiée par ses élèves et
par ses critiques. Est-ce un roman ou une histoire ve-
ritabie? Posons d'abord les faits incontestables , nous
verrons ensuite l'explication.
Voici les faits : on rencontre dans les autopsies des
oblitérations vasculaires ; ces oblitérations sont produites
par des caillots ayant tous les caractères de caillots for-
més pendant la vie; ils sont plus ou moins adhérents,
les parois vasculaires présentent à leur niveau les signes
incontestables d'une inflammation récente ; très-souvent
les caillots sont multiples et siègent a la fois dans les
veines et dans les artères.
Cette lésion survient dans les maladies suivantes :
dans la goutte (affection du cœur, endartérite defor-
mans); dans le rhumatisme articulaire aigu, soit pen-
dant son cours, soit plus tard, quand une affection du
cœur persiste; dans l'état puerpéral; dans les cachexies,
et principalement dans la cachexie cancéreuse; en un
mot, dans toutes les maladies qui peuvent produire la
phlébite, l'artérite ou l'endocardite.
Voilà les faits : voyons l'explication.
L'explication suppose que le caillot formé en un point
quelconque du système vasculaire est détaché et en-
traîné par le courant sanguin et fixé lorsqu'il arrive
dans des vaisseaux trop étroits pour lui livrer passage.
*Cette théorie s'appuie d'une part sur des expérimen-
tations qui consistent à introduire dans le courant san-
guin des corps étrangers : morceau de caoutchouc,
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34 G MÉDECINE GÉNÉRALE.
grain do tabac, parcollo do fibrino coagulée, portion de
muscle, etc., etc., corps étrangers qui sont entraînés
par le courant sanguin et vont se fixer plus ou moins
profondément dans le système capillaire.
D'une autre part, cette théorie repose sur quelques
faits cliniques dans lesquels on a pu constater par la
forme des caillots, par les débris do valvules ou d'athé-
romes qu'il contenait, l'origine éloignée de l'embolie
et la démonstration de sa migration. Si on suppose les
faits et les expériences a l'abri de toute critique, il n'est
pas possible de nier la migration des caillots et la réalité,
au moins pour les cas particuliers, de la théorie de Vir-
chow. Mais, cette réserve faite, nous croyons pouvoir
démontrer (pie la plupart des cas prétendus d'embolie
sont dus à dos artérites, et que l'immense majorité des
caillots oblitérants sont des caillots autochthoncs.
Tout se réunit, on effet, pour faire admettre aux lieu
et place d'embolie des artérites multiples et disséminées :
la nature des maladies dans le cours desquelles sur-
viennent les oblitérations : goutte, rhumatisme, état
puerpéral et cachectique; les lésions des parois arté-
rielles : lésions récentes, évidemment inflammatoires,
lésions anciennes, celles de Vendarlênte defonnans ; la
forme des caillots , qui offrent le moule de l'artère ,
remplissent exactement le tronc principal et les bran-
ches, revêtent absolument les formes d'une injection
solidifiée. Celte forme, parfaitement acceptable si l'on
admotquele caillot s'est produit sur place, est tout à fait
inexplicable dans l'hypothèse d'un caillot transporté.
Ce caillot, doué d'une notable consistance, ne saurait,
en effet, se mouler exactement sur la forme des vais-
seaux dans lesquels il s'arrête. Il doit nécessairement
laisser des vides qui seraient comblés par des caillots de
formation réconte, et qu'on n'observe pas dans la plu-
...
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 347
pari des prétendues embolies. Enfin la multiplication des
oblitérations vaseulaires cliez le mémo sujet s'explique
bien plus facilement par des inflammations vaseulaires
multiples, sous l'influence de la goutte, du rhuma-
tisme, de l'état puerpéral ou cachectique, que par des
caillots migrateurs.
Pour les embolies du système veineux, les objections
sont encore plus considérables. Si la théorie était vraie,
les embolies de l'artère pulmonaire seraient très-fré-
quentes, tandis que fort heureusement elles constituent
une rareté pathologique. De plus, cette oblitération de
l'artère pulmonaire ne s'observe presque jamais (pour
ne pas dire jamais) à la suite des phlébites qui survien-
nent si souvent dans les varices des membres, mais
bien dans le cours de la diathèse purulente puerpérale,
et dans la cachexie cancéreuse, maladies dans les-
quelles existe une grande tendance à l'inflammation
des vaisseaux. J'ajouterai qu'on peut suivre facilement
le mécanisme de la multiplicité des inflammations vas-
eulaires dans les phlébites dos veines superficielles, et
s'assurer qu'elle ne dépend pas d'une migration du
caillot.
Quel praticien n'a pas observé la marche de l'inflam-
mation dans la saphène variqueuse et ses branches?
L'inflammation débute au mollei, où elle se caractérise
par de la douleur, de la rougeur, et la formation de cail-
lots. Puis d'autres points apparaissent à la cuisse. Ces
points, qui sont séparés par des portions de veines res-
tées saines, offrent tous les caractères de l'inflamma-
tion, d'abord douleur, puis rapidement chaleur et rou-
geur, et enfin oblitération de la veine par un caillot.
Ce processus morbide, qui ne peut s'expliquer par la
migration des caillots, puisqu'ici on constate directe-
ment les signes de l'inflammation avant l'oblitération
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348 MÉDECINE GÉNÉRALE.
de la veine, nous fait comprendre la marche envahis-
sante et la multiplication des inflammations vaseulaires,
et nous fait toucher du doig-t le néant de la théorie de
l'embolie.
En résumé, il existe des faits incontestables de cail-
lots migrateurs, mais ces faits sont des raretés patho-
logiques, des faits exceptionnels, qui ne peuvent servir
de base à une théorie médicale. La plupart des préten-
dus caillots migrateurs sont des caillots autochthones,
produits d'une véritable artérite. La théorie de l'embolie,
en tant qu'explication g-énérale des oblitérations arté-
rielles, est donc radicalement fausse.
CONCLUSION.
La pathologie cellulaire n'est qu'une tentative d'ex-
plication des maladies, par la vitalité des éléments
fig'urés de l'organisme. C'est un écho lointain et
affaibli du solidisme de Broussais, moins la logique et
l'intelligence médicale du réformateur français.
Gomme Broussais, Virchow explique tous les phéno-
mènes pathologiques par Xùritation, seulement il rem-
place l'irritation des org*aneset des tissus, par Y irritation
de la cellule; l'élève comme le maître nient les maladies,
et si Virchow ne déclame pas continuellement contre
Yontologie, il reste, comme Broussais, dans l'explication
par la physiologie des phénomènes morbides, sans s'é-
lever jamais à l'idée de maladie, c'est-à-dire à l'idée
d'un état contre nature, un et défini, ayant sous sa
dépendance immédiate un ensemble de symptômes et
de lésions auxquels il communique une empreinte et un
caractère propres; en sorte que chaque maladie est
distincte de toute autre et constitue une espèce par ana-
logie. Comme doctrine générale, la pathologie cellu-
laire n'a donc aucune valeur.
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VIRCHOW ET LA PATHOLOGIE CELLULAIRE. 349
Les contradictions incessantes, les explications insen-
sées, les affirmations sans preuve, les hypothèses, le
mépris de la méthode expérimentale reviennent presque
à chaque page au secours d'une doctrine stérile et im-
puissante, et le niveau inférieur des intelligences mé-
dicales à notre époque, joint à l'ensorcellement d'un
faux positivisme, peuvent seules expliquer la véritable
autorité accordée au physiologiste prussien.
Considérée comme anatomo-pathologiste, Virchow a
un vrai mérite; par des recherches minutieuses et mul-
tipliées, il est arrivé, malgré les doctrines générales les
plus fausses, à des vérités de détails qui marqueront sa
place et dans l'histologie et dans l'histoire des lésions.
Il a ramené la micrographie à un rang plus modeste et
plus vrai, en signalant ses incertitudes (1), et en démon-
trant son insuffisance pour le diagnostic (2); il est
arrivé pour les néoplasies à des lois qui eussent été
complètement vraies, si son esprit n'avait pas été obscurci
par les préjugés du solidisme.
Nous avons signalé, au courant de notre examen,
les nombreux points de contact qui existent entre
les lois d'anatomie pathologique, formulées, il y a plus
de trente ans, par J.-P. Tessier, et la plupart do celles
exposées par Virchow, dans sa Pathologie cellulaire;
nous n'accusons pas le physiologiste prussien de pla-
giat, mais nous sommes étonné qu'en sa qualité d'Alle-
mand, il n'ait jamais lu sinon les travaux originaux de
J.-P. Tessier, au moins les critiques que ces travaux ont
soulevées, ou le développement et les controverses sou-
(i) Chique jour apporte de nouvelles découvertes, mais aussi de nou-
veaux doutes sur la valeur des découvertes antérieures. Y a-t-il quelquo
chose de positif en histologie? demande- t-on ; y a-t-il un point sur
lequel tous les les observateurs soient d'accord ? Il n'y en a peut-être
pas un. (Virchow, p. 3.)
{i) Voir lo diagnostic du cancer, de la piohémic.
TOME XXXI. — MAI 1870. Û'i
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350 MEDECINE GENERALE.
tenues par ses élèves ; toujours est-il qu'il est fort
curieux de voir l'école française accepter avec enthou-
siasme des vérités dont elle fait honneur à Virchow et
qu'elle a combattues avec acharnement tant qu'elles n'ont
été soutenues que par des médecins élevés dans son sein.
Ceci nous rappelle une anecdote arrivé»! à un des géné-
raux français» qui combattait à Sébastopol. Grand
amateur d'horticulture, ce militaire s'était épris pour
de beaux arbres verts qui ornaient les jardins de la ville
assiégée; il obtint à grand' peiie l'autorisation d'en-
voyer, à travers mille obstacles, un parlementaire au
général russe, pour lui demander quelques graines de
ces fameux sapins; le Russe répondit qu'il enverrait
volontiers les semences demandées, mais que l'officier
français en trouverait de meilleures et de plus authen-
tiques dans son pays, attendu que la graine des arbres
qu'il admirait avait été recueillie dans les Vosg-es, pen-
dant l'invasion de 1815.
De même, ce qu'il y a de bon et de vrai dans la patho-
logie de Virchow, se trouve dans les enseignements
de J.-P. Tessier et de son école, et nous sommes étonné
et affligé que la jeune génération médicale aille cher-
cher en Allemagne, des doctrines qui sont enseignées
à Paris depuis de longaies années.
En terminant, nous voulons encore une fois protester
contre le néologisme barbare que nous devons surtout
à l'influence de Virchow et de l'école allemande. Ce
n'était pas la peine de tant se moquer de la nomen-
clature de Pioi ry, pour accepter ensuite un langage
presque aussi barbare. En quoi les mots de régression et
de prolifération sont- ils préférables aux mots de dégéné-
rescence et de formation. Pourquoi svlérome au lieu d'indu-
ration, et nécrobiose ou bien de ramollissement, etc. , etc.?
Où était la nécessité de créer les mots de po/yclonr, litho-
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 351
pœdioriy myxome% collonema, papillome, et tant d'autres
aussi barbares qu'inutiles? Pourquoi rendre plus difficile
encore une science déjà si difficile, en créant incessam-
ment des mots nouveaux, qui n'ont même pas le mérite
d'exprimer des idées nouvelles? Nos néologistes moder-
nes ressemblent à ces philosophes, dont parle Cicéron,
qui n'ont d'autre mérite que d'exprimer des idées an-
ciennes par des mots nouveaux : a Quid interest, nisi
«quod nos res notas notis verbis appcllamus ; illi nomina
■ nova quœrunt, quibus idem dicant. »
P. Jousset.
MÉDECINE PRATIQUE
RECHERCHES SUR LA TYMPANITE ET SON TRAITEMENT.
— Suite et fin (P. —
II. Traitement de la maladie. — C'est ici surtout qu'il
importe de tenir compte de la distinction que nous avons
établie au commencement de ce travail entre les tympa-
nites idiopathiques et symptomatiques. Dans ces dernières,
en effet. le traitement doit nécessairement s'adresser à
la maladie qui tient la tympanite sous sa dépendance,
car il est bien évident qu'on ne peut guérir par le même
moyen une tympanite symptomatique de l'hystérie et
une tympanite symptomatique d'un cancer de l'intestin.
Notre étude portera donc tout particulièrement sur
les tympanites idiopathiques, contre lesquelles une foule
de médicaments ont été préconisés.
,1) Voy. Art médical. Décembre 1809, février et avril 1.S70.
352 MÉDECINE PRATIQUE.
Je ne m'arrêterai point aux remèdes ridicules ou
même repoussants mis en usage par l'empirisme ancien,
comme par exemple le molène cueilli sous le signe du
Lion, l'urine d'enfant, les excréments de la chèvre, ceux
du loup, du chien, du chat, de la vache, delapoule, le pied
de cochon, le cordon ombilical d'un enfant nouveau-né,
la verge de taureau, etc., etc. Tous ces moyens, issus de
la superstition et de l'ignorance du vulgaire, méritent
cependant d être mentionnés, au point de vue historique
seulement.
Les médecins de l'antiquité faisaient grand usage des
révulsifs. Galien, Oribase, Aétius et Paul d'Egine fai-
saient extérieurement des applications de graine de
moutarde, de suc de Thlapsia ou de Gantharides,
dans le but d'attirer les gaz au dehors en changeant
l'état des pores de la peau. Galion (1) ne reconnaissait
aucun remède supérieur à l'application des ventouses
sèches pour la guérison des coliques venteuses. Celse(2:
employait aussi, pour dissiper les vents, les fomenta-
tions chaudes et sèches ainsi que les frictions sèches aux
extrémités supérieures et inférieures.
Bast, célèbre médecin de Lyon, cité par Sauvages dans
sa Nosologie, traitait les tympan ites par des fomentations
avec de l'eau froide et avec de l'eau à la glace.
Gullen prétend que plusieurs observations prouvent
que la tympanite a été guérie tout à coup et entièrement
par l'application réitérée de la neige sur le bas-ventre.
De nos jours, certains praticiens emploient les dou-
ches ascendantes froides (voir obs. 7).
On pourrait peut-être rapprocher de cette médication
dite révulsive le traitement par l'électricité, que l'on peut
appliquer soit directement sur le ventre, soit en établis -
(I) Melhod. medcnfli, lih. xiï.
(i) Cornel. Celse, lib. ir, cap. 2.
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RECHERCHES SFR LA TYMPANITE.
353
sant un courant continu entre la bouche et l'anus, ainsi
que le conseille Leroy (d'Etiolles). M. Duchenne (de Bou-
logne) paraît avoir obtenu quelques succès par ce moyen.
C'est là une thérapeutique surtout applicable à l'accès.
En môme temps que les révulsifs, les anciens em-
ployaient volontiers les carrrwmtifs, « ainsi appelés, dit
Fodéré, parce qu'ils faisaient sortir les vents avec un
bruit auquel on pouvait donner une sorte de mesure. >
Ces médicaments sont extrêmement nombreux; les plus
usités sont : l'angélique, le gingembre, l'ail, l'anis, la
coriandre, la badiane, la rue, l'absinthe, le calamus ve-
rus, la tanaisie, les baies de genièvre, le fenouil, la can-
nelle, l'écorce de Winter, la menthe, la mélisse, la ser-
pentaire de Virginie, les vins dits toniques, les teintures
amôres et aromatiques, etc.
C'est surtout aux tympanites de l'eslomac que ces re-
mèdes sont applicables ; mais s'ils ont parfois réussi en-
tre les mains de praticiens expérimentés, souvent aussi,
employés sans discernement, ils ont djnnélieu à des ag-
gravations plus ou moins inquiétante*.
Certains médecins ont préconisé antispasmodiques
de toute nature : musc, castoréum, camphre, asa fœtida,
esprit volatif de corne de cerf, eaux de fU urs d'oranger,
de tilleul, de laurier -cerise, opium, belladone, jus-
quiame, etc., etc.
Fodéré se loue beaucoup de l'emn'oi de l'opium ;
quant à nous, nous avons obtenu de hons effets de l'ad-
ministration de la belladone (voir l'obs. de Mm* X...).
Un médecin italien, Tradini (3), a préconisé l'emploi
du camphre d'après la formule suivante :
01 Camphre pulvérisé 4 grains.
Kxtraitgomm. de cinchonaofT.... 4 grains.
M. f. s. a. une pilule.
1, Voy. Gaz. méd. de Parts. 1835.
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ê
354 MÉDECINE PRATIQUE.
(Prendre pendant les accès une pilule toutes les quatre
heures. Dans l'intervalle des accès deux pilules par jour
suffisent. S'il y avait des coliques, il faudrait suspendre
la médication.)
Ce traitement avait déjà été indiqué par Mérat (1) :
« On se sert très-fréquemment, dit-il, du camphre en
bols associé avec le nitre ou donné en lavements au
moyen du jaune d'œuf, qui sert à le suspendre dans
l'eau. Le camphre est effectivement un des moyens les
plus efficaces pour combattre le météorisme, même ac-
compagné de symptômes de réaction; on en fait usage
depuis longtemps dans cette circonstance. »
Le Dr Giuseppe Santoli (2) cite plusieurs cas de tym-
panitcs guéries par le traitement suivant : trois grains de
musc et douze grains ne gomme ammoniaque sont la dose
ordinaire pour un jour. On en fait trois pilules, dont le
malade prend une le matin, la seconde à midi et la troi-
sième le soir. « Je tiens cette recette, dit Santoli, d'un
vieux médecin praticien qui l'avait reçue lui-même d'un
autre, lequel avait été son ancien maître, en sorte que
ce n'est point à proprement parler une invention nou-
velle, bien qu elle soit restée inconnue ou oubliée,
comme il arrive aux choses qu'on ne conlie qu'à la tra-
dition. »
Et plus loin, il ajoute ceci : « Je dois terminer par
une observation importante : c'est que le remède agit
comme évacuant, puisqu'il apparaît dès les premiers
moments une sueur visqueuse continue, bien que peu
abondante, et les fonctions du ventre non-seulement
reprennent le rhythme périodique, mais encore les selles
étaient constamment de deux par jour. »
La médication évacuante ou purgative a eu aussi de
(1) Voy. art. Mètèorùme du Dict. des Sciences médicales.
(î) Voy. Gaz. mèd. de Paris, 1836.
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RECHERCHES SUR LA TYMPANITE. 355
nombreux partisans. Fodéré (1) conseille de prendre de
temps à autre deux grains de rhubarbe concassée et
une pincée de semences d'anis. « On doit, dit-il, enfer-
mer ces médicaments dans un nouet de linge fin, et les
tremper pendant la nuit dans une tasse d'eau chaude;
on avale cette eau le matin après avoir légèrement
exprimé le nouet, et on continue tant que l'eau colorée
estamère. »
Il est facile de comprendre que cette méthode de trai-
tement a dû compter des succès fréquents dans les cas
où l'obstruction d une anse intestinale parles fèces avait
occasionné la tympanite.
Mais si les purg-atifs lég'ers ont pu être favorables
dans certaines circonstances, au contraire l'administra-
tion des purg-atifs énergiques a été souvent la cause
d'accidents de tympanite.
Il nous suffira d'en citer un exemple rapporté par
Sydenliam. Il s'ag-issait d'une pauvre femme àg-ée d'en-
viron 55 ans, et atteinte d'hydropisie, à laquelle l'Hip-
pocrate anglais avait prescrit un traitement purgatif.
«Secundo notatu dignuin erat, dit Sydenham, quod
«curatione fere absoluta si quando vap< les a catharti-
« cis commoti tumuituarentur : venter, maxime versus
«ad superiora, intumescebat, lanquam novo aquarum
« proventu denuo repletus loret, quoi tamen fieri non
« posse sciebam, cum ita parce bibiss i : ac proinde tu-
«morem illum a flatibus quos peperit ara£ia ista a ca-
« tharticis provocata, tantum oriri : quod meum judi-
« cium eventus comprobavit. Licet enim vel cong-ium
«aquee eo die quo purg-abatur ejecisset, mox tamen
« cœpit intumescere, nec remittebat tumor ille, ad g-ul-
a tur usque assurgens et dyspnœa afflig-ens, donec cor-
« pus, a purgantium molestia liberatum, statum natu-
(1) Voy. Essai de pneumatologie, p. 105.
35ii MÉDKC1NK PRATIQUE.
« ralem ac quietem reciperel : quo facto, et tumor et
« cetera symptomata derepente evanescebant, donec a
« succedente catharsi de novo irrilarentur »
Haller, Laborde, etc., rapportent aussi des exemples
d'un météorisme plus ou moins considérable de l'abdo-
men déterminé par l'administration des purgatifs.
Il faut donc être très-circonspect dans l'emploi de ce
mode de traitement.
Et, soit dit ici en passant, les purgatifsne sont pas les
seuls agents capables de donner naissance à la tympanite.
Hippocrate (1) avait déjà remarqué que l'usage du
laserpitium (citytov, ferula tingitana), pouvait donner nais-
sance chez quelques individus à 1 affection qu'il désigna
sous le nom de choiera siccu et qu'il décrit ainsi : « In
«choiera sicca, venter inflatur, et strepitus insunt, et
« Iaterum ac lumborum dolor, nihil que infra dejicit
«alvus; scd astringitur...»
L'administration intérieure du sublimé corrosif peut
souvent donner lieu à du météorisme, ainsi que Gérar-
din l'a observé à l'hôpital de Strasbourg (2).
Le môme phénomène se rencontre également dans
les empoisonnements causés par les champignons (Mé-
moires de la Société royale de médecine), par Y arsenic
(Wallher), la noix vomique (Hillefeld), la ciguë aquatique
(Wepfer), etc. Collomb rapporte que l'usage prolongé
de Y aconit peut donner naissance à la tympanite.
C'est à la matu re médicale homœopathique qu'il appar-
tient dYtudier l'action de ces diverses substances et d'en
faire 1 application à la thérapeutique des tympanites.
Mais nous n'en avon^ pas fini avec les divers moyens
employés pour guérir la tympanite. On a mis en usage
les antiplilogistiquesde toute nature : saignées, sangsues,
(1) IIi|>porr. De Vict. rat. in arut., lib. iv.
{lj Thèses de Paris, 1814.
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RECHERCHES Sï.'R LA TYMPANITE. 357
cataplasmes, bains tièdes, fomentations avec la décoc-
tion de guimauve, de morelle, de têles de pavot; em-
brocations huileuses, avec le baume tranquille; enfin
la poudre tempérante de Stahl, composée de cinq parties
de sulfate de potasse, de cinq parties de sel de nitre, et
de deux parties de sulfure de mercure rouge.
D'autres médecins, non moins audacieux, ont essaye
de faire ingérer aux malades des balles de plomb et du
mercure coulant pour désobstruer l'intestin.
La théorie des pneumatoses devait nécessairement
conduire à employer les médicaments dits absorbants.
Aussi les médecins eurent-ils recours successivement à
la poudre d'yeux d'écrevisse, au carbDnate de magnésie,
à la magnésie pure, à l'eau de chaux, aux divers oxydes
de fer, de plomb, d'élain réduits en poudre impalpable
(Boerhaave), au charbon pulvérisé, etc.
Nous n'en finirions pas si nous voulions faire une
énuméralion complète des médicaments employés dans
la tvmpanite; celui qui veut >e faire une idée du chaos
qui règne encore aujourd'hui dans la thérapeutique de
cette maladie, n'a qu'à jeter un coup d'œilsur la nomen-
clature des remèdes contre la pneumatie dont rémuné-
ration pure et simple occupe treize pages du cinquième
volume de Portai.
Nous nous bornerons donc à mentionner la noix vo-
mique, la bryone, et nous passons immédiatement au
taraxacitm qui doit être considéré comme le remède prin-
cipal dans les cas de tympanite.
Ce médicament, qui nous a si bien réussi dans le cas
déjà cité de M™8 X"*, et depuis ce temps dans plusieurs
circonstances moins graves, nous a été révélé par la
lecture de ce passage de la thèse du D'Josat (Paris, 1840):
« Douze observations qui m'appartiennent et qu'il serait
trop long de détailler ici, m'autorisent à donner comme
3?»* MÉDECINE PRATIQUE.
ressource presque infaillible dans les cas de tympanile
de l'iléon appelés d'ordinaire borborygmes et dus à la
cause dont il s'agit ici (débilitation générale) l'usage de
la racine du leontodon automnal, toujours sous forme
pilulaire »
Nous pensâmes que ce leontodon automnal n'était autre
que le tararacum leontodon, et nous fûmes confirmé dans
cette idée par ce passage de Fodéré (4) : « Je me décidai,
il y a déjà plus de quarante ans, sans y avoir encore
aucune confiance, à essayer à petites doses, qui ne pus-
sent pas nuire, des pilules de 2 à 4 grains d'extrait de
saponaire, de tarajacum et de trèfle d'eau, mélangés
avec le savon officinal , quelquefois avec addition d'un
quart de grain de mercure doux par pilule , pour en
prendre une à deux par jour, et augmenter insensible-
ment la dose; en même temps je faisais couvrir la partie
enflée et douloureuse d'un large emplâtre de diachylon
gommé, épais de 2 à 3 lignes, et je restais en observa-
tion. Cette médecine , aidée d'un régime convenable, a
plusieurs fois surpassé mes espérances; depuis plus de
quarante ans que je la mets en pratique, elle m'a appris
à ne pas croire avec trop de promptitude à l'existence
des maladies organiques de ce genre , et à ne pas tou-
jours en désespérer. »
Quant à nous, nous employons le taraxacum en tein-
ture alcoolique, à la dose de 6 à 12 gouttes pour 200 gr.
d'eau. Nous en faisons prendre toutes les heures une
cuillerée au moment de F accès, ou deux cuillerées par jour
dans les intervalles, et jusqu'à présent ce mode de trai-
tement nous a parfaitement réussi.
Enfin, pour éviter le retour des accidents de tympa-
nite, il convient surtout de se mettre en garde contre les
différentes causes qui peuvent donner lieu au développe-
(t) Essai de pneumalologie, 4829.
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RECHERCHES SUR LA TTMPANITE. 3ô0
ment des gaz. Ces causes peuvent être rangées sous cinq
chefs principaux, qui sont :
1* Le défaut d'exercice musculaire, les professions
sédentaires et celles qui exigent une tension continue
des facultés intellectuelles ;
2° Le séjour dans les lieux froids, humides et bas :
3° Une existence monotone et ennuyeuse (le spleen des
Anglais);
4° L'abus des plaisirs de l'amour, et l'onanisme aussi
bien que la continence absolue (1);
5° Une alimentation irrégulière ou composée surtout
de substances féculentes ou fermentescibles.
Le régime est donc une condition assez importante
à observer dans le traitement des tympanites. Aussi ne
puis- je résister au désir de citer, en terminant, un pas-
sage de Fodéré (2), dans lequel ce médecin, atteint lui-
même d'une tympanite chronique, s'exprime ainsi : a II
n'est certes aucun doute que les choux, les pommes de
terre, les légumineuses, les fécules, les fruits crus, et
en général tout ce qui est capable de fermenter, ne doi-
vent être évités par ceux qui sont sujets aux vents;
mais il ne faut pas oublier, d'autre part, que les labou-
reurs, les gens He peine, et ceux qui vivent en plein air,
usent habituellement de ce genre de nourriture sans en
être ipcommodés. J'ai remorqué sur moi-même que je
puis impunément en faire usage, quand je fais un grand
exercice, soit à pied, soit en voiture, et surtout quand
je voyage à pied dans les montagnes, quoique je m'y
fatigue beaucoup ; mais je dois renoncer à ces aliments
aussitôt rentré chez moi , et livré de nouveau aux tra-
\ Est-il prouvé que la continence ait proiuit des tympaniies? Il
faut se méfier do ces auteurs qui, à une époque, mettaient volontiers
toutes les maladies sur le compte de la continence. {Note du R.)
(i) Voy. Essai de pneumatologie, p. 03.
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•W MÉDECINE PRATIQUE.
vaux du cabinet, forcé alors , sons peine de souffrir
cruellement de foutes les manières, de n'user que de
pain de froment bien cuit et d'une nourriture ani-
male composée d'œufs et de cbair d'animaux adultes, en
petite quantité à la fois. Au surplus, quelque salutaire
que soit en lui-même le régime alimentaire qu'on ait
adopté, sa continuation cesse souvent d'être utile, par
l'effet de l'babitude ou de la monotonie, qui agit dés-
agréablement, tant sur nos facultés physiques que sur
nos facultés morales, ce qui fait que nous devons le
changer quelquefois, même pour un plus mauvais, c'est-
à-dire que nous devons on interrompre l'excitation gas-
trique par le jeûne ou l'animer par de nouveaux stimu-
lants; à quoi se rapportent : 1° la maxime attribuée à
Hippocrate, et qu'il faudrait bien se garder de suivre
dans les maladies organiques, qu'il est bon de faire de
temps à autre un excès de. table; 2° qu'ayant interrompu
quelquefois la vie sobre que je mène en allant dîner hors
de chez moi,j'ai eu mes coliques soulagées, loin d'avoir
été plus fatigué comme je le craignais ; 3° l'avantage
que je retirais pour la (rucrison de mes malades, lors-
que je faisais de la médecine de campagne, et que je ne
pouvais pas les visiter assez souvent, de la méthode mé*-
tasyncrilique de Cœlius Aurelianus, que cet auteur ap-
pelle plus spécialement rêcorporative, composée des deux
cycles rfovmptif et métusiincritîque, qui consistait à leur
prescrire l'abstinence pendant un certain nombre de
jours, puis de prendre des aliments et du vin, en quan-
tité que je déterminais pour chaque jour, mais le tout
avec plus de modération que ne le voulait l'auteur cité.»
« L'ordre, dit-il , du cycle rêsumptif est le suivant : le
« premier jour, on ne nourrit qu'avec un peu de pain
m et de l'eau pure, ou même on ne donne rien, si le raa-
i» lade peut le supporter; le second, après un léger exer-
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RECHERCHES SUR LA TYMPAN I TE. 3«1
« cice et une onction huileuse, on donne seulement le
«i tiers de la nourriture accoutumée, consistant en pain
a bien fermenté avec des œufs, des légumes, du pois-
« son ou des oiseaux, ce que I on continue pendant deux
« à trois jours, suivant que les forces le permettent ; le
« cinquième jour, la nourriture est augmentée d'un tiers,
« et consiste en gibier, en pigeons ou en oiseaux de
« basse-cour; après trois à quatre jours de ce régime,
« on ajoute la quantité de pain qui complète la portion
« accoutumée, et i on permet les viandes de boucherie
« et des légumes plus grossiers; l'on se conduit pour la
« quantité de vin qu'on doit accorder et pour l'exercice,
« en prO| ortion de la quantité permise d'aliments. Ce
« cycle qui est de neuf jours étant terminé, on passe au
« cycle mètasyncritiqae : le premier jour, le malade est
« tenu à une abstinence complète; le second, après un
« léger exercice et l'onction huileuse de tout le corps,
<« on permet la troisième partie du pain accoutumé, et
« autant de viande rôtie ou bouillie et salée, accompa-
« gnée de câpres, de moutarde, d'olives vertes confiles
« et du tiers de la quantité de vin usité, ce qui durera
« deux à trois jours; puis on ajoute un second tiers à la
« nourriture et à la boisson, et l'on passe à l'autre tiers
« au quatrième jour, donnant même alors de la viande
« de porc, et l'exercice dans la môme proportion. Au lieu
«de diviser les aliments en trois parties, on les divise
« en quatre, ce qui augmente l'étendue du cycle...
Outre les raisons rapportées plus haut, on ne saurait
croire, dit Fodéré, combien cette ordonnance de régime
inspire de la confiance aux malades, dans un temps où
la diététique est si fort négligée, et je ne saurai trop la
recommander. » Jean Jablonski.
1,1) Cœlii Aureliani. Morb. clironic, lib. i, cap. I.
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362
THÉRAPEUTIQUE.
TULRÀPELTIQUE
NOTE SUR LE PANSEMENT DES PLAIES PAR L'ARNICA.
Je veux dire deux mots des admirables effets de l'ar-
nica dans le pansement des plaies, même les plus gra-
ves. C'est un fait assurément bien connu; mais, les chi-
rurgiens faisant la sourde oreille, et négligeant, par
une obstination systématique, un si bon remède, à cause
de sa provenance, il est de notre devoir de le leur rap-
peler, pour qu'ils soient sans excuse.
Je ne citerai que quelques cas, mais caractéristiques.
Les premiers faits qui frappèrent le plus vivement mon
attention remontent aux effroyables journées de juin 1848
(Que Dieu nous préserve d'en revoir jamais de sembla-
bles!), qui firent momentanément de plusieurs d'entre
nous de vrais chirurgiens militaires.
Chargé d'une ambulance, je traitai tous mes blessés
par l'application continue de compresses trempées dans
un mélange d'eau et de teinture d'arnica, et à l'intérieur
par une boisson légèrement arniquée (1). Sauf deux
hommes, dont la poitrine était traversée de part en part
par une balle, je n'en perdis aucun. Les plaies suppu-
rèrent à peine, et plusieurs guérirent avec une éton-
nante rapidité.
Entre autres, un jeune soldat blessé d'un coup de feu
à la jambe droite. La balle (ronde, les coniques n'étaient
pas encore d'un usage général), entrée par la face anté-
rieure du tibia, avait brisé cet os; il y avait à redouter
(1) iv commençais alors l'étude de l'homœopathie; je leur donne au-
jourd'hui à prendre de la 3e ou de la 6* dilution.
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NOTE SUR LE PANSEMENT DES PLAIES. 363
des accidents sérieux. Le blessé guérit sans inflamma-
tion, sans suppuration et presque aussi vite que d une
fracture ordinaire. Tout le monde sait cependant quelle
gravité les plaies d'armes à feu ajoutent aux fractures.
[Jes opérations et des accidents très-divers, très -dis-
tincts des plaies d'armes à feu, ont été rendus exempts
de complications graves par le même moyen. Je me rap-
pelle l'ablation d'un sarcocèle par J.-P. Tessier, qui n'a-
vait pas oublié sa première éducation chirurgicale, sous
le patronage de Dupuytren : la plaie fut gujrie par pre-
mière intention. Deux opérations de hernies étran-
glées, faites également par Tessier, avec une habileté,
une sûreté d'exécution magistrales, guérirent avec
une rapidité surprenante, grâce à l'arnica, admi-
nistré comme dans les cas précédents in tus et extra. Il est
à noter que ces deux opérations furent faites sur des su-
jets âgés et dans des conditions peu favorables. On avait
attendu fort tard pour s'y décider.
Je fus appelé, il y a quelques années, pour une luxa-
tion du coude des plus graves; le patient venait de tom-
ber lourdement; l'extrémité du cubitus avait déchiré les
chairs et percé la peau de façon à faire saillie au dehors.
Un chirurgien très-distingué des hôpitaux, appelé par
moi, déclara que nous allions voir survenir les accidents
les plus graves à cause des désordres produits, suppu-
rations, abcès diffus, peut-être gangrène, etc. Je le ras-
surai, en le priant de substituer à l'emploi de la glace
qu'il me proposait, celui de l'arnica. A son grand éton-
nement, la luxation réduite, il n'y eut pour ainsi dire
pas de suppuration, la plaie extérieure se cicatrisa très-
promptement, et tout se passa à peu près comme dans
une luxation des plus simples.
Dans un grand nombre d'autres cas de plaies, de bles-
sures, dans les brûlures également, j'ai obtenu de bien
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364 THÉRAPEUTIQUE.
remarqubles effets de l'arnica. Tous nos confrères en
sont là, et cependant la chirurgie officielle ne veut pas
même essayer d'une médication dont les efTets visibles
et constants sont les suivants : rétablissement de la vie
végétative, altérée par les violences extérieures, sur-
tout dans les plaies graves, inflammation nulle ou insi-
gnifiante, suppuration enrayée, cicatrisation par pre-
mière intention ; dès lors, point de retentissement des
phénomènes locaux sur l'état général, point de fièvre,
point d'éveil de la redoutable complication qui fait tant
de victimes dans nos hôpitaux, je veux parler de la dia-
thèse purulente.
Il y a une seule contre-indication de l'arnica, c'est,
dans quelques cas rares, et en vertu d'une sorte d'idio-
syncrasie de cer taines peaux, la possibilité de voir sur-
venir un érysipèle. Mais, qu'on se rassure, l'accident, qui
n'est pas grave du reste en pareil cas, est presque tou-
jours dû à l'usage d'une solution trop forte. D'ailleurs,
qui ne sait que chez certaines gens, l'application du to-
pique le plus anodin peut produire l'érysipèle?
En général, et sauf l'exception que nous venons de si-
gnaler , la solution , pour application de compresses
constamment humectées, doit être dans la proportion
suivante :
Eau 200 grammes.
Teinture d'arnica montana . 10
^Et moins, si elle est très-concentrée ou si on a affaire
à une peau très-excitable).
Nous engageons très-fort à soutenir reflet de ce genre
de pansement par l'usage intérieur d'une potion ainsi
composée :
Eau dist. 125 grammes.
Arnica. 3a ou 6e dil. gtt. jj .
Un dernier mot : n'est-ce pas une faute i m pardon na-
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DRS COURANTS CONTINUS CONSTANTS. 365
ble, quand des témoins dont la moralité, dont la capa-
cité n'est pas mise en doute, affirment qu'ils ont obtenu
l< s meilleurs effets d'une médication, de se refuser ob-
stinément à l'employer? Nous supplions donc nos hono-
rables et distingués confrères les chirurgiens, au nom
de l'intérêt si profond qu'ils portent ù leurs malades, de
ne pas négliger plus long-temps un mode de traitement
si simple et si puissant.
Alph. Milcknt.
LES GOURANTS CONTINUS CONSTANTS DANS L'INFLAM-
MATION, L'ENGORGEMENT ET L'HYPERTROPHIE DE LA
PROSTATE;
Par MM. Jules Chéron el Mohbad-Wolf (1).
Etroitement enveloppée d'une membrane fibreuse
riche en éléments musculaires, la prostate est consti-
tuée par une substance glandulaire qui forme, d'a-
près Kœlliker, à peine la moitié de la masse totale de
l'organe, la seconde étant représentée par des fibres
musculaires lisses réunies par du tissu coujonctif.
Un nombre considérable de vaisseaux entourent les
glandules, un réseau veineux se trouve au-dessous de
la muqueuse uréthrale.
La connaissance de l'action physiologique des cou-
rants continus, sur les fibres musculaires lisses et sur
les parois des vaisseaux, permettait de comprendre,
à priori, le service qu'on pouvait attendre de l'applica-
tion de ce moyen thérapeutique au traitement des ma-
ladies de la prostate, telles que l'inflammation, l'engor-
gement et l'hypertrophie.
Circulation locale ralentie ou arrêtée, combinaison de
ces deux états, telles sont les premiers termes de l'in-
.1) Mémoire publié cliez Adrien Delahayc; Paris, 1870.
TOME XXXI. — MAI 1870. 24
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3fi6 THÉRAPEUTIQUE.
flammation que les courants continus résolvent, avec
la plus grande facilité, lorsqu'il n'y a pas d'état fé-
brile.
Dans la proslatite, la résolution est obtenue souvent
après deux ou trois applications ; le mode d'action
physiologique ayant été déjà exposé dans un travail an-
térieur (1), il nous paraît suflisant de rappeler que le
courant continu déterminanl, de la périphérie au cen-
tre, la perméabilité successive des vaisseaux, résout
ainsi l'inflammation et s'oppose à l'évolution de ses phé-
nomènes ultérieurs.
L'engorgement d'un tissu et, par suite, d'un organe,
n'est autre que l'augmentation de volume et de consis-
tance de cet organe, caractérisée par la présence d'une
matière amorphe demi-solide ou liquide qui a exsudé
entre les éléments anatomiques qu'elle tient écartés
(Robin).
Si l'organe reste simplement infiltré de cette matière
amorphe, cet état morbide conservera le nom d'engorge-
ment.
Si, au contraire, la prolifération des éléments fibro-
plastiques en ajoute un grand nombre à ceux qui exis-
tent normalement, l'organe sera dit hypertrophié, et cet
état morbide prendra le nom d'hypertrophie.
La distinction entre ces deux états était nécessaire
avant de passer à l'application thérapeutique des cou-
rants continus, car nous verrons plus loin que si le ré-
sultat, remarquable dans certains cas, laisse à désirer
dans certains autres, c'est que l'engorgement et l'hy-
pertrophie ne cèdent pas également bien à ce mode de
traitement.
La distension des vaisseaux sanguins et lymphatiques
(t) Du traitement de Porchito par les courants continus constants. —
Choron et Moreau-Wolf. (linnte de thérapeutique.)
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DES COURANTS CONTINUS CONSTANTS. 367
précède et accompagne l'engorgement d'un organe.
Elle favorise d'abord l'exsudation de la matière amor-
phe, et plus tard elle en devient la conséquence.
La constitution histologique 4e la prostate : éléments
contractiles abondants, vaisseaux nombreux, est des
plus favorables à l'action thérapeutique des courants
continus, et la pathogénie de l'engorgement va nous
permettre de donner une explication satisfaisante de leur
mode d'aclion.
Lorsqu'un courant électrique continu est employé à
résoudre l'engorgement de la prostate, il agit : 1° en
mettant en jeu les propriétés spéciales des éléments
anatomiques (fibres musculaires, etc.); 2° en favorisant
les phénomènes d'endosmose (de Wittich).
Dans le premier cas, la matière amorphe infiltrée que
nous avons signalée plus haut est soumise à une série
d'oscillations causées par les contractions des fibres qui
font partie constituante de l'organe : d'autre part, les
vaisseaux distendus reprennent leur autonomie sous
l'influence stimulante exercée par le courant sur les élé-
ments musculaires de leurs parois ; la circulation se ré-
tablissant, favorise la nutrition normale de l'organe, de
concert avec le phénomène cité plus haut.
Quant à l'action exercée sur les phénomènes d'endos-
mose, elle complète ce que la circulation prépare en
précipitant les échanges moléculaires d'où résultent la
nutrition.
Lorsque le courant comprend dans son circuit la
prostate, l'un des pôles (nous verrons plus tard quel
est celui qu'il nous semble utile d'appliquer) étant avec
elle en contact aussi immédiat que possible, l'action du
courant s'exerce d'abord à la périphérie, sur les parois
de vaisseaux dans lesquels le sang circule encore, mais
difficilement ; sous l'inÛuence de ce stimulant, la pres-
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368 THÉRAPEUTIQUE.
sion augmente, et la perméabilité tend à se rétablir dans
un certain nombre des vaisseaux. Peu à peu la circula-
tion reprend son cours dans l'organe tout entier, la ma-
tière infiltrée se résorbe, la sécrétion des glandules
prostatiques reparait ; en un mot, la nutrition normale
se rétablit, en môme temps que la circulation.
Un petit nombre d'applications suffisent à résoudre
l'inflammation ou l'engorgement. Voyons ce que nous
pouvons obtenir dans l'hypertrophie.
L'hypertrophie est consécutive- à l'inflammation, ou
plutôt aux phénomènes qui en découlent; dans quel-
ques cas, l'engorgement seul peut en être le prélude.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, il y a hypertro-
phie lorsque, dans la matière amorphe infiltrée entre
les éléments anatomiques, il y a prolifération de
ceux-ci.
Pouvons-nous espérer une destruction complète de
cette hypertrophie au moyen des courants continus?
Notre opinion est que le rétablissement aussi complet
que possible de la circulation ne suffit point, dans le
plus grand nombre des cas, à déterminer la régression
des éléments anatomiques nouveaux arrivés à leur état
complet de développement.
Dans l'état d'hypertrophie confirmée, lorsque les ca-
naux desglandules prostatiques sont obstrués par l'ob-
stacle que crée l'augmentation de consistance des élé-
ments constituants de l'organe, lorsque, sous cette in-
fluence, les glandules se sont remplies de concrétion,
enfin, lorsque les vaisseaux, dilatés et gorgés de sang1,
ne livrent que très-incompléiement passage à ce liquide,
l'action du courant continu peut encore rendre quel-
ques services; elle ne peut conduire à une résolution
complète de cet état.
En effet, dans les vaisseaux qui ne sont point encore
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DES COURANTS CONTINUS CONSTANTS. 369
complètement obstrués et dont les parois n'ont point
encore vu leurs éléments s'altérer, le courant continu
peut ramener la circulation, diminuer, en facilitant une
résorption partielle, le volume de l'organe, favoriser
ainsi l'émission de l'urine, atténuer considérablement
les souffrances du malade, mais bientôt les progrès, dans
le sens de la guérison, cessent de se faire ; c'est que les
éléments anatomiques proliférés résistent à l'action ré-
gressive que le courant continu est impuissant à leur
imprimer.
En conséquence, si le courant continu ne peut ame-
ner la résorption complète de l'hypertrophie prostatique,
il peut, en résolvant l'engorgement qui l'accompagne,
rendre les plus grands services au malade.
Il fait rapidement disparaître l'inflammation et l'en-
gorgement, qui sont au moins aussi fréquents, sinon
plus fréquents que l'hypertrophie elle-même : les ré-
sultats obtenus sont rapides, l'applic i«ion n'en est ni
douloureuse ni pénible, comme celle des courants in-
duits, et il n'exerce point une sorte d'agacement sur la
sensibilité générale comme ces derniers.
MODE OPÉRATOIRE.
Voici le moyen que nous avons employé pour obtenir
les résultats que nous venons de rapparier.
Unpôie armé d'un excitateur cylindrique en cuivre,
dont l'arête supérieure, est émoussée, est recouvert de
toile, plongé dans l'eau, et introduit ensuite dans le rec-
tum, de façon à être mis en contact avec la face infé-
rieure de laprostate. Après avoir pratiqué le toucher et
mesuré la distance qui la sépare de la marge de l'anus,
une marque est faite sur le manche de l'instrument, au-
quel on fait décrire une sorte de mouvement de bascule,
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370 THÉRAPEUTIQUE.
afin qu'il reste bien en contact avec la face antérieure
du rectum.
Le second pôle, armé d'une éponge mouillée, est
mis en contact avec le périnée.
Suivant la sensibilité de l'individu et l'état passif
de l'engorgement ou de l'hypertrophie, on doit em-
ployer huit, dix, douze, seize et même vingt éléments
de Remak.
La durée des applications est en moyenne d'une di-
zaine de minutes ; nous les avons répétées de deux en
deux jours.
Quel pôle doit-on mettre en contact avec la prostate ?
L'engorgement de la prostate est habituellement in-
dolore; aussi, dans ces cas-là, avons-nous toujours
placé le pôle négatif dans le rectum. Chacun connaît
l'action électrolytique qu'exerce ce pôle; en un mot, son
action résolutive (Kemak, etc.).
Si on a affaire à l'inflammation ou à cet état d'hyper-
trophie douloureuse ancienne qui se complique d'un
certain état inflammatoire, le pôle positif dans le rectum
et un petit nombre d'éléments, huit ou dix, nous ont
donné les meilleurs résultats, c'est-à-dire la disparition
rapide de la douleur et de la dysurie.
Il peut sembler plus rationnel de placer une sonde
dans l'urèthre et de la faire communiquer avec un
des pôles, le second étant maintenu dans le rectum ;
nous avons, au début, employé ce moyen, mais nous
savons que le cathétérisme répété n'est pas également
bien supporté par tout le monde; secondement, nous
avons maintes fois constaté que la guérison arrive aussi
vite, que le pôle soit au périnée ou dans l'urèthre. Il
était naturel de donner la préférence au plus simple et
au plus inoffensif des deux procédés.
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DKS COURANTS CONTINUS CONSTANTS.
Observation I.
■
1)..., 59 ans, artiste musicien, se présente à la consultation de
notre dispensaire le 7 octobre 1869. Le malade a eu, il y a vingt-
cinq ans, une blennorrhagie qui a été mal soignée ; l'écoulement a
persisté un an. Pendant plus de deux ans, le sieur D... a ressenti
des douleurs légères dans le canal pendant la miction; il n'a jamais
eu d'autres accidents vénériens. Jamais il n'a rendu de gravelle
dans les urines, et d'une sobriété habituelle très- grande, il n'a ja-
mais abusé des femmes.
Il y a trois ou quatre ans que le malade s'aperçoit qu'il urine
moins librement ; les urines sont souvent lentes à venir, et le jet
est un peu déformé.
Il y a un an qu'il ressent une douleur vague, avec constriction .
dans le canal ; cette douleur, plus vive dans la fosse naviculairc,
irradie dans l'anus et le périnée. Pesanteurs habituelles au bas-
ventre; les garde-robes sont faciles, souvent môme diarrhéiques ;
les urines limpides ; leur analyse ne nous révèle rien d'anormal.
Actuellement, la malade urine tantôt par un petit filet régulier,
tantôt lemissicn se fait de travers, et le jet se produit en tire-
bouchon.
Le sieur D... se plaint aussi d'un affaiblissement marqué dans les
jambes; souvent il est pris de prostration ; le moral lui-même est
affecté par la marche progressive des phénomènes que nous venons
de noter.
Séance tenante, nous pratiquons le cathétérisme, qui est rendu
un peu difficile par une saillie au niveau de la région prostatique ;
l'introduction du cathéter n'est pas douloureuse. Après avoir in-
jecté de l'eau tiède dans la vessie, nous explorons cet organe avec
le plus grand soin, et l'examen auquel nous nous livrons nous
permet de constater sou intégrité absolue et l'absence de tout
calcul.
Par le toucher rectal, nous trouvons la prostate très -volumi-
neuse, également augmentée de volume dans toute son étendue,
très-dure; par la pression, nous n'y déterminons aucune douleur.
Ayant juge utile l'application des courants continus constants,
nous prévenons le malade que nous allons commencer un traitement
qui peut être long, dont il ne ressentira pas immédiatement l'heu-
reuse influence, et que, s'il veut être soulagé, il lui faudra beaucoup
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372 THÉRAPEUTIQUE.
de patience, lui promettant que, quant à nous, cette qualité ne nous
fera pas défaut.
Première application pendant cinq minutes, avec 10 éléments, le
7 octobre, puis trois fois par semaine jusqu'à aujourd'hui, 20 no-
vembre.
Au bout de vingt applications, le malade note lui-même une amé-
lioration sensible dans son état, «juoique, à la suite d'un refroidisse-
ment, une petite recrudescence ait eu heu ces jours-ci. Nous con-
statons nous-mème que la prostate est moins dure et moins volumi-
neuse. Les pesanteurs ont disparu et les urines coulent plus
facilement. Nous sommes aujourd'hui convaincus que si le sieur
D... continue à se soumettre au traitement, l'amélioration qu'il
éprouve va suivre une marche progressive à son grand bénéfice.
Observation II.
P..., 10 ans, peintre sur porcelaine, s'est beaucoup masturbé
dans son enfance et a toujours abusé des jouissances vénériennes.
Le sieur P... a eu -leux blennorrhagies, dont la dernière remonte
à un an ; elles ont été soignées rationnellement et n'ont laissé au-
cune trace.
Depuis trois mois, le malade s'aperçoit qu'il urine moins facile-
ment par un jet en forme de vrille , il éprouve des douleurs assez
vives dans la verge et le rectum; presque continuellement il a la
sensation de garde-robes se présentant à l'anus, et il a des alterna-
tives de constipation et de diarrhée. Le médecin du malade lui a
conseillé l'usage des bain», cataplasmes, suppositoires belladonés,
et même des sangsues au périnée. Malgré le soulagement momen-
tané qu'apporte à son état l'usage de ces divers moyens, le sieur
P... est obligé de se sonder souvent et bientôt même tous les jours,
le matin.
Enfin, il y a six semaines, il lui est impossible, un matin, d'intro-
duire la sonde en gomme dont il se sert habituellement ; le médecin
auquel il a recours pratique, quoique avec difficulté, le eathété-
risme, qui, très-doulouieux, est suivi d un écoulement de sang assez
considérable. Un soulagement très-grand succède à cette opération ,
et, grâce aux bains, aux onctions belladonées, le malade peut vaquer
à ses occupations pendant une dizaine de jours. Mais à ce moment,
nouvelle rétention d'urine traitée par les mêmes moyens. Le mé-
decin du sieur P.... pendant quinze jours, lui passe tous les jours
des bougies en gomme, de façon qu'au bout de cetto t> viode le ma-
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DKS COURANTS CONTINT* CONSTANTS. 373
lade urine assez librement ; mais, ayant cessé l'usage des bougies,
le canal perd peu à peu sa perméabilité, les douleurs péniennes et
rectales reparaissent, et le sieur P... se décide à venir nous con-
sulter.
Le 12 juin 1869, nous constatons l'intégrité absolue de la vessie
et des régions spongieuses et membraneuses de l'urèthrc, mais la
sonde est arrêtée par une saillie de la prostate qui rend le cathété-
risme très-difficile.
Par le toucher rectal, nous trouvons, en effet, une prostate assez
volumineuse augmentée de volume également dans tous ses dia-
mètres, à consistance presque normale et douloureuse à la pres-
sion. Le malade se plaint, surtout la nuit, d'envies fréquentes
d'uriner que le matin il est souvent impossible de satisfaire ; il est
très-constipé, et tout travail lui est impossible.
18 applications (en six semaines), des courants continus con-
stants suffisent pour amener un soulagement tel que le sieur P...,
qui peut difficilement prendre sur ses heures de travail le temps
nécessaire pour venir au dispensaire, nous demande l'autorisation
de cesser le traitement. La prostate a diminue d'une façon notable,
la miction s'opère facilement, les garde-robes sont normales, et
enfin le passage de la sonde se fait facilement, sans que nous
trouvions trace de la saillie prostatique observée au début du trai-
tement.
Observation 111.
Clément, 32 ans, cordonnier, a eu trois biennorrhagies, la der-
nière il y a deux ans. Elles ont été mal soignées. Goutte militaire
habituelle. Pas de syphilis.
Depuis six mois, ce malade, que l'exercice de son métier force à
rester plusieurs heures assis, éprouve des pesanteurs et des élan-
cements <lans le rectum.
Le canal de l'urèthre est douloureux dans toute son étenlue,
surtout au niveau de la fosse naviculaire et dans les régions pro-
fondes. Depuis trois mois, il urine moins facilement, la nuit et le
matin surtout.
Il est souvent forcé, quelle que soit l'envie qu'il éprouve d'uriner,
de solliciter sa vessie pendant deux à trois minutes pour que la mic-
tion s'opère. Il redoute de se livrer au coït, car l'éjaculation est
très-douloureuse et suivie, le lendemain, d'une gène plus grande
dans le cours des urines. Constipation opiniâtre, selles pénibles sui-
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374 ♦ TTÏKRAPEUTIQUK.
vies d'un suitement que le microscope nous révèle n'être que du
fluide prostatique. Urines normales.
Le canal de l'urèthre est libre jusqu'à la région prostathrae, où
une exploration attentive nous permet de constater une saillie con-
sidérable qui rend le cathétérisme, pratiqué avec la sonde à cour-
bure ordinaire, difficile et douloureux. La sonde prostatique est
déviée à droite à ce niveau, ce qui indique une byperthropbie du
lobe gauche de la prostate.
Par le toucher rectal, nous constatons que la prostate est volumi-
neuse, assez dure, et que le lobe gauebe est, en effet, plus volumi-
neux que le droit.
Le 40 septembre, nous appliquons, pour la première fois, les
courants continus. Au bout de 5 applications, tous les symptômes
douloureux cessent, et les urines commencent à couler plus facile-
ment. Enfin, 20 applications suffisent pour faire cesser tous les ac-
cidents et pour permettre au malade de reprendre son travail. Le
sieur Clément a néanmoins la sagesse de venir toutes les semaines
se faire faire une application. Chose singulière, pour le toucher
rectal, nous ne trouvons point que la prostate ait diminué d'une
façon appréciable.
Observation IV.
D..., i9 ans, artiste peintre. Ce malade a abusé de la vie ; il a
contracte, à l'âge de 18 ans, un chancre qui n'a pas été suivi d'ac-
cident, et une blennorrhagic qui a laissé à sa suite un écoulement
qui, sujet a des recrudescences à chaque écart de régime, persiste
encore à l'heure qu'il est.
Le sieur D... a été opéré, il y a deux ans, d'une hernie étranglée;
depuis cette opération, le malade est forcé de se sonder tous les
jours, s'il ne veut être repris de rétention d'urine, accident qui lui
est survenu après l'opération.
Les urines sont punUentcs ou, du moins, nous y constatons la
présence de nombreux leucocytes.
Elles renferment même quelquefois des glaires qui viennent obs-
truer les yeux de la sonde.
Mais, si le malade vient nous consulter, c'est surtout pour un feu
(sic) qui de temps en temps, tous les deux ou trois jours, le fait
souffrir beaucoup.
C'est une sensation de brûlure, au méat, survenant brusquement,
sans causes appréciables, et irradiant au périnée. Alors, nous dit le
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DES COURANTS CONTINUS CONSTANTS. 375
sieur D..M je suis forcé de courir prendre un bain prolongé qui,
d'habitude, suffit à calmer cette douleur qui, sans cela, devien -
drait intolérable. Le malade peut prédire , lorsqu'il s'aperçoit
d'une plus grande difficulté à uriner, que le lendamain son feu le
reprendra.
Il est intéressant de noter ici que cette douleur, que presque tous
les malades accusent lors de l'émission des urines, se reproduisait
ici au moment le plus inattendu, lors même que le sieur D... tra-
vaillait.
La vessie est saine, les parois du canal sont épaissies, dures, sans
souplesse, le cathétérisme est pratiqué sans provoquer de douleurs
et sans grandes difficultés ; ces difficultés tiennent, en tout cas, au
manque de souplesse des parois de l'urèthre qui, chez le sujet de
cette observation, donnent à la main de l'opérateur une sensation
toute particulière ; il semble, en effet, que l'on fait parcourir à
l'instrument un tube de cuir.
Par le toucher rectal, nous constatons que la prostate est volu-
mineuse; à consistance normale ; les deux lobes latéraux sont hy-
pertrophiés également.
Afin de comparer les divers modes de traitement proposés contre
les affections de cette nature, au moyen que nous préconisons au-
jourd'hui, nous soumettons le malade aux injections intra-vésicales
phéniquées, aux opiacés, aux bains de siège, lavements frais, sup-
positoires, purgatifs, etc., pendant que nous continuons à prescrire
l'usage de la sonde.
Tout ceci nous permet bien d'améliorer légèrement son état,
mais sans faire cesser les phénomènes douloureux et la dysurie.
Aussi, le 15 septembre, nous décidons-nous à employer l'électri-
cité.
Aujourd'hui, 20 novembre, par 20 applications, nous sommes
arrivés au résultat suivant.
Depuis six semaines, le malade ne s'est pas sondé ; il urine libre-
ment et n'a pas ressenti une seule crise de son feu depuis cotte
époque. La prostate a diminué sensiblement, les urines sont claires,
et le microscope ne nous permet plus d'y trouver de leucocythes.
L'état général s'améliore de jour en jour. Nous ne faisons plus, de-
puis le 15 courant, qu'une application par semaine.
Observation V.
G..., 71 ans, tailleur. Ce malade vient nous consulter le 4 jau-
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3*?6 THÉRAPEUTIQUE.
vier 1869. Il a eu trois blennorrhagies dont la dernière remonte à
plus de trente ans; jamais de syphilis.
Etat actusl. Le sieur G... se plaint de douleurs très- vives dans la
fosse naviculaire irradiant le long de la verge jusqu'au périnée. Pe-
santeurs dans le rectum avec sensation continuelle de garde-robes
se présentant à l'anus. Alternatives de constipation et de diarrhée ;
lorsque les selles sont dures, leur passage détermine de la douleur,
il n'y a pas d'hémorrhoïdes. La miction ne s'opère qu'avec difficulté
la nuit surtout et le matin ; dans la journée le malade urine un peu
plus facilement, quoiqu'il lui faille toujours solliciter sa vessie pen-
dant quelques minutes.
Le canal est libre jusqu'à la région prostatique ; en ce point, quels
que soient les manœuvres et les instruments employés, il nous est
impossible de pratiquer le cathétérisme, qui du reste a été tenté
infructueusement par plusieurs chirurgiens ; soit en ville, soit à
l'hôpital.
C'est à peine si une bougie de baleine courbée peut pénétrer dans
la vessie.
Mais cette opération est même si douloureuse que nous croyons
inutile d'insister. Les urines sont troubles, elles se décomposent
promptement, et par l'examen microscopique nous y trouvons de
nombreux leucocythes.
Par le toucher rectal, nous constatons que la prostate est très-
volumineuse ; elle est également augmentée de volume dans toutes
ses parties ; cette glande est dure et douloureuse à la pression.
Nous soumettons immédiatement le sieur G... ou traitement par
les courants continus.
Pendant cinq mois, trois fois par semaine, le malade a eu la
constance de venir sn faire électriser; aussi, tous les mois, consta-
tons-nous la diminution du volume de la prostate, et l'aiguille du
galvanomètre nous indique-t-elle. par une déviation de plus en plus
considérable, le passage plus facile du courant à travers cette glande.
L'émission des urines se fait de plus en plus facilement, et le ma-
lade, qui quelquefois était forcé d'attendre leur sortie pendant une
heure, tous les matins est de jour en jour forcé d'attendre moins de
temps. Les pesanteurs au fondement et les élancements cessent au
bout de 10 applications; les garde-robes se font plus facilement et
les urines deviennent de plus en plus limpides ; il nous arrive sou-
vent de n'y plus trouver de leucocythes, elles ne se décomposent
plus. Bref, au mois de mai, le canal de l'urcthre a recouvré une
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DES COURANTS CONTINUS CONSTANTS. 377
perméabilité telle qu'il nous est permis «l'employer la dilutation
progressive avec les bougies en gomme, en continuant toutefois le
traitement par l'électricité.
Le 10 juin, le malade pisse librement à plein canal; nous som-
mes arrivés à passer facilement, sans déterminer aucune douleur»
le n° 24 de la libère Charrière. Quelques injections intra-vésicales
phéniquées au 1 millième et des capsules de térébentbine complè-
tent le traitement.
Observation VI.
Norbert D***, 32 ans, employé, se présente à la consultation du
Dispensaire le 7 juin 1869. Le malade a eu deux blennorrhagies,
dont la dernière remonte à buit aus. Elles ont été mai soignées,
mais néanmoins le sieur D"* n'a pas conservé de suintement habi-
tuel. L'émission des urines se fait bien, mais saus énergie, et le
malade est forcé d'attendre un peu leur sortie. Constipation habi-
tuelle ; le passage des selles ne détermine pas de douleurs.
Depuis plus d'un an, élancements très-vifs dans la fosse navicu-
laire et dans toute la verge, avec irradiation dans la région prosta-
tique et le rectum. Envies fréquentes d'uriner. Le malade est en
érection toutes les nuits, et i'éjaeulation est douloureuse. L'examen
des uriues ne nous révèle rien d'anormal dans leur constitution. La
pression de la région vésicale détermine un peu de douleur.
Nous pratiquons le catbétérisme relativement avec facilité, quoi-
qu'une saillie prostatique assez considérable nécessite une manœu-
vre appropriée. La vessie est saine.
Le toucher rectal nous permet de constater une augmentation
notable du volume de la prostate, qui est volumineuse, surtout si
on a égard à 1 âge du malade ; par la pression nous y provoquons
une légère sensation douloureuse. Le lobe droit de cette glande est
beaucoup plus considérable que le gauche.
Nous appliquons les courants continus; des la troisième applica-
tion, cessation des phénomènes douloureux et des pesanteurs. A la
huitième séance, le sieur D"* commence à noter une amélioration
telle que si nous ne nous y opposions pas il cesserait tout traitement,
mais nous croyons sage de persister. Enfin, au bout de 20 applica-
tions, nous constatons une diminution appréciable du volume de la
prostate ; les selles se font facilement et la miction s'opère d'une fa-
çon normale ; le malade n'éprouve plus aucun des symptômes qui
l'avaient engagé à venir nous consulter.
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378 THÉRAPEUTIQUE.
En pratiquant le cathétérisme, nous trouvons bien toujours la
saillie prostatique, mais elle est beaucoup moins considérable. Le
traitement a dure en tout deux mois.
Observation VII.
G..., 67 ans, ancien instituteur, se présente à notre consultation
le 7 juin 1869. Plusieurs blennorrhagies, pas de syphilis. A beau-
coup abusé des boissons spiritucuscs et des femmes. Il y a au moins
trois ans que le malade a constaté une grande diminution dans le
volume du jet des urines. Pesanteurs et élancements <!ans le rec-
tum. Douleurs dans la verge, irradiant à la région prostatique.
Difficulté de plus en plus grande à opérer la miction, surtout la
nuit. Les urines sont lentes à venir ; le sieur G... les attend quel-
quefois pendant dix minutes, et souvent ce n'est qu'en malaxant le
gland qu'il peut obtenir leur émission. Les urines sont légèrement
catarrhales et souvent même ammoniacales. Douleurs très-vives au
col de la vessie, constipation habituelle, selles douloureuses. Le ma-
lade a passé entre les mains d'une foule de médecins qui tour à tour
lui ont conseillé l'usage de différentes eaux minérales, et lui
ont pratiqué des injections intra-vésicales ; il a fait usage de pom-
mades de différentes natures, de l'hydrothérapie; lavements froids,
suppositoires belladonés, etc.; le tout n'a jamais amené que des
améliorations passagères. Le cathétérisme qui est douloureux se
fait avec difficulté, ce qui est dû à une saillie prostatique considéra-
ble à gauche; la sonde est en effet déviée à droite à son passage dans
cette région. La vessie est saine. Le toucher rectal confirme le dia-
gnostic: le lobe gauche de la glande est en effet très-volumineux,
tandis que, chose assez rare, le lobe droit est presque d'un volume
normal. La pression de la prostate provoque de la douleur.
28 applications (2 par'semaine) amènent un soulagement consi-
dérable : les urines coulent plus facilement, la constipation est moins
grande, les phénomènes douloureux n'existent plus, la douleur au
col vésical est très-atténuée et ne se manifeste plus que rarement.
Grâce a quelques injections à l'eau de goudron, les urines sont re-
devenues normales. Malheureusement, le sieur G... est forcé de
quitter Paris au moment où nous pouvions lui prédire d'une façon
certaine un succès complet ; en effet, si la prostate n'a pas diminué
d'une façon très-appréciable par le toucher rectal ; néanmoins, le
cathétérisme nous permet de constater que la déviation produite par
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DES COURANTS CONTINUS CONSTANTS. 379
l'hypertrophie du côté gauche de cette glaDde est beaucoup moins
sensible.
Observation VIII.
M..., 61 ans, employé en retraite, a toujours eu une vie très-agi-
tée, une seule blennorrhagie il y a plus de quarante ans, jamais
d'autres accidents vénériens. Depuis trois ans environ le malade s'a-
perçoit qu'il urine moins facilement ; les urines sont longues à ve-
nir, surtout le matin. Aussi depuis trois mois a-t-il recours deux
fois par jour au cathétérisme qu'il pratique lui-même avec une
sonde de gomme à olive n° 8. Il peut néanmoins uriner sans avoir
besoin de se sonder, mais la miction est alors très-longue à s'opérer,
et les efforts qu'il fait le fatiguent beaucoup. Les urines sont nor-
males. Les fonctions de reproduction sont éteintes depuis huit ou
dix ans. Le sieur M... est un vieillard dans l'acception du mot, les
digestions sont pénibles, les garde-robes rares et très-dures. Le ma-
lade se plaint en outre de pesanteurs et d'élancements qui le gênent
beaucoup, et qui, surtout après une journée de travail assis, le for-
cent à avoir recours fréquemment à des bains de siège, qui ne pro-
duisent d'amélioration qu'à la condition de se coucher immédiate-
ment après.
Nous explorons séance tenante (10 juin 1869) le canal de l'urè-
thre, que nous trouvons libre jusqu'à la région prostatique que nous
essayons en vain de franchir : une saillie considérable nous barre le
passage ; ce n'est qu'avec la sonde en gomme à béquille n° \ 6 que
nous parvenons à pénétrer dans la vessie .
Le toucher rectal nous révèle une prostate très-volumineuse, les
deux lobes latéraux sont augmentés de volume inégalement, le gau-
che est plus gros que le droit ; la pression n'y détermine point de
douleur.
Il est important de noter ici que le sieur M... a consulté plusieurs
médecins et qu'il a suivi exactement les divers moyens proposés par
ces confrères ; bains prolongés, cataplasme, frictions et onctions avec
différentes pommades, suppositoires, lavements frais et jusqu'à la di-
latation progressive, toniques et amers, etc..., tout a été essayé sans
succès.
Nous faisons usage des courants continus, selon notre procédé ha-
bituel, en recommandant au malade de cesser l'emploi de la sonde.
Gomme adjuvants du traitement par l'électricité nous prescrivons le
quinquina, les amers, les ferrugineux, les laxatifs et les bains tiédes.
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380 THÉRAPEUTIQUE.
Par douze séances de dix minutes, en un mois, nous obtenons un
soulagement très-marque, les urines coulent plus facilement, sans
qu'il y ail besoin pour cela de faire dos efforts aussi grands que par
le passé, le cathéU'rime avec les sondes métalliques à grandes cour-
bures quoique toujours ditlicileestpossibl ■ et ne détermine point de
douleurs, l'état général est meilleur, il n'y a plus de pesanteurs ni
d'élancements dans le rectum, le malade dit qu'il se sent plus léger.
11 autres applications procurent un soulagement encore plus mar-
qué, mais un embarras des voies digestives rebelle à tout traite-
ment fait décliner les forces du malade dans une telle proportion
que d'accord avec le médecin habituel nous croyons nécessaire de
l'envoyer à la campagne, un changement d'air nous semblant indi-
qué. En tout cas, au moment de son départ l'état des voies urinai-
res est si satisfaisant que le sieur M... nous remercie avec effusion,
se prétendant guéri de ce côté. Nous avons appris depuis qu'il avait
succombé à une congestion cérébrale.
Observation IX.
R. ., 60 ans, rentier, a toujours mené une vie agitée, excès de
boissons et de femme ; jamais de maladies vénériennes. Depuis sept
ans il ne peut uriner qu'au moyen de sonde, qu'il pratique lui-
même de deux en deux heures. Il a élé forcé d'avoir recours à ce
moyen à la suite de plusieurs rétentions d'urine (il resta une fois
vingt-quatre heures sans pouvoir uriner) qui nécessitèrent l'inter-
vention d'un chirurgien.
Le malade que la moindre fatigue force de garder le repos au lit
par suite de l'inllammation qu'elle amène dans ses organes urinai-
res se présente à notre consultation lassé qu'il est de ne pouvoir
être soulagé par aucun traitement médical ; on lui a conseillé en ef-
fet tout le cortège habituel des médicaments usités en pareil cas sans
amener de soulagement.
Nous essayons en vain de pratiquer le cathétérisme, une saillie
prostatique considérable s'oppose à l'introduction de la sonde ; nous
voyons néanmoins non sans surprise le sieur H... se sonder lui-
même séance tenante. Il nous dit, du reste, que plusieurs chirur-
giens ont tenté en vain cette opération.
Sentiment de pesanteur avec élancements dans le rectum, con-
stipation opiniâtre que les lavements seuls peuvent vaincre, le ma-
lade ne peut s'asseoir sur un siège rembourré, il se plaint en outre
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DES COURANTS CONTINUS CONSTANTS. 381
«Je la fatigue très-grande qu'il ressent par suite de la nécessité où
il est de ne pouvoir se ti'ii'r complètement assis.
Par le loucher rectal nous constatons <|ue la prostate est très-
volumineuse, léircre. nent et également bosselée et «l'une consistance
moyenne, c'est sin tout le lobe moyen ([ni présente le développe-
ment le pluseoa-d léralde. La pression de l'organe hypertrophiée est
trés-doulou euse, nous jugeons donc qu'il doit y avoir ici un état
d'inflammation concomitant.
Le malade accepte l'application des courants continus par le rec-
tum; le pôle positifétant introduit dans le rectum et le pôle négatif
sur le périnée, nous faisons passer un courant fourni paruixéléments
Remak. Mais ce courant devient bientôt trop douloureux et nous som-
mes obligés de descendre à six. Les cinq premières séances fatiguent
horriblement le malade tant à cause de la position que par suite des
manœuvres nécessaires ; toutefois il constate après la troisième ap-
plication que le besoin d'uriner est moins impérieux et qu'il peut
attendre trois heures sans se sonder.
Bientôt les douleurs deviennent moins vives, le malade peut s'as-
seoir normalement, à la quinzième séance il suffit de trois cathété-
rismes dans les douze heures pour vider sa vessie.
Diminution de la sensibilité de l'organe, catlu térismc plus facile
et beaucoup moins fréquent, plus de tendance au retour de Pin-
flammat on, tels sont les résultats obtenus après trente séances en
trois mois, sans pouvoir en obtenir de meilleurs.
Par le toucher rectal nous constatons une diminution très-appré •
ciablc du volume de la prostate. Au premier moment c'est avec sur-
prise que nous la trouvons plus dure quoique réduite.
L'explication de ce fait résulte de ce que nous avons
énoncé plus haut, à savoir : que si les courants con-
tinus, en faisant sentir leur bienfaisante influence
de proche en proche, de la périphérie au centre,
su (lisent à faire disparaître les engorgements de la
prostate en rendant aux vaisseaux leur perméabilité
primitive, et, par conséquent, en rétablissant en même
temps la nutrition normale, dans les cas d'hyper-
trophie confirmée, le traitement que nous préconisons
ne peut amener une résolution complète de cet état.
TOMB XXXI. —MAI 1870. 25
382
BULLETIN.
Chez le malade, sujet de cette observation, nous
avons, selon toutes les probabilités, eu affaire à une
hypertrophie confirmée, dont le noyau, composé d'élé-
ments anatomiques proliférés, a résisté à la régression
de ces mêmes éléments que les courants continus ont été
impuissants à déterminer, alors même que l'eng,org,e-
ment périphérique s'était résolu sous l'influence de 1 e-
lectricité.
Observation X.
Meslin,20 ans, bijouter chez MM. Robert et Collin, a été atteint
d'une blennorrhagie il y a un an, soignée à l'hôpital par les basalmi-
ques et les injections au nitrate d'argent. L'écoulement a persisté
malgré tout, et ce n'est que grâce aux insufflations médicamenteu-
ses qu'il s'est tari.
Depuis cinq mois, c'est-à- dire depuis le jour où le malade a été
guéri, il éprouve des douleurs très-vives au bas-ventre avec élance-
ments dans le rectum. La station assise est insupportable, et à cha-
que instant le sieur M... est forcé dose lever pour satisfaire des
envies d'uriner qui deviennent de plus en plus fréquentes. Chaque
miction est peu abondante, la vessie ne se vide qu'incomplètement
et les douleurs reparaissent immédiatement après. Le canal est li-
bre, mais par le toucher rectal nous trouvons la prostate engorgée
et douloureuse à la pression.
Une seule application des courants continus pratiquée le 6 dé-
cembre de cette année a suffi pour faire cesser tous les symptômes
douloureux. Aujourd'hui sixième application en huit jours, la guéri-
son est complète : le sieur Mesliu n'éprouve plus rien de ce qui l'a-
vait engagé à venir nous consulter.
BULLETIN
LA LIBERTÉ DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
Les jours se suivent et ne ressemblent pas. Une ques-
tion vitale pour la médecine, celle de la liberté de l'en-
seignement supérieur, solennellement enterrée à la
suite d'un récent débat, s'est réveillée tout à coup, et
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LA LIBERTÉ DE l' ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. 383
cette fois, avec des chances entièrement opposées. Pres-
que tout le monde aujourd'hui semhle favorable à cette
liberté nécessaire , ou, pour parler plus exactement, per-
sonne (à l'exception toutefois de quelques universitaires
fanatiques ou d'enragés socialistes) n'ose ouvertement
la combattre. Cependant ceux qui la redoutent consen-
tent a 1 accepter, mais avec un cortège de précautions
restrictives qui la rendra, du moins ils l'espèrent, à peu
près nulle, et ceux qui la désirent osent à peine la
réclamer dans les conditions indispensables à son plein
exercice.
On ne peut nier cependant que la question n'ait fait
un grand pas. Elle est entrée dans une phase toute
nouvelle ; car les défenseurs de l'enseignement officiel
n'en soutiennent plus que mollement l'injustifiable mo-
nopole. On ne s'indigne plus contre des attaques mala-
droitement dirigées, mais trop justes au fond, et si quel-
ques âmes charitables cherchent encore, avec une piété
par trop naïve, à couvrir la honteuse nudité de cer-
taines doctrines officiellement enseignées, l'opinion est
faite à cet égard et le principe est abandonné.
Il faut concéder la liberté de l'enseignement supé-
rieur. Tel est le vent qui souffle de toutes parts aujour-
d'hui. Les implacables et les irréconciliables seuls font
mine de craindre une réaction religieuse; ils ne sont
d'ailleurs guère embarrassés par la logique de leurs
principes , et ils se sont décidés à résister ouvertement
sans crainte de démasquer le despotisme caché sous le
drapeau d'un radicalisme qui ne se dit plus libéral.
La lutte se concentrera donc sur le détail et, pour pré-
ciser, sur un point qui nous touche essentiellement nous
médecins, sur le mode de la collation des grades.
Plusieurs solutions sont proposées. Il convient de les
examiner et de les discuter.
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384 BULLETIN.
Il y en a quatre :
1° Les Facultés de l'Etat font seules passer les exa-
mens et confèrent les grades universitaires ;
2° Les universités libres partaient ce droit avec l'Etat
à l'égard de leurs élèves (l) ;
3° Des jurys mixtes composés de professeurs officiels
et de professeurs libres sont chargés en commun des
examens et de la collation des grades ;
4e Des jurys supérieurs tirés au sort ou nommés par
l'Etat, mais pris en dehors du corps enseignant officiel,
c'est-à-diredes médecins, pour les sciences médicales; pour
le droit, des magistrats, des jurisconsultes, des avocats;
pour les sciences, des savants, des académiciens, etc.,
tous investis du droit en question, font passer l'examen
professionnel et ouvrent aux candidats la carrière pra-
tique.
Laisser la collation des grades et les examens qui en
sont le préliminaire indispensable aux Facultés de
l'Etat, c'est, pour ainsi dire, ne rien changer à la situa-
tion, car c'est maintenir la prépotence ou môme l'omni-
potence universitaire. Dispensatrices des grades, les Fa-
cultés resteront seules maîtresses de l'enseignement.
Examinant les élèves, elles les tiendront, quant aux
études, quant aux méthodes, quant aux doctrines, dans
une dépendance absolue. Les Facultés rivales seront
désertes; heureux encore leurs rares élèves s'ils ne sont
signalés comme suspects et s'ils peuvent subir leurs
épreuves et passer leurs thèses! Ce n'est pas une sup-
position gratuite que cet arbitraire exercé malheu-
reusementdéjàplus d'une fois par des professeurs impo-
sant despotiquementauxélèves leurs idées et leurs livres.
(1 Nous ne prévoyons pas le cas, fort éloigné sans doule, où l'État
renoncerait ù tout enseignement officiel, ce qui serait assurément le
plus haut degré et comme le type par excellence d«i la liber lé d'ensei-
gnement.
^ gttiz £d ia^pfer^ôg le
LA LIBERTÉ DE j/ ENSEIGNEMENT SUPERIEUR. 385
Sans doute on invoque ici avec quelque apparence de
raison l'intérêt public. N'y a-t-il donc aucun péril à
laisser la fortune et la vie des citoyens à la merci d'a-
vocats ou de médecins sans contrôle suffisant, sans les
garanties qu'assurent les examens et les diplômes offi-
ciels? Mais, peut-on répondre, ces examens etcesdiplômes
sont-ils, dans la grande majorité des cas, bien sérieux?
N'est-ce pas trop souvent une pauvre marchandise que
couvre ce pavillon? N'est-ce pas chose connue généra-
lement, et. sans parler des classes aisées si justement dif-
ficiles à cet ég; rd, les habitants des campagnes et les ou-
vriers des villes ne savent- ils pas faire un choix prudent
parmi les hommes à diplôme, distinguant avec juste
raison ceux que leur désignent leur savoir, leur expé-
rience et leur earactère? Il en résulte que ce droit de vie
et de mort donné aux médecins (pour ne citer ici que le
péiil le plus grand) donné par le diplôme officiel ne se-
rait pas rendu plus dangereux dans la nralique, parce
qu'il serait octroyé par dos Facultés l.bres. Celles-ci
d'ailleurs excitées par une légitime énmat* .1, auraient
tout avantage à se montrer sévères dans les actes pro-
batoires de leurs élèves.
On le voit donc, en approfondissant la question, il n'y
aurait nul danger à laisser chaque Faculté libre délivrer
ses diplômes. La prudence individuelle saurait bientôt
faire son choix entre les docteurs de l'Etat et ceux des
universités indépendantes. Est-ce qu'il n'en est pas ainsi
pour les architectes, les ingénieurs, les artistes à qui,
sans aucune marque officielle, son tcon fiés chaque jou r
les intérêts les plus graves.
Ce serait sans doute là, dans l'état présent, la meil-
leure et la plus pratique so ution : grades officiels d'un
côté, grades des universités libres de l'autre. Concur-
rence féconde, émulation salutaire; pendant longtemps
386 BULLETIN.
encore prééminence nécessaire des écoles de l'Etat par
leur ancienneté, la force de leur organisation, Prénom-
mée de leurs professeurs, la grandeur de leurs établisse-
ments, la richesse de leurs collections, etc., etc., mais
absence de pression, de tyrannie, disons-le mot, de per-
sécution de leur part à l'égard de l'enseignement libre
à l'état naissant. Voilà la situation vraie qui serait la
conséquencedu nouvel état de choseset non pasun péril
sérieux de la part des jeunes universités qui pour-
raient être insuffisantes, mais non dangereuses, en pré-
sence de leur redoutable rivale.
La collation des grades par des/?/rys mixtes, qui existe
en Belgique, par des jurys composés de professeurs
libres et de professeurs officiels, est une solution très-
pratique. Elle peut avoir des inconvénients, comme la
meilleure institution humaine, mais ses défauts, niés
par les uns, exagérés par les autres, ne sont pas de na-
ture à faire rejeter un mode équitable en lui-même et
qui a le grand avantage d une expérience déjà longue
dans un pays voisin. Le reproche qu'on lui a fait, de nuire
à la force des études, n'est pas justifié par les faits, ni
accepté par les hommes les plus compétents. D'ailleurs
ici en France pour ne parler que de l'enseignement mé-
dical, où rien de semblable n'existe, la Faculté constate
un abaissement dans le niveau général des études qui
ne lui a pas encore permis, cette année, d'accorder le
prix de l'Ecole pratique.
Un dernier mode de la collation des grades le plus
parfait peut-être serait l'institution d'un haut jury
nommé par l'Etat, mais tout à fait indépendant de l'en-
seignement officiel ou libre. Le professeur enseignerait,
là se bornerait son rôle, il n'examinerait pas; il ne se-
rait pas juge; c'est-à-dire qu'il ne pourrait imposer ses
opinions et ses doctrines ni proscrire celles du candidat.
i
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LA LIBERTÉ DE L ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. 387
Des jurisconsultes, des magistrats donneraient les gra-
des de licencié et de docteur en droit; des praticiens dis-
tingués, des académiciens, examineraient les aspirants
au titre de docteur en médecine; des savants, des mem-
bres de l'Institut seraient chargés de donner le grade
de docteur ès sciences; des lettrés, des érudits, des hom-
mes éminents dans la littérature formeraient un jury
aussi juste et plus impartial encore que les professeurs
de la Faculté des lettres.
De la sorte, tous les droits, tous les intérêts seraient ga-
rantis. Ainsi la société se garde contre des dangers qu'on
exagère sans doute, mais qu'elle peut redouter, surtout
dans un moment de transition ; la liberté d'enseigne-
ment, droit naturel du père de famille qu'il délègue à
qui bon lui semble est respectée, la lib.Tlé d'enseigner et
d'être enseigné que tout citoyen majeur peut réclamer
dans les conditions présentes de la so • é « où les mau-
vaises doctrines ont besoin d'être contrebalancées, cette
liberté est également assurée ; enfin le> droits aequis, la
possession de l'université actuelle qu >n ne peut guère
détruire tout d'un coup, et qui grâce à la concurrence
proclamée, se modifiera et s'améliorer i. ont aussi sau-
vegardés. Le problème est donc juste ni et complète-
ment résolu.
Si maintenant nous passons aux faits tout récents
qui se rattachent à cette question de la liberté de l'en-
seignement, deux discussions d'un ordre très-différent
nous donnent i'état exact des esprits.
D une part, dans la grande Commission présidée par
M. Guizot, avec un esprit vraiment large et plus libéral
qu'il n'était permis de l'attendre d'un ancien grand
maître de l'Université, les partisans sincères de la li-
berté ont conclu comme nous. Les purs universitaires,
comme le professeur Denonvilliers, ont déclaré que tout
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388 BULLETIN.
était pour le mieux dans le meilleur des mondes ensei-
gnants, et qu'il n'y avait absolument rien à modifier.
Rien de plus naturel delà part d'un conservateur salis-
fait, ou, si l'on veut, d'un pontife défendant son autel
et son foyer; mais ce qui donnait plus de piquant à la
conclusion, c'est qu'elle était la même que celle des ora-
teurs les plus radicaux et les plus révolutionnaires d'une
autre assemblée toute populaire.
D'autre part, en effet, dans une réunion publique,
M. Pascal, rédacteur du Mouvement mfalknl, cl quelques
professeurs libres, à idées fort avancées, mais assez
sincèrement amis de la liberté pour la laisser à leurs
adversaires, ce qui n'est pas aussi commun qu'on le
pense, ont résolument et franchement conclu au droit
commun d'enseigner et d'être enseigné. Par contre,
MM. ÎS'aquet et Kegnard ont soutenu la thèse opposée,
en invoquant le menaçant fantôme des jésuites et des
corporations religieuses, qui ne manque jamais son ef-
fet. La richesse, la puissance des corporations, la pau-
vreté et l'état d'oppression où sont réduits les vrais, les
seuls amis de la science ; une certaine logique qui met
à tous les degrés l'enseignement obligatoire de l'État,
tels sont les raisons de ces adversaires de la liberté
d'enseignement. Ils n'ont rien caché; désirant voir,
ont-ils dit, tous les médecins matérialistes et athées, et
la Faculté, sous ce rapport, ne laissant rien à désirer,
c'était une absurdité soit de la modifier, soit de permet-
tre qu'on pût lui faire échec ou concurrence.
Il faut le dire, à l'honneur des instigateurs de la réu-
nion, ils n'ont pas faibli devant ces attaques et ces argu-
ments qui réveillant toujours des passions et des hai-
nes vivaces, ont une grande puissance sur les masses;
ils ont tenu tête à l'orage, et maintenu le droit à la li-
berté d'enseigner, pour tous, même pour les jésuites.
LA LIBERTÉ DE iJ ENSEIGNEMENT SUPERIEUR. 389
C'est du moins ce qui nous semble ressortir de ce pas-
sage du discours de M. Pascal. « Quant aux ressources
que les corporations enseignantes tirent du concours in-
dividuel dans la société, il y a là de deux choses Tune :
— ou un service effectif rendu par la corporation, et
vous ne pouvez vous substituer à la corporation qu'en
rendant le même service dans de meilleures conditions;
c'est pourquoi nous voulons la plus grande liberté de
concurrence; — ou bien une erreur de la masse qui
prend pour un service de la corporation ce qui n'en est
pas un. Et vous ne pouvez ramener aux œuvres produc-
tives et saines, ces ressources absorbées par les para-
sites, qu'en répandant à flots l'instruction sur toute la
société; — c'est pourquoi nous demandons la liberté
absolue de l'enseignement »
Cette attitude équitable a trouvé de l'écho dans l'as-
semblée et hors de l'assemblée, jusque dans les rangs
ofTïeiels de la Faculté. Le professeur Verneuil a adressé
la lettre suivante à M. Rambaud, président de la com-
mission d'initiative pour la Liberté de f Enseignement :
o Paris, 25 avril.
u Mon cher ami,
« Je suis depuis quelque temps avec un vif intérêt les débats pro-
voqués par la grande question de la liberté de l'enseignement. J'ai
causé tout récemment de ce sujet si important avec mon vieil ami
Dupré.
« Professeur libre autrefois, je n'ai point répudié mes anciennes
opinions, et, sous l'habit de professeur officiel, je n'en conserve pas
moins toutes mes aspirations vers la justice et la liberté.
«< Quelques avocats de celle-ci me paraissent la compromettre
quelque peu; mais, vous, Dupré et quelques autres, sont, à mon
avis, dans la vraie direction. On s'entendrait aisément si l'on distin-
guait nettement trois choses absolument distinctes :
« Liberté d'enseigner;
« Liberté de s instruire ;
« Acquisition des grades ; formation des jurys d'examen.
390 VARIÉTÉS.
« Pour les deux premiers points, abolition de toute entrave ; pour
le dernier, contrôle sérieux de la Société ; séparation du corps en-
seignant et du corps examinant. Nous sommes pour la plupart, à la
Faculté, partisans de ces réformes qui seraient assez faciles à réa-
liser, si les demandes étaient clairement formulées et si toute âcreté
était "bannie du programme libéral.
« Si vous le jugiez bon, j'exposerais volontiers mes vues sur ce
sujet, soit à vous, soit à quelques-uns des membres de la ligue
légitime que vous présidez.
« Mon concours moral et matériel vous est donc acquis. Depuis
longtemps déjà je voulais vous transmettre ces quelques lignes ; le
temps m'avait manqué jusqu'alors.
« Je vous serre très-affectueusement ies mains. Votre vieil ami,
« Yeunetil,
* PfoOî-srur à la Faculté à*- Paris. »
Malgré la surprise agréable qu elle nous cause, celle
lettre nous prouve que la Faculté de médecine n'est
peut-cire pas aussi hostile à la liberté d'enseignement,
et même au changement de mode de la collation des
grades, que le prétendent certains de ses défenseurs.
En tout cas, elle confirme nos propres conclusions.
Qu'adviendra t-il de tout ce mouvement? Quelque
progrès sans doute; mais pour une solution satisfai-
sante et complète, nous n'y comptons guère.
Alph. Milcent.
VARIÉTÉS
LES PETITES MISÈRES DE QUELQUES MÉDECINS
CATHOLIQUES.
I. — Gérard Van Swieten.
« Van Swieten (1700-1772), Hollandais d'origine,
élève particulier de Boerhaave , dut aux petites misères
quil eut à subir comme catholique d'être choisi pour mé-
decin par Marie-Thérèse. » (M. Charles Daremberg) (1).
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VARIÉTÉS. 391
La biographie va nous dire quelles furent ces petites
misères.
« Dès qu'il [dès que Van Swieten] fut nommé profes-
seur, on accourut en foule à ses leçons; l'Allemagne, la-
France, l'Angleterre lui fournirent chaque année un
nombre si considérable de disciples qu'il se vit en butte
à l'envie, cette passion basse qui est toujours ennemie
du vrai mérite. Van Swieten était catholique, et ses
ennemis se couvrirent du masque de la religion pour
l'attaquer; ils réclamèrent les lois de l'État contre lui.
et parvinrent à le faire descendre de la chaire qu'il rem-
plissait si dignement dans 1 Université de Leyde.
« Le caractère de Van Swieten le mit au-dessus des
tracasseries qu'on lui avait suscitées pour lui oler la
place qu'il occupait dans la Faculté de Leyde. Couvert
de la gloire que ses doctes travaux lui avaient acquise
et qu'on ne put lui enlever, il mérita une nouvelle gloire
par la magnanimité avec laquelle il s'efforça d'arrêter
la vengeance éclatante qu'une jeunesse irritée voulait
prendre de ses ennemis. Rendu à lui-même, il employa
son loisir à travailler à ses admirables Commentaires
sur les Aphorismes de Boerhîiave. Le premier volume
avait déjà paru et le second touchait à sa fin, lorsque
l'auguste Marie -Thérèse l'invita à venir se fixer à sa
cour. Vainement il s'excusa de passer à Vienne, à la
proposition qui lui en fut faite; vainement il voulut sa-
crifier un emploi aussi considérable qu'honorable à la
vie simple, tranquille et paisible, qu'il chérissait; il
fallut obéir aux décrets du ciel et céder aux bontés de
Marie-Thérèse qui lui offrait à Vienne une nouvelle
patrie, où il oublia bientôt la Hollande. Il arriva dans
la capitale de l'Autriche le 7 juin 1745 • (1).
(I) Histoire des Sciences médicales, comprenant l'anatomie. la phy-
siologie, la médecine, la chirurgie et les doctrines de pathologie géné-
rale. Paris, J.-B. BailUèro et ûls, 1870, t. 11, p. 8, 1221.
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392 VARIÉTÉS.
« Dès que Swieten fut nommé professeur [à Leyde^
les élèves accoururent à ses leçons; l'envie le poursuivit
dans la chaire de la science; on lui fit un crime de ne
pas professer la religion de l'État, il finit par être des-
titué ; il était catholique Il avait préféré sa conscience
à la fortune et aux honneurs. » (F. -G. Boisseau) (2).
II. — Jacques Bénigne Winslow.
« Win slow, petit neveu de Stenon, naquit le 9 avril
i669n Odensoe. dans l'île de Funen, en Danemarck.
Desiiné à l'état ecclésiastique, qui était celui de son père,
il avait déjà fait de grands progrès dans la théologie,
et se llattait même d'obtenir bientôt une place de pas-
teur, lorsqu'à l'exempta d'un de ses amis, il embrassa
l'étude de la médecine. Il suivit les cours de Borrieh
pendant un an, et, au bout de ce terme, il obtint une
pension du roi;de Danemarck, à la charge de parcomir
les principales universités de l'Europe pour son instruc-
tion. En conséquence, il partit de Copenhague en 1097,
et se rendit dans la Hollande, où il séjourna une année
entière. En IG98, il vint à Paris, et fut distingué d'une
manière particulière par Duverney, qui encouragea ses
dispositions naturelles pour l'anatomie. L'année sui-
vante, il abjura la religion de ses pères entre les mains
de Bossuet. Cette démarche lui attira la disgrâce de ses
parents, qui lui refusèrent tout secours. » (A.-J.-L.
Jourdan) (3).
« Cette conversion interrompit les largesses du roi de
Danemarck à son égard, et il se vit réduit aux res-
sources que lui procura la protection de Bossuet. Il
(1) N. F.-J. Eloy, Biographie imJd. do l'Encvclop. dos se. mëd.,8,
t. 11. Paris, 1841, p. 490 (d'après le H. P. Ignace Wurz, de la Compagnie
de Jésus i.
(2) Bioiiraph. med., t. VII: Paris. Panrkouke, 182*, p. 288-289. - Cfr.
Dczeimeris, Diei. hist., IV, 241. — Cfr. Anloinn Louis, Éloges lus dans
les s. p. de l'Ac. R. de ehir. ; Pans, 1839, p. 233.
(3) Biogr. raéd., VII, 508-509.
. -
VARIÉTÉS. 393
n'aurait pu, après la mort du prélat, suffire aux frais
ordinaires qu'entraînait la réception au doctorat, miisla
Faculté de Paris] lui en lit remise, en considération du
mérite dont il aurait déjà lait preuve.» (Uezeimkris; (i).
III, — George Agricola (1494-1535).
« Entouré d'innovations eU de réformes, et naturelle-
ment vif et mobile, Agricola [George, dont le véritable
nom était Bauer] resta pourtant toujours lidèle à ses
principes religieux, et il mourut bon papiste. 11 défen-
dit même, avec courage, sur ses vieux jours, la religion
catholique, contre laquelle il avait fait, dans sa jeunesse,
une épigramme qu'on avait affichée sur les murs de
Zsvickau. Les luthériens ne lui pardonnèrent pas son
inébranlable constance. Vivant, on combattit ses opi-
nions et ses principes; mort, on se vengea sur son ca-
davre de ses sarcasmes et de sa noble fermeté : on laissa
son corps pendant cinq jours sans sépulture, après
quoi on le lit transporter à Zeitz, où il fut inhumé dans
la principale église. » B. (2).
Melchior Adam (3) a cherché à pallier cette intolé-
rance des luthériens envers un catholique qui fut à la
fois savant naturaliste, médecin distingué et philosophe.
Charles Kavel. »
Nouvelle. — M. le Dr Ozanam vient de recevoir la
croix de commandeur deSaint-Grégoire-le-Grand et M. le
h' Frestier celle de commandeur de Saint-Sylvestre.
(I) Dict hist., IV, 41-2. Cfr. Eloge do M. Winslow, en tète de l'Expos.
anat. 'ie ia str. du corps h., par VV\; l'uris, lîtio, 1-2, l. I, p. xxu xxix. —
Ànioiiie lVit.il, Hi.st. ue I Anaioiu., IV, 4o8. — J -A Hazoti, NoIiciî des
b.m.mes h-» plus col. do la Fac. do M. en I Un. Uo l'aris, p. 20l-2i>:i. —
Eloy, II, iîio-57.
(i)Biygr. iued., 1823, I, Mi ; Cfr. Moreri, le Giand Dict. hist., 1732,
I. lia. - J.-F. Carrere, Bibl. litl., 177(3, 1, 42. ~ M.-N.-S. Guillon, Hist.
de la Philos, auc. et inod. jusqu'à nos jours, iSiiii, 11, 108.
(çj Vil. Gertnauorum Medic. tlaideibergœ, 1020, 8, p. 80.
HOPITAL FONDÉ PAR LA SOCIÉTÉ MÉDICALE
HOMOEUPATIIIQUE DE FRANCE
282, rue Saint- Jacques.
COMITÉ PROTECTEUR.
M. le Président Bonjean, sénateur.
M. Boittelle, sénateur.
M. le comte do Segur d'Aguesseau, sénateur.
M. le comte d'Aiguesvives, député.
M. Koller, député.
M. le comte Anatole de Ségur, conseiller d'État.
M. Sourdat, conseiller à la i.our impériale d'Amiens.
M. le comte de Francqueville.
M. le vicomte de Grancey.
M. le baron de Lèpine.
M. Paul Mahou.
M. le vicumte de Melun.
M. le baron de Noirmont.
M. le baron du Passage.
M. Ferdinand Riant.
M. le comte Je Tibère.
DAMES PATKOXNESSES.
M"" l^i baronne Aug. de Baye, 23, rue Abbatucci.
M™ Berthelin, 21», rue Tiumliet.
M10* Iji princesse Cantacuzène, '2**, rue de Ponthieu.
Mrof Chabaud, 2*, rue <ia\ -Lussac.
Ai0" Maurii e Cottier, M, rue de la l'aumo.
M"" !i baronne Durand, née de Dax, I, rue Lavoisier.
M""" Fèvre, rue de la i;aiMuillére. i).
M,,w Lit marquise de Forbin d'Oppède, avenue Tourville.
M,,e de Formon, M, rue de i'eutliievre.
M— V Gabalda, :tt, rue Saint-Placide.
M"" Guénnet, -'*. rue d'Astorg.
Mm« I^a comtesse de Lavaulx, n'ï, rue lïellechasse.
M»» p. Mahou, lit», rue de la Victoire.
M»' La marquise de Hauléon, 108, rue de Grenelle.
M"" La vicomtesse de Melun, oU, rue Bellerhasse.
M™* La comtesse de Mesnard, 101. rue du Bac.
M"* Aug. de Mieulle, 95, rue de Lille.
M'"« ti.de Monbrison, Utt, boulevard Hausamann.
M"" de Montgon, -1», rue de l'Université.
Mme La princesse Joachim Murât, 3, rue de la Tour-des-Dames.
M°" La baronne de Noirmont, S, rue Royale.
M"« Parry, 48, avenue Joséphine.
Mm' la marquise «le PueygueroU.es.
M»« La duchesse de Rivière, IH4, rue de Grenelle.
M"' Rolland, 4V. rue Saint Dominique.
M»' Gabriel Salvador, 82, Boulevard de Ncuilly.
M»* de Saon, U, rue Monsieur.
M-' U comtesse de Saint-Seine, 40, rue Belle:hasse.
M«« Charles Seguin, 17, ue .Matignon.
M«' La ma quise de Tibère, 18, rue d'Aguesseau.
M»* La baronne de la Tullaye, 21, rue de Lille.
Mac La comtesse do Vibraye, 24, rue do la Chaise.
M»« La marquise de Virieu, 40, rue Saint-François-Xavier.
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Une nouvelle liste comprendra les souscriptions toutes récentes parmi lesquelles nous avons
eu celles de nos confrères MM. Blot, Brunner, Davasse, Gallavardin, Jorez, Noack père,
^ack fils, Teste, etc.
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HOPITAL HOMŒOPATHIQUE.
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Le Rédacteur en chef, Jules Davassr.
Paria. - Imprimerie 4. I'aremt, rueMonsieur-le-Pnnce, 31.
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L'ART MÉDICAL
JUIN 1870
MÉDECINE PRATiQLE
LEÇONS CLINIQUES DU D' JOUSSET.
Annco 1870.
KÉD1GÉES PAK LE Dr JABLOXSKI.
PREMIÈRE LEÇON.
Messieurs,
Avant d'aborder l'histoire partieulière de chacun de
nos malades, j'ai quelques questions préliminairesàtrai-
ter devant vous. Je m'efforcerai de le faire en peu de
mots, car j'ai hâte d'arriver à la partie véritablement
clinique do ce cours. Toutefois, puisque nous sommes
réunis ici dans le but de travailler ensemble à l'applica-
tion d'une méthode thérapeutique nouvelle pour vous,
il est bon que vous sachiez ce que nous sommes et ce
que nous voulons.
Les médecinshomœopathes (c'est ainsi qu'on nous ap-
pelle) ont jusqu'à présent éprouvé de grandes difficultés
ù établir des leçons cliniques. La France, vous le savez,
ne possède pas encore d'hôpitaux homœopathiques; les
tentatives de J.-l\ Tessier a Paris, de Iiagrc à Houbaix
et de quelques autres encore en démonlrantd'une façon
irréfutable la supériorité de notre méthode nous ont
fermé à tout jamais les portes des Facultés de l'Etat que
gardent avec un soin jaloux nos confrères allopalhes.
Il nous a donc fallu pour remédier à cet inconvénient
tomk xxxi. — juin 1870, 26
398 MÉDECINE PRATIQUE.
établir des consultations gratuites, des dispensaires où
nous donnons aux malades pauvres les soins que né-
cessite leur état. Mais vous le comprenez sans doute
messieurs, nous ne pouvons soigner dans nos dispen-
saires que des maladies chroniques, ou des maladies
aiguës de peu de gravité, puisque nous n'avons pas de
lits à donner aux malades qui ne peuvent se transporter
une ou deux fois par semaine a une consultation sou-
vent éloignée de leur domicile.
Vous ne verrez donc ici que des maladies chroniques.
Ce sont incontestablement les maladies les plus diffici-
les à observer à causede lalenteurde leur évolution, les
plus difficiles à guérir à cause des lésions d'organes
qu elles entraînent presque toujours avec elles. Cepen-
dant si vous y mettez de la patience, vous pourrez bien-
tôt vous convaincre de l'efficacité du traitement employé
et vous verrez ces maladies, dont la tendance naturelle
est d'aller toujours en augmentant ou de rester indé-
finiment stationnaires, évoluer peu à peu dans le sens
de la guérison et dans certains cas disparaître complè-
tement sous l'influence d'une médication appropriée.
Je ne cherche point à me dissimuler la difficulté de
l'œuvre que j'ai entreprise : l'utilité extrême, la néces-
sité d'un enseignement public de la doctrine que nous
professons, la presque impossibilité qu'éprouvent les
débutants à débrouiller le chaos de la matière médicale
hahnemannienne, la diversité mêmedes résultats obte-
nus par l'expérimentation clinique, toutes ces raisons
et d'autres encore m'ont engagé à commencer ce cours.
11 m'a semblé que je devais à nos anciens amis, à mes
adversaires, de démontrer la vérité de cette méthode
homœopathique si disculée, si combattue, si calomniée,
si persécutée, qui cependant a rendu déjà de grandsser-
vices et qui, je l'espère, est appelée à en rendre encore
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LEÇONS CLINIQUES. 390
davantage lorsqu'elle sera dégagée des idées systéma-
tiques qui ont présidé à son avènement.
Messieurs, nous avons maintenant à répondre devant
vous aux trois questions suivantes sur lesquelles repose
toute notre doctrine thérapeutique :
1° Gomment agit le médicament?
2° Comment doit-il être administré?
3° A quelles doses doit-on l'employer?
I. De Faction du médicament.
Il ne faut point croire que le médicament soit une
force qui saisisse la maladie corps à corps, et qui après
un combat à outrance finisse dans les cas heureux par
anéantir son ennemi. Cette ontologie fantaisiste est
fausse de tout point. Le médicament n'est pas non plus
un antidote qui à la faveur d'une combinaison chimi-
que parviendrait à neutraliser le poison morbide. Les
poisons morbides sont des métaphores, et leur exis-
tence fut-elle démontrée, il faudrait chercher la loi de
cette combinaison chimique demeurée jusqu'à ce jour à
l'état d'hypothèse.
Comment donc agit le médicament ?.. . Si nous voulons
comprendre son action rappelons-nous la manière d'agir
des causes externes. Est-ce que le froid et le chaud, le
sec et l'humide portent en eux-mêmes la pneumonie, la
dysenterie, le catarrhe, le rhumatisme?... Quel rapport
établir entre ces changements du milieu ambiant et l'é-
volution précise et déterminée des symptômes et des lé-
sions qui constituent une maladie? — Aucun. — Aussi
l'étiologie enseigne-t-elle que les causes externes sont
seulement les occasions de la maladie, les circonstances
favorables à son développement. Maislacause véritable,
celle qui produit et engendre la maladie, c'est l'orga-
400 MÉDECINE PRATIQUE.
nisme vivant : c'est lui qui dévié des lois physiologiques
a la puissance d'engendrer, avec ou sans le secours des
causes externes, un certain nombre de maladies déter-
minées, maladies dont le caractère et le nombre varient
avec les espèces animales et varient même avec les in-
dividus dans chaque espèce.
Eh bien, qu'est le médicament vis-à-vis de l'orga-
nisme?... Une cause externe, rien déplus, rien de moins.
Il agira donc à la manière des causes externes, c'est-à-
dire avec très-peu de puissance. Le froid et le chaud
avaient favorisé un mauvais mouvement de 1 organisme
et produit la pneumonie ou la dysentérie ; la bryone et
le mercure produiront dans l'organisme un mouvement
différent tendant vers la guérison. Ces médicaments,
comme toute cause externe, modifieront l'organisme et,
s'ils sont bien indiqués, ils favoriseront le mouvement
de réparation qui conduit à la guérison. Ils aideront la
nature, mais ils ne guériront que par son intermédiaire :
natura medkatrix.
C'est l'organisme qui fait la maladie, c'est l'organisme
qui la guérit : aussi notre puissance est-elle très-limitée,
et là où la nature ne tend pas naturellement à la guérison
nous sommes le plus souvent impuissants : Natura répu-
gnante^ omnia vana.
II. De l'administration du médicament.
Contrairement aux préceptes de la thérapeutique con-
temporaine, Ilahnemann enseignait qu'il fallait suspen-
dre l'administration du médicament après quelques
jours de son usage. Quelques homœopathes, et ce sont
les élèves les plus immédiats du maître, ne donnent
dans le traitement des maladies chroniques qu'une
seule dose de médicaments et ils attendent ensuite huit
LEÇONS CLINIQUES. 401
dix, vingt ou quarante jours, plus ou moins, suivant la
durée présumée de l'action du médicament sans inter-
venir de nouveau, et ils ne donnent une nouvelle dose
que lorsque la première est entièrement épuisée.
D'autres homœopathes prescrivent un médicament à
doses répétées deux ou trois fois par jour pendant trois,
quatre et six jours, puis laissent agir le médicament
pendant autant de jours qu'ils l'ont administré.
La pratique de la plupart des homœopathes rentre
dans les deux règles que nous venons de poser, seule-
ment avec quelques variations insignifiantes.
Mais quelle est la raison de cette règle posée par
Hahnemann ?... Est-ce la crainte de l'aggravation mé-
dicamenteuse ou n'est-ce pas plutôt l'idée que nous ex-
primionsau commencement, à savoirque le médicament
ne guérit pas directement, mais qu'il met la nature sur
la voie de la guérison, d'où le précepte qu'il est inutile
d'intervenir une fois que l'amélioration s'est pro-
noncée?
Quoi qu'il en soit, la clinique ici comme dans toute
question de thérapeutique doit décider souverainement
cette question ; voyons ce qu'elle enseigne sur la répéti-
tion des doses :
Il y a des cas où une amélioration se produit après la
première prise du médicament. Cette amélioration con-
tinue ensuite malgré la suspension du médicament et
ne s'arrête qu'à la guérison du malade. Ces cas sont
beaucoup plus rares que ne l'enseignait Hahnemann et
que ne le croient encore ses disciples les plus fervents.
Dans d'autres cas, l'amélioration produite cesse quel-
ques jours après la suspension du médicament et la ma-
ladie reprend sa marche à peu près comme si elle n'avait
pas été traitée.
Dans quelques cas enfin, il survient une véritable
402 MÉDECINE PRATIQUE.
aggravation pendant l'usage du médicament, et cette
aggravation peut être suivie d'une amélioration qui se
manifeste plus tard, amélioration qui est définitivement
progressive comme dans le premier cas que nous avons
indiqué ou simplement temporaire comme dans le se-
cond. !
Cette aggravation qui a été beaucoup exagérée par les
premiers homœopathes, qui a été niée par un certain
nombre d'entre eux, est incontestable et vous en obser-
verez plusieurs cas pendant le cours de notre clinique.
L'aggravation consiste tantôt dans une augmentation
des symptômes de la maladie, d'autres fois ce sont les
phénomènes pathogénétiques du médicamentqui appa-
raissent pendant son administration : la dilatation de
la pupille par la belladone, l'incontinence nocturne d'u-
rine par la pulsatille, la blépharite par l'arsenic.
Mais s'il est impossible de nier absolument les aggra-
vations médicamenteuses, il faut bien se garder de con-
fondre avec elles les aggravations qui tiennent à la
marche naturelle de la maladie et à l'inefficacité du trai-
tement. C'est une théorie par trop commode que celle
de certains homœopathes sur les aggravations médica-
menteuses et qui les rend toujours contents d'eux-
mêmes. Le malade va-t-il mieux, c'est le médicament ;
va-t-il plus mal, c'est l'aggravation médicamenteuse.
J'ai vu des médecins se nourrir ainsi d'illusions, annon-
çant sans cesse une amélioration qui ne venait jamais et
aller ainsi d'aggravation en aggravation jusqu'à la
mort du malade.
L'observation clinique nous permet de poser les règles
suivantes pour l'administration des doses dans le traite-
ment des maladies chroniques :
1° Prescrire le médicament répété deux ou trois fois
par jour pendant quatre à six jours, laisser ensuite
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LEÇONS CLINIQUES. 403
au moins trois jours pour juger de l'action produite,
2° SU y a eu amélioration ne donner une nouvelle dose
de médicament que lorsque cette amélioration cesse de
faire des progrès.
3° S'il y a eu agtjravntion évidente, il peut se présenter
deux cas : ou cette aggravation est suivie d'une amé-
lioration et alors on suivra la règle précédente, ou bien
le malade reste dans l'état, et alors on changera soit la
dose, soit le médicament lui-môme.
4° Mais, si après l'usage du médicament pendant
quatre, six et huit jours, il n'y a aucun efïet produit, il
faudra le plus souvent changer le médicament.
Cependant dans les affections organiques, quand un
médicament a été bien choisi, c'est-à-dire quand sa pa-
thogénésie correspond aux symptômes de la maladie,
quand la clinique a confirmé plusieurs fois son effica-
cité dans desens analogues, il ne faut pas craindre d'in-
sister sur le même médicament pendant plusieurs se-
maines.
III. Du choix des doses.
La troisième question que je désire examiner ce soir
est celle du choix des doses. C'est à la fois la question la
plus difficile et la plus controversée de la thérapeu-
tique homœopathique.
Il y a des médecins hahnemanniensqui ne prescrivent
jamais que les dilutions élevées, les trentièmes et les deux-
centièmes; il en est d'autres qui n'emploient que les
dilutions basses, la première, la deuxième et la troisième ;
quelques-uns même (et j'en suis fâché pour le préjugé
qui ne sépare pas l'idée d'homœopathie des idées de
globules) ne se servent jamais des doses infinitésimales,
ils prescrivent la substance elle-même et à doses très-
pondérables. D'autres enfin se tiennent habituellement
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404 MÉDECINE PRATIQUE.
dans les doses moyennes, la sixième et la douzième di-
lution.
Les préceptes qui ont été formulés pour le choix des
doses ne sont pas moins contradictoires que la pratique
elle-même. Les uns enseignent que les doses très petites
conviennent aux maladies chroniques et les doses fortes
aux maladies aiguës ; les autres recommandent un pré-
cepte tout à fait opposé.
La vérité n'est ni dans les extrêmes ni dnns le juste
milieu plus modeste des doses moyennes. La vérité est
dans cette formule : les médicaments doivent être em-
ployés à toutes doses.
Quelques exemples vont vous faire comprendre la né-
cessité d'accepter pour la pratique une formule aussi
large que possible.
La clinique m'a démontré depuis longtemps que le
mercure agissait plus sûrement et plus promptement,
dans la syphilis, quand il était prescrit à la dose pondé-
rable que lorsqu'il était employé à dose infinitésimale.
Par contre, la clinique m'a d 'montré non moins pé-
remptoirement que ce même médicament agissait plus
sûrementet plus promplement,dans la dysenterie et dans
l'angine, à dose infinitésimale qu'à do.se pondérable. Les
doses d'un même médicament doivent donc varier avec
les maladies.
Dans la fièvre intermittente, un grand nombre de
médicaments peuvent être indiqués; je prends les trois
principaux, le sulfate de quinine, la noix vomique et
l'arsenic. Eh bien, quand c'est le sulfate de quinine qui
est indiqué par l'ensemble des symptômes, il agira bien
plus sûrement à doses très-fortes qu'à doses infinitési-
males ; mais si les symptômes indiquent la noix vomi-
que ou l'arsenic, ces deux substances agissent bien plus
sûrement à doses infinitésimales, àiadouxièine dilution,
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LEÇONS CLINIQUES. 405
par exemple, qu'à doses fortes. Ici donc les doses doivent
varier dans la même maladie avec les divers médica-
ments.
Vous voyez que j'avais raison de vous dire que la vé-
rité dans le choix des doses ne se trouvait ni dans l'u-
sage exclusif des doses très-petites, très-fortes ou moyen-
nes, et que, suivant le cas, il fallait employer toutes ces
doses.
Mais, nous dira-t-on, qui vous guidera dans le choix
des doses pour les cas particuliers? — L'expérience cli-
nique, qui prononce toujours en dernier ressort pour
toutes les questions thérapeutiques.
Eî) général, voici la marche que nous suivons : nous
choisissons de prime abord des doses infinilésimales
quand le médicament est bien connu, quand il est bien
approprié au cas particulier, quand la clinique a déjà
démontré son elhVacité. Nous préférons les doses pondé-
rables dans les cas opposes
Mais il est une circonstance dans laquelle nous n'hé-
sitons jamais à employer de très-fortes doses de médica-
ments. C'est dans la médication palliative.
La médication palliative a été honnie et rejetée de la
thérapeutique scientifique par les enthousiastes de
toutes les écoles; mais les nécessités de la pratique ne
tarderont guère à vous démontrer l'utilité de conserver
une place, malheureusement encore considérable, à
cette médication .
Vous vous souviendrez que quand le médecin ne peut
guérir, il doit s'efforcer de soulager, et vous ne vous
priverez pas volontairement des bienfaits de la médica-
tion palliative.
Quand vous verrez un cancéreux en proie 5 d'horri-
bles souffrances, vous ferez de la médecine palliative ;
vous en ferez encore pour ces malheureux phthisiques
406 MÉDECINE PRATIQUE.
arrivés au dernier terme de leur maladie, qui n'ont plus
rien à espérer de la thérapeutique curative et qui vous
demandent d'adoucir leurs dernières douleurs.
Vous ne pouvez refuser l'action bienfaisante de la thé-
rapeutique palliative à ces torturés de la maladie qui
s'agitent dans les douleurs convulsives des coliques né-
phrétiques ou hépatiques. N'hésitez point, dans ces cas,
à employer des doses très- fortes, des doses toxiques d o-
pium, de belladone, de chloroforme, etc., car le carac-
tère de la médication palliative est précisément d'exiger
des doses considérables de médicament.
Quel inconvénient voyez-vous à cette manière d'agir?
Les malades s'en trouvent mieux et profitent ainsi des
ressources de toutes les médications. Quelque esprit fâ-
cheux craindra peut-être que l'honorabilité du médecin
ait à souffrir de ce mélange de méthodes en apparence
opposées. Mais, sachez-le bien, la meilleure sauvegarde
de votre honorabilité, c'est la pratique de cette maxime :
« Dire tout ce que r on fait, faire tout ce que F on dit. »
Mais alors, me direz-vous, vous n'êtes ni homœopathe,
ni hahnemannien !...
Si vous entendez par hahnemannien un médecin qui
honore Hahnemann comme comme celui qui a tiré la
matière médicale du chaos des hypothèses et qui a posé
la thérapeutique sur les bases inébranlables de la mé-
thode expérimentale, oui, je suis hahnemannien.
Mais si vous entendez par hahnemannien l'homme
qui croit aux trois dynami$meselk\n doctrine de la psore,
non, je ne suis pas hahnemannien.
Si vous appelez homœopathe le médecin qui ne croit
qu'à la matière médicale expérimentale, qui base la plu-
part de ses indications sur la loi des semblables, et qui
emploie le plus souvent les doses infinitésimales, oui, je
suis homœopathe.
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CAUSERIES CLINIQUES. 407
Mais si vous appelez homœopathe le médecin qui
n'accepte que les globules de la trentième dilution, qui
se prive des secours des médications hydrothérapique
et électrique, qui repousse la médication palliative et
son utilité, non, je ne suis pas homœopathe.
Vous savez, du reste, que les Ecoles ne se nomment
jamais elles-mêmes; elles reçoivent un nom qu'elles sup-
portent bon gré mal gré. Pour moi, si j'avais à nommer
la thérapeutique que j'aime et que je défends depuis
vingt ans, je lui donnerais son nom véritable et je l'ap-
pellerais la thérapeutique expérimentale. Mais on nous a
persécutés sous le nom homœopathes ; on a fait de ce nom
un drapeau sous lequel nous avons combattu depuis
bien long-temps ; c'est pourquoi nous tenons à honneur
de le conserver, toutefois avec les explications et les
restrictions que j'ai eu l'honneur de vous exposer.
P. JOUSSET.
THÉRAPEUTIQUE
CAUSERIES CLINIQUES
TOMB II
XI
TRAITEMENT DE LA DIPHTHERIE (1).
— Suite —
XLII. Tartre stibié. — Dans son mémoire du Traitement
médical de l angine couenneuse et du croup, mémoire pu-
blié par la Gazette des hôpitaux et reproduit par fArt
médical (IX, 313), le D' Constantin, de Contres, dit
(1) Voir t. XXXI, pages 44, 119, 186.
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408 THÉRAPRFTtQlTR.
avoir traité 53 cas de croup confirmé, la moitié au moins
appartenant à la seconde période (dyspnée progressive,
menace d'asphyxie et de suffocation), sur lesquels il a
obtenu 46 guérisons. Comme il n'est pas toujours fa-
cile de déterminer les limites de la 2e et de la 3e pé-
riode (asphyxie, suffocation), il pense avoir guéri quel-
ques cas arrivés à la 3e période. Il cite deux observa-
tions où existaient les symptômes de la 3e période : Face
bouffie d'une pâleur mor telle et couverte d'une sueur
froide, lèvres bleues, yeux saillants, toux rauque et
bruyante, suffocation, menace d'asphyxie. Sous l'action
du remède administré à la plus forte dose (voyez plus
loin la potion n° \) chez une enfant, le pouls qui était
à 150 tomba rapidement à 50. Cependant la petite ma-
lade n'entra en convalescence que le 5e jour.
Le Dr Constantin employait l'une des trois potions
suivantes, selon que la maladie était plus ou moins
grave, le malade plus ou moins âgé :
POTION N° i.
Emulsion simple 250 grammes.
Sirop de morphine 60 »
Émétique 1 »
potion n' 2.
Emulsion simple 250 »
Sirop de morphine 52 •»
Émétique 0,80
potion n8 3.
Emulsion simple 250 »
Sirop de morphine 45 »
Émétique 0,60
L'une de ces potions est administrée, par cuillerée à
bouche, toutes les heures ou toutes les demi-heures.
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CAUSERIES CLINIQUES. 409
Le Dr Constantin dit avoir prescrit, depuis quinze ans,
le tartre stibié à très-haute dose chez des enfants de tout
âge, môme avec audace, puisqu'il a fait prendre à
des enfants de 3 à 4 ans jusqu'à 9 grammes dans
l'espace de trois à quatre jours, et il a, dit-il, ob-
tenu la guérison sans provoquer des accidents. Il a
seulement observé quelques éruptions stibiées sur di-
verses parties du corps et parfois des vomissements ;
mais ceux-ci avaient l'avantage de contribuer à l'expul-
sion des fausses membranes.
\jb Dr Blaizeau, professeur agrégé à l'École de méde-
cine militaire du Vai-de-Grdce, a publié, dans la Gazette
médicale de Paris (1855), un travail sur le « traitement
du croup par l'émétique à haute dose, » reproduit en
partie dans f Art médical (IX, 452).
Il cite :
1 cas de forme croupale traité par émétique, 5 centi-
grammes; eau, 60 grammes, à prendreen Irois fois de
dix en dix minutes. Le soir, amélioration sans vomisse-
ments. Nouvelle potion de : émétique, 15 centigrammes;
eau, 60 grammes, à prendre par cuillerée à café d'heure
en heure. Le lendemain, changement remarquable, re-
jet de fausses membranes. Guérison le 3e jour.
1 cas de forme croupale traité par émétique, 20 centi-
grammes; eau, 125 grammes, à prendre par cuillerée
à bouche d'heure en heure ; le 3e jour, l'enfant entre
en convalescence;
2 cas de forme croupale guéris par le Dr Teallier avec
l'émétique à haute dose ;
22 cas de forme croupale (laryngite pseudo-mem-
braneuse), dont 21 guéris avec l'émétique par le D' Prus,
de Grandvilliers (Oise) ;
3 cas de forme croupale, guéris par émétique, 30 centi-
grammes; eau, 120 grammes, administré par cuillerée
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4 1 0 THÉRAPEUTIQUE.
de deux en deux heures [Clinique de t Académie de Vilna
pour l année 1834-35);
1 cas de forme croupale guéri avec 1 emétique par le
Dr Fabre;
i cas de forme croupale guéri avec l'émétique par le
Dr Bazin ;
1 cas de forme croupale guéri avec l'émétique par le
Dr Mayer ;
i cas do forme coupale guéri avec l'émétique par le
Dr Valette.
« Dans 53 cas de croup, Valleix a employé l'émétique
3i fois (à forte dose), il a eu 15 guérisons. Chez 22 ma-
lades, on a donné l'émétique à petite dose, il n'y a eu
qu'un cas de guérison. Valleix le prescrit dans une po-
tion de 4 onces (125 grammes), à la dose de 1 à 3 grains
(0,05 à 0,15), suivant l'âge, par cuillerée à bouche, de
quart d'heure en quart d'heure; potion qu'on renou-
velle sans relâche, dès qu'elle est finie. L'apparition do
symptômes toxiques graves doit seule faire cesser le
médicament. Il joint à ce moyen une ou plusieurs sai-
gnées au début, ou des sangsues au cou, et même la
cautérisation de l' arrière-gorge avec le nitrate d'argent. »
' — Dictionnaire de matière médicale de Mérat et de Lens,
VII, 262, année 1846.
En résumé, nous avons 139 cas de croups traités par
l'émétique et sur lesquels nous constatons le nombre
considérable de 94 guérisons.
Si ces 139 cas de diphthérie appartenaient tous à la
forme croupale et non aux autres formes de cette mala-
die, il faut avouer que Yémétiçue est vraiment un remède
bien efficace contre elle. Aussi doit-on s'étonner qu'il
ne soit pas dès lors le médicament classique. Si cela n'est
pas, est-ce parce qu'on a publié préférablement les suc-
cès et seulement une partie des insuccès? Ou serait-ce
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CAUSERIE* CLINIQUES. 411
encore parce qu'on a constaté des faits d'intoxication
pareils aux deux suivants?
Observation I.
intoxication et mort produites par \0 centigrammes de tartre stibié.
« Un élève en médecine, âgé d'environ 25 ans, fit appeler,
dans la matinée du 5 juin 1231, M. le professeur Andral, qui le
trouva dans l'état suivant: face jnunàtre, céphalalgie sus-orbitaire,
bouche mauvaise, langue large, humide, limoneuse; inappétence,
nausées, constipation. Du reste, l'intelligence est nette, les réponses
précises, les forces musculaires bien conservées ; le pouls est presque
sans fréquence, la peau sans chaleur anormale; l'ab lomen est souple
et indolent; l'appareil respiratoire ne présente aucun trouble fonc-
tionnel. M. Andral, voyant dans ces symptômes l'état moriade
qu'on a désigné sous le nom d'embarras gastrique, prescrivit deux
grains (0,10) de tartre sl'bié dans trois demi-verres d'eau. A peine
le tartre sttbié fut-il introduit dans l'estomac que des vomissements
accompagnés d'angoisse se déclarèrent, ils persistèrent pendant le
reste de la journée. Il s'y joignit une diarrhée abondante, les mus-
cles de la face étaient agités de mouvements convulsifs.
* Le 6 juin, M. Andral ne put voir le malade qu'à quatre heures
du soir; il offrait alors les symptômes suivants : prostration, angoisse,
physionomie décomposée, traits profondément altérés, pouls fré-
quent et peu développé, douleurs des membres d'apparence rhuma-
tismale. Prescription : saignée du bras qui fut pratiquée à Y hôpital
de la Pitié, où le malade se fit transporter dans la soirée.
« Le 7 au matin, altération de la face, pâleur cadavérique, extré-
mités froides, respiration haletante, yeux éteints, une écume abon-
dante s'écoule de la bouche, saillie de la vessie distendue par l'u-
rine; pénis et scrotum fortement colorés en noir; on remarque la
même teinte en quelques points de la partie antérieure du thorax,
principalement sous l'une des clavicules. Mort à neuf heures du
matin. — Observation communiquée par M. Constant in Archioes
générales de médecine, lr# série, t. XXVI, p. 262.
Observation II.
Intoxication et mort produites par 5 centigrammes de tartre stibié.
Daus ses Considérations sur les doses infinitésimales, Andrieux
'd'Agen) écrit ce qui suit : « J'ai vu périr, à la suite de vomisse-
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412 THÉRAPEUTIQUE.
ments incompressibles, une femme à laquelle on avait administré
un seul grain (0,0.*V «le t'irlre stifnê, dans le but de combattre des
accidents presque insignifiants d'embarras gastrique. Sa nort fut
directement produite par l'action exceptionnellement toxique de
cette préparation antimoniale. On est en droit de se demander
quelle quantité la malade avait absorbée du médidaraent, qui,
dissous dans un verre d'eau, avait été rejeté en très-grande partie
avec les matières dos premiers vomissements. >, — Revue hotnœnpa-
tfnque >!u Midi du Dr Béehet, 1 1 1, 313.
Si les doses infinitésimales provoquent quelquefois
des aggravations passagères, du inoins elles ne pro-
duisent jamais la mort îles malades : c'est là une des
causes de leur supériorité. Les doses massives d'un
grand nombre de médicaments, au contraire, et malgré
toute la prudence des praticiens, ont amené el amène-
ront toujours, chez des sujets exceptionnellement pré-
disposés, des intoxications graves ou même mortelles.
Ainsi l'éther et le chloroforme, employés par les chirur-
giens pour provoquer l'anesthésie, ont produit et pro-
duiront toujours exceptionnellement des cas de mort.
Et pourtant on emploie et on emploiera toujours ces
anesthésiques, parce que leurs avantages en sont plus
grands que leurs inconvénients exceptionnels.
De même faut-il faire pour Xémétitjiu', qui, prescrit à
doses moyennes, procure, paraît-il, de beaux succès et
provoque tout à fait exceptionnellement des symptômes
toxiques ou la mort. Il serait très-certainement préfé-
rable d'administrer la lrc, la 2e ou la 3e trituration, qui
produisent tout au plus des aggravations passagères.
Mais il faudrait auparavant s'assurer qu'elles sont elli-
caces contre le croup. Or elles ne le seraient pas, s'il
est vrai que les faibles doses de ce remède aient été in-
suffisantes, en pareil cas, entre les mains de Valleix.
Dans l'intérêt des malades, il vaut mieux, jusqu'à de
nouvelles informations, suivre les enseignements de la
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CAUSERIES CLINIQUES. 413
clinique de nos devanciers, les médecins précités, qui
nous citent de nombreux cas de croup guéris par le
tartre stibié à doses moyennes.
On sait que Rasori administrait ce médicament en
commençant par donner 12 grains (60 centigrammes)
le jour et 12 grains la nuit; il en arrivait à prescriro
plusieurs gros (1 gros = 4 grammes) par jour, et tout
cela, dit-on, sans provoquer la mort, ni même des
symptômes toxiques graves. Cette expérimentation ré-
pétée par beaucoup d'autres médecins aurait donné des
résultats analogues. On dit encore que Yémétique, donné
à très-fortes doses et rarement, intoxique moins que
prescrit à petites doses réfractées, c'est-à-dire répétées
souvent. On observe; du reste, des résultats analogues
en administrant le caiomel suivant ces deux méthodes.
Quand on devra prescrire le tartre stibié contre le
croup, il y a, il me semble, un juste milieu à tenir
entre les très-fortes doses et les doses faibles ou infini-
tésimales. Or ce juste milieu, c'est précisément ces doses
moyennes que l'expérience clinique nous montre effi-
caces contre cette grave maladie. Prescrivons donc en
pareil cas ces doses, en attendant qu'on nous démontre
expérimentalement la supériorité ou l'équivalence des
doses infinitésimales. S'il survenait exceptionnellement
une intoxication grave produite par les doses moyennes,
on pourrait très-probablement la faire disparaître en
administrant d'autres médicaments ou même le tartre
stibié à doses infinitésimales.
Celles-ci sont-elles insuffisantes contre le croup, par. e
que le tartre stibié n'est pas assez hoiua-opathique et
doit-on compenser, comme on le voit pour d'autres re-
mèdes, son défaut d'homœopathicité. en le prescrivant
à dose nlus forte, à dose massive même? Ou bien eo
médicament ne qous parait-il pas suffisamment bomœo-
toîie xxxi. — juin IR70. 27
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414 THERAPEUTIQUE.
pathique, parce que sa pathogénésie n'a pas été faite
aussi complètement que celle du brome ou de la bryonc,
soitsurdes hommes, soit sur des animaux? Toujours est-
il que, dans cette pathogénésie du tartre émèt 'tque publiée
par le Dr Roth (t. III, p. 304), on ne trouve que les
symptômes suivants qui ressemblent plus ou moins à
ceux du croup.
84. Face paie.
85. Face livide.
86. Pâleur de la lace et de tout le corps.
87. Visage rouge.
90. Visag'e et mains bouftis.
97. La cavité buccale et les lèvres sont très-enflées.
98. Excoriation de la muqueuse buccale.
99. Toute la cavité buccale et les lèvres sont tuméfiées
et excoriées pur place.
100. Gencives douloureuses, gonflées et saignantes.
108. Afllux de salive à la bouche.
109. Afllux d'eau à la bouche, sans nausées, niais d'un
g*oùt fade, désagréable.
127. Le voile du palais et le pharynx fortement rangés
et parsemés de vésicules.
128. Enflure subite des amygdales et des ganglions
du cou.
129. Isthme du pharynx gonflé et presque bouché par
des mucosités.
130. Vive douleur à la gorge.
132. Dillieulté de la déglutition et même de la respi-
ration produite parle gonflement de 1 isthme du gosier.
299. Toux et élernuments fréquents.
300. Toux brève, provoquée par un léger chatouille-
ment au milieu de la trachée- artère.
301. Toux pendant une demi-heure , avant mi-
nuit.
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CAUSERIES CLINIQUES. 415
303. En toussant, chaleur et sueur au front; elle est
tout étourdie.
304. Seulement en toussant, chaleur et moiteur des
mains et du front.
307. Toux avec expectoration, le matin , à deux
heures.
309. Râle de mucus dans les bronches, avec oppres-
sion.
319. Dyspnée.
322. Très-grande oppression de la poitrine.
323. Le matin, à trois heures, elle étouffe ; elle est
obligée de se redresser sur son séant dans le lit pour
prendre haleine. La toux et l'expectoration la calment.
324. Orthopnée, elle est obligée de se tenir dans le lit
presque assise.
325. Au début de chaque quinte de toux, la respira-
tion lui manque; elle étouffe jusqu'à ce que la toux se
déclare.
326. Le soir au lit, des étouffements ; il ne peut pas
respirer et, pendant toute la nuit, il est obligé de se
tenir sur son séant.
327. Respiration accélérée.
400. Peau froide et gluante à la tête et aux extré-
mités.
452. Le corps est couvert de sueur froide.
456. Sueur froide visqueuse générale.
460. Pouls déprimé, presque insensible.
466. Pouls rapide et battement général de toutes
les artères tellement fort, qu'il s'imagine que les assis-
tants doivent l'entendre.
467. Pouls accéléré, faible, tremblant.
483. Prostration des forces.
484. Insensibilité.
485. Perte du sentiment; il tomba dans un état de
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416 THÉRAPEUTIQUE.
stupeur interrompu de temps en temps par des convul-
sions.
491. Agitation très-gTande.
494. Convulsions (chez un enfant) suivies, quelques
heures après, de mort.
495. Mouvements spasmodiques.
*9b\ Perte de connaissance et mouvements convul-
sifs.
XLIII. Su'fate de quinine. — Ce remède est Tort bien
indiqué et très-efficace, quand la diphthérie présente le
type franchement intermittent. En pareil cas, il a déjà
procuré la guérison de onze malades traités par les mé-
decins suivants.
i Diphthérie, forme croupale, chez un enfant de 2
ans et demi, accès de suffocation régulièrement inter-
mittents. Après le second accès, le Dr Robustiano Torras
fait prendre, toutes les trois heures, trois cueillerés à
café du mélange suivant :
Eau distillée 30 grammes.
Sulfate de quinine 40 centigr.
à boire dans une infusion de café sucrée.
Le troisième accès n'a pas lieu, expectoration de
fausses membranes; guérison. [Gazette médicale de Lyon,
1858. — Art médical, VIII, 431.)
9 cas de diphthérie , forme croupale, guéris par
J.-P. Tessier, qui ne signale pas les doses employées. Il
ne donne pas les observations et se borne à dire que
deux malades ont guéri l'un en onze jours, l'autre en
trois jours. Ce dernier présentait de l'albuminurie.
(Art médical, IX, 167 et III.)
i diphthérie , forme croupale, chez une enfant de
3 ans ; après le troisième accès intermittent , le
Dr Hélot, de Houen, prescrit un quart de lavement con-
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CAUSERIES CLINIQUES. 417
tenant 30 centigrammes de sulfate de quinine. Guéri-
son.
1 diphthérie, forme crou pale, chez la jeune sœur de
la précédente malade. Les accès ne sont pas régulière-
ment intermittents. Insuccès du sulfate de quinine, du
tartre stibiê et du foie de soufre. — Dr Hélot, Tribune
médicale, II, 431.
Dans les cas de diphthérie revêtant le type intermit-
tent, il suffirait, je crois, d'employer, chez les enfants
surtout, les premières triturations (lre, 2', 3e) centési-
males ou décimales du sulfate de quinine.
Si Ton voulait prescrire, à l'intérieur ou bien en la-
vement, une solution de ce remède, on se rappellerait
qu'il est soluble dans l'alcool, soluhle dans 740 parties
d'eau froide, soluble dans 30 parties d'eau bouillante.
Celle-ci ne pouvant être ingérée par le malade, il pren-
drait le médicament précité dissous dans 200 on 300
parties d'eau tiède à 40 ou 30 degrés.
Pour faire absorber une moins grande quantité de
liquide, on pourrait ajouter 1 décigramme d'acide ci-
trique pour 1 gramme de sulfate de quinine, afin de
rendre ce médicament plus soluble.
Si le malade ne peut pas avaler, on est alors forcé de
prescrire ce même remède en lavement ou bien en fric-
tions sous l'aisselle, dans la paume des mains, à la plante
des pieds. Pour faire ces frictions, on dissout préala-
blement dans l'alcool le sulfate de quinine, que l'on incor-
pore ensuite à de l'axonge.
Dr Gàllavàrdin,
de Lyon.
— La suite prochain? ment . —
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418
SÉMÉIOTIQUE
NOUVEAUX FRAGMENTS D'AUSCULTATION .
AUSCULTATION DE LA TOUX (i).
Quand on repasse dans son esprit ce que les auteurs
ont pu dire de la toux envisagée au point de vue des
services qu'elle peut rendre au diagnostic, on s'explique
difficilement pourquoi on accorde généralement aujour-
d'hui si peu d'importance à ce symptôme.
Quand on réfléchit aux résultats que donne l'auscul-
tation pratiquée sur la poitrine pendant que les individus
sains ou malades respirent ou parlent, la toux, envisagée
au point de vue seméiologique, perd un peu de son in-
térêt.
Mais elle ne met pas moins sur la voie de quelques
maladies et de quelques lésions et elle rend plus facile,
dans quelques circonstances, l'appréciation de l'état
physiologique ou pathologique des organes respira-
toires.
La toux a eu, de tout temps, dans l'esprit des méde-
cins, son degré d'importance. Aussi a-t-elle fixé l'atten-
(1) Le mot toux dérive de tussis; il a été vraisemblablement formé
par imitation du son que produisent les personnes qui toussent. G.-J.
Vossius attribuait une origine semblable au mot tussis {Etymologicon
linguœ latinœ, I vol. in-folio. Amsterdam, 1602, p. 537).
Cette derniers expression e«t passée depuis longtemps dans la langue
patoise usitée dans le midi de la France. On dit, en parlant à la troi-
sième personne :
Un tal, ou uno talo tussis.
Un tel, ou une telle tousse.
Les Grecs se servaient du mot que nous croyons aussi fait par
imitation du son. Br,Ç dérive de Pr.w», qui se traduit par tutsio, je
tousse,
DÉFINITION Î)R LA TOUX. 419
tion des hommes tels que Galien (1), Théophile Bonet (2),
Thomas Willis (3), Morgag-ni (4), Daniel Sennert(5), etc.
Cependant, il faut en convenir, ces auteurs ont écrit
à peine sur ce symptôme, alors qu'ils se sont étendus
presque avec complaisance sur les autres sig-nes des
maladies.
Nous tâcherons de réunir dans cet article ce que la
toux présente de plus intéressant à connaître pour la
pratique, soit qu'on la considère au point de vue des
anciens médecins qui ne l'écoutaient qu'à distance, soit
qu'on la considère au point de vue des médecins mo-
dernes qui appliquent dans quelques cas, directement
ou médiatement l'oreille sur la poitrine des malades.
Qu'est-ce que la toux?
C'est le bruit plus ou moins fort, plus ou moins écla-
tant, suivant les individus et suivant les maladies, qui
se produit à la suite d'une contraction convulsive et
violente, le plus souvent involontaire, des muscles
expirateurs et principalement du diaphragme.
La toux présente pour l'ordinaire a une suite d'expi-
rations subites et bruyantes avec rétrécissement de la
glotte, pour activer encore le mouvement de l'air qui
(1) Galie*. — De Symptomatura causis, liber secundus. Charterio
edente, tom. VIII.
— De Simplicium raedica mentor ura temperamentis ac facultatifs.
Charterio edente, tom. XIII.
(2) Bonet. — DeTussi.ln : Anatomiae practicœ libri secundi sectione m
p. 592, tom. I. In-folio, Geneva», 1700.
(3) Willis. — De expiratione laesa. In : Pharmaceutice rationalis.
{<&) Morgagni. — Epistola anatomico-medica XIX. De suffocatione
verba flunt multa, de Tussi pauca, p. 353. In : De sedtbus et causis mor-
borum per anatomen indigatis. In- 4, tomus I, Ebroduni in Helvetia,
1779.
(5; Daniel Sennbrt. — De Tussi, cap. Operum, t. II. p. Î100 à 506.
In-folio, Parisiis, IfM.
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-
120
DÉFINITION DE LA. TOUX.
traverse rapidement la cavité buccale. Plus ces expira-
tions sont nombreuses, pins l'inspiration destinée à les
contrebalancer offre d'étendue, comme on l'observe par-
ticulièrement dans la coqueluche. » (Alm. Lepelletier de
la Sarthe, p. 54 du t. II du Traité de physiologie médicale
et philosophique, in-8*. Paris, 1839.)
Galien définissait la toux de la manière suivante :
« Tussis, nihil estaliud, quam vehementissima quaedam
«efflatio "expiration qua et plurimus simul et celerrime
« foras erumpens spiritus, extrahat propellatque excre-
omenta vias suas obstruentia, suo impetu; quumque
« primo conatu expeUere, quœ molesta sunt, non valeat,
« bis lerquein ea irruere non gravatur, et finem plerum-
aqueasseqHitur, quumet spiritus ipsevehementerfertur,
a et quœ obstruunt ad expulsionem idonea sunt ; taliasunt
qua? nec aquosa^ nec lenta» substantiœ sunt. » (Galenus,
De symptomalum causis liber secundus. Charterioedente,
1. VII. p. 71. F.)
Cette définition, dans laquelle se trouve passé sous
silence le phénomène le plus saillant de la toux, c'est-
à-dire le bruit qui la caractérise, est par cela môme
moins complète que les définitions que donnèrent plus
tard Willis d'abord, Etienne Blancard ensuite.
«Tussis, disait Willis, est expiratio vehemens, cre-
« brior, inœqualis et sonora, propter cujusdam molesti
«et irritantis aut sedationem, aut a pulmonibus per tra-
«chea; ductus expulsionem, excitata. Quippe aer vio-
«lenter exelusus. et in transitu ad ductuum trachealium
«latera allisus, quicquid iis ullibi impaclum est, si facile
«mobile fuerit, discutit et abslergel, et non raro foras
« amandat. » (Pharmaceutice rationalis, De expirafione
Ixsa, sect. I, cap. iv, p. 32, t. II, in-4°. Lug-duni, 1676.)
» Tussis, disait à son tour Etienne Blancard, est motus
«violentus et plerumque involuntarius musculorum,
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DÉFINITION DE LA TOUX. 421
«quibus respiratio peragitur, ita ut expiratio variis vi-
acibusinterrupta, iterumque repetens,aerem expellendo
• e pulmonibus, et repellendo contra latera ramorum as-
• perae arteria?, tandem post aliquot ictus et nisus cum
«sonitu graviore, vcl acutiore, non sine vi, et sœpe hu-
«moris, vel phlegmatis excretione, peragitur. Hinc ex
« tussi perinde, ut in sternutalione, concussio corporis fit,
«adeo ut in vehementiore tussi non levis labor sit, et
«metus su(îocationis, quoniam impedita respiratione
«sanguis e capite rediens se in cor dextrum exonerare
« non potest ; ideoque faciès et oculi rubore et livore
aafficiuntur, atque a tussi aliquot horas durante iden-
«tidem, repente vires admodum franguntur, » etc. (Sle-
phani Blancardi Lexicon medicum. Friderico.Isenflamm.
edente, vol. II, p. 1262, in-8°. Lipsiœ, 1777.)
Rapprochez les définitions précédentes de la définition
que vous trouverez, par exemple, dans la douzième édi-
tion du Dictionnaire de médecine de Nysten (1) (1 vol.
grand in-8°. Paris, 1865), et dites si les auteurs anciens
ne devraient pas plus souvent être rappelés par les au-
teurs modernes.
Quel est le but le plus ordinaire de la toux?
La toux a généralement pour but de débarrasser les
voies aériennes des obstacles de toute nature qui
gênent la circulation de l'air, ce qui faisait (Jire à Ga-
lien, faisant allusion à ses précédents écrils : «Tussim
«quoque, ut spirilus itinera emundarentur, fieri osten-
«sum est. » (Galeni commentarius Vin liberum VI Hip-
pocr&lis Epidemiorum. Cbarterio edente, t. IX, p. 515, c.)
(1) *Toux, expirations subites, courtes et fréquentes, par lesquelles
l'air» en passant rapidement par les bronches et la trachée-artère, pro-
duit un bruit particulier. *
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422 CAUSE PROCHAINE DE LA TOUX.
Je dis généralement, parce qu'il est des cas dans les-
quels il n'est rien qui doive être expulsé ou rien qui
puisse l'être.
Qu'y a-t-il à expulser, en effet , dans les toux qui sur-
viennent à l'occasion de l'hydrocéphale, par exemple,
de Thydropisie de poitrine, de l'ascite, de la grossesse,
de l'inflammation du foie, d'une tumeur de l'estomac,
de certaines affections de l'utérus? etc., etc.
Qu'est-ce qui peut être expulsé dans l'irritation simple
produite par la respiration d'un air froid, dans le pre-
mierdegréde l'inflammation de la membrane muqueuse
des voies aériennes, dans les tubercules pulmonaires qui
commencent , dans la péri pneumonie à son début , dans
les cas de productions pierreuses dans le tissu des pou-
mons ? etc.
La toux est à l'arrière-g-org^, au larynx, à la trachée-
artère, aux bronches, ce que l'éternument est aux
fosses nasales. Galien nous l'apprend encore en ces
termes : «Natura hominibus salutis gratia ing*enitas in-
«didit passiones, ad eundem modum et sternutationem,
«ettussim ; sternutationem quidem, uti ea quœ in na-
«ribus infesta molestaque sunt, propelleret ; tussim
« vero, ut quœ in gutture. » Galeni De simplicium medira-
mentorum iemperamentis ne facultatibus. Liber secundus,
caput xvii, p. 45. A. Charterio edente, t. XIII.)
Quelle est la cause prochaine de la toux?
C'est l'irritation du système nerveux des voies aérien-
nes.
Cette irritation a pour effet, en sollicitant la contrac-
tion des muscles expirateurs dont nous avons parlé, et
en diminuant brusquement par cela même le volume
des poumons, non moins que la longueur et le calibre
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TOUX PROVOQUEE DANS L'INTÉRÊT DE L'ÉTUDE. 423
des tuyaux bronchiques, de forcer l'air à sortir précipi-
tamment et violemment de la poitrine (1).
C'est en s'échappant ainsi que l'air chasse devant lui,
avec plus ou moins de facilité, tous les obstacles qu'il
peut rencontrer sur son chemin.
Qu est-ce qui produit la toux?
La toux peut être produite par la simple volonté, dans
l'intérêt de l'étude ou du diagnostic.
Mais elle se produit le plus souvent d'elle-même, par
le fait de la maladie.
Toux provoquée dans l'intérêt de l'étude ou du diagnostic.
On étudie la toux des individus sains pour la com-
parer à celle des individus malades.
On la provoque pour savoir si l'air peut parcourir li-
brement toute l'étendue des voies aériennes et si rien
d'anormal ne se produit par elle.
On la provoque pour rendre plus manifestes ou plus
sensibles certains phénomènes sonores, soit en déter-
minant leur manifestation, soit en les exagérant.
On la provoque pour chasser les obstacles qui s'oppo-
sent à l'entrée ou à la sortie de l'air, pour aider à recon-
naître si certains phénomènes sonores siègent dans les
poumons ou dans la plèvre; pour aider à distinguer de
l'état spasmodique des voies de l'air leur obstruction par
des liquides, par des corps étrangers, etc.; pour savoir
si l'affaiblissement ou l'absence du murmure vésiculaire
dépendent de la présence de mucosités dans les bron-
(1) Cet air n'est pas seulement celui que les bronches et que les vési-
cules contenaient, avant l'inspiration subite qui a précédé la toux, mais
encore celui que celle inspiration toujours plus longue, ou du moins
plus profonde que les autres y ont fait pénétrer.
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424 DIVISION DE LA TOUX.
ches ou de toute autre cause placée en dehors des voies
de l'air. On la provoque enfin chez certains malades qui
ont de la peine à parler et dont il importe pourtant de
bien apprécier l'état physique des poumons ou de la
plèvre.
A tous ces points de vue, la toux peut rendre des ser-
vices. Elle le peut, à plus forte raison, lorsque, se pro-
duisant d'elle-même, elle agit en mettant sur la voie du
traitement que réclament les maladies ou les lésions
dont elle est un symptôme.
AUSCULTATION DE LA TOUX A L'ÉTAT PHYSIOLOGIQUE.
La toux ne fait entendre dans la poitrine saine qu'un
bruit confus.
Ce bruit retentit avec une forme et un timbre qui
sont en rapport avec les conditions dans lesquelles se
trouvent les voies aériennes, tant supérieures qu'infé-
rieures.
Si, pendant qu'un individu tousse, on tient le sté-
thoscope appliqué sur le larynx, sur la trachée-artère ou
au niveau de la racine des bronches, on éprouve la
sensation du creux ou du passage de l'air dans des
tuyaux de différent calibre.
La toux imprime aux parois thoraciques des vibra-
tions et des secousses plus ou moins étendues, plus ou
moins fortes. Ces vibrations et ces secousses sont à peu
de chose près les mêmes dans les régions semblables
de la poitrine et elles dépassent pour l'ordinaire les li-
mites de cette cavité.
AUSCULTATION DE LA TOUX A l'ÉTAT PATHOLOGIQUE.
Division de la toux.
On a distingué de tout temps la toux sèche et la toux
humide.
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TOUX SÈCHE. 425
Lorsque l'air ne rencontre aucun liquide ou qu'il en
rencontre trop peu sur son passage pour donner lieu
à la production des râles, la toux est dite sèche.
Elle est dite humide, au contraire, lorsqu'elle est ac-
compagnée de râles dont le malade peut avoir con-
science ou que le médecin peut percevoir par l'asculla-
tion pratiquée soit de loin (auscultation à distance),
soit de près (auscultation directe; auscultation mé-
diate).
1° Toux sèche.
On connaît deux sortes de toux sèche qui sont :
La toux ordinaire ($r& $/;poç, ;*>pY) ou ;r,pa, tussis sicca,
arida).
Et la petite toux (ftoyjov ou fayyn fopov, tussicula sicca).
Variétés. — La toux persiste-t-elle long-temps avec
une grande opiniâtreté et avec une certaine rudesse, on
l'appelle férinc (de ferina, rude) (1).
— Prend-elle le son de la voix devenue plus grave et
comme voilée, on la dit rauque (de raucitas, enroue-
ment, ou de raucus, «, wn, enroué, dérivés eux-mêmes
de Ppayyo;, ou, enrouement, ou de ppay/oç, u\ ov, rau-
que, enroué).
— Est elle accompagnée de sibilation (de sibilum, sif-
flement) ou de strideur (de stridor, bruit aigre, aigu,
perçant), on la dit sifflante ou stridente.
— Fait-elle craindre ou amène-t-elle la suffocation,
on l'appelle suffocante ^vf^n, tussis suffocans,
strangulabunda, {Aê-a ^tyjxaTo;, cum strangulatu).
— Se produit-elle par accès, on l'appelle guin-
tense.
(!; Ferina tussis est tussis gravis, a-grum maxime moleslans.
426 TOUX HUMIDE.
— Présente-t-elle des caractères particuliers, comme
on l'observe, par exemple, dans les cas de corps étran-
gers égarés dans les voies aériennes, dans la coque-
luche, etc., on la dit convuhive.
— Est-elle rauque, aigre, déchirée, éclatante, sonore
(clangosa) et à timbre en quelque sorte métallique, on
lappelle croupale, bien qu'on l'ait entendue avec ces
caractères dans la laryngite simple (i), dans la phthisie
laryngée (2), dans le faux croup (3) , dans l'asthme
aigu (4).
— Emprunte-t-elle d'autres caractères de certains en-
gorgements pulmonaires, de certaines dilatations bron-
chiques, de certaines cavités anormales creusées dans
les poumons, de certaines maladies ou de certains états
pathologiques de la plèvre (pleurésies, pneumothorax),
on la qualifie de bronchique ou tubaire, de creuse ou ca-
verneuse (de cavum, i, creux, cavité, caverne) àampho-
tique, etc.
— Les toux sèches imitant le braiement de l'âne, l'a-
boiement du chien, le chant du coq, le gloussement de
la poule, etc., n'ont point reçu de noms particu-
liers.
2° l'oux humide ( Toux grasse, ^ytf/tàhitussis cumstertore).
Elle s'annonce avec des caractères différents, sui-
vant la nature de l'humeur déposée dans l'une ou
l'autre des diverses sections des voies aériennes. Cette
(1) Héiurd. — Bulletins do la Société anatomiquo pour l'annéo 1846,
p. 372.
(2) Dugès. — Article Croup du Dictionnaire de méd. et de chir. prati-
ques, t. V, p. 576. Pari?, 1830.
(3) Guebsent. — Article Croup du Dictionnaire de médecine, t. VI,
p. 249. Pari», 1823.
(4) ROYBR-COLJiARD, DOUBLE, OlC.
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NOMS DIVERS DONNES A IA TOUX. 427
humeur est séreuse, muqueuse, purulente, sanguino-
lente, sanguine, etc. Elle diffère rie consistance et de
couleur; elle est ténue, épaisse, crue ou cuite; elle est
blanche, jaune, verdàtre, rouillée, etc.
Est-elle fixée aux parois du larynx, qu'elle provienne
ou non de sa membrane interne, elle est expulsée par
une toux légère avec d'autant plus de facilité, qu elle a
un plus court trajet à parcourir et qu'elle est moins
épaisse.
Si la matière à rejeter siège profondément dans les
bronches, elle n'est expulsée qu'à l'aide de grandes et
de fréquentes expirations.
Enfin, si la matière en question a pour siège les
bronches capillaires ou les vésicules pulmonaires, ce
n'est qu'après des ellorts de toux plus grands encore et
plus fréquents, et après avoir traversé tout le trajet des
bronches, qu'elle est enfin chassée de la poitrine.
Willis (1) avait fait ces remarques, qui sont de la
plus grande justesse. En les reproduisant , nous ne
sommes que son interprète. Mais nous avons besoin
d'ajouter que certaines humeurs se détachent avec une
grande facilité, tandis que d'autres réclament des ef-
forts de toux incessants et pénibles.
D'où viennent les noms divers que Pon a donnés à la toux 7
On s'est laissé guider par la sensation qu'elle donne
a l'oreille de celui qui l'entend (toux sèche, toux hu-
mide) ;
Par la comparaison qu'on a pu faire du bruit de la
toux avec d'autres phénomènes sonores (toux analogue
à l'aboiement du chien, au gloussement de la poule, au
chant du coq, etc.);
(I) Willis. — Pharmaceutice rationalis, seel. i, cap. iv, p. 33. In-4,
Lugduni, M.DCLXXYl. Sumptibus J.-A. Hvgvetan.
428 TOUX IDIOPATHIQUES.
Par le nom de la maladie elle-même (toux croupale ,
toux pneumonique, etc.);
Par la considération du siège de la toux (toux guttu-
rale, laryngée, pulmonaire, etc.);
Par la cause vraie ou présumée de son point de dé-
part/ toux hystérique, gastrique, etc.);
Par la nature de la lésion physique (toux caverneuse,
amphorique, etc.)
CAUSES DE LA TOUX.
Les anciens avaient divisé les causes de la toux en
EXTERNES et CI) INTERNES.
1° Les causes externes provenaient du dehors. C'étaient
l'air froid, la neige, la glace (1), la chaleur, la séche-
resse. L'hiver, l'été sec et boréal, l'automne pluvieux et
austral y prédisposaient (2).
Les causes externes capables de produire la toux
étaient encore l'eau froide bue avec avidité; les médica-
ments froids appliqués sur la poitrine; les aliments
acres, acides, excitants; la fumée; la poussière; les va-
peurs irritantes de toute nature; les boissons et les ali-
ments tombant dans les conduits de l'air; les corps
étrangers, tels que fèvres, haricots, noyaux de cerise,
d'aveline, etc., s égarant dans le larynx, la trachée-ar-
tère ou les bronches.
2° Les causes internes siégeaient à l'intérieur du
corps. On les subdivisait en idiopathiques et en sympto-
ma tiques.
A. Les toiu idiopathiques étaient dues surtout aux
humeurs qui descendent des fosses nasales, à celles qui
proviennent du larynx, de la trachée, des bronches, à
l'irritation simple ou à l'inflammation des différentes
(I) LiTTuÉ. — Aphorismes d'Hippocrate, sect. v, n» 14, p. XM.
(3) Ibid., sect. m, n" 13, p. 49! ; — n« 23, p. 497.
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TOUX SYMPATHIQUES. 4?9
sections des voies aériennes, à l'inflammation des pou-
mons.
Les modernes ont joint à ces différentes causes de
toux idiopathiques celles qui dépendent de la syphilis,
de la scrofule, du scorbut, de la goutte, du rhuma-
tisme.
Les toux idiopathiques étaient dues encore à la pré-
sence, dans les poumons, de tubercules crus, de pus,
de grumeaux sanguins, de vers, de productions pier-
reuses, à l'existence de certains épanchemerils pleuré-
tiques.
B. Les toux sympathiques provenaient du fait du dia-
phragme, du foie, de la rate, des reins, de l'estomac, de
l'intestin, des testicules (1), de l'utérus, des nerfs, des
affections vermineuses;
La toux survenait comme symptôme ou commccompli-
cation dans certains cas d'hydrocéphale, d'irritation soit
du conduit auditif, soit de la membrane interne des
fosses nasales. Elle survenait dans les fièvres ardentes,
dans certains cas d'hydrothorax, d'hydropneumotho-
rax, d'hydropéricarde, d'hypertrophie du cœur, de di-
latation des bronches, d'anévrysme de l'aorte, d'hydro-
pisie ascile, etc.
Elle survenait dans l'action de cracher, de soupi-
rer, de bâiller, de sangloter, de rire, d'éternuer.
{{) Un lit par contre, dans la Scmêiologie générale de Double (p. 102 du
i. II, in-8 ; Paris, 1817) : « L'inflammation, l'enflure, la douleur des tes-
ticules, font souvent cesser les toux les plus graves et les plus opiniâtres,
par suite de la sympathie qui existe entre les parties génitales et la poi-
trine, v (Hippocrate (I), Baglivi (*2;, Hega (?>), Bourges ({;.
{V. Hii-pocrate.- Épidémies, |" livre, p. f.03 du t. II île la version fr.iwaiM- à»- l.iitré.
{2) Baglivi. — Opéra oronia. Liiftdutii, 1745, in-4, p. tl i.
(3) H.-J. Reoa. - De S>mpaUii», p. 228 et suiv. 1 vol. in-12, Harlemi, 1721. fau-
teur se borne à invoqu' r le témoignée d'Htppocrate, de B'glivi.
(*î Bouhoes. — Observations sur une affection des testicules, suite df s lièvres eatar-
rhalf-s. In journal général de médecine, de chirurgie et de pharmacie, t. XXXI, p. jî à
61. Id-8. Taris, 1808.
TOME XXXI. — JUIN D370. 2S
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430 CARACTÈRES GENERAUX DES DIFFERENTES TOUX.
Que dis-je, ou observait la toux dans une circonstance
à la fois exceptionnelle et inexplicable, je veux parler
de celle à laquelle Montaigne (1) faisait allusion quand
i! disait : « Un tousseur continuel irrite mon poulmon et
mon gosier. »
CONCLUSIONS.
Des divisions et des subdivisions des causes de la
toux et du siège réel ou présumé de son point de dé-
part sont nées, en conséquence, les toux idiopathiques ou
Gutturale,
Laryngée,
Trachéale,
Bronchique,
Pneumonique,
Pleurétique,
et les toux sympathiques ou
Nerveuse,
Diaphragmatique,
Hépatique,
Splénique.
Néphrique,
Hystérique,
Gastrique,
Intestinale, etc.
CARACTERES GÉNÉRAUX DE CES DIVERSES TOCX.
« La toux gutturale est sèche, fréquente, précédée ou
accompagnée d'un sentiment de titillation ou de picote-
ment à l'arrière-gorge ;
« La toux laryngée est rauque avec une douleur plus
ou moins vive à la région du larynx ;
(1) Montaigne.— Essoii, livre I. chap. 20. De la force de
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CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES DIFFERENTES TOUX. 431
« La toux trachéale et la toux bronchique s'accom-
pagnent ordinairement de chaleur et de déchirement
derrière le sternum et sont fréquemment accompagnées
d'expectoration muqueuse ;
« La toux pneumonique est profonde, douloureuse,
sans quintes toutefois, avec crachats muqueux, clairs
et sanguinolents d'abord, puis épais et plus ou moins
opaques ;
«La toux pleurétique est essentiellement doulou-
reuse, sèche et fréquente
Les toux nerveuse, gastrique, hépatique, hysté-
rique, etc., se font remarquer par leur sécheresse et
leur opiniâtreté, en l'absence de toute lésion dans les
voies aériennes tant supérieures qu'inférieures.
Si, au lieu d'avoir son siège dans les bronches, pour
constituer la toux bronchique ordinaire, il existe, comme
nous l'avons dit, une péripneumonie autour d'une
bronche, une pleurésie ayant acquis certaines propor-
tions, une bronche dilatée entourée d'une induration
pulmonaire, on perçoit alors, en appliquant directement
ou médiatement l'oreille sur la poitrine, une toux bien
différente de celle de la bronchite, toux sans chaleur et
sans déchirement derrière le sternum, et qui donne,
après l'expectoration, la sensation du creux. On ne l'a
pas moins appelée toux bronchique. Elle correspond à la
respiration de ce nom.
Se manifesle-t-elle dans les cas de cavernes creusées
dans les poumons, la toux auscultée sur la poitrine a
reçu le nom de caverneuse.
On l'a même dite amphoriçue, lorsqu'elle s'est produite
avec les caractères que nous avons fait connaître en
traitant de l'auscultation de la respiration (p. 217) et
(1) P. Jollt. — Article Toux du Dictionnaire de raôd. et de cbir.
pratiques. 1836.
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432 TOUX BRONCHIQUE.
de la voix (p. 350, 3(>0)dans les circonstances que nous
avons énumérées à diverses reprises.
Disons de quelle manière on peut reconnaître ces dif-
férentes toux.
iu TOUX BKUXCMQUE.
Lorsqu'on distingue à l'aide de l'auscultation, soit
directe, soit médiate, au niveau d'une bronche, aumo-
ment où le malade tousse, un bruit qui rappelle, sauf
l'ampleur, le phénomène sonore que l'on entend, durant
la toux également, au niveau du larynx, on dit que la
toux est bronchique ou bien fubuirc, si l'on veut se servir
de Ja comparaison faite par Laënnec (1).
II est fréquent d'entendre cette toux au niveau des
premières divisions des bronches, maison la petvoil
aussi, bien que plus rarement, au niveau des deuxième
ou troisième divisions de ces vaisseaux. Cela dépend
du siège de l'engorgement pulmonaire et de l'étendue
qu'il occupe autour de tel conduit aérien ou de tel
autre.
Toutes choses égales d'ailleurs , la toux bronchique
est d'autant plus pure , d'autant plus manifeste que la
bronche est plus volumineuse, qu'elle est plus voisine
de la surface des parois thoraciques, qu'il reste moins
de poumon sain entre la bronche et l'extérieur de la
poitrine.
Les circonstances dans lesquelles on observe la toux
bronchique sont les mêmes que celles dans lesquelles
nous avons vu la respiration bronchique se produire.
C'est dire assez que la toux peut prendre le caractère
bronchique à une certaine époque des tubercules pul-
monaires, de la peripneumonie, de l'apoplexie, de la
(1) R.-T -11. Laknnec. — Traité de l'ausc. mdd., t. I,p.90. 2» édition.
Paris, 18-20.
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TOUX CAVERNEUSE. 433
dilatation des bronches, dans certains épanchements
pleurétiques, etc.
Laënnec avait remarqué , et ses successeurs ont fait
la môme observation, que la toux bronchique ou tubaire
est assez bien circonscrite dans les épanchements li-
quides de la plèvre, à la racine du poumon ; tandis
qu'elle occupe une étendue plus grande et un siège plus
varié dans la péripneumonie. Laënnec avait également
pensé que la toux tubaire pouvait servir à apprécier le
diamètre qu'avaient acquis les bronches dilatées.
2B TOUX CAVERNEUSE.
Laënnec (1) a proposé cette dénomination pour
rendre l'idée d'un phénomène sonore qui donne à l'o-
reille la sensation du vide que l'on perçoit au niveau du
larynx. II y a cependant cette différence entre la toux
laryngée et la toux caverneuse , que la première est
moins pure, moins nette, moins tranchée, moins éten-
due que la seconde ; elle fait naître, par conséquent ,
dans l'esprit, l'idée d'une cavité moins spacieuse.
M. Skoda n'a pas admis cette distinction de la toux
bronchique et de la toux caverneuse (2). Ces deux sortes
de toux n'ont pas, selon lui, de caractères distinctifs suf-
fisants pour mériter chacune une description particulière.
Il adresse donc à cette division la critique qu'il avaitdéjà
faite à la voix bronchique et caverneuse (3). Pour lui la
distinction est impossible au lit du malade.
Sans aller aussi loin que M. Skoda, nous dirons que
cette distinction est, au moins, parfois, très-difficile. Le
retentissement de la toux, au niveau d'une caverne, ne
(1) Larnnkc. — Traité de l'ausc. méd., 2e édit, 1. 1, p. 91.
(2) Skooa. — Traité de percussion et d'auscultation, p. 194 do la ver-
sion française du Dr Aran.
(3) Skoda. — Traité de perc. et d'aune., p. 81 et suiv.
434 TOUX AMPHORIQUE.
diffère souvent pas du retentissement qui se produit
au niveau d'une bronche. Il peut, par contre, avoir de
l'ampleur et paraître se passer dans une cavité plus ou
moins spacieuse, lorsque le lieu de sa production n'est
autre, en définitive, que celui d'une bronche non dilatée
entourée d'un poumon hépatisé ou simplement com-
primé.
Si la toux caverneuse peut se manifester, par exception
à la vérité, sans que les bronches aient subi la moindre
dilatation, à plus forte raison pourra-t-on l'observer
dans certains cas de bronches dilatées, dans les cavernes
tuberculeuses, péripneumoniques , hemoptoïques, gan-
'gréneuses.
Est-il besoin d'ajouter que les cavernes pulmonaires
renferment ordinairement un liquide provenant de la
fonte de tubercules, d'un abcès péripneumonique, d'un
foyer sanguin, etc., et que, dans tous ces cas, la toux
donne lieu à la production d'un gargouillement plus ou
moins fort ? Est-il besoin de dire encore que ce gar-
gouillement disparaît lorsque la toux a chassé le liquide,
pour faire place à la toux simplement caverneuse, à
moins que les bronches qui communiquent avec la ca-
verne ne soient momentanément obstruées par des
mucosités, par du pus, par du sang? etc.
En dehors de ces conditions défavorables, la toux ca-
verneuse est d'autant plus manifeste, quelle est précédée
d'une plus grande inspiration, que les bronches dilatées
ou que les cavités creusées dans les poumons sont plus
superficielles, que les parois de ces bronches ou de ces
cavités sont plus dures.
3° TOUX AMPHORIQUB.
Toussez à travers le goulot d'une cruche vide et vous
produirez un bruit particulier analogue à celui que
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TOTîX AMPHOR1QUK
4^5
vous perceviez sur la poitrine de certains malades
atteints de cavernes pulmonaires vides, de pneumo-
thorax simples ou compliqués d'un épanchement liquide
seulement.
Landouzy (i) a cité l'observation suivante :
Un malade âgé de 31 ans mourut, après avoir présenté une res-
piration, une toux et une voix amphoriques. On trouva deux litres
de sérosité dans le roté gauche delà poitrine. Le poumon refoulé
en haut contre la colonne vertéhrale était réduit au volume du
poing et transformé, excepté au sommet qui était encore un peu
perméable, en une sorte de tissu musculaire infiltré, enfermé dans
une gaine, partie fibreuse, partie fibro-cartilagineuse. Landouzy
crut devoir attribuer les phénomènes amphoriques à la condensa-
tion du tissu pulmonaire. Il fit de plus cette remarque : «Les annales
de la science ne contenant à ma connaissance aucun fait de ce genre,
j'étais très-embarrassé de déterminer exactement la valeur de ces
phénomènes.
Je me bornai à regarder le souffle amphorique comme une exa-
gération exceptionnelle du souffle tubaire.
La toux amphorique a un timbre ordinairement mé-
tallique.
Elle se produit le plus souvent dans les cas où l'on a
pu distinguer soit la respiration , soit la voix ampho-
riques ; mais elle n'est pas liée forcément à l'existence
de cette respiration et de cette voix.
Quel ordre devons-nous adopter dans F étude des toux diverses
que nous avons nommées ?
Nous pourrions, conformément à ce que nous avons
dit précédemment, rattacher chacune des toux dont
(1) Landouzy. — Nouvelles données sur le diagnostic de la pleurésie et
les indications de la thoracentèse. 4r« observation dans : Archives gén.
de méd., n° do novembre 1856, p. 519 et suiv. — On trouve signalés
dans des conditions à peu près semblables, le souffle et la toux ampho-
riques, dans la 4* obs. de ce travail.
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430 CAUSES DE LA TOUX RÉSIDANT A LA TETE.
nous avons parle a chacune des causes qui la produisent,
et nous borner à signaler les différences de ces toux
entre elles, chaque fois que cela serait possible.
Nous pourrions encore décrire la toux d'après ses
causes soit internes, soit externes, et cela nous condui-
rait successivement à parler de la toux idiopathique, de
la toux sympathique et de la toux de cause externe.
Cette division de la loux établie sur les causes de sa
production serait naturelle.
Mais, à vrai dire, toute toux se produisant contre la
volonté est symptomatique.
Envisageons-la donc à ce point de vue seulement en
interrogeant tour à tour la téte, le cou, la poitrine et le
ventre.
C'est ce qu'a fait Morgagni dans une de ses lettres.
Nous imiterons son exemple.
A. CAI SES DE LA TOUX RÉSIDANT A LA TETE.
1° Hydrocéphale. — a Les anatomistes connaissent la
toux que détermine l'irritation de l'origine des nerfs,
comme cela a lieu quelquefois sur les hydrocéphales. »
(Du siêfje rt des cames des- ma/a lies, etc., lettre 19, n° 54.)
L'auteur donne à l'appui de cette proposition deux ob-
servations qu i! emprunte au Sepulchretum de Bonet(l),
et qui appartiennent l'une a Vesale et l'autre à Lechel.
«Vous trouverez, dit-il, dans l'observation de Vésale,
qu'un léger mouvement de la téte suffisait pour pro-
duire aussitôt une toux grave , tandis qu'il n'est fait
mention d'aucune lésion pulmonaire. »(Iôid.y n° 54.)
En effet, nous lisons dans A. Vésale (De humant cor-
poris fabricâ, cap v, p. 15. 1 v. in-f\ Venetiis, 1568) :
i) Bonrt. Lihor l.sert. {ri. obs. 6, De hydrooephalo, p. 381 du 1. 1.
CAUSES DE LA TùCX RESIDANT A LA TETE. 437
« Et quoties caput, quum illam paucis ante mortcm diebus con-
spexi, ab astantibus movebatur, et non nibil, quantum vis etiam
leviter, erigebatur, gravis illico tussis puellae molesta fuit, cum
difticili respiratione, et totins faciei miro rubore, sanguinis que
suffusione, et lacrymarum proventu. »
Si cette observation paraît concluante, celle de Lechel
ne l'est pas au même degré, car, bien que Morgagni ait
écrit, toujours dans le même n° 54 de sa letlre XIX :
« Vous lirez dans l'observation de Lechel (1) que la
toux existait, bien que nuls autres viscères que le cer-
veau et nommément les poumons, ne fussent en mauvais
état, tandis qu'il est dit, au contraire, qu'ils étaient
convenablement et très-bien constituées, et sans aucune
lésion. Cependant, il est dit dans le texte que le malade :
« Maii usque ad finem vitœ cum stertore et sonitu clan-
« gosum duxerit spiritum. »
2" Irritation de la membrane interne de f oreille.
« La toux, dit encore Morgagni, a lieu fort souvent à la
suite d'une légère irritation du conduit auditif, produite
avec un cure-oreille, soit que l'irritation se propage à tra-
vers les membranes intérieures de l'oreille, de la trompe
d'Eustaehe, et enfin du pharynx jusqu'au larynx, soit
qu'elle fasse descendre aussitôt de celte trompe dans le
pharynx quelque chose qui doit irriter ce dernier conduit
et le larynx, soit enfin qu'elle agisse sympathiquement
sur certains nerfs, comme sur ceux qui se distribuent
aux membranes qui se continuent immédiatement avec
la membrane interne du larynx. Et, comme je l'ai dit,
la production d'une toux semblable n'est inconnue de
personne » (2). (Lettre 19, n° 54.)
(I) In Additamen. Obs. 4, p. 389 du t. I du Sepulchrelura.
(î) « Rudior attactus merabrana? mealum auditorium iovestieotis tus*
sim producere potest. » (Van Swieten. p. 9 de la 1™ partie du 1. 111 des
Aphori$mex de Boerhaave. In-4. Taurini. 1744.)
m
CAUSES DE LA TOUX RESIDANT AU COL.
3° Irritation de la membrane interne des narines.
Elle suffisait, au rapport de Van Swieten, pour donner
naissance à la toux. « Narium internarum irritatio, »>
disait-il, « tussim producere polesl» (p. 9 de la in partie
dut. III de Boerhaave. In-4, Taurini, 1744).
Gela est si vrai, qu'il est des personnes qui toussent
toutes les fuis qu'elles respirent du vinaigre, une allu-
mette soufrée en ignition, etc.
B. CAUSES DE LA TOUX RESIDANT AU COL.
Lorsque nous avons traité (1) des maladies qui peu-
vent atteindre le larynx, nous avons signalé :
La toux quinteuse, pénible, rauque, sèche au début,
puis humide de la laryngite aiguë;
La touxrauque, âpre, rude de la laryngite chronique ;
La toux rauque, sifflante, convulsive de l'œdème de
la glotte ;
Nous ne reviendrons pas sur ces diverses toux dont
la description trouvait naturellement sa place à côté des
signes acoustiques fournis par la respiration et par la
voix.
Nous avons dit également quelques mots des résul-
tats de l'auscultation pratiquée sur le larynx et la tra-
chée-artère dans les cas de corps étrangers égarés dans
les voies supérieures de l'air.
. Complétons ici cet article en revenant sur la toux que
ces corps déterminent. Nous passerons ainsi sans tran-
sition à la toux symptomatique de corps étrangers
égarés dans les bronches.
(t) Voyez l'Art méd., t. VIII, p. «.146-232-306.
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CAUSES DE LA TOUX RÉSIDANT AU COL
439
Corps étrangers égarés dans le larynx et la
trachée-artère.
A peine le corps étranger a-t-il pénétré dans les
voies supérieures de l'air, qu'on voit survenir, pour
l'ordinaire, instantanément (i), une toux violente, suf-
focante, convulsive, dont les accès se renouvelleront à
des intervalles plus ou moins éloignés, entre lesquels le
calme renaîtra. Et ces accès n'existeront pas seulement
dans les cas où le corps étranger sera mobile, mais en-
core dans ceux où il ne pourra se mouvoir. Lisez dans
les Bulletins de la Société anatomique pour l'année 1862
(p. 422 et suiv.), le rapport de M. Ferrand sur deux
présentations de corps étrangers du larynx faites par
M. Flurin et vous verrez que :
La mort étant survenue, chez un enfant âgé de six ans, après
quelques accès de suffocation bien constatas, au milieu d'un état
d'asphyxie continue, on trouva dans le larynx un fragment de co-
quille de noix triangulaire appliqué sur le côté gauche de la glotte,
ayant un angle supérieur qui s'enfonçait dans le ventricule gauche
et une base arc-boutée contre la paroi latérale du larynx, au niveau
du cartilage cricoïde.
Si en môme temps que vous constatez des accès in-
termittents de toux et de suffocation, vous observez que
ces accès sont fréquents, bien accusés, sans coïncidence
de mobilité d'un corps quelconque dans les voies de
l'air, soyez presque sûr que le corps étranger siège dans
le larynx.
(4) Nous nous exprimons ainsi parce qu'on a cité l'exemple d'une
jeune ûlle qui parait n'avoir été prise de toux et de suffocation que huit
jours après avoir pris des cerises. Cette toux et cette suffocation reve-
naient par accès de six, huit et quinze jours d'intervalle. Neuf mois
après le début de ces accidents, la malade rendit, a la suite d'une toux
violente, un noyau revêtu d'uno couche calcaire. (Maslieurat, p. 103 des
Bulletins de la Société anatomique pour l'année 1839.)
■
440 CAUSES DE LA TOUX RÉSIDANT Alf COL.
Le fait de la sortie du corps étranger, après un temps
plus ou moins long, n'est-il pas la preuve qu'il occu-
pait les ventricules du larynx?
Louis (1) avait porté ce jugement dans le cas que
voici, dont Bartholin a rapporté l'observation sous le
titre de Nucleits ex pulmonibus:
Une femme de Padoue uvala un noyau d'aveline pendant qu'elle
riait. A l'instant même, elle fut prise d'une toux violente qui la
tourmenta pendant deux mois. La fièvre et le marasme firent croire
à un médecin qu'il y avait phthisie. Ce ne fut pas l'avis de J. D. Sala,
parce que la fièvre n'était pas continue, que les crachats n'indi-
quaient ni pus ni sang, que la respiration était libre. En effet, la
malade finit par rendre le noyau de cerise et elle se porta bien
ensuite.
On peut rapprocher de cette observation celle d'un bourgeois
d'Amsterdam qui, fatigué pendant plus de sept ans par une toux
opiniâtre et par une difficulté de respirer, fut réduit a la dernière
extrémité jusqu'à ce qu'en toussant violemment, il rendit une por-
tion de coquille d'aveline de la grandeur d'un ongle qui s'était ni-
chée vers l'orifice de la trachée-artère (2). (Nicolai Tulpii, Obser-
vation» mediccBy p. 109, lib. n, caput vu. 1 vol. in-12. Amstel-
redami, 1672.)
Dans ce cas encore, Louis (3) plaçait le siège du
corps étranger dans les ventricules du larynx.
(1) Louis —Mémoire, sur labronchotomie, p. 2*2 du t. Vides Mémoires
de l Ac. roy. dechir., édition de Michel Fossone.
(2) Hara, difficilis spirittls, raussa.
• Civis Amstelredamensis, seplem amplius annos, divextus ab indefa-
« tigabili tussi, traxit continenter spiritum, adeo diffieulter: ut corpus
« ipsi summopere emarcuerit. Sed ejeclo tandem, per vehementmiroam
« tussim, putamine, nucis avellanaî : duxil illico spiritum commodiua;
« et evasit celcrrime, quod vilœ intentabalur, perirulum.
« Inhœseral aulem hoc putamen (quod ada?quabnt unguem huma-
• num) circa rapu'. asperœ arteria? : uti salin distincte indicavit a?ger.
« Forte prope illum locum. in quo aureum nummum, scribit ultra bien-
« nium delituisse Philippus Hechsleterus. » (Obs. dpead. VI, cas. x.)
(3) Louis. — Mémoire sur la bronchotomie, p. 219 du t. VI des Mé-
moires de l'Acad. roy. de chir.. édit. in-8 de Michel Fossone.
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CAUSES DE LA TOUX RESIDANT DANS LA POITRINE. 441
Entre le texte de Tulpius et l'interprétation de Louis,
les lecteurs jugeront .
C. Causes de la toux résidant dans la poitrine, ou
AUTREMENT DIT DANS LES BRONCHES, DANS LE PARENCHYME
PULMONAIRE, DANS LES PLÈVRES, DANS LA CAVITÉ PLEURALE,
DANS LE FEUILLET DU PÉRICARDE ET DANS LA CAVITE DE CETTE
MEMBRANE FIBRO-SÉREUSE.
Corps étrangers égarés dans les bronches.
Le Dr John Browne (1) lut à la Société chirurgicale
de Dublin, le 9 décembre 1829, un mémoire renfermant,
dit-on, des observations sur ce sujet. 11 fit connaître les
opinions diverses émises en Angleterre, en Allemagne,
en France, sur l'opportunité de la trachéotomie dans
les cas de corps étrangers égarés dans les bronches.
Avant de se demander s'il y a lieu, ou non, de son-
ger à cette opération, il faut d'abord bien établir le dia-
gnostic.
On sait qu'un corps étranger parvenu dans les
bronches est arrondi ou à bords anguleux ; que, dans
le premier cas, il est ordinairement mobile et suscep-
tible de remonter dans la trachée; que dans le second
cas il est généralement immobile.
On sait qu'un corps étrangler apourelfet de produire
l'inflammation et de donner lieu à des abcès et de dé-
terminer à la place qu'il occupe des râles et un
affaiblissement ou même , comme nous l avons dit ,
(note i de la page ii), le silence complet des bruits res-
piratoires dans le poumon correspondant.
(I) John Brow.ne. Recherches sur l'opération de la trachéotomie, dans
le but de déterminer si elle peut être considérée comme convenable
dans les cas où un corps étranger est logé dans Tune on l'autre bronche,
avec des observations sur les derniers exemples d'un pareil accident.
442 CAUSES DE LA TOUX RESIDANT DANS LA POITRINE.
On sait enfin que la douleur accusée parles malades,
jointe aux signes précédents et à l'histoire des antécé-
dents ou commémoratifs, peut conduire à déterminer la
présence et le siég*e du corps étranger.
Mais ce que l'on sait moins, c'est que le médecin peut
n'avoir connaissance que de la toux éprouvée par les
malades.
L'observation suivante en est la preuve :
Clou trouvé dam la brandie gauche (observation recueillie par
H. Royer-Collardj.
Un homme, atteint «le démence, était depuis plusieurs années à la
maison de Charcnton. Au commencement de la maladie, il avalait
tout ce qui se trouvait sous sa main.
Vers le 15 juillet 1823, il parut tousser plus fréquemment que de
coutume, et il mourut le 29.
On trouva dans la bronche du poumon gauche un clou long de
quatre centimètres, dont la tète égalait environ un centime; elle
avait fait une ulcération circulaire à l'endroiL de la bronche avec
lequel elle était en contact. Le poumon correspondant seul était
rempli de tubercules dont la plupart étaient ramollis.
M. Royer-Collard rapportait à deux ou trois ans la date de la pé-
nétration du clou dans les voies de l'air. (Bulletins de la Société anato-
mique, pour l'année «826, p. 27 dela2« édit. in-8; Paris, 1841.)
Si la toux seule a été remarquée dans l'observation
précédente, elle est loin d'avoir été isolée dans le cas
que voici :
Os de poulet trouvé dans la bronche droite (observation recueillie par
Pierre Gilroy, docteur-médecin à Navan).
Une femme veuve, âgée de 40 ans, d'une constitution robuste,
fut prise, le 8 août 1826, pendant son diner, d'un accès soudain et
violent de toux, avec menace de suffocation. Elle avait avalé un os
de poulet, qu'elle disait sentir dans sa poitrine.
Le 9 août, il existait de l'oppression, un léger chatouillement
(1) Cette observation a été reproduite par le Journal universel et heb-
domadaire de médecine et de cbir. pratiques et des Institutions médi-
cales. 2« année, t. V, p. 54 et suiv. In-8. Paris, 1831.
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CAUSES DE LA TOUX RESIDANT DANS LA POITRINE. 443
dans la gorge qui excitait la toux, une douleur intense à la partie
supérieure du sternum et un malaise général.
Les jours suivants, tous ces phénomènes s'amendèrent et puis
s'aggravèrent.
Ce fut le 13 septembre, c'est-à-dire cinq semaines environ après
l'accident, que le D' Gilroy vit la malade. Elle souffrait d'une nou-
velle augmentation dans les symptômes. Elle était dans son lit, te-
nant le haut du corps singulièrement bas. Elle était en proie à une
vive anxiété. Elle indiquait, comme siège de la douleur, la partie
supérieure du sternum, à droite, où elle avait senti l'os s'arrêter.
Tant qu'elle restait tranquille avec les épaules basses, elle ne tous-
sait pas ; mais, dès qu'elle se levait un peu, ou qu'elle se tournait
sur l'un ou l'autre côté, un violent accès île toux se déclarait. La
malade ayant élevé beaucoup le corps, l'accès qui s'ensuivit fut plus
violent et plus convulsif qu'aucun paroxy me d'asthme que le Dr Gil-
roy eut jamais vu. Pendant les accès , l'expectoration était ordi-
nairement arrêtée. Une odeur fétide s'exhalait de la poitrine. La
malade, minée par la fièvre hectique, languit jusqu'au 29 octobre,
qui fut le jour de sa mort.
A uiopsie. On trouva dans le centre du poumon droit un abcès si
large, qu'il envahissait presque tout cet organe ; il y avait plus de
500 grammes de pus d'une odeur fétide; le morceau d'os de poulet
léger, poreux, du poids de 25 centigrammes, était situé à la partie
supérieure de la bronche droite, vers la bifurcation de la trachée.
Dans cet endroit, ce tube offrait une communication avec la partie
supérieure de l'abcès.
Noyau de cerise égaré dans le poumon droit ^observation de Daniel
Sennert)(l).
Le malade fut, dans ce cas, assez heureux pour
rendre, avec une violente toux, un noyau de cerise qui
était tombé quelque temps auparavant dans la trachée-
artère, d'où il était arrivé dans le poumon même.
« Ntu leus cerasi ex ore in pulmonem delapsus. — Anno 1620, dit
Daniel Sennert (2), vir quidam doctus, cum cerasa arbore decerpta
in horto cotnederet, atque subito in strangulationis et suffocationis
(1) Dan i kl Sbnxeht, Opéra, t. II, p. 496. In-folio. Parisiis, 1641.
(i) Ibid., p. 500, r colonne, A.
444 CAUSES DE LA TOUX RÉSIDANT DANS LA POITRINE.
periculum cum maxiraa tussi conjicerctur, nucleum cerasi in guttar
illapsum, et tussis et strangulationis causa m esse existimans,
chirurgum qui illum eximeret, aeeercivit :
« Vcrum eûni chirurgus nullum nucloum deprehenderet, et suffo-
cationis periculum cossarct, tussis vero nihilominus perseveraret,
in eam opinionen vcnit, nucloum nullum in guttur illapsum fuisse,
sed hoc symptoma ex calarrho subito et vehementi provenisse. De-
ambulaverat vero in horto tempestate pluviosa, et alias catarrhis
vaille obtioxius erat. Duravit ista tussis per très septimanas et per
intervalla qua;dam a>griim valde alïlixit, quo tempore etiam dolo-
rcm quemdam gravativum in dextra thoracis parte deprehendebat.
Tandem cum noetu vehementer integram horam tussivisset, nu-
cleum illum pituitie crassaj adluerescentem tussi rejccit, atque ita
tussi liberatus est. »
J'ai déjà lait allusion plus haut (p. i3) à celte obser-
vation que j'ai dit être la 18e du Mémoire de Louis sur
la bronchotoniie.
Os de reau égaré dans le youmtm (observation recueillie par C. Stal-
part Vander Wieb.
« Une Bile, en avalant uu bouillon, eut le malheur de recevoir
dans la trachée-artère une petite portion d'os de veau. Un malaise
considérable fut le premier symptôme de cet accident. La portion
d'os ayant pénétré jusque dans le poumon, la malade fut agitée
d'une toux presque continuelle et d'une lièvre qui fut suivie de cra-
chements de sang, et «l'une ulcération au poumon. Enfin, au bout
de quatre mois, elle rejeta, en toussant, ce petit os avec des cra-
chats purulents, et elle se tira d'affaire, quoique l'ulcération du
poumon l'eût menacée de consomption. »
« Parmi les différents faits qu'on a sur les corps étran-
g-ers qui ont passé dans la trachée-artère, dit Louis (2),
voilà le seul qui ait été poussé dans le poumon. Ce cas
a eu, sans doute, des symptômes caractéristiques par les-
quels on a dû le distinguer de ceux que cause la pré-
sence d'un corps étranger dans la trachée-artère.
,1) C. Stalpart Vander Wiei,. Observationem rariorum, etc., centuria
prior, obs. '23, p. 97. Leiduî, 1727.
H) Louis. Mèm. *ur la bronc, p. iifi du t. VI de l'éd. de Michel Fossone.
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CAUSES DE LA TOUX RESIDANT DANS LA POITRINE. 445
« Si l'observateur avait été occupé du même objet que
nous, il ne nous aurait pas laissé ignorer s'il y avait un
point fixe de douleur, et si la malade l'indiquait : nous
saurions en quelle façon la respiration a été lésée. »
L'observation du Dr Gilroy répond aux desiderata de
Louis.
CONCLUSIONS.
Les observations que nous venons de rapporter prou-
vent que la phthisie peut être déterminée par la pré-
sence d'un corps étranger, fragment osseux ou autre,
dans les voies de l'air , et que cette phthisie conduit
fatalement à la mort, si les corps étrangers ne peuvent
être expulsés.
Dans les cas, au contraire, où les corps étrangers
viennent à être rejetés au dehors, la cause de la con-
somption cessant, les malades reviennent, comme nous
l'avons vu, plus ou moins proniptement à la santé.
L'une et l'autre de ces propositions ont été reprises en
sous-œuvre par deux médecins étrangers, les docteurs
Mason Good (1) et Thomas Young (2).
On a dit que le Dr Young avait rapporté plusieurs ob-
servations de consomption dans lesquelles on avait vu
des malades expectorer un débris d'os ou quelque autre
corps étranger. Je n'ai trouvé dans cet auteur que les
paroles suivantes ayant trait à ce sujet :
« Il is not peculiar acrimony, for every symptom of
consuniption bas somelimes been observed, where the
présence of a forcing substance bas obviously been Ihe
only essential cause, and the disease bas eeased on ils
removal. » {Opcr. cit., p. 10.)
(I) Mason Good. The sludy of melicine, t. III de la *v édition.
[i) Thomas Young. A praclical and historica! trcalisc on consuuiphvp
disease*. i vol. in-8. London, 181 S.
TO xik xxm. - juin I8T0. -2.1
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446 CAUSES DE LA. TOUX RESIDANT DANS LA POITRINE.
Tous les malades dont les voies principales de I air
sont devenues le siège d'un corps étranger, ne meurent
donc pas.
Mais ils toussent presque sans interruption, sont à
chaque instant menacés du su ffocation, et éprouvent des
symptômes divers, suivant la nature et la forme du
corps étranger, lis portent la main au cou à l'égal des
enfants atteints du croup, ou bien, quand on leur de-
mande d'indiquer le lieu de leur souirrance,ils indiquent,
soit la partie supérieure droite de la poitrine, soit la
partie supérieure du sternum, soit encore sa partie
moyenne.
La toux cesse avec la disparition de la cause qui lui
donnait lieu, et les malades qui avaient couru des dan-
gers pendant des jours, des semaines, et même des
mois, reviennent à la santé.
Vers égarés dans les voies de f air.
Ce que nous disons des corps étrangers, tels qu'un
débris osseux, un noyau de cerise, une arête de poisson,
par exemple, peut se dire des vers qui s'engagent par-
fois dans le larynx, dans la trachée, ou bien dans une
bronche. Les symptômes sont à peu près les mômes.
Une dyspnée subite ouvre la scène. Les malades por-
tent la main au cou, comme pour arracher l'obstacle qui
s'oppose au passage de l'air. Ils placent le siège de leur
souffrance à la partie supérieure du sternum ou bien
;i l;i partie antérieure et moyenne de la poitrine.
II survient de la sueur, de l'agitation, des cracho-
tements, des voniis>ements. du trismus, des convul-
sions, la mort enfin, après une asphyxie toujours crois-
saute et des eiïbrts de toux, sans résultat le plus sou-
vent, car ce n'est que par exception que les vers sont
expulsés.
CAUSES DR LA TOUX RESIDANT DANS LA POITRINE. 417
Cette succession de phénomènes se produit ici dans un
espace de temps très-court, soit que la mort arrive, soit
que le malade échappe à tout danger, en se débarras-
sant, dans un accès de toux, du ver qui 1 étouffait.
Dans les cas de mort, on trouve des vers en plus ou
moins grand nombre dans différentes parties des voies
digeslives. Ceux qui sont devenus funestes, sont encore
le plus souvent dans le larynx, dans la trachée-artère ou
dans les bronches, plus fréquemment à la fois dans la
trachée et dans la bronche droite.
Donnons quelques observations à l'appui de ces pro-
positions :
1° Les vers tuent l s malades.
Observation du D'Hœring, la VI* du Mémoire de M. Aronssokn.
A.— George Schweig, âgé de 52 ans. avait accusé, dans les derniers
temps de sa vie, de la douleur et un sentiment de constrictien au
niveau de la bifurcation de la trachée, et c'est sur ce point qu'on
trouva placé en travers un ver lombric.
Aquel moment précis, ce ver avait il pénétré des organes digestifs
dans ceux de la respiration? On ne saurait le dire, puisque, au rap-
port même de l'auteur de 1 observation, le malade, asthmatique de-
puis longtemps, offrait, pour principal symptôme, un trouble mar-
qué dan» la respiration.
Mais, ce qu'on peut affirmer, c'est que, moins de deux jours avant
de mourir, la dyspnée avait augmenté pendant la nuit, qu'elle avait
été plus gran le encore dans la matinée, qu'elle s'ë'ait compliquée
d'une agitation continuelle et que, sauf quelques heu es de répit,
la dyspnée s'était aggravée de la manière la plus alarmante.
La suffocation avait été imminente à plusieurj reprises, laiespi-
ration était devenue sifflante, la déglutition pénible.
Le malade ne pouvait plus parler ; il indiquait sans cesse la partie
supérieure du sternum comme le point principal de ses souffrances.
Une augmentation toujours croissante de la dyspnée avait été
suivie d'une suffocation mortelle.
On trouve dans Haller, sous le titre de Su/focalio a
verme, l'observation suivante (i) :
(t) Progr. ad disp., P. Castelli et Remi.
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448 CAUSES DE LA TOUX RESIDANT DANS LA POITRINE.
13. — «Deniqueintcr rariores raortiscansas fuisse puto,quamin pueila
decenni vidi. Eam reperimos, cum omnibus vUeeribus sanissimis,
unicc verminosam, et fauces atquc os lumbiieis plénum, duo vero
omnino detereti génère vernies in aspera arteria, ad cordis sedem,
inque principio pulmonis reperti sunt, manifesti suffoeationis auc-
tores. » (Alberti Halleri Opuscula pathologica, obs. IX, p. 20. i vol.
in-8, de 301 pages. Lausanme, 1755 )
C. — Observation de Blandin (1).
Cet auteur a mentionné le fait d'un petit malheureux qui fut
étouffe par uu énorme ver ascaride lombricoïde, qui était remonté
de l'estomac, et s'était placé dans la trachée -artère et dans la bron-
che droite. »
D. — Observation de J. Aroussohn (2).
Une jeune hlle,àgée deOans, Barbe Roquet, jouissait d'une bonue
santé, lorsqu'elle fut prise subitement, le 30 décembre 1822, tic gène
dans la respiration. Il était deux heures du soir; à quatre heures la
malade éprouvait la même gène et demandait à s'aliter. Le lendemain
il y avait de fortes sueurs résultat d'une agitation continuelle.
Le troisième jour, à six heures du matin, crachotements continuels,
tout le mal est rapporté par la jeune tille à la partie antérieure et
moyenne de la poitrine. La malade boit de l'eau sucrée, la vomit et
se dit soulagée; des aliments sont également vomis peu après leur
ingestion.
Surv iennent un tremblement général, des convulsions, dutrismus
la mort entin, après les plus terribles angoisses.
Ou ne découvrit, à l'autopsie rien d'anormal, si ce n'est la pré-
sence de trente-sept lombricoïdes, dont l'un, d'environ 5 pouces de
longueur, se trouvait engagé en par.ie dans la trachée-artère, et
en partie dans la bronche droite. L'estomac contenait deux de ces
vers, le duodénum en contenait huit et le jéjunum vingt-six. »
E. — Vers éyaré dans le larynx et dans la trachée-artère (obser-
valionr ecueillie par M. Tonuellé). (3)
(4) IkA.NoiN. — Trailé danatoraie pathologique, 2» édition, 1834, p. 199.
(2) Ako.nss.ohx. — Mémoire sur l'inlr. des vers dans les voies aer. in
Archiv. gén. de méd., "2e série, t. X, 183G, p. 45, obs. II'.
(3j Tos.\ELi.K.— Réflexions cl observations sur les accidents produits par
les vers lombrics. In Journal hebdomadaire de médecine, n° 47, p. 290,
du t. IV. In-8. Paris, 1829.
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CAUSES DE LA. TOUX RESIDANT DANS LA POITRINE. 449
E. — Il s'agit d'un enfant &gé de 9 ans, qui succomba le 22 mai
1820, cinq jours après son entrée à l'hôpital.
o La mort arriva après une nuit passée dans un état d'agitation
difficile à décrire.
o Un ver lombric, d'un volume et d'une longueur considérables,
était engagé dans le larynx, dont il bouchait presque entièrement
la cavité : l'une de ses extrémités s'avançait jusqu'aux premiers
anneaux de la trachée-artère, tandis que l'autre se reployait dans
l'œsophage.
« Un second ver était placé entre le plancher de la bouche et la
langue.
« L'intestin grêle contenait six ou sept vers de la même es-
pèce. »
2* La sortie des vers est suivie du retour des malades à la santé.
Observation de M. Aronsshon (1), la Ve de son mémoire.
Philippine L.. .,àgéed« 8 ans, fut prise tout à coup, au milieu d'une
santé parfaite, d'une toux qui, en peu d'instants, devint très-forte et
continua d'augmenter en s'accompagnant de suffocation , malgré
tout ce qu'on put faire pour la calmer.
Cet état d'angoisse durait depuis deux heures, et déjà des con-
vulsions commençaient à s'y joindre, lorsqu'à la suite de grands
efforts, la petite malade rendit un strongle vivant (acaris iombri-
coïdes).
Le retour de cette jeune malade à la santé donne la
clef de ce qui a dû se passer, après la mort, dans l'ob-
servation qui va suivre.
■
3° Les vers se sont déplacés après la mort.
Obs. de M. Aronssohn (2), la IVe de son mémoire.
u Une petite fille, Agée de 8 ans, éprouva subitement une
anxiété extrême, une gène très-grande de la respiration, une vive
douleur à la gorge où elle portait souvent la maiu comme pour en
arracher l'obstacle qui s'opposait au passage de l'air; avec cela
vains efforts de toux et asphyxie imminente. Mort enfin, deux
heures après son entrée à l'hôpital.
(1) Aboxssokn. Archives gén. de raéd. pour Tannée 183G, n« de jan-
vier, p. 49.
(î) Aronssohn. Archives gén. de méd. pour l'année 1836.
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450 BIBLIOGRAPHIE.
On trouva dans le pharynx un ver, vivant encore, lon^ de six
pouces, qui avait dû quitter le larynx dans les vingt-quatre heures
qui avaient précéilé l'ouverture dn corps.
Dr L. Mailliot.
BIBLIOGRAPHIE
LES PASSIONS
Par le D' F. Frédault : 1 vol in-12. Palmé, tfdit.
Pour concevoir" une juste idée de ce nouveau travail
de notre confrère, pour le considérer à son véritable
point de vue, le lenteur devra reprendre le beau Traité
d Anthropologie qu'il donnait ù la science il y a quelques
années. Il l'ouvrira au livre IIIe, chapitre n où sont dé-
crits les Actes de ï ordre animal. Cette étude sur les pas-
sions n'est que le développement d'un des nombreux et
importants sujets compris dans cette longue hisloiredes
formes sous lesquelles se déploie l'activité do l'homme
vivant.
Avant tout il faudra ne point oublier que le Traité
d'anthropologie est l'expression complète et raisonnée
de la doctrine thomiste sur le composé hunjain. L'esprit
scientifique qui anime le livre, les grandes lignes qui en
décident l'ordonnance, appartiennent à l'école seolasti-
que ; ce qui n'a nullement empêché le Dr Frédault d'in-
troduire dans la trame de ses développements, toute la
science moderne. Pas une doctrine n'estoubliée, pas un
progrès n'est méconnu dans cet ouvrage qui est à vrai
dire autant l'histoire de ce que la science a pensé sur
l'homme que l'exposé de ses actes fonctionnels.
Comme le Traité d'anthropologie dont elle découle,
cette étude sur Jes passions est une exploration savante
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LES PASSIONS. -451
et parfois hardie sur ce terrain intermédiaire des cho-
ses de la matière et des choses de l'esprit, où se débat-
tent pour l'homme les destinées de tant de problèmes.
Les savants d'aujourd'hui, on lésait, se commettent fort
peu sur ce terrain mixte. Les uns résistent absolument
à la doctrine du composé humain. Comment conce-
vraient-ils une âme intelligente unie substantiellement à
uncorps, ceux qui renientdansl'homme la présence d'un
principe spirituel et ne veulent constater dans le fait de
la vie qu'un résultat sans cause.
Tout aussi répulsifs que les positivistes athées et ma-
térialistes dont nous venons de parler sont les savants
qui sous le prétexte de science pure libre d'attaches doc-
trinales, exempte du contact de l'imagination et de la
fantaisie , admettent l ame principe spirituel, lui assi-
gnent vaguement un gouvernement sur les choses de
l'esprit, et, sans prendre souci de l'Incohérence de leur
altitude, traitent également des phénomènes matériels,
des incidents de leurs évolutions, des causes qui les en-
gendrent.
On ne saurait dire si de tels hommes sont spiritualis-
tes ou non : à coup sùr, ils sont les héros de l'inconsé-
quence, et la science positiviste du phénomène prochain
bénéficie habituellement de leurs efforts.
Abordons plus directement l'œuvre du Dr Frédault.
On connaît son point de départ, la doctrine qui lui sert
de base. Il admet l'unité de l'homme comme les maî-
tres de la scolastique; comme eux il découvre dans
l'homme trois vies différentes parfaitement fondues et
organisées dans une admirable unité : une vie végéta-
tive; une vie animale ; une vie intellectuelle.
Comme les végétaux, l'homme végète, forme son corps,
le nourrit et le reproduit.
Comme les animaux, il sent, il agit, il se meut.
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452 BIBLIOGRAPHIE.
Comme les êtres spirituels, il comprend les choses in-
telligibles, les raisonne, en juge et les veut.
Par cette puissante unité, par ces trois vies l'homme
appartient à trois mondes qu'il réunit dans une seule
personne.
Ces préliminaires achevés, notre confrère se demande,
ce que sont les passions dans l'homme et dans quel or-
dre de ses actes il les faut considérer.
Le Dr Frédault définit les passions des mouvements
impétueux de l'être germés et développés dans les fa-
cultés de Tordre animal.
Les facultés végétatives peuvent avoir pour le méde-
cin un intérêt plus sérieux, parce que c'est chez elles que
doit être étudié le mécanisme des maladies.
Les facultés intellectuelles sont plus relevées et offrent
à l'esprit métaphysique des problèmes plus précis : mais
les facultés animales ont pour l'esprit pratique un inté-
rêt tout particulier ; elles sont pour ainsi dire le moyen
de la vie. C'est parles facultés végétatives que nous en-
tretenons le corps, ce suhstratum de notre existence. A la
vérité, c'est par les facultés intellectuelles que nous
trouvons la direction supérieure de notre vie; mais c'est
surtout par la sensibilité et le mouvement, facultés de
l'ordre animal, que notre vie se communique et se pro-
duit extérieurement.
Le mouvement qui constitue la passion est une sorte
de souffrance, un dérangement dans la nature. Ainsi l'a-
vaient compris les Grecs en identifiant le mot passion au
terme souffrance. L'idée est vraie, mais la passion n'est
pus la maladie. Elles se passent chacune dans un ordre
d'actes différents. La maladie se manifeste dans les ac-
tes de la vie végétative. C'est une altération dans la di-
rection des actes formateurs du corps qui conclut à des
lésions dans les organes et à des troubles fonctionnels
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LES PASSIONS. 453
définis. La passion est une manière de maladie dans la
direction des actes animaux. Elle n'est pas de l'ordre
maladif parce qu'elle n'est pas de l'ordre végétatif. Ses
phénomènes ne sont point des actes de formation ou de
nutrition mais des actes de sensibilité et de mouvement.
Ainsi la passion et la maladie sont des mouvements
analogues mais non semblables; ils appartiennent à des
ordres très-différents : les confondre c'est se tromper.
La passion sort des entrailles de la nature animale
dont elle est l'expression et la manifestation propre. Elle
est le fait de cette nature sentant et agissant avec des
mobiles tout particuliers, lesquels peu à peu et par mouve-
ments d'impulsion ascendante revêtent le caractère de
l'exaltation et delà violence, puis, la personnalité aidant,
arrivent jusqu'à Yivrexsc et ses transports. L'individu
entier est entraîné dans un mouvement impulsif qui
subjugue tout l'être.
Ce mouvement impulsif qui caractérise la passion
peut être mauvais et servir au mal, à la manifestation
des vices du caractère ; il peut aussi servir au bien, à la
manifestation de la vertu et des actions grandes et
louables. La passion en soi est indifférente, elle n'est
par elle-même ni bonne ni mauvaise; elle ne devient
l'une ou l'autre que selon le but auquel on l'applique,
l'acte auquel elle s'adjoint. Dans les données vulgaires,
toute passion est un vice. Il n'en est heureusement pas
ainsi. De même qu'il y a des passions mauvaises, comme
l'ambition, la jalousie, la luxure, la gourmandise; de
même aussi il en a de bonnes, comme la charité, le dé-
vouement, la générosité et l'amour.
Ces distinctions ne sont point aussi banales qu'elles le
semblent au premier abord. Étudions à la clarté de la
doctrine philosophique les trois vices dont l'homme est
en particulier comme une manifestation émergente de la
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454 BIBLIOGRAPHIE.
vie animater-Eiles revotent la puissance d'une doctrine
féconde. Les philosophes et les théologiens de l'école de
saint Thomas ont tiré parti de ce développement dans
leur étude des passions.
L'auteur ayant étahli cette vérité capitale que les pas-
sions ne sont que les actes de l'ordre animal dévelop-
pés d une manière anormale dans leur étendue et dans
leur violence, il découle immédiatement du principe
posé que l'étude des passions procède de celles des fa-
cultés animales.
Tout dans l'ordre animal lui apparaît sous deux modes :
la sensibilité et \îi motilité. Par la sensibilité l'être reçoit la
connaissance des objets extérieurs et l'effet qu'ils pro-
duisent en lui. Par la motilité, il agit et se meut.
Ainsi, dit le IV Frédault, la vie animale représente
une sorte de respiration : aspiration d'une connais-
sance sensible parla sensibilité, c'est-à-dire impression
donnée et reçue; secondement expiration ou manifesta-
tion dans l'individu par des mouvements vitaux des
actes corrélatifs qu'il veut et doit accomplir.
11 y a donc un foyer qui relie ensemble ces deux fa-
cultés, la sensibilité et la motilité. En médecine, ou plu-
tôt en physiologie, ce foyer a un centre matériel qui est
le siég-e de l'acte: c'est le cerveau et h moelle épinière,
centres nerveux où aboutissent et d'où émanent les actes
de sensibilité et de motilité.
Ici l'auteur introduit une discussion sur les facultés que
doit contenir le foyer animal. En définitive, il les réduit à
deux : Y imagination et le sentiment. A son sens toutes les
autres particularités que l'on a distinguées ne sont que
des quotités appendiculaires qui procèdent de ces deux
facultés naturelles. C'est toujours ou une conception di-
magination ou une émotion de sentiment que l'on retrouve
au fond de toutes les passions.
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LRS PASSIONS. 455
L'analyse des passions doit donc être faite sur l'ana-
lyse des sentiments.
Nous avons établi le plan de ce traité assigné le point
de départ : aller plus avant ce serait excéder les limites
d'un compte-rendu. Quelques mois encore toutefois pour
caractériser d'une manière plus sensible la manière de
cette étude.
A l'analyse des divers sentiments de l'être et des pas-
sions qui en émergent succède une appréciation du cû-
racière en opposition avec la passion, puis une discussion
sur ce qu'il faut entendre par le nature/ et quel est son
rôle. Des pages importantes sont consacrées à Y objectif :
c'est-à-dire à la chose ou l'être qui par ses qualités ou ses
actes extérieurs louche l'homme, l'impressionne et suscite
en lui les visées d'une action.
Mais le chapitre le plus curieux de cette étude est celui
que le Dr Frédault emploie à faire connaître le moi. Il
s'agit ici de la distinction de l'être et de ses facultés, de
la séparation qu'il faut établir entre la personne, le moi
et les puissances dont il dispose. Ce chapitre est à lui seul
un excellent exposé doctrinal. L'auteur y fait preuve
d'un esprit philosophique des plus remarquables. Il s'y
joue avec les difficultés de l'analyse la plus ténue, cepen-
dant il demeure lumineux, et en définitive il fait jaillir
de l'élaboration scolastique les plus palpables et les
plus pratiques vérités.
On reconnaît ici le jouteur dialecticien qui sut si bien
tenir tête au Père Libératore dans une controverse qui
n'a pas été oubliée, touchant l'unité substantielle du com-
posé vivant. La question résidait alors dans la difficulté
de préciser quel est le véritable rôle des éléments ma-
tériels dans un composé vivant ou inorganique : ces élé-
ments gardent-ils ou perdenUils leur principe d'activité
dans l'union qu'ils contractent?
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456 BIBLIOGRAPHIE.
Enumérons encore quelques têtes de chapitres pour
terminer : regrettant de ne pouvoir accorder plus de dé-
veloppement à ce beau sujet de la personnalité humaine.
Après cette forte analyse du moi, viennent les reten-
tissements des passions, c'est-à-dire l'appréciation des in»
fluences de la passion sur les autres facultés de l'homme
et sur sa disposition organique ; en d'autres termes, l'é-
tude des rapjrorts du moral avec le physique. Le médecin
s'unit au physiologiste dans la considération de cette
série d'actions et de réactions, de passages et d'accou-
plements d'un ordre d'acte avec un aulre. Nous abor-
dons ainsi l'étude du rôle de f action physique ou végétative,
la violence des passions, ses effets. Il y a là une curieuse
distinction établie entre la violence et l'énergie.
L'influence des passions sur les maladies est détermi-
née dans un trop court chapitre. La concision y engen-
dre la sécheresse. Il n'en est heureusement pas de môme
dans le beau chapitre de la finalité où l'auteur s'applique
à montrer ce que l'homme peut faire en dirigeant ses
passions.
Encore bien que succinct ce résumé suffit pour faire
toucher du doigt, et l'importance du sujet et la méthode
de déduction employée. Œuvre d'une intelligence philo-
sophique très-exercée ce livre sera souvent trouvé austère
et par plusieurs systématique dans le mouvement des
idées subtiles, dans les ténuités logiques d'analyse où
l'auteur se complaît. Le Dr Frédault vit en contact si fami-
lier, si quotidien, avec les philosophes scolastiques, qu'il
a contracté dans leur commerce des habitudes de raison-
nement peu répandues à cette heure de physiologie ex-
périmentale et d'investigation du laboratoire ; mais de ce
que cette parole philosophique apparaîtra quelque peu
étrange, il ne faut pas conclure qu'elle ne soit pas utile.
Sachons accueillir avec respect et sympathie cet écho
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REVUE DES JOURNAUX. 457
traditionnel des vieux maîtres de l'esprit humain. Ecou-
tons la voix de cet instrument Jog-ique si fin, si délié
môme, mais en définitive loyal interprète des droits de
l'intelligence et de la pensée si près d'être méconnus au-
jourd'hui.
Edouard Dufresne
(de Genève,-.
REVUE DES JOURNAUX
RAGE.
11 y a près de vingt ans, M. Dumas, alors ministre
de l'agriculture, institua une enquête dont le but était
de recueillir annuellement tous les laits de rage ob-
servés en France chez l'homme et chez les animaux.
Nous donnons plus loin l'analyse d'un rapport présenté
par M. Bouley à l'Académie des sciences sur les résultats
que cette enquête a produits pendant la dernière pé-
riode de 1863 à 1868. On y voit que la rage s'est mon-
trée dans 49 départements, et que, sur 320 personnes
mordues, 1 29 ont succombé aux suites de l'inoculation
rabique, ce qui fait une mortalité de 40,31 pour 100.
Y a-l-il eu, dans les 191 cas restants, immunité abso-
lue? L'enquête ne pourrait l'affirmer, 123 de ces cas
seulement ajantété connus et spécifiés; mais s'il n'est
rien dit des 68 autres dans les documents officiels, il est
permis de supposer que pour le plus grand nombre des
personnes qu'ils concernent, les morsures n'ont pas eu
de résultats funestes, car la terminaison mortelle d'une
morsure rabique a toujours plus de retentissement que
ne peut l'avoir un accident de cette nature suivi d'une
complète immunité. D'où il résulte qu on pourrait con-
sidérer comme acquis à l'immunité la plupart des cas
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458 REVUE DES JOURNAUX.
de morsure spécifiées dans l'enquête, desquelles il n'est
pas dit que la mort s'en est suivie.
On verra pourquoi les victimes sont plus générale-
ment des hommes que des femmes, et des enfants que
des adultes.
Quant aux animaux qui ont fait ces blessures, on a
compté 284 chiens mâles, 26 chiennes, 5 chats ou
chattes, et 5 loups ou louves. Selon M. Bouley, il n'y a
pas lieu de se préoccuper de la rage chez les herbivores,
autant que chez les carnassiers, parce que les herbivores
ne mordent pas. Les chevaux même ne mordent que
rarement et lorsqu'on les excite. Il résulte aussi des ex-
périences faites par M. Renault, d'Alfort, que les oiseaux
sont réfractaires à la rage.
Dans la discussion qui a suivi la lecture du très-inté-
ressant travail de M. Bouley, M. Larrey et M. le mare-
chai Vaillant ont repris la question de savoir quel rôle
la privation des satisfactions génésiques joue dans 1 étio-
Jogie de la race canine, et si la muselière imposée par
nos règlements de police n'est pas plutôt nuisible
qu'utile toujours au point de vue étiologique.
Il est certain que dans les contrées où les chiens sont
errants et vaguent en pleine liberté comme en Orient
et dans nos possessions d'Afrique, la rage était incon-
nue il n'y a pas encore bien longtemps. En Afrique, en
particulier, c'est depuis que nous avons introduit dans
ce pays l'habitude de priver les chiens de leur liberté
qu'on a vu la rage se développer chez ces animaux. Il
en est de même pour la muselière que .M. le maréchal
Vaillant a llétrie avec l'indignation d'un véritable ami
de la race canine. Le maréchal a cité d'ailleurs un fait
qui prouve qu'il ne s'agit pas seulement ici d'une ques-
tion de sentiment. Un mairede Dijon, M. Vernier, ayant
défendu de museler les chiens et de les tenir en laisse,
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REVUE DES JOURNAUX. 459
on ne vit plus un seul cas de rage dans cette ville. Le
successeur de M. Vernier prit un arrêté qui rétablissait
l'obligation de la muselière : la rage reparut. M. Larrey
a plaidé le même système déjà soutenu par lui avec l'é-
loquence de la raison et du cœur devant le Comité d'hy-
giène et la Société protectrice des animaux.
11 n'y a point de remède contre la rage confirmée.
M. d'Abbadie ayant demandé s'il était vrai qu'en Egypte
les bains de vapeurs lussent un remède efficace contre
cette affreuse maladie, M. Bouley a répondu que jamais
en Occident, en France du moins, un seul malade at-
teint de la rage n'a été guéri par les bains de vapeurs.
(Journal de médecine et de chirurgie pratiques, mai i870.)
NOMINATION DE M. UAREMBERG GOMME PROFESSEUR
A LA FACULTÉ.
Notre Faculté de médecine se plaint du peu de
considération dont elle jouit auprès des médecins.
Elle gémit de l'irrévérence des élèves.
Elle ne récolte que ce qu'elle a semé.
Depuis vingt ans, qu'a-t-elle lait du droit qui lui a
été donné de se recruter elle-même?
Elle a éloigné Claude Bernard de l'agrégation.
Elle a repoussé du professorat :
Chassaignac, l'inventeur du drainage et de l'éc ra-
seur, et le meilleur professeur particulier de son temps;
Vidal, qui en est mort;
Beau, qui en est mort.
Plus heureux, Béclard, Barth et Michon ont pu voir
à l'œuvre ceux qui leur ont été préférés.
A qui revient l'honneur d'avoir nommé tant de pro-
fesseurs sans auditoire?
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460 REVUE DES JOURNAUX.
L'élection de jeudi dernier, désirée par les ennemis
de la Faculté, redoutée par ceux à qui une dernière il-
lusion pouvait rester, mais pressentie par tous, ne
change rien à ce bel ensemble.
La Faculté s'adjoint, comme professeur d'histoire de
la médecine, M. Daremberg i le médecin qui apportait
comme litre une Histoire des sciences médicales, dans la-
quelle ne se trouvent mentionnées :
Ni la découverte de la variole;
Ni la découverte de la rougeole ;
Ni la découverte de la coqueluche;
Ni la découverte du scorbut ;
Ni la découverte de la transfusion ;
Ni la découverte des différents procédés de ligatures
des anévrysmes ;
Ni la découverte du quinquina, etc., etc., etc.
Mais il n'est pas inutile de mettre au compte des titres
de M. Daremberg l'article si élogieux publié en l'hon-
neur de M. le doyen Wùrlz, une dizaine de jours avant
l'élection.
Rhubarbe. — Séné.
Cet article avait été jugé sévèrement , comme un
manque de tact. Les consciences timorées voient que Y ha-
bileté n'est pas inutile.
M. Daremberg pourra se livrer à son aise au travail
considérablement augmenté de sa deuxième édition de
Y Histoire des sciences médicales, si les élèves en médecine
s'empressent d'imiter l'exemple de l'auditoire invisible ,
(jui se presse autour de sa chaire du Collég*e de France.
A voir son insuccès complet de professeur, on aurait pu
croire que la Faculté laisserait M. Daremberg à son
Collège de France, ou à sa vraie place de bibliothécaire;
mais le mot sera toujours vrai : » Il fallait un calcula-
teur, ce fut un danseur qui l'obtint. »
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BANQUET H AUX EM ANNI EN .
46!
La journée de jeudi dernier compteru parmi les meil-
leures pour l'avenir de la liberté d'enseignement.
(Gazette des Hôpitaux, 29 avril 1870.) Dr E. Le Soukd.
BULLETIN
BANQUET HAHNEMANNIEN.
Au banquet qui a eu lieu pour le dernier anniver-
saire de la naissance d'Hahnemann, les toats suivants
ont été portés.
M. Davkt, président :
Messieurs et très-chers collèg ues,
En me conférant la présidence de ce banquet, vous
avez fait infraction ù l'usage traditionnel qui attribue
l'insigne honneur dont je suis revêtu au président de
la Société médicale homœopathique de France.
Permettez-moi donc de voir, dans une exception si
gracieuse, l'hommage des jeunes apôtres, aux vieux
apôtres du sanctuaire dont je suis un des vétérans;
peut-être aussi voulez-vous signaler, comme exemple,
mon retour à la vie active, dans 1 intérêt de la fondation
d'un hôpital auquel se rattachera renseignement cli-
nique. — Laissez-moi espérer , messieurs et chers
collègues, d'être dans cette circonstance votre inter
prête, en souhaitant qu'une réunion commune des efforts
de tous double nos forces et nous conduise à un pro-
chain triomphe, qui sera celui de Hahnemunn et de ses
doctrines.
Tel est l'objet du toast que je m'estime heureux de
vous proposer :
A la gloire de notre illustre maître !
A t immortel Hahnemann
TOMB XXXI. — JUIN 1870. .V>
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BULLETIN.
M. Molin, au nom de M. Cabarrus, lit la lettre suivante :
Messieurs et très-honorés confrères,
Vous m'avez lait un grand honneur en m invitant à
présider ce banquet, et je vous en exprime ici toute ma
reconnaissance.
Si un accident ne m'avait empêché de me rendre a
votre appel, usant des privilèges de mon âg*e, et con-
vaincu qu'à notre époque il n'y a plus de place pour les
opinions extrêmes, je vous aurais exprimé mes vœux
pour la conciliation des opinions, l'union et la concorde
entre tous les disciples do Habnemann; c'est le meilleur
moyen d'honorer ce grand homme et d'assurer le
triomphe de sa doctrine; nos adversaires se font des
armes de nos dissentiments.
J'aurais voulu aussi porter la santé de l'illustre avo-
cat de rhomœopathte, devenu ministre de la justice : il
est un noble exemple de ce que peuvent la modération
et la tolérance pour conquérir l'opinion publique.
M. Crétin :
Messieurs,
Je remercie notre honorable confrère, le I)T Da-
vet, d'avoir bien voulu accepter la présidence de ce
banquet.
Le président de la Société médicale homœopathique
de France pour Tannée 1870 a cru devoir, dérogeant à
un usage traditionnel, non pas décliner cet honneur,
mais bien l'offrir à un de ceux qui peuvent compter sur
l'unanimité de nos sympathies, qui jouissent parmi
nous de la plus légitime autorité, et à qui une longue et
honorable carrière a mérité toute notre estime et tout
notre respect.
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BANQUET RAHNEM ANCIEN. 463
Cet acte de déférence et de courtoisie était bien du,
ce me semble, à ceux qui ont accueilli Huhnemann à
son arrivée en France il y a trente cinq ans; qui ont eu
l'honneur de l'approcher et le bonheur de recevoir ses
conseils, d'entendre sa parole magistrale et de débuter
dans la pratique de rhomœopathie, en quelque sorte
sous ses auspices et sous sa protection.
Si le temps a fait des vides irréparables dans les rangs
des premiers disciples de Hahnemann, notre mémoire
conserve du moins précieusement le souvenir de leurs
services, et il nous reste quelques représentants de cette
première et vaillante phalange homœopathique. Tout en
conservant et en défendant leurs opinions, ils se retrou-
vaient, après la discussion, étroitement unis sur le ter-
rain de l'action. Il n'est pas un des grands actes de
l'histoire homœopathique qu'ils n'aient accompli en
commun. Il n'est pas un des grands combats livrés pour
notre cause qu'ils n'aient soutenu ensemble. Restons
fidèles à cette tradition ; ne perdons pas de vue ce grand
exemple. Comme nos aînés, messieurs, nous sommes
réunis ici dans une même pensée. Quelles que soient
les nuances qui nous distinguent, nous venons tous à
ce solennel anniversaire, animés des mêmes sentiments,
rendre un pieux hommage à la mémoire d' Hahnemann,
honorer ses premiers disciples, et faire des vœux pour
le triomphe de la réforme thérapeutique dont il a été
le promoteur. Souvenons-nous de ce jour, et lorsque, au
dehors, les uns isolément, les autres en groupes plus
ou moins compactes, plus ou moins nombreux» nous
travaillons, chacun selon ses aptitudes et ses inspira-
tion», à l'œuvre commune, oublions ce qui nous divise
pour ne penser qu'à ce qui nous unit.
Vous avez entendu l'appel que nous adressent si cha-
leureusement vos deux doyens. Répondons avecenthou-
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161 BULLETIN.
siasme u leur voix, et buvons aux premiers disciples de
Hahnemann, que représentent si dignement parmi nous,
le Dr Cabarrus, par sa pensée, le Df Davel, par sa parole
si religieusement écoutée, le Dr Delavallade, par sa
présence.
M. Maillot :
Messieurs,
J'ai l'Iionneur de vous proposer de porter un toast
aux médecins de province qui n?ont pas craint de se dé-
rober à leurs occupations pour se rendre au milieu de
nous.
Puissent-ils éprouver quelque dédommagement à la
pensée que nous leur sommes infiniment reconnaissants
de leur déplacement !
De retour chez eux, ils se rappelleront le bon accueil
que vous leur aurez lait.
Ils pourront dire aux leurs qu'ils ont trouvé au ban-
quet homœopathique une famille nombreuse dans la-
quelle ils n'étaient nullement étrangers, et qui, de près
comme de loin, leur sera toujours aussi dévouée que
sympathique.
M. Delavalladk :
Très-honorés confrères,
Pour comprendre et admirer la supériorité de l'ho-
mœopathie, je n'ai qu'à me rappeler ce que soixante-
deux ans d'études et de pratique médicale consacrées à
la recherche de la vérité m'ont démontré.
Quand, en J8U, mon illustre maître, Broussais, vint
l'aire descendre Pinel de son trône, la médecine prit
une lace nouvelle. Broussais ne cessa de répéter : « Nous
sommes malades avant que la structure de nos organes
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BANQUET HAHNBMANNIEN. 465
soit compromise; c'est donc. par l'étude constante des
phénomènes vitaux , faite non-seulement dans l'état
normal, mais dans toutes les positions où l'homme vi-
vant peut se trouver, que l'on obtient les notions fon-
damentales de la pathologie. » Il professa que les sym-
ptômes ne sont que les cris de douleur des organes souf-
frants. Il dit aussi : « Gardez-vous de croire que l'étude
de la vie doive nous priver des ressources que peut offrir
l'empirisme; ii s'agit d'éclairer celui-ci, de l'utiliser et
nullement de le repousser. »
N'est-ce pas là ce que quelques médecins éclectiques
appellent rester fidèles à nos traditions ?
Depuis que j'ai connu la loi capitale découverte par
Hahnemann, je n'ai pas cessé de l'étudier; chaque jour
d'étude et de pratique n'a fait que me prouver que l'ho-
mœopathie est une doctrine complète, une, essentielle-
ment expérimentale, satisfaisant à toutes les exigences
de la pratique. Hahnemann a pénétré et élucidé les pro-
priétés des médicaments avec une élévation de génie
qui surpasse tout ce qui était connu avant lui; il a
donné à la thérapeutique une base fixe, expérimentale,
qui a renouvelé les moyens de guérir. Par cetle base
solide, l'homœopathie a établi une loi immuable, aussi
fixe que les grands faits d'astronomie et de chimie.
Mon grand âge n'a point éteint en moi le besoin
d'études sérieuses : aussi, très-honorés confrères, je lis
et relis vos œuvres, et elles me ramènent à Hahnemann,
notre illustre et grand maître.
M. Jousset :
Messieurs,
Le vent est ce soir à la conciliation et ce n'est certes
pas moi qui troublerai cette belle harmonie. Je vous
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406 BULLETIN.
propose donc un toast : A f union î le plu» grand bien
qu'on puisse souhaiter à une école et surtout à une école
militante comme la nôtre.
A f union ! si nécessaire en ce moment où l'homœopa-
thie fonde des hôpitaux et peut enfin offrir aux méde-
cins de bonne volonté une démonstration clinique des
vérités qu'elle enseigne.
L'homœopalhie traverse une crise décisive; ne nous
divisons pas, ce serait un malheur. Ce serait plus qu'un
malheur, ce serait une faute.
Réunissons-nous tous dans une action commune :
hahnemanniens, homœopathes, partisans de la théra-
peutique expérimentale, nous tous enfin qui avons voué
notre vie h la recherche si ardue de la vérilé thérapeu-
tique. Laissons à la porte l'esprit de secle et de contes-
tation, les conseils de l'amour propre, les intérêts étroits
de la personnalité. Réunissons-nous autour de cet hô-
pital qui est né des sacrifices que se sont imposés les
membres de la Société homoeopathique ; sacrifices aux-
quels se sont promptemen? associés la presque unanimité
des médecins homœopathes de France. Réunissons-nous
autour de cet hôpital, établi rue Saint-Jacques, en plein
pays latin, au milieu des étudiants qu'il est destiné à
instruire, autour de cet hôpital enfin, qui n'est la chose
ni d'un homme, ni d'un parti, mais de tous, et dont
les médecins nommés par leurs pairs seront vérita-
blement les représentants de l homœopathie française.
A f union !
M. Gonnard :
Messieurs,
La présence à ce banquet de plusieurs écrivains dé-
voués à ta cause de l'homceopathie est pour nous un
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■
BANQUET HAHNEMANNIEN. 467
honneur sincèrement apprécié : puisse l'expression de
nos regrets parvenir à d'autres amis, membres de la
presse, dont la présence à nos colés en cette solennité
annuelle était pour nous une douce habitude! Je sais
être l'interprète des sentiments des médecins homœo-
pathesen disant à nos auxiliaires de la presse :
Messieurs, c'est pour nous un devoir et un bonheur
de vous faire partager nos espérances et de serrer vos
mains avec une gratitude cordiale, aujourd'hui que notre
École, si longtemps reléguée dans l'obscurité, conquiert,
dans la capitale, des hôpitaux, c'est-à-dire un enseigne-
ment public, un théâtre de démonstration avec leur
puissance de propagande. Car si nous avons pu franchir
cette étape, veille de notre triomphe, il ne fuuL pas ou-
blier à qui nous Je devons; il est juste que ceux qui
furent à la peine soient aussi à l'honneur. Honneur aux
vaillants lutteurs de notre phalange qui depuis quarante
ans ont combattu pour la réforme, gagnant du terrain
pied à pied par les conquêtes modestes de la pratique
privée et par le prosélytisme médical restreint que
permettait celte période de la lutte obscure! Aussi nous
entrons dans la vaste arène ouverte maintenant en plein
soleil, en saluant de nos acclamations les aînés qui nous
la préparèrent; de chaleureux, d'unanimes hommages
viennent d'être adressés aux survivants de ces pre-
miers combats, à notre président, le Dr Davet, à noire
vénéré doyen , le Dr Delavallade. Honneur aussi à
vous, publiscites généreux, qui nous avez donné un con-
cours loyal, désintéressé, intrépide à outrance! Vous
avez été nos seconds dans ce duel engagé entre la ré-
forme hahnemannienne et la routine médicale. Vous
avez combattu à nos côtés, accueillant libéralement une
doctrine étrange et de provenance exotique, bravant le
choc des arguments, ce qui vous était facile ; affrontant
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■iW BULLETIN.
en notre compagnie la solidarité du ridicule, ce qui est
simplement héroïque, même pour la race vaillante des
journalistes, même et surtout quand ces journalistes ont
le privilège d'être Français. — Aussi, messieurs, si nous
étions appelés à vous décerner, par oui et un suf-
frage ou un blâme, vous savez qu'à l'unanimité nous
formulerions un vote de reconnaissance pour le passé,
de confiance pour l'avenir. — Toutefois , messieurs ,
tout n'est pas bénéfice pour vous dans cet ^hommage
fort peu gratuit, je dirai même aussi onéreux que flat-
teur.
C'est une lettre de change tirée sur vous, d'un chiffre
en rapport avec nos besoins grandissants, tirée à courte
échéance pour une bataille qui va reprendre de plus
belle, tirée avec pleine confiance, car votre générosité y
fera honneur.
A la presse , notre auxiliaire \
M. Paul Fkval :
Messieurs,
♦
Je prends la parole sous prétexte de répondre par des
remercîments au toast de M. le Dr Gonnard , mais
en réalité c'est pour vous parler homœopalhie. Cela
peut sembler efîronté, de la part d'un ignorant admis à
la table des disciples les plus autorisés de Hahnemann,
mais il m'est arrivé si souvent de vous défendre dans
le monde, que je me suis habitué tout doucement à par-
ler doses infinitésimales et loi des semblables, etc., et
comme si j'avais le droit de porter une pharmacie dans
ma poche.
On s'occupe beaucoup de vous, messieurs, on se de-
mande ce que vous mettez dans ces têtes d'épingle que
vous distribuez à vos malades, et par quel miracle vou9
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BANQURT HAHNRMANNIEX. 4«9
guérissez une paire de gifles, par exemple, par une
paire de soufflets : similia similibus.
Vous comprenez bien que, pour répondre, je n'em-
prunte rien à la science. Dans mes goussets retournés,
malheureusement vous n'en trouveriez pas gros comme
un pois. Je dis des choses comme celle-ci :
« Monsieur le duc — ou Monsieur l'épicier, selon les
cas, — ces quantités infinitésimales que vous traitez
par-dessous la jambe, mènent le monde depuis la créa-
tion ; elles ont presque tout fait dans l'histoire des
peuples. Avez- vous vu le Verre deau de M. Scribe? Du
haut des cieux, sa demeure dernière, cet académicien
serait bien étonné si on l'accusait d'avoir donné une
démonstration de rhomœopathie au point de vue mo-
ral, en prouvant une fois de plus que les causes infi-
niment frivoles produisent des résultats infiniment im-
portants.
« Allez voir le Verre d'eau. Lisez l'anecdote de la
pomme qui fit notre première, notre plus radicale révo-
lution au paradis terrestre, et si vous ne croyez pas à la
tradition, faites-vous conter l'historiette du vieux cha-
peau de Gessler, origine de la liberté suisse.
« C'est très-intéressant et surtout très -infinitési-
mal.
« Quant à la loi des semblables, les honorés profes-
seurs de l'École allopathique ont pris soin de la préco-
niser eux-mêmes par les innombrables emprunts qu'ils
font à l'homœopathie. II est vrai qu'ils ne s'en vantent
pas.
Vous voyez que je fais de mon mieux pour combattre
l'incrédulité. Je ne vous demande rien pour cela , sinon
la permission de porter encore une fois la santé de l'ho-
moBopathie, qui va bien, mais qui, Tannée dernière,
était un peu maigrie, un peu pâlotte. J'avais cru décou-
470 BULLETIN.
vrir en vous, messieurs, une dialbèse comme vous dites
si savamment, une prédisposition à vous séparer, à vous
diviser, — à vous en aller, même, car vous étiez peu
nombreux autour de celte table.
Aujourd'hui, au contraire, vous êtes au complet, et
c'est d'un cœur plus content que je bois à l'homœopa-
thie, c'est-à-dire : h l'union entre tous les médecins ho-
mœopathes.
M. Léon Simon :
Messieurs,
Je bois à nos confrères de f étranger \
Le soin de leur donner ici un juste témoignage de
bon souvenir appartenait depuis de longues années
à mon ami , le Dr V. Chancerel ; notre confrère
nous manque aujourd'hui, permettez que je le rem-
place.
Honorer les disciples de Hahnemann placés au delà
de nos frontières est pour nous, en ce moment, un de-
voir d'autant plus étroit que nous leur avons emprunté
une grande idée. N'est-ce pas hors de notre patrie, à
Leipsick d'abord, et, plus tard, à Londres, un moment
môme à Nice, que se sont élevés les premiers hôpi-
taux homœopathiques placés sous l'égide de la charité
publique?
Lorsque les rédacteursde/' Hahnemannisme se sont dé-
cidés à doter notre patrie d'une institution semblable,
ils ont été heureux de trouver de pareils précédents; ils
se sont appuyés sur l'expérience qui avait été faite ; le
reconnaître est pour eux un devoir, rendre hommage à
ceux qui nous ont ainsi devancés est une douce obliga-
tion ; nous l'accomplissons avec joie.
Si j'ajoute, messieurs, que l'hôpital de Leipsick fut
établi par Hahnemann lui-même, celui de Londres par
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BANQUET HAHNBMAN VIEN . 471
le Df Quin, celui de Nice par le chanoine de Ce-
soles, vous comprendrez que nous ayons tenu à hon-
neur de suivre l'exemple donné par de tels maîtres.
Une nouvelle date vient de s'ajouter à celle dont notre
histoire s'honore, celle du 10 avril 1870, à laquelle le
premier hôpital homœopathique a été ouvert à Paris,
où l'enseignement clinique a été définitivement éta-
bli parmi nous, ainsi que mon père le demandait dès
1862.
L'œuvre était hardie, mais les encouragements ne
nous ont pas manqué. La presse tout entière applaudit
à notre entreprise ; des confrères dont la réputation et
l'honorabilité sont la gloire de notre école : les Dr*
Davet, Delavalladc, Perrussel, Liagre, Serrand et Rafi-
nesque ont augmenté nos forces en nous donnant leur
concours ; la Société hahnemannicnne de Madrid, en fon-
dant un lit à l'hôpital Hahnemann, l'a consacré par un
acte de généreuse confraternité. Dans cette circonstance
encore, nos confrères de l'étranger ont droit à notre re-
connaissance et à nos hommages.
D'autres hôpitaux, nous disait-on tout à l'heure, vont
s'élever ; tant mieux ! La Société médicale homéopathique
de France en prépare un, la Société hahnemannienne fédé-
rât ve, dont je suis heureux de voir ici le digne prési-
dent, se propose d'en édifier un troisième. Ce ne sera
pas trop, à coup sûr, pour donner place à toutes ces
nuances que le Dr Jousset reconnaissait, il y a un
instant, au sein de notre école, et qui auraient pour ex-
trêmes ceux qui voient dans l'homceopathie une doc-
trine complète, et ceux qui se refusent à y reconnaître
autre chose que la thérapeutique expérimentale.
Pour les rédacteurs de F Hahnemannisme, ai-je besoin
de le dire, ce n'est pas seulement la partie thérapeu-
tique de rhomœopathie qu'il s'agit d'appliquer, c'est la
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472 BULLETIN.
doctrine enseignée par Hahnemann et la méthode tra-
cée par ce maître illustre, dont il faut démontrer l'exac-
titude.
Ce but était aussi celui des fondateurs de l'hôpita! de
Leipsick, de ceux de l'hôpital de Londres ; c'est la tache
qu'accomplissent chaque jour les membres de la Société
hahnemannienne de Madrid, sous la direction de leur il-
lustre président, celle que se sont imposée les médecins
homœopathes répandus dans les deux hémisphères, et
dont je vous demande, messieurs, d'honorer les efforts
dans un toast commun :
A nx médecins homœopathes de T étranger i
M. Ozanam :
Messieurs,
Je propose un toast : non pas aux vivants, mais a ceux
qui ne sont plus l
Chaque homme sur la terre a son ange gardien ; mais
la science a bien aussi ses anges gardiens, ses génies
bienfaisants : ce sont les âmes de ceux qui nous ont
précédés dans la carrière, et qui, disons-le, nous ont
faits ce que nous sommes. Parmi eux il faut nommer
non-seulement le grand Hahnemann, l'illustre inven-
teur de la doctrine, mais encore nos vénérés maîtres et
confrères J.-P. Tessier et Léon Simon père. Tous deux
avaient rêvé ce que nous réalisons aujourd'hui, la création
d'un hôpital, et leurs grandes âmes se réjouissent en
nous voyant enfin passer de la parole à l'action.
C'est là, en effet, le prélude de la liberté d'enseigne-
ment à laquelle nous aspirons.
Ne nous laissons point effrayer par les conditions
terribles que proposait il y a trois jours à la commis-
sion de l'enseignement le célèbre professeur Andral.
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BANQUET HAHNEMANNÏEN. 173
« J 'accorderai, disait-il, le libre enseignement médi-
« cal à toute société pouvant disposer d'un hôpital de
« deux cents lits ;
« De 14 chaires de professeurs;
« D'un laboratoire ;
« D une bibliothèque. »
Non, ce n'est pas avec un si puissant attirail que
Hahnemann enseignait ses découvertes ; il était presque
seul et n'avait pour lui qu'une loi vraie et une volonté
ferme.
La loi de similitude et la volonté de soulager les
hommes. Pourtant, voyez ses œuvres* Et nous, plus
nombreux , nous , qui sommes la monnaie de son
g^nie, nous pouvons faire beaucoup .pour le bien de
l'humanité, si nous voulons conserver parmi nous la
concorde qui fait la force.
Cette union, je vous la demande au nom de nos pères
dans la science, au nom de nos propres intérêts. Et après
tout, il ne faut pas qu'on vienne nous dire qu'à Paris, il
n'y a pas la place de la Concorde.
NOMINATION DES CHEFS DE SERVICE DE L'HOPITAL
HOMOEOPATHIQUE DIT MAISON SAINT-JACQUES.
Le 31 mai dernier, sur la convocation des médecins
souscripteurs au nom de la Commission administrative
nommée par la Société homœopathique de France,
une réunion nombreuse et pleine d'intérêt a eu lieu dans
le local de ladite Société.
Soixante-sept médecins ont pris part, soit directement
soit indirectement, par bulletin cacheté, au vote, au scru-
tin secret, pour la nomination de ceux d'entre eux qui
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474 TABLE DBS MATIERES.
seraient chargés, à tour de rôle, du service clinique de
l'hôpital.
La majorité absolue était de 34. Au premier tour ont
été nommés MM. Joussel, Frédault, Milcent, Gonnard,
Molin el Crétin.
Les noms qui ont, après ceux-ci, réuni le plus de
sulîrages, ont été ceux de MM. Love, Ozanam, Cham-
peaux.
Le lundi 20 juin, une nouvelle réunion aura lieu,
par le même mode, pour la nomination de quatre mé-
decins consultants et de médecins honoraires.
A. M.
TABLE DU TOME XXXI DE L'ART MÉDICAL
-47 | Chél idoine (!a) dans le pur-
Î7 1 pma tue m on hagica . . . . 70
Angine du muguet
— pultact'e ....
— ulcéreuse
■'♦y
ru
_ — Forme commune ....
bénigne
5'2
Gl
Auscultation (Nouveaux frag-
ments d'). A srnltation do
la Iimix, par le D'Mailliot.
418
BiHi.KH.uAi-ntp..
Banquet l:ahnemannien . —
Nom i nal i m des médecins
chefs n« service do i'Iio-
pital Saint- Jacques ....
Bulletin, par le IF A. Milcem
77
— La liberté do renseigne-
ment supérieur
382
Levais cliniques du Dr Joi's-
SKT : 1 rc leçon;
398
Traité de la d i j 1 1 1 1 iu- r if» suite),
pa r le Dr Ga'.la\ ahdlw . .
407
Cancer selon Yirchow ....
m
Cardo-aorlite hémorrlioUaire
31
Hl'LLKTIX .
Clinique. ^ A la Société ho-
mcBop tthique, par lo D* P.
Jousset. . . H7
Cliniques (Causeries), par le
Dr (j ALI.À VAHU'N ... . . 4_i
Traitement de lad i pli t li érie. 44
— Angine du ni uguet .... 47
— Angine pullacé». .... T7
— Anuite uu -tu;n utile ulcé-
reuse 48
— Angine apliilieuse . ... 49
— Angine herpétique. . . '.
— Aiii-'ine de la di.iiiiliério . 50
l'orme commune 5 2
bénigne hi
ci ou [taie IkJ
la I n \ ngite striduieiisp .
du spaVme de la gloite~ët
de l'œdème de la glotte . . 55
— T-ibieau diagnostique . . . ijfj
— forme putude de la diph-
tliérie. . . ~TT. fil
— foi me at îxique ...... bi
— Observalion «le diphlhérie,
forme commune , guérie
TABLE DES MATIERES.
par le cyanure
cure
do mer-
64
— Traitement de la diph -
thérie H 9, 407
— ObMTi ition de diphtliérie
cru'i pale ; iih icces d i c\ a-
nuro de mercure. ..... 188
Chimicutn siilfurirum dans
la puipura 200
Critique sur Virchow. i Voyez
Etude.) .......... 10
Cyan'irc do mercure dans le
croup [A obs.), par le D~~f
Hfu.nx . . . . . . .~TT 2S8
Diphlhérjf. (Voyez Causeries
cliniques). 4'*. etc.
Diagnostic du croup, de la
laryngite st'nluleuso, du
spasme de la glotte et do
l'œ leme de la glotte . . ." îili
DiplithOrie, forme commune,
guérie par le cyanure de
mprriiro tLi
Diph iliériecrou pale; insuccès
du cyanure de mercure. . 188
Diphtiérie croupalo (3 obsJ.
Guérison 288
Electricité. (Voyez thérapie
électrique). 450
Electricité. Les courant* con-
tiinis mins les affection- de
la prostate. . . ..... 3o!
Embolie selon VirrhmE
Enseignement supérieur ( la
liberté 'le l'L . . . . ~ 382
Élude sur nos traditions. V.
Hi>toiro de i l médecine.) . 5
Etude critique sur Virchow,
et la pathologie cellulaire,
par le D' P.JoussET(3*art.^ 10
— Des néoplasmes, pt en par-»
ticulier des néoplasicspâ-
tholo'-'igues . 16
— Le tubercule (4* art.). . . UCT
— Du pus 113
— Du cancer (5e art.) 172
— Do la pyohémie (<»« art.; . 2ol)
— Du l'embolie (7« art.) . . . 342
Conclusion 348
Etudes de thérapieélcctrique,
par lu Dr raESTiEK (do
Lyon ?, (6e art.) 150
— Prod ait d'éleclrisation sta-
tique (nouvel or potable).
(7" art.) 2*21
Histoire ur la Médecine (suite.),
par lo D«" F. Fhédault.
— xv« siècle. Affranchisse-
ment des sciences de l'in-
fluence théologiquo . . . .
— Apparition de nouvelles
maladies en Europe : la
sut tic, lo scorbut, la syphi-
lis, la gonorrhèe ......
475
li
8
— Doctrine psychologique au
moyen âge
— Doctrine pathologique du
Ml0 nu S\T siècle.
Il
81
— Des anciennes Facultés de
médpeinn
31
— De la médecine au w* *iè-
de
— Doctrines générales. — -
— I. Hippocrato-Galénistes
concilia'eurs 109
II. Insliliilaires 337
— III. Héfor inateurs
2V2
- l'hvsiolo^ie, anatomie
25'»
— Palholo:
~3ï7
325
332
-m
— Doctrine éliologique . . .
— Nosographie, nosologie . .
— Thérapeutique, chirurgie.
— Institutions Facultés . . .
Letthe ù la Tribune médi-
cale, a propos des poisons
morbides , par le Dr P.
Jousset. 309
Médecine générale.
Etude critique sur Virchow,
et la pathologie cellulaire,
par le Dr P. Jousset . . . 348
Des néoplasies, et en parti-
culier des néoplasies pa-
thologiques 'A* art.) . . .
16
— Le tubercule (4* art.) . .
103
113
— Du cancer (:V art A ....
17-2
— De la | yohémie art.) .
262
— De 1 embolie (7e art.) . . .
— Conclusions (fin)
348
— (', a useriez cliniques, par le
Dr Gallavahois. do Lyon .
— De la diphthérie et de son
traitement .... 41, 1 19,
— R cherches sur la tympa-
nile et son traitement, par
le Dr J. Jabloxski. 137, 208,
— Revue clinique à la Société
homœ >p iihique. ( suite et
fin), par le Dr P. Jousset. .
Nécrologie.
Mort du l)r Arnaud, par le
Dr Mol in
N'OSOORAPHIE.
Rechetches sur la tympanite
et son traitement (suite;,
par le D' J. Jablonski . . .
4 kl
186
351
67
79
137
TABLE DES .MATIERES.
— Traitement et ll> observa-
tions . . . 268, ol)l
Notice bio<^ raphnj ne sur îïi
purpura hicmorrhugica.par
le D' Ch. Ravel ...... 211
Obsehvations.
Notes sur quelques observa-
tions de cardo-aortite hé-
morrhoîdairc 32
— Dipnthérie . forme com-
mune, guérie par le cya-
nure de mercure ...... 64
— Diphlhérie , formo crou-
pale, traitée par inoiciirïT
cyanuretum 3*". Mort . . . Ifc8
— Seize observations de tvm-
panite 273 et suiv.
— Diphlhérie traitée par le
cyanure de mercure. Gué-
ridon (3 obs.) 288
Opium, slramonium dans la
purpura hasmorrbagica ,
par le Dr Ch. Ravki 297
Or potable. V. Thérapie élec-
trique 150, 159
Les passons, par le I)' Fhk-
uai;lt Compte-rendu par"
le W Dulresne. . . . . . 430
Pathologie.
— Notes sur quelques obser-
vations de cardu-aorlito hé-
morrlmidatre |.'>' ai l. , par
E. Pukuksxe . de (ifiieve. '.'ri
Pathologie cellulaire. V. Ht iule
sur Virchow .... Ui et
su tv.
Purpura hxmorrhagica (Irai*
Prostate (Maladies delà ,, trai-
tées par les courants cou-
Poisons morbides (V. Lettre
à propos des) 309
Pus. selon Virchow 113
Pyoémie, selon Virchow . . . 200
Tabacum et taxus baccala
dans le purpura hiumorrha-
gica 202, 208
Tableau de diagnostic du
croup, de la lanngitc strT^
duleusc, du spasme et de
l'œdème de la glotte. . . T 60
Thérapeutique.
Purpura hajmorrhagica (La
chélidoine dans le), par
le pr Ch. Ravel (de Ca-
vaillon; . . ~ 70
— Le mercure 198
— Chininum sulfuricum . . . 200
— Tabacum . 202
— Taxns ha ( rata 208
Notice biographique de la
purpura htemorrhagica . . 211
— Opium, stramonium. . ■ . 2ilî
— Cyanure de mercure dans
le croup, par le Dr P. Ro-
ouin 288
— Arnica (Note sur 1'), pour
le pansement des plaies,
par le D' Alph. Milcent. . 362
— Les courants continus
constants dans l'inflamma-
tion, l'engorgement et l'hy-
pertrophie de la prostate
(10 observations), par MM.
Jules Chkron et Mqbeau
Wolf 3n.S
Revue des journaux.
Rage.— Nomination de M. Du-
re m b e r c , c o n une p r o f es s e u r
d'histoire de la médecine.
— Enseignement de l'bo-
mo'opatliie aux Etats-Unis. 4N7
Thérapie électrique, par~Ië~
Dr Èhestieb {de Lyon). 150, 299
Thermometrie médicale a
rectifier, par le Dr P.Jous-
set fil
Tympanite (Recherches sur
'la) . . . . . . . . . -137, 21%, 351
\ Alt i ETES.
Désordres de l'Ecole de mé-
decine 314
Fondation d'un hôpital ho-
mœopathique 315
Les petites misères de quel-
ques médecins catholiques,
par le D* Ch. Ravel. ... 390
Table 474
E. H.
Y l> UH TAULE I>Ks MAT1EUES TOME TH E.Mf tM E ET UM ÈMK.
Le Hédacteur en chef, Jules Pavasse.
Paru. - Imprimerie K. Pamkt, rue Mormeur-le-Prioce, 31.
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L'ART MÉDICAL
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REDACTEURS
*v . Bourgeois (de Tourcoing).
'":•> MPBAUX.
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•Jam. — Imprimerie A. Pakent, rue Mouwcur le- Prince. M.
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L'ART MÉDICAL
JOURNAL
DE MÉDECINE GÉNÉRALE
BT
DU MÉDECINE PRATIQUE
FONDÉ PAR
JEAN-PAUL TESSIER
PHILOSOPHIE MÉDICALE
HISTOIRE NATURELLE
ANATOMIE
PHYSIOLOGIE
HYGIÈNE
NOSOGRAPHIK
ÉTIOLOGIE
SÉMÉIOTIQUE
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
THERAPEUTIQUE EXPERIMENTALE
MEDECINE DBS INDICATIONS POSITIVES
4
Noaclmus... lxdi catbolicam senlenliam ac doclrinam
de bomine, qui corpore et animé ils absolvator, ut
anima, caque ralionalis, sit vera per se, atque imme-
diala corporis forma. Pioa PP. IX.
Quinzième année
TOME XXX11
PARIS
J.-B. BAIL LIEUE «t FILS
i;HBOKV> DB LACADÉMIB IMPÉRIAL» DE MfiDfcC'NE
Hue Haulefeuille, l'J
LONDRES I MADRID
H:rr. IS«ilumib C Bailli •ISailukbb
1870
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L'ART MÉDICAL
JUILLET 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS.
— SDITE —
CHAPITRE V.
DE LA MÉDECINE AU XVII6 SIECLE.
Le xvii* siècle a été vraiment grand pour les sciences
comme pour les lettres. Pendant que les sciences
mathématiques et physiques virent à leur tête, Kepler,
Galilée, Descartes, Pascal, Newton, Fermât, Huyghens,
Torricelli. Mariotte, Otto de Gœricke et d'autres; pen-
dant que la philosophie peut nommer Suarez, Bacon,
Gassendi, Descartes, Pascal, Locke, Leibnitz et même
Spinosa; pendant que l'histoire naturelle compte,
Waldschmitt, Leuvenhoër, et bientôt Schwammerdam,
Tournefort, Vallisniéri, la médecine est représentée
par un étonnant faisceau d'hommes remarquables à
des titres divers; et par les idées qu'elle agite, par les
erreurs qu'elle a propagées, comme par les découvertes
dont elle s'honore ; cette période tient l'un des premiers
rangs dans le courant des siècles.
Je laisse de côté les sciences dont j'avais présenté
un aperçu à propos des périodes précédentes. Elfes
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(i HISTOIRE DR LA MÉDECINE.
prennent à partir du xvn* siècle un développement
trop considérable dans leurs analyses et dans leurs dé-
couvertes de plus en plus spéciales, pour que nous
les suivions dans leurs destinées diverses. D'ailleurs,
un nouvel ordre de choses s'établit pour elles. Cultivées
pour la plupart par des médecins jusqu'alors, et
comme des développements nécessaires aux connais-
sances médicales, elles deviennent l'apanage de plus en
plus exclusif de savants qui les cultivent pour elles-
mêmes, et au lieu de rester des servantes utiles, on en
fait des matrones altières qui visent à régenter et à
soumettre leur maîtresse. C'est à partir du xvne siècle
que ces sciences élèvent la prétention de donner à la
médecine des interprétations diverses, et qu'elles y
introduisent leurs systèmes particuliers. 11 était utile
peut-être que, pour leurs développements, elles se sépa-
rassent de la patrie commune et qu'elles eussent une
existence particulière; mais dans leur indépendance,
elles échappent à une harmonie générale, et la méde-
cine doit les laisser à leurs destinées. Qu'elles suivent
donc séparément ce qu'elles considèrent comme leur
voie, puisqu'elles s'en déclarent meilleures juges que
personne, et bornons-nous à nous en occuper selon les
intérêts que nous pourrons y trouver.
Nous avons vu, dans le xvie siècle, trois groupes prin-
cipaux d'esprits en médecine : des tenants de l'antiquité,
dont quelques-uns essayaient de concilier les dogmes
anciens avec les idées nouvelles ; des réformateurs
menés par les écoles philosophiques, unissant la chimie
à la kabbale aussi bien qu'au néoplatonisme, et aboutis-
sant à une sorte de doctrine spécificienne ; des observa-
teurs, qui, s'inspirant des découvertes faites par l'expé-
rience des physiciens, reprenaient en sous œuvre,
l'aaatomie, la physiologie et la thérapeutique. Nous
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 7
allons retrouver ces groupes se prolongeant dans le
xvii» siècle, mais s'y diversifiant selon les travaux et les
pensées auxquels ils se donnent.
Si nous voulions embrasser dans une seule con-
ception, le mouvement des idées médicales pendant ce
siècle, nous pourrions dire qu'il marche à la consti-
tution d'une doctrine qui sera le vitalisme dans le
xvme siècle, mais qui se dégagera lentement de l'ialro-
chimie, de l'iatro-mécanique, du spécificisme, et de
l'iatro-kabbale. Plus tard, nous verrons comment le
xvme siècle, n'ayant pu parvenir à se formuler, a légué
son œuvre au xix* siècle. Travail lent, mais admirable,
dans lequel l'esprit humain avance sans cesse, môme
quand il semble reculer, et sans jamais laisser impro-
ductif un des moindres recoins de cette immense ques-
tion. Mais nous ne pourrons bien saisir cet ensemble
qu'après en avoir scruté les points principaux.
Dans ce xvn* siècle qui va nous occuper, il nous paraît
utile pour la clarté des idées à exposer, de poser six
points autour desquels nous voulons faire tout graviter :
de la méthode ; des doctrines principales ; de la physio-
logie; de la pathologie; de la thérapeutique; et enfin,
des institutions scientifiques, facultés et académies.
S 1. — De la méthode.
Descartes et Bacon passent pour avoir posé, dès la
première moitié de ce xvne siècle, une question de
méthode qui devait occuper la médecine, et la regarde,
en effet, comme toute autre science.
Toute science a deux grands intérêts qui l'animent
incessamment : progresser, c'est-à-dire développer ce
qu'elle possède; et contrôler, c'est-à-dire confirmer ce
qu'elle a pu acquérir. Dans ce double intérêt, c'est la
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8 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
vérité qu'elle cherche, qu'elle veut embrasser et mettre
en lumière. Le procédé qu'elle suit, c'est la méthode.
Cette méthode peut varier selon les temps, selon les
individus, selon les sciences, selon les questions : mais
quelle qu elle soit, elle se réduit toujours à trois termes :
l'autorité d'un enseignement antérieur, l'expérience
d'observation ou d'expérimentation, et la raison. Quoi
qu'on fasse, on est enseigné, et on parle toujours d'idées
transmises par les pères ou les maîtres; ensuite on a
l'expérience, c'est-à-dire la constatation des faits de la
nature, constatation faite par autrui ou par soi-même ;
enfin, on possède la raison qui veut s'expliquer les
thèses qu'on a reçues, et les faits qu'on peut connaître.
Hippocrate, ce grand maître, avait enseigné, comme
nous l'avons montré, trois grands principes sur la
méthode :
i* Qu'on va du connu à l'inconnu, qu'il faut partir
de ce qui est enseigné, et suivre d'abord les préceptes
acquis, car «tout homme qui rejette les règles approu-
vées et qui, prenant un chemin nouveau, se vante
d'avoir trouvé quelque chose dans l'art, se trompe lui-
même et trompe les autres ; »
2* Que l'observation exacte des événements, sans né-
gliger les circonstances est ce qui mène le mieux à la
vérité; que cependant 1 expérience est trompeuse, expe-
rientia fallax, c'est-à-dire qu'il n'en faut rien déduire
avant d'être certain que les faits observés sont bien
exacts ;
3° Il louait aussi le raisonnement, mais il voulait qu'il
fût « fondé sur des phénomènes, et même s'en étayer
dans toute son étendue » (loc. cit.). Nous avons dit, en
rapportant ces textes en entier, que la base du vrai
dogmatisme était cette méthode; nous tenons encore
pour le même avis.
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 9
Dans le môme temps qu'Hippocrate, Platon exaltait le
rôle de la raison, un peu ce semble aux dépens de
l'autorité des maîtres et de l'expérience. Il a certaine-
ment rendu, même dans cette exagération, d'incontes-
tables services, enseignant que tout principe scientifique
est une idée rationnelle abstraite; montrant ainsi d'une
admirable manière qu'il ne suffit pas de voir et de con-
stater des faits pour être savant, mais que toute science
repose sur des conceptions rationnelles. Celui qui ne
saluerait pas dans ce grand homme, le sublime initia-
teur à l'idée rationnelle, serait indigne de se mêler
d'une science quelconque.
Après Platon, Aristote, son disciple, releva l'observa-
tion et l'expérience que son maître avait un peu négli-
gées, et leur dut ses admirables travaux sur les animaux
et la physique. Il ne négligea cependant point la raison,
et montra la voie syllogistique naturelle dont elle doit
se servir dans sa marche; par là il l'enserrait dans des
règles plus étroiles que ne l'avait fait Platon, et s'il lui
donnait plus de rectitude, il lui rognait un peu les ailes.
L'école stoïcienne continua l'œuvre d'Aristote, et se
montra fort scientifique, très-observatrice, surtout dans
Chrysippe, un de ses principaux maîtres.
Vint ensuite l'école néo-platonicienne qui voulut s'af-
franchir des règles d'Aristote, et s'imprégna fortement
des rêves orientaux. Pour ces novateurs, la vérité n'était
pas seulement ce que la raison comprend, mais plutôt
encore ce que l'imagination conçoit; et de là le rôle du
rêve dans la science; de là ces idées gnostiques de s'unir
par l'esprit à de prétendus esprits imaginés entre le
ciel et la terre, et qu'on croyait spécialement chargés
d'initier l'homme à la science.
Le christianisme fut heureusement un modérateur à
ces prétentions folles. Tout en admettant la révélation
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10 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
dont le rôle fut, d'ailleurs, retenu dans ses justes bornes,
11 enseigna la valeur de l'autorité des traditions et des
enseignements antiques, et fit bien entendre que lui-
même, doctrine révélée, était cependant en accord avec
les traditions les plus anciennes. Il admettait la raison
pour expliquer les faits et les enseignements acquis,
mais il voulait qu'elle eût un rôle d'explicatrice et
même d'initiatrice, soumis à l'autorité et à l'expérience.
Ici, comme dans la méthode dogmatique d'Hippocrale,
car les analogies sont frappantes, toute vérité est
enchaînée dans la voie des traditions, et on répétait vo-
lontiers comme le médecin de Cos, que celui qui pré-
tend découvrir du nouveau en dehors des règles et des
principes, se trompe et trompe les autres. L'expérience
même, le fait d'observation, doit être mis en suspicion,
car on peut s'y tromper, experientia fallax, et il ne faut
l'accepter qu'autant qu'il s'accorde avec la tradilion.
Enfin, la raison ne doit pas être seulement selon les
faits et leurs phénomènes, mais aussi selon cette tradi-
tion, maîtresse de toute la méthode. On ajoutait que
toutes les sciences sont sœurs, en ce sens qu'elles sont
et doivent être toutes filles de la vérité, qu'il n'est pas
possible d'admettre avec la raison que ce qui serait vrai
chez l'une fût fausseté chez une autre, qu'ainsi toutes les
vérités doivent s'accorder et s' harmoniser, et que puisque
nous avons dans notre religion des vérités infaillibles
parce qu'elles sont révélées, c'est là une heureuse pierre
de touche dont il faut user; que dès lors toute assertion
d'un ordre quelconque venant se heurter à une des vé-
rités révélées doit être mise dès lors en demeure de se
rectifier ou rejetée, ou tout au moins fortement soup-
çonnée d'erreur, jusqu'à plus ample informé.
Les nations chrétiennes acceptèrent pour la fondation
de leurs sciences cette méthode que leur apportait la
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 1 1
religion qui les civilisait; et c'est ainsi qu'elles par-
courent ces grands siècles du moyen âge que nous
avons examinés : le xnc siècle théologique, le xinc mêlé
de philosophie et de science expérimentale, le xiv* qui,
malgré les bouleversements de l'Europe, continue le
même mouvement, enfin le xv* où nous avons vu les
savants se lancer à l'envi dans les sciences naturelles,
et où il se fait, pour ainsi dire, une explosion de science
expérimentale. Pendant ces grands siècles, l'Europe
avait fait son éducation par périodes régulières, comme
la pourrait faire un jeune homme de notre temps élevé
chrétiennement : d'abord une période d'instruction
religieuse ou théologique et philosophique ; puis une
période d'enseignement philosophique et expérimental.
Cependant, dès le xive siècle, les luttes entre les tho-
mistes et les scottistes, avaient un peu ébranlé le rôle de
'autorité; puis, un ferment de rébellion agitait sourde-
ment les esprits ; et les tristes effets du grand schisme
d'Occident, les révoltes religieuses des Beggards, de
Wiclef et de Jean Huss amoindrissaient l'autorité reli-
gieuse. Enûn, les nouvelles découvertes de la science
moderne, en chimie, en physique, en mathématique,
en astronomie, en géographie jetèrent l'enseignement
des anciens dans un grand discrédit. Dans le fond, tout
cela eût pu s'arranger, et il eût été facile de corriger
les anciens sans tout bouleverser de fond en comble :
mais l'homme ne s'arrête guère dans ses emporte-
ments, et on vit alors se produire le mépris de l'anti-
quité et de l'autorité dans un courant d'opinion presque
irrésistible.
C'était encore le moment où les Grecs, chassés de Con-
stantinople, arrivaient en notre Occident avec l'amour
d'un néo-platonicisme allié à la kabbale qui les rendait
intraitables pour nos sciences. Notre théologie scolas-
12 HISTOIRE DE LA. MEDECINE.
tique leur paraissait barbare et inculte, éloignée de ce
beau langage harmonieux de la Grèce dont ils étaient
comme enivrés; et tous les lettrés qui reçurent leur
influence au xvc et au xvie siècle, comme Érasme, Sca-
liger et tant d'autres, n'eurent pas assez d'expressions
dédaigneuses pour se moquer de nos âges scolas-
tiques. « C'est de là, dit justement M. Matter, que na-
quit une sorte d'insurrection contre les mœurs, les doc-
trines, les usages de l'Occident. » (Matter, Histoire des
sciences morales, tome I, p. 48). Vivès, dans son Traité
De corruptis disciplinis, trouve que tout est barbarie dans
les siècles précédents, langage, rhétorique, dialectique,
droit, médecine ou théologie; et comme on le sait, Vivès
était catholique, précepteur de la reine Marie d'Angle-
terre. Érasme appelle les scolastiques des robinos, cras-
sos, barbaros ; de leurs œuvres, il dit : opéra aut fatua
aut insula. Cornélius Agrippa, dans son De vanitate scien-
tiarum, ne tarit pas sur le mépris qu'on doit avoir pour
les anciens. Pomponace le premier, je crois, fit entendre
qu'on pouvait adhérer à l'autorité religieuse comme
autorité de foi, et la récuser, s'en moquer même dans
le domaine scientifique et philosophique; croire à l'im-
mortalité de l'âme comme chrétien et la nier résolument
comme philosophe. Ce Piétro, qui fut d'ailleurs un assez
faible raisonneur, introduisait ainsi une lâche duplicité
qui n'a fait que trop de ravages dans le domaine intel-
lectuel; car selon sa doctrine trop répandue, il n'y
aurait plus de vérité en ce monde; ce qui serait vrai en
mathématiques pourrait être faux en physique ou en
toute autre science, et l'ordre scientifique deviendrait un
monstre autant horrible qu'insensé.
On ne s'entendait point en tout et pour tout ; les uns
tenaient pour Platon et le beau langage ; les autres sou-
tenaient Arisloteet la logique; d'autres, méprisant ces
» ■
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 13
vaines disputes, s'adonnaient à l'observation et à la
culture des sciences particulières. Les uns voulaient de
la kabbale et de la théosophie, nouvelle forme du gnos-
ticisme ; d'autres voulaient une logique simplifiée ; cha-
cun avait ses idées, ses opinions, les soutenait avec ar-
deur, et les luttes étaient vives. .Mais il y avait un point
sur lequel on s'entendait assez communément chez tous
ces réformateurs, c'était le dédain de l'antiquité, et le
mépris de toute autorité.
De cette mêlée assez singulière sortirent trois cou-
rants : celui de l'Église qui continua d'affirmer la valeur
de l'autorité et sa suprématie, et la consacra dans le
concile de Trente ; le courant des sciences physiques et
naturelles qui se donna tout entier à l'observation et à
l'expérimentation; et le courant rationaliste allié un
instant au courant kabbaliste et qui voulait le triomphe
de la raison ou de l'imagination.
Bacon et Descartes -représentèrent au xvne siècle Ta-
bou tissant des deux courants observateur et rationa-
liste. Ils ne les formèrent point, ils en furent au con-
traire les produits.
Bacon naquit en i560, lorsque déjà le mouvement
des sciences d'observation était riche de découvertes.
Livré à la politique, puis condamné à la prison et mis
en retraite comme concussionnaire, il fît de la philoso-
phie et s'occupa de sciences par passe-temps, jusqu'à sa
mort en 1625. Il s'imagina, comme la mouche du coche,
qu'il ferait avancer le char des sciences en bourdonnant
autour, et donna son Imtauratio scicntiarum dont le «o-
vum organum devait être une partie. Comme savant, en
physique, en mathématique, en chimie, on le regarde
comme au-dessous du médiocre et n'étant pas même de
son temps. Gomme philosophe , il s'était inspiré de
Montaigne dans un voyage à Paris, et son Novum orga-
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14 HISTOIRE DB LA MEDECINE.
num est comme un écho de toutes les attaques dirigées
contre l'ancienne méthode.
Il s'élève surtout contre l'autorité des anciens, et les
préjugés de toute nature qui peuvent nuire à l'esprit
d'observation. « En vain, dit-il, se flatterait-on de pou-
voir faire de grands progrès dans les sciences, en en-
tassant, en greffant le neuf sur le vieux ; il faut reprendre
tout l'édifice par ses fondements, si l'on ne veut tourner
perpétuellement dans le même cercle, en avançant tout
au plus de quelques pas. » Novum organ., liv. i, § 21. Et
plus loin : « Une autre cause qui fait obstacle aux pro-
grès que les hommes auraient pu faire dans les sciences
et qui les a pour ainsi dire cloués à la même place,
comme s'ils étaient enchantés, c'est ce profond respect
qu'ils ont d'abord pour l'antiquité, puis pour l'autorité de
ces personnages qu'ils regardent comme des grands
maîtres en philosophie. » Ibid., § 84.
Il veut donc qu'on expérimente, et c'est ce qui se
faisait de tous côtés , bien avant lui ; puis il établit
que \ induction doit être la conséquence absolue des
faits observés, ce que tout le monde disait. Il appelle les
observations, des constatations , et les inductions qu'on
en tire des interprétations ; puis il ajoute : « Or, ce n'est
pas assez de rassembler un plus grand nombre d'expé-
riences et de les choisir avec plus de soin qu'on ne l'a
fait jusqu'ici; il faut encore suivre une autre méthode.
— Quand de tels matériaux auront été rassemblés et
seront sous la main, il ne faudra pas pour cela per-
mettre à l'entendement de travailler sur cette matière
en vertu de son mouvement spontané , en un mot, de
mémoire ; car ce serait vouloir, par la seule puissance
de la mémoire, égaler et surpasser tous les membres
d'un livre d'éphémérides. — Mais quand la masse des
faits aura été en quelque manière mise sous nos yeux
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 15
avec l'ordre et la méthode convenables, gardons -nous
encore de passer tout d'un coup à la recherche des
causes, ou si nous le faisons, de nous trop reposer sur
ce premier résultat. — Cependant il faut se garder de
permettre à l'entendement de sauter, de voler pour
ainsi dire des faits particuliers aux axiomes qui en sont
les plus éloignés et que j'appellerais généralissimes, tels
que ceux qu'on nomme ordinairement les principes des
arts... Ainsi, ce qu'il faut pour ainsi dire attacher à
l'entendement, ce ne sont point des ailes, mais au con-
traire du plomb, un poids qui comprime son essor. »
(Ibid., § 400 à d 04).
Ce dernier trait est sûrement trop fort, et il y en a
beaucoup comme celui-là dans ce livre un des plus en-
nuyeux que je connaisse quand il n'est pas irritant.
Bacon résumait en somme la plupart des idées de son
temps en faveur de l'observation et de l'expérimentation
et contre l'antiquité, ce qui explique son succès.
Gassendi se lança dans la même voie de dénigrement
des anciens, et avec lui beaucoup de médecins ; et Chi-
rac, au commencement du xvme siècle, osait encore
écrire ce qui suit : « Hippocrate et Galien ne doivent
pas plus avoir de privilèges qu'Aristote; ils n'étaient
que des empiriques, qui dans une profonde obscurité
ne cherchaient qu'à tâtons ; ils ne peuvent être regardés
par des esprits éclairés que comme des maréchaux-fer-
rants qui ont reçu les uns des autres quelques traditions
incertaines... Quand môme ils n'auraient jamais existé,
et que tous leurs successeurs n'auraient jamais écrit,
nous pourrions déduire des principes que j'ose me
flatter qu'on trouvera dans mon ouvrage tout ce qui
a été observé par les anciens et les modernes. » (Traùé
des fièvres malignes).
Cependant, dès la fin du xvne siècle, Baglivi disait
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16 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
mieux : a Au lieu de chercher sans cesse à séparer les
anciens et les modernes, essayons plutôt, s'il est pos-
sible, de réunir les uns et les autres dans une alliance
éternelle. Quelle folie plus grande, en effet, de vouloir
toujours les mettre en désaccord par les mots quand ils
sont d'accord par les choses. » Mèd. prat., chap. 1 , § o,
et encore : o Tourner en dérision les beaux travaux
d'autrui et les nobles efforts tentés pour faire avancer
les sciences, c'est non-seulement un choix indigne d'un
honnête homme et d'un homme docte, c'est encore un
dommage considérable causé à l'État et aux progrès des
sciences elles-mêmes. » (Ibid., chap. 5, § 1). Dans la fin
du siècle et la croissance du dix-huitième, on commença
de revenir sur les préjugés contraires à l'antiquité ; les
partisans de la tradition prirent peu à peu le dessus,
au moins en partie, et on était disposé à prendre la vé-
rité un peu partout.
Dans le même temps où Chirac, le médecin de
Louis XV, écrivit ses sottises, un homme bien autre-
ment considérable, Werlhof écrivait ce mot très-juste :
Nulla secla est quœ omne vidit verum; nulla quœ non
aliquid ea vero (Observ. de febr., p. 32). Bossuet avait
déjà dit : a Toute erreur est fondée sur une vérité
dont on abuse. »
Ce dernier mot est bien encore celui qu'on peut ré-
péter. Certainement on avait peut-être trop cru à la
puissance du syllogisme et pas assez à celle de l'obser-
vation dans les siècles antérieurs; on se contentait trop
de raisonner, on ne prenait pas assez soin d'assurer les
principes sur des faits constatés par l'observation et
l'expérience. A cet égard, la méthode expérimentale a
été, malgré ses excès, un très-grand bienfait.
Descartes appartient à un autre courant d'idées. Né
en 1794, presque avec son siècle, il mourut en 1650
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 17
après avoir fait beaucoup pour les mathématiques et la
dioptrique. Comme philosophe, il fut moins frappé du
mouvement observateur des sciences nouvelles, que de
leur courant rationaliste, et pour lui la raison était une
puissance à cultiver. Il voulait, pour lui donner tout son
essor, la dégager de tout préjugé, de toute autorité qui
la put compromettre, et il se trouvait ainsi l'allié de
tous ceux qui repoussaient les anciens ; il pensait même
pouvoir aller presque jusqu'à la doctrine de Pomponace,
sans suivre cependant son athéisme, et mettre toutes
les vérités rationnelles hors de la portée de l'autorité
religieuse. Il cherchait donc pour sa raison une situa-
tion d'indépendance telle qu'il ne sut pouvoir la mieux
caractériser que par le doute philosophique) situation
impossible a atteindre et sur laquelle il se faisait des
illusions d'enfant, parce qu'enfin, quoique nous fassions,
notre raison est toujours une puissance éduquée par
ceux qui nous ont élevés, et par le milieu dans lequel
nous vivons. S'imaginer qu'on peut être sans se ressentir
de ce qu'on a été et du milieu qui entretient l'être phy-
sique, moral et intellectuel, c'est vouloir se duper soi-
même.
Descartes, malgré son grand génie, ne se rendait
pas un compte suffisamment exact de ce qu'il avait
été et de ce qu'il voulait. Quand on étudie sa vie, on
voit qu'il s'engagea pendant quelques années avant ses
grands travaux dans la secte des rose-croix dont nous
parlerons plus loin, et qui était composé de théosophes,
sorte de kabbalistes, où l'on admettait la possibilité de
dérober l'intuition des vérités absolues en se mettant
dans une sorte d'état extatique, procédé déjà vanté par
Agrippa, Paracelse et surtout Cardan qui se glorifiait
d'en jouir h volonté. Or, il suftit d'y réfléchir pour se
convaincre que le doute philosophique posé comme mé-
TOMI XXXII. — JUILLET 2
18 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
thode générale n'est en somme que le procédé intuitif
débarrassé de ce qu'il avait de mystique, et posé comme
perception rationnelle des choses ! Van-Helmont, qui
touchait un peu à la théosophie, avait déjà tenté quelque
chose de semblable, mais en se rapprochant de la doc-
trine scolastique, en essayant de promouvoir dans l'in-
telligence dépouillée de toute préoccupation sensible les
essences intelligibles en lesquelles elle peut se transformer.
On considérait depuis longtemps les perceptions sensibles
comme les sources de toutes nos erreurs, et il est vi-
sible que dans le fond de toutes les tentatives de l'époque
que nous analysons, on cherchait par des voies di-
verses ;i débarrasser l'intelligence de ses causes de
tromperie. Descartes voulait de même poser la per-
ception rationnelle loin de toute prévention et de
toute préoccupation mystique ou kabbaliste, et il con-
sidérait le doute comme le point fixe où la raison pour-
rait être libre de tout souci des préoccupations sen-
sibles.
Mais la méthode de Descartes n'est tout entière ni
dans ce doute philosophique, ni dans Y évidence qu'il de-
mandait aux démonstrations scientifiques ; elle est su-
périeurement et profondément dans la raison prise
comme jugement, et substituée à la raison prise comme
mécanisme logique. Avant Descaries, une vérité était
attesté quand elle découlait d'un raisonnement logique;
qu'importait d'ailleurs qu'elle heurlàt de front les opi-
nions, les croyances et le jugement commun. Qu'on
ouvre un livre scientifique de ce tempe, même un livre
de physique, on y voit que tout est démontré par le syllo-
gisme. Depuis la réforme considérable qu'il a établie,
tout est différent : la science a perdu sa forme syllogistique
et revêtu la forme littéraire ; elle prend à tache de mon-
trer la vérité qu'elle veut démontrer, dans toute sa clarté
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Étude sur nos traditions. 19
et dans toutes ses séductions ; il faut que la raison pro-
nonce, qu'elle juge, qu'elle décide. Avant Descartes et
avec la fin de la scolastique, la raison n'était qu'un rai-
sonnement ; depuis lui, elle est devenue avec raison une
conception qui est tout à la fois entendement et juge-
ment. Certes, Descartes a exagéré la portée du jugement
rationnel; c'est aller trop loin que d'établir qu'on ne
doit accepter que ce qui cadre avec la raison commune;
et bien des vérités attendent aujourd'hui d'être recon-
nues, parce qu'on leur oppose cette raison commune
des foules, qui n'est le plus souvent qu'une opinion bru-
tale et intolérante. En établissant que les sciences doi-
vent partir d'un fait premier de la conscience intellec-
tuelle, il les a toutes lancées dans la recherche du
subjectif psychologique, et il les détournait trop de
l'observation. C'était donner un trop libre cours à l'ima-
gination, sous prétexte de conception. Lui-même a bien
montré quelle grave erreur était cachée sous son prin-
cipe de méthode, et combien il ouvrait ainsi la porte
aux théories imaginaires , aux systèmes vides : sa con-
ception des tourbillons en était la presque inévitable
conséquence, ainsi que ses théories sur le siège de l'âme,
sur les esprits vitaux, sur l'âme des bêtes, etc.; et ses
disciples n'ont pas manqué de le suivre dans cette plus
mauvaise partie de sa méthode.
Hippocrate était bien plus dans la vérité, quand il
proclamait que la raison doit être soumise aux faits et
pliable à l'autorité.
Mais enfin , Descartes a cependant rendu un service
immense à la philosophie et aux sciences, en montrant
que la raison n'est pas seulement un raisonnement,
et en obligeant l'esprit scientilique à établir qu'une thèse
ne peut être acceptée comme vraie qu'à la condition
d'être compréhensible, saisissable et évidente dans sou
20 PATHOGÉXIE ET THERAPEUTIQUE.
idée rationnelle. L'abus que lui-même et ses disciples
ont pu faire du rationalisme, ne peuvent fermer nos
yeux au point de ne pas voir combien il a relevé la va-
leur de l'idée rationnelle, et ce serait un tort de mécon-
naître le service considérable qu'il a rendu en répri-
mant les excès du syllogisme et en achevant ainsi
l'œuvre commencée par le cardinal Patrizzi et Ramus
au siècle précédent. Ses torts, et il en a de grands, ne
nous doivent pas faire contester ses mérites.
En résumé, dans cette grande révolution des mé-
thodes au xvne siècle, de partout on méprisait malheu-
reusement trop l'autorité ; Bacon mettait trop l'expé-
rience aux dépens de l'observation et de la raison d'une
part; et d'autre part, Descartes, en relevant la valeur de
la raison , ouvrait trop la carrière ù l'imagination , ne
respectait pas assez l'observation objective, et déprimait
trop la portée du procédé logique. Dans Tune et l'autre
cause, on a cru que l'esprit humain pouvait se mettre
en dehors de tout enseignement reçu, et on a, par cela
môme, négligé le respect et l'étude des traditions. Ce
sont des excès qui tiennent peut-être au malheur des
temps, mais qu'il faut envisag-er de face et posément si
l'on veut s'en tirer. Nous verrons plus loin ce qu'il en
est résulté pour les doctrines.
F. Frédault.
— La suite au prochain numéro. —
PATHOGÉISIE ET THÉRAPEUTIQUE
MÉMOIRE SUR L'ARSENIC DANS LES NÉVRALGIES.
C'est seulement sur le terrain des faits que l'on peut
bien comprendre la loi de similitude, fondement de la
pharmacodynaraie. La plupart des actes des médica-
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MÉMOIRE SUR l' ARSENIC DANS LES NÉVRALGIES. 21
menls ne sont explicables que par cette loi, et c'est en
comparant les faits physiologiques et les faits thérapeu-
tiques qu'on arrive infailliblement à cette conclusion
importante.
Veut-on, par exemple, mettre en parallèle la pro-
priété que possède l'arsenic de développer physiologique-
menl chez certains individus des douleurs névralgiques,
et la propriété qu'il possède d'un autre côté d'être dans
un grand nombre de cas un excellent moyen pour
combattre les névralgies, on ne peut s'empêcher d'af-
firmer, grâce à ce rapport, la loi de similitude, et, les
faitsà la main, de constater, en outre, que dans l'ordre
physiologique comme dans l'ordre thérapeutique, l'ar-
senic agit positivement à toute espèce de doses, omni
dosi. Ici la loi du simile et le fait d'une posologie nou-
velle embrassant tout à la fois les doses toxiques, mas-
sives, réfractées et infinitésimales, ressortent de l'ob-
servation pure, terrain commun à tous, et c'est la meil-
leure manière de répondre à toutes les sottises qui sont
débitées chaque jour sous ce double point de vue, au
sujet de la doctrine hahnemanienne.
Arsenic névralgigène, — La céphalalgie, si fréquente
chez les ouvriers maniant les verts arsenicaux et dans
l'histoire des empoisonnements, s'accompagne souvent
d'une espèce de névralgie temporale.
J'ai vu nombre de fois les malades soumis à un trai-
tement arsenical se plaindre d'élancements douloureux
sur les tempes. J'ai vu plusieurs fois aussi des accident/
de névralgie sus-orbitaire et faciale. (Etudes sur quelques
symptAmes de l'arsenic, Gazette médicale -, 1862.)
Borelli, darts ses Centuries (1), cite un homme qui
(\) Borelli. Historiarura et obscrvationum centuriœ. Parisiis, 1653.
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22 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQT'F.
s'était empoisonné en portant sur la peau un sachet
d'arsenic pour se préserver de la peste : il y eut scia-
tique violente.
Trois jeunes filles s'étaient empoisonnées par mégarde
avec l'arsenic ; le lendemain, au milieu des symptômes
habituels, elles se plaignaient d'odontalgie. (M. Leod,
4819.)
Pendant le traitement arsenical d'une dartre, M. Mar-
chand a été obligé d'arracher une dent à Tune de ses
malades, à raison d'une névralgie dentaire survenue
intercurreinment. (Annales médicales de la Flandre occiden-
tale, 1854.)
M. Lolliot [Etude physiologique de f arsenic, Thèse de
Paris, 1868) a cité l'observation d'un ouvrier employé
à la fabrication des fleurs artificielles, et empoisonné
chroniquement par le vert de Schweinfurt. On voit
figurer dans le cours des accidents une très-vive dou-
leur dans la mâchoire, qui disparut en quelques jours,
après une application de sangsues, médication inutile
en pareille circonstance.
Une servante s'empoisonne et guérit. Pendant les
trois semaines suivantes, outre une faiblesse dans les
pieds, elle conserve une douleur vive dans les tempes.
(Kellermann, Med. Jahrf. der Osterr. Staater, 1840.) Le
môme auteur cite un autre fait avec céphalalgie pressive
et douleur au vertex pendant la convalescence.
Le médecin anglais, Erichson, constate, parmi divers
symptômes produits par la solution de Fowler, la cépha-
lalgie, surtout sus-orbitaire. (Lond. med. gazette, 1843.)
Dans une observation de Whitehead (British. med.
journal, 1858), sous l'influence de l'empoisonnement
arsenical par les papiers peints, on voit une névralgie fa-
ciale violente survenir au milieu d'autres accidents.
Langendorff, qui a étudié les maladies des mineurs
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MÉMOIRE SUR L'ARSENIC DANS LES NEVRALGIES. 23
du Harz, signale la sciatique nerveuse au nombre des
accidents auxquels sont sujets les ouvriers. {llenkes
Zeitschrift, 1857.)
On sait, d'autre part, de quelle électivité l'arsenic
jouit sur les yeux; or, rien n'est plus fréquent que de
voir la conjonctivite arsenicale s'accompagner de dou-
leurs sus-orbitaires et temporales.
Observation I.
Une dame de 52 ans faisait usage des préparations arsenicales
depuis plusieurs années pour un eczéma chronique qui disparut.
Sous l'influence du remède, il survint en septembre t857 une at-
taque violente de rhumatisme du scapulum, de l'épaule et du bras
droit, qui céda à un traitement approprié. Au mois de novembre,
névralgie inguinale droite qui passa bientôt à l'aine gauche et de la
a l'épaule, La névralgie prit un caractère rémittent et persista très-
aigué sept mois durant. En janvier 1858, tympanisme abdominal,
gonflement des glandes inguinales droites et concentration des dou-
leurs sur la hanche, l'épaule et le coté gauche. Au mois de mars,
lumbago du côté gauche avec engourdissement de l'extrémité cor-
respondante. En avril, paralysie complète des extrémités inférieures,
enflure des pieds, perte des forces. Mort à la suite de sept mois de
douleurs continuelles. A l'autopsie, les reins offraient la dégénéres-
cence graisseuse, le foie contenait quelques traces d'arsenic, ainsi
que les vertèbres (Gibb. Transactions of tlie pathol. society of
London, 1860).
L'auteur considère ce fait comme un cas de névralgie
et de paralysie arsenicales. Cette observation, analysée
dans Schmidt's Jahrbiïclier, est rapprochée par le réfèrent
des nombreux faits que j'ai rapportés dans mes éludes
sur la paralysie arsenicale.
A dose infinitésimale, on voit se reproduire les mêmes
accidents névralgiques, comme le témoignent les obser-
vations 75, 76, 90, 97, 98, 100, 102 et 109, de mes
études sur quelques symptômes de F arsenic. J'ai cité plus
haut quatre faits d'odontalgie, à dose moyenne. Les
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24 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
observations 97, 98, 102 et 109 sont encore des né-
vralgies dentaires, et la plus remarquable est certaine-
ment celle qu'a présentée un de mes anciens élèves,
M. Lalue, dans ses expériences sur l'arsenic infinitési-
mal, (Obs. 102).
Le Df Black a cité dans Montldy h. Beview, 1866, l'ob-
servation d'un individu traité pour un eczéma par ar-
senic 3e trit. Sous l'influence de ce traitement, le ma-
lade est pris d'un grand malaise ; douleur au front,
au-dessus des yeux, sans s'étendre aux tempes. Il
éprouvait une sensation contusive dans les yeux, comme
s'il y avait eu froid.
Voici une dernière observation inédite d'action arse-
nicale à dose infinitésimale. Je la publie d'après la note
môme qui m'a été remise. Elle a été recueillie par un
de mes anciens élèves, interne distingué des hôpitaux
de Paris, le docteur Lassalas, aujourd'hui médecin con-
sultant aux eaux du Mont-Dore.
Observation II.
Observation de névralgie arsenicale.
Le 24 avril 1864, j'étais dans un état de santé qui ne laissait rien
à désirer. Je témoignai à M. le Dr Imbert-Gourbeyrc l'intention
d'expérimenter sur moi-même l'arsenic à doses homéopathiques.
Notre professeur me donna le jour même des granules ù la tren-
» tième dilution, et le 23 avril, je commençai l'expérimentation de la
manière suivante : je prenais, à huit heures du matin et à cinq
heures du soir, trois granules que j'avais préalablement fait dis-
soudre dans une cuillerée d'eau.
Les cinq premiers jours, je ne ressentis absolument aucun acci-
dent. Le 30 avril, je commençai à éprouver des douleurs vagues et
intermittentes dans les deux maxillaires. Dans la soirée, ces dou-
leurs deviennent très-intenses; je les attribuai à une dent cariée
implantée dans le côté droit de la mâchoire supérieure. J'introduisis
alors dans la cavité de la dent un |>etit tampon d'ouate imbibée de
chloroforme; immédiatement les douleurs cessèrent de ce côté,
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MÉMOIRE SUR L'ARSENIC DANS LES NEVRALGIES. 25
mais elles devinrent encore plus violentes dans la maxillaire infé-
rieure et tout le côté gauche de la face. Le premier mai, les dou-
leurs occupent les deux maxillaires et sont arrivées à un tel degré
d'acuité que je ne peux manger; de plus, j'éprouve des démangeai-
sons en plusieurs points du corps, à la cuisse gauche, au hras droit,
au pénis et à la région sacrée. Il existe dans tous ces points de pe-
tites papules analogues à celles que l'on observe dans le prurigo.
A midi, je vois M. Imbert qui examine ces papules et me conseille
de cesser l'expérimentation, si les douleurs continuent.
Pendant la nuit du l,r au 2 mai, je souffre beaucoup; à quatre
heures du matin je repose un peu, et les douleurs sont moins vives
pendant la matinée, mais elles reparaissent avec leur violence or-
dinaire à onze heures immédiatement après mon déjeuner. Je cesse
alors de prendre des globules. Le 3, le \ et le 5 mai, les douleurs
vont constamment en diminuant, et le 6, je ne sens plus de né-
vralgie ; les papules ont complètement disparu.
Au moment où je mets la dernière main à ce travail
(fin juin, 1870), j'ai près de moi, aux eaux de Royat,
un médecin distingué des hôpitaux de Lyon, atteint
d'une affection de l'estomac depuis longues années : il
s'est confié à mes soins. Je lui ai donné deux jours de
suite : arsenicum 6, 3 globules, trois fois par jour, en
le prévenant de faire attention aux symptômes pouvant
survenir à la face. Pendant la nuit qui a suivi les trois
premières doses, il a souffert beaucoup d'une dent ca-
riée, pendant une heure et demie. Cette dent, située à la
mâchoire inférieure, côté gauche, était gâtée depuis
longtemps. Il n'en avait jamais souffert, du moins de-
puis plusieurs années. Le lendemain, il n'a éprouvé
qu'un peu d'agacement sur cette môme dent ; puis tout
a disparu. De même que le Dr Lassalas, le Dr F... a
souffert durant la nuit. Les homœopathes ont observé
depuis longtemps que les douleurs arsenicales étaient
surtout nocturnes. Ruckert senior signale l'odontalgie
pendant la nuit.
Je rappelle et cite tous ces faits pour prouver une fois
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?6 PÀTHOGKNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
de plus la réalité d'action des doses infinitésimales. Il y
a bientôt dix ans que j'ai indiqué un moyen bien sim-
ple pour arriver à cette démonstration ; c'est d'expéri-
menter directement l'arsenic sur des sujets physiologi-
ques. J'ai donné de longs détails à ce sujet dans mes
études sur quelques symptômes de f arsenic. Personne, que
je sache, dans les rangs de l'opposition allopathique, ne
s'est empressé de vérifier et de répéter mes expérimenta,
et comme je le disais dans mes Lectures publiques sur
f homœopat/iie (I), j'attends encore ces contre-expéri-
menlations, et je les attendrai encore longtemps, parce
que je connais les adversaires de l'homœopathie. Ils se-
ront toujours hardis à plaisanter, à injurier, voire môme
à persécuter; mais ils reculeront en môme temps devant
toute discussion sérieuse et devant des expérimenta-
tions longues, complètes et difficiles. A Paris et ailleurs,
on continuera à nier les doses infinitésimales; on sou-
rira même de pitié à ce sujet, en prenant des poses
tout à fait doctorales , et l'on se gardera bien de de-
mander à l'observation exacte de quel côté se trouve
la vérité : ce qui serait plus scientifique, plus digne et
plus loyal (p. 201).
J'ai expérimenté l'arsenic des milliers de fois, soit à
dose massive, soit à dose infinitésimale, et je le déclare,
j'ai obtenu plus souvent des symptôme*? physiologiques
très-nets et très-caractérisés avec les doses atténuées
qu'avec les doses allopathiques. L'observation de M. Las-
salas en est une dernière et belle preuve. Ici l'action de
l'arsenic, à la trentième dilution, est incontestable, vu
le syndrôme : névralgie dentaire, démangeaison, érup-
tions en des lieux divers. On peut donc obtenir des
effets arsenicaux à la trentième atténuation, c'est-à-dire
(t) Paris, Baillière. 186».
MÉMOIRE SUR l' ARSENIC DANS LES NEVRALGIES. 27
à un novem décillionième de grain, représenté par une
fraction dont le dénominateur serait suivi de soixante
zéros. C'est à cette dose qu'ont été faites les dernières
expériences de Hahnemann qui lui ont servi à consti-
tuer sa pathogénésie arsenicale des maladies chroniques,
ainsi que me l'a affirmé le Dr Jahr, son disciple et son
contemporain , tandis que la pathogénésie, parue en
1811, n'aurait eu pour base que des expérimente faits
avec la troisième atténuation.
Ainsi se trouve confirmée la pathogénésie arsenicale
de Hahnemann dans ses nombreux symptômes de cépha-
lalgie et de névralgie depuis le n° 115 jusqu'au n° 150,
de 176 à 185, et pour l'odontalgie de308 à 314 (Traité
des maladies chroniques).
Il m'eût été facile de produire un plus grand nombre
de faits, car Y histoire de l'arsenic est féconde en douleurs ;
il produit par lui-môme toute espèce de douleurs, depuis
la douleur né\ralgique jusqu'à l'hyperesthésie cutanée
diffuse et à la douleur rhumatismale avec gonflement
articulaire. Entre ces degrés extrêmes, il y a une foule
de cas intermédiaires que j'aurais pu rattacher au groupe
névralgique. J'en ai cité un grand nombre, soit dans
mes Etudessur la paralysie arsenicale, soit dans mes Etudes
sur quelques symptômes de l'arsenic. J'en ai dit assez comme
spécimen. J'ajoute qu'il n'existe pas d'agent plus dolo-
rigèneque l'arsenic, et c'est là un des grands caractères
généraux de ce médicament.
Donc, il est positif que l'arsenic est essentiellement
névralgigène ; les faits semblent prouver qu'il agit de
préférence sur le nerf trifacial, vu les nombreux symp-
tômes accumulés dans les pathogénésies. Il est positif
d'un au Ire côté qu'il agit à toute espèce de doses, omni
dosiy mêmeàdose infinitésimale, et j'ajoute, d'après mon
expérience personnelle, surtout à dose infinitésimale ;
28 PÀTHOGENIE ET THERAPEUTIQUE.
or ce môme arsenic essentiellement névralgigène est
aussi essentiellement névra/gifuge, en vertu de la loi
homœopathique ; ce que nous allons démontrer d'après
les faits-
Arsenic névralgifuge. — Selle paraît avoir eu le premier
l'idée d'employer l'arsenic dans les névralgies de la
face, à propos d'une observation de douleur au visage (1),
notablement soulagée par la ciguë « S'il m'arri vait encore,
dit-il, un pareil cas, j'emploierais d'abord la cig'uë et
ensuite la dissolution du mercure dans l'acide nitreux;
et si tout cela ne réussissait point, dans la supposition
vraisemblable qu'il y aurait alors un virus cancéreux,
je me déciderais à employer l'arsenic, d'autant plus
que j'en ai vu quelquefois de bons effets. »
Une fausse pathogénie et les succès de l'arsenic
contre le cancer avaient guidé Selle, tandis que les pro-
priétés fébrifuges et anti-périodiques du même agent
amenaient quelques années plus tard Fowler à l'admi-
nistrer contre les névralgies périodiques, rebelles au
quinquina. Il cite sept cas de guérison.
Vingt ans après, un autre médecin anglais, Nesse
Hill recommande l'arsenic dans un grand nombre
de maladies et entre autres, dans l'hémicrânie (2).
On lit dans l'ouvrage de Harles deux bonnes obser-
vations qui lui ont été communiquées par le docteur
Hoffmann (ne pas confondre avec le grand Frédéric
(1) Observations de médecine. Paris, 1796, p. 22.
(2) Au dire de Halliday, Nesse Hill guérit une névralgie qui, pendant
vingt ans, avait épuisé toutes les ressources de la médecine. La solution
de Fowler fut donnée de 3 à 12 gouttes. A la même époque, Jcnner (ce
n'est point l'immortel inventeur de la vaccine) rapportait l'obeervation
d'un malade atteint depuis longtemps d'un violent mal de tête pério-
dique, rebelle au kina et guéri en cinq jours par i5 gouttes de teinture
de fowler répétées trois fois par jour.
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MÉMOIRE SUR LARSENIC DANS LES NEVRALGIES. 29
Hoffmann, comme l'ont fait quelques compilateurs):
dans le premier cas, il s'agit d'une céphalée périodique
venant depuis quelque temps tous les malins et guérie
en vingt-quatre heures par l'arsenic; dans le second
cas, sciatique intermittente revenant chaque soir durant
six heures, coupée en trois jours par l'arsenic associé à
l'opium.
Fodéré, dans ses Recherches expérimentales sur la valeur
des différents remèdes substitués au quinquina (Paris, 1809)
donne sept observations decéphalalgie périodique guérie
par l'arsenic.
On trouve dans Edimb. med. journal, 1811, une fort
belle observation de M. Kcchnie: il s'agit d'un tic dou-
loureux durant depuis de longues années, guéri en
quinze jours par la solution de Fowler, quinze gouttes
trois fois parjour.
Observation 111.
R..., 36 ans, blessé en 1811 d'un coup de stylet sur la bosse
frontale droite qui fut fracturée ; on en retira une esquille mince
étroite et longue de plus d'un* pouce. Guérison au bout de quinze
jours. Depuis cette époque, douleur sus-orbitaiie habituelle avec
affaiblissement progressif de la vue.
A raison de l'aggravation des souffrances, entré en 1818 à l'hô-
pital de Montpellier. Les purgatifs et les vésicatoires a la nuque
eurent quelques succès momentanés, sans détruire une douleur qui
revenait souvent avec violence.
A sa sortie de l'hôpital, souffrances accrues et peut-être augmen-
tées par le chagrin d'un jugement qui le conduisit à la maison cen-
trale d'Eysses.
Il y exerçait depuis dix-huit mois le métier de tisserand, suppor-
tant avec courage son mal habituel, lorsqu'il se présenta à l'infir-
merie le 3 novembre 1821, ne pouvant résister davantage.
Le malade présentait la physionomie la plus expressive d'une
douleur accablante : son air triste, pale et abattu, annonçait le dé-
couragement; contenance chancelante, forces épuisées, pouls
faible, petit et lent. Les sourcils, rapprochés avec force, compri-
30 PATHOGÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
maient les paupières presque closes, gonflées, chàssieuses et rouges
sur les bords ; il éprouvait au-dessus des orbites une douleur qui
variait dans son mode et sa violence, suivant les époques du jour,
et constamment aux mêmes heures. Aussitôt que le soleil se mon-
trait sur l'horizon, il la ressentait d'une violence extrême, avec des
élancements tels qu'il lui semblait, disait-il, que la tête se fendait
en deux parties : alors, cécité cimplètc. Vers dix ou onze heures,
le calme revenait par degrés, sans cependant effacer la douleur; la
vue en ce moment se rétablissait assez pour que le malade dis-
tinguât les objets. Mais à quatre heures du soir elle s'obscurcissait
de nouveau au point que l'œil ne pouvait distinguer une personne ;
la plus vive lumière faisait à peine impression sur la réline. La pu •
pille, dans cet état, était très dilatée; cependant la douleur sourde
et continue du milieu de la journée n'augmentait point et n'était
accompagnée d'aucun retour des élancements du matin.
Outre cette série périodique de souffrances, le malade éprouvait
encore un autre genre de douleur à la périphérie de la tète. La
sensibilité des téguments en était si exaltée, qu'on ne pouvait pro-
mener la main sur les cheveux sans arracher «les cris. La pression
seule d'un bonnet de nuit devint intolérable...
Aucun moyen ne me parut plus propre que l'arsenic, à raison de
la périodicité régulière de la névralgie. Administration chaque jour
d'une pilule d'oxyde blanc d'arsenic à un seizième de grain.
Après la première pilule, le malade dit qu'elle l'avait calmé. Le
lendemain, vue plus distincte, douleur frontale moins forte. A la
suite de la troisième pilule, mieux sensible sous tous les rapports,
mais chaleur sourde à l'estomac. La quatrième produisit de l'ardeur
dans cet organe, et la douleur du front disparut entièrement ; la
vue devint claire pendant le jour, mais resta un peu obscure le soir,
à la lueur du flambeau, quoique bien moins que précédemment.
Le malade distinguait tous les individus dont auparavant il ne
pouvait reconnaître le nombre.
On suspendit les pilules pendant deux jours à raison de l'ardeur
de l'estomac; usage du vin amer. A la reprise des pilules, la né-
vralgie cessa entièrement. La sensibilité du bulbe des cheveux, oc-
casionnée par le simple frottement, ne se fit plus éprouver, et la
vue se rétablit au point que le malade put passer un fil dans une
aiguille. Elle restait cependant encore faible au coucher du soleil
et ne recouvrait toute sou étendue qu'au retour de l'astre sur l'ho-
rizon.
MÉMOIRE. SUR L'ARSENIC DANS LES NEVRALGIES. 31
♦
Un état si satisfaisant se soutint jusqu'au dixième jour du traite-
ment. Le malade se plaignit alors d'engourdissement à la tète et
d'une certaine obscurité dans la vision. Craignant le retour de la
névralgie, ou donna de nouveau le lendemain une pilule qui pro-
duisit le plus heureux eûet ; le calme fut parfait: plus d'engour-
dissement, vue très-claire, et la nuit sommeil aussi assuré que par
un narcotique. Le surlendemain, nouvelle pilule plus par précau-
tion que par nécessité.
Ne pouvant méconnaître les heureux résultats d'une médication
stimulante sur l'organe gastrique, je crus devoir entretenir quelque
temps encore l'excitation de l'estomac à l'aide d'éther sulfurique à
dose modérée. L'éther fut supprimé le septième jour. On appliqua
pour lors un séton à la nuque, aûn d'assurer la convalescence. A
cette époque le malade était guéri ; il avait repris des forces avec
l'appétit, et sa vue ne différait rien de ce qu'elle était avant sa
blessure.
R... sortit de l'infirmerie, y rentra un mois après pour y être
traité du scorbut, guérit, sortit de nouveau et n'a pas éprouvé jus-
qu'à ce jour le moindre symptôme de sa première affection (Lalaurie,
Épkémérides tnéd. de Montpellier, 182C).
Si l'auteur de celte belle observation avait pu étudier
l'arsenic au point de vue de la loi de similitude, il se
fût dispensé de traiter son malade par les sangsues, le
vin amer, l'éther et surtout de lui infliger la médica-
tion inutile et barbare du séton, alors que l'arsenic avait
seul suffi à guérir ciio^ tuto^ et jucunde.
Observation IV.
R... avait été pris à l'âge de il ans, sans cause connue, d'une
violente céphalalgie qui revenait tous les jours. Il jouissait d'une,
bonne constitution, et du reste il avait une excellente santé. Au
mois de mars 1819, la céphalalgie durait depuis trois ans et avait
toujours été en augmentant de violence ; mais c'était surtout pen-
dant l'été que les douleurs étaient plus fortes. Cet enfant n'avait
éprouvé de soulagement que pendant quelques jours après avoir
pris des vomitifs. Les paroxysmes ne revenaient pas à la même
heure ; le malade pouvait même les faire naitre en s'exposant au
soleil, en faisant de l'exercice, en enfonçant trop fortement son
32 PÀTH0OENIE ET THERAPEUTIQUE.'
chapeau ou en serrant fortement sa tète par tout autre moyen. Vers
la lin, les accès duraient plusieurs heures, mais variaient beaucoup
quant u leur violence et leur longueur. Ils ne s'accompagnaient
jamais de nausées ni de fièvre, et ne paraissaient nullement dé-
pendre de la qualité des aliments. La douleur n'était pas bornée à
une faible étendue, comme cela a lieu le plus souvent dans les cas
de céphalalgie périodique dépendant d'une cause analogue à celle
des fièvres intermittentes, ni à une moitié de la tète, comme dans la
migraine. Les souffrances les plus vives se faisaient sentir au front
qui était ordinairement plus chaud que dans l'état naturel ; mais
aucune partie de la tète n'était complètement exempte de dou-
leur.
Cet enfant continua pendant deux ans à aller à l'école; mais il
finit par être forcé de suspendre ses études. M. Otto, ayant été con-
sulté, recommanda l'administration, trois fois par jour, de la so-
lution de Fowler, à la dose de cinq gouttes. Ce traitement fut con-
tinué pendant deux semaines sans qu'on eût obtenu aucun amen-
dement delà maladie; il n'y eut également ni nausées, ni coliques,
ni tuméfaction des paupières ou de la face. Un ou deux jours après,
sans que le malade eût pris aucun autre médicament, la céphalalgie
cessa de se faire sentir ; deux ans plus tard elle n'avait pas reparu
(Otto, The North. amer., 1828).
OUo cite l'observation précédente de La Laurie et
ajoute avoir guéri plusieurs dames de semblables dou-
leurs par le même moyen.
Marschall cile un fait de névralgie sus-orbitairo
gauche chez un jeune cordonnier de 16 ans. L'affection
avait d'abord paru chaque lundi, puis chaque mardi et
quelquefois le mercredi, et s'était convertie plus tard en
accès irréguliers. Guérison dans l'espace d'un mois
environ par la liqueur de Fowler portée successivement
de 6 à 15 gouttes malin et soir (Horn's Arc/uv, 1831).
Observation V.
Jeune fille de 21 ans, prise depuis plus d'un an d'un tic douloureux
des plus intenses du côté droit de la face. La douleur s'exaspérait
par les mouvements de la langue et des lèvres, en parlant ou en
MÉMOIRE SUR L'ARSENIC DANS LES NÉVRALGIES.
33
mangeant, et alors retrait des ailes du nez et des joues; élévation
convulsive de la commissure de la bouche, écoulement d'une salive
filante et épaisse comme du miel. L'affection avait résisté à un trai-
tement homœopathique, au galvanisme et au magnétisme. Gué-
rison par la teinture de Fowler administrée deux fois par jour à
12 gouttes (l'auteur n'indique pas la durée du traitement); depuis
trois ans, deux récidives qui ont cédé rapidement au même remède
(Basedow, Casper's Wochenschrift, i835).
Henri Hunt cite un cas de guérison de névralgie non
intermittente de la face par la liqueur arsenicale (i).
Makenzie fait remarquer à propos de la névralgie cir-
cumorbitaire qu'il existe de nombreux exemples de
l'efficacité de l'arsenic dans cette maladie, et suivant
lui dans l'hémicrânie, lorsque le quinquina échoue, la
solution arsenicale se montre très-souvent utile (2).
Konigsfeld a publié une fort belle observation de
prosopalgie gauche périodique ayant résisté pendant
plusieurs années ù grand nombre de médecins et de
remèdes. Trois prises d'arsenic à un quarantième de
grain suffirent pour faire disparaître complètement un
mal qui jusqu'alors avait été si rebelle (Med. Zeitung
von Preussen, 1842).
Il ne faut pas s'étonner, d'après les travaux existant
déjà sur l'arsenic et l'attention particulière que lui a
donnée M. Boudin, que ce médecin ait été amené à re-
commander sa solution arsenicale contre les névralgies
en général, et contre celle du trifacial en particulier.
On lit dans un rapport d'une commission de la société
médicale de Marseille que la commission, en répétant les
expériences de M. Boudin, a vu guérir par l'arsenic
15 fièvres intermittentes sur 16, dont 10 quotidiennes,
2 tierces, deux céphalalgies nocturnes et une héméralopie.
(1) De l'usage de l'arsenic dans quelques affections de l'utérus (obs. 5).
(2) Traité pratique des maladies des yeux. Paris *8M.
TOME XXXII. — JUILLET 1870. 3
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34 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
La solution aqueuse et la poudre d'acide arsénieux,
dk à ce sujet Trousseau, ont été employées sur une
large échelle par M. Boudin contre les névralgies. Il
affirme avoir constamment réussi quand la névralgie
présentait un type périodique prononcé, beaucoup
moins lorsque cette condition n'existait pas.
M. Masselot a cité également deux observations de
céphalalgie intermittente sus-orbi taire guérie par l'ar-
senic.
Observation VI.
Une dame âgée de 40 ans vint consulter le Dr John Waters pour
des douleurs atroces qu'elle ressentait depuis trois ans dans un des
cotés de la mâchoire inférieure ; c'était une névralgie du rameau
externe du nerf dentaire inférieur. La douleur donnait à la malade
la sensation d'une commotion électrique accompagnée des élance-
ments les plus vifs, le tout arrivant sans signes précurseurs à son
maximum d'intensité, et s'en allant aussi soudainement. Un inter-
valle de quatre à cinq minutes au plus séparait l'un de l'autre ces
accès; santé profondément altérée.
Ablation de six ou sept dents, fer, morphine, vératrine, vésica-
toire, sangsues, etc., tout avait été employé sans succès. M. Waters
administre d'abord la strychnine associée à l'iodurc de fer et à
l'extrait de ciguë, et en même temps un vésicatoire saupoudré de
morphine : accès plus éloignés et moins longs, puis il emploie le
sulfate de quinine mélangé à l'aloès et au sulfate de fer. Persis-
tance de la névralgie.
Ce fut alors qu'il eut recours à la solution d'arsenic, administrée
deux fois par jour à la dose de cinq gouttes, portée graduellement
jusqu'à quarante. Dès le sixième jour, amélioration notable dans
l'intensité des symptômes ; la douleur même était calmée au point
de permettre à la malade de ne plus porter, comme elle le faisait
auparavant, les mains au menton pendant les accès. Le sommeil
avait cesse d'être interrompu. Santé générale meilleure, et dans
l'espace d'un mois, cette dame était entièrement délivrée de son
mal. La guéiïson ne s'est pas démentie. (J. Wuteis, Provincial med .
journal, 18i3.)
Observation VII.
Névralgie su$-orbUaire droite. — Depuis deux mois environ, re-
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MÉMOIRE SUR l'aRSE^IC DANS LES NKVRALGIES. 35
paraissant tous les jours à sept heures du matin, ayant résisté au
quinquina , à la quinine , aux vésicatoires , aux narcotiques , etc.
Administration d'un centigramme d'acide arsénieux mêlé à du sucre,
divisé en vingt paquets. Un paquet six heures avant l'accès. Guérison
après l'emploi du sixième. L'auteur cite un second succès de l'ar-
senic dans un autre cas analogue qui avait résisté au sulfate de
quinine, uni à l'opium. (Gruère, Journal de médecine et de chirurgie,
1846.)
M. Liégey a administré l'arsenic avec succès dans les
douleurs névralgiques consécutives au zona.
Observation VIII.
Une demoiselle d'une quarantaine d'années, très-sujette à des
névralgies sus-orbitaires et temporales, est prise, û la suite d'un
refroidissement, de douleurs névralgiques atroces qui semblaient
partir de la bosse occipitale, s'irradiant aux tempes, à la face et au
menton; la malade poussait des cris déchirants. 25 gouttes de tein-
ture de Fowler dans 30 grammes d'eau, à prendre 10 gouttes trois
fois par jour. La première dose fut administrée à dix heures du
matin ; vers les onze heures, les douleurs commencèrent à se cal-
mer et la malade s'assoupit un peu ; une seconde dose fut donnée à
une heure et demie; les douleurs s'éteignirent peu a peu et avaient
disparu complètement vers les quatre heures du soir. (Dieu-
donné, 1848).
J'ai vu l'arsenic, dit M. Delioux, balancer l'influence du
sulfatede quinine, etle surpasser souvent en présencedes
accès névralgiques ; dans plusieurs cas de cette nature,
je l'ai vu enlever si rapidement et si complètement les
retours périodiques de la douleur, que j'ai été amené,
sinon à le préférer exclusivement, du moins à l'em-
ployer en première ligne contre les névralgies intermit-
tentes {Bull, de Thérapeutique, 1853).
Dans les névralgies rebelles, ajoute M. Trousseau,
dans celles surtout qui reviennent périodiquement, le
quinquina et le sulfate de quinine ont besoin d'être
administrés à des doses si considérables, qu'il en résulte
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36" PATHOGÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
souvent des accidents du côïé du système nerveux et
des organes de la digestion. La maladie d'ailleurs repa-
raît fréquemment malgré le quinquina, et le moyen
reste alors insuffisant. C'est dans ce cas que les prépa-
rations arsenicales rendront des services qu'on deman-
derait en vain à tout autre moyen.
Il n'est pas douteux, dit M. Frémy, qu'on peut em-
ployer avec succès l'arsenic dans le traitement de cer-
taines douleurs, avec exacerbations plus ou moins
franchement périodiques et pouvant s elre manifestées
en dehors de l'intoxication paludéenne. J'ai été pour
mon compte à même, tout dernièrement, d'observer
un cas de névralgie de nature rhumatismale affectant
certaines portions du nerf facial, et cela depuis des
années, maladie qui avait résisté au sulfate de quinine,
et qui céda en l'espace de quelques jours à l'emploi de
quatre gouttes de teinture de Fovvler. J'employai égale-
ment avec succès la même liqueur dans le cas suivant :
Observation IX.
Une jeune demoiselle, tourmentée depuis plus d'une année par
des névralgies rhumatismales erratiques donnant lieu à des accès
de fièvre irrégnlicrs, vit également tous ces accidents disparaître
sous l'influence de la même dose de liqueur de Fowler ; l'appétit
revint d'une manière remarquable, et un certain degré d'engrais-
sement avec coloration du teint fit cesser complètement les acci-
dents de chloro-ancmie que la durée de cette maladie avait déter-
minés (Frémy, Moniteur des hôpitaux, 1857).
Le docteur Lopez, médecin espagnol, donne une sta-
tistique de 886 guérisons d'adultes traités pour fièvres
intermittentes par l'arsenic. Dans ce nombre figurent
19 névralgies périodiques qui n'avaient été soumises à
aucun traitement antérieur. (El porvenirmedico, 1854.)
Imbert-Gourbeyre.
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LEÇONS CLINIQUES.
37
MÉDECINE PRATIQUE
LEÇONS CLINIQUES DU D' JOUSSET.
EÉDIGKES PAR LE Dr JABLON3KI.
DEUXIÈME LEÇON.
De la phthisie pulmonaire.
Messieurs ,
C'est à Laënnec que revient l'honneur d'avoir con-
stitué Vunité de la phthisie pulmonaire.
On lit, en effet, au chapitre 1er de son Traité de raus-
ctdtatton : o Les progrès de l'anatomie pathologique ont
démontré jusqu'à l'évidence que la phthisie pulmonaire
est due au développement, dans le poumon, d'une espèce
particulière de production accidentelle à laquelle les
anatomistes modernes ont appliqué spécialement le nom
de tubercule, donné autrefois, en g-énéral, à toute espèce
de tumeur ou de protubérance contre nature. •
D'après le môme auteur, la matière tuberculeuse se
développe sous deux formes principales, celles de corps
isolés et d'infiltrations ; chacune de ces formes, ou sortes,
présente plusieurs variétés qui tiennent principalement
à leurs divers degrés de développement.
Les tubercules isolés présentent quatre variétés princi-
pales appelées par Laënnec tubercules miliaires, tubercules
crus, granulations tuberculeuses et tubercules enkystés.
L'infiltration tuberculeuse présente également trois
variétés : ['infiltration tuberculeuse informe, Yinfiltration
tuberculeuse grise et V infiltration tuberculeuse jaune.
Quelle que soit la forme sous laquelle se développe la
matière tuberculeuse, elle se ramollit au bout d'un cer-
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38 MÉDECINE PRATIQUE.
tain temps, devient caséi forme, et expulsée par les bron-
ches, laisse à sa place des cavités connues sous le nom
d'ulcères du poumon ou excavations tuberculeuses.
L'opinion de Laënnec fut adoptée par le plus grand
nombre des médecins, et l'unité de la phthisie semblait
établie d'une matière indiscutable, lorsque le chef de
l'école micrographique moderne, l'illustre professeur
Virchow formula une théorie nouvelle, basée sur les
trois propositions suivantes :
1° Le tubercule miliaire est un tissu morbide ;
2° Le tubercule infiltré est un produit de l'inflamma-
tion;
3° La caséi fication n'est pas propre au tubercule, comme
on le croyait autrefois. Le pus et tous les produits de
l'inflammation, le cancer, les g'ang'lions lymphatiques
peuvent arriver à l'état caséeux; tous les états caséeux
se ressemblent, et il est absolument impossible de les
distinguer.
De là est venue une scission entre les nosologristes, les
uns (Empis) appelant tubercule et phthisie tuberculeuse
l'aflection caractérisée par des productions caséeuses
(tubercules jaunes des auteurs); les autres réservant le
nom de tubercule et de phthisie tuberculeuse à la pro-
duction de granulations miliaires grises dans le poumon.
Le tubercule infiltré de Laënnec ne serait, pour ces der-
niers, qu'un produit de l'inflammation, une pneumonie
caséeuse.
Celte dernière opinion a été défendue avec beaucoup
de talent par le professeur Niemeyer (de Tubing*enî.
Pour cet auteur, comme pour Broussais , la phthisie
n'est autre chose qu'une pneumonie chronique. La vraie
phthisie tuberculeuse devient extrêmement rare et est
constituée exclusivement par les granulations tubercu-
leuses, en un mot, c'est la granulie.
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LEÇONS CLINIQUES. 39
Quant aux tubercules vrais qui accompagnent sou-
vent la phthisie caséeuse, ils ne sont qu'une complica-
tion, et, d'après quelques pathologistes, un produit Je
Finfection par la matière caséeuse, comme les abcès mé-
tastatiques sont le résultat de l'infection purulente.
Niemeyer conclut de ces prémisses : 1° que la phthi-
sie n'est pas la plupart du temps une maladie constitu-
tionnelle, mais une affection accidentelle, comme toutes
les inflammations; 2* que la phthisie est parfaitement
curable, surtout quand elle offre les signes suivants :
malité relative bien marquée, raies fins et humides,
souffle simple etamphorique, mouvement fébrile rémit-
tent proportionnel aux lésions.
D'après Niemeyer, cette phthisie à grosses lésions
et à signes slélhoscopiques accentués est la seule cu-
rable, parce que c'est la phthisie caséeuse.
La phthisie tuberculeuse véritable, la granulie, reste
aussi incurable que du temps de Laënnec.
Niemeyer dit encore : La pneumonie fîbrineuse, la
pneumonie catarrhale chronique, le catarrhe bronchi-
que, la pneumorrhagie sont les causes pathologiques de
la phthisie caséeuse, puisque ces affections produisent
des lésions qui se terminent par caséificalion.
k cela je réponds qu'il est très-aventureux de venir
renverser toutes les idées reçues sur une maladie aussi
connue que la phthisie en prenant pour point de départ
une hypothèse micrographique. Je dis hypothèse, car
qu'y a-t-il de vrai en histologie? Personne ne le sait, pas
même Virchow, car il a dit (i ) : « Chaque jour apporte de
nouvelles découvertes, mais aussi de nouveaux doutes
sur la valeur des découvertes antérieures. Y a-t-il quel-
que chose de positif en histologie? demande- t-on; y a-
(i) Pathologie cellulaire, p. 3
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40 MÉDECINE PRATIQUE.
t-il un point sur lequel tous les observateurs soient
d'accord? 7/ ri y en a peut-être pas un. »
J'ajouterai que les produits morbides de la phtbisie
pulmonaire et de la pneumonie caséeuse n'ont jamais
pu être distingués ni par l'examen à l'œil nu, ni par
l'examen microscopique.
L'examen oculaire, ou macroscopique, nous montre
des deux côtés un produit analogue arrivant à la caséi-
fïcation, niais dans un cas la transformation caséeuse
succède à des tubercules miliaires, et dans l'autre cas à
un état gélatiniforme du poumon.
Au point de vue du microscope, on a trouvé dans la
phthisie tuberculeuse des cellules spéciales, et dans les
pneumonies caséeuses des cellules épithêliales. Sans doute,
les cellules épithêliales de la pneumonie caséeuse prou-
vent qu'il y a eu un processus inflammatoire, mais ce
processus peut parfaitement être consécutif a la tuber-
culisation. Quant aux cellules spéciales, caractéristiques
du tubercule, elles sont malheureusement inconnues à
la plupart des micrographes. Les cijtoblastions , par
exemple, se rencontrent, non-seulement dans le tuber-
cule, mais aussi dans la gomme syphilitique et dans la
tumeur morveuse. 11 en est de même des cellules jeunes
ou indifférentes qui se rencontrent également dans la
phthisie et dans la pneumonie caséeuse, avec cette dif-
férence, que dans le second cas, elles se caséifient pré-
maturément et n'atteignent jamais leur développement
complet.
En résumé, dans la véritable phthisie pulmonaire (et
dans cette dénomination nous confondons à dessein la
granulie et la pneumonie caséeuse), dans la phthisie,
ai -je dit, la lésion est tantôt en masse, tantôt en granu-
lations. Cette lésion commence dans tous les cas par un
état demi-transparent pour aboutir à un état caséeux,
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LEÇONS CLINIQUES. 41
mais lorsque la lésion est en masse, le processus est tou-
jours inflammatoire, tandis qu'il ne l'est que rarement
quand la lésion apparaît sous forme de granulations. Il
y a donc identité de lésions avec différence dans le pro-
cessus, ce qui revient à dire avec J.-P. Tessier et son
école que « les néoplasies (pus, cancer, tubercules, etc.)
se développent par deux mécanismes différents, avec
ou sans inflammation. »
Ainsi, sur le terrain même de l'anatomie pathologi-
que, l'opinion de Virchow et de Niemeyer est donc com-
plètement vulnérable, et c'est là une de ces Fantaisies si
fréquentes à notre époque, fantaisies éphémères qui
naissent au milieu du bruit, et disparaissent silencieuse-
ment sans laisser de traces.
Messieurs, j'ai réussi, je pense, à vous démontrer que
la théorie des pneumonies caséeuses n'est pas soute-
nable sur le terrain de l'anatomie pathologique, je vais
vous prouver maintenant que cette théorie devient
monstrueuse si nous entrons dans le domaine de la
clinique.
Il suffit, pour démontrer la fausseté de cette opinion,
d'en détacher les deux conséquences principales :
1° La plupart des cas de phthisie sont indépendants
de toute disposition constitutionnelle ou générale. Ce
sont des inflammations catarrhales ou fibrineuses qui
tournent mal et se caséifient chez des individus trop
vulnérables (Niemeyer).
Quel est le praticien qui n'a pas vu des individus
faibles et cachectiques supporter des rhumes et des
pneumonies sans se caséifier? Ce fait est fréquent, en
particulier, chez les chlorotiques, les cachectiques palu-
déens, les névropathiques. Qui n'a vu au contraire des
individus vigoureux devenir phthisiques par cette seule
raison qu'ils comptaient des phthisiques et des scrofu-
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42 MÉDECINE PRATIQUE.
leux dans leur famille? Quel est le pathologiste qui ne
sait pas reconnaître les grands traits de la disposition
phthisique et qui ne connaît sa parenté avec la scrofule?
Comment donc soutenir qu'il ne s'agit ici que d'une
inflammation ordinaire et locale comme la pneumonie
franche et le phlegmon ?
2" Les partisans de la pneumonie caséeuse disent que
c'est une affection essentiellement curable. On retrouve
cette opinion chez les médecins de la spécialité (spécia-
lité illégitime et indigne, s'il en fût) ; on la retrouve
aussi chez quelques médecins d'eaux, mais Niemeyer
est le premier professeur de clinique qui se soit hasardé
sur un semblable terrain.
Quelle que soit la théorie que l'on adopte sur sa pa-
thogénésie, la plithisie est toujours cette maladie recon-
nue comme presque fatalement incurable par tous les
grands médecins, depuis Hippocrate jusqu'à Laënnec.
Ce n'est pas la théorie des produits hétérologues qui
rend la phthisie presque constamment mortelle, c'est
sa nature même. C'est en effet une maladie générale,
s'il en lût, maladie dont le tubercule ou lu caséitication
ne sont qu'une lésion, un effet local; mais la maladie
occupe tout le sujet, ses liquides et ses solides, elle les
modifie et les transforme, elle atteint la vie dans ses
sources et résiste à nos traitements médicaux, parce
qu'elle a altéré profondément les forces végétatives.
Dire que la phthisie est une maladie locale, c'est là
une aberration digne de l'organicisme microgra-
phique.
Donc, la phthisie est tout aussi peu curable depuis la
découverte de la pneumonie caséeuse qu'elle l'était
avant, et la preuve, c'est que Niemeyer, qui tient pour
la curabilité, ne cite point d'observations de guérison
de phthisiques et nous le mettons au défi de trouver un
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LEÇONS CLINIQUES. 43
seul cas de jruérison dune phlhisie bien confirmée.
Notez que Niemeyer prétend que les phthisies qui pré-
sentent les lésions les plus graves (pneumonies ca-
séeuses) sont celles qui guérissent le mieux. J'affirme
qu'il en est tout autrement. J'ai trente années de pra-
tique médicale sur un vaste théâtre, et je ne connais
qu'un petit nombre de phthisiques qui aient survécu aux
lésions énormes de la phthisie caséeuse, tandis que je
possède un certain nombre d'observations de malades
ayant présenté quelques-uns des signes d'une phlhisie
commençante et qui, par un mode de traitement appro-
prié, ont recouvré une santé complète.
Messieurs, je ne veux pas continuer plus longtemps
cette discussion déjà trop longue. Retenez bien toutefois
les principes suivants :
1° La phthisie est une affection de î arbre respiratoire ca-
ractérisée anatomiquernent par le tubercule et r ulcère. Il est
démontré, en effet, par les recherches des anatomo-pa-
thologistes modernes qu'il existe chez les phthisiques,
indépendamment des ulcérations tuberculeuses des w/-
cèrations simples. Ces ulcérations simples se rencontrent
habituellement dans l'intestin ou sur la muqueuse res-
piratoire.
2° La phthisie survient ou comme forme fixe primitive
de la scrofule, ou comme affection principale dans le
cours d'une scrofule déforme commune ou enfin pendant
la période de cachexie dans toutes les formes de la scro-
fule et même dans la cachexie de plusieurs autres ma-
ladies comme le diabète et l'albuminurie.
3° La phthisie est manifestement héréditaire comme
toutes les affections scrofuleuses ; il est fréquent d'obser-
ver des familles dans lesquelles tous les enfants meurent
successivement de phthisie pulmonaire; dans d'autres
familles, la phthisie alterne avec des affections scrofu-
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44 SÉMÉIOTIQUE.
leuses diverses; enfin, dans un bon nombre de cas, la
phthisie apparaît isolément.
4° Enfin le climat et le régime ont une grande influence
sur le développement et la marche de la phthisie. C'est
ce que je vais essayer de vous démontrer en vous par-
lant du traitement de cette affection.
J. Jablouski.
SÉMÉIOTIQUE
BRUITS INTRA-CARDIAQUES OU BRUITS MORBIDES OU
ANORMAUX QUI SE DÉVELOPPENT A L'INTÉRIEUR DU
COEUR ET SURTOUT A SES ORIFICES.
• The accession of auscultation
to the othor means of diagnosis,
bas rendered it possible to distin-
guish valvular disease, bolh in
gênerai and in parlicuiar, \*ith
almost complète certainty : a cer-
tainty, it may be remarked. much
grealer than was supposed by the
illustrions author of auscultation
himself. » (Hope. Diseates of the
heart, tbird edit., 1839, p. 382.)
• If il bo said that particular
valvular diagnosis is a useless refi-
neraent, it may bo repliod tliat non-
auscultators used to say the same
of auscultation in gênerai. » (Ibid,
p. 390 et 391.)
« L'auscultation ens'ajoutanl aux
autres moyens do diagnostic, a
rendu possible la distinction des
maladies valvulaires tant en géné-
ral qu'en particulier, avec la plus
grande certitude : certitude, il faut
le dire, beaucoup plus grande que
ne le pouvait supposer l'illustre
auteur lui-même de l'ausculta-
tion. >
« Si l'on me dit que le diagnostic
précis du siège de la maladie sur
telle ou telle valvulo est un raf-
finement inutile, je répondrai que
ceux qui n'étaient pas auscultateurs
avaient l'habitude d'en dire autant
de l'auscultation en général. »
« La méthode de l'auscultation a sans doute
éclairé beaucoup le diagnostic des maladies du
cœur. Elle donno souvent de très-utiles et d'in-
dispensables renseignements, et on ne doit jamais
négliger d'y avoir recours. Mais seule, et sans
l'aide des autres signes, elle ne pourrait que
rarement révéler d'une manière certaine l'exis-
tence de ces maladies.... s Andral.
« On s'est trop habitué depuis une quaran-
taine d'années à faire de l'auscultation la clef de
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BRUITS INTRA-CARDI AQUES . 45
voûte de l'étude clinique des maladies du cœur
et à faire dépendre exclusivement le diagnostic
de la détermination exacte de l'orifice malade.
Ce n'est là qu'un des élémont* qui entrent dans
la constilulion d'une maladie du cœur... (M. Ray-
naud, p. 575 du t. VIII du Nouveau dict. de mèd. et
de chir. pratiques. Paris, 1868.)
SYNONYMIE.
Bruits de frottement endocardiaqves (Gendrin. Leçons sur les mal.
du cœur, t. I, p. 100 etsuiv.).
Bruit de soufflet du cœur (Laênnec. Ausc. mèd., 2* èdit., t. II,
p. 421).
Bruits de souffle (Barth et Roger. Traité prat. dausc, 7» édit.,
p. 362).
Souffle infra-cardiaque.
Smurrus.
Murmure cardiaque.
Souffles endocardiques (Sée. Nouveau dict. de mèd. et de cuir,
prat., art. Asthme, t. III, p. 695.)
Murmurs (Forbe?, cité par Bellingham. In Diseases of the heart,
p. 132, et par Flint. In Diseases of the heart, p. 177. — Hope,
Diseases of the heart, 3' édit., p. 70. — William Stokes. Diseases
OF THE HEART, p. 103; Dublin, 1834).
Endocardial murmurs (W. A. Walshe. Diseases of the heart,
p. 83 de la 3° édit.— C. J. B. Williams. The pathology and diaono-
SIS OF DISEASES OF THE CHKST., 4« édit., p. 215).
Murmur endocardial (Latham. Lectures on subjects connected
with CLiMCAL medicine, 2' édit., p. 97 du vol. I, 2* édit.).
Endocardial or valtular murmurs (O'Bryen Bellingham. Diseases
of the heart, p. 133. — Flint. Diseases of the heart, p. 176. —
Belloics sound often dexominated murmurs (Watson. Lon don-
médical Gazette, t. XXIX, p. 566, for session 1841-42).
Skoda désigne sous le nom de murmures (Geriiusch) tous les
bruits anormaux du cœur, de soufilc, de scie, de rape, etc. (p. 177
de led. de Vienne, 1854).
Ce sont : les bruits de souffle, de soufflet, de râpe, de
lime, de scie, de parchemin, de sifflement, de piaule-
ment, de roucoulement, etc., dont nous avons parlé. *
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46 séMélOTIQUB.
Leur nom, a dit avec raison M. Bouillaud (p. 167 de
sa première édition, et 192 et suiv. de la deuxième),
est la meilleure définition qu'on en puisse donner; il en
est la description la plus exacte.
Laënnec( 1 ) les a groupés sous le nom générique de bruit
de soufflet, « parce que, dans le plus grand nombre des
cas, ils ressemblent exactement à celui que produit cet
instrument lorsqu'on s'en sert pour animer le feu, » ils
ont été désignés pour la première fois par Forbes, au
rapport des D" Bellingham (2) et Flint (3), sous le nom
de murmures (murmurs).
Cette expression a depuis été généralement adoptée
en Angleterre et en Amérique, et on la trouve déjà dans
plusieurs ailleurs français.
— Les principales variétés du bruit de soufflet sont,
d'après Laënnec (2* édit., p. 422), le bruit de scie ou
de râpe, le bruit de soufflet musical ou sibilant (4).
M. Bouillaud (o) a comparé très-heureusement le bruit
de scie au son prolongé de la lettre S : ssss.
— Il a comparé également au son prolongé de la
lettre R : rrrr, un murmure, qu'on entend quelquefois
(t) Laflnnec, Traité de V auscultation médiate, * édit. Paris, 4826, t. II,
p. 421.
(2) O'Bryen Bcllingham. — « Abnormal sounds developed during the
heart's action were first nomed murmurs, by Dr Forbes, and this lerm
bas been very gène rail y adopted since. » (A treat. on diseases of the keart.
Dublin, 4833 et 4857, p. 432.)
(3) Austin Flint. — o Murmur, first proposed by D"" Forbes, of London,
is sufûciently dislinctive and convenient, so that it is quite needless,
in tbis instance, to have recourse to a foreign longue. » (A pract. treat.
on the diagnosis, pathology and treatment of diseases of the heart. Philadel-
pbia, 1859, p. 177.)
(t) a Celle variété, disait Laënnec, ne se présente que dans les artères,
ou au moins je ne l'ai jamais rencontrée dans le cœur. * (Traite de l'aus-
cultation médiate, 2* édit., t. Il, p. 423.)
(5) J. Bouillaud. — Traité clin, des mal. du cœur, 4" édit., 1. 1, p. 168;
2« édit., 1. 1, p. 193.
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BRUITS INTRÀ-CARDI AQ UES . 4 '
au niveau du cœur, et qui rappelle assez bien le bruit
de rouet.
— Le même auteur (1) a entendu distinctement, pen-
dant un mouvement d'aspiration du sang' à travers un
orifice rétréci, une variété du bruit de soufflet (2) qui,
au lieu de ressembler au bruit que Ton produit en souf-
flant une chandelle, donne, au contraire, la sensation
qui accompagne l'aspiration brusque, instantanée, d'une
petite colonne d'air à travers les lèvres rapprochées pres-
que exactement.
— M. Bouillaud (3) a entendu vers 1828, avec le
Dp Mouret, un cri analogue au miaulement d'un jeune
chai, isochrone aux battements du cœur.
— II croit de plus avoir observé, le premier, un son
musical, un véritable sifflement imitant le cri ou le rou-
coulement de certains oiseaux.
— D'autres fois il a perçu un sifflement roucoulant,
un cri de scie fort aigu, un bruit analogue au piaulement
d'un jeune poulet, au roucoulement d'une tourterelle ou
d'un pigeon,
— John Elliotson a trouvé quatre fois le bruit anor-
mal du cœur tout à fait semblable au roucoulement
d'une colombe.
Dans un cas, ce bruit était si fort, qu'on pouvait l'en-
tendre à un pied de distance du malade.
L'auteur a, dans un de ces cas, assigné le temps de la
production du roucoulement au moment qui suivait le
battement du cœur et il l'a rapporté, en se fondant sur
(4) Bouillaud, Traité clin, des mal. du cœur, 4" édit. t. I, p. 467 ou
p. 193.
(4) Nous retrouvons ce bruit, avec le caractère d'aspiration, dans la
description faito par Hopo, du bruit de l'insuffisance aorlique. Les trois
observations dans lesquelles il l'a rencontré sont de 4838. Voyez les
pages 58U, 589 et 593 de la 3° édition de son Traité dks maladies du
coeur. London, 4839.
(3) Bouillaud, édit., p. 4b8i *• édil., p. 494.
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48 SÉMÉIOTIQUE.
sa position, à la valvule mitrale. (Lumleyan Lectures,
i"col. de la p. 15. In-folio. London, 1830.)
— Flint a entendu un bruit tout à fait semblable au
coassement d'une grenouille, lorsqu'il auscultait à dis-
tance, et il ne l'entendait plus lorsqu'il appliquait immé-
diatement la tête sur la poitrine du malade. (Diseases of
the/ieart, pag^e 180.)
— Dans deux ou trois cas d'ossification très-consi-
dérable de l'orifice de l'aorte, où le ventricule gauche
se contractait avec beaucoup d'énergie, William Stokes
dit avoir perçu, au niveau des points affectés, un mur-
mure musical très-for l, se prolongeant dans toute l'é-
tendue de l'arbre artériel.
0
Lorsque W. Stokes vit ce malade pour la première
fois, on entendait le bruit à la distance de trois pieds,au
moins. (Diseases oflhc heart, etc., p. 139. Dublin, 1854.)
Quelquefois le murmure du cœur ressemble entière-
ment à un jet de vapeur.
On a vu le bruit de soufflet se terminer par un bruit
sibilant (Bouillaud, Piorry, Gariel, (2), par un bruit de
lime ou de scie (Elliotson) (3).
L'existence de tous ces bruits est incontestable. Us
ont été notés à l'étrangler à l'époque où M. Bouillaud
les signalait en France. Nous les trouverons liés surtout
à la maladie que Corrigan a décrite sous le titre de Per-
manent patency of the mouth of the aorta (4) (Ouverture
permanente de l'orifice de l'aorte) et Hope sous celui de
New (5) disease of the heart (6).
(I) Bouillaud. — Maladies du cœur, l'e édit., 1. 1, p. 170.
(4) Bouillaud, Piorry, Gariel. — Ibid., p. 170.
(3) Elliolson. — Lumleyan Lectures, fin de la p. 14 et commencement
de la 15'.
(4) Corrigan. — The Edinburgh medic. and surg. journal. N° 111,
for 183-2.
(5) Cette expression ne se trouve pas dans Corrigan.
(6) Hope. — Diseases of the heart, third. édit,, p. 71. London, 1839
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BRUITS 1NTRA.-CARDIAQUES.
49 .
Existe-t-U un rapport constant entre telle forme de bruit
anormal et tel changement survenu soit dans l élément
sanguin, soit dans ïétat analomique du cœur lui-même,
de ses valvules ou de ses orifices ?
Non, absolument parlant, car on voit souvent un
bruit de souffle se convertir tout d'un coup en un bruit
de scie ou de râpe par suite de quelque accroissement
accidentel dans les contractions du cœur, et les bruits
de scie ou de râpe se changer en un bruit de soufflet
par l'affaiblissement de l'action du cœur (Skoda, page
272 et suivantes de la version française du Df Aran ; ou
page 212 de l'édition originale de Vienne, année 1854).
On a rencontré après la mort l'endocarde encore re-
couvert de productions osseuses ou crétacées, alors qu'on
avait entendu, pendant la vie, un souffleaussi doux que
celui qui caractérise ordinairement la chlorose et l'a-
némie.
— On n'a rencontré dans d'autres cas aucune lésion
qui pût rendre compte des bruits musicaux qu'on avait
certainement perçus.
— Flint a recueilli des observations où le bruit rude
avait été noté, sans qu'on ait trouvé, après la mort, de
dépôt calcaire, et d'autres où le bruit n'avait pas été
rude, bien qu'on ait trouvé des dépôts calcaires abon-
dants. (Diseases of the heart. page 180.)
Le môme auteur fait remarquer qu'un murmure peut
être doux, lorsque l'action du cœur est faible ou médio-
crement forte, et devenir rude, lorsque le cœur est
dans une grande activité.
Réciproquement, dit-il, le murmure peut être doux
lorsque l'action du cœur est violente, et devenir rude,
lorsque l'organe est plus tranquille. [Ibid., page 181.)
— O'Bryen Bellingham professe que, tandis qu'il
TOME XXXII. - JUIILLET 1870. 4
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50 SÉMÉIOTIQUE.
peut se produire un bruit de soufflet ou un bruit musi-
cal dans une légère insuffisance mitrale, par exemple,
un degré plus avancé de la maladie valvulaire peut
n'être accompagné d'aucun murmure. (Diseases of the
heart, page 385.)
En raison de ces faits, Elliotson critique les auteurs
qui attribuent le bruit de souffle à l'état cartilagineux
des ouvertures du cœur et le bruit de lime à leur état
osseux. {Lumleijan Lectures, lre colonne de la page 15.)
Cependant, on a rencontré presque toujours, jusqu'à
présent, le souffle doux dans la chlorose, dans l'anémie
et dans les maladies qui ont amené l'appauvrissement
du sang.
On a trouvé surtout « le bruit de soufflet proprement
dit dans l'induration des valvules, plutôt fibreuse ou
fibro-cartilagineuse qu'osseuse, ou crétacée (Laënnec,
Ausc. méd., 1" édit., t. Il, page 316. — Bouillaud,
Ma/a lies du cœur, 1" édit., t. I, page 187; ou 2e édit,,
t. I, page 211), avec un état lisse ou poli des valvules
indurées et déformées, plutôt qu'avec un état inégal,
âpre et raboteux de ces mômes valvules; avec un rétré-
cissement médiocre, plutôt qu'avec un rétrécissement
extrême des orifices; enfin avec des contractions ou des
dilatations d'une force moyenne, plutôt qu'avec des
mouvements d'une énergie et d'une violence très-consi-
dérables. (Bouillaud, V9 édit., t. I, page 187 du Traité
des maladies du cœur, ou 2° édit., t. I, page 212.)
« Les bruits de râpe, de lime, ou de scie ont paru
coexister avec une induration osseuse ou crétacée, plu-
tôt qu'avec une induration fibreuse ou fibro-cartilagi-
neuse; avec une disposition inégale, rugueuse, rabo-
teuse de la surface sur laquelle passe la colonne san-
guine; avec un rétrécissement assez avancé des orifices
et avec des mouvements forts et tumultueux du cœur. »
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BRUITS INTRA.-CÀRDIAQURS. 51
(Bouillaud, iàid., lreédit., page 187; 2* édit., page 212.
Laënnec, Ausc. méd., V édit., t. II, page 316.)
Le sifflement musical du cœur qui paraît être le ton
le plus élevé du bruit de soufflet paraît se produire dans
les conditions précédentes portées à leur degré extrême.
(Bouillaud, ibid., ireédit., page 188; 2e édit , page 21?
— William Stokes, Diseases of the heart, page 139.)
Ce serait s'exposer à souvent interpréter mal un bruit
anormal du cœur, que de prétendre toujours décider,
par son timbre, s'il dépend de quelques rugosités sur
l'endocarde, d'une altération organique quelconque,
ou s'il est indépendant de toute altération organique.
Tout en ne pensant pas que les rugosités qui peuvent
se trouver sur l'orifice d'écoulement soientsans influence
surles caractères et le timbre du souffle produit, M. Ray-
naud ne se dissimule pas que, môme au point de vue
physique, il ne reste beaucoup à faire sur cette délicate
question du timbre des bruits.
Ces réflexions lui sont inspirées par la considération
des faits qui démontrent que même dans l'anémie les
murmures peuvent revêtir un remarquable caractère
de rudesse. La rudesse, ici, serait-elle corrélative à l'in-
tensité du bruit? M. Raynaud n'oserait l'affirmer, mais
il ajoute : « Quoi qu'il en soit, l'incertitude qui plane en-
core sur cette question comme sur celle des bruits mu-
sicaux, retentira nécessairement sur le diagnostic; et
ce n'est pas une des moindres difficultés que présente
ce sujet, pourtant si étudié, de l'auscultation du cœur. »
A quelles causes convicnt-iï cf attribuer les différents
murmures ?
Elliotson croit que le degré d'obstruction est la grande
(I) M. Raynaud, p. 388 et suiv. du t. VIII du Xouceau dict. de mèd. et
de ehir. pratiques.
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52 SÉMÉIOTIQUE.
cause de leurs variétés et il attribue la diversité qu'il a
observée dans le même bruit sur différents endroits, au
pouvoir qu'a la distance ou la variété des milieux
pour le modifier. [Lwnleyan Lectures, ire colonne de la
pa#e do.)
La distance à laquelle se produisent les bruits anor-
maux et les milieux qui les séparent de l'oreille de l'ob-
servateur n'étaient pour rien dans les changements de
forme du murmure que M. Bouillaud a notés dans l'ob-
servation que voici :
Il existait, chez une malade que lui avait adressée le Dr Sorlin,
une sorte de cri de scie fort aigu que l'on entendait même en éloi-
gnant l'oreille à une certaine distance de la poitrine. Ce cri rappe-
lait tantôt le roucoulement d'une tourterelle ou d'un pigeon, tantôt
le cri du canard, tantôt le piaulement d'un jeune poulet.
On trouva, à l'ouverture du corps, un rétrécissement qui occupait
l'orifice aortique dont les valvules étaient épaissies et criblées d'in-
crustations calcaires ou libro-cartilagineuses, qui rendaient leur
surface inégale et comme raboteuse. (Bouillaud, Traièclia. des
mal. du cœur, V édit., t. I, p. 1G9, ou 2e édit., t. I, p. 194.)
■
D'où il résulte qu'il est assez difficile de se rendre
compte des raisons des diversités des murmures.
On sait seulement que la force du courant sanguin,
celle du cœur, une disposition particulière des orifices
rétrécis, des soustractions de sang, une composition
particulière de ce liquide, l'agrandissement des ca-
vités du cœur, etc., jouent un certain rôle dans la pro-
duction des murmures cardiaques.
Leurs variétés ont peu d'importance dans la pratique,
car chacune d'elles n'a séparément aucune signification
spéciale. Toutefois, il est bon de les connaître.
Il est bon également de savoir dès à présent, que les
murmures in Ira-cardiaques ne sont pas toujours dus à
des lésions de structure ou à des maladies organiques.
Il est bon de savoir enfin qu'elles peuvent être aussi les
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BRUIT3 INTRA-CARDIAQUES. 53
conséquences d'un changement survenu dans la com-
position du sang et d'un désordre fonctionnel du cœur.
De là, la distinction qu'on a faite de ces murmures
en inorganiques, lorsque le sang* est seulement malade
ou que les fonctions du cœur sont troublées, et organi-
ques, lorsqu'ils dépendent d'un changement de structure
ou d'altérations organiques.
C'est à ce double point de vue que nous allons les en-
visager.
Nous reviendrons ensuite sur nos pas et après avoir
démontré, par l'observation, qu'il n'est pas toujours
facile de distinguer un murmure inorganique d'un mur-
mure organique, nous étudierons :
Leur intensité,
Leur hauteur et tonalité,
Leur durée,
La direction qu'ils suivent,
Les circonstances dans lesquelles ils se produisent,
Le mécanisme de leur production.
Ces questions une fois traitées d'une manière géné-
rale, nous rechercherons les bases sur lesquelles on
peut s'appuyer pour établir le diag-nostic.
CARACTÈRES D1STINCTIFS DES BRUITS ANORMAUX INORGANI-
QUES ET ORGANIQUES.
Ces caractères sont, au rapport de Hope, les suivants:
Murmures inorganiques ou murmures qui surviennent dans
la chlorose, l'anémie, et dans certains cas d'hypertrophie
du cœur avec dilatation, où les phénomènes généraux se
rapprochent de F anémie.
Ils sont exclusivement bornés à l'orifice aortique et
coïncident avec le premier bruit;
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54 SÉMÉIOTIQUE.
Ils sont constamment faibles ; ils ont un timbre doux
ou ressemblent au bruit du soufflet ;
Ils n'existent que pendant l'excitation passagère de
la circulation; ils diminuent d'intensité lorsque les pal-
pitations cessent.
Ils sont presque toujours accompagnés d'un bruit
continu veineux qui se passe dans les jugulaires et sur-
tout par un souffle court et sifflant dans les carotides,
les sous-clavières et les autres grosses artères, souffle
qui est synchronique avec le premier bruit du cœur.
(Mal. du cœur, 3* édit. , page 389.)
Les bruits anormaux du cœur, des artères et des
veines cessent tout à fait lorsque l'anémie disparaît.
(Iàid., page 389.)
Quand un bruit anormal dépend de l'hypertrophie
avec dilatation, on le reconnaît à ce qu'il diminue ou
cesse, quand l'action du cœur est calmée par le repos,
la saignée, la digitale, etc. (lùid., page 390.)
Dans la plupart des cas, si ce n'est dans tous, ce bruit
dépend de l'anémie qui survient si fréquemment aux
périodes avancées de l'hypertrophie avec dilatation.
(Ibid., page 390.)
Murmures organiques ou murmures qui surviennent dans
toute lésion d'organe ou de structure.
Ils peuvent siéger à n'importe quel orifice dans le
temps de la systole comme dans celui de la diastole ;
Ils sont souvent rudes et rappellent le bruit de lime
ou de râpe;
lis persistent sans jamais cesser, pendant un laps de
temps indéfini, môme quand le cœur est dans le plus
grand calme.
Remarques. — Hope a été trop exclusif, en attribuant
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BRUITS INTRA-CARDIAQUKS. 55
seulement à l'aorte les murmures inorganiques; il s'en
produit aussi aux orifices auriculo-ventriculaires, anor-
malement dilatés et compliqués d'insuffisance comme
il Ta dit lui-même ailleurs (1) et comme on peut le
voir dans les observations de MM. Goupil (2), Jaccoud (3)
et peut-être dans celles de M. Parrot (4).
Le Dr Andry fait le parallèle suivant entre le souffle
organique du premier temps et le souffle de la chlorose :
Le souffle organique, dit-il, est généralement plus
ou moins rude, plus ou moins prolongé ; il peut rem-
placer entièrement le claquement valvulaire, soit que
celui-ci n'existe réellement pas (5), soit qu'il ne puisse
être distingué du souffle qui le masque (6); comme le
souffle de la chlorose, il peut exister, à son maximum,
dans la région aortique; mais, contrairement à lui, il
peut aussi répondre plus spécialement à l'orifice bicus-
pide; comme lui, il peut se prolonger dans l'aorte ascen-
dante et le long des carotides; contrairement à lui, il
ne varie pas d'un instant à l'autre et surtout ne cesse
(1) Hope. — Diseasesofthekeart, third édit., n* 26, p. 38.
(i) Goupil. — Dilatation de Vorifice auriculo-venlriculaire droit avec in-
suffisance de la valvule tricuspide, p. 121 et suiv. des Bulletins de la so-
ciété ANATOMIQUE DE PARIS, pOUT l'année 1856.
(3) Jaccoud — Dilatation de l'orifice auriculo-ventriculaite gauche aoee
insuffisance milrale. Dans lo Moniteur des sciences médicales, etc.,
n# 154 de la i< sdrie du t. III, 1861, et n" 2, du t. IV de la môme série,
1865.
(4) Parrot. — Etude eur un bruit de souffle cardiaque symptomatique dê
tasystolie. Dans le t. V, de la 6e série des Archives gêner, de méd.,
n«* d'avril et do mai (865. — Elude clinique sut le siège et le mécanisme
des murmures cardiaques dits anémiques. Dans le t. VIII de la 6* série des
Abchivis, n« d'août 1866.
(5; C'est le cas de l'insuffisance des valvules auriculo-ventriculaires
permettant la régurgitation cl le murmure.
(6? C'est le cas d'un rétrécissement tel de l'orifice de l'aorte, qu'il se
produit un murmure systolique assez fort pour masquer le premier
bruit valvulaire normal.
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50 SÉMÉIOTIQUE.
pas entièrement d'exister, quand il a été une fois con-
staté.» (Page 228 du Manuel de diagn. des mal. du cœur.)
Austin Flint (1) est un des médecins qui ont le mieux
tracé les caractères propres h chacun des murmures
intra-cardiaques, soit organiques, soit inorganiques.
Le lecteur nous saura gré de mettre sous ses veux
la description de cet auteur dont on n'a pas encore donné
de version française.
« Les murmures inorganiques, dit-il, sont uniformé-
ment systoliquesy c'est-à-dire, qu'ils accompagnent seu-
lement le premier bruit du cœur.
Les murmures diastoliques sont toujours d'origine
organique.
Dans la grande majorité des cas, les murmures inor-
ganiques sont entendus à la base du cœur et ils ne se
propagent pas en haut ni au-dessous de ce point. Ils
sont très-rarement entendus à la pointe, mais s'ils vien-
nent à s'y propager, leur maximum est à la base. Cela
est vrai, du moins, dans tous les cas de murmures inor-
ganiques d'origine sanguine (ofhxmic origin). Il y a quel-
ques cas rares et même un peu douteux de murmures
d'origine dynamique(of dynamic origin), qui sont produits
aux orifices auriculo-ventriculaires et conséquemment
entendus à la pointe. Ils sont caractérisés par une durée
temporaire ou leur intermittence. D'où l'on peut établir,
en règle générale, que tout murmure persistant, con-
stant, qui peut être rapporté à l'orifice mitral, dénote
une lésion organique quelconque.
En général donc, les murmures organiques sont con-
stants et persistants, tandis que les murmures inorga-
{{) Austin Flint. — A p radical treaiist on the diagnosis, palhotogy and
treatment of discase» ofthe heart. i vol. in-8. Philadelphie, 1859, p. 203
et suiv.
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BRUITS INTRA-CARDIAQUES. 57
niques, où qu'ils soient produits, sont inconstants, mo-
biles et variables, si bien qu'on les découvre quelquefois
seulement lorsque le corps est dans une certaine
attitude.
Un murmure inorganique est uniformément doux.
Si cette règle n'est pas invariable, les cas qui font excep-
tion sont excessivement rares, et la rudesse dans les cas
exceptionnels, n'est ni marquée, ni constante. Elle se
produit seulement lorsque l'action du cœur est excitée
d'une manière insolite. La rudesse, par conséquent,
peut être considérée comme la preuve que le murmure
est organique. Cet exposé peut s'appliquer également
a un murmure musical endocardial. Un murmure inor-
ganique est toujours faible. La force est une preuve que
le murmure est d'origine organique.
Un murmure inorganique peut se produire soit à l'ori-
fice aortique, soit à l'orifice pulmonaire, ou simultané-
ment à ces deux orifices.
S'il a son siège à l'orifice pulmonaire, et q u'il soit
limité là, ou qu'il ait son maximum d'intensité au se-
cond ou troisième espace intercostal gauche, il est pro-
bablement inorganique, quand on considère la grande
rareté des lésions situées à cet orifice. Les malformations
congénitales doivent être exclues de ces considérations,
parce qu'elles affectent plus volontiers l'orifice pulmo-
naire que l'orifice aortique. Sous ce rapport, il ne faut
pas oublier que la pression avec le stéthoscope sur les
espaces intercostaux superposés à l'artère pulmonaire
peut quelquefois développer un bruit de soufflet dans
ce vaisseau. On peut l'observer sur des personnes jeunes
dont les cartilages costaux sont flexibles. Le murmure
est dû à la pression de l'artère, comme dans le cas des
autres artères plus accessibles, telles que la carotide,
l'iliaque, la fémorale, etc. Il est bien connu qu'une
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58 8RMÉI0TIQUE.
faible pression sur ces artères développe fréquemment
un bruit de soufflet.
Les murmures inorganiques se rencontrent dans l'a-
némie, et les indices palpables de l'anémie sont géné-
ralement manifestes. La coexistence de l'anémie est un
point à considérer dans le diagnostic, car cette condition
peut compliquer des lésions valvuîaires et contribuer
à rendre plus intenses et plus étendus les murmures
dus à ces lésions. L'anémie seule n'autorise nullement
à conclure que le murmure est inorganique, il faut une
autre preuve pour justifier cette conclusion.
Des bruits de souffle ayant lieu parallèlement, et éma-
nant de larges troncs artériels, tels que la sous-clavière,
la carotide, etc., non dus à la pression avec la stéthos-
cope, attestent qu'un murmure endocardial est inor-
ganique. Cette preuve en elle-même n'est pas suffisante;
mais elle ajoute du poids à celle qui dérive des autres
sources. Un murmure continu ou bourdonnant produit
dans les veines jugulaires est très-fréquemment associé
à un murmure endocardial d'origine hœmique.
Ce bruit bourdonnant veineux, dit, après Bouillaud,
par les auteurs français, bruit de diable (de sa ressem-
blance avec le bruit de la toupie bourdonnante que le
peuple français connaît sous le nom de diable), a jusqu'à
présent donné naissance à de grandes discussions pour
ce qui regarde sa source.
Laënnec, qui l'a observé le premier, le rapporte aux
artères. Sous ce rapport il a été suivi par plusieurs au-
teurs français. Son origine dans les veines a été démon-
trée pour la première fois par le Dr Ogier Ward. Ce qui
prouve suffisamment l'exactitude de la manière de voir
de Ward, c'est que le murmure est invariablement sus-
pendu par l'interruption de la circulation veineuse, la
circulation artérielle continuant. Le murmure est un
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BRUITS INTRÀ-CÀRWAQUES. 50
bruit bourdonnant, continu, ayant fréquemment une
intonation musicale. Il est mieux entendu au-dessus des
jugulaires, juste au-dessus des clavicules, le patient
étant assis ou debout. Il est grandement caractéristique
de l'anémie, et sa présence conjointement avec un mur-
mure endocardiaque soupçonné d'être inorganique,
concourt à fortifier ce soupçon. Les murmures bour-
donnants veineux et inorganiques sont fréquemment
combinés (1).
Les murmures inorganiques endocardiaques sont
beaucoup plus fréquemment observés chez les femmes
que chez les hommes, fait dû, probablement, ù la grande
fréquence de l'anémie chez les premières. Le sexe,
par conséquent, est de quelque poids pour déterminer
s'il s'agit d'un murmure organique ou d'un murmure
inorganique.
Les bruits du cœur, liés aux murmures inorganiques,
conservent leur intensité normale et leurs caractères,
ou bien, s'ils sont quelque peu affectés, leur intensité
est augmentée, tandis que, s'ils sont joints aux mur-
mures organiques, ils présentent souvent des modifica-
tions anormales qui doivent être présentement exa-
minées.
Si, conjointement avec l'élargissementdu cœur il existe
un murmure mitral soit régurgitant, soit diastolique,
il est certainement organique. Le doute peut seulement
surgir, lorsque le murmure est un murmure aortique
direct. D'autre part, dans la grande majorité des cas où
un murmure est inorganique, le cœur n'est pas agrandi,
fait qui peut être positivement déterminé par l'explo-
ration physique.
(1) Le Dr Walshe remarque relativement à la coexistence d'un mur-
mure endocardique et du bourdonnement veineux : « I do not remember
ever to have obsorved an intra-cardiac spana*mic murmur unatlended
With venous hum. »(0nDu«<u. oftke heartt etc., i* édil.London, p. 844.)
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60 ANATOMIB PATHOLOGIQUE.
En portant une attention convenable sur chacun des
points que j'ai brièvement examinés, l'auscultateur ne
sera pas embarrassé, dans le plus grand nombre des
circonstances, pour établir positivement une distinction
entre les murmures organiques et les murmures inor-
ganiques.
Finalement, lorsque, dans la grande majorité des cas
de maladies chroniques, les murmures organiques
arrivent à la connaissance du médecin, associés à un
agrandissement du cœur porté plus ou moins loin, cela
tient à ce que les lésions valvulaires n'occasionnent pas,
en général, de grands inconvénients, jusqu'à ce qu'elles
aient amené l'agrandissement du cœur. Un murmure,
d'après ces circonstances, peut exister depuis plusieurs
mois et même depuis des années et échapper à l'obser-
vation, parce que le malade n'est jamais venu s'offrir à
l'examen. La coexistence de l'agrandissement du cœur,
alors, seulement, rend tout à fait probable qu'un mur-
mure endocardial provient de lésions organiques. Il est
vrai qu'un agrandissement du cœur non compliqué
d'une maladie valvulaire peut être associé à des mur-
mures inorganiques, mais il est évident que cette coïn-
cidence doit être rare, lorsque l'on considère que l'a-
grandissement sans lésions des valvules n'est pas fré-
quent. »
Dr L. Mailliot.
(La suite au prochain numéro.)
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
L'EMBOLIE ET L'ARTÉRITE.
Nous avons soutenu, dans notre examen critique de
Yirchow, que dans la grande majorité des cas l'em-
bolie était un mythe, et les caillots migrateurs des
l'embolie et l'artérite. 61
caillots autochtones, résultant de véritables artérites
et de véritables phlébites.
Les trois observations suivantes, empruntées au
compte-rendu de la Société de biolog'ie, séance du
27 novembre 1869, serviront d'autant mieux à appuyer
notre opinion qu'elles ont été publiées comme des types
d'embolies.
Voici la première de ces observations :
Obs. I. — Résumé. L^nommée Buile (Marie), âgée de 79 ans, était,
depuis le 3 novembre, au n° 23 de la salle Saint-Jean ; elle avait une
bronchite intense, avec emphysème pulmonaire. Le 20 novembre, à
six heures du soir, elle est prise brusquement dans le pied et la
jambe gauches de douleurs très-vives avec sensation de froid; ces
douleurs persistent pendant toute la nuit. Le 2 1 novembre à neuf heu-
res, nous la trouvons dans l'état suivant : la partir inférieure du
membre abdominal gauche offre une teinte violacée ; la coloration
commence au-dessous de la tubérosité antérieure du tibia, et s'étend,
en augmentant d'intensité, jusqu'à l'extrémité du pied ; les veines
sont gonflées, leurs rameaux finement injectés ; quand on en chasse
le sang, il revient plus lentement que d'habitude.
On ne sent ni b:s battements de la pédieuse, ni ceux de la poplitée ;
ceux de la fémorale sont perceptibles au pli de l'aine. Le membre
malade, laissé à découvert, se refroidit beaucoup plus vite que l'au-
tre. La sensibilité tactile est abolie au pied, diminuée à la jambe;
les sensations douloureuses sont perçues moins vivement que de
l'autre coté. Les douleurs spontanées persistent ; la palpation, les
mouvements communiqués les exaspèrent ; les mouvements volon-
taires sont également douloureux ; ils sont d'ailleurs très-restreints ;
la malade peut à peine imprimer quelques légers mouvements de
flexion et d'extension aux orteils et au pied.
On pratique dans la journée trois frictions avec l'huile de camo-
mille camphrée.
22 novembre. Le membre est dans le même état; nous constatons
qu'au-dessus du genou il est plus chaud que son congénère. —
Même traitement.
Le 23. Le refroidissement est plus marqué, l'analgésie plus com-
plète; la malade ne sent plus que les forts pincements ; les douleurs
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02 ANÀTOMIE PATHOLOGIQUE,
spontanées sont toujours vives : les mouvements volontaires sont
presque complètement abolis.
Le 2^. Des phlyetènes se sont formées à la partie antérieure de la
jambe ; autour d'elles et sur les malléoles, on voit des tacbes noirâ-
tres ; les veines se sont affaissées ; la coloration violacée a disparu,
le membre est maintenant décoloré, livide, complètement insensi-
ble ; les douleurs se font toujours sentir. La malade semble un peu
affaiblie; il n'y a pas de phénomène d'algidité.
La nuit suivante, vers une heure du matin, elle est prise de délire,
avec agitation ; elle meurt vers cinq heures du matin.
Autopsie. — Les poumons renferment plusieurs infarctus anciens;
les branches correspondantes de l'artère pulmonaire sont obturées
par des caillots ramollis, décolorés, adhérents, d'origine évidemment
ancienne. En outre, on trouve dans le poumon gaucho un infarctus
réduit; il atteint le volume d'une orange ; la branche inférieure de
l'artère pulmonaire est complètement oblitérée par un caillot déco-
loré en quelques points, un peu adhérent à la paroi et, par consé-
quent, antérieur à la mort.
Aorte. — Cette artère est le siège d'une altération athéromateuse
avancée, surtout dans sa portion abdominale ; la membrane interne
est ulcérée en plusieurs points ; une coagulation fibrineuse ancienne
adhère à l'une de ces ulcérations au niveau de la bifurcation ; l'ar-
tère est presque entièrement obstruée par un caillot jaunâtre, adhé-
rent, ramolli au centre ; ce caillot se prolonge dans les iliaques p: i-
mîtives L'iliaque droite n'est pas complètement oblitérée ; un filet
d'eau la traverse facilement. L'obstruction est plus complète à gau-
che; car, de ce côté, l'eau versée dans l'aorte ne coule que goutte à
goutte.
Toutes les artères du membre inférieur gauche sont oblitérées ;
dans l'iliaque primitive, le caillot est ancien et présente les mêmes
caractères que le caillot aortique. L'iliaque externe, la fémorale sont
remplies de caillots beaucoup plus récents, mais cependant légère-
ment grenus et un peu adhérents. Dans l'artère poplitéc, on trouve,
dans une longueur d'environ 2 centimètres, un caillot ancien a con-
tenu puriforme. Latibialc postérieure renferme des caillots sembla-
bles à ceux que nous avons signalés dans la fémorale. Enfin, la par-
tie terminale de la tibiale postérieure est complètement obstruée par
une production dure, allongée, qui s'est évidemment formée aux dépens
de la paroi dans laquelle elle est d'ailleurs contenue. Les veines tibia] es
et la partie inférieure de la veine fémorale contiennent des caillots
l'embolie et l'artbrite. 03
d'origine peu ancienne, mais cependant déjà grenus, décolorés et ra»
mollis par places; ces caillots ont été ires -probablement l'origine de
l'embolie pulmonaire qui semble avoirprovoqué les accidents ultimes.
Nous avons vu que les caillots contenus dans les artères ne re-
montaient pas tous à la même époque ; le3 uns dataient de quelques
jours, les autres étaient manifestement d'origine beaucoup plus an-
cienne; la circulation n'a donc pas été brusquement interrompue;
depuis longtemps les caillots contenus dans l'aorte et l'iliaque primi-
tive, le caillot de la poplitée. les altérations des parois entravaient le
cours du sang; ce n'est qu'au moment où l'action combinée de ces
obstacles a provoqué la formation de caillots dans la tibiale posté •
rieure que se sont manifestés les symptômes d'obstruction artérielle.
On voit donc que, malgré le début soudain des troubles fonctionnels,
les lésions se sont développées lentement, et que les symptômes d'o-
blitération n'ont marqué que la phase ultime d'un travail pathologi-
que ancien.
La première réflexion qui nous est suggérée par la
lecture de cette observation a rapport au diagnostic.
Cette malade était atteinte de bronchite intense et <T em-
physème pulmonaire l Mais la bronchite et l'emphysème
sont des lésions, et le diagnostic pour être complet devrait
remonter jusqu'à la maladie dont cette bronchite et
cet emphysème étaient symptomatiques. Les lésions vas-
culaires anciennes et multiples découvertes à l'autopsie
démontrent surabondamment que cette femme était
sous l'influence d'une diatbèse ou d'une maladie con-
stitutionnelle, probablement de la goutte; que, par con-
séquent, l'emphysème, la bronchite, comme lesartérites
et les phlébites étaient de nature goutteuse. Le dia-
gnostic ici, comme toujours, est la véritable lumière
qui permet d'apprécier et de juger les phénomènes a
leur juste valeur. Si le médecin avait su remonter à la
maladie elle-même, au lieu de s'arrêter aux lésions,
atteindre la cause, au lieu de se casser le nez sur les
effets, il aurait compris que cette bronchite et cet
emphysème avaient une signification propre. Il eût
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64 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
recherché les altérations vasculaires si communes dans
la goutte ; les ayant recherchées, il aurait probablement
pu les reconnaître par des signes certains. Le dia-
gnotic positif lui aurait permis de porter un pronostic
sur la marche de la maladie, et s'il n'avait eu autant
du mépris pour la thérapeutique que pour la diagnose
et la prognose, il aurait pu lutter contre la maladie,
autrement que par des frictions d'huile de camomille.
Des frictions de camomille à une femme atteinte de
lésions multiples de nature goutteuse ! Après cela, il
est convenu qu'il n'y a guère que les homœopathes qui
fassent de la thérapeutique.
Mnis arrivons au point principal, à la question qui
fait l'objet de cet article, c'est-à-dire à la démonstration
que la plupart des embolies sont des artérites.
Celte observation est une preuve nouvelle de l'absur-
dité de la théorie de l'embolie et de l'aveuglement de
ses partisans. Ainsi les poumons de cette femme con-
tenaient plusieurs infarctus anciens et un plus récent. Les
branches de l'artère pulmonaire, correspondantes à ces
infarctus, étaient oblitérées par des caillots évidemment
anciens.
Dans la théorie de l'embolie, d'où pouvaient venir
les caillots? Evidemment du système veineux. Cher-
chons donc dans ce système; voici ce que nous trou-
vons : « Les veines libiales ut la partie inférieure de
la fémorale contiennent des caillots d'origine peu an-
cienne... Ces caillots ont été très-probablement l'ori-
gine de l'embolie pulmonaire qui semble avoir pro-
voqué les accidents ultimes. »
Que l'auteur de l'observation nous explique comment
des caillots peu anciens ont produit dans le poumon des
infarctus évidemment anciens, s'il veut que nous croyions
à l'embolie, et s'il nous objecte qu'il y avait dans le
l'embolie et l'artéritb. «5
poumon des infarctus d'âge différent, et que les caillots
de la tibiale n'expliquent que l'infarctus le plus récent,
nous répondrons que dans ce cas il était nécessaire
d'établir que les caillots de la fémorale et ceux de
l'artère pulmonaire étaient du même âge; il fallait
expliquer ensuite quelle force avait pu faire voyager des
caillots dans une veine complètement oblitérée et où il
n'y a plus de courant sanguin.
Jusqu'à ce que ces démonstrations soient faites, nous
croyons qu'il est plus scientifique de croire que la cause
morbide qui a créé les infarctus anciens du poumon a
aussi engendré les infarctus récents.
Voici maintenant deux observations dans lesquelles
l'oblitération artérielle a disparu après quelques
beures de durée. Ces faits sont extrêmement importants
au point de vue pratique, ils permettent de comprendre
la guérison de certaines paralysies due aux oblitérations
artérielles, sans qu'il soit nécessaire d'admettre le réta-
blissement de la circulation par les collatérales.
Obs. II. — Potain (Marie-Madeleine), 73 ans. Cette malade est
dans le service pour de l'embarras gastrique et des vertiges. Le
7 juin, à six heures et demie du matin, elle est prise de douleurs
vives dans le membre supérieur droit, et y éprouve une sensation de
froid. A neuf heures et demie, l'avant-bras et la main sont pâles ;
les battements de la radiale droite ne sont pas perceptibles ; on sent
au coude les pulsations de l'humérale. Quand on chasse des veines
le sang qu'elles contiennent, elles se remplissent beaucoup moins
vite qu'à l'état normal, au moment où l'on cesse la compression.
Les contacts, les piqûres sont sentis, mais moins nettement que de
l'autre coté. Les douleurs spontanées sont vives; lamotilité est affai-
blie à la main et à l'avant-bras, pourtunt la malade serre encore
avec une ^certaine force.
Le soir, après une friction avec l'huile de camomille, la malade
éprouve tout à coup une sensation de chaleur dans le membre af-
fecté; elle peut le remuer librement. Le lendemain, à la visite, nous
constatons que les battements de 1 radiale ont reparu et que le
TOME XXXII. — JUI-LET 1870. îi
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66 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
membre est revenu à son état normal; il est cependant encore un
peu pâle, et la circulation veineuse s'y fait moins rapidement que
dans le membre opposé.
La malade meurt le 16 août suivant, de ramollissement cérébral.
Le cœur gauche est le siège d'un auévrysmc partiel chronique.
L'aorte est très-athéromateuse. L'artère radiale droite est rigide ;
ses parois sont en partie calcifiées. La tunique interne ne présente
aucune altération ; il n'y a pas trace de caillots.
Obs. III. — Huet (Caroline), 09 ans. Cette malade, entrée dans le
service avec les signes d'une affection organique du cœur, avait été
prise d'accidents adynamiques, de frissons répétés, de dyspnée ; ses
traits s'étaient promptement altérés, la face avait une teinte snbicté-
rique. Nous pensions à des ulcérations de l'endocarde, avec embo-
lies multiples. Elle allait un peu mieux quand, le lGjuinj à huit heu-
res trois quarts, elle est prise soudainement, dans le membre infé-
rieur gauche, de douleurs violentes, ayant le caractère de crampes.
Il lui semble que ce membre est mort; elle ne peut le soulever qu'à
grand' peine, et le soulève difficilement au-dessus du plan du lit. Le
membre est plus pale et plus froid que l'autre. On voit autour du
genou des plaques livides, des vergetures violacées. On ne sent bat-
tre ni la pédieuse ni la poplitée ; les pulsations de la crurale sont
perceptibles au pli de l'aine.
A neuf heures et demie, tout le membre inférieur est froid jus-
qu'au pli de l'aine. Il présente dans toute son étendue des marbru-
res violacées. Les mouvements volontaires sont impossibles; les cha-
touillements, le pincement ne sont pas perçus «t ne provoquent pas
de mouvements réllexes ; la sensibilité à la douleur est abolie au
pied, extrêmement obtuse dans le reste du membre ; les douleurs
spontanées sont violentée; la pression est douloureuse sur le trajet
de l'artère crurale, dans la moitié inférieure de la cuisse.
A dix heures et demie, sous nos yeux, les marbrures disparaissent
à la cuisse ; les téguments y prennent eu quelques instants une co-
loration rosée presque rouge ; on dirait qu'on a poussé dans l'artère
une injection de sang artériel; la chaleur revient en même temps;
elle dépose bientôt celle du membre opposé; la sensibilité reparaît,
bien qu'obtuse encore. Un instant après, la malade a un petit iris-
son qui dure plusieurs minutes ; bientôt elle peut imprimer à ses or
teils quelques mouvements de flexion. A dix heures trente cinq, elle
peut soulever le membre.
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l'embolie et l'artérite. 6t
Les battements de la pêcheuse sont perceptibles, bien qu'extrê-
mement faibles.
Onze heures et demie. La sensibilité est maintenant normale ; les
douleurs spontanées ont cessé ; la jambe et le pied sont toujours
froids.
Six heures. Le membre est chaud partout : les téguments sont en-
core moins colorés que du côté opposé.
On constate, les jours suivants, que les battements de la pédieusc
gauche restent excessivement faibles. Tous les phénomènes d'isché-
mie ont disparu.
Voici maintenant les réflexions de l'auteur :
Il ne nous parait pas contestable que les accidents observés chez
ces deux malades aient eu pour cause l'oblitération momentanée de
l'une des principales artères du membre atfccté; la suspension des
battements artériels à l'extrémité du membre, leur persistance à la
base suffiraient à le démontrer; or en l'absence de toute cause de
compression, l'obstruction ne peut s'expliquer que par la formation
d'une thrombose ou d'une embolie. La disparition rapide des phé-
nomènes d'ischémie, le retour des battements artériels indiquent
que le coagulum n'a bouché que pendant quelques heures la lumière
du vaisseau et que probablement il s'est dissocié sous l'effet de la
pression sanguine; dans l'un des cas, en effet, nous avons pu consta-
ter de visu que la cavité de la radiale et celle de l'humérale étaient
entièrement libres. Il semble qu'il existe une différence notable au
point de vue de la marche ultérieure des accidents entre les obstruc-
tions par emb )lies et celles qui résultent d'une thrombose. Dans le
cas d'embolie, le vaisseau n'est oblitéré au début qu'en un point de
son trajet ; le coagulum, ordinairement formé de fibrine ramollie,
de consistance pulpeuse, offre peu de résistance ; on conçoit que la
pression du sang puisse facilement triompher d'un tel obstacle; que
le bouchon fibrineux cède en un seul point, le courant sanguin qui
s'établit immédiatement aura bientôt entraîné, molécule à molécule,
toute la masse oblitérante; c'est ainsi probablement que les choses
se sont passées chez nos malades ; les frictions énergiques qui ont
été pratiquées ont pu aidera la désagrégation du caillot; le petit
frisson qui a été noté dans la troisième observation a sans doute eu
pour cause la pénétration dans le courant sanguin des parcelles dis-
sociées du coagulum.
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68 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
Dans le cas de thrombose, au contraire, l'obstruction résulte de
lésions anciennes et multiples ; les rugosités des parois, leurs inflexions,
leur rigidité, les altérations de la membrane interne, ont amené la for-
mation de dépôts fibrineux qui depuis longtemps réduisaient le ca-
libre du vaisseau ; l'oblitération n'est plus alors accidentelle comme
dans le cas d'embolie, elle est le dernier terme d'un travail morbide
commencé de longue date. Les mêmes causes qui ont produit la
coagulation s'opposent au rétablissement du courant sanguin, et si
la circulation collatérale ne se développe pas rapidement dans des
proportions suffisantes, les parties ischémiées sont bientôt frappées
de gangrène ; c'est ce qui s'est produit chez la première malade dont
nous donnons l'observation.
Est-ce assez fantaisiste: voyez-vous la pression san-
guine aidée de frictions vigoureuses, de l'action de la
camomille, de l'excitation des vaso-moteurs, triompher
de l'embolie; la détacher, et au lieu de l'enclaver de plus
en plus dans un système de canaux qui vont toujours
en se rétrécissant, la dissocier et l'entraîner molécule
à molécule, en ayant soin toutefois de ne détacher que
des particules assez fines pour qu'elle puisse traverser
les capillaires et passer dans le courant sanguin où
son arrivée est marquée par un petit frisson ! et tout
cela dans l'espace d'une heure et demie. La dissociation et
la disparition (Je dis disparition parce que ni pendant
la vie, ni après la mort on ne retrouve de caillot.) d'un
caillot organisé, le passage de ses débris à travers le
système capillaire sans qu'il se soit produit d'infarctus,
tout cela en quelques heures, me paraît une négation
audacieuse des notions les plus positives de la physio-
logie et de la pathologie.
C'est pourtant là un problème intéressant à résoudre
que ce fait de l'interruption temporaire de la circula-
tion dans un point limité du système artériel chez les
malades. J'ai observé deux lois ce symptôme, c'était un
goutteux, atteintd'uneendocarditechronique; deux fois,
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l'embolie et l'artérite. 69
à quelques mois de distance, la circulation artérielle
fut suspendue à l'avant-bras du côté droit, le membre
était froid, engourdi et les pulsations de la radiale
n'étaient plus perceptibles. Ces phénomènes duraient
de vingt-quatre à quarante-huit heures, le malade mourut
quelque temps après avec des symptômes apoplectiques.
L'autopsie ne put être pratiquée.
S'il est impossible d'accepter, pour expliquer ces faits,
la présence d'une embolie, il faut chercher ailleurs cette
explication. Or, dans la seule autopsie qui existe, la
deuxième du mémoire que nous citons, voici les lésions
décrites par M. Hallopeau: l'artère radiale droite est
rigide; ses parois sont en partie calcifiées; la tunique
interne ne présente aucune altération ; il n'y a pas trace
de caillot. Cette autopsie fut faite deux mois et demi
après les accidents de suspension de la circulation dans
cette artère. Voici maintenant quelques passage de l'ob-
servation dans laquelle la suspension de la circulation
siégeait dans le membre inférieur, et n'a duré qu'une
heure et demie ; il n'y eut point d'autopsie. «La pression
est douloureuse sur le trajet de l'artère crurale, dans la
moitié inférieure de la cuisse. On constate, les jours sui-
vants, que les battements delà pédieuse restent exces-
sivement faibles. »
En résumé, douleurs sur le trajet de l'artère malade,
diminution de l'ampliation des battements après la dis-
parition des accidents ; parois do l'artère ossifiées, et pas
de trace de caillots.
Il faut être aveuglé par l'esprit de système pour aller
chercher un caillot migrateur, venant de je ne sais où, et
disparaissant d'une manière magique, sans laisser de
traces de son existence :
c Un caillot inconnu
Qui ne dit point son nom et qu'on n'a pas revu. »
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i
70 REVrE DES JOURNAUX.
Nous avons, au contraire, ici des signes posilifs d'ar-
térile : la douleur sur le trajet de l'artère malade, la
calcification des parois de cette môme artère.
J'ajoute que ce que nous connaissons des lois de l'in^
flammation artérielle nous permet d'interpréter les phé-
nomènes si intéressants de la suspension momentanée
de la circulation dans un point du système artériel.
Qu'il s'agisse du canal de l'urèthe, de la trachée-artère,
de l'intestin, ou d'un vaisseau, un phénomène constant
de l'inflammation des organes creux est la perte de
l'élasticité de leurs parois, et un véritable rétrécissement
par impossibilité de se dilater. Ce rétrécissement dyna-
mique sufût, quand il est poussé assez loin, pour inter-
rompre presque complètement le cours du sang et sus-
pendre les battements artériels. Si cette inflammation
est transitoire, la circulation se rétablit au bout de quel-
ques heures ; si elle persiste, il se forme un caillot, et
l'oblitération devient définitive.
Telle est, suivant nous, l'explication de ce fait si
extraordinaire de la suspension temporaire de la ciiv
culation en un point du système artériel.
P. Jousset.
BULLETIN
ENSEIGNEMENT MÉDICAL HOMOEOPATHIQUE
AUX ÉTATS-UNIS.
Noua recommandons à l'attention de nos lecteurs, cette remar-
quable et déjà puissante organisation de l'enseignement médical
homœpalhiijue dans le Nouveau-Monde.
COLLEGE MÉDICAL DE HAHNEMANN DE PHILADELPHIE,
DT R. Koch. Physiologie humaine et comparée, pathologie générale
et anatomie microscopique.
REVUE DES JOURNAUX.
71
Dr Lemuel Stephens. Philosophie naturelle, chimie et toxicologie.
Dr C. Herino, Thérapie, matière médicale et principes généraux de
la doctrine homœopathique.
Dr A. R. Thomas. Anatomie humaine et anatomie pathologique.
Dr C. Dunham. Principes et régies de la doctrine homéopathique.
Dr F. E. BteRRicKE. Pharmacie homœopathique.
Dr C. G. Raue, Médecine pratique, pathologie spéciale et diagnostic
médical.
Dr G. Willianson. Obstétrique des maladies des femmes et des
enfants.
Dr H. NoË Martin. Clinique interne.
Dr Malcolm Macfarlan. Clinique chirurgicale.
Dr G. B. Cause. Obstétrique clinique, et clinique des maladies des
femmes et des enfants.
Dr T. F. Allen. Maladies des yeux et des oreilles.
Dr A. E. Tarrington. Médecine légale.
En outre des leçons cliniques et des cours libres sont donnés
par divers autres praticiens éminents.
Dr R. Welch. Chimie et toxicologie.
Dr F. A. Lord. Chimie physiologique et médicale.
Dr S. P. Hedges. Anatomie. générale et anatomie descriptive.
DT D. A Colton. Démonstrations anatomiques et anatomie patho-
Dr G. S. Mitchbll. Physiologie humaine et pathologie générale.
élémentaires de la médecine.
D' A. E. Small. Généralités théoriques et pratiques sur la doctrine
médicale homœopathique.
Df E. M. Hale. Pharmacologie et botanique médicale.
Dr G. C. Shipman. Matière médicale et thérapie.
Dr Temple S. Hoyne. Matière médicale et thérapie.
Dr N. E. Cooke. Pathologie interne et clinique médicale.
Dr G. D. Bebbe. Pathologie externe et clinique chirurgicale.
D' Ludlam. Obstétrique et maladies des femmes et des entants.
D' Duncan. Pathologie et thérapeutique des maladies de la première
et de la seconde enfance.
Dr L. Pratt. Clinique médicale et chirurgicale.
DT G. Footf. Clinique interne.
Dr R. N. Foster. Maladies mentales.
D'A. E. Small A. M. Médecine légale.
COLLÈGE MÉDICAL HOMŒOPATHIQUB DB NEW -TORS.
DT Ira Remsen. Chimie et toxicologie.
Dr H. Avery. Physiologie humaine et comparée.
Dr A. H. Laidlaw. Anatomie générale et microscopique.
Dr S. Barlow. Matière médicale et thérapeutique.
Dr J. H. Ward. Pathologie interne et clinique médicale.
Dr J. Beakli. Pathologie externe et clinique chirurgicale.
Dr Ch. F. Manfield. Médecine opératoire.
Dr D. D. Smith. Obstétrique et maladies des femmes et des enfants.
COLLÈGE MÉDICAL DE HAHNEMANN DE CHICAGO.
72 BULLETIN.
Dr G. Brjnck. Médecine clinique.
D' F. W. Hunt. Médecine légale etphrénopathie.
Des cours cliniques et des cours libres sont donnés par divers
autres professeurs.
COLLÈGE MÉDICO-CHIRURGICAL HOMOBOPATHIQUB
DE SAINT-LOUIS (MISSOURl).
Dr R. Chanvexet. Chimie et toxicologie.
LV J. Campbell. Chimie.
D' J. S. Read. Anatomie descriptive et dissections.
Dr G. H. Morrill. Physiologie humaine et comparée.
Dr W. Tod Helmuth. Anatomie descriptive et maladies chirur-
gicales.
Dr J. Hartmann. Pathologie générale et clinique médicale.
Dr A. Skeels. Pathologie spéciale et matière médicale.
Dr D. Luyties. Pathologie interne et clinique médicale.
Dr T. G. Comstock. Obstétrique et maladies des femmes et des
enfants.
Dr R. A. Phelan. Matière médicale et thérapie
Avocat R. Voorhis. Jurisprudence médicale.
Avocat E. Pattison. Médecine légale.
D* C. H. Goodman. Clinique chirurgicale.
Des cours libres et des leçons cliniques sont donnés par divers
autres praticiens distingués.
collège homœopathique de cleveland.
Dr R. F. Humiston. Chimie et toxicologie.
Df J. D. Buck. Physiologie humaine et comparée, et anatomie mi-
croscopique.
D» H. F. Biggar. Anatomie descriptive, clinique chirurgicale et
maladies des voies génito-urinaires.
Dr Riggar. Démonstrations anatomiques.
D' N. B. Wilson. Pathologie interne et diagnostic différentiel.
Df S. R. Beckwith. Pathologie chirurgicale, médecine opératoire et
orthopédie.
Dr J. C. Sanders. Obstétrique, opérations obstétricales et maladies
des femmes et des enfants.
Dr A. 0. Blair. Clinique médicale.
Dr T. P. Wilson. Clinique médicale et maladies des yeux.
Dr N. Schneidbr. Anatomie chirurgicale, médecine opératoire et
chirurgie militaire.
Dr H. H. Baxter. Matière médicale et thérapie.
Dr G. M. Barber. Médecine légale.
D'autres cours de matières spéciales sont donnés par des
professeurs libres.
(Journal du dispentaire Hahnemann de Bruxelles^ mars 1870.)
NÉCROLOGIE.
73
ORGANISATION DU SERVICE MÉDICAL DE L'HOPITAL
SAINT-JACQUES.
Dans une seconde réunion, qui a eu lieu le 20 juin
dernier, l'assemblée des médecins souscri pleurs pour la
fondation de l'hôpital que crée la Société homœopa-
Ihique de France, a complété l'élection des médecins de
cet établissement par la nomination au scrutin secret,
et à la majorité absolue sur 67 votants, de 4 consul-
tants.
Elle a aussi procédé par acclamation au choix de
trois médecins honoraires.
Le personnel médical de la maison Saint-Jacques est
donc ainsi fixé :
Chefs de service: MM. Jousset, Frédault, Milcent, Gon-
nard, Molin, Crétin, dont les quatre premiers feront
chacun un trimestre.
Consultants : MM. Ozanam, Perry, Love, Chanet (1).
Médecins honoraires : MM. de Hysern (de Madrid),
Imbert-Gourbeyre (de Clermont-Ferrand) , Davet (de
Paris).
NÉCROLOGIE.
LORDÀT. — CABARRUS.
Deux célébrités médicales, d'un genre bien différent,
ont récemment disparu: le professeur Lordat, de Mont-
pellier, et M. Cabarrus, de Paris : deux hommes qui
n'avaient, sauf la profession, absolument rien de com-
mun. L'un, praticien répandu , homme du monde
avant tout; l'autre, homme d'étude et de tradition, élo-
quent professeur, savant écrivain. L'un, « médecin gen-
tilhomme » , un peu sceptique ; l'autre , philosophe
chrétien et ardent propagateur de ses doctrines. L'un,
(1) Après ces quatre noms, ceux qui ont réuni le plus de voix sont les
suivants : Champeaux, Teste, Hermel, Huvet.
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74 NéCROLOOIB.
dont on a pu dire trop malignement qu'on n'a jamais
pu savoir au fond quelles étaient ses idées ; l'autre,
dont la longue existence a été consacrée tout entière à
la défense des mômes principes. Le premier, recherché,
goûté, traité en enfant gâté par le grand monde et par
le monde des arts, malgré l'école à laquelle il apparte-
nait; le second, moins connu de ce qu'on appelle la
société, vivant dans la retraite, et paraissant dans sa
glorieuse vieillesse, sous sa blanche auréole de cente-
naire (i), l'incarnation de son école.
M. Cabarrus, fils de la fameuse madame Tallien,
avant qu'elle fût devenue princesse de Chimay, était une
personnalité pleine de distinction et de charme. Bien-
veillant et spirituel, ayant une incomparable habitude
du monde, il était devenu facilement, grâce à ses rares
aptitudes, à ses relations très-étendues, à d'illustres
amitiés, une de ces grandes notabilités médicales sans
position officielle, comme il s'en produit de temps à
autre et qui triomphent de l'hostilité des corps sa-
vants, échappant à leurs persécutions, en dehors des-
quelles elles se font une place au soleil.
Le docteur Cabarrus savait plaire et ne manquait pas
d'autorité. C'était un mélange accompli de finesse, de
pénétration et de bonté. Son regard où perçait parfois
une légère ironie, respirait la bienveillance. C'est par
là qu'il a pu se faire aimer et faire oublier ce qui lui
manquait, et ce que n'avait pu lui donner, ni son ori-
gine, ni son éducation, ni son entourage habituel, une
doctrine sérieuse et de profondes convictions en dehors
de ses convictions purement médicales.
Le professeur Lorda^ l'une des illustrations (Je l'école,
de Montpellier, en était comme le patriarche, puisque
(1) Il est morl à 98 ans.
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NECROLOGIE. 75
ayant le commencement de ce siècle, déjà médecin en
chef d'un hôpital militaire fondé dans cette ville, il se
livrait à l'enseignement libre de la médecine (1799). Sa
longue et honorable vie, qui a atteint presque la durée
d'un siècle, s'est écoulée tout entière au service de cette
vieille Faculté dont il est comme le dernier et le plus
fidèle représentant. Successeur des Barthea, des Dumas,
des F. Bérard, des Bordeu, contemporain de plusieurs
d'entre eux, il a consacré son grand talent de profes-»
seur et d'écrivain à propager et à défendre leurs doo-?
trines sinon toujours victorieusement, à cause des nom^
breux et irrémédiables défauts de ces doctrines, du
moins avec un éojat incontestable. On peut dire de lui
qu'il a été l'un des plus redoutables et des plus vail -
lants champions du spiritualisme en médecine et du
vitalisme. Son enseignement, suivi jusque dans sa vieil-
lesse, par des générations successives d'élèves, avait
pour caractère un charme entraînant, la clarté, la cha-
leur et l'éloquence. On a dit de lui qu'il exerçait une
sorte de fascination dans ses leçons qui étaient presque
toutes pour lui une occasion de triomphe, et pour ses
auditeurs une source d'émotions passionnées.
Il a laissé de nombreux écrits (quarante vol. in-8<),
dont un certain nombre ne sont que les résumés de ses
cours. Il avait déjà publié divers travaux sur différents
points d'anatomie, de physiologie humaine et compa-
rée, lorsquen 1806 il donna son Traité des hêmorrha*
yies. Barthea comprit l'avenir qui attendait ce jeune
homme de 33 ans, dont le nom était déjà inscrit dans
l'Histoire de la Médecine de Sprengel. Il lui légua ses
manuscrits comme au plus digne de lui succéder.
En 4841, à 38 ans, il succéda a, Méjan dans la chaire
de médecine opératoire et pendant son séjour à Mont-i
pellier, Dupuytreq suivit régulièrement ses leçons.
78 NÉCROLOGIE.
En 1813, il succède à Dumas comme professeur de
physiologie, et depuis cette époque il ne cessa, pendant
un demi-siècle, de professer cette science et d'écrire
sur ses problèmes les plus difficiles , sinon avec une
rectitude absolue, du moins avec une grande élévation
d'idées et un incontestable talent.
Il donna pendant 50 ans des soins dévoués aux ma-
lades de la maison centrale de Montpellier, où il fit
preuve d'une grande habileté pratique; mais il n'eut
et ne voulut jamais avoir une clientèle nombreuse pour
se livrer plus librement à son enseignement et à ses
travaux spéculatifs.
Nous ne dirons rien des honneurs qui, jusque dans sa
retraite, vinrent le chercher, comme une juste récom-
pense d'une si belle vie.
Vitaliste, spiritualiste, chrétien, le professeur Lordat
a conformé ses labeurs, sa vie et sa mort à ses doc-
trines, inspirant à tous, môme à ses adversaires, un «
grand respect justifié par son caractère, sa science et
ses talents.
Le même esprit anime tous ses écrits : on le retrouve
dans ses principaux ouvrages avec ses avantages et les
défauts de la doctrine de Montpellier sur la nature de
l'homme et sur la nature de la maladie (l'hippocratisme
moderne et le duo-dynamisme): dans le discours d ou-
verture de son cours (1855), comme dans son ébauche d un
plan de physiologie humaine (1841), dans la preuve de Yin-
séncsccnce du sens intime de f homme (1845), dans le Rappel
des principes doctrinaux de la constitution de t homme, énoncés
par Hippocrate, démontrés par Bart/iez , et développés par
son école (1847); dans sa T/iéorie physiologique des pas-
sions (1853); dans sa Réponse à des objections contre la doc-
trine de la dualité du dynamisme humain, base de l anthro-
pologie médicale enseignée à Montpellier (1853).
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NÉCROLOGIE. 77
Dans cé dernier écrit, fait en réponse à une critique
irrésistible du père Ventura montrant l'inanité de la
doctr ine des deux forces (àme et principe vital), admises
à Montpellier comme présidant aux phénomènes de la
vie, le professeur Lordat combat vaillamment pour sa
doctrine, et défend avec talent Barlhcz et son école ;
mais devant l'argumentation de son rude adversaire,
devant des attaques plus anciennes et non moins sé-
rieuses, celles du fondateur de Y Art médical au nom de
la doctrine de l'unité de l'homme, l'auteur paraît par
moments ébranlé. Cette idée si simple et si féconde de
l'âme présidant seule et sans le concours d'un autre
principe aux fonctions intellectuelles, animales, végé-
tatives; ce double emploi inutile, la difficulté de dire
ce qu'est ce principe vital, celle force ni corporelle ni
spirituelle ; ce majordome, suivant l'image ingénieuse,
mais fausse de Lordat, subordonné à la maîtresse du logis,
agissant néanmoins à son insu et hors de sa dépen-
dance; tout cela mis en présence de la lumière si vive
de la doctrine aristotélicienne de l'unité de l'homme,
perfectionnée par S. Thomas, met visiblement dans
l'embarras le professeur de Montpellier et le réduit à
faire concessions sur concessions à son redoutable
contradicteur.
Ce livre est comme le chant du cygne de Lordat ;
mais c'est un chant affaibli et comme attristé. Il ne peut
abandonner ses vieilles doctrines, mais il sent qu'elles
sont blessées à mort, et il n'en peut dissimuler l'amer
chagrin.
Quoi qu'il en soit, quand il ne resterait au professeur
Lordat, malgré quelques erreurs, que l'insigne honneur
d'avoir par son long et magnifique enseignement retardé
l'avènement et |le triomphe, qui sera nécessairement
éphémère, du matérialisme médical, ce n'en serait pas
Digitized by Google
78 HÔPITAL H0MŒ0PATIQUB DE LA RUE SAINT- JACQUES.
moins pour nous et pour ceux qui viendront, une des
plus grandes et des plus nobles figures de ce siècle.
Alph. Milcent.
HOPITAL
FONDÉ PAU LA SOCIÉTÉ MÉDICALE HOMCEOPATHIQUE DE FRANCE,
282, rue Saint-Jacquet, 282.
DEUXIÈME LISTE DES SOUSCRIPTEURS (I).
Noms.
Capital.
fr.
50
3
5
10
100
-20
D* Antraigues, de Paris » « ,
H. d'Arcy
M. Auxcousteaux
M. A
M. B.... (par M. Molin)
M. Bdlaigue . . . .
Mme Bellanger 200
Mmc Berthelier » . » • %
Df Blot, de Paris
Mto* Boissard
M. Bouscatel .
Mn>« Bouthois
M. Bouts ...•»»»• t ». •
Dt Bowroo, de Brighton
Dr Brunner, de Paris * . .
Mraa la duchesse de Cambacérèa
Mm« la princesse de Canlacuzène ....
Mœe la marquise de C
Mme Cartier
Mmr Chabaud
D* C
Un client reconnaissant, H. G. C... (par M. An-
traigues) ...
M"»* Henri Chevreau
Dr Davasse, de Ravenoville
M. Decaire
JM»C Desgranges
Mmr Destors 100
Dr Martin Duthoy, à Douai ..... 50
M™ Jean Duz »
M. Dyon, à Bourgueil 30
50
400
10
3
5
20
■
»
100
300
10
40
20
100
10
»
10
20
A reporter
l'405
Rfnlf
100
30
le.
Annuité
pendant
« ans.
fr.
00
100
190 250
(I) Voyez, pour la première liste des souscripteurs, le Bulletin, t. XU,
15 avril 1870,
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DEUXIÈME LISTE DE SOUSCRIPTION.
79
fr.
Report 1,405
D' Emery, de Lyon 20
M. de Faur 100
Dr Feuillet, d'Alger
M. Hippolyte Flurv 20
M. Fnon. . . * 50
Mm« Gabalda »
M»» X... (par M™* Gabalda) »
M»» V... (par M"»* Gabalda) »
D' V... (par M»0 Galbada) 20
Dr Gallavardin, de Lyon 20
Mu,« la marquise de Gasville 400
M. Gattliff 30
M. M. Gellée 40
Mme Georges 100
Dr Granier, de Nîmes »
Mm« de Grétry » . . 100
M— C. Guillaume 100
M™* Hainguerlot 100
M. Hermel ainé . . • *
M. Hermel ûls 100
Dr Huvet, de Paris 20
Dr lmbert-Gourbeyre 200
M. Imbert 10
MmeJacobs »
H. Jauvin d'Attain ville ....... 1,000
Dr Jorez, de Bruxelles 50
M. Jolliot. . 5
M™ de L * 10
M. Laisné-Thiébault 20
Er Leblaye, de Bordeaux »
Mme Leleu ainé 100
M. Casimir Leleu 100
M. Charles Leleu 100
M™« Lynd Stephens 1,000
M*« M... (par M. Molin) 150
M. Paul Mabou 500
H. Maillsrt 100
M. Ernest Manuel »
M»«» Marie et Horlense 20
M»« Aug. de Mieulle 25
M"« Mignon 500
M** Henri Mollier 100
M9* la comtesse de Mosbourg >
D' Noack père, de Lyon 20
Dp Noack fils, de Lvon 20
Mm0 la baronne de "Noirmont 100
M»« Parry 1,000
Mme" P... et G • 100
Dr Partenay, de Paris »
M. Préterie, dentiste, à Paris »
M. Rabourdin (par M. Antraigues) .... 100
Dr Ravel, de Cavaillon 205
M. le vicomle de la Redorte 20
M. Renaud, de Bourgueil 10
M«« Riant 400
A reporter . , . 8,260
fr
190
fr.
230
c
»
»
»
20
100
20
200
20
100
300
360 1,060
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80 HÔPITAL HOHŒOPÀTIQUE DE LA RUE SAINT-JACQUES.
M»« Richer . . .
M»e Rivièro mère .
M"1 Louis Rivière .
M»« Roland . . .
Report.
Mme veuve Eugène Roussel
Collecte faile par M"* la comtesse de Sainl-
Seine
Dr S<*rrand, de Paris
M *' T . • • • • • • • . • • • • • •
M»» la marquise de Talliouët
M"" la comtesse de T.. ..-M
M. Taillade
Dr Tesle, de Paris
Mme Teste
Nrae la marquise de Tilière
Quatre dames anonymes (par le Dr Crétin). .
M,uc X... ipnr le Dr Joussct)
Mœe X... (par le Dr Joussel)
Mme X... (par le Dr Joussetj
M. X... (par le IV Jousset)
M. X... (par le f)T Ozanam)
M. le comte de los Corbos (fonds de propa-
gande, par M. Cutellan
M. Simon Raçon id.)
M'"1' la comtesse X
m- x..
y\. x... ...»
M°** X «••.•••••••.<
M. X .
MIDC \ • • • • • • • • • • • •
Total souscrit.
fr.
fr.
Fr.
M 9 h/1
100
»
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10
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10
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100
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n
20
20
»
20
»
10
B
5
»
5
9,555
5b0
1,720
ans .
. . 6,840
El avec le capital de . 9,555
Pour la deuxième liste. 16,395
Total de la première liste 73,606
Total de la deuxième liste 16,395
Total général 90,001 fr.
Let $outcription$ continuent ; une troisième liste paraîtra bientôt.
Le Rédacteur en cheft Jules Davassk.
I\>rls - Imprimerie K. l'iatRT, ru: Monsitur-le-rrince 31.
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L'ART MÉDICAL
AOUT 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS.
— «DITE —
§ 2. — Doctrines principales.
La doctrine, dans une science, n'est pas autre chose
que la conception générale de cette science prise dans
l'objet de ses occupations, dans les lois générales des
mouvements de cet objet, et, par cela môme, dans les
causes des effets observés.
L'œuvre doctrinale du xvii» siècle, œuvre qui domine
toute la constitution des sciences modernes, et qui pèse
si lourdement sur elles, consiste en ce fait capital que,
tandis que dans les sciences anciennes les lois de tout
mouvement étaient cherchées dans les causes ; aujour-
d'hui, dans les sciences modernes, ces lois ne sont re-
cherchées que dans leurs effets.
La métaphysique était le fondement des sciences jus-
qu'au xvne siècle. Au contraire, la science nouvelle
prendra soin de rejeter toute métaphysique et de se
constituer sur l'expérimentation. La révolution fut ra-
dicale, et, suivant moi, profondément regrettable. Pour
échapper à des abus qu'on ne peut nier, on est tombé
dans des fautes opposées non moins dangereuses.
Lors de la rénovation des sciences, après le grand
TOME XXXII. — AOUT 1870. 0
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82 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
cataclysme où le monde ancien gréco-romain fut en-
glouti, c'est la vérité religieuse qui fut le salut du monde
nouveau, son ancre, sa lumière, son guide dans l'in-
stauration de cette grande civilisation qui allait naître.
Gela fut, et il n'en pouvait être autrement. Quand
l'homme sent tout crouler autour de lui, c'est à la vé-
rité religieuse qu'il se rattache comme à sa dernière
ressource; et le monde gréco-romain le montra bien
lui-même au moment de périr, car c'est alors que le
paganisme eut sa plus grande effervescence. Que
l'homme y consente ou non, c'est une loi fatale de sa
nature, parce que c'est une loi de cause à effet, qu'il faut
commencer et finir avec Dieu.
Les sciences qui allaient émerger du monde nouveau
allaient donc émerger du christianisme, se dé9envelop-
per et s'épanouir avec lui. La théologie ouvrait inévi-
tablement la marche, comme la colonne lumineuse en
tète des Hébreux menés par Moïse. C'est elle qui jetait
le premier éclat, et qui, du phare élevé sur lequel elle
dominait, projetait ses rayons sur l'ensemble de toutes
choses, et dévoilait aux yeux des générations nouvelles
l'ordre et l'enchaînement de toutes les lois de ce
monde. C'est donc elle qui constituait la conception
doctrinale de toutes les sciences, en posant la connais-
sance de leurs lois sur la connaissance des principes,
c'est-à-dire sur la conception de l'ordre métaphysique
ou étiotogique. Pour elle, tout effet déroule de sa cause,
et la cause est proprement le fondement de la science.
Depuis le iv* siècle de notre ère, où elle commença vrai-
ment son travail, souvent interrompu, jusqu'au xive siè-
cle, où son œuvre put être considérée comme achevée
dans ses lignes principales , elle consacra ainsi neuf à
dix siècles à bien poser la doctrine métaphysique des
causes.
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 83
Ce travail étant accompli sur les hauteurs, il devenait
juste de descendre dans les vallées, à la recherche des
faits particuliers qui devaient constituer, sous la haute
tutelle théologique, toutes les sciences de détail. Et on
s'explique ainsi comment tous les siècles, ayant été
consacrés à former le peuple nouveau, à le civiliser en
adoucissant ses mœurs, en rectifiant son esprit et son
cœur, en lui préparant les principes lumineux de son
travail ultérieur, un temps nouveau devait venir où ce
peuple allait voler de ses propres ailes. A partir du
xive siècle, ce monde chrétien ressemble à un adolescent
qui. ayant achevé son catéchisme, s'élance dans la vie.
Après l'éducation, le travail d'expérience commence.
Certes, il était désirable que cette jeunesse, comme
affranchie, gardât pour lemoinsles principes supérieurs
et les plus essentiels, qu'elle venait de recevoir par en-
seignement. Un instant il y eut doute, pendant le
XIVe siècle. Mais, dès le xve, la jeunesse montrait ce
qu'elle allait être : non pas seulement affranchie de
sa tutelle, mais révoltée contre elle. Au xvi6 siècle, le
mouvement insurrectionnel est partout ; partout il s'agit
de réformateurs, comme nous l'avons vu. Quelques con-
servateurs luttent encore ; il y en aura toujours un petit
noyau. Quelques autres tentent des conciliations. D'au-
tres esprits, plus nombreux, emportent le mouvement,
rejettent décidément loin d'eux les conceptions scienti-
fiques antérieures, et prétendent concevoir tout l'ordre
des sciences, l'homme, les êtres, la matière, le monde,
avec une théorie nouvelle sur les causes. D'autres enfin
oublient toute sollicitude de ce genre, et ne s'occupent
qu'à chercher des faits par l'observation et l'expérience.
C'est là toute l'équipée du xvie siècle.
Comme le xvnc siècle commence, le nouveau mouve-
ment scientifique est en marche pour s'accentuer plu»
84 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
nettement encore. Toute autorité, toute antiquité, tout
enseignement des temps passés, et en particulier l'auto-
rité religieuse, sont mis hors la loi sur le terrain scien-
tifique. La science sera dès lors absolument affranchie
de son ancienne tutelle; elle fera son œuvre à côté de
la religion, en dehors d'elle, et tout en la respectant,
dit Descartes; loin d'elle et môme contre elle, disent
quelques autres. Et, par un malheur à jamais regret-
table, voilà que, sur un point où l'autorité religieuse se
croit atteinte, celle-ci môme vient faire échec à la science
nouvelle et la condamne. En 1622, Galilée, condamné,
personnifie toute cette science nouvelle à peine ébau-
chée, et comme rejetée avant d'avoir grandi. L'activité
brouillonne et intempérante du vieillard entêté, peut-
être aussi la rigueur étroite et maladroite de ses adver-
saires, furent une pierre d'achoppement où vint se briser
pour longtemps l'union de la science et de la religion,
union qui ne tenait d'ailleurs plus qu'à un fil. Ce déchi-
rement, à jamais regrettable, était la scission profonde
opérée pour longtemps entre la métaphysique et les
sciences de détail.
Alors, deux courants d'esprit se formèrent; dans l'un,
on voulut essayer de nouvelles théories causales avec
les nouveaux faits, et c'est ainsi que diverses doctrines
médicales prirent naissance; dans l'autre courant, on
ne voulut plus môme entendre parler des causes, et on
prétendit ne plus vouloir connaître, dans les sciences
physiques et mathématiques, que les lois des phénomènes.
Descartes nie les causes formelles et efficientes et fina-
les; il ne veut plus reconnaître que de la matière
et du mouvement; la matière, c'est Y étendue; le mouve-
ment, c'est la force. Bacon fait profession de rejeter
l'ancienne doctrine des causes, et de ne vouloir accepter
que les lois tirées des inductions; mais, en réalité, il
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 85
ne se gêne g-uère pour occepter des formes et des causes
diverses qu'il entend à sa manière. Gassendi, cepen-
dant, proclame les atomes comme principes de toutes
choses. Descaries semble les réfuter, mais il y touche
et enfante à leur profit sa théorie des tourbillons ; c'est
l'ancienne doctrine d'Epicure qui renaît, sous prétexte
de ne plus vouloir que du nouveau. Ce même Descartes
sent qu'il faut bien remplacer la doctrine des causes
finales, si on veut s'en débarrasser; il invente la théorie
des causes occasionnelles, soutenue par Geulinx et par
Malebranche, et il accepte des esprits vitaux, qui sont
une réminiscence du galénisme. Leibnitz, à son tour,
invente la théorie de la monade, qui doit tout remplacer,
forme, matière, puissance, mouvement, étendue; il s'en
repent, il est vrai, sur ses vieux jours, en écrivant à
Arnaud, à qui il confesse qu'on a eu décidément tort
de rejeter l'ancienne doctrine scolastique, et qu'il y fau-
drait revenir (4). Newton, cependant, s'avance enfin
pour joindre le xvn* siècle au xvm\ et proclame que la
matière seule ne peut tout expliquer, qu'elle est mue par
des forces diverses qui lui donnent une sorte de vitalité,
la pesanteur, la lumière, l'affinité et les forces répul-
sives. En même temps, Stahl assure que la chaleur est
un principe particulier; et de la machine d'Otto de Gœ-
ricke (inventeur de la machine électrique) sort une re-
vendication en faveur d'une force nouvelle.
En médecine, où il s'agit de connaître et d'expliquer
I homme vivant, sain et malade, nous trouvons un re-
tentissement de tous ces courants de l'esprit scientifique.
II ne s'agit plus, bien entendu, d'appliquer à cette
science l'ancienne métaphysique; la scolastique est aussi
bien repoussée que l'hippocrato-galénisme, plus même
(1) Voir les Noutêtla Litlres de Leibnitz, publiées par H. Foucber
de Careil.
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80 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
encore, sauf chez quelques retardataires encore incon-
nus. Un petit nombre s'applique encore à commenter
les anciens, mais sur les détails seulement; quelques-
uns tentent une dernière conciliation. Le spécificisme,
né de la grande révolte théosophique des xv° et xvi° siè-
cles, va finir dans une sorte de kabbalisme , ou se ral-
lier soit à la chimie, soit à la physique, sciences nou-
velles. C'est de ces sciences que vont surtout naître les
doctrines nouvelles : l'iatro-chimie et l'iatro-mécanique.
Enfin, va poindre une restauration de l'idée de force
associée à l'idée de matière, sorte de vitalisme d'abord
mal défini et multiple dans ses apparitions, qui prépa-
rera la transition du xvnc au xvnf siècle.
Le xvii" siècle est vraiment la suite du xvie; c'est la
suite d'un égarement dans lequel on s'est séparé de la
métaphysique, fondement obligé de toute doctrine scien-
tifique générale, et où on cherche dans des voies di-
verses, loin de la seule vraie, ce qu'on ne peut rencon-
trer. Les efforts furent grands, sans doute, et souvent
récompensés dans les détails, mais impuissants quant
au but principal.
Expliquons les cinq courants auxquels on peut donner
le nom d'écoles, et qui se partagent la médecine dans
le siècle que nous examinons : hippocrato-galénistes et
conciliateurs, iatro-théosophie, iatro-c/iimie, iatro-mécaniçue,
iatro-vitalisme. Mais comme il est à peu près impossible
de comprendre ces trois derniers courants sans com-
prendre Van-Helmont, Ûescartes et Leibniiz, qui les
dominent, nous ferons précéder leur étude de celle de
ces grands hommes.
I. HlPPOCRATO-GALENISTES, CONCILIATEURS, HISTORIENS,
institl'taires. — Un petit nombre de médecins s'attachent
à faire revivre les anciennes doctrines; quelques-uns les
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 87
commentent ou s'y rattachent. Sanctorim écrivit un vo-
lumineux ouvrag-e sur la théorie élémentaire des an-
ciens : c'est le môme qui passa quarante ans de sa vie à
se peser plusieurs fois par jour, et qui écrivit ce curieux
et intéressant opuscule sur la statique du corps humain,
livre que les curieux aiment à posséder, et qui mérite-
rait d'être lu par un grand nombre. — Ponce de Santa-
Cruzy professeur à Valladolid, soutint lé système galé-
nique.—S/M/ww, G. Hoffmann, Marinelli et Schelhamner
se rallièrent plus particulièrement au principe d'Aris-
tote. —Rodericus Caslrensisel P. Martian commentèrent
Hippocrate; le livre de ce dernier, surtout, in Aphoris-
mis, est plein d'intérêt pour la médecine pratique, et a
joui justement, pendant très-longtemps, d'une grande
considération ; il est, avec les ouvrages de Houllieret de
Duret, du xvie siècle, dont nous avons parlé, de ceux
qui méritent d'être encore parcourus. — Zacutus Lusitanus,
juif portugais, qui vint ensuite s'établir à Amsterdam
(1575-1642). On vantait beaucoup son De medicorum prin-
cipium historia, in-folio, et son Praxis medica-admiranda,
in-folio. Le premier de ces deux ouvrages est un des
premiers essais sur l'histoire de la médecine. — Van der
LÀnden (4609-1664) est aussi connu pour son De scriptis
medicis, 1637, et sa Medicinaphysiologica, 1653.
C'est parmi ces amateurs de l'antiquité que nous
voyons commencer le souci de notre histoire; et nous
venons de citer Zaculus et Van der LÀnden, Nous pou-
vons citer aussi, comme s étant occupés du même sujet,
Strobeberger> Barchausen, Meibomius, Rivinus, qui précé-
dèrent Uaniel Lecierc et Mange t, dont les œuvres illustrè-
rent la fin du xvii* siècle.
L' Histoire de la médecine, par Daniel Lecltrc (1652-
1728), s'arrête malheureusement après Galien : c'est le
livre le mieux fait et le plus sûr pour toute la médecine
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88 HISTOIRE DE LÀ MEDECINE.
ancienne; il dépasse de beaucoup tout ce qu'on a fait
depuis, bien que, sur certains points, les doctrines an-
ciennes ne soient suffisamment nettes. Manget (1652-
1742) a écrit des liibliothèques, sortes de compilations sur
ïanatomie, la chimie, la praxis médira, la chirurgie, la
médecine pharmaceutique et les écrivains de la médecine,
qu'il donna successivement à la fin du xvn* et dans le
commencement' du xviu* siècle. Ce sont de vastes ré-
pertoires un peu confus, mais qui contiennent une
quantité de renseignements, et qu'il est utile de con-
sulter quand on veut entrer dans le détail de l'histoire
des maladies, des médicaments ou des opérations.
Chose singulière, c'est dans ce siècle, où l'antiquité
est si fortement attaquée, que René Chartier (1572,
1654) donna cette grande collection in-folio des Œuvres
d'Hippocrate et de Galien, qui a passé longtemps pour la
meilleure de toutes les éditions ; œuvre que son auteur
ne put voir finir de son vivant, et que la Faculté de
Paris se chargea d'achever à ses frais.
Parmi ceux qui, se rattachant principalement aux
anciens, faisaient cependant des concessions aux idées
nouvelles, nous devonsciter : — Sala, de Vienne, qui s'ef-
força d'épurer fes théories de Paracelse en en élaguant
les exagérations opiniâtres et magiques. — H. Jjivater
tenta de prouver que les galénistes se servaient, depuis
longtemps , des remèdes chimiques — /. Hartmann, de
Bavière, était paracelsiste, mais il joignait à ses théo-
ries des explications galéniques. — Poterius, Minderer,
Werner Bolfinck,A. Mynsicht, alliaient aussi Paracelse à
Galien, et se servaient des médicaments chimiques. —
Varandé, Sennert, Laz. Rivière, voulaient une concilia-
tion, quoiqu'ils fussent plus particulièrement attachés
à la médecine ancienne en leur qualité d'institutaires.
— Baglivi, enfin, que nous citerons plus loin comme un
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 89
des chefs du nouveau vitalisme, était tout antique par
ses dogmes, et faisait profession de conciliation avec la
chimie. Mais Baglivi appartient à la transition du xvn*
au xvni* siècle.
Nous devons mettre à part les institutaires de cette
époque, ceux qui, suivant les traces que leurs devan-
ciers du xvie siècle, Fuschs, Fernel et Mercado leur
avaient tracées, entreprirent de bien montrer la consti-
tution générale de la médecine. Il en est sept surtout,
dans ce xvn* siècle, que nous devons citer : Varandé,
Sennert, Laz. Rivière, Beverovichts, Plempius, Waldschmitt
et Ettmuller.
J. Varandé, ou Varandeus, était de Nîmes, et fit ses
études à Montpellier, où il devint professeur; né en
1560 environ, mort en 1617. Son principal ouvrage
paraît n'avoir été publié qu'après sa mort, en 1620; il
est intitulé : Physiologia et pathologia, quibus accesserint
iractatus prognosticus et tractalus indicationibus curativis,
in-12. C'est un véritable livre d'institutes de médecine
divisé selon les quatre parties que nous venons d'indi-
quer, et que les médecins actuels de Montpellier pour-
raient revendiquer, avec raison, comme une gloire de
leur école. Ce livre, peu volumineux, est dans les idées
de Fernel.
Senneri, né en 1572, mort en 1637, était de Vittem-
berg. Il fit une grande sensation en Allemagne par son
livre: De comensu et dissensu galenicorum et peripateticorum
cwn chimicis, 1619, avec lequel il rallia sous sa grande
autorité tous les conciliateurs de son pays. Ses Institu-
tiones medicœ et de origine animarum in brutis, 1610, ont
eu un immense succès, et furent réimprimés plusieurs
fois.
Laz. Rivière, qui était de Montpellier (1589, 1655), et
qui y devint professeur, successeur de Yarandé, s'in-
90 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
spira surtout de Sennert, dont il est considéré comme
le vulgarisateur. Son Praxis medica, 1640, qui est une
sorte de nosographie en XVII livres, eut un immense
succès. Ses Instiiutiones medicœ, réimprimées dans ses
Opéra omnia, furent presque autant estimées, parce
qu'elles donnaient un résumé de Sennert dans un lan-
gage plus élégant et plus simple à la fois. 11 divise la
médecine en cinq parties : physiologie, pathologie, séméio-
tique, hygiène et thérapeutique.
J. Beverovicius, qui était à Dordrecht, et professa à
Leyde, donna son Idea medicinœ, en 1620, petit livre
in-12, elzévirien fort bien écrit et pensé, où les auteurs
anciens sont très-bien appréciés. Il comprend d'abord
des Prolégomènes, sur l'origine et les divisions de la
médecine, et où l'auteur montre qu'il était familier avec
toute la littérature ancienne. Il parcourt ensuite les cinq
parties de la médeoine : Physiologie, hygiène ou diété-
tique, pathologie, séméiotique, thérapeutique. Char-
mant petit ouvrage dont on peut faire un manuel
d'études anciennes.
Plempius était d'Amsterdam (1601, 1671). Il Ût ses
études à Louvain et à Leyde, passa en Italie, et revint
s'établir en Hollande, puis à Louvain où il mourut. Il
est célèbre pour avoir été un défenseur converti et
ardent de la circulation. Ses Institutiones, seu Funda-
menta medicinœ, 1638, qui s'intitulèrent simplement
Fundamenta medicinx dans les éditions ultérieures, sont
un livre curieux, parce qu'il montre un accommode-
ment de l'ancienne médecine avec les idées nouvelles
sur la circulation. Des deux premiers livres consacrés
à la physiologie, le second surtout est plein d'intérêt,
et le comparant à L. Kivière ou à Varandé, ou à Sen-
nert, on est vraiment stupéfait de voir les pas de géant
que cette branche scientifique a accomplis en quelques
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 91
années. Le troisième livre, sur l'hygiène, est fort court;
le quatrième, sur la pathologie, se rapproche beaucoup
de Fernel, mais est trop plein de subtilités ; le cinquième
est sur la séméiotique encore séparée de la pathologie;
le sixième contient la thérapeutique galénique et est fort
court.
Waldschmitt donna des Fundamentu medicinœ , en
1685, Lugduni Batavorum. Il était attaché au cartésia-
nisme.
J, Ettmuller naquit à Leipsic, en 1644; il y mourut
en 1683, après avoir visité, comme on le faisait à cette
époque, tous les centres européens d'instruction. Mort à
39 ans, il fut regretté unanimement, môme en France,
où il était fort goûté. Ses Instituts de médecine, traduits
en français en 1693, sont un élégant résumé de toute la
médecine de son temps, mais on y sent l'influence de
Sylvius de le Boé et de Van-Helmont. 11 contient trois
parties dans lesquelles il résume toute notre science : La
physiologie, la pathologie et la thérapeutique. Il fait de la
diététique (à peine mentionnée) une partie de la théra-
peutique, ce qui est fort juste, et fait rentrer la séméio-
tique dans la pathologie, ce qui est non moins vrai :
c'est là une vue générale très-nette et considérable
qui mérite d'ôtre expressément notée dans notre
histoire.
En résumé, pour le courant des opinions dans le
xvu* siècle, la médecine devait comprendre quatre
branches principales : La physiologie, dont Yanatomie
faisait une partie distincte; la pathologie comprenant
une étude générale de la maladie et de ses causes, et
une nosographie branche distincte ; la séméiotique qu'on
n'avait pas encore réunie a la pathologie; enfin la thé-
rapeutique, comprenant la diététique dont quelques-uns
faisaient une science séparée, {^pharmaceutique ou théra-
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92 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
peutiçue médicale (usage des médicaments), et la chi-
rurgie.
II. Iatro-théosophie ; pàracelstsme; rosb-croix. — Le
mouvement d'idées qui fut représenté par Paracelse au
xvi* siècle, était un amalgame assez singulier d'opi-
nions diverses ; il y entrait avec la théorie médicale du
spécificisme, les idées de la kabbale de Cornélius
Agrippa et autres; des aspirations païennes comme
celles de Gémisthe Pléthon ; des vues magiques et as-
trologiques émanées de l'Orient; des recherches chi-
miques mises en vogue par Basile Valentin, l'auteur de
l'antimoine. Tout cela était fort confus.
Les successeurs de ce mouvement se partagèrent en
deux courants : les uns s'adonnèrent définitivement à la
chémiàtrie, les autres entrèrent plus ou moins dans une
sorte de secte kabbaliste et magique qui finit par se fon-
der sous le nom de Rose-Croix.
Parmi ceux qui tinrent quelque temps encore l'en-
semble de la doctrine paracelsisle, on cite : — Josephe
Duchesne ou Quercetanus et Paulmier, qui prirent part à
la grande querelle de l'antimoine, dont nous parlerons
plus loin; — Oswald Croll, qui était de laHesse et y faisait
bruit; — Roch Bail/if de la Rivière, dont le roi Henri IV
avait fait son médecin à Paris.
Le courant kabbaliste avait rallié d'une part les
francs-maçons, sortes d'illuminés qui avaient fait secte en
ralliant eux-mêmes les débris des Albigeois auxiv* siècle,
et qui paraissent s'être constitués après la chute des
Templiers; d'autre part, des anabaptistes du xvi' siècle,
et les chercheurs de la pierre philosophale, les astrologues,
les abstracteurs de quintessence, les adeptes du grand
œuvre, les invocateurs d'esprits. Chrétien de Rosenkreatz,
philosophe allemand du xvi* siècle, sur lequel on n'a
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 93
que des données fort vagues, aurait réuni tous ses élé-
ments dans un seul groupe auquel il aurait donné son
nom. Ce qui paraît de plus certain, c'est qu'un nommé
Nicolas Barnaud aurait parcouru la France et l'Alle-
magne vers 4591, pour fonder une secte hermétique à
la recherche du grand œuvre, et que les adeptes s'oc-
cupaient d'apparitions mystérieuses ; que dans le livre
l'Echo de la Société des illuminés du respectable ordre des
frères r f c, il est dit que la Société fut instituée vers
1597; et qu'enfin l'histoire constale qu'on n'entendit
parler vraiment de la secte des Rose-Croix^ que vers
1610 ou à peu près.
Ce qu'on sait de cette secte, d'après le livre de la Fama,
se réduit à ceci : les adeptes devaient tenir sous secret
l'existence môme de leur société, au moins pendant un
siècle, ce qui a fait penser que la secte devait être an-
cienne quand on commença d'en parler; ils devaient
faire publiquement profession d'être médecins et prati-
quer ostensiblement ; tous les ans une assemblée géné-
rale devait les réunir tous dans la chapelle du Saint-
Esprit, {)our la fête du grand-maître; un grand zèle
était recommandé pour multiplier les adhérents. Ils
croyaient à la lin du monde prochaine, faisaient état de
mépriser toute espèce d'étude, et soutenaient que toute
science devait dériver exclusivement de la Bible. Enfin,
ils assuraient avoir le privilège de ne jamais tomber
malade, et posséder, par la vertu de la croix, le pouvoir
de guérir toutes les maladies.
On cite, comme ayant été attachés à celle secte :
Thomas Campanella, philosophe, médecin de la fin du
xvi' et du commencement du xvii* siècle ; il professait
une sorte de panthéisme qu'il exposa dans la Cité du
SoltiL son principal livre. II admettait deux causes,
l'une spirituelle, venue de Dieu, et participant à la divi-
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94 HITOIRE DE LA MÉDECINE.
nité; l'autre matérielle, ou esprit vital, né des molécules
matérielles; ce qui veut dire, qu'il partageait les idées
d'Averrhoës. - Valentin Andréac, de Wurtemberg1, eut la
plus grande part à la diffusion de la secte. — Valentin
Weiqel de Schemnitz, Égide Gutmann de Souabe, Jules
Spuber, J. Gramann , H. Kunrath ont été remarqués
comme disciples. — Robert Flt/dd en fut le plus célèbre
représentant en Angleterre, avec Kenelm Bigby, qui
passait pour pouvoir préparer un remède universel, ca-
pable de prolonger la vie éternellement. — Descartes,
lui-même, fut un instant un disciple de la secte, et on
pense que c'est pour s'y associer qu'il fit son premier
voyage d'Allemagne.
Il est certain que, dans le xvie et le xvn' siècle, on
s'occupa beaucoup de magie et de sorcellerie, surtout à
la suite des anabaptistes, et que ce fut comme un eni-
vrement universel quand on eut fait courir le bruit qu'en
Allemagne un enfant était né avec une dent d'or. 11 pa-
rut vers ce temps un grand nombre de livres de sor-
cellerie, ou sur les procès qui en furent la suite. Parmi
tous les auteurs qui s'occupèrent de ce sujet, on peut
citer comme les principaux : Jérôme Menghi de Via*
dana ( Compendio delT arfe esorcistica , e possibitita délie
mirabili e stripendi operazioni doit demoni e de malefici; con
li remedi opportuni aile infernita malifici, etc., 1550). C'est
un des plus amusants. — Jehan Wyerus {De prœstigiis
dœmonum et incantationibus ac veneficiis, libri VI; Bàle,
1564). C'est un des plus importants de ceux qui ont nié
la réalité de la magie et de la sorcellerie. — C. Cêsalpin
(Dœmoniwn investigatio peripatetica, in qua expficatur loctis
Hippocratw, si quid divinum in morbis habetur ; Florence,
J580). — Martin del Rio (Disquisitionum magicantm,
libri VI; plusieurs éditions, Lyon, 1612, in-4"). Il est
l'opposé de J. Wyer, et on lui a justement reproché trop
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 95
de crédulité. — Fréd. Spée (Cautio criminalis ; 1630).
C'est celui qui dévoila le mieux les abus de certains pro-
cès de sorcellerie, et qui amena les cours criminelles à
la douceur, en montrant qu'il y avait dans tous ces faits
plus d'hallucination que de malice.
Nous verrons les suites de cette question au siècle
suivant.
F. Frédault.
— La raile au prochain numéro. —
PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE
ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION
Ce travail a pour objet la recherche et l'étude expé-
rimentale des faits qui se rattachent à la privation com-
plète d'aliments solides et liquides et à l'alimentation
insuffisante.
Laissant de côté les observations nombreuses, mais
trop souvent erronées des auteurs anciens, nous nous
adresserons surtout à la physiologie et à la pathologie
expérimentales pour élucider la question que nous
voulons étudier.
Redi a fait des expériences variées pour connaître la
durée de la vie chez les animaux privés d'aliments.
Haller a relaté dans ses Éléments de physiologie quelques
observations curieuses d'abstinence prolongée. De Sa-
vigny a publié une relation scientifique sur les naufragés
de la Méduse (Des effets de la faim et delà soif; Paris, 1818).
Hebray a montré dans une excellente thèse l'influence
de l'alimentation insuffisante sur l'économie animale
[Thèses de Paris^ 1829). Des études expérimentales ont
été faites par Magendie, Tiedemann et Gmelin, Dumas,
de Beaumont, sur les modifications des fluides digestifs
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96 PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
pendant la privation d'aliments. Collard de Martigny,
Denis, Lecanu ont étudié la composition du sang- et de la
lymphe sur les sujets inanitiés. MM.V. Régnaultet Reizet
ont noté les phénomènes respiratoires au point de vue
chimique (Annales de chimie et de physique, 3* série,
t. VIII et XXV). Citons aussi les mémoires de Pommer
(Medic. chintrg. zeitung, 1828), Rolando et Porto-Gallo
(Necropsia di anna, etc.; Turin, 1828), de Desbarreaux qui
rapporte l'observation de Granié, mort de faim volon-
tairement dans les prisons de Toulouse en 1831, de So-
viche qui a soigné huit mineurs engloutis pendant
136 heures dans les mines de Bois-Mouzil (Annales d hy-
giène et de médecine légale, 1836). D'autres auteurs se sont
occupés de l'inanition au point de vue de l'hygiène
et de la thérapeutique; nommons Andral, Roslan,
MM. Piorry, Bouchardat, Payen, Boussingault, Mar-
rotte, Duriau, Bouchaud, Fonssagrives. C'est a Chossat
que la science est redevable du travail le plus impor-
tant sur l'inanition, travail qui a obtenu le prix de
l'Institut en 18il (Recherches expérimentales sur T inanition,
in-4°; Paris, 1843).
A l'aide de ces divers documents qui traitent chacun
quelques parties de cette vaste et intéressante question,
et avec nos expériences personnelles faites pour con-
trôler les faits déjà connus, nous espérons pouvoir pré-
senter une étude assez complète de la mort par ina-
nition.
Nous étudierons d'abord les effets de l'abstinence
complète et de l'alimentation insuffisante : 1° sur les
fonctions et les liquides organiques; 2° sur les organes.
Ensuite nous traiterons de la durée de la vie, de la cause
de la mort chez les inanitiés, et enfin du réchauffement
artificiel, comme moyen de ramener à la vie des sujets
sur le point de succomber.
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étude sur la mort par inanition. 97
A I exemple de Cliossat, nous nous servirons du mot
inanitiation pour exprimer le passade graduel et succes-
sif du corps à un état qui n'est réellement de l'inanition
que lors de sa terminaison. L'inanition, à proprement
parler, n'est que la fin de l'inanitiation.
CHAPITRE PREMIER.
DES EFFETS DE L'ABSTINENCE COMPLÈTE d' ALIMENTS SOLIDES
ET LIQUIDES SUR LES FONCTIONS ET LES LIQUIDES OR-
GANIQUES.
Pour montrer l'influence de liiianiliation sur les prin-
cipales fonctions, nous n'interrogerons guère les an-
nales de l'histoire qui rapportent avec exagération les
observations de naufragés, de mineurs, d'assiégés, etc.,
qui ont enduré la privation d'aliments. Nous citerons
les quelques fdits qui porlent le cachet de la science mo-
derne. Ce sont surtout nos expériences qui serviront de
hase à notre travail. Ces expériences ont porté sur
48 mammifères (cochons d'Inde, lapins, chats, chiens)
et sur quelques oiseaux (poules, pigeons). Elles ont été
variées. La plupart des sujets ont été complètement
privés d'aliments solides et liquides; quelques-uns ont
eu seulement de l'eau pour boisson, sans aliments ; en-
fin, nous en avons laissé périr d'autres en les nourris-
sant d'une manière insuffisante.
I
Des effets de l'abstinence complète sur la digestion.
La sensation de la faim, sexaspérant dans les pre-
miers jours, devient excessivement pénible. Elle prend
le caractère d une douleur atroce, d'une véritable tor-
ture. « Il semblait, dit de Savigny., qu'on m'arrachait
l'estomac avec des tenailles. Les souffrances sontintermit-
tentes, elles s'accompagnent souvent de borborygmes
TOME XXXII. — AOUT 1870. 7
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98 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
« J'entends un vacarme horrible dans mon ventre, •
écrivait un négociant qui, à la suite de mauvaises af-
faires, se laissa mourir de faim dans un bois. Les tour-
ments occasionnés par la faim diminuent peu à peu et
finissent par être tout à fait nuls.
Cependant, dans certaines conditions, la faim ne
cause pas de sensation pénible. Les mineurs de la houil-
lère du ttois-Mouzil n'éprouvèrent point les aiguillons
de la faim. Mais, selon Soviche, l'explication de ce phé-
nomène est assez facile : « Au milieu de l'air vicié et
humide dans lequel ils vivaient, tous les organes per-
daient de plus en plus leur énergie vitale ; le cœur ne
chassait qu'avec peine le sang* vers les extrémités; la
transpiration devenait nulle. Les fonctions de la vie
ayant ainsi moins d'activité, le besoin d'assimilation ne
pouvait se faire sentir avec force et l'irritabilité de l'es-
tomac était pour ainsi dire assoupie. »
Dès le début, presque tous nos animaux étaient, la
plus grande partie du temps, agités et bruyants, et nous
étions forcés de leur inciser quelques anneaux de la
trachée pour ne plus entendre leurs cris. Quelques-uns
restaient sombres et abattus. Ce qui indique que les
souflrances de la privation d'aliments ne se font pas
sentir chez tous de la même manière.
En général, la soif n'est pas très-vive. Deux chiens
et trois chats ont eu de l'eau à discrétion. Ils en pre-
naient fort peu pendant toute la durée de l'inanitiation.
Chossat a noté la même particularité chez les oiseaux.
De sorte que l'on peut dire que la privation d'aliments
était à peu près la sensation de la soif. Les angoisses de
la soif lurent totalement inconnues des mineurs; ils
avaient à leur disposition une eau très-pure et ils ne
songèrent à aller boire que le quatrième jour de leur
emprisonnement.
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 99
Les expériences de Magendie, Tiedemann et Gmelin,
de Beaumont , confirmées depuis peu par celles de
MM. Blondlot, Bouchardat et Longet, ont prouvé que
la sécrétion du suc gastrique n'est abondante qu'en
présence de l'aliment ou d'un corps qui le stimule,
qu'elle devient de plus en plus rare à mesure que le
jeûne se prolonge, et finit par ne plus avoir lieu.
Pendant les premiers jours d'abstinence, l'estomac et
l'intestin grêle se livrent à une espèce de travail sur les
fluides sécrétés par les glandes de l'appareil digestif, sur
le mucus, sur les sucs gastrique et pancréatique, sur
la bile. Peu à peu ces organes cessent de se mouvoir;
ils n'exécutent plus leurs mouvements péristaltiques et
anti-péristalliques ; devenus vides, ils se resserrent et
diminuent de volume. Les membranes muqueuse et
cellulo-fibreuse forment des replis nombreux. L'estomac
s'anémie en l'absence de l'excitation digestive. Le dia-
mètre de l'intestin va s'amoindrissant. Ces faits s'ob-
servent facilement sur des chiens à fistule épigastrique.
Quand un animal est resté plusieurs jours sans man-
ger, la faculté digestive est presque abolie, et si on lui
donne tout d'un coup une nourriture trop forte ou trop
abondante, il en résulte des vomissements et de la diar-
rhée qui l'enlèvent promptement. A une époque plus
avancée de l inanitiation, le besoin d'aliments est tout
à fait anéanti ; présentez de la nourriture à l'animal, il
n'en fait aucun cas. C'est ce que l'expérience a prouvé
chez les naufragés de la Méduse, c'est ce qui résulte
aussi des faits de Chossat et des nôtres. En effet, poui
digérer une notable quantité d'aliments, il faut du suc
gastrique, et de plus, il faut que la masse du sang soit
assez considérable pour fournir cette sécrétion.
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100
l'IIYSlOUXillî EXPÉRIMENTALE.
II
Des effets de l'abstinence complète sur l'absorption.
Quand l'animal est complètement privé de nourri-
ture, il devient autophage. II faut, pour que la vie se
continue, que le corps fournisse sa propre substance,
qu'il donne en albumine, en fibrine, en graisse, en sels,
en liquides organiques, une certaine quantité d'azote,
de carbone, soit pour subvenir aux pertes, soit pour
subir, par l'hématose, l'action de l'oxygène. L'absorption
doit conserver son activité pendant que les autres fonc-
tions languissent; elle doit puiser dans les différentes
parties de l'organisme les matériaux pour l'entretien et
la conservation.
Magendie et Collard de Martigny ont constaté qu'a-
près quelque temps d'abstinence, un ou deux jours seu-
lement, les vaisseaux chvlifères contenaient encore une
petite quantité d'un liquide d'une teinte jaunâtre, d'un
aspect lactescent, offrant toutes les propriétés du chyle.
Ce fluide, qu'on rencontre également dans le canal tho-
racique, paraît être le chyle provenant de la digestion
des sucs sécrétés par l'appareil digestif. Il lient en sus-
pension des cellules à noyau (globules du chyle) des
corps granuleux et des hématies. Il renferme de l'albu-
mine, de la fibrine, de l'urée et se coagule en un caillot
gélatineux, au bout de quinze minutes qu'il est sous-
trait a l'action vitale.
Quand l'abstinence se prolonge au delà de trois ou
quatre jours , les vaisseaux chylifères sont dans les
mêmes conditions que les vaisseaux lymphatiques; on
les trouve parfois remplis de lymphe, d'autres fois
presque vides.
Ce sont les liquides organiques qui sont d'abord ré-
sorbés; puis, le tissu adipeux des orbites,des joues, des
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ETUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 101
épiploons, sous la peau, dans les muscles et jusque
dans les os; puis, le tissu musculaire qui supporte la
plus grande partie de la perte du poids du corps. Quant
à l'épiderme, aux ongles, aux tendons, ils ne paraissent
guère diminuer par la résorption. Mais un fait qui doit
particulièrement fixer l'attention, c'est que le système
nerveux ne perd presque rien de son poids. Nous re-
viendrons plus loin sur ce résultat.
Quand un animal est soumis à l'inanitiation, on re-
marque que les produits morbides et accidentels, étant
de formation récente, et n'ayant par conséquence que
peu de vitalité, disparaissent bientôt : ainsi, dans les
vieux ulcères, les bords calleux s'affaissent, les éruptions
pâlissent , se dessèchent, se couvrent de croûtes qui
tombent; les papules et tumeurs diminuent et finissent
pas s'effacer ; le pus ne se renouvelle plus sur les plaies.
On a vu plus d'une fois des épanchements séreux dans
une grande cavité se résorber promptemenl.
Collard de Martigny s'est spécialement occupé des
effets de l'abstinence complète sur la lymphe; ses ré-
sultats ont été corroborés par les expériences de Ma-
gendicet de M. Bouchardat. Selon ces éminents obser-
vateurs, la lymphe augmente progressivement pendant
la première période de la diète. Alors on en trouve
dans tous les vaisseaux lymphatiques du tronc, des
membres et du cou; le canal thoracique en est rempli,
et le système entier paraît turgide.
En même temps qu'il augmente de quantité, ce fluide
devient plus visqueux et plus opalin; son odeur est
plus fortement spermatique et sa couleur prend une
teinte rose plus prononcée. Il se prend promptement à
l'air en un caillot très-dense, volumineux, offrant des
filaments rougeâtres, imitant, par leur disposition, des
arborisations irrégulières.
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102 PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
Dans la deuxième période, la quantité de lymphe
diminue peu à peu, le canal thoracique en contient
moins; son odeur n'est plus aussi forte, sa coloration
pâlit de jour en jour, de rosée devient jaunâtre.
La lymphe ne se trouve plus, à Ja troisième période,
qu'en très-petite quantité dans le canal thoracique ; elle
est alors d'un blanc jaunâtre, transparente, sans odeur,
séreuse et se coagulant difficilement ; le caillot est mol-
lasse, sans arborisations. Le dernier jour de la vie, la
lymphe n'est plus coagulable.
III
Des effets de l'abstinence complète sur la circulation du sang
et sur sa composition.
La circulation du sang, pendant les deux ou trois
premiers jours de l'inanitiation, ne se modifie pas d'une
manière sensible. Plus tard, le pouls prend presque tou-
jours de la fréquence; il s'élève môme de 100 à 120 pul-
sations à la minute. Nous avons constaté l'accélération
du pouls sur tous nos animaux. Il n'existe cependant
pas d'état fébrile, car la chaleur de la peau n'est pas
augmentée. Quelques jours avant la mort, les batte-
ments du cœur se ralentissent et s'affaiblissent progres-
sivement: le pouls devient petit, dépressible, tombe à
40 et même à 35 pulsations. Chez Granié, l'artère ra-
diale ne donnait plus que 37 battements à la minute.
L'auscultation permet de constater, dans le cours de
l'inanitiation, que le choc du cœur contre les parois
thoraciques est faible, qu'il existe des bruits anormaux
(bruits de souffle, de scie, bruits musicaux). La percus-
sion indique que le volume du cœur est moindre qu'à
l'état physiologique.
Le sang s'use par l'abstinence, sa masse diminue de
beaucoup. Haller et Hufeland avaient déjà noté l'ab-
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KTUDB SUR LA MORT PAR INANITION. 103
sence de sang* dans les gros vaisseaux chez les indivi-
dus qui succombent par défaut d'alimentation. Pour
étudier ce fait expérimentalement, et démontrer que la
diminution a lieu d'une manière progressive, nous avons
pris cinq lapins de la même portée et à peu près du
même poids ; deux ont été sacrifiés par la section de
l'artère crurale, et leur sang" a été recueilli et pesé avec
soin ; les autres ont été tués de la môme manière et à
différentes époques de Tinanitiation, et leur sang* a été
de même recueilli et pesé. Remarquons que nous n'a-
vons pas, par ce moyen, la quotité totale du sang*, car
il en reste toujours dans le cœur et les gros vaisseaux.
Voici les résultats :
PENDANT L'ALIMENTATION NORMALE,
Un lapin a fourni 35 gr. de sang.
Un autre » 33 »
PENDANT L'INANITION,
Un 3* a fourni 20 gr. de sang au quatrième jour.
Un 4e » 14 » au septième jour.
Un 5* » 12 » au onzième jour.
Si nous interrogeons un de nos tableaux subséquents,
où sont notés les résultats d'autopsies comparatives
faites sur des animaux asphyxiés à l'état physiologique
et des sujets à l'état d'inanition, ayant eu tous à peu
près le même poids à l'état de santé, nous trouvons :
QUANTITE DE SANO A L ETAT PHYSIOLOGIQUE :
Poids du corps. Foids du sang.
Lapin 2540 gr. 95 gr.
Chat 2000 84
Chien H 5 12
Chien 5200 160
QUATITÉ DE SANO A L'ÉTAT D'iNANITION :
Poids initial du corps. Poids final. Poids du sang.
Lapin n° 6 2490 gr. 1316 gr. 43 gr.
Chat n» 7 2530 1 545 38
Chien nM 102 81 6
Chien n" 4 2203 1260 32
Chien n° 5 4910 2960 86
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101 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
Chossat a trouvé que, quand la mort arrive par la
faim, la perte moyenne éprouvée s'élève à plus des 0,6
de la quantité normale. En général, dans l'état de santé,
le sang* égale les 0,08 du poids du corps; à l'état d'ina-
nition, il est donc réduit aux 0,04 du poids initial.
Aussi, tous les tissus qui paraissent destinés à la stase
périodique et à l'élaboration du sang*, la rate, le foie,
les poumons n'en contiennent presque plus. Dans les
derniers temps delà vie, l'appauvrissement est tel que les
incisions pratiquées dans le tissu cellulaire sous-cutané
ne laissent écouler qu'une sérosité rosée et même in-
colore.
Une observation que nous avons faite, c'est que le
système veineux abdominal se trouve gorgé d'un sang
noir; ce fait avait déjà attiré l'attention de Pommer,
Rolando et Porto-Gai lo.
De notables modilicationsse produisent dans la com-
position du sang. Il est plus fluide; la proportion d'eau
et de matières extractives augmente, et celle des glo-
bules diminue. Ce résultat, qui a été mis en lumière par
plusieurs physiologistes, est indépendant de l'usage et
de la privation des boissons.
D'après l'analyse de Denys (Recherches expérimentales
sur le sang humain, Paris, 1830), le sang d'un jeune
homme de 21 ans contenait pour 1.000 gr.,
a l'état normal :
Eau 770 px.
Globules \U
Mat. salines, çrasses, extrart. 70
Après quarante jours d'une diète rigoureuse, n'ayant
eu que de l'eau pour boisson, ce même jeune homme
fut saigné, et son sang a fourni,
a l'état d'inanition :
Eau 804,0 *r.
Globules H 1,9
Mat. salines, grasses, extract. 84,9
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION 105
M. Lecanu (Etudes chimiques sur le sang* Paris, 1837)
a fait l'analyse suivante du sang* d'une jeune fille :
a l'état normal :
Eau 787,0 gr.
Globules 132,3
Mat. salines, grasses, extraet. 80,7
a l'état d'inanition :
Eau 829,0 gr.
Globules 87,9
Mat. salines, grasses, extract. 83,1
Cette diminution de la masse du sang\ cet appauvris-
sement dans sa composition se remarquent facilement
pendant la vie. On voit les individus en état d'inanitia-
tion présenter les symptômes d'hydro-anémie : teinte
jaune couleur de cire blanche vieillie, muqueuses dé-
colorées, essoufflement, palpitations de cœur. A une
époque plus avancée, les joues prennent une couleur
rouge-brique, le nez est livide, les lèvres et la voûte pa-
latine ardoisées, les extrémités sont cyanosées. Enfin,
le sang* plus fluide a une grande tendance à rompre
la tunique des vaisseaux capillaires; de la des hémor-
rhagies par le nez ou par le tube digestif. Ces fuits ont
été observés chaque fois que. les individus ont été nour-
ris d une manière insuffisante, dans les voyages, dans
les sièges, les famines, etc. Ébray et Guislain (de Gand)
les ont notés sur des sujets inanitiés. Sur nos animaux,
nous avons vu la muqueuse buccale et surtout la voûte
palatine cyanosée le dernier jour de la vie; quelquefois
nous avons trouvé des épanchements de sang dans le
tissu cellulaire sous-cutané; dans deux cas, il y a eu
hémorrhogie intestinale.
Dr Bourgeois.
— La unité au prochain numéro. —
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106 PATHOGÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE
PATHOGÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE
MÉMOIRE SUR L'ARSENIC DANS LES NÉVRALGIES.
— SUITE ET PIK —
Enregistrons ici l'opinion de Romberg qui recom-
mande l'arsenic dans les névralgies de la cinquième,
paire. Le médicament réussit merveilleusement et rapi-
dement chez les femmes, lorsque la névralgie est liée à
un état d'irritation de l'utérus et des ovaires. Son action
est d'autant plus sûre que les sujets sont anémiques.
Dans deux cas de prosopalgie qui duraient depuis deux
et quatre ans, le médecin allemand s'est très-bien trouvé
de ce médicament à la dose de trois à cinq gouttes de
teinture de Fowler, trois fois par jour (Lehrbuch der Ner-
venkrankeiien. Berlin, 1857, t. I, p. 66).
Se fondant sur une longue pratique, Schubert, méde-
cin allemand, regarde l'arsenic dans la céphalalgie ner-
veuse et la névralgie faciale, comme bien supérieur à
tous les autres moyens proposés dans l'espèce. (Preuz.
Ver.Zeitwig,i851.)
Le docteur Schramm a eu l'occasion, de 1854 à 1858,
de suivre 195 cas de névralgies du trifacial au milieu
d'une population frappée de fièvres intermittentes endé-
miques. Le quinine et le fer ont été habituellement em-
ployés avec succès. Dans les cas rebelles et dans les réci-
dives, l'arsenic a rendu des services inappréciables; il a
agi spécifiquement contre l'inflammation chronique de
l'œil et des paupières, développée à la suite de la né-
vralgie du nerf ciliaire ou de la première branche;
mêmes résultats dans quelques cas de névralgies des
membres supérieurs, cas rebelles et chroniques; ils ont
cédé à de toutes petites doses, môme à l'administration
d'un seul grain. (Bayer, arzt. Intell, blatt. 1859.)
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MÉMOIRE SUR L* ARSENIC DANS LES NKVRALGÏES. 107
Chez une jeune personne de vingt-cinq ans, épuisée
depuis plusieurs années par une névralgie sus-orbitaire
et une leucorrhée opiniâtre, avec insomnie et anorexie,
l'arsenic fait disparaître la douleur; et en môme temps
retour du sommeil et de l'appétit. (Sabelin, Petersb.,
med. Zeitsch, 1861.)
Dietz a employé le môme médicament avec de nom-
breux succès dans la névralgie du trijumeau et princi-
palement du nerf sciatique. Le remède a surtout réussi
dans le cas de douleurs intenses, brûlantes et lancinan-
tes, avec rémissions ou intermittences, et anxiétés con-
tinuelles, le membre ne pouvant rester longtemps à la
môme place et l'œdématie aux extrémités. {Wurtemù.
corr. Blatt., 1860.)
A la suite d'un abcès à la main droite, il survient, chez
un homme de 29 ans, une névralgie dans les doigts;
quelque temps après, sciatique du côté droit, avec dou-
leurs très-intenses; après avoir employé en vain la qui-
nine, les vésicatoires, les narcotiques, etc., on admi-
nistre matin et soir un centigramme d'acide arsénieux
à prendre dans une cuillerée d'eau. Au bout de six
jours, pendant lesquels apparaissent plusieurs fois de
la diarrhée, et de légers phénomènes fébriles, les accès
étaient plus rares et plus faibles ; guérison en douze
jours. (Barella, Journal de Bruxelles, 1863.)
M. le docteur Cahen a administré l'arsenic, et toujours
avec succès, dans 65 cas de névralgies qui se décom-
posent ainsi : névralgie faciale, 35; sciatique, 8; inter-
costale, 4; épigastrique, 14; otique, 2; dentaire, 2. Dans
les deux cas de névralgie dentaire, plusieurs dents
avaient été arrachées sans aucun bénéfice. Une jeune
dame s'était fait enlever huit dents : sous l'influence de
l'arsenic, amélioration prompte et complète. M. Cahen
fait remarquer que la névralgie sciatique est celle où
103 PATHOGKNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
l'effet de l'arsenic a été le moins prononcé. Le médica-
ment a été pris à la dose d'un à 40 milligrammes par
jour. (Archives gén. deméd., sept. 1863.)
Le docteur Cahen a fait suivre dans le même recueil
ce premier travail d'un mémoire sur les névroses vaso-
motrices, mémoire plein d'explications fantaisistes, où il
attribue aux filets vaso-moteurs du grand sympathique
la congestion considérée comme effet de la névralgie.
Le côté pratique et sérieux de ce mémoire est la confir-
mation de l'excellence de l'arsenic dans les névralgies
trifaciales et autres, dans l'angine de poitrine et dans
les fièvres intermittentes (1), chose connue depuis long-
temps.
M. Isnard considère l'arsenic comme un agent curatif
de premier ordre dans les névralgies. Suivant lui, cet
héroïque médicament triomphe réellement dans les né-
vralgies anciennes, récidivées, invétérées et rebelles.
Aucun médicament ne lui est comparable, et si, à la
rigueur, les narcotiques et la quinine peuvent lui être
substitués dans bien des cas, il est ici sans égal. L'au-
teur cite à ce sujet plusieurs observations de névralgie
faciale très-intéressantes, et même de névralgie scia-
tique, tout en reconnaissant que, dans cette dernière,
l'action de l'arsenic est un peu plus lente et incertaine.
(I) I/auteur rappelle qu'il y a plus do vingt ans, dans sa thèse inau-
gurale (1816), il essaya d'établir l'existence d'un rapport entie l'albu-
minurie et l'éclampsie. Cotte idée, assez mal accueillie d'abord, ne tarda
pas à se faire adopter; elle est \ présent généralement admise ; mais,
ajoute M. Cahen, on se tait sur son origine. Il espère qu'à l'existence
des névroses vaso-motrices qu'il vient d'établir finira par se faire
accepter à son tour. — Je lui souhaite bonne chance pour celle seconde
découverte, ne croyant nullement à sa bonne fortune, pas plus qu'à la
légitimité de la première. M. Cahen se trompe complètement sur l'ori-
gine du rapport entre l'albuminurie et l'éclampsie. Ce sont Simpson et
Lever, tous les deux médecins anglais, qui ont les premiers (1840-435
signalé ce rapport, ainsi que je l'ai établi dans mon mémoire sur l'a/ou-
minurie puerpérale (1856).
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MÉMOIRE SLR LARSENIC U.\NS LES NKVRALOIES. 109
Il administre l'arsenic à la dose d'un centig'ramme en-
viron par jour, fractionné en plusieurs prises. (De far-
terne dans la pathologie du système nerveux , 1865.)
Astley Gooper a conseillé l'arsenic dans les névralgies
du testicule, Y irritable testis des Anglais. La liqueur ar-
senicale, dit l'illustre chirurgien d'Outre-Manche, m'a
paru plusieurs fois très-efficace, quand la maladie offrait
le type intermittent à périodes régulières.
Cette opinion semble confirmée par une observation
d'orchodynie communiquée au Dr Barella par le
Dr Mayer : il s'agit d'un jeune homme de trente
ans, qui était sur le point de se marier avec une jeune
dame qu'il aimait depuis longtemps. Il se trouvait tous
les soirs avec elle, souvent seul : on s'embrassait, on se
prodiguait des marques d'amour, et par suite, ce jeune
homme avait des érections qui duraient tout le temps
qu'il passait auprès de sa fiancée, qui fut toujours reli-
gieusement respectée. La suite probable de l'abstinence
pendant une excitation quotidienne qu'aucune pollu-
tion nocturne ne soulageait, fut le développement d une
orchodynie. Cette maladie résista pendant trois mois à
différents traitements très-énergiques, et fut guérie
promptement au bout de huit semaines, et radicalement,
puisqu'il n'y avait pas de rechutes sept mois après, par
la liqueur de Fowler à la dose de dix gouttes trois fois
par jour. [Barella, De t emploi thérapeutique de tarsenic,
1866, p. 209.)
Il est bien fâcheux pour les malheureux atteints d'ir-
ritable testis, auxquels messieurs les chirurgiens ont pris
la liberté d'enlever le testicule, que ces faits n'aient pas
été connus plus tôt.
Observation X.
Le nommé V..., cordonnier, âgé de 45 ans, d'un tempérament
mou et lymphatique, teint terreux et plombé, visage un peu bouffi,
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1 10 PATHOGÉNIE ET THER \PEUTIQUE.
est sujet, depuis l'âge de 15 ans, à des de maux tète rhumatismaux
qui se renouvellent et s'aggravent au moindre refroidissement , aux
changements de temps et par un travail trop assidu. Dans les der-
niers jours de décembre 1815, ayant passe plusieurs nuits auprès
d'un malade, il eut froid et fut pris d'un coryza très-intense. Dans
les premiers jours de janvier, il s'aperçut que, tous les jours, depuis
dix heures du matin jusqu'à trois heures du soir, il lui survenait une
douleur dans la région sus-orbitaire gauche. Vers les trois heures
de l'après-midi, la douleur diminuait rapidement, et disparaissait
pour reparaître le lendemain à dix heures du matin ; du reste cette
douleur était tolérable, et le malade ne s'en préoccupait que fort
peu; mais le i3, le 14 et le 15, elle devint d'une violence extrême.
Le malade la comparait à une violente odontalgic. Je lui conseillai,
comme je l'avais fait jusqu'ici en pareille circonstance, de prendre
du sulfate de quinine ; mais le malade, ayant une grande prévention
contre ce remède, me prie de lui ordonner toute autre chose. Je peu-
sai à l'acide arsénieux pour deux motifs ; premièrement, parce que,
comme antipériodique, il peut être mis presque sur le même rang
que le quinquina, et que, comme antinévralgique, il lui est certai-
nement supérieur ; secondement, parce qu'uni constitution lympha-
tique > un temt terreux et plombé, un visage bouffi et légèrement œdéma-
teux, ont été plus d'une fois pour moi un indice précieux pour l'ad-
ministration de ce remède, si souvent héroïque lorsqu'il est indiqué.
J'ordonnai dode un millième de grain d'acide arsénieux dans 150 gr.
d'eau à prendre une cuillerée à bouche toutes les deux heures. De
neuf heures du soir à huit heures du matin, le malade prit six cuil-
lerées de la potion. Le lendemain, 16 janvier, l'accès ne revint pas;
la douleur avait complètement disparu pour ne plus revenu*. Depuis
lors, j'ai rencontré souvent le malade, je lui ai parlé encore plus de
quatre mois après sa guérison ; la névralgie n'a pas reparu. A part
ses maux de tète habituels, V... se porte bien : il me témoigne de
nouveau sa reconnaissance pour le service que je lui ai rendu en le
débarrassant» d'une manière si prompte et si économique, de ses
terribles souffrances. — Ce fait nous prouve que l'acide arsénieux,
donné relativement à petite dose peut, dans certains cas, remplacer
avantageusement le sulfate de quinine dans la névralgie intermit-
tente. (Dr Pansin d'Aramon. Gazette des hôpitaux, 18C8, n»5i.)
Je ne sais si le Dr Pansin s'est inspiré des don-
nées homœopathiques, ou si, par l'observation directe,
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MEMOIRE SUR L'ARSENIC DANS LES NÉVRALGIES. 111
il est arrivé sans le savoir à formuler les mêmes indi-
cations pour l'arsenic que notre école; le fait est qu'il
est complètement d'accord avec elle, et que les indica-
tions de la constitution lymphatique, du teint terreux
et plombé, etc., et de l'anti- périodicité se trouvent à peu
près textuellement dans tous les manuels d'homœo-
pathie, comme on peut le voir du reste dans le Dr
Jahr à l'article arsenic. Voilà de plus les journaux allo-
pathiques en voie de publier des faits de guérison obte-
nus en réalité aux abords de la troisième dilution; car
le malade de M. le Dr Pansin n'a pris en tout que
six dix-millièmes de grain d'arsenic.
Que les expérimentateurs montent encore plus haut
dans l'échelle, et la question sera bientôt vidée par les
faits ; et qu'on ne dise pas que l'arsenic est un médica-
ment exceptionnel, éminemment toxique et héroïque:
L'aconit, la belladone, le phosphore, etc.. sont aussi
toxiques que l'arsenic ; ils agissent aussi bien dans les
dix-millièmes et bien au delà. Que les allopathes veuillent
bien expérimenter, et ils y verront aussi clair que pour
l'arsenic; d'un autre côté, ne nous laissons pas abuser
par les mots d'héroïcité ; un grain d'arsenic qui peut
très-bien tuer ou mettre la vie en danger n'est pas plus
héroïque qu'un grain de soufre ou de silice, qui n'ont
jamais tué personne. Soufre et silice sont tout aussi
héroïques et souvent plus héroïques thérapeutiquement
que l'arsenic, suivant les circonstances. Laissons les
mots en paix, et ne voyons que les choses. Ce que, dans
notre ignorance, nous considérons comme inerte, est
souvent ce qu'il y a de plus actif. La tradition a dit et
répété à propos des poisons : Vis maxima in minima mole
elle aurait dû ajouter : et in materia vili. Qu'il y a-t-il
déplus vil et en apparence, de plus inerte, que la poudre
de lycopode, la poudre d'écaillés d'huître ou de coquil-
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112 l'ATHOGÉNIE ET THKRAPEl TIQl E.
les d'œufs, et pourtant quelle puissance n'ont pas ces
médicaments, puissance d'autant plus grande qu'ils
sont pris à plus petite dose, in minima mole?
La puissance névralgique de l'arsenic est connue
depuis longtemps des homœopathes, accoutumés qu'ils
sont à rechercher dans l'action physiologique des mé-
dicaments l'image des maladies à traiter.
« J'ai toujours eu à me louer de l'arsenic, dit Hartmann,
quand les douleurs, affectant un seul côté ou le pour-
tour des yeux plutôt au-dessous qu'au-dessus, envahis-
saient parfois en morne temps les tempes, et qu'elles
étaient brûlantes ou lancinantes et tractives, comme
provoquées par des épingles ardentes, qu'en môme
temps les traits s'altéraient tellement qu'ils avaient
presque l'expression de la face hippocratique, symptôme
qui cessait avec le paroxysme. L'arsenic guérit encore
les prosopalgies périodiques, caractérisées par une dou-
leur lancinante, vive, profonde dans l'œil droit, qu'on
aggrave en le remuant, ainsi que celles qui débutent
par des douleurs déchirantes, tressaillantes dans les
dents, qui réveillent avant minuit, se propagent sur la
tempe droite et sur tout le côté de la téte, et deviennent
tellement violentes qu elles portent au désespoir. La
rémission n'a lieu qu'après quelques heures, souvent
vers le matin seulement (Thérapeutique homœnpathique
des maladies aiyues et chroniques , art. Tic douloureux.)
Le même auteur recommande encore l'arsenic dans
la névralgie sciatique, au milieu d'un grand nombre
de médicaments utiles contre cette affection. Tictzer
conseille l'arsenic dans l'hémicranie, chez les sujets où
domine lapléthoreabdominale, et qui paraissent atteints
de maladie de foie.
D'après Black, l'arsenic convient dans la cépha-
lalgie aux personnes amaigries, atteintes de maladies
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MÉMOIRE SUR L'ARSENIC DANS LES NEVRALGIES. 113
de cœur ou des organes de la digestion ; il en a vu d'ex-
cellents résultats sur une femme qui était prise depuis
vingt ans de fortes migraines, qui lui duraient depuis
trois jours, accompagnées de violents vomissements.
« L'arsenic, dit le docteur Black, est très-utile dans la
prosopalgie ; ce que j'ai surtout constaté dans le cas de
douleurs sus et sous-orbitaires , occasionnées par
l'influenza. Le docteur Buchner, de Munich, en a cité
un cas de guérison prompte et complète : la douleur
s'accompagnait de battements limités à un petit point
sus-orbitaire , venant chaque matin et durant jusqu'à
trois ou quatre heures de l'après-midi; elle paraissait
excessive. {British. Journal of Homœp.% vol. 2.) Le doc-
teur Quin (id., vol. 4), a donné aussi une observa-
tion très-caractéristique : la douleur existait surtout
à la racine du nez et autour de l'orbite, avec sensa-
tion d'aiguilles brûlantes s'élendant jusqu'au palais.
(The Halmemann materia rnedica. pars i, arsenic, p. il).
Hering pose d'autres conditions que Hartmann : —
Arsenicum, dit-il, lorsque les douleurs reviennent pério-
diquement, et qu'elles sont d'un caractère plus spécia-
lement brûlant, piquant et déchirant, principalement
autour des yeux et quelquefois dans les tempes ; elles
sont souvent si intenses qu'elles rendent quelque-
fois le malade presque fou; grande angoisse; prostra-
tion excessive avec le désir de se coucher; sensation de
froid dans les parties affectées, augmentées par la fati-
gué, le soir, au lit ou après le repas ; amélioration tem-
poraire par la chaleur externe; c'est d'abord le côté
droit, ensuite le gauche qui est attaqué.
L'emploi de l'arsenic dans l'odonlalgie, quoique
connue des homœopathes, n'a peut-être pas été assez
mise en relief. Bœnninghausen se tait à peu près complè-
tement sur cette application. Attendu qu'il n'y a rien de
TOME XXXII. — AOUT 4870. g
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114 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
nouveau sous le soleil, la première application de l'ar-
senic dans les maux de dents remonte à Galien. Il se
prescrivait en collutoire ad crosionem et dolorem dentium
dans une décoction de racine de rumex, en ajoutant un
peu d'orpiment pulvérisé, ac liquorem ore retinendum
exhibeto (De compositione medicamentorumsecundum locos,
L 5.)
La fréquence des symptômes arsenicaux sur les dents
peut faire soupçonner à priori une grande puissance au
médicament, comme an ti-odontalgique. Depuis plusieurs
années, les dentistes américains ont recommandé et pra-
tiqué l'emploi de la pâte arsenicale sur la pulpe den-
taire, comme caustique principalement ; il est à présu-
mer que, dans un grand nombre de cas, l'usage interne
du médicament serait bien supérieur à cette application
externe qui n'est pas sans dang*er (1).
La littérature homœopathique, très-riche en affirma-
tions générales, est sobre de faits particuliers.
Godier cite un cas de g*uérison de sciatique chez un
jeune homme. Début subit; impossibilité de rester au
lit à cause de la sensation brûlante du membre ; soif
également brûlante, arsenic 30, une cuillerée toutes les
trois heures ; g'uérison en moins d'une semaine (2).
On lit dans \e Journal allemand de tlirschel (1,122), une
fort belle observation de Kafka : névralgie temporale
droite, surtout sus-orbitaire, venant depuis quatorze
jours tous les matins à sepl heures, se terminant à deux
heures, avec douleurs atroces. Femme de 35 ans, mère
de huit enfants, chlorotique et épuisée par de fréquentes
métrorrhag"ies, arsenic 6 ; une cuillerée toutes les trois
(1) En 1867, le Dr Bfassola a publié, dans le Journal de chimie médicale,
l'observation d'une dame gravement empoisonnée par l'introduction,
dans une denl cariée, d'une pâte arsenicale américaine.
(2) Bulletin de la Société de médecine homœopathique do Paris, 1. 1.
1845.
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MÉMOIRE SUR L'ARSENIC DANS LES NEVRALGIES. 115
heures; le premier accès est plus faible et plus court;
le second ne dure qu'une heure; guérison le troisième
jour. La maladie avait résisté à la quinine et à la mor-
phine administrées par un allopathe. — Dans quelques
formes de névralgies, dit le Dr Bayer, à type inter-
mittent et avec douleurs brûlantes, il semble aux ma-
lades qu'on leur passe un fil de fer tout chaud sur le
trajet des nerfs ; l'arsenic m'a rendu des services aux
6e, 12e et 30e dilutions, surtout à la 12\ {Monthly Ho-
mœop. Beview, 1867.)
La plupart des homœopathes ont insisté avec raison
sur l'arsenic névralgifuge, comme convenant surtout aux
douleurs brûlantes et accompagnées d'anxiété, indica-
tions qu'ils tirent des propriétés physiologiques de ce
médicament, propriété incontestable, comme il est
attesté par de nombreux faits ; j'en ai cité quelques-uns
dans mes éludes sur la paralysie arsenicale. Or, quelques
médecins étrangers à l'école homœopathique sont tom-
bés d'accord sur l'application de l'arsenic dans le cas
de douleurs brûlantes et accompagnées d'anxiétés. C'est
là un de ces faits, comme il en existe tant en pharma-
codynamie, qui font toucher au doigt la vérité de la loi
de similitude, et partant la valeur de la méthode homœo-
pathique.
Je me rappelle avoir soigné il y a plus de dix ans un
garçon de 14 ans, qui souffrait horriblement des pieds
depuis longtemps, et se plaignait surtout de douleurs
brûlantes. Je fus assez heureux pour le guérir par l'ar-
senic, alors qu'une foule de médicaments divers em-
ployés avant moi avaient complètement échoué.
Après cette exposition de faits tant physiologiques
que thérapeutiques, il est temps de résumer et de con-
clure.
1° Allopathes et homœopathes sont d'accord sur l'ex-
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1 1 6 PATHOGÉME ET THERAPEUTIQUE.
cellence de l'arsenic dans les névralgies en général et
dans les névralgies rebelles en particulier.
Et, comme les homœpathes emploient de préférence
les doses infinitésimales, il faut bien nécessairement que
ces doses agissent, puisqu'ils ont guéri dans les mêmes
conditions que les allopathes avec leurs doses massives.
Donc le médicament guérit à toute espèce de dose, omni
dosi. Du reste, les confrères massivistes commencent à
s'ébranler et à aborder les doses atténuées ; les granules
arsenicaux et autres à 1 milligramme et au-dessous
ne sont que des globules déguisés : encore un peu de
temps, et pilules, granules et globules fraterniseront en-
semble.
2° L'arsenic agit de préférence sur le nerf tri facial, de
préférence encore sur la branche supérieure. D'un
autre côté, dans toutes les névralgies, les guérisons les
plus fréquentes ont appartenu à la névralgie du tri facial,
et surtout à la névralgie sus ou sous-orbitaire ou circum-
oculaire. Il y a là une électivité manifeste, et c'est là un
des nombreux exemples de l'électivité se confondant avec
une homœopathicité parfaite.
3° Hartmann recommande l'arsenic dans les proso-
palgies du côté droit. Les faits cités dans ce mémoire
(Lalaurie, Basedow, Gruère, Hirschel) semblent plus
favorables au côté droit qu'o.u côté gauche (Warschall,
Kœnigsfeld). Quelques homœopathes ont avancé que
l'arsenic agissait de préférence sur le côté gauche. Je
n'ai pu retrouver dans mes notes quel est celui qui le
premier a signalé ce fait. Je me suis rallié à cette opinion
dans mes Etudes sur quelques symptômes def arsenic (p. 81).
Richard Hughes, cité plus bas, l'a aussi adoptée. Hahne-
munn, Ruckert senior, Black n'en font point mention
dans leurs pathogénésies arsenicales. C'est le moment
d'examiner cette question ; il faut aJler chercher lasolu-
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MÉMOIRE SUR L* ARSENIC DANS LES NÉVRALGIES. 1 17
tion dans la physiologie même du médicament : là gît
le critérium.
Il existe certainement dans toutes nos archives scien-
tifiques de France et de l'étranger plus de six cents
observations d'empoisonnement par l'arsenic, et chaque
année, le catalogue s'en augmente. J'en ai analysé pour
ma part plus de cinq cents; celles que je n'ai pu me
procurer appartiennent surtout aux journaux anglais,
où Ton trouveru une mine féconde. Mes recherches ont
en outre porté sur les pathogénésies arsenicales connues
(Hahnemann, Ruckert, Black, etc.) et sur les nombreux
faits d'action physiologique de l'arsenic à dose massive
ou thérapeutique, publiés cà et là en divers recueils.
Or, voici le résultat de ce dépouillement général :
Dans la pathogénésie hahnemannienne du Traité des
maladies chroniques, le côté gauche est indiqué 29 fois,
et le côté droit 28. La pathogénésie de Ruckert n'est
qu'un tableau général expurgé des détails hahne-
manniens; Black, sauf quelques additions ou suppres-
sions, n'a fait que reproduire Hahnemann.
Sur les cinq cents observations d'empoisonnement, le
côté gauche est indiqué 20 fois, et le côté droit 8.
Dans mes nombreux experiments physiologiques,
dont la plupart ont été faits à dose infinitésimale, expé-
riments relatés dans mes Etudes sur quelques symptômes
de F arsenic, le côté gauche est signalé 14 fois, et le côté
droit 9 fois seulement.
Il faut avouer que le dépouillement des fnits semble
favorable à la prédominance de l'arsenic sur le côté
gauche ; mais, attendu que le côté gauche ne l'emporte
sur le côté droit que d'une bien faible majorité, 18, j'es-
time à cette heure qu'il faut en appeler à une plus ample
observation pour décider ce fait, et le tenir pour douteux
et non suffisamment prouvé jusqu'à nouvel ordre.
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1 1 8 PATHOGENIB ET THÉRAPEUTIQUE.
4° Rien n'est plus incontestable physiologiqueaient
que la périodicité des symptômes arsenicaux (cf. mon
Mémoire surf arsenic fêbrigène, Art médical, 1865). Je crois
même qu'il y a beaucoup plus de faits physiologiques en
faveur de la périodicité arsenicale qu'en faveur de la pé-
riodicité quinique. D'un autre côté, la plupart des faits
de névralgies guéries par l'arsenic ont été des névralgies
périodiques : ici il y a accord entre la donnée physio-
logique et le résultat clinique.
5° Il faut noter enfin que l'arsenic s'est montré excel-
lent dans les névralgies d'origine même traumatique
(Lalauri, Baril Ion).
Admirons ici, en terminant, la supériorité de la loi
de similitude et constatons sa puissance d'induction à
priori. Tandis que Selle invoquait le virus cancéreux pour
administrer l'arsenic dans les prosopalgies, que Fowler se
fondait sur l'analogie, que d'autres en appelaient au re-
mède énergique \ le disciple d'Hahnemann, s'il eût existé
il y a cent ans, eût prévu l'excellence de ce remède dans
les névralgies en général, et, consultant ses propriétés
physiologiques, il eût dit : l'arsenic est positivement
névralgigène, donc il doit être névralgifuge, en vertu de la
loi des semblables.
Le fait principal de l'influence qu'exerce l'arsenic sur
les nerfs, dit R. Hughes, c'est la propriété curalive qu'il
a dans la névralgie. C'est un des rares médicaments qui
déterminent la névralgie pure, et il est supérieur à tous
dans le traitement de la névralgie idiopalhique. La né-
vralgie arsenicale est pure, c'est-à-dire qu'elle n'est ni
inflammatoire ni toxémique, ni réflexe. La douleur est
brûlante et excessive, accompagnée d'une grande anxiété
et angoisse, souvent intermittente et sujette à des retours
périodiques, s'aggravant généralement par le froid,
même lorsqu'elle en éprouve tout d'abord du souhge-
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BRUITS INTRA -CARDIAQUES. 119
ment; elle augmente par le repos et diminue par l'exer-
cice; elle affecte de préférence le côté gauche, surtout
dans les premières attaques ; elle est plii3 souvent une
suite de la malaria ou de l'influenza qu'un symptôme
de pure débilité.
Il faut lire les observations de Quin et celles que j'ai
publiées dans British journal of homœopathic, pour voir
l'influence magique de l'arsenic sur la névralgie pure
(Richard Hughes, Manualof pharmacodynamics, London,
1867).
Imbert-Gourbeyre.
SÉMÉIOTIQUE
BRUITS IN TRA-CA RDI AQ U ES OU BRUITS MORBIDES OU
ANORMAUX QUI SE DÉVELOPPENT A L'INTÉRIEUR DU
COEUR ET SURTOUT A SES ORIFICES.
— Suite —
CONCLUSIONS.
En résumé, les bruits inorganiques n'existent jamais
qu'au moment de la systole des ventricules. Ils ne se
produisent généralement qu'à la base du cœur, selon
l'opinion commune.
C'est à la base aussi qu'ils ont leur maximum d'in-
tensité. Ils se propagent de là le long du sternum, dans
la direction de l'aorte ascendante et jusqu'à la partie
inférieure du cou, dans les artères carotides et sous-
clavières.
Ils sont presque toujours doux, sont peu forts, ont
quelquefois un timbre musical.
Ils sont variables ou passagers, ou autrement dit in-
termittents.
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I
120 SKMÉIOTJQUE.
Les bruits organiques se produisent dans la syslole
et dans la diastole. A moins de prendre naissance à
l'orifice de l'aorte, à peine rétréci, où ils offrent les ca-
ractères des bruits anémiques , sauf l'intensité qui est
plus grande et la persistance, on les entend mieux ordi-
nairement lorsqu'ils siègent aux orifices auriculo-ven-
triculaires.
Ils sont presque toujours rudes, quelquefois musi-
caux, généralement persistants. Ils imitent le plus sou-
vent les bruits de scie, de lime, de râpe.
Les souffles inorganiques disparaissent lorsque la
chlorose et l'anémie guérissent.
Les souffles organiques disparaissent lorsque survient
l'asystolie, ou lorsque surviennent d'autres causes qu'il
n'est pas toujours facile d'apprécier.
Est-il toujours facile de dire si un bruit de souffle dépend
d'une lésion organique ?
Deux observations remarquables données par le
Dr William Stokes méritent d'être ici rapportées.
1" Observation. — Une malade, femme d'une haute intelligence,
éprouvait, depuis quelques années , des palpitations violentes et
extraordinaires, revenant sous forme d'accès très-proiongés. Pendant
ces accès, le cœur était en proie à une excitation violente ; ses bat-
tements, très-réguliers, s'accompagnaient d'un bruit de souffle fort,
se rapprochant du bruit de râpe. Elle fut examinée plusieurs fois,
au moment des palpitations, par des médecins d'une expérience
consommée, et ils furent d'accord sur l'existence d'une affection
singulière, et très-prononcée, des valvules. Après avoir éprouvé ces
mêmes accidents pendant plusieurs années, la malade me consulta.
Le paroxysme était alors à sa période de déclin, après une durée de
plusieurs semaines ; mais les battements du cœur étaient irrégu -
liers , avec un bruit de souffle, fort et légèrement métallique, qui
semblait se rattacher au premier temps du cœur. La malade me
pria de suspendre mon appréciation de son état, jusqu'à ce que je
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BRUITS INTIU-CARDIAQUBS
1?I
l'eusse revue après une dizaine de jours. Elle était, du reste, parfai-
tement convaincue de l'existence d'une affection organique dont la
terminaison serait fatale. Je revis la malade à l'époque fixée par
elle-même. Le cœur était parfaitement tranquille, le pouls naturel,
et toutes traces de murmure avaient disparu.
« Quelques années après, je revis cette dame ; elle était alors dans
un état de santé parfait, et ? e plaisait à raconter que non-seulement
elle avait fort embarrassé les médecins, mais qu'elle avait découvert
elle-même le moyen de se guérir. Ce moyen consistait en un éméti-
que prisau moment de l'accès; un vomissement provoqué acciden-
tellement au début d'une de ces crises, par un médicament qu'elle
avait pris, l'avait mise sur la voie de la découverte. Depuis cette
époque, à chaque attaque, la malade prenait un vomitif. Les accès
devinrent de moins en moins intenses, et finirent par disparaître
complètement. A l'époque où je vis la malade pour la dernière fois,
elle se livrait impunément à un exercice actif; les contractions et les
bruits du cœur ne présentaient rien d'anormal. (P. 163 du Traité
des maladies du cœut et de l'aorte, de W. Stokcs, traduit par le Dr Sé-
nac, in-8; Paris, 1864.)
3" Observation. — « Un jeune homme fut apporté à l'hôpital, en
proie à une surexcitation extraordinaire du cœur ; cet organe bat-
tait avec une violence telle, qu'on crut avoir affaire à une cardite
très-grave. Le patient fut soumis à un traitement d'une énergie
extrême, mais fort inopportune. Il fut saigné à plusieurs reprises et
très-largement; le mercure fut employé à haute dose, on eut re-
cours enfin à tous les moyens propres à faire cesser une inflamma-
tion locale.
Cependant, rien ne semblait avoir prise sur la maladie, et comme
les forces du sujet étaient épuisées sans que l'action du cœur eût
rien perdu de sa terrible violence, le médecin aux soins duquel était
confié le malade, suspendit le traitement : on s'attendait chaque
jour à voir succomber le patient. Une potion contenant de l'éther, du
laudanum et d'autres ingrédients, détermina des vomissements
abondants après lesquels l'action du cœur redevint régulière et
tranquille. Le bruit de souffle disparut, et la convalescence fut ra-
pide et complète. » (Ibid. Maladies du cœur et de l'aorte, p. 164.)
Nous ne voulons pas revenir ici sur l'observation dont
nous avons emprunté de nombreux détails à M. Jaccoud,
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122 séMÉlOTIQUE.
mais nous devons dire cependant que ce praticien
s'était trompé en admettant l'existence d'une lésion
organique des valvules; qu'il s'était trompé en concluant
(d'après la rudesse et l'intensité du premier bruit de
souffle, et d'après les troubles précoces de la circulation
générale), que l'insuffisance mitrale était compliquée
de rétrécissement. » (p. 800, in fine, et 80i du t. VIII de la
Gazette hebdomadaire, n° 50, 13 décembre 1861 , ou p. 260
du t. II de la 2* édit. de la vers, franç. des Leçons de ctf-
nique médicale de Graves.)
Circonstances dans lesquelles les bruits anormaux du cœur
peuvent être entendus.
On cite la pléthore sanguine (1), la pléthore aqueu-
se (2), l'hystérie (3), l'hypochondrie (4), l'anémie (5),
(1) Andral. — P. 97 du t. III de la 4' édit. de IMiwc. mid. de Laënnec.
— Andral a dit, six ans plus tard, p. 45 de son Traité d'kémat. pathol.,
que le souffle devait dépendre d'une maladie compliquant la pléthore.
— Bellingbam. — Diseuses of the heart, p. 13. Le bruit de soufflet,
dit-il, provient de la quantité du sang.
(2) Beau. — Traité expèr. et clin, d'auscultation , p. 412, ou Numéro de
septembre 1845 des Arch. gén. de mU., p. 16. Cet auteur place le
siège du murmure dans les artères , et non pas à l'oriûce cardio-aor-
tique.
— Bellingbam. — Diseases of the heart, p. 139. Le bruit de soufflol,
dit-il, provient de l'altération survenue dans la qualité du sang.
(3) Parrot. — - Etude clinique sur le siège et le mécanisme des murmures
cardiaques dits anémiques. In Archives, etc., pour l'année 1866, t. VIII,
page 144.
— Laénnec. — Ausc. méd., 2» édit., t. II, p. 442.
(4) Parrot. — Etude clin., etc., p. 144.
— Laënnec. — Ausc. méd., 2« édit., t. II, p. 442.
(5) Parrot. — Étude clinique sur le siège et le mécanisme de< murmures
cardiaques dits anémiques. In Abchivks , etc., pour l'année 1866, t. VIII,
obs. i, ii, vi, etc.
— Bouillaud. - Maladies du cœur, 1" édit., 1. 1, p. 180 et 181 ; 2» édit.,
t. I, p. 204, 205 et 206.
— Luton. — Nouveau Dict. de mid. et de chir. pratiques, t. IV, p 175.
— Chauveau. — Études prat. sur les murm. vascul. , dans Gaiettk m bi>.,
3e série, t. XIII, p. 355 et suiv. 18î»8.
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BRUITS INTRA-CARDIAQL'ES. 123
les hémorrhng"ies diverses (1) etc., comme autant de
cas dans lesquels peut avoir lieu le murmure systo-
lique.
On cite encore comme susceptibles de produire le
même phénomène sonore, l'hypertrophie permanente
du cœur (2), l'hypertrophie passagère qu'on observe
dans la grossesse (3), la dilatation du cœur simple (4),
ou compliquée d'hypertrophie (5), le rétrécissement des
artères aorte et pulmonaire du à des causes venant du
dehors, telles que la compression par le stéthoscope ou
par la main (6), par une production anormale du péri-
carde (7), par un épanchement liquide formé dans cette
membrane fibro-séreuse (8), par une dilatation extrême
de l'oreillette droite (9).
On a rencontré le murmure dans des cas d'in-
suffisance simple, ou à peu près, des valvules sig-
moïdes de l'aorte (10), dans des cas d'insuffisance
(t) Laônnec. — Ausc. nèd. 2e édit., t. II, p. 442.
(2) Bouillaud. — Mal. du cœur, 1" édit., t. I, p. 179; 2« édit., t. I,
p. 204.
— Laônnec. — Ausc. méd., 2* édit., t. II, p. 441.
— Andry. — Manuel de diag. des mal. du cœur, p. 230.
-Racle. - Diagnostic médical, 3« édit., p. 113.
(3) Larcber. — De l'hyperthrophie normale du cœur pendant la gros-
sesse. In t. XIII de la 5« série des Ancn. gén. db méd , pour l'année 1859.
(4) Laënnec. — Ausc. mèd., 2« édit., t. Il, p. 441.
(5) Bouillaud. - Mal. du cœur, édit., t. I , p. 179; 2- édit., 1. 1,
p. 204.
— Bellingham. — Diseases of the heart, p. 138.
(ri) Charles Williams. — Observation 3 de sa première expérience faite
avec le concours du Dr Hope, p. 301, of the pathology and diagnosis, etc.
— Bellingham. — Diseases ofthe heurt, p. 139.
(7) John Elliotson — Lumleyan Lectures, p. 19.
(8) Voyez plus bas l'observation d'un hydro-péricarde que j'ai re-
cueillie sur une sage-femme.
(9) John Elliotson. — Lumleyan Lectures, p. 18, 2« colonne.
(10) Corrigan. — On permanent patency of the mouth of the aorta. In
The Edisburg mbd. and sono, journal. April 1832.
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124 SKMÉIOTIQUE.
relative des valvules tricuspide (i), ou mitrale (2).
M. Bouillaud a entendu le bruit de soufflet dans des
cas de communication anormale entre les cavités droites
et gauches du cœur (3).
Hope dit avoir entendu un bruit de soufflet très-in-
tense produit par une communication du venticule droit
avec la partie supérieure du venticule gauche et avec
l'aorte (Cas de Gollins , p. 465-66 de la 4* édit. du Traité
des maladies du cœur), au moyen d'une ouverture dont le
diamètre égalait celui du doigt indicateur.
Il a renconiré le même bruit dans quatre cas de vice
de conformation avec cyanose , où il ne put faire l'au-
topsie (4).
M. 0. Markham a publié dans hritish médical Journal en 483",
un cas de persistance du trou de Botal dans lequel on avait noté,
pendant la vie, un bruit systolique très-fort, rude, perceptible, tout
le long de la base du cœur et dans la région sous-elaviculaire gau-
che, mais à peine sensible à la pointe du cœur et sans prolongation
dans l'aorte.
L'enfant, âgée de 4 ans, était considérée comme tuberculeuse et
traitée comme telle, lorsqu'elle fut tout d'un coup saisie de convul-
sions et d'accès de suffocation. Il y avait de la fièvre, un peu de
cyanose, une action violente du cœur, un bruit systolique plus fort,
plus rude que la première fois, plus prolongé. M. Markham crut à
une cardite aiguë. Mais la malade étant morte, on trouva le trou de
Botal assez largement ouvert pour permettre l'introduction du bout
(I) Hope. — Diseases ofthe heart. Third. edit., p. 80.
— Goupil. — Bulletins de la Soc. anat., t. XXXI. p. 121.
Parrot. — Étude sur un bruit de souffle rardia>jue symptomatique de
l'asystolie. In Archives. Numéros d'avril et de mai; t. Y de la 6« série.
Pari», im.
— Parrot. — Étude clin, tur le siège et le mècanitme det murmures car-
diaques dits anémiques. In Archives, t. VIII, p. iî9 à 159. Paris, 4866.
(i) Jaccoud. — Note à la page 257 du t. II de la 2* édit. de sa ver-
sion française des Leçons de clinique médicale de Graves.
(3) Bouillaud. — Maladies du cœur, 2« édit., p. 203.
(4) Hope. - Diseuses of the heart, 3- édit., p. 72; ou 4* édit., p. 66.
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BUUITS INTRA- CARDIAQUES. 125
du doigt de l'oreillette droite dans k gauche. Le sang pouvait
suivre cette même voie, mois une membrane valvulairc, en forme
de roupnpc, rendait impossible son retour suivant une voie con-
traire (1 \
On a rencontré Jes bruits anormaux également :
i° dans des cas où des végétations étaient déposées sur
les valvules ou sur l'orifice du cœur (2) ; 2° dans des cas
où des concrétions sanguines, qui s'étaient formées,
avant la mort, avaient obstrué un orifice, ou avaient
empêché une valvule de se fermer.
On a rencontré le murmure dans des cas de rétrécis-
sements organiques des orifices du cœur, auriculo-ven-
triculaires ou ventricule-artériels, d'insuffisances déter-
minées par des lésions graves des valvules tricuspide,
sigmoïdes, mitrale.
Les cas les plus ordinaires dans lesquels les bruits
anormaux sont entendus se rapportent à l'endocardite,
comme le démontrent les travaux remarquables de John
Elliotson, de Hope, de Bouillaud, de Watson, de Sto-
kes, etc.
L'endocardite qui donne le plus souvent lieu à des
bruits anormaux est de nature rhumatismale, mais l'en-
(1) Gazette méd. de Paris, p. 595, 1858.
(2) Laënnec.-,tttMttft. mM., 2«édit., t. II, p. 623. -Bouillaud. Traité
clinique det maladies du cœur, V édit., t. I, p. 178; 2« édit., t. I, p 203.
— Andral. Note à Uennec, 4e édit., t. III, p. 300. «Il a cité deux obser-
vations de concrétions polypouses, publiées l'une par M. Brouc, dans le
Journal hebdomadaire; l'autre, par M. Desclaux, dans sa thèse inaugu-
rale.) Dans la première» on avait entendu un sifflement aigu ; dans la se-
conde, un bruit de piaulement.) — Hope. Diseases of the heart. Tltird edit.,
p. 72. — Caron. Tumeur polypiforme développée dans l'oreillette gauche ,
et plongeant dans rorificc auriculo-centriculaire, qu'elle rétrécissait. In Bul-
letins DE LA SOCIÉTÉ MÉD. DES HOPITAUX DE PARIS, 2' série, n° 9, p. 311
et suiv.
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126 SÉMÉIOTIQUE.
docardite ulcéreuse, typhoïde, pyoémique (1) , puerpé-
rale (2) se lie quelquefois à ces bruits.
Il en est de même de celle que Ton a rapportée, soit à
l'alcoolisme, soit à une lièvre grave, ou encore à une in-
flammation de la plèvre, des poumons, etc.
CONCLUSIONS.
Dans tous les cas que nous venons d'énumérer, un
fait capital paraît dominer : celui d'une disproportion
entre la quantité de sang1 contenue dans le cœur, et les
orifices par lesquels il doit s'écouler.
Aussi presque tous les auteurs attribuent- ils les mur-
mures cardiaques à la gêne que le sang éprouve à tra-
verser les orifices rétrécis dans l'endocardite et dans
l'insuffisance des valvules auriculo-ventriculaires, ou
cardio-artérielles (3).
Si l'endocardite n'a jamais existé, ou si elle n'existe
pas, les auteurs s'accordent presque tous à admettre des
rétrécissements relatifs dans les cas de pléthore san-
guine, de chlorose, d'anémie, d'hystérie, d'hypochon-
drie, d'hypertrophie du cœur, passagère ou perma-
nente, compliquée ou non de dilatation du cœur.
C'est h ces rétrécissements, soit inorganiques, soit or-
ganiques, qu'il faut rapporter les murmures.
L'affaiblissement seul de l'action du cœur peut les
(1) Senhouse Kirkes. Edinburg médical and surgical journal, 1853,
t. XVIII, p. 119. — Simon (Des maladies puerpérales} et Marlineau
( Des endocardites ) décrivent l'endocardite ulcéreuse ou lyphordc dans
leurs thèses d'agrégation soutenues en -1866.
(2) Auguste Oliivier. — Note sur uneeause peu connue des maladies or-
ganiques du cœur, etc.. avec une observation qui a pour sujet Anne B....
Dans : Gazette m ed. de Paris pour 4870, p. 83 et suiv.
— De Lotz. — De l'état puerpéral considéré comme cause d'endocardite.
Dans : Bulletins dp. l'Académie de médecine, 4657, p. 744.
(3) Andral. — Note à Laënnec, 4« édiU du Traité de l'Ausc. méd., t. 111
p. 95 à 403.
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DE LHERPETISME. 127
faire cesser. Mais aussi, ils peuvent être mis en évi-
dence, réveillés ou accrus par un effort, une fatigue,
une émotion morale (1), une agitation nerveuse (2), de
violentes palpitations (3).
Dr L. MAILLIOT.
- La suite prochainement. —
BIBLIOGRAPHIE
DE L'HERPÉTISME
Par le Dr GIGOT-SUARD, médecin consultant aux Eaux de Cauterets (4).
L'organicisme du commencement de ce siècle avait
rayé de la nosologie le mot dartre et réduit l'histoire
de cette grande maladie à la description d'affections de
la peau, multipliées à l'infini et classées suivant les lé-
sions anatomiques. La doctrine de l'essentialité des ma-
ladies prépara une réaction nécessaire sur ce point de
la pathologie, et Bazin, l'habile vulgarisateur, appliqua
à l'histoire de la scrofule et de la dartre les doctrines
de l'école de J.-P.-Tessier ; Hardy suivit cette voie
avec son génie propre et un grand esprit d'observation;
M. Gigot-Suard, en publiant son livre sur V herpétisme
continue la voie de réparation commencée par l'essen-
tialisme et nous croirions laquestion à tout jamais sauvée
du naufrage, si nous n'apercevions dans ce dernier ou-
vrage l'influence par trop marquée du physiologisme, cette
plaie toujours renaissante de la médecine.
Qu'on ne l'oublie pas, le physiologisme tue la
(t) Bouillaud. - Maladies du cœur, 1* édit., p. 179; 2« édil., p. 204.
(2) Laennec. - Auscult. mèd.t 2" édit., t. Il, p. 441.
(3) Bellingham. Diseuses of the heart, p. 138.
(4) Un vol. in-S ; chez J.-B. Baillière et fils.
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128 BIBLIOGRAPHIE
médecine, parce qu'il nie la maladie et qu'il ne voit en
pathologie que des symptômes et des lésions; parce
qu'il fait consister toute la science médicale dans l'ex-
plication physiologique de ces désordres et qu'il ne com-
prend pas que ces symptômes et ces lésions lbrment un
tout, une unité, tellement constituée, qu'une école toule
puissante dans la tradition, et illustrée de nos jours par
Trousseau, n'a pas craint de faire de la maladie des êtres
réels.
En pathologie générale, nous avons démontré que
les maladies ne constituent point des êtres, mais l'obser-
vation nous enseigne chaque jour qu elles constituent
des états si nettement déterminés, qu'on peut dire avec
raison que ces états se comportent comme des êtres et
peuvent être étudiés comme tels. Appliquons maintenant
au livre de M. Gigot-Suard les principes que nous venons
d'exposer.
M. Gigot-Suard définit l'herpétisme :
« Une maladie constitutionnelle chronique, héréditaire
ou acquise, non contagieuse, continue ou intermittente,
caractérisée par des manifestations variées qui se pro-
duisent simultanément ou alternativement sur la peau
et divers systèmes organiques, lesquelles manifestations
ont pour cause directe la présence en excès des principes excrê'
mentitiels dans le sang, notamment de ceux qui s'y trou-
vent en très-petile quantité à l'état normal et qui ne
sont pas sécrétés par la peau, tels que les u rates, les
oxalates, les hippurates, la xanthine, la créatine, etc. »
Il n'y a dans cette longue définition qu'un caractère
précis, c'est la lésion de sang chez les dartreux; quant à
la première partie : maladie constitutionnelle chro-
nique héréditaire, etc., » elle se rapporte aussi bien à la
scrofule qu'à la dartre. Mais nous avons rapporté cette
définition tout entière parce quelle fait bien compren-
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DE i/hERPÉTISMK. 129
dre la pensée de l'auteur : d'une part la dartre est une
inaladieà manifestations multiples ; d'une autre part cette
maladie n'est rien autre chose qu'un empoisonnement
du sang* par les principes excrémentitieîs, c'est Y uri-
cémie. Ainsi dans la première partie de sa définition
M. Gig*ot-Suard est essentialiste, il s'élève à l'idée de
inaladieet à toutes les g-énéralisalions que comporte cette
idée. Dans laseconde partie de sa définition il tombe dans
l'explication physiologique de la maladie, dans l'humo-
rismeet l'hypothèse des empoisonnements du sang1, dans
le physiologisme dont le dernier mot est la négation des
maladies. En sorte que véritablement médecin dans une
partie de sa définition, physiologiste dans l'autre, il
accole dans un syncrétisme regrettable deux doctrines
qui hurlent de se trouver ainsi accouplées.
Les deux principes, contradictoires selon nous, qui
servent de point de départ et de base à M. Gig-ot-Suard,
impriment leur influença à son œuvre tout entière, et
nous allons les retrouver à chaque pag*e.
La dartre est une maladie constitutionnelle à localisa-
tions multiples et à produits morbides divers (i) : voilà
dans la doctrine de M. Gig'ot-Suard l'hémisphère de la
vérité. Aussi, l'auteur combat avec succès l'école de
Willan, et n'a pas grand'peine à démontrer l'inanité
de cette école, purement analomique, qui rég-nait pour-
tant en souveraine il y a moins d'un quart de siècle.
Éclairé par l'idée de maladie, guidé par l'essentia-
lité, M. Gig*ot-Suard rattache à un tout unique les nom-
breuses manifestations de la dartre à la peau et sur les
muqueuses; il montre la filiation qui relie ces lésions
premières et légitimes de la dartre aux affections ultimes
et plus complexes qui sévissent sur les organes et les
(l) Notons, en passant, que c'est là mot pour root la définition do
J.-P. Tessier,
TOMB XXXII. — AOUT 4870. 9
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130 BIBLIOGRAPHIE.
parenchymes. Il fait une historique complète des affec-
tions dartreuses secondaires : asthme, dyspepsie, leu-
corrhée, névralgie, migraine, etc., etc.
Seulement, pas plus que Hahnemann, il ne sait s'ar-
rêter sur cette pente glissan te des généralisations fa-
ciles ; il étend outre mesure le domaine de la dartre, et
c'est ici que se fait sentir l'influence fâcheuse de l'expli-
cation physiologique. Ainsi, fort de cette hypothèse, que
l'herpétisme est un empoisonnement du sang par les
principes excrémentiticls , une uricémie, que la goutte
n'est pas autre chose qu'une uricémie, il conclut à la
suppression de la goutte qui rentre avec toutes ses mani-
festations, cutanées et autres, dans l'histoire de la dar-
tre; les hémorrhoïdes et les varices suivent la goutte
dans ce triste destin ; le cancer et la phthisie peuvent
être une terminaison ultime de la dartre; en sorte que,
comme Hahnemann et Pidoux, M. Gigot-Suard rédui-
rait les maladies chroniques à un très-petit nombre,
. dont la dartre occuperait la plus grande part.
Et voilà les fruits du physiologisme ! la plupart des
maladies chroniques sont dues à un empoisonnement
du sang; la dartre est un empoisonnement par les prin-
cipes excrémentiticls qui doivent être éliminés par les
reins ; la scrofule tient à une prolifération trop grande
des cellules des ganglions lymphatiques; le cancer trou-
vera bien aussi une altération d'humeurs destinée à rem-
placer latrabile, décidément trop vieillie, et ainsi les
maladies disparaîtront, et les lésions et les symptômes
trouveront leur explication dans un empoisonnement ;
les causes internes seront supprimées de la pathologie gé-
nérale ; la médecine deviendra simple et claire comme
l'erreur, et il faudra reconstruire l'édifice médical dans
un siècle d'ici.
Comment ne comprend- on pas qu'une altération du
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DE l'hRRPBTISME. 131
sang* n'est qu'une lésion , c'est-à-dire un effet, un pro-
duit de la maladie, et par quel prodige d'illogisme
parvient-on à faire d'une altération qui joue le rôle de
cause seconde vis-à-vis de certains symptômes, et le
rôle d'effet vis-à-vis de la maladie , la cause primor-
diale de l'état pathologique tout entier? Pourquoi con-
fondre aussi obstinément un mécanisme avec une cause?
La présence d'urates dans le sang des dartreux est le
mécanisme qui sert à la production des affections de la
peau, je le concède pour le moment ; mais cette cause
secondaire n'explique ni l'hérédité, ni la succession des
affections et leurs évolutions diverses; elle n'explique ni
les formes, ni la marche de la maladie, ni les caractères
particuliers qu'elle présente chez chaque individu ; mais,
par-dessus tout, elle ne s'explique pas elle-même.
Dans l'hypothèse de M. Gigot-Suard, tous les hommes
qui vivent d'une certaine manière devraient avoir de
Y uricémie et être dartreux. L'expérience prouve qu'il
n'en est rien ; que l'homme est plus puissant que les •
causes externes, et que, si celles-ci sont favorables au
développement de certaines maladies, elles sont insuf-
fisantes aies produire seules; que, pour que les maludies
naissent, il faut que l'organisme y soit prédisposé, qu'il
ait la maladie en puissance ; que l'homme naît malade,
et que cet état contre nature qui se révèle au contact de
circonstances extérieures, ou qui évolue spontanément,
est la cause réelle et l'explication véritable de tous les
phénomènes morbides ; qu'on naît dartreux, et que c'est
pour cette raison qu'à un moment donné les produits
excrémentitiels s'accumulent dans le sang : Yuricémie
est donc un effet (l'effet primitif, si l'on veut) de la dar-
tre. Comment donc en serait-elle la cause?
La doctrine étroite et stérile du physiologisme a eu
encore sur l'œuvre de M. Gigot-Suard une influence
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BIBLIOGRAPHIE.
fâcheuse que nous devons maintenant examiner. La
tradition s'est toujours efforcée de distinguer les affec-
tions de la peau qui appartiennent en propre à la dartre
de celles qui sont symptomatiques de la scrofule, de la
goutte et de la syphilis. La théorie de Y uricémie fait per-
dre de vue à notre auteur cette vérité nosologique,
sans laquelle le diagnostic et le traitement des affections
de la peau resteront toujours incomplets. Les résultats
féconds de la distinction de la dartre essentielle et des
affections symptomatiques de la peau sont tellement évi-
dents dans l'histoire des St/phi/ides, que personne n'a
jamais songé à en contester l'existence, et que l'univer-
salité des praticiens jouit en paix et sans contestation
des facilités pour le diagnostic et pour le traitement qui
ressortent de cette distinction. Croit-on que la méde-
cine pratique se trouvera plus mal de la séparation éta-
blie, par A. Milcent d'abord, par Bazin ensuite , entre
les affections de la peau symptomatiques de la scrofule
et celles qui constituent la dartre essentielle? Les Scro-
fulides sont aussi vraies en théorie et aussi utiles en pra-
tique que lessyphilides, et les médecins savent tous que
leur pronostic comme leur traitement diffèrent fonda-
mentalement du pronostic et du traitement de la dartre.
Les mêmes réflexions s'appliquent aux affections delà
peau symptomatiques de la goutte, et, si la question
du diagnostic est ici plus difficile que pour les syphi-
lides et les scrolulides, ce n'est pas une raison pour
quitter la partie et pour abandonner le véritable terrain
de la nosologie positive. Ce que M. Bazin n'a pas fait
suffisamment, un autre le fera.
Mais il est déjà incontestable (quoi qu'en dise M. Gigot-
Suard) que la marche et le traitement des affections de la
peau symptomatiques de la goutte sont différents de la
marche et du traitement de la véritable dartre.
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DE i/hERPKTISME. 133
M. Gigot-Suard nous pardonnera notre critique : son
livre est un travail trop important, lui-même est un
médecin trop sérieux pour que nous ayons pu nous borner
à un bannal compte-rendu. Quand une œuvre a assez
d'autorité pour constituer un enseignement, la critique
a des devoirs trop étroits pour qu'il soit possible de les
oublier.
Arrivons maintenant à la pathologie spéciale.
M. Gigot-Suard divise, avec raison, toutes les dartres
en deux catégories : les dartres sèches et les dartres humides
ou plutôt sécrétantes, car le produit qui distingue celle
dernière forme de la première est souvent un produit
tout à fait sec.
Dans la première classe, il décrit : la couperose,
Yérythème simple, la roséole, Yurticaria et Yérythème
noueux, qui, suivant nous, n'appartiennent pas, dans
leur forme aiguë, à l'histoire de la dartre, le prurigo.
Dans la classe des dartres sécrétantes à produit solide :
le pityriasis, le psoriasis, la lichen, Yherpétide exfoliatrice
ou pityriasis généralisé.
Dartres avec sécrétion liquide ou semi-liquide :
a. Sans inflammation : la diaphorèse, que personne
n'avait encore placée dans l'histoire de la dartre, et dont
beaucoup de cas appartiennent, suivant mon observation,
à la goutte; Yacné par hyperémie (acné sébacée fluente,
acné punctata, cornée varioliforme, moluscum).
b. Avec inflammation : Acné inflammatoire (indurée,
hypertrophique), furoncèle, hydrosadênite.
Dartres a produits liquides ou semi-liquides concres-
cibles :
Strophulus, herpès, eczéma, pemphygus, impétigo , ecthyma%
acné, sébacée concrète.
Dans un dernier chapitre, M. Gigot-Suard étudie la
dartre sans lésion apparente de la peau et constituée
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134 BIBLIOGRAPHIE.
par des démangeaisons atroces et la sensation de repta-
tion d'une multitude d'insectes.
L'histoire de toutes ces affections est écrite avec ce
style clair et précis, si précieux en nosographie. Mais la
distinction des affections cutanées symptomatiques de
la scrofule, de la goutte et de la syphilis, et de celle qui
constitue la dartre proprement dite, fait complètement
défaut. Uimpétigo joue un rôle bien plus important dans
la scrofuleque dans la dartre ; la furoncèle apparlient sur-
tout à la goutte et au diabète. Mais M. Gig^ot-Suard
réunit toutes les maladies dans l'uricémie : aussi ne l'ac-
cusons-nous pas de manquer de logique, mais, ce qui
est plus grave, d'avoir pris pour base une pathologie
générale défectueuse.
M. Gigot-Suard décrit ensuite les affections dartreuses
qui siègent sur les muqueuses : blépharites et ophthal-
mies, angines, bronchites, catarrhes, dyspepsies, gas-
tralgies, souffrances intestinales, affections des organes
génito-urinaires chez l'homme et chez la femme. Il étudie
ensuite les localisations vasculaires et nerveuses, les
névropathies, les névralgies, puis les affections plus
rares des systèmes articulaire, osseux, musculaire, cel-
lulaire, etc., etc., voire même le diabète; enfin, sous
le titre de manifestation* ultimes de t'herpétisme, il décrit la
phthisie et le cancer dartreux. On le voit, toute la patho-
logie rentre dans la dartre : c'est là une conclusion que
le bon sens médical n'hésitera pas à condamner et une
démonstration indirecte de la fausseté de la théorie de
l'empoisonnement du sang.
Nous ne pouvons, sans dépasser toute limite, exami-
ner en particulier chacune des opinions que M. Gigot-
Suart a émises dans son livre do Thcrpétisme; mais
nous voulons nous arrêter un moment sur les relations
de la phthisie et de I'herpétisme.
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DÉ L'HFRPÉTISME. 135
Nous ne nions pas d'une manière absolue les rela-
tions de la dartre et de la phthisie; mais nous croyons,
avec MM. Érard et Cornil, que cette opinion a besoin
d'être démontrée. Le travail de M. Gigot-Suard, si nom-
breuses que soient les observations sur lesquelles il
s'appuie, n'a pas entraîné notre conviction, et cela par
une raison que paraissent avoir sentie MM. Érard et
Cornil, mais qu'ils ont exprimée vaguement, comme
le font toujours dans les discussions de doctrine les
médecins peu familiarisés avec les questions de patho-
logie générale. MM. Erard et Cornil n'acceptent pas que
la phthisie engendre la dartre et que la dartre engendre
la phthisie, malgré les observations nombreuses où ce
rapport se trouve affirmé, parce que la dartre est une
affection trop commune pour qu'on puisse rien con-
clure de sa présence chez un individu.
M. Gigot-Suard a raison de trouver cet argument
mauvais. C'est dans les termes suivants qu'il doit être
posé : La phthisie a des rapports intimes avec la scro-
fule (1); or la scrofule s'accompagne d'un grand nom-
bre d'affections de la peau, les scrofulides ; il n'est donc
pas étonnant que les phthisiques, qui sont le plus sou-
vent desscrofuleux, soient affectés d'eczéma, d'impétigo
ou de toute autre affection de la peau propre à la scro-
fule. Pour que la démonstration de M. Gigot-Suard de-
meure convaincante, il faut qu'il établisse que les affec-
tions de la peau qui, dans ses observations, ont précédé
ou suivi la phthisie ne sont pas de nature scrofuleuse ;
qu'en un mot, ce sont de vrais dartreux qui deviennent
phthisiques.
Dans le prochain numéro, nous examinerons deuxcha-
pitres du livre de M. Gigot-Suard : le Traitement de la
(1) Pour moi, la phthisie n'est qu'une affection scrofuleuse.
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136 VARIÉTÉS.
dartre et les expériences si intéressantes de cet auteur
sur Y Action pathogènètique de plusieurs substances pres-
que entièrement inconnues en matière médicale expéri-
mentale.
P. Jousset.
— La suite aa prochain numéro. —
VARIÉTÉS
LES PETITES MTSÈRES DE QUELQUES MÉDECINS
CATHOLIQUES.
IV. — Gabriel de Zerbis.
« Savant non-seulement en médecine, mais encore
en logique et en philosophie, Zerbis enseigna ces trois
sciences à Padoue, à Bologne, à Rome, et derechef à
Padoue, où on l'avoit attiré pour la seconde fois,
moyennant de gros honoraires. Enseignant avec éclat
et pratiquant avec succès, il jouissoit de la réputation
d'un des plus savants médecins de l'Europe ; et ce fut
précisément cette réputation qui causa sa perte. Les
Vénitiens avaient reçu de Constantinople, par le canal
d'André Gritti, leur doge, la demande d'un médecin
habile, qui voulût entreprendre la guérison d'un des
principaux seigneurs de l'empire ottoman.
La république jeta les yeux sur Zerbis, qui, cédant à
l'appât du gain, accepta la proposition, se rendit en
Orient, et guérit le malade. Chargé de richesses, il
monta sur un vaisseau pour retourner à Venise. Dans
l'intervalle, le Turc était mort. A peine sorti de sa mala-
die, il s'était livré à la débauche, qui l'emporta en peu
de jours. Ses enfants crurent que le médecin italien
l'avait empoisonné en partant : ils envoyèrent une
saïque légère à la poursuite de Zerbis, qui fut ramené
en Turquie, où il eut d'abord le spectacle déchirant du
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VARIÉTÉS. 1 Ï7
supplice de son fils cadet, que I on fit mourir en le
sciant par le milieu du corps , entre deux planches ;
après quoi il fut mis à mort de la même manière. »
Tiaboschi, Hist. de la litt. de f Italie, III, 130. Cet évé-
nement tragique arriva l'an 1505. Histoire de fana*
tomie, par Thomas Lauth, t. I. Strasbourg-, F.-G. Le-
vrault, 1815, t. 1, p. 310-11.
V. Claude Auberv.
a Médecin français, qui, ayant embrassé la réforme,
se retira à Lausanne, où il devint professeur de philoso-
phie. Des persécutions religieuses qu'il y éprouva, le
déterminèrent à rentrer en France : il vint donc faire
son abjuration à Dijon , et mourut dans cette ville
en 1596. »
Oratio apodictica de immortalitate animœ. Berne, 1586,
in-8°.
C'est cet ouvrage qui détermina Aubery à revenir en
France. Le Synode de Berne t avait, en effet, condamné
comme trop conforme aux principes des cathotiques. Jourdan,
Biogr. mêd., 1820, 1.408.
VI. Nicolas Stenon.
« Stenon naquit à Copenhague le 10 janvier 1638,
d'un orfèvre de Christiern IV, et qui était un zélé secta-
teur de la Religion luthérienne; il lui en apprit les
dogmes, auxquels le jeune Stenon se conforma pendant
plusieurs années. Son goût particulier pour les sciences
le détermina à embrasser la médecine ; l'anatomie sur-
tout lui parut digne de ses travaux
. . • » . . *••••••
« Il vint à Paris, où son mérite fut bientôt connu ; les
plus grands hommes désirèrent de le voir; il assista
plusieurs fois aux assemblées savantes qui se tenoient
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138 VARIÉTÉS.
chez M. Thévenot.... Le savant Bossuet, évêque de
Meaux, le connut, et tâcha de le convertir ù la Religion
catholique; mais Stenon, séduit par les charmes de
lanatomie, à laquelle il se livrait tout entier, fut peu
sensible à l'éloquence du célèbre évêque. Cependant ces
conversations jetèrent dans son cœur le germe d'une
future conversion. Stenon passa de Paris à Vienne,
voyagea quelque temps en Hongrie, alla ensuite en
Italie, fit un long» séjour à Padoue, et en parcourut les
autres universités. Ferdinand II, grand-duc de Tos-
cane, l'appela à Florence, et le fit son premier médecin.
Côme III, fils de Ferdinand, qui l'honora de son estime,
lui confia l'éducation de son fils, et lui donna une forte
pension.
« C'est dans ce temps que les germes d'orthodoxie, que
le célèbre Bossuet avoit jetés dans son âme, achevèrent
de se développer. Pendant qu'il exerçoit l'emploi de
précepteur, il lut attentivement nos livres saints, il fut
frappé des vérités qu'ils contiennent, et il ne put fermer
les yeux à la lumière qui 1 eclairoit ; il embrassa la
Religion Catholique, et abjura l'hérésie en 1669, à l'âge
d'environ 34 ans. Gomme cette abjuration étoit le fruit
d'une réflexion solide, Stenon fut de plus en plus con-
vaincu de la vérité des dogmes de notre Religion ; il se
nourrit d'abord des livres saints, et composa ensuite
plusieurs ouvrages concernant la Religion Catholique ;
on y trouva beaucoup d'érudition, avec un air de sim-
plicité, qui prouve que Stenon exposait les propres sen-
timents de son cœur. Comme il était véritablement per-
suadé que la Religion Catholique est la meilleure, il eut
un zèle infatigable pour en persuader les autres. Ce
zèle lui donna du dégoût pour sa patrie, et lui valut
dans la suite l'épiscopat. Frédéric III, roi de Dane-
mark, sentit le bien et l'honneur qu'un tel sujet pouvoit
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VARIÉTÉS. 139
faire à son royaume, il le rappela à Copenhague. Stenon
demanda de pouvoir y professer la Religion Catholique ;
mais il ne reçut point de réponse. Ce ne fut qu'en 1671, que
Christiern V, fils et successeur de Frédéric III, le fît
professour d'anatomie, avec la liberté de professer la
Religion Catholique. Stenon se rendit à Copenhague, et
s'y appliqua d'abord à enseigner l'anatomie et la Reli-
gion Catholique ; il y composa divers ouvrages.
« Cependant ses leçons d'anatomie furent beaucoup
plus fréquentées que celles qu'il donnait sur la Religion
Catholique, quoiqu'il eût beaucoup plus à cœur de com-
muniquer les fruits de sa Religion à ses compatriotes,
que de leur transmettre ses connoissances d'anatomie ;
car le moral le touchoit de plus près que le physique.
Stenon voyant que ses préceptes religieux étaient peu
écoutés, désira de retourner à Florence : il le témoigna
au grand-duc Côme III, qui lui continua son poste de
précepteur de son fils, jusqu'en 1677. C'est pour lors
que Stenon renonça entièrement à l'anatomie, pour se
livrer sans partage et sans réserve à la Religion Catho-
lique; il embrassa l'état Ecclésiastique : le pape Inno-
cent XI le sacra évèque de Titiopolis en Grèce; peu
de temps après, Jean Frédéric, prince de Brunswio,
qui depuis peu avoit abjuré le luthérianisme, l'appela à
sa Cour. Innocent XI y consentit, et lui donna le titre
de vicaire apostolique dans tout le Nord. C'est pour lors
qu'on vit Stenon parcourir les différentes villes de l'Al-
lemagne : Munster, le pays d'Hanovre et celui de
Meckelbourg, furent le théâtre de ses missions. La Re-
ligion Catholique avait déjà un grand nombre de secta-
teurs dans l'Eglise d'Hanovre, lorsque Frédéric mourut
subitement. Son frère, évèque d'Osnebruck, lui succéda,
et comme il étoit luthérien , et très-zélé partisan de sa Reli-
gion, il enjoignit à M. Stenon de sortir de ses Etats. Notre
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140 VARIÉTÉS.
anatomisle se retira à Munster. L'histoire nous apprend
qu'il y prêcha la Religion Catholique avec la plus grande
ferveur, et que cet anatomiste eut à cœur de marcher
sur les traces de saint Charles. Il porta le zèle à un si
haut point, qu'il improuva hautement la nomination de
l'électeur de Cologne à l'évéché de Munster, parce qu'il
avoit déjà trois évêchés, et qu'il étoit peu instruit de sa
Religion. Cette conduite lui attira la disgrâce du nouvel
évêque, qui fut nommé malgré son opposition. M. Ste-
non passa à Hambourg en qualité de missionnaire.
M. Arnaud s'intéressa auprès du prince Ernest, land-
grave de Hesse Rhinfelds, pour qu'il engageât l'élec-
teur de Trêve à recevoir M. Stenon pour son suflragant.
Il ne réussit pas dans sa demande; on trouva dans
M. Stenon trop de rigidité, qui lui attira plusieurs vives
disputes avec les Jésuites. Ces dissensions lui donnè-
rent du dégfoût pour Hambourg, il se détermina à
passer à Meckelbourg, où il fît un très-court séjour. Il
alla à Swerin, séjour ordinaire des ducs de Meckel-
bourg, et y mena une vie plus tranquille, mais elle fut
de courte durée; il y mourut le 25 novembre 1686, à
l'âge de 48 ans. Ses travaux littéraires, son zèle austère
pour la Religion, qui le portèrent à faire plusieurs
voyages pénibles, altérèrent sa santé. » Antoine Portai,
Histoire de l Anatomie et de la Chirurgie, t. III, Paris, P.
Fr. Didot le Jeune, 1770, p. 159-62 (1).
VII. Rainjer de Graaf.
« Cet anatomiste célèbre naquit à Schoonhove, ville
(4) Sur Sténon. cf. Leibniz, Essai» sur la bonté de Dieu, la liberté de
l'homme et l'origine du mal, P. I, § 100. Paris, Charpentier, 1844, in-18,
p. 125. — Lassus, Essai ou Die. htst. et crit. sur les dêcouv. faites en anato-
mie, p. ÎU8-49. — M.-II. de Btainville et F.-L.-M. Maupied, Hist. des te
de l'organisation, 1845, t. II, p. 237.
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VARIÉTÉS. 141
des Provinces -Unies au comté de Hollande, le 30 juil-
let 1611
« La Faculté de Médecine de Leyde rendit un témoi-
gnage si avantageux du savoir de notre jeune auteur,
qu'à la mort de François de Le Boe, arrivée le H no-
vembre 1672, il auroit passé à la chaire vacante, si la
religion romaine qu'il avoit professée dès l'enfance et à
laquelle il resta constamment attaché, n'eût été un obs-
tacle à sa promotion. » N. F. J. Eloy, dans la Biographie
médicale de f Encyclopédie des sciences médicales. Paris,
1840, t. I, p. 545.
VIII. Gautier Harris.
« Harris naquit à Glocester vers l'an 1651. Il fut reçu
bachelier en médecine à Oxford, le 10 octobre 1670:
mais ayant embrassé la religion catholique en 1673, il
quitta cette Université, passa à Douai, ensuite à Paris,
et prit le bonnet de docteur dans quelque Faculté du
royaume de France. En 1676, il se rendit à Londres, où
il se mit à pratiquer la médecine. Il commençoit à s'y
faire de la réputation, lorsque Y ordre donné en MIS aux
catholiques romains de sortir de cette ville, vint le troubler
dans les moments où la fortune s'apprétoit à lui sou-
rire. Il délibéra sur le parti qu'il lui convenoit de
prendre ; l'intérêt le décida à retourner à ses anciennes
erreurs, et il professa publiquement la religion angli-
cane. Il fut alors plus recherché que jamais » (I).
Que si l'on me demandait pourquoi je cite ici Gautier
Harris qui est mort anglican, je répondrais que c'est
pour mettre en lumière les persécutions auxquelles ce
médecin allait être en butte comme catholique.
(l; Eloy, dans la Uiwj. mW., t. II, Paris, 18il, in-8, p. 43-H.
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142
VARIÉTÉS
IX. Samuel Sorbière.
« Samuel de Sorbière, originaire de Saint-Ambroix,
neveu du fameux Samuel Sorbière,' ministre à Nîmes,
qui fit son éducation, passa en Hollande, se maria, et
après avoir exercé quelque temps la médecine à Leyde,
revint en France et se fixa à Orange où il fut principa
de collège (1650). C'est là que [Joseph-Marie de] Suarès
(évêque de Vaison) le connut (1653), et le ramena au
sein de l'Eglise. » M. l'abbé Granget, Histoire du diocèse
a" Avignon et des anciens diocèses dont il est formé. Avignon,
Seguin aîné, 1862, 8, t. II, p. 287.
Ecoutons Gui- Patin et voyons comment il parle de
Sorbière protestant, et de Sorbière catholique.
« Je suis bien aise que vous ayez vu M. Sorbière : c'est
un honnête homme. Je ne doute point que vous n'ayez
parlé de moi, mais je l'attribue à votre affection de tous
deux envers moi. » Gui -Patin à M. Charles Spon, ce
'16 de septembre 1650, dans Lettres de Gui-Patin; nou-
velle éd. par J.-H. Réveillé-Parise, t. II, Paris, J.-B.
Baillière, 1846, 8, p. 44.
o Ce propre jour de Pâques (1654), M. Sorbière m'est
venu voir, tandis que les autres étoient à Vêpres et au
Sermon; nous nous sommes entretenus tous seuls une
heure entière ; il m'a dit que dans peu de temps il fera
imprimer son livre touchant sa conversion, et qu'il
espère quelque chose de bon du Mazarin, qui lui a bien
promis et de bonne grâce ; mais cet homme promet bien
plus qu'il ne donne. Je vois bien qu'il n'y a encore rien
de fait.... Je le trouve fort bon homme, et m'a toujours
semblé tel ; mais il me semble tout poli, un peu cour-
tisan, et fort persuadé.... Il espère d'avoir en bref quel-
que bonne abbaye de la libéralité du Mazarin; fiât)
fiât. » Paris, ce 10 avril 1654, p. 128»
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VARléîés. U3
« M. Sorbière m'est venu voir.... Il a mauvaise opi-
nion deOomwell pour la France, et que cet homme est
fort à craindre pour ses desseins tyranniques; que l'on
ne s'en garde pas assez ; qu'il voudroit bien avoir avis
de quelque bon bénéfice vacant, bon prieuré, ou de
quelque petite abbaye, tandis que le Mazarin est en
faveur et lui en crédit; qu'il a grande peur qu'il n'ar-
rive de changement avant que d'être rempli ; qu'il a
une mauvaise opinion de la fortune du Mazarin, et
qu'il ne croit pas qu'elle dure encore longtemps ; que
sa santé commence à s'affaiblir, et qu'il ne peut pas
monter à cheval à toute heure pour suivre le roi par-
tout, etc. Que les ministres ont grand tort de cacher au
peuple la vérité comme ils font, etc. Qu'en dites-vous?
Ne vous semble-t-il pas bien converti? Au moins la plu-
part de ceux qui se convertissent parlent comme lui,
mais il y a une pension au bout qui les pousse et les
anime. »
• . ..»«*.««•
« M. Sorbière est gras et gros, à la chasse d'une
abbaye, mais je ne sais quand elle viendra. » Ce 1er de
mai 1654, p. 131-132.
«Pour la nouvelle opinion de Pecquet (1), je n'en
fais point d'état encore, d'autant que je n'en vois ni
preuve certaine, ni utilité plus grande, ni enseigne-
ment, ad bene medendum. Celui qui nous a inventé le
séné, la casse et le sirop de roses pâles (2) nous a bien
fait plus de plaisir, et s'il n'a chanté injure à personne,
comme ceux-ci ont fait à M. Hiolan, et même à notre
profession, contre laquelle l epître de M. Sorbière (3) est
(1) Il s'agit de la découverte du réservoir du chylé, faite par Pecquet,
découverte contre laquelle Riolan s'élevait avec fureur, parce qu'elle
portait le dernier coup à la doctrine de Vhèmalote par le foie. » Réveillé-
Parise, t. II, p. 153, notel.
(2) Cf. Réveillé-Parise, Notice sur Gui-Patin, t. I, p. xiv-xvi.
(S) Cf. Haller, BM.anat., t. I, p. 431.
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144 VARIÉ 1 ÉS.
pleine d'atroces injures. Mais je ne m'en étonne point,
puisque je le vois jouer tant de personnages qui me font
connaître le peu de stabilité qu'il a dans l'esprit. .
« Pour M. Sorbière, je ne m'étonne point s'il est allé
à Rome. Il y a longtemps que je sais bien S. P. Q. R. (4),
que feu mon père m'a expliqué : Stultus populus quœrit
romanwn. Il n'y va point tant afin d'y voir le pape nou-
veau que pour tâcher d'y faire ses affaires, et facial
rem, etc., que s'il ne trouve pas son compte, j'ai peur
qu'il n'aille à Constantinople et ne s'y fasse Turc, siiucri
spes affulgeat : c'est un apostat affamé et altéré ; Dieu le
console ! Quand il sera bien employé à Home, nous au-
rons cet avantage qu'il n'aura plus le loisir de chanter
des injures à M. Hiolan et à d'autres, ni même à notre
art. Je tiens cet homme malade d esprit, et ne sais s'il
trouvera jamais un assez bon médecin pour le guérir,
car il est fort interne, si ce n'est quelque prise redou-
blée d'antimoine qui tient aujourd'hui, à ce que dit
Eusèbe Renaudot, heu de l'ellébore noir des anciens.
Si le pape de Rome le faisoit chanoine, abbé ou évcque,
en amenderoit-il? Problcma etto. » Ce 26 de mars 1655,
p. 160-161.
« La lettre de M. de Sorbière vient de Gênes, cet
homme veut voir Rome et le nouveau pape : c'est pour
nous montrer qu'il a bien changé de poil et qu'il n'est
pas bon huguenot ; aussi n'est-il guère bon romaniste,
puisque tout ce changement ne s'est fait que pour une
pension, en attendant quelque petite abbaye, laquelle
n'est pas encore venue. » Ce 9 d'avril 1G55, p. 165.
« M. Sorbière est à Gènes, d'où il doit se rendre ici
au commencement de l'hiver prochain, pour l'assem-
blée du clergé, et c'est aussi de là que M. Soi bière pré-
tend obtenir une pension forte du clergé, par la recom-
(4) Senalus populuaque Romanus, le Sénat et le peuple romain.
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VARIÉTÉS. 145
mandation du cardinal Mazarin et de son patron,
l'évêque d'Agde, qui est frère du surintendant M. Fou-
quet, procureur général au Parlement : Ainsi M. Sor-
bière sera récompensé de son apostasie aux dépens du
purgatoire. Il a parlé fort indignement contre l'honneur
de notre profession, cujus dùjnitatem numquam intel-
lexit ; c'est pourquoi je ne m'étonne pas s'il s'est fait
prestolin de c/ergerîe, afin d'attraper pensions de béné-
fices, et pour vivre à l'ombre d'un crucifix sans rien
faire, en faisant l'esprit fort, étant bien profondément
enrôlé dans le régiment de ceux qui profitent ur se nihil
eredere, s'ils ne sont bien payés pour cela. C'estainsi que
lesTurs croient en Dieu, et la plupart des moines d'au-
jourd'hui, et quantité d'autres, quibus utilitas facit esse
deos, mercede cahutes non pietate Deum. 0 pudor ! 6 mores !
6 temporal » De Paris, ce lundi 26 de juillet 1655,
p. 193-194.
u M. Henry [de LyonJ m'a fuit voir en hâte la préface
qui touche la vie de feu M. Gassendi. Sorbière n'est
qu'un sot et un veau avec tout son fatras de lalin ; il
parle de la saignée sans savoir ce qu'il dit, comme un
aveugle des couleurs ; il est fat et ignorant, et s'il en
valoit la peine je l'étrillerois bien ; tout son latin n'est
qu'un malheureux panégyrique de quelques siens amis,
qu'il a prétendu louer sous ombre de parler de feu
M. Gassendi. Mais il y a bien des faussetés dont je le
pourrais convaincre, si bien qu'il n'est qu'un llatteur
et un menteur, un impertinent avorton, avec sa pré-
tendue bonne mine. Je lui pardonne tout ce qu'il a dit,
il s'est pareillement fort trompé en la déduction du
fait. » Ce 18 juin 1658, p. 400.
« Pour la préface du sieur Sorbière, qu'il a mise au
devant des œuvres de feu M. Gassendi, je n'ai garde de
m'en plaindre, elle n'en vaut pas la peine. Elle me fuit
TOME XXXII. — AOUT 1870. il)
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146 VARIÉTÉS.
pitié ; personne ne la lira jamais d'un œil équitable,
qui n'en reconnaisse plusieurs abus, et diverses fautes
d'esprit, de jugement et de volonté. S'il y a quelque
chose qui me regarde, je lui pardonne, et ne veux point
m'en donner aucune peine : ma conscience me vaut
mille témoins. J'ai fait ce que j'ai pu et ce que j'ai dû à
M. Gassendi : le sieur Sorbière et tels gens que lui s'en
contenteront s'ils veulent. Je ne tiens pas cet apostat
digne de ma colère. S'il en valoit la peine, je lui mon-
trerois que sa préface est un misérable écrit, plein de
fautes en bien des façons. Sed sinamus istum nebulonem,
il y a bien encore à dire plus sur lui que sur sa préface,
toute mal faite et misérable qu'elle est, et il n'est pas
capable de faire rien de mieux. Je serai assez vengé de
son impertinence, quand les honnêtes gens verront tant
de fautes qu'il y a faites, pour lesquelles il ne passera
jamais que pour un veau tel qu'il est » (1). Ce 6 juil-
let i658, p. 405.
« Pour M. de Sorbière, on dit que les pensions seront
continuées ; mais que sait-on combien durera cela ? »
Le 5 d'avril 1661, p. 463.
h J'ai reçu nouvelles que notre ancien ami, M. Sor-
bière, directeur du collège d'Orange , a tourné sa
jaquette en se faisant catholique romain à la sollicitation
de 1 evêque de Vaison [J. M. de Suarès], des cardinaux
de Bichi [évêque de Garpentras], et Barberin, qui lui en
a lui-même écrit de Rome. C'est lui-même qui me l'a
mandé, et qu'il s'en alloit à Rome tout exprès, d'où il
m'écrirait. Voilà des miracles de nos jours, mais qui
(1) o Quand Gassendi mourut, les ennemis de Gui Patin ne manquè-
rent pas de dire qu'il l'avait mal traité pendant sa maladie; que les sai-
gnées avaient été faites sans prudence, sans ménagements, ce philo-
sophe étant d'ailleurs âgé, d une constitution faible et délicate. De là les
attaques de Sorbière et la virulente colère de notre auteur. » Réveillé -
Parise, t. II, p. 40.H, note 1. Cf. Th. Barlholîn, Ep., 1. 1, p. G19.
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VARIÉTÉS. 147
sont plutôt politiques et économiques que métaphy-
siques. Il est veuf et bien adroit ; mais, tout fin qu'il est,
je ne sais si, avec sa nouvelle chemise, il pourra réussir
à faire fortune à Rome, qui est un lieu plein d'altérés
et d'affamés : au moins suis-je bien assuré qu'il n'y
deviendra jamais pape. » De Paris, le 25 novembre 1653,
Gui Patin à André Falconet, t. III, p. 19.
a Vous saurez que le 23 du mois passé, comme j'étois
dans mon étude, je vis entrer un gros homme tout
réformé, qui me salua de très-grande affection. J'eus
d'abord de la peine à le connoître, mais je lui dis après :
Monsieur, riê/es-vous pas monsieur de Sor bière ? et c'était
lui-même. Aussitôt il me fit un nouveau compliment
tout plein de charité, de foi, et d'espérance chrétienne.
Il me dit qu'il s'étoit fait catholique; qu'il avoit des let-
tres du cardinal Barberin, lesquelles il me vouloit mon-
trer; qu'il avoit pensé aller à Rome, mais qu'une
affaire l avoit amené à Paris ; qu'il y venoit chercher de
l'emploi; qu'il y étoit assuré d'une pension de la libé-
ralité de messieurs du clergé; qu'il eût bien voulu
avoir quelque emploi à la Cour pour obtenir quelque
bénéfice. Enfin, après plusieurs discours, étant pressé
de sortir, nous nous séparâmes. Je vois bien qu'il y a
du chang-ement à son affaire, mais néanmoins je doute
s'il a bien fondé sa cuisine; car, quoique le feu du pur-
gatoire soit bien chaud et bien grand, tout saint et sacré
qu'il est, néanmoins tous ceux qui s'y chauffent n'en
mang-ent pas les chapons. Quinze jours après je le ren-
contrai par la ville, gros et gras, avec un petit collet. Il
me dit qu'il avoit eu le bonheur de saluer Son Eminence,
qui lui avoit promis un bénéfice, et en attendant qu'il
s'étoit obligé à une pension de cent écus de rente. Je lui
dis que c'étoit bien peu. Il me répliqua qu'il avoit d'une
autre part 400 livres de messieurs du clergé, laquelle
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U8 VARIÉTÉS.
somme il espéroit de faire augmenter Tannée prochaine;
que ces messieurs feront leur grande assemblée , en
attendant quelque bon et gras morceau qui puisse sortir
de la marmite du purgatoire.
« Il y a environ quinze ans qu'un de nos médecins,
nommé L. Renouard (1), se fit prêtre el quitta la méde-
cine, pensant attraper un bon bénéfice qui ne lui vint
pas. Sur ce changement inopiné, je fis les vers sui-
vants :
Languenlcs anim.p, quas purgatorius ignis
Excoquit, alque suo carcere Icntus habct,
Volpis tam caulcD tristem riilete figuram.
MissiOcus nunc est, qui meilicasler erat.
«Le mot de Vu/pis est une allusion à son nom deRe-
nouard, qui approche fort de Renard, » De Paris, ce 20
mars 1854, t. III, p. 24-25.
« Riolanus noster vidit et valet : ecce ad Te mitto per
« D. Garmer, Doctorem Med.Hamburgensem ejus librum
« quem novissimè scripsit adversus Pecquetum et duos
« Pecquetianos Doctorcs Paris , Mentellum et Mcrsen-
« nwn : neg*lectis atque spretis, totconvitiis et conlume-
« liosis verbis, a quodam desertore, qui se Aletophilum
« nuncupavit, insolenter et temere pronunciatis, Is est
«Samuel Sorberium (2), olim Calvinista, tum Medicus,
«postea Gymnasiarcha, tandem Eleemosynarius Epis-
« copi Agathensis. Parisiis, 12 sept.1655. »ThomœBartho-
lino GuidoPalinus. Dans Th. Bartholini Epistol. Medi-
cin. a Doctis vel a Doclor script. Cent. IL, epist. 67, t. I,
Hafniœ, 1663, p. 618.
Si je me suis permis de reproduire les paroles impies que
(1) Cf. H.-T. Baron, Qucrst. med. thron. séria altéra. Paris, 1732, in-4,
p. 28, et Compendiaria med. Paris, notit., p. 14. — Haller, BiU. med.pr.,
t. II. p. 393, 67o\ 596, 640.
(2) Sur S. Sorbièrc, cf. Manget, Moreri, Haller (Meth.st. med. Bibl. an.,
BiU. med. pr.), Portai, G. Malthiae (Coropuf., 904, § 1129;, L. flanin,
Barjavel, Dict., t. II, p. 421.
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VARIÉ1ÉS. 149
Gui Patin a proférées nà et là contre la Papauté et contre
l'Eglise, c'est pour mettre en relief l'injustice et la haine
de ce docteur contre les médecins qui abjurèrent le pro-
estantisme et embrassèrent la Religion Catholique. Le
lecteur l'a vu à propos de Samuel Sorbière, il le verrait
également par ce qui a trait à Lazare Meyssonier et au
Dr Elie Beda des Fougerais.
Charles Ravel.
LE MONDE HOMOEOPATHIQUE.
SOUSCRIPTIONS POUR LA FONDATION D'HÔPITAUX HOMŒOPATHIQLES
A Londres, Parts Bruxelles, Leipzig, Berlin, Munich, Clev.^land,
Philadelphie, Boston et New-York.
Ce titre seul met bien en relief l'idée féconde qui agite
en ce moment le Monde Homœopathique. Je n'en ai pas
parlé depuis le mois de novembre 1869 (1); mais je puis
en donner aujourd'hui d'intéressantes nouvelles, concer-
nant toutes les villes précitées, hormis Berlin et Munich,
où les souscriptions paraissent stationnaires.
Je rappellerai seulement que Munich a deux hôpitaux
homœopathiques : l'un déjà en exercice et dépensant
annuellement 5,000 francs, et l'autre encore en expec-
tative, car la souscription pour son érection n'atteint
que 17,354 francs. Quant à l'hôpital homœopathique de
Berlin, il ne sera fondé, je le répète, qu'à la mort du gé-
néreux donateur qui lui a assuré un legs de 100,000 tha-
lers (375,000 francs).
I.
Il circule, dans notre littérature, des renseignements
quelque peu légendaires sur l'hôpital homœopathique
de Londres, lequel, dit-on contiendrait aujourd'hui
200 lits. Cela n'est pas malheureusement, si j'en crois
(!) Voy. Art médical, XXX, 315 et 397.
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150 VARIÉTÉS.
un de nos confrères anglais, qui m'a rendu visite récem-
ment. II y a quinze à vingt ans, m'a-t-il dit, les parti-
sans de l'homœopathie ont acheté à Londres, au prix de
150,000 francs, deux ou trois maisons contiguës. Ils y
ont ensuite dépensé 50,000 francs pour approprier ces
bâtiments à leur nouvelle destination. Cet hôpital, qui
pourrraitcontenirl001its,n'en renferme aujourd'hui que
40 seulement, car les souscriptions (annuelles, suivant
la coutume anglaise; ne peuvent en entretenir davantage.
C'est déjà un très-beau résultat de voir les partisans
de notre thérapeutique constituer ainsi une rente an-
nuelle de 40 à 50,000 francs pour l'entretien d'un hôpital
homœopathique à Londres. Il est donc inutile d'embellir
la vérité, il suffît de l'exposer tout simplement.
II.
Depuis 1867, Paris a vu inaugurer trois souscriptions
pour la fondation de trois hôpitaux homœopathiques.
Deux de ces souscriptions sont dirigées par les homœo-
pathes hahnemannienS) et la troisième par les homœo-
pathes éclectiques. Je commencerai à parler de celle-ci,
qui est la première en date.
I. — Au Congrès homœopathique international , tenu à
Paris en 1867, séance du 10 août, M. le Secrétaire gé-
néral lit deux lettres adressées, l'une par le Dr J. de
Hysern, professeur à la Faculté de médecine de Madrid,
l'autre par M. Martins Somolinos, pharmacien à Madrid.
Le Dr J. de Hysern écrit qu'il envoie 500 francs
destinés soit à couvrir les frais du Congrès, soit à telle
fin que cette assemblée décidera.
M. Somolinos envoie 80 francs dont le Congrès fera
l'usage le plus convenable pour le progrès de rhomœo-
pathie.
Dans la séance du 23 août 1867, le président, M. Im-
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VARIÉTÉS. 151
bert-Gourbeyre, consulte l'assemblé sur la destination des
580 francs offerts au Congrès.
Le Dr Ozanam propose de faire servir ces fonds à
l'impression des mémoires envoyés au Congrès.
Le Dr de Mauvergnier conseille d'en constituer un
commencement de fonds destiné à faire un noyau de
souscription pour la fondation d'un hôpital homœopa-
thique.
Le Dr Imbert-Goubeyre propose, sans rien spécifier,
de commencer un Fonds hnhnemannien, qui pourra ser-
vir plus tard, soit à l'érection d'un hôpital, soit à toute
autre institution qui, à un moment donné, pourra pa-
raître utile à l'homœopathie.
Cette proposition est adoptée par l'assemblée.
Le Dr Crétin conseille d'augmenter ce fonds par des
souscriptions volontaires. Il s'engage à verser à ce
fonds une rente annelle de 50 fr. en son nom, et pa-
reille rente de 50 fr. au nom de son ami le Dr Love.
A la suite, s'inscrivirent le Dr Jousset pour 30 fr., et
le D' Ozanam pour 55 fr.
Le congrès homœopathique de 1867 charge une com-
mission de provoquer et de réunir des souscriptions
dans le but de constituer un Fonds hahnemannien, des-
tiné à la fondation et à l'entretien d'une clinique ho-
mœopathique.
Cette commission décide :
Que la souscription sera ouverte en permanence chez
tous les médecins homœopathes en France et à l'é-
tranger.
Que, le Bulletin de la Société médicale homœopathique
publiera les listes de souscriptions et les communique-
rait aux journaux, rArt médical, f Hahnemannisme et la
Bibliothèque homœopathique.
Dans sa première liste de souscription, close le 15 avril
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1"j2 VARIÉTÉS.
1808, on comptait seulement vingt-quatre souscrip-
teurs qui, les uns versaient une somme de 940 fr., les
autres s'e a gageaient pour une rente annuelle de 590 Fr.
(voy. fArt médical, XXVII, 319).
La commission nommée par le congrès confie l'inia-
tive et l'emploi de la souscription à la Société médicale
hnmœopathigue de France qui, dans sa séance du 19 avril
1868 , accepte cette double mission et destine le Fonds
hahnemannien à la création d'un hôpital et d'une clini-
que homœopathiques.
La seconde liste de souscription, réunie à la première,
contenait les noms des quarante souscripteurs, parmi
lesquels dix versaient la somme totale de 1.540 fr., et
trente s'engageaient ensemble pour une rente annuelle
de 1,070 fr. Le 1er mai 1869, l'actif du Fonds hahne-
mannien se montait à 4,001 fr. (voir fArt médical,
XXX, 77).
Dans leurs réunions du 3, du 19 février, et du 3 mars
1870, le Dr Léon Simon et les autres rédacteurs de
ï Hahnemannisme décident la fondation et l'ouverture im-
médiate de l'hôpital Hahnemann aux Ternes-Paris, 26,
rue Laugier, et l'organisation d'une liste de souscrip-
tion renfermant les noms des membres laïques d'un co-
mité protecteur, des dames patronnesseset des membres
d'un comité médical. Cette initiative, habile et hardie,
décide la Société homœopathique de France, sur la propo-
sition du Df Jousset, à rédiger une semblable liste de
souscription (séance du 21 mars 1870). Onze membres
présents souscrivent aussitôt pour une somme annuelle
de 8,850 fr. pendant trois ans {voy. Bulletin hom., XII,
533). On nomma une commission, d'abord de trois,
puisdesept membres, pour organiser le plus tôt possible
un hôpital homœopathique. Dans la séance du 28 mars
suivant, quinze autres membres souscrivent pour une
VARIÉTÉS. 153
rente triennale de 3,975 fi\, et un généreux donateur
anonyme versa la somme de 5,000 fi*.
La Société homœopathiqitc adresse une première circu-
laire aux médecins, plus tard une seconde aux méde-
cins et aux laïques partisans de l'homceopathie. Cette der-
nière, faite sur le modèle de celle des rédacteurs du
journal/' Hahnemannisme, était beaucoup plus importante
sous tous les rapports. En effet, elle contenait la liste
de 76 médecins ou pharmaciens homœopathes.
Capital. Rente annuelle. Annuité triennale.
et de 54 laïques,
1,370
290
15,000
700
1,000
i\700
Soit pour trois ans 52,100
El avec le capital de 21,440
(Voy l'Art mèd., XXXI, 394.) Total. . . 73,00u fr.
(Cette souscription a atteint aujourd'hui le chiffre do 90,000 fr.)
Dans la séance du 4 avril 1870 de la Société homœo-
pathique, le Dr Frédault, au nom de la nouvelle commis-
sion hospitalière, lit un rapport apprenant :
Que, dans le quartier latin, près du Val-de-Grâce et
du Luxembourg*, rue Saint-Jacques, n° 282, on avait
trouvé un terrain de 2,500 mètres avec maison bâtie et
pouvant, après des restaurations et constructions ulté-
rieures, contenir un hôpital de 150 à 200 lits;
Que le prix de location annuelle de cet immeuble était
de 10,000 francs, avec possibilité d'acquérir, pendant
la durée du bail, le susdit terrain pour 200,000 francs;
Que Ton avait à peu près les fonds nécessaires pour
installer et entretenir douze lits dans cet immeuble pen-
dant trois ans. (Pour les détails, voy. Bulletin hom.,
XIII, 11.)
Le 30 mai 1870, sur 93 souscripteurs, médecins ou
pharmaciens, 67 ont pris part au vote et nommé, au
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154 VARIÉTÉS.
scrutin secret, six chefs de service de l'hôpital Saint-Jac-
ques : le Dr Jousset, le D' Frédault, le Dr Milcent, le
Dr Gonnard, le Dr Molin et le Dr Crétin.
Le 20 juin, ont été nommés de la même manière
quatre médecins consultants:
MM. Ozanam, Perry, Love, Ghanet.
II. — Dans le n° du 1er janvier 1869, de son journal,
la Bibliothèque homœopathique (t. II, p. 4), le D' Chargé
inaugure une souscription pour la fondation à Paris
d'un petit hôpital homœopathique hahnemannien. Le 15 mai
1870, cette souscription avait atteint le chiffre de 16,625
francs 70 cent.
Parmi les 203 souscripteurs, on compte 23 médecins
et 3 pharmaciens qui ont souscrit pour la somme totale
de 2,845 francs, et 177 laïques qui ont donné entre eux
13,780 fr. 70.
III. — Comme je l'ai dit plus haut, dans leurs réu-
nions du 3, du 19 février, et du 12 mars 1870, le Dr Léon
Simon et les autres rédacteurs de l Hahnemannisme (III,
97), décident l'organisation d'une souscription pour la
fondation de l'hôpital Hahnemann.
Parmi les 148 souscripteurs, 140 laïques donnent en-
semble 12,448 fr. 75 c; et 4 médecins, 2 étudiants et
2 pharmaciens, la somme totale de 3,442 francs; ce qui,
au mois de mars, constituait une somme totale de 15,890
fr. 75 c.
L'hôpital Hahnemann, ouvert le 10 avril 1870, con-
tient, m'a-t-on dit, douze lits placés dans l'un des deux
pavillons d'une maison, qui est provisoirement louée et
que l'on pourra acheter pendant la durée du bail.
Quatre médecins, le Dr Léon Simon, le I)r Boyer, le
Dr Chancerel fils et le Dr Desterne, ont chacun trois lits
dans leur service respectif.
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VARIÉTÉS. 155
L'hôpital Hahnemann, situé à Paris, rue Laurier, 26,
dans le quartier des Ternes et par conséquent à 6 ou 7
kilomètres de la Faculté de médecine, ne pourra guère
être fréquenté par les étudiants et les jeunes médecins
qui suivent les cours de la Faculté. La position topogra-
phique de cet hôpital et la pathologie hahnemannienne
de ses médecins empêcheront sans doute, l'un et les au-
tres, de contribuer à la propagande de la thérapeutique
homœopathique,parmi les membres du corps médical. Et
ainsi, grâce à la distance topographique de l'un et à la
distance doctrinale des autres, les médecins allopathes
considéreront cet hôpital comme une œuvre de charité et
non comme un établissement scientifique.
Précisément pour les deux motifs contraires, l'hôpital
homœopathique de la rue Saint-Jacques pourra bien
mieux vulgariser notre méthode de traitement et cela
d'autant plus facilement que ses médecins ont maints
rapports de voisinage avec leurs confrères allopathes,
aux points de vue thérapeutique et surtout nosologique.
D'ailleurs, aux yeux du corps médical, ce sera l'hôpital
Saint-Jacques qui représentera le mieux la thérapeutique
homœopathique, parce qu'il est soutenu par la majorité
des médecins homœopathes souscripteurs. Quand l'en-
seignement clinique aura produit dans cet hôpital le3
résultats que nous en espérons, rappelons-nous que la
première cause occasionnelle de sa fondation a été la
générosité de deux Espagnols, le professeur J. de Hysern
et M. Martino Somolinos. En attendant, qu'ils acceptent
ici nos remercîments pour leur féconde initiative.
III.
La Belgique a trop de rapports avec la France pour
ne pas suivre son exemple en bien des circonstances ;
c'est ce qu'elle vient de faire en organisant une sous-
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156
VARIÉTÉS.
cription pour l'érection d'un hôpital homœopathique à
Bruxelles. Le vétéran des médecins homœopatlies de
cette ville, le Dr Variez, a déjà souscrit pour 5,000 francs;
c'est un beau début.
IV
En même temps que celles de Paris et de Bruxelles,
la souscription pour la fondation d'un hôpital homœopa-
thique à Leipzig* poursuit son cours.
Un quarante troisième et un quarante-quatrième mé-
decin se sont engages à verser annuellement pendant
cinq ans :
Le Dr Zwingenberg-, du Brandebourg". 10 thalers.
Le Dr J. Hirsch, de Pragues 10
Du 25 octobre 1869 au 13 juin 1870, on a reçu 308 tha-
lers 19 g-roschen (1,156 fr. 35 c), comme le démontrent
les souscriptions suivantes recueillies dans cet intervalle :
Thalers. Groschen. Fr. c.
Report (Voy. VArt mèd., XXX, 398) dos
sommes versées antérieurement. . .
M. le H' Weihe jeune, d'Hcrford, contri-
bution de la première année . .
M. le D' May,deGrossroehrsdorf. .
M. le Dr Sorge, de Berlin ....
M. le D* Landesen, de Pernau. . .
M. le Dr Hirsch, de Pragues, contribu-
tion de la première année ....
Ce même médecin a envoyé 27 thaï.
(50 fl.) provenant des 7 so'uscr. suiv.
Joseph Pollak i0 fl. \
2,407 9 1/î 9,0*7 40
r>
i
4
10
V
0
»
II
»
M
M. S. Ellboyen 10
M. S. Raudnitz 5
M. Jos. Hajek 5 \ . .
M«« la comtesse Koilonitz. . 5
M1»* Naemi Holzner .... 3
Mm*Klindert 1 )
M. le Dr Heinigke, de Glaurhau, contri-
bution de la première année ... S
M. le Dr O. Groos. de Muelhausen, con-
tribution de la deuxième année. . . 10
M. Marggraf, pharmacien à Leipzig. • 5
Intérêts des «ommes versées . . . . 117
Gains provenant d'actions des chemins
de fer de la Thuringe • ' \
Excédant. 14
H. le Dr Rath, de Stralsund .... 1
M. le D» Wagner, de Fuenfkirchen, mé-
decin militaire 5
8 ili
2
22 Iti
»
»
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TARIËTK3. 157
Tbalers. Groschen. Fr. c.
M. lo Dr Und, de Dresde 2 » »
Un anonyme 1 » »
M. le Dr G. Georges, de Vienne . . « 10 » »
AI. le Dr l'ieiitx. de Urunsvvick, médecin
do la Cour, conseiller sanitaire. . . 20 » »
Envoyé par M. le D» Simrock, «le Franc-
fort-sur-le-.Moin, que lui a remis
M. Illich, de la môme ville. ... 5 21 »
M. le Dr Faulvvusser, de Bernbourg, con-
tribution de la première année. . . !» » »
M. le Dr Hammorschmiilt, d'Elberfrld. . 13 » o
Envoyé par ce médecin, que lui a remis
M T.-W. Neviandt, de nlctlmann . . 12 » »
M. le Dr Clolairo Mucllor, do ^eipzig,
troisième contribution 2!» » »
Env. par M. loDr Lorbacher, deLeipzig. 2 » »
Env. par le même, une somme donnée.
par M. T.-K. Unger, d'Eibenstork. 2 » »
Total 2,716 3 1/2 = 10,185 45
Les États-Unis, toujours fidèles à leur devise Go head,
ne pouvaient par rester eu arrière quand il s'agit de
fonder des hôpitaux honiŒopalhiques : ils l'ont bien
prouvé comme vont nous le démontrer les résultats sui-
vants :
I. A Cleveland, dans l'Ohio, il existe déjà un hôpital
homœopathique de 58 lits. Pour leur entretien, il a été
fait, l'an passé, une vente de charité, qui a produit net
plus de 2,000 dollars (10,230 fr.). {The New-Englund
medic. Gazet., janv. 1869.)
II. Tendant l'automne de 1869 a eu lieu à Philadel-
phie une vente de charité dirigée par les femmes des
médecins homœopathes. Elle a produit net 16,000 dol-
lars (84,000 fr.), qui seront consacrés à la fondation d'un
hôpital homœopathique dans cette ville. ( Allg. hom.
Zeitung, 4 avril 1870.)
III. Les 57 médecins homœopathes de Boston, l'Athè-
nes des États-Unis, forment deux sociétés médicales
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158 VARIÉTÉS.
ayant des réunions bimensuelles. Ils ont déjà recueilli,
dans une première souscription, 20,000 dollars (105,000
francs) pour la fondation d'un hôpital homœopathique
dans leur ville. [Ally. hom. Zeitung, 23 mai 1870.)
IV. Grâce à son importance commerciale et à sa popu-
lation toujours croissante (1 million d'habitants en
1870), New -York est considérée, sinon en titre, du
moins en fait , comme la capitale des États-Unis. Elle
vient de prendre une initiative, qui sera suivie, espé-
rons-le, par les autres États, aussi bien en Europe qu'en
Amérique.
On raconte qu'aux Etats-Unis, on a un certain res-
pect pour les enfants, parce qu'on se dit : ce petit gar-
çon sera peut-être un jour Président de la République.
C'est probablement en raisonnant d'une façon ana-
logue, que les citoyens de New- York paraissent présu-
mer que, si le présent appartient aux majorités, l'avenir
appartiendra aux minorités. Dans ce pays, l'Etat et la
ville ont du moins agi comme s'ils avaient cette présomp-
tion au sujet des médecins allopathes et homœopathes. En
effet , quoique les premiers soient évidemment en ma-
jorité, ils ont accordé cependant aux derniers une renie
annuelle beaucoup plus considérable pour leurs établis-
sements de charité respectifs. C'est ce que va démon-
trer le tableau suivant :
SOMMES ACCORDÉES POUR LES ÉTABLISSEMENTS ALLOPATH IQUES
DE NEW-YORK :
Par la ville. Par l'État.
Dollars. Dollars.
New-Yorck Dispensa™ l,ooo 6,000
Northern id. . . 1,000 hOO
Kastern id 1,000 1,000
Demilt id 1,000 1,000
North Eastern id 3,000 1.500
North Western id 1,000 »
Yorckvillo id 1,000 1,000
Harlem id 1,000 1,000
Manhattenville id 1,000 »
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VARIÉTÉS. 159
Dollars. Dollar».
New-Yorck médical collego, pour le dispensaire des
femmes 4,000 500
Central Dispensary 2,000 »
Gorman id 1,000 600
Dispensaire de l'ouest pour les femmes et les enf. 1,000 300
Dispensaire de New-York pour les maladies de la
poitrine et du larynx 2,000 »
Dispensaire de New- York pour les cancéreux. . . » 1,000
Infirmerie de New- York pour les maladies des yeux
et des oreilles » 1,000
New-Yorck Infirmary Dispensary » 500
New-Yorck ophthalmic and Aurai Institute. . . . » 1,000
Total 20,000 16,000
SOMMES ACCORDEES POUR LES ÉTABLISSEMENTS HOMOBOPATH1QUK9
DE NEW-YORK :
Par la ville. Par l'État.
Dollars. Dollars.
New-Yorck Homœopathic Dispensary 1,000 1,000
Nort Eastern Homœopathic médical and surgical
Dispensary 2,500 3,000
Bond street Homaeopathic Dispensary 5,000 1.500
Tompkings id. id 1,000 1,000
New-Yorck Horaœop. médical collège Dispensary. 1,000 1,000
Western Homœopathic Dispensary 2,500 l,t>00
Metropolitan id. id 3,000 »
Hahnemann-Hospital 10,000 20.000
Womans médical collège and Hospital 10,000 10,000
New-Yorck ophthalmic Hospital » 2,500
Total 36,000 42,500
{Allg. Rom. Zertung, 30 mai 1870.)
A ces 78,000 dollars, je pourrai ajouter 3,750 dollars
donnés par l'État pour les établissements charitables ho-
mœopathiques des six paroisses ou faubourgs avoisinant
New-York, ce qui ferait un total de 82,250 dollars.
Dans le tableau précédent, il y a deux dons pour
Y hôpital Hahnemann, qui réclament de plus amples expli-
cations.
D'un côté, nous voyons la ville donner 10,000 dollars
pour l'entretien du petit hôpital Hahnemann déjà exis-
tant, et dirigé actuellement par le Dr Seeger.
D'un autre coté, l'État donne 20,000 dollars pour la
construction d'un nouvel hôpital Hahnemann, pour le-
quel il a cédé un terrain dontja valeur est de 70,000
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160 VARIÉTÉ?.
à 80,000 dollars (357,500 à 420,500 fr.). Où est situé ce
terrain? Je vais essayer de l'indiquer.
Tandis que la superficie de Paris est de 8,000 hec-
tares pour ses 2 millions d'habitants, celle de Londres
de 32,000 hectares pour ses 3 millions d'habitants, celle
de New-York est appelée à devenir probablement plus
considérable que cette dernière.
New-York est bâti sur une presqu'île, ou plutôt sur
une île, allant du nord au sud, dans sa plus grande lon-
gueur. C'est un rectangle irrégulier ayant 14 kilo-
mètres de longueur, et 3 à 4 de largeur. Au milieu du
rectangle est placé le Central-Park, sorte de Dois de Bou-
logne, qui a été planté en 1845, et qui a coûté 200 mil-
lions. En 1811 fut tracé le plan général et symétrique
de New-York, qui continue à le suivre dans ses con-
structions. Celles-ci, partant du sud, ont déjà dépassé
le Central- Park qui, un jour, méritera sa dénomination,
si l'on voit accroître incessamment la population de cette
ville qui, en 1800, n'avait que 60,000 habitants, et au-
jourd'hui en compte 1 million. Le plan rectang'ulaire de
la cité est traversé dans le sens de sa longueur par une
large rue commerciale appelée Broad Way, nom très-
significatif.
Le terrain, concédé par l'État pour le nouvel hôpital
Hahnemann et présentant 125 pieds de large sur 200 de
long, est placé près du Central-Park et de Broad Way ,
par conséquent, dans un des plus beaux quartiers de la
ville.
Dr Gallavardin,
de I.yon.
Le Rédacteur en chef, Jules Bavasse.
I'jn> - liaprinif rie i. I'arent, rue NonsieuMe-Prioce. 31.
Digitized by
L'ART MÉDICAL
SEPTEMBRE 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
i:tude sur nos traditions.
— SUITE —
III. Van Helmont, Descartes, Leibnitz. — Ces trois
hommes sont dans Tordre des idées, les trois grands
maîtres du xvn" siècle, et des trois, le premier est cer-
tainement 1p plus grand, bien qu'il soit le moins connu.
J.-B. Van Helmont, seigneur brabançon, naquit à
Bruxelles en 1577. Élevé très-religieusement par son
père, il fit ses humanités à l'université de Louvain , y
suivit ensuite l'enseignement philosophique des jésuites,
puis s'y fit recevoir docteur en médecine en 1599. Après
avoir donné tout ce qu'il possédait à sa sœur, pour ne
plus être que pauvre et voué à la recherche de son art,
il parcourut plusieurs fois la France, l'Italie et l'Alle-
magne. Il revint ensuite dans son pays, y épousa une
riche héritière, qui lui apporta la terre de Vilvode, où il
vécut toujours étudiant, soignant les malades, et les pau-
vres surtout, jusqu'à sa mort, arrivée en 1644. Ses idées
ne furent qu'en partie connues de son vivant, car il publia
peu de choses. C'est son fils, François-Mercure Van Hel-
mont, qui édita toutes ses œuvres, en tout, cent et quel-
ques traités réunis sous ce titre : Ovtus medicinœ, id est
TOME XXXII. — SEPTEMBRE I87C. Il
162 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
initia physicœ inaudita , progressif medicinœ novus in mor-
borumultionem ad vitam longam ; Lyon, 1667.
Cet ouvrage, fort peu lu de nos jours, parce que d'a-
bord il est écrit dans un latin rempli de néologismes, et
parce que les idées sortent de l'ordinaire, est certaine-
ment un des plus curieux et des plus instructifs de notre
tradition. On y trouve la profondeur, souvent la luci-
dité, et toujours la grandeur et l'élévation des pensées.
Une traduction des principaux traités qu'il renferme
aurait rendu un vrai service à la médecine. M. le
Dr Maudon a bien publié, en 1868, un Mémoire in-4°, sur
Van Helmont et ses œuvres ; mais ce travail est trop
abrégé et imparfait pour bien connaître le grand méde-
cin brabançon. Ce que nous allons en dire nous-mème,
sera, sans doute, aussi bien abrégé et imparfait, nous
espérons au moins donner à plus d'un lecteur le désir
de faire une plus ample connaissance avec ce maître-
homme.
VOrtus medicinœ est en fait une sorte de vue générale
de l'homme et du monde au bénéfice de la médecine.
L'auteur aborde dans les premiers traités, ce que nous
pourrions appeler la méthode, et il l'expose en racontant
les doutes, les désirs et les élans de ses études. Dans les
traités qui suivent , il s'occupe des principes de l'être
et de la vie, des éléments et de la matière, du monde,
des astres, des météores. Il vient ensuite à des questions
de pathologie générale, qu'il tourne et retourne en tous
sens pour bien exposer l'origine et le développement des
maladies. Puis viennent les questions de thérapeutique.
L'ouvrage se termine par des monographies plus con-
sidérables sur la lithiase et les fièvres.
Van Helmont qu'on range souvent parmi les théoso-
phes et les kabbalistes, près de Paracelse ou de Cardan,
s'en distingue pourtant tout à fait. On l'a mal étudié. Il
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 163
prend bien àParacelse l'idée de YArchée, mais c'est pour
en faire sa propriété distincte de son prédécesseur; et,
presque à chaque pas, il contredit le célèbre charlatan. Il
se rapproche des alchimistes en acceptant les trois élé-
ments : le soufre, le sel elle mercure, mais on voit qu'il
fait de la chimie et non plus de l'alchimie. Il a un pro-
cédé, ou méthode intellectuelle, qui le rapproche des
kabbalistes, mais il a bien soin d'en vouloir élaguer tout
ce qui n'est pas naturel, et tout ce qui sentirait le téné-
breux. En un mot, c'est un homme qui est lui-môme,
qui semble toucher à tout, qui, bien évidemment, est au
courant de toutes les idées, môme de la scolastique, qui
emprunte à toutes quelque chose, mais qui, dans le fond,
peste lui-même avec une tendance prononcée vers la
philosophie chrétienne. D'ailleurs, il est d'une piété ar-
dente, et ne s'en cache pas.
Au premier abord, on est étonné de son langage ar-
dent et coloré, et on se sent pris d'une certaine réserve
en lisant que c'est dans le sommeil que sa méthode lui
fut révélée et qu'il apprit à contempler son âme : « Saltem
« magna mox quies me invasit et incidi in somnium in-
« tellectuale, satisque memorabile. Vidi enim animam
umeam satis exiguam, specie humana, sexus lamen
« discremine liberam, Confestim in spectaculo admiratus
« hœsi, nesciens quœnam in me essetegoitas , quœ ani-
* mam a se distinclam cerneret, intelligeretque intel-
• lectum extra se. » Et alors il voit le rôle des connais-
sances sensibles dont l'acte intellectuel est distinct : « Sed
« notavi,[quod cassa jam mentis priori majestate, oborta
« esset generatio altéra. In qua, anima sensitiva, men-
» lis vicarium ageret. Quse cum cognitione confusanea
♦ determinationum , atque disciplinarum excitamento
* indigeret, veri intellectus locum jam complet, sibi ar-
«rogat omnem egoitatem. Hinc namque dedici, con-
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104 HISTOIRE DE LK MÉDECINE.
« tingere, quod ipsi non percipiamus, nos aliquid intel-
« ligere , quandiu principale agens , hujus miserœ,
« al que caducœ intellectionis, vimsuam usquead sensus
«limites, non traduxit. Quare et jam, nec reminisci-
« mur nos intelligere, nisi per œconomiam sensitivam,
« ejus modi actio in nos propagetur. »(Confessio au-
thoris, 4, 6.) Au lond, c'est la théorie arislolalicienne et
scolastique du rôle de la sensibilité, servante de l'in-
telligence.
On a voulu, sur une lecture certainement superfi-
cielle des premiers traités de son œuvre , en faire un
mystique dévoyé, analogue à Paracelse et Cardan, mais
on s'est trompé du tout au tout. Ouvrons son traité sur
la Recherche des sciences ( Venalio scientiarum) : c'est là qu'il
a le mieux expliqué son procédé intellectuel. Ce qu'il
blâme surtout, c'est la raison discursive, ou syllogisti-
que, qui fuit la contemplation des choses : « Cœpi crgo
« deinceps contueri , quod meus intellectus plus profi-
« ceret per figuras, imagines, et phantasise somniales,
« quam per rationis discursus »(§ 40). Il faut 1 entendre
raconter toutes ses analyses intellectuelles : il est pro-
fond, il étonne. Il nous fait assister à cette transforma-
tion si mystérieuse de la connaissance sensible en con-
naissance intellectuelle; et quand il dit : je vois, on
croit voir avec lui : « Ego vero, eo clarius jam cog'novi
« istam transmutationem intellectus, fieri debere, eo
« quod intellectus in se sit totus purus, simplex, unicus
• et indivisus » (§ 46). L'intelligence se dégage de toutes
les impuretés sensibles, et tous les troubles qui viennent,
soit de l'objet qui frappe, soit du sujet pensant; et, alors,
voyant les essences qui sont au dedans des choses, elle
se transforme elle-même en ces essences : « Ut pote
a anima, in illo statu, sic apprehendit interiorem et an-
« teriorem rei intelleclœ essentiam, quod ipse intellee-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITION?. 165
« lus, IransmigTando sese transformât in rem intellec-
« tam ; bine videlicet sequitur » (§ 48). Et c'est en se con-
cevant elle-même qu'elle conçoit la science : « Quam
« ob rem, sive intellectus transformetur, vcl sive seip-
« suni transformet in simulacrum rei intellects, sane
« divino auxiho opus liabet, et quidem singulari, quia
• sallem tune anima intuetur suum intellectum, sub
« forma accepta, in dicto lumine : atque in isto sui spec-
«taculo, speculatur seipsam intellectualiter , afcsque
« reflexione altcritatis : sic que concepit rem scibilem,
u una eu m suoessc, et proprielalibus. Eo quod hoc cog-
« nitionis lumen , non sit emanativum extra intellec-
« tum : sed manct reftexum, super intellectum, in omni
« veritate, et ccrlitudine perfecto, perfectiorem. »(§ 50.)
Les essences soni donc comme un acte môme de l'in-
telligence, où elles reposent pures, et sans ombres ; et,
c'est en se regardant que l'intelligence les voit,
comme l'œil se voit dans un miroir : « Stant nempe in
« conceptu inlellectuali, essentiae nudœ, et denudatœ :
«quas ut taies, anima in illo nunc aspicit in speculo
« proprii intellectus, sicut dum oculus seipsum infe-
ct tur in speculo, in radio reflexo sui ipsius » (§ 54). C'est
ainsi que l'intelligence se voyant elle-même en voyant
les essences, les conçoit dégagées de tout accident :
« Qua propter cum objectum proprium intellectus, sit
« ipsa rerum essentia, ea propter accidentia, velut abs-
« tracta, atque discissa a rébus, quibus insunt, debent
« concipi ab imaginatione, idque per species, et ima-
« gines : neutiquam vero intellectum. In quo alioqui re-
« perio omnia accidentia, connexa simul in puncto, sub
essentia rerum intelleclarum. Quippe accidentia pro-
« prie non sunt essentia, sedentium a quibus depen-
.« dent. » (§ 58.)
Quiconque a lu le troisième livre du De Anima d'Aris-
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Î66 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
tote trouvera ici plus d'une réminiscence, et cependant
l'auteur blâme le péripatéticien. C'est qu'en effet, Aris-
tote accepte bien la même doctrine, mais il est dans un
sens encore plus platonicien que Van Helmont ; car son
intellect agrnt qui, comme pour Van Helmont, revêt
lui-même la forme des essences intelligibles, est une
sorte d'émanation de la divinité, et semble échapper à
la personnalité humaine ; tandis que pour Van Helmont,
c'est l'intelligence propre de l'homme, et par consé-
quent, nous-mêmes, non la divinité qui serait en nous,
qui conçoit les essences. Il est vrai qu'Aristote n'a peut-
être pas absolument dit que son intellect-ag^ent fût une
partie de la divinité : mais c'était le sens dans lequel on
l'entendait avec les commentaires d Alexandre d'Aphro
dise et d'Averrhoès.
Mais, cela suffit à l'entente de son procédé ; venons à
ses idées sur les sciences naturelles.
Van Helmont récuse les quatre causes admises depuis
Arislote , et surtout depuis Albert-le-Grand ; il les ré-
duit à deux : la cause matérielle et Yefpciente. « Qua
« propter post sedulam omnium rerum invesligalionem,
« non inveni corporis naturalis ullam dependentiam,
« nisi duntaxat ad suas causas , ad materiam et efû-
* ciens, internas (qui plcrumque externa quaîdam exci-
a tans associatur) scilicet » (Naturalium, § 11). Cela
suffit à tout expliquer : a Porro cum materia, simul et
« elTîciens, sufficiantad omne productum, sequitur, om-
« nem definitionem naturalem, non ex génère, et diffe-
« rentia (mortalibus plerumque incogmita) petendam :
« sed ex ambarum causarum connexione, eo quod ambae
<« simul, totam. rei essentiam concludant » (§ 14). N'est-
ce point là la science de Descaries et de nos temps mo-
dernes qui réduit tous les principes à deux, de la Mu-
tière et des foires !
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ÉTUDE SUR NOS TRADITION8. 167
La puissance efficiente est pour lui \e ferment qui gou-
verne comme un monarque tous les actes des êtres vi-
vants. Les éléments matériels sont les principes ex quo
dont les corps vivants sont produits ; le ferment est le
principe per quod. (Xaturalium, § 23.) Or, ce ferment
est un être formel créé, qui n'est ni substance, ni acci-
dent, mais quelque chose de particulier comme une lu-
mière, un feu, un son, un supérieur : « Est autem fer-
« mentum , sus creatum formate , quod neque substan-
o tia, neque accidens, sed neutrum , per modum lucis,
o ig-nis, magnalis, formarum, etc.. conditum a mundi
« principium, in locis suœ monarchiœ, est succina pre-
« paret, excitet et procédât» (§ 24). C'est le principe
actif de la vie et de la semence : o Fermentum igilur prin-
« cipii veri naturam tenet a causa efficienti, in hoc di-
■ versi : quod causa efficiens , consideretur tanquam
«immediatum principium activum in re, quod est se-
o men, ac vclul principium molivum ad generationem
« sive initium rei constitutum. Fermentum vero, semine
« sœpe prius, et hoc de se générât. » (§ 28.)
Ce ferment vital, c'est VaYthé (de âp/jj, commande-
ment, autorité, principe), principe intérieur de mouve-
ment et de génération. « Quidquid ig-itur in mundum
« venit, per naturam, necesse est habeat suorum mo-
« tuum initium, excilatorem, et directorem internum
« g-enerativum » (Archeus faber, § 2). C'est une sorte de
souffle générateur : « qua? aura, liect in aliquibus
« Ioculentior sit : in veg*etabilibus tamen succi specie
« comprimitur, ut et in melallis densissima homog-e-
« neitate inspissatur,sing"ulis tamen hoc donum obtig-it,
«quod Archeus vocatur, g^nerationem et seminam
« fœcundilatem continens, tanquam causa interna I Ile
• inquam faber g-enerati imaginem habet, ad eujus
«initium, destinationem verum ag-endarum componit. »
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168 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
(§ 3.) Et encore : « Constat Archeus vero, ex con-
«nexione vitalis aurœ, velut materiœ, cum imagine
«seminali quac est interior nucleus spiritualis, faecun-
« didatem seminis continens est autem semen visibile,
« hujus tanquam siliqua » (§4). lin peu plus loin,
dans un autre traité intitulé : Imago fermenit imprégnât
massam seminc, l'auteur nous montrera que ce souffle
vital se répand dans toute la semence et dans tout l'être,
comme l'action du ferment purifie toute une masse de
pâte.
Sur la question des éléments, Van Ilelmont réprouve
l'ancienne doctrine : l'air n'est pas un élément, la terre
est composée, le feu n'est pas un élément, l'eau seule
peut contenir les éléments, mais n'est pas élément. II
n'y a que trois éléments comme le disent les alchi-
mistes, le soufre, le sel et le mercure. En un sens, il
pourrait n'y en avoir que deux, le ciel et la terre, mais
sur la terre, il y en a trois seulement par celte raison
capitale déduite de l'expérience, qu'ils sont indivi-
sibles; manere semper indivisa (Elemenla, § 14). On croi-
rait entendre un chimiste moderne donner la raison
des substances élémentaires !
Mais ce ne sont point là les seuls éléments matériels.
Il y a les gaz et les blas. Les gaz sont le fait de l'ébulli-
tion que le ferment cause dans la matière. Le gaz de
l'eau, c'est l'eau se mettant en vapeurs : mais ces va-
peurs ne sont pas tous les gaz , car il y a le gaz syl-
vestre qui sort du bois et qui se montre dans la fermen-
tation du vin. Ici, d'un trait de génie, Van Helmont
fonde toute la chimie moderne, montre la différence de
l'air et des vapeurs, et fait connaître l'acide carbo-
nique. Les blas sont des mouvements impétueux, des
tremblements dans la terre, des éclats du tonnerre, des
mouvements intérieurs dans les corps vivants, des éma-
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ÉTUDR SUR NOS TRADITIONS. 160
nations des astres ou des corps; c'est l'idée de l'élec-
tricité que Gilbert a lancée en rappelant ï électron des
Grecs, dont on s'est occupé sous le nom d'aimant, et
qui bientôt va paraître comme une force condensée
dans la machine électrique de Gœricke. Le blas huma-
num va bientôt être l'élément nerveux, l'esprit vital de
Descartes, le courant nerveux des physiologistes du
xvme siècle, et aussi le magnétisme animal de Mesmer.
Mais revenons à l'arche. Dans le traité Cuslos errans,
l'auteur va nous montrer ce ferment partout présent
dans l'économie. Si nous voulons ensuite connaître
comment cet arché s'entend avec l ame et ce qu'est
l'âme, il nous faudra lire les traités suivants : « Sedes
«animœ; Jus duum viratus; Mentis complementum ;
« Duum viratus; De anima; distinctio mentis ah anima
« sensitiva; De animœ nostrœ immortalitale: Nexus
• sensitivie et mentis. » Nous verrons alors un des côtés .
malheureux du grand homme. Pour lui, l'arché est
comme une silique qui renferme l'âme sensitive et qui
s'en inspire, et l'àme sensitive renferme l'âme intelli-
gente; de sorte que toutes les actions de la vie et du
corps, de même les maladies, dépendent de l'âme sensi-
tive, pendant que les actions de l'esprit dépendent de
l'âme proprement dite. Il y a donc dans l'homme comme
deux commandements et comme deux êtres accolés :
commencement doctrinal du duo-dvnanisme dans
l'homme, qui s'accentuera d'abord dans Descartes, puis
d'une manière confuse dans Stahl, enfin d'une manière
plus nette, et trop déplorable, hélas ! dans ce qu'on
nomme le vitalisme moderne dont Barthez pourra être
considéré comme le chef.
Je ne puis et ne veux poursuivre l'analyse de toute
l'œuvre de Van Helmont. J'aurai lieu d'v revenir en
parlant plus loin de la pathologie, et puis de la théra-
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170 HISTOIRE HE LA MEDECINE.
politique ; et je dois me borner iei à montrer les points
supérieurs de sa conception, eeux d'où doivent découler
les autres, et qui éclairent sa doctrine générale dans ee
qu elle a d'original et de différent de ses contemporains.
J'en ai montré suffisamment, je crois, pour bien faire
saisir la pensée capitale de l'œuvre, qui est de sortir de
la physique et de la chimie, de fonder la science de la
vie sur la connaissance de ses mouvements représentés
dans une cause spéciale, Varché. Aussi est-ce de Van
Helmont qu'il faut dater ce qu'on nomme le vitalisme
moderne; et c'est dans le moment où la physique et la
chimie envahissaient la médecine et allaient pour tant
de temps y faire de si grands ravages, que se préparait
le germe de la doctrine vitaliste qui doit surnager aux
erreurs de l'iatro-chimie et de l'ialro-mécanique. Mal-
heureusement, Van Helmont fondait, en môme temps
que le vitalisme, les principes du duo-dynamisme qui
devait être de son coté si dangereux, que nous aurons
lieu d'étudier plus à fond dans le siècle suivant, et qui
n'est peut-être qu'un mode préparatoire de retour à une
conception plus juste de la nature humaine. Nous
aurons, d'ailleurs, occasion de voir un peu plus loin,
comment le vitalisme inauguré par Van Helmont, rede-
venait scolastiquc en pathologie et préparait des desti-
nées nouvelles à la thérapeutique.
Van Helmont a été, en somme, le plus grand des ini-
tiateurs scientifiques des temps modernes. Il domine
son siècle et les suivants sans avoir été bien compris de
ses contemporains; et malgré quelques erreurs regret-
tables qui déparent son œuvre, c'est Un des plus grands
maîtres de notre tradition médicale.
Descentes est né en Touraîne dans l'année 1596. Il fit
ses éludes sous la direction des Jésuites au collég-e dé
la Flèche; et après quelques années passées dans la
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. Hl
solitude à Paris, il s'engagea au service de la Hollande,
sous Maurice de Nassau, quitta le service de la Hollande
pour celui de la Bavière, fit ensuite la guerre contre les
Hongrois, puis abandonna le service, parcourut l'Alle-
magne <H les Pays-Bas, et revint en France après neuf
ans d'absence. Mais c'était pour recommencer bientôt
ses pérégrinations. Il retourna en Hollande, en 1630, où
il demeura jusqu'en 1649, qu'il en partit pour aller re-
joindre la reine Christine de Suède à Stockolm, où il
fonda une Académie des sciences, et où il mourut quel-
ques mois après en 1650. C'est dans la vie de garnison
qu'il commença ses études, et c'est dons son exil volon-
taire en Hollande qu'il écrivit ses principaux ouvrages.
Descartes avait étudié la scolaslique et le péripaté-
lisme comme tout bon humaniste de son temps, mais il
avait aussi, comme tout penseur de l'époque, et plus
que tout autre, ce semble, reçu le souffle de révolte
contre les anciens et le désir de changer la doctrine des
causes. Il voulut donc imaginer le monde autrement
qu'on ne le voyait, et le conçut comme composé de ma-
tière en mouvement. Celte matière sur laquelle on avait
tant raisonné dans les siècles précédents, que les uns
avaient considérée dans son essence comme un pur ré-
ceptacle de la forme, à laquelle d'autres attribuaient
une existence propre, il la considéra comme n'ayant
pour propriété principale que l'étendue, et il lui attri-
bua d'avoir été mise en mouvement primordialement
par une seule et unique impulsion première, de sorte
que tous les phénomènes ultérieurs qui s'étaient pro-
duits, se produisaient encore, et pourraient se produire
â l'infini, n'étaient que les résultats de lois mathéma-
tiques imposées à un mouvement qui avait d'abord com-
mencé comme un tourbillon. Encore bien qu'il ne
Voulût pas, dans les premiers moments, admettre la
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\'2 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
théorie atomistique, il s'y trouvait fatalement conduit,
et il dut accepter la rénovation de l'atomisme do Démo-
crite et d'Epicure que lui montrait Gassendi. 11 courut
donc toutes les choses de la nature, les animaux même,
comme des machines composées de substances en mou-
vement, et posa que la science devait consister unique-
ment dans la connaissance des lois mathématiques sui-
vies par ces machines. L'homme seul lui paraissait
doué d une àme, et d une Ame uniquement intelli-
gente qui était en rapport avec la mécanique vitale du
corps, recevant des impressions de ce corps et pouvant
lui commander certains mouvements. Il concevait l'àme
comme logée dans un organe impair du cerveau, la
glande pinéale, pouvant de là donner le mouvement
en mettant le cerveau en branle, et engendrant dans
les ventricules cérébraux les esprits vitaux, qui de là se
répandaient dans tout l'organisme. 11 imaginait que ces
esprits vitaux mettaienten ébullitionle sangetlesatomes
matériels, d'où résultait la chaleur, et que la cause de
cette ébullition ou fermentation, était une sorte de ma-
tière subtile ou èther, qu'il considérait comme devant
être le substrat uni commun de toute la nature. Il est
visible que Descartes reçut une très-grande influence
des idées de Van Helmont; la matière et le mouvement,
c'est la matière et l'arché ; les esprits vitaux sont les
blas, produits par la fermentation ; et l'esprit est distinct
du mouvement vital comme pour le médecin braban-
çon. Nous avons, d'ailleurs, pu voir aussi que dans la
méthode, il y a quelque chose du procédé intuitif de
Van Helmont. Descartes n'a rien dit de ses inspira-
tions, mais on les devine. D'après lui, l'union de l'àme
et du corps sur laquelle on avait tant discuté, n'était
qu'une sorte d'accolement non point substantiel comme
l'avaient dit Arislote et les scolastiques, non point d'un
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ÉTUDE SUR NOS TRADITION». 173
moteur à un mobile, comme l'avait enseigné Platon,
mais d'occasion ; de manière que l'àme ne mouvait pas
précisément le corps, ni le corps ne mouvait l ame,
mais ce qui se passait dans l'une était l'occasion des
mouvements qu'exécutait l'autre, et réciproquement;
d'où cette grande théorie de la cause occasionnelle qui est
un des fonds du cartésianisme, et que Geulinx et Malle-
branche soutinrent ensuite, sans bien se rendre compte
que l'occasion prise comme cause suppose toujours iné-
vitablement une action, c'est-à-dire une transition de
moteur à mobile. C'est un point sur lequel nous allons,
d'ailleurs, nous expliquer plus longuement à la fin de
ce paragraphe.
Le cartésianisme renversait ainsi toute la science
basée sur l'union substantielle de la matière première
et de son principe actif la forme ou entéléchie : il pous-
sait les savants à mettre de côté toute conception méta-
physique et à ne plus tenir compte que des mouvements
de la nature ou de la vie expliqués par des lois mathé-
matiques, mécaniques, physiques ou chimiques. C'était,
en somme, une conception moins vitaliste et moins mé-
dicale que celle de Yan Helmont.
Lcibnitz manifeste sous une troisième et puissante
manière, ce que la pensée philosophique du xvne siècle
a produit. Il était né à Leipzig1 en 1646; il y fit ses
études et y reçut entre autres les leçons de Thomasius
très-versé dans la scolastique. Après s'être décidé à
entrer dans la jurisprudence, il n'en continua pas
moins ses études sur toutes les sciences cultivées de son
temps, fit un voyage à Paris où il connut plus particu-
lièrement Huygens qui le mit au courant des recherches
mathématiques et physiques de l'époque; fut en rela-
tions pendant plusieurs années avec Francz-Mercure
Van Helmont, fils de celui dont nous parlions plus haut,
1T4 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
voyagea en Angleterre et en Hollande; se fixa enfin en
Hanovre, où il écrivit tous ses ouvrages et où il mourut
en 1716, s étant permis, d'ailleurs, de fréquents voyages.
Il partage, comme on le sait, avec Newton, l'honneu'
de la découverte du calcul infinitésimal, mais ce n'est
point sous ce rapport, ni sous celui de ses idées particu-
lières que nous devons le considérer.
Leibnitz semble avoir donné dans le cartésianisme, et
même dans le petit kabbalisme des Uose-Croix, mais' il
8*en rôtira très-vite. Il paraît avoir été plus éclectique
que beaucoup d'autres penseurs de sou temps avec un
fond de scolastique. La matière telle que la comprenait
Descartes ne lui parut pas être l'exacte représentation
de la vérité : il comprenait que des lois purement ma-
thématiques et mécaniques ne pouvaient expliquer ce
qui lui paraissait être partout et tout à la fois logique et
moral, ou dépendant, comme il le disait, de lois éthico-
hgiques; et en somme, la métaphysique gouverne le
monde. Descartes ne voit dans la nature que des corps
et du mouvement, et ce sont là, suivant Leibnitz, de
simples phénomènes; le corps n'est qu'une image de la
substance, le mouvement n'est qu'une image de l'ac-
tion. Les mathématiques ne rendent compte que des
lois abstraites de la possibilité ; elles n'enseignent rien
de réel : à coté d'elles est le calcul métaphysique de la
contingence et de la finalité qui expliquent seuls la réalisa-
tion du monde intelligible. Un pas de plus, et son dis-
ciple Wolf posera la réalité dans la raison suffisante, qui
n'est qu'une conséquence de ces principes et qui nous
ramène au grand argument scolastique des convenientia.
Cependant, Leibnitz revient à son idée que la matière
ne peut être conçue que comme un phénomène, ses
mouvements également ; que ce sont là des extensions
d'une cause indivisible comme le serail un point mathé-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 175
matique ; et que c'est à ce point métaphysique, véritable
substance première, composé de matière possible et de
force, qu'il faut rapporter lotit élément concret de la
nature; c'est là ce qu'il nomme une monade. Dans cette
conception, l'âme est comme un point, la monade de
l'être humain. Reste, il est vrai, à concevoir l'union et
les rapports de l'àme et du corps, de l'esprit et de la
matière : Leibnitz ne les peut comprendre que comme
l'effet d'une harmonie préétablie ; et c'est ainsi que nos
idées intellectuelles ne viennent pas des idées sensibles,
qu'elles ne sont pas des effets de l'impression comme le
dit Locke, mais qu'elles se développent dans l ame par
une harmonie préétablie lorsque les sens sont impres-
sionnés. Cette théorie rappelle celle de la cause occa-
sionnelle du cartésianisme. Sur la fin de ses jours,
Leibnitz ne s'y tint pas et proposa de revenir à la doc-
trine de la substance telle que les scolastiques l'avaient
professée. « Je sais, écrivait-il à Arnault, que j'avance
un grand paradoxe en prétendant réhabiliter en quel-
que far;on l'ancienne philosophie, et de rappeler post
limina les formes substantielles presque bannies ; mais
peut-être qu'on ne me condamnera pas légèrement,
quand on saura que j'ai assez médité sur la philosophie
moderne, que j'ai donné bien du temps aux expériences
de physique et de chimie, et aux démonstrations de géo-
métrie, et quej'ai été longtemps persuadé de la vanité de
ces êtresque j'ai été enfin obligé de reprendre malgré moi
et comme par force, etc. » — (Discours de métaphysique à
Arnault, dans les Nouvelles lettres et opuscules, publié
par M. Foucher de Careil; Paris, 1857.) De même, il
soutenait la théorie des causes finales contre le carté-
sianisme. (Ibid.)
C'est à ces trois grands philosophes, Van Helmont,
Bescartes et Leibnitz que se rattachent les trois grandes
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H1ST0IUE DE LA MÉDECINE.
écoles médicales issues du xvn* siècle, et qui se prolon-
geront dans les xvin* et xix* siècles : Yiatro-chimie,
ïiatro-mêcanique< le vitalisme et animisme.
IV. Ecole iatro-chimiqub. — Sylvius de Le Boê ou
Dubois (Jacques), né en 1614, mort en 1672, fut le prin-
cipal fondateur de cette école, en ce sens qu'il fut le
premier à donner tout un système de médecine basé sur
la chimie. Il faut reconnaître toutefois que les adhé-
sions de Sennert, de Williset d'autres grands médecins
du temps, aux explications chimiques favorisèrent sin-
gulièrement la propagation du système.
Sylvius admettait, comme Paracelse et les chimistes du
xvic siècle, les trois éléments premiers de tout corps, le
mercure, le soufre et le sel; mais il entendit parler des
ferments découverts par Van Helmont et en fît la base
de sa conception médicale. Pour lui donc, tous les phé-
nomènes de la vie, tant à l'état de santé qu'à l'état de
maladie, pouvaient s'expliquer par des ferments chimi-
ques dispersés dans les liquides de l'économie. Le sang-
en est le dépositaire et ils s'y contrebalancent les uns
les'autres, étant alcalins, sulfureux, acides; mais les
sécrétions ont pour mission de les séparer, et c'est ainsi
que la digestion se fait par les ferments de la salive, de
la bile et du sac pancréatique. Le chyle n'est que l'esprit
volatil des aliments, accompagné d'une huile subtile ou
volatile et d'un alcali neutralisé par un acide affaibli.
Tout le système physiologique est sur ce modèle. Pour
les maladies, elles viennent des àcretés des humeurs,
alcalines ou acides, de diverses espèces : les causes mor-
bides ne font qu'accroître l'alcalinité ou l'acidité en des
sens divers, d'où résultent toutes les maladies. La thé-
rapeutique n'a dès lors pour but que de corriger ces
viciations morbides, de corriger des àcretés par des
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 17?
dulcifïants ou des oléagineux, des acidités par des alca-
lins, ou des àcres-alcalins par des acides et des sels vo-
latils ; les purgatifs expulsent les àcretés, les diaphoré-
tiques expulsent ies acides, l'opium et les narcotiques
corrigent les acretés de la bile, etc.
Il est inutile, ce semble, d'entrer dans les détails,
nous n'avons besoin que de saisir l'ensemble de ces
théories. Du reste, Sylvius, qui était né à Amsterdam et
qui finit par y retourner, enseigna avec un grand suc-
cès à Leyde et y lit revivre l'enseignement clinique au
lit du malade, à l'hôpital» L'immense réputation dont il
y a joui aida singulièrement à la réputation de cette
école où devait bientôt briller Boerhaave.
L'iatro-chimic ainsi lancée eut de nombreux adhérents
et aussi de nombreuses variantes, car chacun voulut
l'interpréter à sa manière. Elle se propagea en Allema-
gne et en Angleterre, un peu plus lentement en France
où l'école cartésienne lui fit subir des associations avec
l'iatro-mécanique, moins encore en Italie et pour ainsi
dire à peine en Espagne.
Parmi les hommes qui se sont fait un nom dans celte
école, le plus célèbre après Sylvius fut Thomas Willis,
en Angleterre, né en 1622, mort en 1675. Son système
se rapprochait davantage de celui de Paracelse, en ce
qu'il admettait les trois éléments des alchimistes : le sel,
le soufre et le mercure. Mais il se servuit également des
ferments, qu'il considérait comme plus généralement
acides, selon les idées de Van Helmont, ou qu'il déclarait
malins, les faisant venir du dehors pour expliquer les
maladies, et entre autres les fièvres rnaliynes, fréquentes à
ce moment. 11 admettait aussi des esprits vitaux comme
les cartésiens, et les considérait comme sécrétés dans le
cerveau par une sorte de distillation. De là une grande
importance attribuée par lui au système nerveux. La
TOME 1XJMI. — SKPTKJjDRC tSÏU. 12
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178 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
thérapeutique se basait sur des explications analogues,
mais il admettait aussi la saignée que réprouvaient
beaucoup de chimistes. Il eut une grande influence sur
Sydenhum, qui partagea quelques-unes de ses idées.
On pourrait citer un grand nombre d'adhérents de
celte école : nous nous bornerons aux plus marquants :
Guillaume Croone, médecin à Londres, expliqua les
mouvements des muscles par l'effervescence d'un fluide
nerveux: premiers débuts du nervosisme que nous ver-
rons se développer dans le siècle suivant. — Martin
Kerycr, en Allemagne, prétendait pouvoir guérir toutes
les mnladies par le seul usage des médicaments chimi-
ques. Otto Tucheiiius, en Weslphalie, lut un ardent pro-
pagateur et fil passer ses théories en Italie, où il sé-
journa longtemps. — A. Porfius fui célèbre à Rome el
à Naples, — L. Tozzi et Musitanus, à Naples, - .A. An-
driùlli, à Vérone. Ch. Darbeyrac hâta de concilier les
idées de Svlvius avec celles de Descartes. — F. Cala»
metta fut un des représentants de l'école de Sylvius à
Montpellier. — N. de Bli-jny el /. Pascal, à Paris, dé-
veloppèrent la doctrine chimique, et le premier y fonda
une académie chimiatrique. - J. Minât, également de
Paris, fut un des meilleurs écrivains de ce système qu'il
appliqua à l'étude des lièvres.
Cette école lut combattue par les autres systèmes, on
le comprend ; elle fut amalgamée avec l'ialro- mécanique
par dos conciliateurs, surtout au xvin* siècle. Son plus
grand adversaire fut Robert Boylc, assez partisan de
rialro-inéeaniquc, et qui vint spécialement à Paris pour
y combattre des explications chimiques.
V. Emu-: i.viKo-MiocANiyi E. — Le développement con-
sidérable des sciences mathématiques et physiques vers
celle époque ne pouvait avoir lieu sans tenter les méde-
Digitized by Googlç
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 179
cins de s'en servir dans leurs explications médicales ;
car c'est un fait à ne jamais perdre de vue, que la mé-
decine a toujours retenti des systèmes philosophiques
et scientifiques en vo^ue. 11 y a, dans le développement,
général des sciences, une sorte d'unité à laquelle aucune
ne peut échapper, et, du moment qu'un progrès s'est
fait dans une d'elles par une méthode ou par un procédé
quelconque, il va de soi que toutes les autres appli-
quent sur leur terrain ce qui a réussi à la première en
avant : or, Descartes et Pascal, ensuite Newton, ont
eu trop de succès dans leurs systématisations philoso-
phiques et scientifiques, pour que la Médecine ne tentât
pas elle aussi d'expliquer la vie et les maladies par la
mécanique.
Descartes avait donné le branle aux esprits, en éta-
blissant que l'âme n'est dans l'homme qu'un moteur,
que même les animaux ne sont que des machines, et
que dans tout corps vivant, le mécanisme s'explique par
les rouages.
llorelli semble avoir été le premier à faire une appli-
cation sérieuse des mathématiques et de la mécanique à
la médecine. Né h Naples en 1608, il vint s'établir à
Pise où il se livra aux discussions avec ardeur, moins
pour l'anatomie elle-même que pour s'expliquer le jeu
mécanique des organes. Le premier, du reste, il con-
nut mieux que tout autre les fibres musculaires du
cœur. Après un séjour à Florence, il se retira, dans les
dernières années de sa vie, à Home, où il mourut à l'âge
de soixante et onze ans, en 1679, laissant son grand ou-
vrage qui ne parut qu'une et deux années après sa
mort : De motu animalium, pars prima, 1680 ; pars altéra,
1681. Dans la première partie, iî constate le raceourcis-
sementdes muscles pendant leur contraction, il mesure
leur puissance sur leurs points d'insertion et sur la résis-
180 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
tance des os, il les compare aux (leviers mécaniques. Il
en fait l'application à la locomotion et au vol des oi-
seaux. Dans la seconde partie, il examine les mouve-
ments du cœur, du poumon et de la respiration; il s'oc-
cupe du foie, des reins, du cerveau et de la nutrition.
Beaucoup de médecins italiens donnèrent dans cette
doctrine et la développèrent sur des points divers, sou-
vent en faisant également appel à la chimie, car presque
tous admettaient en même temps des esprits vitaux et des
ferments. Mais presque tous en môme temps étaient
plus ou moins attachés à l'hippocralisme ; et c'est ainsi
que Lancisi, Bellini , et surtout Baglivi ont été non
moins hippocrato-galénistes que iatro-chimistes.
Bellini, né en 16i3, mort en 1704, fut le plus brillant
élève de Borelli dont il suivit les leçons à Pise. Ce fut lu
qui compara les sécrétions à des liltrations, et qui, par
cela même, admettait contrairement à la vérité, que les
liquides sécrétés sont tout préparés dans le sang*. Ce futi
lui encore qui inventa Y obstruction des vaisseaux pour
expliquer la lièvre, et qui soutenait que la saignée agit
en favorisant la circulation et rétablissant l'élasticité des
vaisseaux. 11 eut pour disciple de Sandri qui fut pro-
fesseur à Padoue.
Donzellini, médecin à Venise, fît un élégant traité sur
l'application des mathématiques à la médecine. Guliel-
mini et Lancisi expliquaient par l'hydrostatique les phé-
nomènes de la vie. — Dazzicaluve de Lucques attribuait
au frottement des globules du sang entre eux, la cha-
leur et la fermentation du sang. — Michelotti tenta de
montrer que l'écoulement des liquides est en raison de
la densité des humeurs et du diamètre des vaisseaux.
— Baglivi par son traité de la fibre motrice appartient
aussi à ce siècle, mais son grand travail est du siècle
suivant.
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ÉTUDE STTR NOS TRADITIONS. 181
En France, Chirac, contempteur assez éhonté des an-
ciens, allia l'iatro-mécanique à la chimie; il eut cepen-
dant le mérite de voir l'inflammation de l'intestin dans
les fièvres graves. — CL Perrault donna le premier une
théorie mécanique de la phonation, et fut suivi par
Dodart. — Ce ne fut guère qu'au xvmc siècle que l'iatro-
mécanique se répandit en France, surtout à Mont-
pellier.
G. Cole tenta d'allier la chimiatrie à l'iatro-méca-
nique ; partout il y avait une tendance au syncrétisme.
Il étudia la circulation et expliqua la fièvre par une ten-
sion du système nerveux, précédant ainsi avec G,
Croone le nervosisme du xvine siècle.
VJ. Vitalisme et animisme. — Tout en acceptant ce
qu'apportaient à la médecine les sciences physiques,
mathématiques, mécaniques et chimiques, des médecins
trouvî'ient qu'on faisait trop bon marché du principe
recteur et vivifiant de l'être. Quelques hommes comme
Pitcairn, Cl. Perrault surtout, relevaient l'importance de
l'âme, et préparaient ainsi l'animisme que Stahl allait
même illustrer. En parcourant les principaux auteurs
du XV11" siècle , on en trouverait un certain nom-
bre dans tous les camps, émus d'une pensée ana-
logue, et qui ne faisaient que préparer les esprits à la
grande réaction vitaliste du xvine siècle. Van Hel-
mont, Plempius, Ettmuller, Sylvius même, Riolan,
et beaucoup d'autres sont dans ce sens.
Ici cependant, après Van Helmont que nous avons
cité pour son archée, après Cl. Perrault qui écrivit spé-
cialement sur l'âme, nous devons citer Glhson qui na-
quit en Ang-leterre vers 1610, prit le bonnet de docteur
à Cambridge en 1635, et devint président du collège
royal à Londres, où il mourut en 1677. Il fut surtout
182 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
célèbre pour son traité sur le rachitisme, et pour son
anatomie du foie : il l'est non moins pour son Tractati/t>
de natura substantiœ energetica, seu de vita naturœ, ejusquc
tribus primis facultatibm, Londini, 1672. C'est dans ce
livre qu'il établit contrairement au cartésianisme, que
tout corps et tout être qui se meut par soi-même doit
avoir un principe intérieur, une force propre ou fonda-
mentale, à laquelle en est jointe une seconde énergé-
tique qui est la faculté de mouvement et de communi-
cation avec l'intérieure; une enfin, additionnelle ou de
conscience, qui procure les qualités accidentelles de
l'être. C'est, dit Glisson, un grave tort d'admettre avec
les cartésiens que tout se meut du dehors : ce dehors ne
procure que l'occasion des désirs et des mouvements;
un principe intérieur explique seul l'activité propre des
êtres et des corps. Il y a bien des esprits vitaux comme
le disent les cartésiens, et les fibres irritables entrent en
action sous l'influence de l'innervation qu'ils reçoivent
du cerveau ; on peut dire même que toutes les parties
ont une sorte d'irritabilité vitale et animale : mais
comme le mécanisme d'une machine n'explique que le
jeu de la machine, non pas son action, ainsi, l'âme seule
peut expliquer la vie.
Il y a dans Glisson beaucoup de réminiscences scolas-
tiques présentées sous un nouveau jour, qui durent
n'être pas comprises de son temps, et sur lesquelles on
ne s'est arrêté que beaucoup plus tard, mais qui n'ai-
dèrent pas moins sourdement à préparer la réaction
vitaliste dont nous parlerons plus tard.
VII. Mouvement général des doctrines a la pin du
siècle. — Si nous voulons nous rendre compte du
mouvement doctrinal du xvn" siècle dans son en-
semble, ce qu'il avait produit et à quoi il allait aboutir
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ÉTUDE SI R NOS TRADITIONS. V83
dans ce moment final où il allait transmettre la vie à
une nouvelle période séculaire, nous devons envisager
le triomphe incomplet du bnco cartésianisme.
Pour ce qui était du passé, il n'en restait pour ainsi
dire plus qu'une ombre et un souvenir, mais il faut
l'avouer un souvenir vivaee qui faisait jeter des cris de
regrets à Leibnitz, qui conseillait Perrault, que forti-
fiaient Van Helmont et Glisson, et qui allait bientôt
enfanter l'animisme de Stahl, et le nouveau vitalisme.
Mais, il faut en convenir, cette vieille doctrine des
quatre causes (formelle, matérielle, efficiente, et finale),
à laquelle avait travaillé toute la philosophie grecque,
qui s'était épurée avec la philosophie chrétienne, et qui
s'était enfin formulée dans Albert-le-Grand et les sco-
lastiques, cette doctrine était h terre, et ne vivait plus que
chez quelques théologiens. La science nouvelle faisait
table rase de celte ancienne métaphysique, et en méde-
cine la doctrine étiologique de Galien était elle-même
surannée, et cédait devant les théosophes spéeificiens
ou devant les chimistes et les mécaniciens.
Ce qui dominait c'était ce fond de la pensée carte*
sienne qu'il n'y a dans la nature que de la matière et
du mouvement, et que toutes les causes se réduisent aux
conditions extérieures de f action. Étudier les mouvements
de la nature et de la vie dans leurs successions, dans
leur enchaînement, trouver les règles, ou pour employer
le langage nouveau, les lois de ces mouvements dans
leurs moments mathématiques et dans leurs conditions
de production, devait être dorénavant toute la science.
Cette doctrine triomphait à la fin du xvne siècle, elle
devait dominer le xvme siècle et jusqu'à nous; non
pas il est vrai d'un triomphe absolu, et sans conteste,
car le vitalisme et le spéeificisme étaient attachés à ses
flancs: mais d'un triomphe qu'acclamait une majorité
184 HISTOIRE DR JA MEDECINE.
pou tolérante, car malgré ses apparences doucereuses,
le cartésianisme fut toujours intolérant.
• Nous devons bien voir d'ailleurs que l'opposition
contre laquelle luttait et lutte encore désespérément
cette doctrine, avait sa raison d'être facile à justifier.
On ne disconvient pas qu'il y avait des obscurités dans
l'ancienne doctrine, et qu'on n'y avait peut-être pa«
fait, soit à propos des causes efficientes, soit à propos
des causes matérielles, une part assez larg'e au méca-
nisme du mouvement. La théorie de la cause instru-
mentale qui ag-it soit dans la génération, soit dans le
développement du mouvement était dans l'enfance; on
ne comprenait pas bien ce qu'on a nommé depuis une
fonction, fonction mathématique, fonction mécanique,
fonction chimique, fonction vitale. 11 y a eu là un élé-
ment de progrès. Mais d'un autre côté, la fonction ou
les conditions extérieures n'expliquent qu'une partie des
choses, comme le disait si bien Glisson, et c'était un
grave tort dans la doctrine nouvelle d'admettre que
tout mouvement est absolument communiqué du
dehors.
Sans doute, que tout être, tout corps, tout org-ane,
toute entité abstraite même a sa fonction, et que cette
fonction s'exécute en de certaines conditions extérieures :
mais il y a en outre les conditions propres de l'être qui
accomplit le mouvement, et ces conditions ne résident
pas seulement dans le mécanisme de cet être. Pour que
l'être ait une fonction, il faut qu'il ait l'être, sa vitalité
particulière, générique, spécifique, propre. Tout réduire
dans l'être à une fonction dépendant d'un mécanisme
et des conditions extérieures, c'est réellement suppri-
mer l'être, c'est dire qu'il n'existe pas, c'est tout réduire
dans la nature à des nœuds d'activité se faisant et se
défaisant dans des tourbillons incessamment variables,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 185
sans pouvoir expliquer comment même peuvent se
faire et se défaire ces existences.
Aujourd'hui que cette doctrine en est arrivée là à ses
dernières conséquences (1) qu'on n'entrevoyait que sous
Descartes, le simple bon sens est révolté. On a beau
nous dire que rien ne périt de la matière et de la force,
et qu'il suffit de connaître les conditions vitales d'un
être pour expliquer sa vie : ce sont là de véritables
enfantillages. Et quand il serait vrai que la matière ne
se perd pas; ce qui d'ailleurs est purement hypothéti-
que, car on n'a jamais pesé la terre à deux fois, à deux
mille ans de date seulement! Et quand il serait vrai que
les forces se transmettent les unes dans les autres sans
déperdition; ce qui encore est hypothétique, car il y a
une foule de déperditions partielles, et on ne peut sou-
tenir cette thèse que grosso-modo ! Mais l'être ne peut s'ex-
pliquer sans un principe intérieur de vitalité. La vie ne
procède que de la vie ; on n'a jamais vu des conditions
extérieures matérielles engendrer une vitalité; et toutes
les conditions de la vie sont causes conditionnelles, non
pas causes substantielles. C'est un sophisme révoltant
de dire : l'air est condition de la vie, donc il en est la
cause substantielle; l'aliment est une condition de
l'existence, donc c'est l'o liment qui fait l'existence. Le
bon sens veut bien qu'un mouvement soit transmis,
mais il exige que cette transmission se fasse à quelqu'un
ou à quelque chose ; il accepte bien qu'une condition
soit nécessaire à un acte, mais il n'admet jamais que
cette condition fasse l'acte parce qu'elle lui est néces-
saire.
Toutefois, on ne peut se dissimuler que cette idée de
(4) Cf. Buchner, Force et matière; Sluart-Mill ; Moleschott ; Taine,
VlHtelligenc*.
186 HISTOIRE DE LA MKDECINE.
la fonction des êtres, des choses el des organes, idée qui
ne s'est dég*ag-ée qu'avec le temps, a été une des plus
lumineuses que le cartésianisme ait fournies. On en a
très-justement tiré ce qu'il y a de bon dans l'ornant*
cisme, et on a constitué en son nom une somme consi
dérable d'études très-utilcsen médecine, comme nous le
montrerons au siècle suivant. Sous l'erreur cartésienne
reposait une grande vérité qui a fait son chemin; et ici
comme dans beaucoup d'autres cas analogies, le faux
s'est trouvé le véhicule du vrai : la théorie de la fonc-
tion s'est dégagée du mécanicisme matérialiste, et en
poursuivant la théorie des conditions d'existences, on a
mieux compris le rôle des causes matérielles et effi-
cientes.
A la fin du xvn' siècle, on voyait plus ou moins nette-
ment, pas aussi clairement qu'aujourd'hui peut-être, où
aboutissait le cartésianisme : on le voyait assez, toute-
fois, pour réagûr : et contre lui s'élevaient tous ceux qui
soutenaient avec raison que l'existence nécessite un
principe d'être. De là, cette réaction des animistes ou
des vitalistes dont nous verrons les efforts dans les siè-
cles suivants.
Quant au baconisme qui supprimait tonte causalité,
et ne voulait plus que les lois déduites de l'observation
et de l'expérience, les cartésiens s'y rattachaient et le
faisaient vivre dans la limite où il leur était favorable;
beaucoup d'observateurs se paraient de ses apoplitheg1-
mes pour se débarrasser des ennuis de raisonner; mais
tout homme raisonnable devait en rire.
Cependant, on ne peut disconvenir que l'union du
baconisme et du cartésianisme, en enlevant toute doc-
trine sérieuse des causes, n'ait jeté les esprits dans un
grand trouble et n'ait favorisé dans les sciences une
sorte d'éclectisme sceptique dans lequel on n'accepte
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 187
plus que ce qui parle aux sens ou ce qui flatte une rai-
son sans boussole. De là tant de confusions, tant de
mélanges clans les théories ultérieures, et tout à la fois
d'intolérance dans les esprits.
F. Frédault.
— La suite ou prochain numéro. —
PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE
ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION
— SU4TK —
IV
Des effets de l'abstinence complète sur la respiration.
La respiration tend graduellement à se ralentir à me-
sure que l'inanitiation fait des progrès. Dès le troisième
jour, le changement est sensible. Si un animal a 30 in-
spirations par minute à l'état physiologique, il n'en a
plus que 28 le quatrième jour de jeûne, 25 le huitième
jour; et ainsi la respiration baisse dans la proportion
de 5 : 4. Le jour de la mort, à mesure que le refroidis-
sement inanitial fait des progrès, elle se ralentit au
point de ne plus donner que 10, 6, 4 inspirations à la
minute. Toutefois , nous avons souvent remarqué
qu'au moment de la mort , les mouvements respira-
toires s'accéléraient, devenaient irréguliers, inégaux,
quoique l'inspiration et l'expiration eussent encore lieu,
la fonction de l'hématose ne paraissait plus s'exécuter.
Il était intéressant de rechercher quelles modifications
apportait l'abstinence d'aliments dans les phénomènes
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188 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
chimiques delà respiration. Scharling, dans un remar-
quable travail {Recherches sur la quantité d'acide carbo-
nique expiré par l homme dans les vingt-quatre heures, in
Annales de chimie et de physique, 3e série, t. VIII, 1 843},
a démontré que l'homme adulte, dans sa respiration,
brûle plus de carbone lorsqu'il a mangé que quand il
est soumis à l'abstinence. MM. Valentin et Vierordtont
fait sur eux les mômes expériences. L'inanitiation, en
supprimant le renouvellement des matériaux de la com-
bustion, diminue progressivement la proportion d'acide
carbonique exhalé par le poumon; et cette diminution
est d'autant plus forte, que la mort est plus proche.
MM. Pettenhofer et Voit ont privé d'aliments un chien
de 33 kilogrammes pendant dix jours; il perdit, pen-
dant ce temps, 3 kilogrammes de son poids. Lorsqu'il
était a l'état normal, il exhalait en vingt-quatre heures
300 grammes d'acide carbonique; pendant son jeûne
forcé, la quantité d'acide expiré fut réduite à 200 gram.
On lui donna alors 1 kilogr. de viande et 350 grammes
de graisse ; dans les vingt-quatre heures suivantes, il
perdit 800 grammes d'acide carbonique par exhalation.
L'homme adulte brûle, en moyenne, 225 grammes de
carbone en vingt-quatre heures à l'état d'alimentation
ordinaire; dans l'inanition, cette quantité est réduite
de près d'un tiers.
MM. Regnault et Reizet [Recherches chimiques sur la res-
piration des animaux des diverses classes , in Annales de
chimie et de physique, 3" série, t. VI, 1849) ont établi les
faits suivants :
« Quand les animaux sont à l'inanition, le rapport
entre l'oxygène contenu dans l'acide carbonique et l'oxy-
gène total consommé est à peu près le même que celui
qu'on obtient pour le même animal soumis au régime
de la viande; il est cependant, en général, un peu plus
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 189
faible. L'animal à l'inanition ne fournit à la respiration
que sa propre substance, qui est de la même nature que
la chair qu'il mange lorsqu'il e§t soumis au régime de
la viande. Tous les animaux à sang- chaud présentent
donc, lorsqu'ils sont à l'inanition, la respiration des ani-
maux carnivores.
« Au lieu d'exhaler de l'azote, comme c'est la règle,
les animaux inanitiés en absorbent une certaine quan-
tité, et la proportion d'azote absorbé varie entre les
mêmes limites que celle de l'azote exhalé dans le cas où
ils sont soumis à leur régime habituel. »
Nous devons dire, toutefois, que cette absorption de
l'azote n'a pas été constatée chez tous les sujets ; quel-
ques mammifères paraissent ne pas en absorber.
V
Des effets de l'abstinence complète sur la chaleur animale.
La chaleur animale, résultat des diverses oxydations
qui s'accomplissent dans l'organisme, varie d'une ma-
nière sensible, mais passagère, chez le même individu,
selon les conditions dans lesquelles il se trouve placé.
Ainsi, elle s'accroît par le calorique ambiant, par les
mouvements, les exercices, les aliments, etc. Cependant,
à l'état physiologique, la chaleur animale éprouve cha-
que jour une variation régulière. Elle s'abaisse chaque
nuit et se relève pendant le jour, et cette oscillation,
régulière et quotidienne, est indépendante de la tempé-
rature et de la saison. Il y a une différence d'un degré
entre la chaleur de midi et celle de minuit. Boussin-
gault a vérifié le fait sur les oiseaux, et Scharling sur
('homme. Cet abaissement de température coïncide
avec une diminution dans la quantité d'acide carbonique
exhalé.
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190 PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
Examinons ce qui se passe dans l'état d'inanitiation.
Chossat a jeté une vive lumière sur ce point par ses
expériences multipliée* et minutieuses. Nous avons
vérifié sur nos animaux mammifères les résultats que
lui avaient fournis les oiseaux. Nous avons vu que la
chaleur animale à midi est un peu plus basse qu'à
l'état d'alimentation normale, et que cet abaissement
de température tend toujours à s'accroître à mesure
que la diète se prolonge, mais en restant toujours peu
considérable, car c'est à peine s'il y o un degré de
différence.
Quant au refroidissement de la nuit, nous le trou-
vons de beaucoup plus marqué que celui du jour. Au
lieu d'un degré, comme dor.linaire, l'oscillation quoti-
dienne a une amplitude g'raduellement croissante a
mesure que le jeûne se prolong-e : elle arrive a être
trois, quatre, et même près de cinq fois aussi grande
qu'à l'état physiologique. Ainsi, on voit la température
de la nuit être successivement de i, de 2, puis de 3 de-
grés, et même davantage au-dessous de celle de midi,
pour remonter le jour au point où elle était la veille.
Nous devons faire la remarque que le dernier jour de
l'inanitiation n'est pas entré en ligne de compte; nous
en parlerons à part.
Les heures de midi -et de minuit sont les époques du
maximum et du minimum de la chaleur animale; mais
la réaction diurne n'attend pas ces heures-là pour se
développer. Vers le jour, la chaleur commence à re-
monter progressivement, et vers le soir, elle s'abaisse
par degré; plus le jeûne se prolonge, plus tôt le refroi-
dissement commence dans l'après-midi, et plus tard, il
se continue dans la matinée.
Le dernier jour de l'inanitiation doit surtout fixer
notre attention. La caloritlcation diminue rapidement.
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 191
Le jour de la mort, le refroidissement est à peu près
d'un degré par heure.
L'abaissement total de la chaleur depuis le premier
jour jusqu'à la mort a été de 12 à 15 degrés, et la
température de ranimai au moment de la mort a été
généralement et indifféremment entre 18 et 28 degrés,
rarement au-dessus. Il est à remarquer que c'est le
degré d'abaissement auquel parviennent les animaux
qu'on fait périr dans les mélanges réfrigérants.
En résumé, l'inanitialion a pour efïel d'accroître pro-
gressivement l'oscillation quotidienne de la chaleur,
jusqu'à ce que le refroidissement devienne tel que la
réaction diurne ascensionnelle ne puisse plus s'opérer.
Alors l'animal périt.
Quelques exemples que nous connaissons prouvent
que ces faits s'appliquent aussi aux hommes. Les mi-
neurs du Bois-Mouzil souffrirent cruellement du froid.
Guislain fail remarquer l'abaissement de la chaleur
animale chez les fous inanitiés. Desbarreaux note que
la température du corps de G ramé était descendue à
23 degrés. Enfin, de Meersman, dans un mémoire sur
la fièvre de famine qui a sévi dans la Belgique en 1847,
dit qu'aussitôt que les froids de l'hiver se firent sentir,
les malheureux qui n'avaient qu'une nourriture insuffi-
sante mouraient presque subitement et tombaient de
toutes paris et en si grand nombre que le pays s'en
émut. La température de leur corps s'abaissait jusqu'à
25 et même 20 degrés.
VL
Des effets de l'abstinence complète sur les sécrétions.
Dans l'état d'humiliation, les sécrétions qui ne sont pas
nécessaires à la vie de l'individu, comme le lait, les
102 PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
menstrues, le sperme, etc., se suppriment. Les autres
diminuent d'activité.
La salive est en moindre quantité; souvent la langue
se couvre d'un enduit jaunâtre et devient desséchée ;
quelquefois elle reste nette et humectée jusqu'à la fin.
L'animal laisse parfois à l'agonie une bave écumeuse.
Quant à l'haleine, elle exhale toujours une odeur exces-
sivement fétide.
Les sucs gastrique et pancréatique ne sont sécrétés
que dans les premiers jours, et encore en proportion
de plus en plus petite; nous savons déjà qu'ils ne le
sont plus lorsque la privation d'aliments continue.
La bile est le seul produit qui soit sécrété avec assez
d'activité. On en trouve dans la cavité stomacale et dans
le tube intestinal ; la diarrhée qui survient le jour de
la mort n'est fournie que par des matières bilieuses.
L'estomac contient toujours une matière d'un" jaune
verdàtre, visqueuse, que l'on rencontre aussi dans toute
la longueur des intestins, plus ou moins modifiée, et
d'autant plus consistante et épaisse qu'elle se rap-
proche de l'anus. L'analyse a fait reconnaître dans cette
matière prise dans l'intestin une certaine quantité
d'acide cholalique, de la taurine, de la dislysine, de
l'albumine, des sels et de l'eau. La vésicule biliaire est
toujours distendue par de la bile jaune, liquide. Ces
faits prouvent que la sécrétion de la bile ne tarit pas.
MM. Bidder et Schmidt ont constaté que dans l'ina-
nition la quantité des matériaux solides de la bile dimi-
nuait assez rapidement, sans cependant être complète-
ment réduite à néant. On trouve encore des proportions
notables d'acide glycocholique, d'acide taurocholique,
de taurine, de cholestérine dans la bile des animaux
après dix à douze jours de jeune. La glucose se ren-
contre dans le foie à toutes les périodes de l'inanitiation.
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 195
Le premier jour d'abstinence, l'excrétion des fèces
se fait comme à l'état normal. Ces fèces sont assez
copieuses, parce qu elles contiennent le résidu de l'ali-
mentation des jours précédents. Les jours suivants et
jusqu'à l'anté-pénultième, elles sont en petite quantité,
dures, brunâtres. L'avant-dernier jour, la perte devient
presque aussi forte que le premier, car l'animal est
pris d'une diarrhée colliquative. Rien, sauf l'âge, n'a
paru avoir sur la durée de la vie une influence compa-
rable à celle de la quantité de fèces, car la durée de la
vie est en raison inverse de la quotité relative des excré-
tions.
Abondantes le premier jour, les urines deviennent de
plus en plus rares; elles sont limpides, peu colorées,
peu chargées de principes constitutifs. Nous y avons
retrouvé de l'urée, de l'acide urique, des phosphates,
des chlorures, mais en petites proportions. Les urines
des herbivores deviennent acides.
Les articulations contiennent encore de la synovie; les
séreuses ne sont pas desséchées, comme on l'a dit; nous
les avons toujours vues lubréfîées par la sérosité, mais
en comparant un sujet tué à l'état normal avec un
sujet mort d'inanition, on reconnaît qu'il y a chez ce
dernier une grande diminution dans la quantité de
liquide. Toutefois, et cela à cause de l'altération du
sang, on constate quelquefois des épanchements sé-
reux, soit dans le péricarde, soit dans l'abdomen, soit
dans les mailles du tissu cellulaire des extrémités infé-
rieures.
On trouve chez les inanitiés les sécrétions de la peau
profondément modifiées. La perspiration cutanée n'est
pas appréciable ; la peau devient sèche, semblable à du
parchemin ; elle se couvre d'une couche de poussière
noirâtre, exhalant une horrible fétidité, qui s'accumule,
TOME IXXW. — SEPTEMBRE lfyTO. U>
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194 MÉDECINE PRATIQUE.
se concrète et ne peut pas s'enlever; malgré les lotions
et les frictions. Dans ces conditions, la peau laisse à la
main qui la touche une impression âcre, mordicante et
l'imprègne d'une odeur repoussante.
Avec l'altération des cellules épidermiales coïncide la
chute des poils; tous nos animaux en ont perdu une
quantité considérable.
Dr Bourgeois.
— La soile au prochain numéro. —
MÉDECINE PRATIQUE
LEÇONS CLINIQUES DU D' JOUSSET.
RÉDIGÉES PAR LE Dr JABLONSKI.
DEUXIEME LEÇON .
— SUITE —
Messieurs, il me reste donc à vous parler du traite-
ment de la phthisie pulmonaire. Mais avant d'aborder
cette question intéressante, il importe de déterminer
l'influence du climat, du régime et de la nourriture sur
le développement de celte maladie.
L'étiologie de la phthisie a subi comme les autres
branches de la pathologie, les violences de l'esprit de
système et a été défigurée par la manie des explications.
Laënnec ayant observé que la phthisie était relative»
ment rare dans quelques localités des côtes de la Bre-
tagne, enseignait que les tuberculeux se rencontrent
en petit nombre sur les bords de la mer. Il en avait
conclu à l'efficacité de l'air marin comme prophylac-
tique de la phthisie; il mettait du goémon dans les
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leçons cliniques. Km
salles des phthisiques et conseillait les voyages sur mer
comme traitement de la maladie.
Voilà le système et maintenant voici la vérité : les
habitants des côtes de Normandie sont décimés par la
phthisie et les marins succombent en grand nombre à
cette maladie.
Un grand nombre de médecins considèrent la cha-
leur comme une condition essentielle à la prophylaxie
de la phthisie, et ils envoient leurs malades dans le
midi de l'Europe dont certaines régions sont infectées
de phthisiques, tandis que la Suède, la Laponie et
l'Islande connaissent à peine cette maladie.
Nous ferons ici de l'étiologie positive, c'est-à-dire que
nous dirons seulement ce qui est certain sur la prophy-
laxie, et pour ce que nous ignorons encore, nous
l'avouerons simplement.
La phthisie est donc inconnue dans l'extrême Nord;
on dit qu'elle est également très-rare chez les nègres
du centre de l'Afrique, mais ajoutons que les rensei-
gnements sur cette contrée sont très-peu certains et que
les régions de l'Amérique et de l'Océanie situées sous la
même latitude que la Nigritie sont très-fécondes en
phthisiques.
En résumé, nous ne savons qu'une seule chose cer-
taine au sujet des influences climatériques sur la pro-
duction de la phthisie, c'est que dans l'extrême Nord
cette maladie disparaît, qu'elle est très- fréquente dans
la région moyenne de l'Europe, qu'elle diminue beau-
coup en Afrique et qu'elle est très-commune au Brésil
et dans les îles de l'Océanie.
L'influence de V altitude doit être rapprochée de celle
du climat. En s'élevant dans les régions alpestres,
quand on atteint une température comparable à celle
de la Laponie, la phthisie disparaît également ; elle
• Dfgitized by Google
M MÉDECINE PRATIQUE.
reparaît et devient très-fréquente dans les régions
moyennes des pays de montagnes.
Ajoutons que certaines contrées à fièvres intermittentes,
mais non pas toutes, comptent très-peu de tuberculeux.
Le régime, la manière de vivre agissent aussi d'une
façon importante sur l'évolution de la phthisie. Le sé-
jour dans les grandes villes, l'habitation dans des
appartements obscurs, humides, exposés au nord, sans
soleil et sans air, les excès de toute nature, les chagrins,
les veilles, enfin, toutes les causes débilitantes con-
duisent fatalement à la phthisie l'individu prédisposé.
La nourriture a probablement une influence tout
autre qu'on ne l'avait supposé jusqu'à présent. Il est
incontestable pour nous que ce sont les populations
qui consomment le plus de viande et qui boivent le plus
d'alcool qui produisent le plus de phthisiques ; c'est un
fait qu'on constate facilement dans les grandes villes : à
Londres, à Paris, à Bruxelles, à Vienne, et chez tous les
peuples mangeurs de viande, comme les Anglais, les ha-
bitants de certaines contrées de la France, comme la
Bourgogne et la Normandie. C'est aussi ce que l'on
remarque dans les régiments des armées de terre et de
mer, et dans les séminaires où beaucoup déjeunes gens
sont emportés par la phthisie, tandis que dans les cou-
vents de Dominicains ou de Trappistes où les moines
suivent un régime exclusivement végétal, la phthisie
est relativement rare. Cette rareté de la phthisie dans
les couvents s'observe même à Pans. J'ajouterai que ce
sont les paysans les plus mal nourris, les Bretons et les
Limousins qui comptent le moins de phthisiques.
On a remarqué que la scrofule surtout et quelquefois
l'herpélisme et la maladie hémorrhoïdaire engendrent
la phthisie. Les tubercules pulmonaires ne se déve-
loppent point ordinairement à la suite de la chlorose et
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LEÇONS CLINIQUES. 19?
de la cachexie paludéenne. On ne peut donc pas dire
d'une manière générale que la phthisie résulte d'un
affaiblissement, d'un appauvrissement des forces, à
moins que ce ne soit dans les cas assez fréquents où
cette maladie survient après des grossesses répétées ou
un allaitement prolongé.
Traitement de la phthisie. — Etant données les causes
que je viens d'énumérer tout à l'heure, je prescris de-
puis quelques années le régime végétal à nos phthi-
siques ou plutôt je leur défends de boire du vin et de
manger de la viande. Je leur permets les bouillons et
les potages gras parce que le régime exclusivement
maigre est difficilement supporté. La première idée de
ce nouveau mode du traitement m'a été donnée par le
Dr Brùnner. Depuis que j'ai commencé à le mettre en
pratique, j'ai observé les résultats suivants : chez les
individus soumis à ce régime dès le début de la phthisie,
il y a un amendement notable, la toux disparaît et sou-
vent aussi les autres symptômes. Dans une période
plus avancée, c'est-à-dire quand la phthisie est confir-
mée, la toux et la dyspnée diminuent notablement au
bout de quelques jours ; les forces et l embonpoint repa-
raissent, sinon dès le début du traitement, au moins
après une quinzaine de jours de ce régime. — Quand il
y a un notable amendement dans tous les symptômes, je
permets aux malades de reprendre peu à peu leur ma-
nière de vivre habituelle. Il y a deux autres indications
au régime maigre : la diarrhée et l'affaiblissement
extrême. Lorsque le phthisique est arrivé a a période
de cachexie, il est à peu près inutile d'essayer ce mode
de traitement qui ne peut que diminuer les forces du
malade sans diminuer l'intensité de la maladie.
Le traitement médical de la maladie est fort insuffisant
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196 MÉDECINE PRATIQUE.
et cependant il mérite d'être étudié avec soin, car il a
Souvent procuré à nos malades un soulagement notable.
La drosera rotundifolia employée de la 6e dilution
à la teinture mère fait cesser presque constamment les
vomissements alimentaires des phthisiques; en même
temps elle modifie la toux et fait disparaître la sensation
de chatouillement du larvnx.
Quand la drosera ne réussit pas contre les vomisse-
ments alimentaires, nous employons le tartarus emeticus
(tartre stibié) à la 1" trituration à la dose de 20 centi-
grammes pour 200 grammes d'eau. Ce médicament
agit aussi sur l'expectoration et la diarrhée.
Dans la diarrhée j'emploie souvent arsenicum (2* ou
3e trituration) à la dose de 20 centigrammes. Ce médi-
cament réussit souvent aussi à ralentir la marche de la
phthisie; il est indiqué surtout par la fièvre, l'amai-
grissement, la dyspnée. Les eaux arsenicales comme
celles de Mont-Dore, de la Bourboule ou la source Domi-
nique de Vais agissent dans le même sens. S'il y a des
hémoptysies je prescris le mille folium à la 6e ou à la 3*
dilution, et ce médicament me suffît presque toujours
à arrêter le crachement de sang.
S'il y avait un point de côté ou une pneumonie par-,
tielle, je prescrirais la bryonia alba(i2') ; pour combattre
la fièvre je donnerais arsenicum, china ou même le sul-
fate de quinine, et caetera.
Je n'en finirais pas si je voulais vous donner tous les
médicaments que l'on peut employer pour combattre
les accidents multiples qui se présentent dans le cours
d'une phthisie.
Je dirai seulement que les trois médicaments prin-
cipaux (non pas spécifiques) de la maladie sont Y arsenic,
le soufre et Y iode.
Nous avons déjà pnrlé de l'arsenic. Sulfur est surtout
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LEÇONS CLINIQUES. 199
indiqué par une petite toux sèche, avec quelques petits
crachements de sang*, ou au contraire par une petite
toux grasse avec fétidité, goût salé ou douceâtre des
crachats; l'existence d'affections cutanées ou d'un en-
rouement persistant précise encore son emploi. C'est un
médicament qui est souvent très-difficile à supporter et
qui augmente la toux et les crachements de sang. Je le
prescris d'ordinaire à la 30e dilution.
Les eaux sulfureuses comme les Eaux-Bonnes, les
eaux de Cauterets, celles d'Amélie-Ies-Bains, d'Alle-
vard, etc., présentent un plus haut degré les inconvé-
nients du sulfur, elles peuvent amener des aggravations
considérables et demandent à être employées avec de
grands ménagements.
lodium présente dans ses indications une toux quin-
teuse comme celle de la coqueluche; cette toux est pré-
cédée d'angoisses, excitée par un chatouillement dans
la poitrine; elle a lieu principalement le matin. L'exis-
tence d'engorgements ganglionnaires est un bon signe
pour l'emploi de iodium. On donnera ce médicament de
la 6* à la 3e dilution.
Les autres médicaments employés dans la phthisie
sont : phosp/torus, indiqué surtout par la laryngite,
hepar sulfuris, silicca, calcarea carbonica, stanwim, kali
carbonicum, sepia, lycnpodium, phellandrhtm aquaticum et
d'autres encore. J'ai même essayé le neo plasma tubtr-
culosum (30*), mais sans succès apparent.
A l'appui de ce que je viens de dire, vous me permet-
trez, Messieurs, de faire passer sous vos yeux quelques-
uns de nos malades.
Observation I". — Un jeune homme de 23 ans, malade depuis
un an euviron, se présenta pour la première fois à notre dis-
pensaire au mois de juillet 1868. A cette époque, il avait une tout
grasse avec expectoration abondante ; il se plaignait d'un cbatouil-
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200 MÉDECINE PRATIQUE.
lement dans la gorge et vomissait presque tous les matins ses ali-
ments. Il était amaigri, débilité ; il nous dit avoir eu deux petites
bémoptysies au début de sa maladie. L'auscultation de la poitrine
nous donne les résultats suivants : matité au sommet gauche, raies
muqueux et souffle caverneux dans la même région, rien au som-
met droit.
Nous le mimes d'emblée au régime végétal et nous lui prescri-
vîmes sulfur (30). Au bout de quelques jours il fut pris d'une diar-
rhée (probablement occasionnée par le régime) que nous guérîmes
avec le bismuth métall. à la 2* trituration. Au bout d'un mois
les forces commencèrent a revenir avec l'embonpoint. Bientôt il
constata, à sa grande satisfaction, que le mieux faisait des progrès
sensibles. Je criis devoir le maintenir au régime végétal. Depuis
plus de dix-huit mois il vaque à ses occupations, sa santé générale
est bonne, il revient de temps en temps pour un peu de toux
et d'enrouement; je lui donne du sulfur (30) et il s'en trouve
bien. Toutefois la lésion persiste au sommet gauche.
Observation II. — Mme L...., Agée de 21 ans, est malade
depuis l'automne de 1867. Elle a eu plusieurs petites bémoptysies ;
— toux habituelle; — débilité extrême; amaigrissement ; lièvre ; sa
toux est grasse; elle est provoquée par un picotement dans le
larynx et s'accompagne de vomissements alimentaires. Ses règles
sont faibles ; elle a de la leucorrhée. L'auscultation de la poitrine
nous fait constater des râles sous-crépitants dans tout le côté gauche
et quelques craquements au sommet droit.
Le 27 novembre 1868 , j'ordonne le kermès à la 2$ tritu-
ration ; quelques jours après les râles se sont localisés au sommet
gauche où l'on entend de gros râles muqueux en avant et en ar-
rière. Je prescris le régime végétal et drosera (3).
Sous l'influence de cette médication, le mieux survient rapide-
ment; la gaieté et l'embonpoint reparaissent; mais la toux persiste
malgré su Ifur (30 et 200). Le millefolium (6) arrête les petites hémor-
rhagies qui surviennent incidemment. Au bout de six mois envi-
ron, M01- L... se sentant beaucoup mieux abandonne à peu près
complètement son régime, et bientôt après elle éprouve une aggra-
vation notable dans les symptômes de sa maladie. On lui prescrit
successivement arsenicum (6), arséniate d'antimoine (2* trit.) ;
et pkoiphorus (30 et 200). — Au mois de janvier 1870 survint
une diarrhée que je traitai avec tartarus emeticus (!'• trit.) et
LEÇONS CLINIQUES. 201
bismuthum (2* trit.) ; et enfin une nouvelle bronchite à l'oc-
casion de laquelle j'imposai de nouveau a la malade le régime mai-
gre dont elle se trouva fort bien. Elle est en ce moment à la cam-
pagne où elle jouit d'une santé excêssivement bonne, à son avis ; mais
j'ai eu lieu de constater tout récemment que les lésions tuberculeuses
persistent aux deux sommets.
Observation III. — C..., cordonnier, âgé de 42 ans, est malade
depuis la fin d'avril i869. Il a une toux spasmodique avec des
efforts de vomissements , dyspnée , amaigrissement , perte des
forces.
L'auscultation nous fait entendre des craquements au sommet
gauche et des râles muqueux au sommet droit. Le malade a de la
fièvre. Nous prescrivons le régime végétal etdrosera (3). Au bout de
quelques jours le malade est pris d'une diarrhée qui guérit par le
tartarus émettais (lre trit.). Après quelques jours de traitement,
C... tousse moins, les forces lui reviennent, le pouls tombe à 72.
Un peu plus tard, il a un point de côté qui cède à brijonia '12).
Enfin depuis plusieurs mois qu'il continue son régime et prend
néopl. tub. (12 et 30), son état général s'est amélioré et la lésion est
restée stationnaire.
Observation IV. — M,,e B..., âgée de 17 ans, est venue pour
la première fois à notre consultation le 10 novembre 1868. —
Elle tousse depuis dix-huit mois ; sa toux est sèche et s'accompagne
de dyspnée. L'état général est assez bon. Nous constatons à la per-
cussion une matité relative au sommet droit, et à l'auscultation
une respiration faible, difficile dans le même point. Nous lui pres-
crivons le régime végétal et une potion avec sut fur (30). Au bout de
deux mois, elle ne tousse plus ; la matité du sommet droit a dis-
paru ; la respiration est encore obscure à ce point. Je lui fais con-
tinuer pendant quelques jours encore le sulfur et le régime.
Elle revient au bout d'un an • elle avait depuis plusieurs mois
recommencé à manger de la viande, lorsqu'elle fut reprise au mois
d'août 1869 d'une toux grasse avec les mêmes signes physiques «le
percussion et d'auscultation au sommet droit. Je la remets au régime
maigre et au traitement par le sulfur. Au bout de trois mois, elle
était de nouveau guérie. Je ne l'ai pas revue cette année.
Observation V. — S...., âgé de 23 ans, se présente au dispen-
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202 MEDECINE PRATIQUE.
saire le 9 avril 1869. Il y a sept mois qu'il est malade. A cette
époque, il a eu une hémoptysie. Depuis ce temps, il a une toux
grasse, accompagnée d'expectoration blanchâtre et épaisse ; le pouls
est fréquent. Je constate une raatité relative au sommet gnuche;on
entend au même endroit des craquements secs.
Je le mets au régime végétal et je lui prescris le sulfur (30). Huit
jours après, il a moins de toux; il survient un point de coté pour
lequel je lui donne bryonia (12). Le point de côté disparait ; je
prescris de nouveau le sulfur (30). Au bout de quelques semaines le
malade se trouve beaucoup mieux et il reste troi? mois sans venir à
la consultation.
Au mois d'août, il revient ine consulter pour un point de côté.
J'ordonne bryonia (12), puis je lui prescris arsenicutn (G et 3). Il
continue encore le mémo traitement et observe le régime maigre.
Son état général est bon, mais la lésion du sommet persiste.
Observation VI. — M"* V...M âgée de 44 ans, me consulte, au
mois de mai 1868, pour une toux habituelle, plus forte depuis six
semaines. Cette enfant, non encore réglée, est maigre et pale; sa
toux est sèche ; on trouve une matité relative et une obscurité de U
respiration au sommet droit.
Je lui prescris sulfur ( i0) et le régime végétal. Au bout d'un mois,
elle tousse moins et se sont plus forte. Après quatre mois de ce trai-
tement, elle est beaucoup mieux ; la matité du sommet droit n'est
plus appréciable; toutefois, la respiration reste obscure en ce point.
Je lui permets de manger un peu de viande. Au mois d'octobre 1808,
la menstruation s'établit sans difficulté. Au mois de janvier 1809,
elle est prise de nouveau de toux, point de coté, dyspnée ; je l'aus-
culte et je trouve les mêmes lésions que j'avais constatées il y a
huit mois. Je prescris le sulfur et le régime végétal; et, deux moti
après, la toux avait disparu, l'embonpoint et la gaieté étaient re-
venus. J'engageai la malade à continuer son régime pendant quel-
que temps encore. J'aime à croire que le mieux a persisté, car elle
n'est pas revenue à ma consultation depuis cette époque.
Observation VII. — M. H...., âgé de 46 ans, vient à notre con-
sultation au commencement du mois de mai 1870. Cet homme
tousse depuis deux ans; il a beaucoup maigri; en ce moment il sê
plaint de douleurs dans le coté gauche, il n'a jamais eu d'hémo-
ptysie. Je l'ausculte et je constate, en même temps que de la matité,
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LEÇONS CLINIQUES. 203
quelques craquements sous la clavicule gauche. Je mets ce malade
au régime maigre, et je lui ordonne le sulfur (30). Au bout de
quinze jours il se trouve beaucoup mieux. Au bout d'un mois il ne
tousse plus. Au bout de deux mois, les forces qui étaient revenues
commencent à diminuer. Le 29 juillet , je l'autorise à manger de
la viande trois fois par semaine. Depuis ce temps , il continue le
sulfur, les forces sont revenues, et il se trouve parfaitement bien.
Observation VIII. — M. D...., Agé de 30 ans, m'a consulté
le 7 avril 1870, pour la première fois. Il a eu, il y a deux ans, de
petites hémoptysies. Depuis huit mois il tousse beaucoup; il est
amaigri, a perdu ses forces ; il accuse une dyspnée qui le fatigue
beaucoup. Je constate de la matité et quelques craquements au
sommet droit.
Je prescris d'abord le sulfur (30), puis la bryonia (12\ pour un
point de coté. Le 13 mai , je lui ordonne de suivre le régime mai-
gre, et au bout de quinze jours il tousse beaucoup moins, et ses
forces ont augmenté. Depuis trois mois qu'il suit ce régime et con-
tinue à prendre sulfur, il ne tousse presque pas, ses forces sont re-
venues, et il a repris ses occupations.
Observation IX. — B...., garçon de magasin, vint pour la pre-
mière fois à notre Dispensaire, dans le courant de l'année 1865. 11
était âgé alors de 26 ans ; il se plaignait surtout de la dyspnée, d'un
sentiment de gène dans le côté droit ; il toussait depuis longtemps,
mais je ne constatai rien à l'auscultation. Il avait alors une pharyn-
gite granuleuse qui fut promptement améliorée par nux vomica et
sulfur.
Il revint au mois de septembre 1868, très-amaigri , très-afFaibli.
Sa toux était grasse, sans quintes. En le percutant , je trouve de la
matité au sommet droit; en l'auscultant je constate une respiration
souillante au même point. Je lui prescris le régime maigre, et je lui
ordonne une potion avec sulfur (30). Je continue ce traitement pen-
dant six semaines, après lesquelles il se trouve beaucoup j»'us fort.
Je lui donne alors bryonia (12), pour un point de côté, puis je reviens
ï<j sulfur. Au bout de deux mois et demi, il a engraissé de 5 livres;
il tousse toujours un peu. Je suspens pendant quelque temps le
sulfur, et je le remplace par iodium (30), puis par neoyl. tute (30).
De temps en temps je reviens an sulfur, qui, malgré quelques aggra-
vations passagères, lui a toujours réussi. Ce malade vient une fois
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SÉMÉIOTIQUK.
par mois au Dispensaire; son état de santé est toujours satisfaisant,
et il se considère comme guéri.
J. JABLON3KI.
SÉMÉIOTIQUE
BRUITS 1 NTRA-CA RDI AQU ES OU BRUITS MORBIDES OU
ANORMAUX QUI SE DÉVELOPPENT A L'INTÉRIEUR DU
COEUR ET SURTOUT A SES ORIFICES.
— Suite —
Bellingham a si bien résumé les conditions de la pro-
duction du bruit de soufflet du cœur, que nous ne sau-
rions mieux faire que de le traduire :
« Lorsque le bruit de soufflet se fait entendre dans le
cœur, il provient soit du rétrécissement, soit de tout
autre état morbide des valvules ou des orifices du cœur
qui gênent le passage du sang; d'une condition des
valvules qui les empêche de clore l'orifice, et permet la
régurgitation ; d'un accroissement dans la force et dans
la rapidité du mouvement du sang au travers de l'ori-
fice de l'aorte ou d'un orifice anormal, comme dans
l'anévrysme du ventricule gauche, et dans les malfor-
mations congénitales du cœur; de quelque altération
soit dans la qualité du sang, soit dans sa quantité; de
l'existence soit de concrétions fibrineuses ou autres
dans les cavités cardiaques, qui interrompent le jeu des
valvules ou produisent de la gêne aux orifices; soit de
productions morbides dans la cavité thoracique qui
compriment ou déplacent le cœur, soit de la déforma-
tion des parties osseuses du thorax et du rétrécissement
considérable de cette cavité.
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BRUITS INTRA-C ARDrAQU ES . £<55
* Toutes les fois que le bruit de soufflet est entendu
dans les artères , il résulte ou de la rugosité de la
membrane interne du vaisseau, ou de la diminution du
calibre de l'artère due à une compression, ou d'une
altération du sang1, ou d'un sac anévrysmal provenant
d'une grosse artère, ou d'une communication anor-
male existant entre une artère principale et une veine,
ou du passage du sang* d'une artère dans une veine au
moyen d'un sac anévrysmal placé entre ces deux vais-
seaux.
«Le bruit de soufflet est donc un symptôme dans l'en-
docardite lorsque les valvules aortique ou mitrale sont
rigides, épaisses ou indurées, ou lorsqu'elles ou les
orifices sont devenus le siège de végétations.
«Il est encore un symptôme des maladies chroniques
des valvules ou des orifices, lorsqu'elles sont accompa-
gnées de rétrécissement des orifices, de dépôts osseux
ou autres sur des valvules, ou d'adhérences que ces val-
vules ont contractées soit entre elles soit avec les
parois.
« La rupture d'une valve, celle d'un cordag*e tendi-
neux, une malformation congénitale des valvules, telle
qu'un étatcrihriformedela membrane qui les constitue,
donnent également naissance au bruit de soufflet.
• On peut encore entendre le bruit de soufflet, lorsque
les orifices du côté gauche du cœur sont dilatés sans
lésion aucune des valvules, ou lorsqu'une cause quel-
conque empêche les valvules elles-mêmes de remplir
parfaitement leurs fonctions.
« Le bruit de soufflet est un symptôme de l'anévrysme
du ventricule gauche; de malformations congénitales
du cœur ; de productions morbides dans la cavité thora-
>:que; de l'anévrysme de toutes les grosses artères; de
varices anévrysmales et d'anévrysmes variqueux ; de
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206 séîfélOTIQTJB.
maladies de la membrane interne de la crosse de
l'aorte et de l'anémie générale.
Le murmure cardiaque est-il toujours un signe
de rétrécissement?
Non, car on l'a rencontré dans des circonstances où
loin d'être rétrécis, les orifices du cœur étaient plus ou
moins élargis (1).
Outre les cas de rétrécissement des orifices du cœur et
ceux de dilatation dans lesquels un murmure peut se
produire, on peut affirmer qu'on l a rencontré dans le
gonflement de l'endocarde, dans certaines hyperémies
actives et circonscrites aux valvules sygmoïdes, élat
qui, en augmentant la densité de leur tissu, peut déter-
miner, momentanément du moins, les phénomènes du
reflux (2).
Si l'on peut croire qu'il y ait là, à la rigueur, un
rétrécissement en sens inverse de la circulation, on
n'aura pas la même pensée sur les cas où l'on n'a
trouvé, pour expliquer le murmure, que des rugosités
ou des irrégularités des surfaces que le sang avait à
traverser.
Si des médecins démérite, si des hommes convaincus,
n'avaient pas posé la question de savoir s'il est absolu-
ment indispensable que les orifices cardio-valvulaires et
{[) Buuiliaud. — Maladies du cœur, I" édit , t. I, p. 479, 2* édit., 1. 1,
p. 201. — Corrigan. — On permanent poteney of the moulk of the oorta.
la ttlO EoiNBURGH M BD. AND SURG. JOURNAL, p. 215 à 215. 1832.
(2) Dr Guyot. — De l'insuffisance des valvules sygmoïdes aortiques. Thèse
de Pari», n° 163. Paris, 1834. M. Guyot appuie sa proposition sur le
témoignage de MM. Dupuy, Boulay jeune et Andral, qui en a donné une
observation dans son Précis d'anat. pathologique.
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BRUITS INTRA-CARDIAQUES. 207
cardio-artériels soient altérés, en môme temps qu'ils
sont rétrécis, pour donner naissance à la production de
bruits anormaux, nous n'entrerions pas ici dans d'autres
développements après ce que nous avons dit.
Mais nous croyons utile de faire connaître à nos lec-
teurs les opinions tranchées qu'ont émises sur ce point
d etiologie les docteurs Charcelay, De La Harpe et
• Forget.
Nous avons produit quelques faits contre leur rai-
sonnement. Nous en fournirons encore d'autres pour
mieux éclairer laqueslion.
Voici comment s'exprime M. Charcelay :
« Après avoir établi plusieurs espèces incontestables
&' insuffisance valvuiaire aortique, M. Corrigan en admet
une dernière que l'on pourrait appeler relative, puisqu'il
supposerait les valvules devenir insuffisantes, sans alté-
ration proprement dite de leur tissu, dans le cas d'une
dilatation de l'aorte s'étendant jusqu'à son orifice. Cette
variété, purement hypothétique, a été niée par quel-
ques-uns et adoptée par d'autres. Mais il est ici fort im-
portant de faire une distinction entre ce qui existe et ce
qui peut exister. Eh bien ! cette insuffisance relative,
que l'on conçoit si facilement et que l'on veut admettre
comme possible, n'a point été observée (1), et, sous ce
rapport, on peut et on doit la nier; s'il nous est permis
de juger des faits connus, gardons-nous bien de préjuger
des faits supposés. Au reste, en consultant l'observa-
tion, voici ce qui est démontré : Dans l'insuffisance
proprement dite que Ton peut appeler vraie, absolue ou
essentielle, la seule que l'on doive admettre, il existe une
altération primitive et constante du tissu des valvules,
(l) Celle insuffisance a été démontrée, non-seulement pour l'orifice
de l'aorte, mais encore pour les orifices auriculo-venlriculaires.
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dilatation consécutive et très-fréquente de l'aorte, tandis
que dans cette espèce particulière, l'insuffisance rela-
tive, il y aurait dilatation primitive et constante de
l'aorte, insuffisance consécutive de ses valvules sans
altération aucune de leur tissu. On voit combien ces
dernières conclusions sont contraires aux précédentes
établies par la nature : d'après celles-ci on reconnaît
clairement que dans certains cas de dilatation générale
et considérable' de la base de l'aorte, si les valvules
deviennent insuffisantes, c'est par suite d'un retrait
organique. On ne peut donc point dire qu'il y ait jamais
eu insuffisance simplement relative. Toujours l'insuffi-
sance a été absolue, essentielle, organique, comme la lésion
qui la constitue : Conséquemment, qui dit insuffisance
des valvules aorliques, dit altération de leur tissu. » (i).
M. De La Harpe tient à peu près le même langage.
L'insuffisance pure et simple telle que l'admet Corrigan
lui paraît impossible. « Peut-elle exister, dit-il (2), par
suite de la dilatation de l'orifice aortique (3) ? cela me
paraît fort douteux. Les valvules sont les cordes flexi-
bles d'un arc; si l'arc vient à s'ouvrir, les cordes se
tendront, elles ne pourront pas plus s'abaisser que
s'élever, et vous aurez rétrécissement dans l'un et
l'autre de leurs mouvements : s'il y a rétrécissement,
le bruit du soufflet est expliqué parla même. Objectera-
l-on que les valvules s étendent avec les arcs qu'elles
sous-tendent? alors il n'y aura plus d'insuffisance. »
({) Cliarcclay. — Uecutil d'observations sur f insuffisance des calcules
sygmoldes aortiques. Thèse inaugurale soutenue à la Faculté de méde-
cine de Paris, lo 17 août 1836, pages 6 et 7.
(î) De La Harpe, Archives, 1838, t. III, p. 1.
(3) a L'insuffisance simple de ces valvules est admise et a été obscr-
, vée par tous les médecins qui ont traité de cette affection. »Beau, Traité
clin, d'ausc., p. 43*.
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BRUITS INTRA-CAllfrlA QU'ES. 209
— Forget avait cité l'insuffisance des valvules dans
des cas où il n'avait point existé, disait-il, de bruits
anormaux dans le cœur.
Il est de fait qu'on a publié dans Y Union médicale
(6 août 1867) une observation d'insuffisance des val-
vules auriculo-ventriculaircs sans modification des bruits
du cœur.
Ces orifices étaient tellement dilatés, le droit surtout,
dit l'auteur, Georges Dieulafoy, que l'oreillette et le ven-
tricule semblaient ne faire qu'une cavité, sans ligne de
démarcation. L'orifice tricuspide mesurait 160 millim.
au lieu de 103. Il n'existait aucun bruit morbide.
Quelle preuve Fjryet donnai (-il à l appui de son
opinion ?
Il alléguait la dilatation du cœur droit qu'on observe
à la suite de certaines affections pulmonaires. Il n'existe
point alors, disait-il, de bruit anormal dans le cœur,
quoique le reflux du sang veineux, l'œdème, la cyanose,
et même l'inspection directe, après la mort, démontrent
manifestement l'existence de l'insuffisance (la Lancette
française, 3° série, t. I, n°96. Jeudi 16 et samedi 18 août
1849).
On a répondu à Forget dans le même numéro de la
Lancette : « Une des choses qui semblent le mieux prou-
vées dans l'histoire des maladies du cœur, c'est que
l'insuffisance des valvules aortiqucs produit un bruit
de souffle au second temps, abstraction faite de tout
épaississement, de toute rugosité des valvules. »
Répondons à notre tour à Forget d'une manière géné-
rale en faisant intervenir successivement deux ordres
de faits, les uns expérimentaux, les autres cliniques.
TOME XXXII. — SEPTEJIBllE 1870. Il
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210 séilélOTIQUE.
1° Faits expérimentaux :
On a fait naître artificiellement des murmures en
comprimant les gros vaisseaux d'un anon au-dessus des
valvules sigmoïdes (i).
Ces faits rendent parfaitement compte des bruits anor-
maux qui se produisent dans certains cas et dans cer-
taines conditions d'épanchements péricardiaques consi-
dérables.
On a produit aussi, dans d'autres conditions, nous l'avons déjà
vu, des bruits anormaux périsystoliques, en empêchant, au moyen
d'un crochet h dissection et d'une alêne, l'occlusion des valvules de
l'aorte et de l'artère pulmonaire, sur un anon de six semaines (2).
Rappelons ici les expériences faites sur des chiens par
Hope, et par MM. A. Dechambre et Vu I pi an.
— Il résulte des expériences de Hope qu'un murmure
se faisait entendre, lorsque l'animal avait perdu beau-
coup de sangs il devenait d'autant plus perceptible,
que l'hémorrhag'ie avait été plus abondante. (Diseases of
the heart, etc., 1" et 2° édit. p. 72; 3e édit., p. 100.)
il) Charles Williams. — Observation III de sa expérience faite avec
le concours du D' Hope.
(2) Charles Williams. - Observations VI, VII et VIII de sa Deuxième
expérience, faite avec le concours du IV Hope. Lorsqu'on agissait sur
l'artère pulmonaire seule, le second bruit était plus faible et accompa-
gné d'un sifflement ( hissing murmur). Lorsqu'on agissait en môme
temps sur les valvules de l'artère aorte, lo second bruit cessait et était
remplacé par le sifflement (p. 301 de la 4e édit. de The pathology and
diagnosis of discases of the chest, et p. 33 de la 3° édit. du Trealise on the
diseases of the heart. Ces deux auteurs disent que la pression causait:
a whizzing or bcllows murmur, with the ist sound. — C. William.
Obs. V de sa Deuxième expérience, faite avec le concours de Hope,
p. 303 de la 4e édition de The pathology and diagnosis of diseases of the
chest y et p. 31 de la 3* édition du Trealise on the diseases of the heart.
Série â, n° 14. — Ces deux auteurs disent : « The ist sound was accom-
panied witli a bclluw» muimur. »
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ËRUÎTS 1NTÎIA-0ARDI AQUES. 2 1 1
Il résulte également des expériences XI et XII de
MM. A. Dechambre et Vulpian (I), qu'il s'est produit
d'abord un bruit de souffle au premier temps après les
premières émissions sanguines, et que des émissions
sanguines nouvelles ont fait prendre à ce souffle un
caractère rude et râpeux.
Les deux chiens ayant été sacrifiés, on a constaté sur
l'un comme sur l'autre l'intégrité parfaite du péricarde,
de l'endocarde, du cœur et des valvules.
2* Faits cliniques.
M. Bouillaud a entendu le murmure systolique :
1° Chez un malade qui avait perdu beaucoup de
sang et dont on ne pouvait pas compter les pulsations,
[Maladies du cœur, lre édit., t. I, p. 180; 2" édit., t. I,
p. 205);
2° Chez un autre malade devenu anémique à la suite
de la fièvre typhoïde. Le pouls battait chez lui 160 fois
par minute. {Maladies du cœur, 1" édit., t. I, p. 181;
2' édit., t. I,p. 206).
Hope s'est exprimé de la manière que voici :
a J'avais découvert sur une malade un murmure siégeant sur
le trajet de l'aorte ascendante. Ce murmure était très-distinct dans
certains ca$, absolument nul dans d'autres... On trouva, à Yautopsie,
que le bord antérieur du poumon gauche, complètement induré par
une infiltration tuberculeuse, comprimait tellement l'aorte ascen-
dante, qu'il était moulé sur elle, sans cependant y adhérer. On se
souvint alors d'avoir toujours entendu le murmure chaque fois
que la malade était couchée sur le dos ou penchée sur le côté droit,
tandis qu'il disparaissait dès qu'elle se penchait à gauche. Nous en
(4) Dechambre et Vulpian. — Note sur la production des bruits anor-
maux du cœury dans les cas d'anémie. In Gazette hbbd. de m éd. et de
cm»., i* série, t. I, n° 25, p. 413 et suiv. Paris. 1804.
«13 SÉMélOTIQUB.
conclûmes qu'il fallait attribuer le murmure à la pression du pou-
mon sur l'aorte, quand la position du corps le faisait tomber à
droite. » (Diseases of the heart, etc., 3° édit., p. 301.)
Puisqu'il n'existait pas de lésions org-aniques dans
les faits expérimentaux de Hope, de Vulpian et de De-
chambre, par quel mécanisme faut-il expliquer le mur-
mure dans les grandes pertes de sang1?
Faut-il le rapporter à un frottement exagéré du li-
quide contre les orifices cardio-artériels ayant conservé
leurs dimensions normales, les cavités du cœur ayant
aussi conservé leurs dimensions, ou s'étant agrandies;
ou bien faut-il le rattacher à l'insuffisance de la valvule
tricuspide, autre rétrécissement en sens inverse de la
circulation, comme le professe M. Parrot? (1).
Nous discuterons cette question, quand nous traite-
rons des murmures en particulier.
Production cartilagineuse née dans te péricarde et compri-
mant l'artère pulmonaire à son origine.
Elliotson a cité à la page 10 de ses Lum'eijan h dures (iu 8"; Lon-
don, 1830) l'exemple de deux malades chez lesquels on avait en-
tendu constamment un bruit de soufflet systolique, isochrone au
pouls, ayant son maximum d'intensité à la partie inférieure du
sternum, c'est-à-dire à la région du ventricule droit.
Que trouva-t-on après la mort f
La cavité du péricarde abolie par une adhérence complète de*
deux feuillets du péricarde entre eux. Sur quelques points, dit-il,
la membrane était cartilagineuse et dans chaque eus une masse de
cartilage s'enfonçait si profondément du péricarde dans le couir.
qu'elle rétrécissait considérablement le ventricule droit, juste à
(I) Parrol. — Etude clinique sur le sièye et le mécanisme des murmure*
cardiaques dits anémiques Dans Archives uENka. de mèd. Août 185o.
6« série, t. Mil, p, liU à 159.
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BRUITS IN T R A-C A RDI AQ V ES . 213
l'origine de l'artère pulmonaire. Dans un des cas, les dimensions
de cette artère étaient rédiûtes à celles de l'artère brachiale.
Graves a raconté dans sa 41e leçon, l'histoire sui-
vante d'un péripneumonique qu'il avait observé avec
Henry Marsh :
On avait entendu non-seulement au niveau du cœur, mais même
sur toute la région antérieure de la poitrine, un bruit de soufflet
parfaitement net et très-éclatant. Ce bruit n'existait ni dans les
artères sous-clavières, ni dans Jes carotides... il n'apparut que lors-
qu'il y eut une matité absolue et une absence complète du mur-
mure respiratoire au niveau de la partie inférieure du poumon; le
bruit augmenta en intensité à mesure que l'inflammation envahit
la partie supérieure du poumon droit... pendant plusieurs jours, il
persista dans toute son intensité. Mais à mesure que l'inflammation
déclina, le bruit de soufflet devint graduellement moins éclatant et
moins intense et dans l'espace de quatre jours il disparut complète-
ment. (Graves, Clinical Lectures, etc., 2°édit. Dublin, 1864, p. 473.)
Graves a laissé à d'autres le soin d'expliquer ce phé-
nomène remarquable.
Bellingham l'a rapporté à la pression subie par les
branches de l'artère pulmonaire. (Diseases of ihe heart,
p. 138.)
Ne se produisait-il pas plutôt dans le cœwr, et n'était-il
pas renforcé par le poumon malade ?
« La disparition du souffle, a dit M. Jaccoud (t. II,
p. G4 de la 2e édition de sa version française de Graves),
au moment même où i'hépatisation entra en résolution,
est un puissant argument en faveur de cette interpré-
tation.
M. Aubnrtin (1) dit avoir vu au n* 23 .le la salle Saint-Jean-de-Dieu
un jeune phthisique adressé par M. Piorry. On entendait chez lui,
(I) Auburtin. — lleclierches clin, sur les mal. du cœur, p. 180.
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«14 SÉMÉIOTIQUE.
à gauche et en arrière, le long de la colonne vertébrale, un souffle
isochrone à chaque systole ventriculaire, ayant son maximum d'in-
tensité au niveau des cinquième et sixième vertèbres dorsales. On
rencontra, après la mort, une masse de ganglions tuberculisés qui
comprimaient l'aorte dans le point même où on avait entendu le
bruit de souffle.
Hydropèricarde comprimant ï origine des gros vaisseaux.
M. A. Raciborsky (1) faisait remarquer dès 4835 que
la compression du cœur et de ses orifices par un épan-
chement abondant du péricarde était susceptible de
déterminer un bruit de souffle.
Dans un cas de cette nature, a dit W. H. Walshe (2),
un murmure très-prononcé lorsque le malade est cou-
ché, disparaît lorsqu'il se met debout.
Au moment où je rédige cet article (25 juin 1866), je donne des
soins à une sage-femme de la province qui présente de la matité
dans presque toute la région sous claviculaire gauche. Cette matité
est absolue et ne diffère point de celle des épanchements plcuréti-
ques considérables; elle donne aux doigts la sensation d'une grande
résistance. Élle commence à un travers de doigt au-dessous de la
clavicule et on la suit de haut en bas jusqu'au rebord des côtes. Elle
s'étend d'un côté a l'autre à partir du bord droit du sternum, dans
l'étendue de 15 centimètres. La forme de cette matité est presque
arrondie. On ne produit sur toute sa surface aucune résonnance
pulmonaire, on n'y entend aucun murmure vésiculaire.
Les bruits du cœur sont bien distincts et bien nets lorsque la
malade est assise; chacun d'eux a le timbre qui lui est propre. Le
premier est plus sourd qu'auparavant, lorsque la malade est couchée;
il est masqué par un bruit de souffle, lorsque je fais placer
sous son siège des oreillers. Dans cette situation nouvelle, le liquide
comprime davantage les gros vaisseaux qui sont devenus déclives
(1) A. Raciborski. Nouveau manuel complet d'ausc. et de perc, p. 290.
Paris, 1835.
(4; W. H. Walsho. Diseatet of the heart, 3« édit., p. 88. Londoo, 1862.
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BRUITS INTRÀ-CARDIÀQUE8. 215
par rapport à la base du thorax. De là, la production du bruit de
souffle.
Je fais asseoir de nouveau la malade, et ce bruit disparaît.
Le décubitus sur le côté gauche fait naître la résonnance pulmo-
naire sur la moitié droite du sternum.
On entend en arrière, dans les points diamétralement opposés à
ceux de la matité, la résonnance pulmonaire et les bruits respira-
toires. Il n'en serait pas ainsi s'il existait un épanchement pleuré-
tique.
Tout le côté droit est le siège d'une résonnance tympanique et
d'une respiration exagérée.
Donc, un épanchement péricardique, en diminuant
le calibre des gros vaisseaux, peut faire naître, dans
des conditions déterminées, un bruit de souffle systo-
lique dépendant du frottement exagéré du sang* à l'en-
droit rétréci.
Le Dr Budd a signalé un bruit de soufflet diastolique rude et pro-
longé ayant son maximum d'intensité au niveau du cartilage de
la quatrième cote gauche, comme ayant existé chez un malade âgé
de 36 ans, qui s'appelait William Thomas. On ne trouva chez lui,
après la mort, qu'une dilatation du cœur portant spécialement sur
le ventricule gauche et qu'une déchirure de la valvule sigmoïde
aortique (1).
M. Goupil dit un jour à la Société anatomique :
J'ai entendu un bruit de souffle doux au second temps dans deux
cas d'insuffisance aortique coïncidant avec l'absence d'une valve
sigmoïde. Dans ces deux cas où l'affection était congénitale, les
valves existantes étaient souples, saines, mais seulement insuffi-
santes .
A la vérité, des observations de ce genre ne sont pas
communes.
ii) Budd. - London médical Gazette, t. XXIX, p. 523 el suiv.
(2) Voyez les Bulletins de celte société, pour l'année 4856; 3f année,
p. 126.
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210 SÉMKIOTTQUE»
M. Jaccoud a cité l'observation suivante (1) pour
prouver que les lésions organiques ne sont pas indis-
pensables à la production des bruits anormaux.
Le 12 septembre 1861. — Un jeune homme de 22 ans
avait eu en 1850 une scarlatine grave, et en 1860 un rhumatisme
articulaire aigu. Lorsqu'il entra à l'hôpital, il éprouvait des troubles
très-prononcés de la circulation générale. Toute médication fut im-
puissante à atténuer les accidents. Le malade mourut le 5 octobre,
à la suite d'une lente asphyxie.
♦
Que trouva-t-on à l'autopsie?
Le cœur volumineux sans hypertrophie proportionnelle ;
La capacité du ventricule gauche dépassant de moitié les dimen-
sions normales;
L'oreillette correspondante également distendue ;
L'aorte dilatée dans toute l'étendue de son trajet intru-canliaque ;
Les parois du cœur droit amincies;
Les valvules sigmoïdes de l'aorte et ta valvule mitrale insuffisantes (2).
(Le liquide coulait abondamment dans le ventricule à travers les
valvules de l'aorte et dans l'oreillette gauche à travers les valvules
mitrales.)
La membrane interne du ventricule et de l'oreillette gauche
parfaitement saine ;
Les replis valvulaires, les cercles iibrcux auxquels ils sont atta-
chés, la surface interne de l'aorte nullement altérés, les orifices par-
faitement libre?, dilatés proportionnellement aux cavités, cette dila-
tation portant principalement sur l'orifice raitral dont la circonfé-
rence mesurait 122 millimétrés (3).
(1) Voyez cetle observation p. 236 et suivantes, de sa version fran-
çaise des Leçons de clinique médicale do Graves, 2récJit., t. II. — Elle a
été également insérée dans la Gazette hebdomadaire (p. 709 et suiv. du
t. VIII, 13 décembre 1861;, et dans le Moniteur des sciences mèdic. et
pharmaceut., n° 154 du t. III de la 2e série, pour l'année 1861, et dans
le n* 2 du t. IV, pour l'année 1832.
(2) Ce fait répond au doute que M. Àndral a exprimé, quand il a dit
(voyez Laônnec. t. III, p. 284) : a Une largeur trop grande des orifices
artériels, comme cause d'insuffisance, me parait avoir été, jusqu'à pré-
sent (en 1837), plutôt supposée que réellement observée. »
(3; M. Bouillaud a trouvé sur trois sujets, dont le cœur était à l'état
BRUfTS INTRA-CARDIAQUE8
217
Qu avait-on entendu pendant la vie ?
Dos battements du cœur éclatants ; deux bruits de souffle parfai-
tement distincts qui différaient non-seulement par leur timbre et
leur tonalité, mais encore par le temps qu'ils occupaient dans la
révolution cardiaque.
L'un de ces souffles avait son maximum d'intensité dans le sixième
espace intercostal, au niveau même delà pointe du cœur. Le timbre
étaient rude, presque râpeux, le ton en était très-élcvé, il masquait
complètement le premier bruit normal; c'est au moment précis où
avait lieu le choc du coMir contre la paroi thoracique, qu'il présen-
tait son intensité la plus grande. Au niveau de la base du cœur, le
premier bruit normal était altéré par la propagation du souffle de
la pointe.
Le second bruit était remplacé par un souffle doux, prolongé,
dont le ton était moins aigu que celui du précédent; il était perçu
soit dans le troisième espace intercostal gauche, le long du sternum,
soit dans le point correspondant du côté droit, où il était même plus
net et plus fort.
Il n'existait pas de souffle dans les gros vaisseaux du cou.
Les carotides primitives et les sous-clavières, dans leur portion
cervicale, présentaient un thrill (I) manifeste (2).
Le pouls médiocrement plein était tantôt bondissant, tantôt petit
sans intermittence.
M. Jaccoud fit dépendre le premier bruit anormal de
l'insuffisance mitrale, et le second bruit, anormal éga-
lement, de l'insuffisance aortique.
Il n'existait pas d'altérations valvulaires dans les
faits expérimentaux que nous avons fait connaître, de
normal, à la circonférence do l'orifice auriculo-ventriculaire droit, un
maximum de 4 pouces C 108 millimètres). (Traité clin, des mal. du cœur,
édit., t. I, p. 58 ; in-8. Paris, 1835.)
Le maximum de l'orifice auriculo-ventriculaire gauche était, sur trois
sujets, de 3 poucos 6 lignes (ibid., p. 57).
(1) Ce mot est la traduction de bruissement, de frémissement cataire.
(2) J'ai déjà signalé cette observation à l'occasion d'une réflexion qu'a-
vait faite M. Notta.
218 SÉMÉIOTIQUE.
Charles Williams et de Hope, et cependant, il se produi-
sait tantôt du sifflement au second temps, tantôt du sif-
flement ou des bruits de souffle au premier temps.
Il n'existait pas non plus d'altération des valvules
auriculo-ventriculaires dans les faits expérimentaux de
MM. Ghauveau et Faivre que nous avons cité:-, et cepen-
dant il se produisait un bruit de souffle fort au premier
temps.
Il reste à expliquer pourquoi dans l'observation de
M. Dieulafoy, dont nous avons reproduit les points affé-
rents à notre sujet, il ne se produisait aucun bruit anor-
mal, bien qu'elle ait beaucoup d'analogie avec l'obser-
vation de M. Jaccoud, et pourquoi il ne s'est pas produit
de la sibilalion dans l'observation de MM. Pennock et
Moore que nous allons reproduire, bien qu'elle res-
semble beaucoup, sous les autres rapports, aux faits de
C. Williams et Hope.
Onzième expérience.
« A hook was passed inlo the « Un crochet ayant été introduit
« aorta by Or. Moore, and one of dans l'aorte par le Dr Moore, il par-
« the semi-lunar valves elevatcd ; vint à saisir et à soulever une des
« the eyes of tbe auscullator werc valvules semi- lunaires. Alors la
« closed, to prevenl the possibility personne qui auscultait ayant fer-
« of bias from preconecived opi- mé les yeux, pour prévenir toute
« nions. While in this position , tendance vers une opinion pré-
« the auscullator announced the conçue, annonça que le second
«absence of the second sound , bruit avait disparu , et qu'au pre-
« and the a -cession of a rough mier se joignait un souffle; rude,
a bollows sound in the firstsound. Le crochet fut retiré, et aussitôt
« The hook was thon wilhdrawn, le second bruit reparut. Répétée
■ and the second sound was de- deux fois, par chaque personne,
« clared to have returned. This cette expérience donna conslam-
« experiment was tried twice by ment le même résultat. On n'es-
te each, and by some three limes saya pas d'introduire le crochet
«in succession, and the resulls dans l'artère pulmonaire, parce
• were uniforra. No hook was que, vers ce moment de l'expé-
« passed inlo the pulmonary ar- rience, le second bruit ne s'y fai-
■ tery, in as tnuch as no sound was sait plus entendre. » (Relation sur
« heard over it at this time. The une série d'expériences sur les
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DE l'hERPRTJSME.
219
■ auricle contractée] while in tbe
« hand, eroptied of blood. » {Expe-
riment xi, p. 42 du Report ofexpe-
rimtnts on tke action of the heart
(extracted from the Médical Exa-
miner, n° 44). Jn 8. Philadelphia,
1839)
— La suite prochainement. —
vements et let bruits du cœur. Mé-
n oire traduit de l'anglais par M. E.
Beaugrand, p. 181, du journal l'Ex-
périence, pour l'année 1842, numéro
du 22 septembre.)
Dr L. MAILLIOT.
BIBLIOGRAPHIE
DE L'HERPtèTISME
Par le Dr GIGOT-SUARD, médecin consultant aux Eaux de CautereU (t).
( Suite et fin.)
THÉRAPEUTIQUE.
La thérapeutique découle toujours de la doctrine pa-
thologique, c'est une fatalité à laquelle la logique nous
condamne, et c'est pour cela que les questions de doc-
trines ont une importance qui retentit à coup sûr jusque
dans les derniers détails de la pratique.
M. Gig,ot-Suard appartient au physiologisme mo-
derne, il croit avoir trouvé dans l'empoisonnement du
sang* par les matières excrémentitielles, dans l'uricé-
mie l'explication de l'herpétisme. Son problème théra-
peutique se réduira en ces termes : trouver une médi-
cation qui empêche la formation en excès de l'acide
urique ou de ses composés , et qui favorise leur excré-
tion ; et , résultat inattendu , il arrive à préconiser le
café vert et le colchique comme les deux médicaments
héroïques de la dartre , tandis que Y arsenic et le soufre
sont relégués à un rang- tout à fait inférieur.
(1) Un vol. in-8 ; chez J.-B. Baillière et fili.
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220 BIBLIOGRAPHIE.
Mais reprenons les choses un peu plus en détail, car
tout ce qui touche à la thérapeutique est important, et
j'espère montrer comment le principe de similitude
pourra utiliser les laborieuses recherches de M. Gigot-
Suard.
Nous allqns trouver ici, avec tous les perfectionne-
ments que peut apporter la chimie moderne, la vérita-
ble thérapeutique traditionnelle. Cette thérapeutique se
réduit à une théorie bien simple. Une matière morbide,
cause de la maladie ; une médication qui doit détruire
ou éliminer cette matière morbide. Dans le cas présent,
l'acide urique et ses composés retenus dans le sang*
constituent la matière morbide, cause de la dartre. Les
àépurali/s, c'est-à-dire les médicaments qui ont la pro-
priété de débarrasser le sang* des principes excrémenti-
tiels en excès , voilà le second terme, c'est-à-dire le trai-
tement de la dartre. On reconnaît à ces traits la théra-
peutique vtiologique que l'école de Galien a si profondé-
ment fixée au cœur de la médecine qu'à l'exception des
disciples de Hahnemann, aucun médecin n'a pu encore
se débarrasser des sophismes qui la constituent.
Et cependant M. Gigot-Suard cite un passage de
M. Jeannel qui exprime bien ma pensée, et que nous
lui conseillons de méditer :
« L humorisme considérait les médicaments dépuratifs
comme propres à débarrasser les humeurs des éléments
hétérogènes et nuisibles qui les pouvaienteontenir... On
se persuadait que ces médicaments avaient le pouvoir
de détruire sur place les éléments hétérogènes, ou de
les entraîner au milieu des évacuations qu'ils provo-
quent. »
Un peu plus loin, le même auteur rappelant les expli-
cations physiologiques qu'on a données de l'action des
dépuratifs et des altérants, ajoute :
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DB l'hERPÉTISMB. Sfil
« Nous considérons ces phrases scientifiquement dé-
duites comme propres à enguirlander , au goût du
temps , l'abîme qui sépare trop souvent ces deux ter-
mes : maladie... remède. » (Nouveau Dictionnaire de
médecine et de chirurgie pratiques, t. XI, p. 183. )
L'abîme qui sépare la maladie du remède ne peut être
franchi que sur le pont de la matière médicale expéri-
mentale et la loi de similitude. Mais revenons à M. Gigot-
Suard.
Cet auteur croit échapper au reproche de thérapeuti-
que hypothétique {ou enguirlandante) , que mérite si
bien la thérapeutique étiologiquc, parce que c'est d'a-
près l'expérimentation qu'il a établi ses dépuratifs , il se
trompe, comme nous allons le lui montrer.
M. Gigot-Suard a démontré par des expérimenta-
tions sur l'homme que le silicate de soude, le colchique et
le ca/é vert augmentaient la densité des urines excrétées;
que, par conséquent, ces médicaments débarrassaient
le sang des principes excrémentitiels destinés à être éli-
minés par les urines. Il en conclut que ces substances
sont des dépuratifs et constituent les véritables médica-
ments de la dartre. La clinique a aussi, d'après M. Gigot-
Suard, confirmé la valeur de ces médicaments qui ont
guéri un certain nombre de dartreux. La démonstra-
tion expérimentale semble donc complète, et M. Gigot-
Suard aurait trouvé ce que personne n'a encore trouvé
depuis Galien, une matière morbifique réelle, et un dépu-
ratifnon hypothétique.
Mais tout cela n'est qu'une illusion, puisque la base du
système lui-même est faux et hypothétique. La dartre,
nous l'avons déjà démontré, n'est point due à un em-
poisonnement du [sang par les produits excrémentitiels.
L'uricémie (en supposant qu'elle soit constante chez les
lartreux, ce que je n'accorde pas), loin d'être la cause
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222 bibliographie.
de la maladie n'est qu'une lésion. Si donc la matière
morbifique n'est qu'une matière morbifiée , le premier
terme de la thérapeutique étiologique nous manque, et
le second n'a plus qu'un sens restreint, puisqu'il s'a-
dresse à une partie seulement de la maladie.
Et si encore le traitement de la dartre reposait sur l'ad-
ministration des silicates alcalins , du colchique et du
café vert! Mais, quoi qu'en dise M. Gigot-Suard, le sou-
fre, l'arsenic, la canlharide, le manganèse, la sépia, le
graphite, etc., etc., guérissent un grand nombre de
dartres au moins aussi bien que le silicate, le café vert
et le colchique. La théorie, fausse par la base, pèche
donc aussi par les conclusions. Mais nous reviendrons
sur ce point et sur les services rendus par M. Gigot-
Suard au traitement de l'herpétisme, après avoir rendu
compte de ses expériences de matière médicale.
MATIÈRE MÉDICALE EXPERIMENTALE.
Jusqu'à présent nous avons accepté les données expé-
rimentales de M. Gigot-Suard. Avec la signification que
ces auteurs leur accordent maintenant, le moment est
venu de discuter les bases mêmes sur lesquelles est assis
le système qui explique l'herpétisme par un empoison-
nement du sang*.
M. Gigot-Suard a fait prendre de Y acide urique à des
chiens. M. le Dr Gigot-Suard, le lecteur s'en souvient,
explique la dartre par la rétention dans le sang des
principes excrémentitiels, et en particulier de l'acide
urique. Pour démontrer cette théorie, notre auteur a
fait prendre de l'acide urique à des chiens ; il a produit
une uricémie artificielle, et, au moins c'est là sa croyance,
produit un herpétisme médicamenteux.
Nous trouvons que M. Gigot-Suard s'est fait coraplé-
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DE L'HRRPÉTISME. 223
tement illusion. Ainsi, sur cinq chiens qui ont été em-
poisonnés par l'acide urique, un seul a produit, à l'au-
topsie, une desquamation sans caractère (obs. i,e); la
peau des quatre autres chiens était absolument saine. Il
est juste de dire que, pendant la vie, le chien de la
3e observation a présenté des rougeurs par plaques,
et celui de la 4e une éruption prurigineuse à la cuisse;
que tous ont été pris de démangeaisons plus ou
moins marquées. Mais la démangeaison chez les chiens
est un phénomène extrêmement fréquent. Je ne pense
pas que M. Gigot- Suard ait eu le soin de faire tuer
toutes les puces des chiens en expérience, eh bien, les
chiens qui ont des puces se grattent incessamment.
Quelques plaques rouges à la peau, une éruption pru-
rigineuse constituent-elles la dartre? Mais si M. Gigot-
Suard avait l'ait prendre à ses chiens du soufre ou de
l arsenic, il aurait produit des éruptions cutanées beau-
coup plus caractérisées et beaucoup plus constantes.
L'empoisonnement du sang par l'acide urique ne
produit donc pas la dartre, et le système de M. Gigot-
Su ard s'écroule par sa base.
Du reste nous voulons faire le lecteur juge de la
question et nous rapportons la première expérimenta-
tion qui est la plus complète.
Expérience I. — Chien de i ans, de taille moyenne.
Acide urique à la dose de 1 gramme deux fois par jour.
Huitième jour. Aucun symptôme ne s'est encore manifesté. Santé
excellente, [/animal prend l'acide urique très- facilement dans du
pain ou de la viande.
Dixième jour. L'animal parait éprouver des démangeaisons qui
l'excitent à se gratter souvent.
Treizième jour. Démangeaisons très-vives. L'animal est triste.
Seizième jour. Les démangeaisons continuent. L'œil gauche est
le siège d'une sécrétion muco-purulente. La dose d'acide urique
est doublée.
824 BIBLIOGRAPHIE.
Dix-Neuvième jour. L'animal est encore plus triste; il semble
souffrir; il mange peu. Les démangeaisons paraissent moins vives.
Soif intense.
Vingtième jour. Il n'y a plus de sécrétion morbide à l'oeil gauche.
L'animal ne se gratte que rarement; il refuse presque la nour-
riture. Pas de diarrhée.
Vingt deuxième jour. L'animal se gratte davantage; il parait
moins souffrant et mange mieux ; il est plus gai.
Vingt-quatrième jour. L'animal est redevenu triste; il mange
difficilement; il se gratte toujours. M. Fougera, vétérinaire, méfait
remarquer une forte injection de la muqueuse oeulo-palpébrale,
sans sécrétion, et une injection non moins prononcée de la mu-
queuse buccale, surtout de la gencive supérieure, où la congestion
forme un liséré rouge violacé. Pas de diarrhée.
Vingt-huitième jour. Il y a trois jours que l'animal tousse beau-
coup et est atteint d'un écoulement muco-purulent par les narines.
La muqueuse oculo-palpébrale et la gencive supérieure sont tou-
jours injectées. L'animal se gratte beaucoup; il est triste et est
devenu méchant; il mange peu et boit beaucoup.
Trente et unième jour. La toux et l'écoulement muco-purulent
des narines continuent. L'animal est triste, méchant, et refuse de
manger. Il est sacrifié, et l'autopsie est faite, cinq heures aprJ's, en
présence de M. le Dr Faucher, médecin de l'hôpital de Levroux.
Peau. Lorsque l'animal est dépouillé, on remarque en plusieurs
endroits, notamment à la cuisse droite, un épanchement assez
considérable d'uni? matière alhumineuse, gluante, entre la peau et
les muscles. Cette matière n'a pas été analysée. Toute la face pro-
fonde de la peau a une teinte bleuâtre, ardoisée; les follicules
pileux paraissent augmentés de volume. Le pelage de l'animal étant
trcs-abomlant, il est difficile de se rendre un compte bien exact de
l'état de la surface externe de la peau ; cependant le poil s'enlève
avec facilité dans certains endroits, et je remarque une desquama-
tion très-prononcée. Il n'y a aucune autre lésion.
Sang. Le sérum est alcalin. L'expérience du fil indique qu'il
contient une surcharge d'acide urique.
Ctrveau. Sain dans toutes ses parties, mais assez fortement
injecté à sa surface.
Muqueuse du nez. Violacée, boursouflée et ramollie. Elle se dé •
ehirc facilement par la pression, et laisse écouler un liquide sa-
nieux composé de sang, de mucus et de pus.
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DE LHERPÉTI8ME. 225
Muqueuse hucco-plianjngienne. Injectée presque partout, mais
surtout à la gencive supérieure, où le liséré violacé remarqué pen-
dant la vie n'a pas disparu. Les papilles de la langue sont très-
développées.
Voies respiratoires. La muqueuse du larynx est légèrement in-
jectée au niveau des cordes vocales. Celle de la trachée et des
bronches l'est beaucoup. Le poumon gauche est fortement hy-
perémié; le droit l'est moins. Placés dans l'eau, l'un et l'autre sur-
nagent.
Coeur. Il parait sain.
Œsophage. Sain, excepté vers le pylore, où il est un peu injecté.
Foie. Injecté à sa surface et surtout sur les bords.
Hâte. Saine, excepté sur un de ses bords, où l'on remarque une
injection assez prononcée.
Estomac. La muqueuse est fortement injectée dans la grande
courbure; elle n'est ni épaissie ni amincie; Tépithélium s'enlève
diflicilement; elle présente l'état mamelonné sur plusieurs points.
Pancréas. Injecté dans la plus grande partie de son étendue,
surtout à la surface.
Intestin grêle. Consistance normale de la muqueuse. Nous remar-
quons dans certains points une arborisation vasculaire assez pro-
noncée. Sur d'autres, c'est un pointillé à peine visible, ou des
plaques rouges semblables à des ecchymoses. Les plaques de Peyer
sont augmentées de volume.
Gros intestin. La muqueuse est assez fortement injectée, mais de
consistance normale, surtout dans le rectum. Les glandes sont ma-
nifestement hypertrophiées.
Vessie. Distendue par l'urine. Elle est le siège d'une congestion
considérable que ni le lavage ni la macération ne font disparaître.
Elle n'est, d'ailleurs, ni épaissie ni ramollie.
Uretères. Injection très-prononcée de la muqueuse.
Reins. Us présentent des altérations extrêmement remarquables.
Us paraissent plus volumineux et moins consistants qu'à l'état nor-
mal. Après avoir enlevé la capsule fibreuse, on reconnaît que leur
surface extérieure, d'un rouge violacé, est parsemée de corpuscules
d'un blanc laiteux ou un peu jaunâtres , du volume d'une tète
d'épingle à un grain de millet. En divisant les reins de leur bord
convexe vers leur scissure, nous remarquons que la substance cor-
ticale, d'une couleur plus pale que celle de la surface extérieure, est
TOME XXXII. — SEPTEMBRE 1870. 15
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226 BIBLIOGRAPHIE.
gonflée, et qu'elle occupe un espace plus considérable que dans
l'état sain, surtout dans ses prolongements entre les concs. La sub*
stance tubuleuse a une couleur rou^c foncé. La substance corticale
présente aussi des granulations semblables à celles de la surface
extérieure, et surtout des lignes irrégulières, comme floconneuses,
qui semblent se continuer avec les stries divergentes des cônes
tubuleux. Indépendamment des granulations, j'ai constaté la pré-
sence de points blancs au sommet «les pyramides et de stries blanches
le long des tubes urinifères. A l'examen microscopique et chimique,
j'ai reconnu que ces stries et ces points étaient composés d'urate de
soude.
Articulations. Les grandes et les petites articulations ont été
examinées avec soin. La synovie paraissait augmentée dans toutes;
elle était alcaline. Dans les petites articulations la synoviale était
injectée. La couleur bleuâtre des cartilages nous à semblé beau-
coup plus foncée qu'à l'état normal, surtout aux petites articula-
tions.
Le lecteur n'a sans doute pas reconnu la description
de la dartre dans l'histoire de ce chien, mais s'il veut
prêter quelque attention aux symptômes et aux lésions,
je crois qu'il y trouvera une image assez nette du dia-
bète , maladie qui est habituellement heureusement
modifiée par l'administration des selsd'uré.
Réservons donc la physiologie pour nous donner
l'explication et le mécanisme des symptômes ; n'oublions
pas que la maladie est un état dont les lois de la santé
ne peuvent nous faire connaître la nature. Revenons à
ces explications chimiques, physiques et physiologiques
qui forment comme un cercle fatal flans lequel les meil-
leurs esprits de la médecine tournent infructueusement
d'Hippocrate à Virchow. Sortons courageusement du
domaine des hypothèses stériles, et bâtissant sur le ter-
rain solide de l'essentialité des maladies, élevons une
thérapeutique qui s'appuie d'une part sur la connais-
sance de l'action positive des médicaments sur l'homme
sain, d'autre part sur la connaissance non moins posi-
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VARIÉTÉS. 227
tivc des symptômes de la maladie, et par conséquent
qui fonctionne sans avoir besoin d'aucune hypothèse.
Nous ne pouvons terminer cet article sans remercier
M. Gigot-Suard de son grand et consciencieux travail
sur l'herpétisme. Les lecteurs trouveront dans cet ou-
vrage des renseignements précieux sur l'histoire de la
dartre et de son traitement.
P. Jousset.
VARIÉTÉS
LES PETITES MISÈRES DE QUELQUES MÉDECINS
CATHOLIQUES.
X. Elie Beda. des Fougerais.
« Avant-hier (i3 septembre 1659), M. d'Aguesseau
mourut à Paris, maître des requêtes, du vin émétique
de Béda, sieur des Fougerais, imignisagyrtaezi impuden-
ihsimi nebulonis. » Lettres de Gui Patin à Belin. De Paris, .
ce lundi, 15 de septembre 1659, édit. de J.-H. Héveillé-
Parise, t. I, p. 245.
« Je veux vous annoncer une réjouissance pour la
papimanie, laquelle fait ici parler bien du monde, le
personnage étant fort connu. Des quatre prétendus ré-
formés qui nous restoient en notre Faculté, le nombre
en est réduit à trois, ayant plu à Dieu de toucher le
cœur (je n'oserois dire l'âme, car je doute s'il en a une)
à notre maître Elie Béda, dit par la ville et soi-disant
des Fougerais, comme du nom de quelque seigneurie.
Il va dorénavant à la messe, porte le chapelet, fait le
bigot comme les autres, et tout cela par l'intervention
du père de Lingendes, jésuite, et de quelques dames.
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228 VARIÉTÉS.
Ne vous étonnez donc plus de votre M. Meyssonier, en
voici un autre qui a fait comme lui ; mais celui-ci est
bien plus fin, plus rusé et plus modéré que le vôtre.
Ceux qui l'ont vu à la messe ne doutent pas de sa con-
version ; mais nous autres qui le connaissons pour ce
qu'il est, c'est-à-dire pour un dangereux cancre et
grand imposteur, doutons bien fort si par ci-devant
ayant été grand et insigne charlatan, l'eau bénite qu'il
prendra le pourra changer et le faire meilleur, plus
sage, plus retenu et moins charlatan qu'il n'étoit. » De
Paris, ce 8 de mai 1648. Lettres à Charles Spon, D. M.
à Lyon, p. 392-93.
a Béda ne se pique que de secrets et d'antimoine, et
dit qu'il a guéri la vérole à tout le inonde. » Ce 29 de
mai 1648, p. 401.
« Le sieur Béda des Fougerais n'est point mis au
rang* des honnêtes gens; il est chimiste, empirique,
et fait ce qu'il peut pour gagner avec effronterie, im-
pudence, sans assaisonner son fait de nulle prudence.
Il assure de guérir tout le monde; il fait rage de pro-
mettre de son côté et d'en savoir bien plus que tous les
autres ; que tel et tel ne savent que saigner et purger,
mais que lui a de grands secrets, etc. Sic omnibus et
singulis detrahendo omnium odio dignus venit. Quand il
changea de religion, en cas qu'il en ait quelqu'une, son
père même dit qu'il ne s'en étonnoit point, qu'il l'avoit
reconnu impie, luxurieux et idolâtre de l'argent. El un
ministre dit : La quille nous a quittés, nous n'y avons rien
perdu, les papistes n'y ont rien gagné, car c'est un fripon, et
véritablement je tiens pour très-vrai ce que ce ministre
a dit. 11 a par ci-devant été grand donneur d'antimoine,
niais il en a été si mauvais marchand qu'il s'en est re-
tiré. Il ne laisse pas néanmoins de promettre merveilles
à tous ceux qu'il rencontre disposés et capables d'être
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»
J
VARIKTKS. 229
trompés par lui. Qu;e quidem omnia de FJia Beda sttnt ve-
riss/ma. Je n'aime ni à mentir ni à médire; aussi n'est-ce
point par principe de médisance (!) que j'en parle, mais
on pure vérité, afin que vous le sachiez et que vous con-
naissiez ce personnage qui est grand valet d'apothi-
caires et grand cajoleur de belles femmes, desquelles il
a quelquefois été fort maltraité : utinam sapiat in poste-
rwn. » Août 1650, t. ÏI, p. 39-40.
«Les chimistes antimoniaux de la cour ont ici tué...
une ^â,n, de Gazeau, fille d'un maître des comptes;
elle était âgée de trente ans et grosse. L'antimoine que
lui donna des Fougerais la fit accoucher d'un enfant de
cinq mois, et mourir peu d'heures après et fœtum
Depuis huit jours on m'a envoyé un paquet où il y avoit
une épigramme contre l'antimoine, et contre trois
hommes qui en abusent, dont les deux sont de notre
Faculté, le troisième n'en est point. Je m'étonne com-
ment on n'y a pas aussi compris le sieur Béda des
Fougerais, qui est, lui tout seul, presque aussi méchant
que les trois autres, combien que Guénaut soit nequissi-
mus. Peut-être que le poëte l'a épargné à dessein (non
pas qu'il s'amende, car il est méchant perverti), en in-
tention de le traiter une autre fois tout seul selon son
mérite. » De Paris, ce 6 de décembre 1650, p. 63-64.
a Je viens d'apprendre que Guénaut brigue la place
de premier médecin chez le duc et la duchesse d'Or-
léans Voire apostat des Fougerais l' avoit briguée,
mais l'autre l'aura plutôt; il est de meilleur mise; il
n'est pas boiteux des deux côtés comme des Fougerais.
« On commence ici à vendre et à faire trafic des char-
ges de la maison de la reine future. Notre maître Béda,
dit des Fougerais, a offert dix mille écus de la charge
de son premier médecin ; il s'est vanté à quelqu'un qu'il
a parole de l'être, et qu'il est assuré de la bonne volonté
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230 VARIÉTÉS.
de Son Eminence en son endroit. » De Paris, ee ven-
dredi 9 d'août 1655, p. 163-164.
«1/. Alex, Morus (ministre protestant) est guéri, à ce
que j'apprends depuis deux heures de M. du Four (par
ci-devant médecin de M. de Vendôme), qui l'a traité de
cette maladie dernière, savoir, d'une fluxion sur la poi-
trine avec fièvre continue, assisté des bons et fidèles
conseils de M. Elic Béda, sieur des Fougerais, vénérable
et détestable charlatan, s'il en fût jamais; mais il est
homme de bien, à ce qu'il dit, et n'a jamais changé de
religion que pour faire fortune, et môme avancer ses
enfants. Ovirum bonuml » De Paris, le 17 de novembre
1662, p. 473.
« Nous avons ici, malade, un méchant fripon de notre
métier, qui est M. Elie Béda des Fougerais; mais je ne
puis croire qu'il en meure. 11 donne souvent de l'anti-
moine, mais il n'en prendra pas pour lui. Il semble que
Dieu laisse vivre les charlatans plus long-temps que les
autres, pour voir s'ils s'amenderont; néanmoins il
pourrait bien prendre celui-ci en toute assurance, sans
attendre de lui aucune conversion, car il est tout à fait
hors d'espoir d'amendement. Je ne crois pas qu'il y ait
sur la terre un charlatan plus détermine et plus perverti
que ce malheureux chimiste, boiteux des deux côtés,
comme Vulcain, qui tue plus de monde avec son anti-
moine que trois hommes de bien n'en sauvent avec les
remèdes ordinaires. Je pense que si cet homme croyoit
qu'il y eût au monde un plus grand charlatan que lui,
iltàcheroitde le faire empoisonner. Il a dans sa pochette
de la poudre blanche, de la rouge et de la jaune. Il
guérit toutes sortes de maladies et se fourre partout.
Ceux qui ne le connaissent point l'admirent; les autres
le détestent et s'en moquent. iMais c^est assez parlé de
cet homme qui n'en vaut pas la peine.» Lettres à
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VARIÉT&8. 231
M. André Falconet, médecin à Lyon. Do Paris, le
22 septembre 1651, p. 595.
«M. Elie Béda des Fouirais, noire collègue, mais
grand charlatan, est allé aux eaux do Bourbonnc avec
un partisan, nommé Monerot, tant pour soi que pour
celui qu'il mène; il a été ici trois mois malade d'un ab-
cès près des reins, qui s'est vidé par l'ouverture qu'on
en a faite, unde superest ulcus sinuosum^ fistulosum et co/i-
cavum, dont on présage malheur à ce médecin. » De
Paris, le 25 avril 1659, t. III, p. 130.
a Notro M. Elie Béda des Foulerais est allé à Bour-
bon, et je crois qu'il est présentement avec un partisan
nommé Monerot. Je ne sais pas comment il s'y porte,
ni ce que lui feront les eaux, mais il est malaisé qu'il
en reçoive grand soulagement. Il a été homme fort dé-
réglé toute sa vie; il buvait beaucoup, et du vin tout
pur; son mal a été un abcès interne entre le foie, les
reins et le mésentère, duquel est sorti beaucoup de pus
bien puant, et qui venoit de quelque lieu fort profond :
superest ulcus hand dubic cavum, sinuosum et fistulosum, a
quo imminet tabès. Ce seroit grand dommage de lui, à ce
qu'il dit, d'autant plus qu'il sait beaucoup de secrets.»
De Paris, le 13 mai 1659, p. 134.
« Sed qui quicrunt lucrum, per fraudes et imposturas, per
vias obliquas gradiuntury tels que sont Guénaut, des Fou-
gérais. » De Paris, le 22 juin 1660, p. 223-24.
« Ce matin, le Mazarin a reçu l'extrême-onction, et
delà est tombé dans une grande faiblesse; il a repro-
ché à Valot qu'il est cause de sa mort. Hier, à deux
heures, dans le bois de Vincennes, quatre de ses méde-
cins, savoir: Guénaut, Valot, Brayer et Béda des Fou-
gerais alterquoient ensemble et ne s'accordoient pas de
l'espèce de la maladie dont le malade mouroit : Brayer
dit que la rate est gâtée, Guénaut dit que c'est le foie,
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I
232 VARIÉTÉS.
Valot dit que c'est le poumon et qu'il y a de l'eau dans
la poitrine, des Foug-erais dit que c'est un abcès du mé-
sentère, et qu'il a vidé du pus, qu'il en a vu dans les
selles, et, en ce cas-là, il a vu ce que pas un des autres
n'a vu. Ne voilà pas d'habiles gens ! Ce sont les four-
' beries ordinaires des empiriques et des médecins de
cour, qu'on fait suppléer à l'ignorance. Cependant voilà
où sont réduits la plupart des princes, sic merilo ptec-
tuntur. »
De Paris, le 7 mars 1661, p. 338-39.
a On a joué depuis peu, à Versailles, une comédie des
médecins de la cour, où ils ont été traités en ridicule
devant le roi, qui en a bien ri. On y met en premier chef
les cinq premiers médecins, et par-dessus le marché
notre maître Elie Béda, autrement le sieur des Foule-
rais, qui est un grand homme de probité et fort dig-ne
de louang-e, si l'on croit ce qu'il en voudroit persuader. •
De Paris, le 22 septembre 1665, p. 555.
a On joue présentement, à l'hôtel de Bourg,og,no, f A-
mour malade (f Amour médecin, comédie-ballet, donnée en
1665 par Molière); tout Paris y va en foule pour voir
représenter les médecins de la cour, et principalement
Esprit et Guénaut, avec des masques faits tout exprès;
on y a ajouté des Foug*erais, etc. Ainsi on se moque de
ceux qui tuent le monde impunémeut. • De Paris , le
25 septembre 1665, p. 556.
o Nous avons ici un de nos collègues fort malade de
différents symptômes qui le menacent de mort. Ce se-
rait pourtant grand dommage, car il est grand servi-
teur de Dieu, excepté le corps et l'àme. C'est notre
maître, le vénérable Elie Béda, autrement nommé, par
son nom de gpuerre, le sieur des Foug"erais. » De Paris,
le 19 août 1667, p. 660.
« Je vous mandai hier (ce 25 août) la mort du sieur
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VARIÉTÉS. 233
des Fougerais. » De Paris, le 26 août 1667, page
661 (1).
XI. Lazare Mbyssoxier. (1602-1672).
« J'ai par la môme voie de M. Maillet reçu une affiche
d'un médecin de Lyon, nommé Meyssonier ; j'ai céans
cette affiche il y a longtemps, et il y a encore plus
longtemps que je connois le compagnon : vis dicam
verbo ; c'est un fou glorieux et presque maniaque. 11 a
ici demeuré quelque temps ; je l'ai vu et ai lu de ses
livres: je sais bien de quel bois il se chauffe à Lyon.
Ne perdez point votre temps à rien lire de lui. » De
Paris, ce 17 de décembre 1646. Lettres de Gui Patin
à Belin. Ed. J.-H. Réveillé-Parise, t. I, p. 132.
« Je vous prie de nie mander qui est M. Meyssonier,
médecin de Lyon, qui a été ici quelque temps : je n'ai
qu'un petit in-quarto de lui de Doctrina febr'uim. J'ap-
prends qu'il a fait quelque autre chose; s'il se peut re-
couvrer facilement, je vous en prie, combien que je
n'ai pas fort bonne opinion et des livres et de l'auteur. »
De Paris, le 24 novembre 1642. Lettres de Gui Patin à
Charles Spon, D. M. à Lyon, p. 273.
« Pour le docteur Meyssonier, longtemps il y a que
je le connois, et son mérite particulier pour la recon-
naissance duquel je lui souhaite de bon cœur une place
aux petites maisons, qu'il mérite fort bien ; ou bien,
comme disoit cet avocat de Nîmes, d'un mineur débau-
(I) Sur Elio Beda des Foulerais, Cfr. II. T. Baron, Quœ*t. med. ser.
chronol., 29, 30, 45 et Compend. med. Paris. Not.t 14; — Haller, Bibl.
med. pr., II, 501, 512; III , 21. - M. H. Kûhnhollz, Cours dhist. de la
mèd.. 65 (Taschercau cîlé). — M. Maurice Raynaud, Les Mèd. au temps
de Molière 7 in-12, p. 135-39 (Cizcron-Rivnl cité). — M. Lud. de Parscval,
La Mèd. et les Mèd. dans le théâtre de Molière. Etude critique dans Beoue
de Marseille et de Provence, fondée au profit des pauvres ; in-8, 15e année;
mai-juin 1869, p. 247-72, 298-3 ll.-Flourcns, Circul. du san], 187.
234 VARIÉTÉS.
ché qui plaidoit contre son tuteur : Je demande qu'il
soit fait moine, vu qu'il s'amendera là dedans ou qu'il
n'amendera jamais ailleurs. »» De Paris, ce 19 novembre
1643, p. 30 i.
a Puisque M. Meyssonier a changé de casaque, voilà
les affaires de la religion prétendue réformée en mau-
vais état, et le parti du Pape fortifié ex (an/a accessione.
J'ai peur qu'il ne fasse bien du bruit; mais je n'ai pas
peur que de papiste il devienne fou, car il l'est déjà, et
il y a longtemps que je le tiens pour tel. Quiconque lira
ses écrits ne manquera pas de le deviner. La sainte
bigotise du siècle superstitieux dans lequel nous vivons
a fêlé la cervelle de beaucoup d'autres ; mais la folie de
M. Meyssonier n'est pas de cette nature, elle ne lui est
venue que de la bonne opinion qu'il a de soi. 11 eût pu
enfin quelque jour devenir savant s'il n'eût pensé l'être
déjà ; mais ce sien malheur est commun à beaucoup
d'autres. Il n'a plus qu'à continuer, il fera fortune,
puisqu'il s'est avisé de ce grand secret de mettre le
Pape, les cardinaux et les moines de son côté : Bomanos
rentm dominos, gentemque togalam.» A Paris, ce 21 octobre
1664, p. 338.
« Mais à propos de collègue, que fait votre M. Meys-
sonier? Est-il grandement catholique? Renversera-t-il
le parti de la prétendue réformation? Le pauvre homme
n'avoit que faire de se hâter à ce changement, on le
connaissoit déjà assez bien ; qui en eût douté n'eût eu
qu'à lire ses écrits, qui seront toujours le portrait de
son esprit. » De Paris, le 20 janvier 1645, p. 349.
« Pour votre M. Meyssonier, je sais bien qu'il est fou
il y a longtemps, je n'ai point besoin de nouvelle preuve.
Quand il parle de Rome, c'est qu'il s'imagine qu'on
feroit grand état de lui en ce pays-là. Je serois d'avis
qu'il y allât lui-même montrer son nez, sa femme et
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VARIÉTÉS. 235
ses livres. Il y pourroit paraître comme un âne entre
des singes, car ils sont bien plus fins que lui dans ces
quartiers-là. » De Paris, le 2 juin 1645, p. 357.
« J'ai reçu les bouillons printaniers de votre M. Meys-
sonier. Vous êtes beureux d'avoir un fou de cette na-
ture; nous en avons ici trois ou quatre, vario insaniw
génère laborautes. Mais leur folie n'est pas si gaillarde, »
De Paris, ce 29 de mai 1648, p. 401.
« Enfin, j'ai reçu ce matin votre lettre du 24 no-
vembre. La femme de votre Meyssonier est donc morte
avec le vin émétique? Ce poison donc joue des siennes
à Lyon tout comme à Paris? Quelques-uns de vos doc-
teurs en ont donné à leurs femmes, qui n'en prendront
plus jamais : elles en sont toutes mortes par la grâce de
Dieu, et quelques-uns d'iceux en ont pris de plus jeunes
en leur place. » De Paris, ce mardi 5 de décembre
1656. t. II, p. 264.
« Je vous remercie du livre de M. Meyssonier; il est
attrayant, et d'un sujet fort curieux ; je le lirai tout en-
tier à mon premier loisir. » De Paris, le 18 mars 1650.
Lettres à M. André Falconet, médecin à Lyon, p. 547.
« Il [Rigaut, votre libraire] ne m'a pas su dire si le
grand in-folio de M. Meyssonier est acbevé, dont il
m'avoit envoyé lui-même, il y a quelques mois, la pre-
mière feuille. » De Paris, le 24 octobre 1651, p. 597.
« J'ai appris la querelle que Meyssonier fait à votre
collègue. Je m'étonne fort de quoi il s'est avisé, de faire
parler de moi par son avocat; je n'ai nulle intelligence
avec lui, et même, ne souhaitant pas son commerce, je
n'ai point répondu à ses deux dernières lettres, vu
qu'il me demandoit une chose qui n'étoit ni raisonnable
ni possible, qui est tout le contraire de ce qu'on doit
demander à un ami, au dire d'Aristote. » De Paris, le
21 septembre 1655, t. III, p. 53.
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236 VARIÉTÉS.
a Je viens de recevoir un petit paquet de Keyssonier.
Bon Dieu, quel homme! Il est aussi fou que notre Tard y.
J'ai pitié de l'un et de l'autre. 11 m'a envoyé sa Méde-
cine spirituelle, où je n'entends rien : ce n'est qu'un pe-
tit livret, et néanmoins il n'est que trop long'. Tout cela
n'est que du fatras d'un esprit malade ou inquiet. Puis-
qu'il est si dévot et qu'il a tant soin du salut de son
âme, il devroit s'abstenir de faire de si méchants livres,
et au lieu de cela prier Dieu lorsqu'il n'a point de pra-
tique qui le presse. Tout ce qu'il écrit ne vaut pas le
port de sa lettre. • P. 80.
t Je viens de recevoir votre paquet de lettres, ce di-
manche 20 juin. J'ai donné à Noël Falconet sa part,
avec le mémoire de la lettre pour M. le Sanier : j'y ai
trouvé la lettre de M. Meyssonier, dont je vous remer-
cie, et auquel, pour toute réponse, je vous prie de dire
que je lui rends grâces de la sienne; que je n'ai jamais
vu son livre dont il m'écrit, intitulé Y Histoire de f Uni-
versité de Lyon ; mais je vous prie de me l'acheter et de
me l'envoyer. » De Paris, le 22 juin 1660, p. 223 (1).
XII. Jacques -Bénigne Winslow (1669-1760).
« M. Winslow était né dans le sein du luthéranisme,
et a voit été soigneusement instruit des principes de celte
relig-ion, par son Père : mais, il étoit luthérien de bonne
foi, bien éloigné de regarder la Religion comme une
chose indifférente, il ne pensoit pas que la probité, qui
n'est que la pratique constante de l'équité naturelle,
pût permettre de se dispenser du devoir le plus essen-
(l; Sur Lazare Mcyssotiier, Cfr. Mercklin , Liudenius renocatus. —
Mangol, Supplèm. an grand Dicl.de Moreri, 143$. II. OS (le pèro Colouia,
jésuite, ciléj. — Iluller, Melb. stud. med., Jiibl. bot., Bibl. anal., Btbt.
chir., Bill. med. pr. - G. Matin», Conspect, p. 4SI, §Gi2. — Vigiliis Von
CreuUenfeld, Bibl. chir.\ Biogr. mèd., 18-24, VI, 271. — J.-P. Pointe,
Loisirs mèd. et littèr., 424. - M. E. Littré, Œuvres d'Hippocrate, IV, 45Î.
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VA RI El ÉS. 33T
tiel qu'elle impose, en refusant a l'Être Suprême de lui
rendre un culte et un hommage publie, et reconnu pour
tel. Nous ne pouvons même omettre un fait qui montre
bien avec quelle exactitude il suivoit la Religion qu'il
professoit alors. A son arrivée en Franco, il conçut un
violent désir de voir le Roi Louis XIV, qui régnoit
alors, et se transporta dans cette vue à Versailles, avec
deux jeunes Médecins Allemands luthériens, comme
lui. Leur curiosité ne put être satisfaite qu'à la Messe
du Roi. La vue de ce grand Prince, la pompe et l'éclat
qui l'environnoient, fit oublier à ses deux Compagnons
que suivant les principes de leur religion, ils ne dévoient
pas rester à la Chapelle pendant le Canon fie la Messe,
M. Winslow seul s'en souvint et se relira, sacrifiant à
sa délicatesse la plus grande partie du plaisir qu'il étoit
venu chercher. Ue retour à Paris, il y rencontra
M. Worm, son compatriote, fils du Président de Ripcon
Jutland, avec lequel il eut bientôt fait une étroite liai-
son. Tous deux, également persuades de la vérité de
leur religion, entreprirent, pour se fortifier dans leurs
principes, de faire entre eux des Conférences sur les
points principaux de controverse; et il fut arrêté que ce
seroit M. Winslow qui seroit l'agresseur dans cette
espèce de dispute.
« Les Conférences se tinrent effectivement ; mais avec
un succès bien différent de celui que M. Winslow en
avoit espéré ; il ne les avoit entreprises que pour se for-
tifier dans le luthéranisme, et elles le rendirent Catho-
lique. Un jour qu'il étoit allé acheter chez M. Desprez,
libraire, la Physique de Rohault, il trouva dans le
même endroit l'Exposition de la Doctrine de l'Eglise de
l'Illustre M. Bossuci', il crut, avec raison, y trouver des
armes pour soutenir le combat dans lequel il s'étoit
engagé. M. Desprez lui prêta obligeamment le Livre.
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238 VARIÉTÉS.
M. Winslowle lut avec attention, il en fit de môme de
tous les Ouvrages du sçavant Prélat. Il se présenta à la
dispute, muni de bonnes objections, auxquelles cepen-
dant il croyoit trouver des réponses satisfaisantes dans
celles de son adversaire ; il en arriva tout autrement, et
comme les deux Acteurs étoient de bonne foi, il rédui-
sit son antagoniste au silence, quoiqu'il eût puisé dans
les meilleures sources celles qu'il employa. Ce succès
inespéré étonna également nos deux Controversistes;
mais M. Winslow en fut plus qu'étonné, il en fut
ébranlé, et retourna chez lui priant Dieu de l'éclairer
dans une occasion si importante. Il lui vint alors dans
la pensée de conférer avec le Prélat, dont les seuls écrits
l'avoient si sensiblement touché. M. Desprez lui rendit
encore ce service; un Chanoine de Meaux, auquel il
s'adressa, le présenta au sr;avant Evêque, qui le mena
à sa maison de campagne de Germigny, où neuf ans
auparavant il avoit déjà converti feu M. Saurin de cette
Académie [Royale des Sciences de Paris]. Après plu-
sieurs conférences il dissipa tous ses doutes, et le déter-
mina à faire abjuration entre ses mains le 8 octobre
1699. [Bossuet] étoit digne de compter au nombre de
ses pieuses conquêtes deux Hommes, qui ont fait tant
d'honneur à l'Académie et à la Nation.
« Dès que le changement de religion de M. Winslow
fut sçu en Dannemarck, on peut juger quel orage s'éleva
contre lui. Les reproches les plus vifs et les plus amers,
et les menaces les plus fortes ne lui furent point épar-
gnées. Il cessa dès ce moment de recevoir les secours
qu'on lui avoit jusques-là envoyés de Copenhague, et il
se trouva dans une situation fâcheuse, dont le témoi-
gnage de sa conscience pouvoit seul adoucir l'amer-
tume. M. Bossuet fît inutilement agir l'Ambassadeur
de France, pour engager le Roi de Dannemarck à
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VARIÉTÉS. 239
appaiser la coïôre de ses parents; ils furent inexorables,
et M. Winslow ne trouva de ressources que dans sa
parfaite résignation à la volonté de Dieu. Il était ques-
tion d'embrasser un état ; instruit, comme il l'étoit, il
pouvoit choisir chez les Catholiques, comme chez les
Protestans entre la Théologie et le Médecine. Il fit
môme une retraite aux P. P. de l'Oratoire, pour de-
mander à Dieu d'être éclairé sur sa vocation. Le Père
Sainte-Palaye, alors supérieur, examina ses talenspour
l'un et pour l'autre état (car il n'étoit pas question de
ses mœurs ni de sa piélé), et après un mur examen, il
crut lui devoir conseiller de se tourner du côté de la
Médecine, et manda à M. de Meaux, qu'il croyoit
M. Winslow plus utile en habit court qu'en habit long.
« Dans cette circonstance, on lui proposa de passer
en Hollande, où il avait des amis, et où la Religion ca-
tholique est tolérée, ou bien d'aller à Florence avec une
recommandation auprès du Grand Duc. Il avait d'autant
plus lieu d'espérer la protection de ce Prince, qu'il
l'avoit déjà accordée à l'illustre Stenon, grand-oncle de
M. Winslow, qui après avoir été en Dannemarck l'oracle
de l'Anatomie, avoit, comme son petit-neveu, tout
abandonné pour rentrer dans le sein de l'Eglise, où il
parvint à l'Episcopat et à la dignité de Légat Aposto-
lique dans le Nord. Mais malgré toutes ces convenances,
M. Bossuet, qui l'aimoit comme son père, et qui en
avoit en effet pour lui toute la tendresse, osa lui con-
seiller de demeurer en France, l'assurant des secours
de la Providence sur lesquels, en effet, personne n'avoit
plus lieu que lui de compter.
« M. Winslow, déterminé à prendre le parti de la
Médecine, se présenta en 1702 à la Faculté. M. Bossuet
lui procura dans ce corps d'illustres Protecteurs en la
personne de M. de Tournefort et de M. Dodart. Il sou-
240 VARIÉTÉS.
tint, en 1703, une Thèse qu'il dédia à ce Prélat, qui tout
infirme qu'il étoit alors, s'y fît porter et l'honora de sa
présence. Cette Thèse, dont l'Auteur étoit M. Vernage
[François', tendoit à prouver que les graines et les lé-
gumes des environs de Paris étoient une nourriture
aussi saine que tout autre aliment. G'étoit adroitement
faire sa Cour au religieux Prélat, que de détruire le
prétexte si souvent allégué, pour se dispenser de l'ab-
stinence imposée par l'Eglise. Il revint encore sur cette
question dans cette Thèse qui fut soutenue sous sa Pré-
sidence en 1749 (1).
Dans la situation où se trouvoit alors M. Winslow,
privé de ses biens, de ses parens et de sa Patrie, on ne
soupc;onneroit pas qu'il eût pu avoir de nouveaux mal-
heurs à redouter, il en essuya cependant un bien sen-
sible en 1704, par la perle qu'il fit de M. Bossuet; à la
première nouvelle qu'il reçut du danger où se trouvoit
l'illustre Prélat, sa reconnaissance le fit voler à Meaux;
mais il le trouva à toute extrémité, et déjà si faible qu'à
peine put-il lui donner sa bénédiction qu'il lui demanda,
et mourut presque aussitôt la lui avoir donnée. » Éloge
de M. Winslow, en tète de V Exposition anatomique delà
structure du corps humain, par M. Winslow. Nouv. éd.-
t. I. Paris, 1766. 12, p. xxii-xxvm (2).
Charles Ravel.
(1) II.-T. Baron, Qtiœst. Med. set ., p. 71, 104; Compend. Med. Par. Abt..
p. 18; Hallcr, Bibl. med. />., IV, 300, 387.
(2) Cfr. Anloinc Portai, Hist. de IWnat., IV. .',08. — J.-A. Hazon. Abf.
des hom. les plus tél. de In F. de M. en l'Un, de l'aris, 204-205. — lîloy. —
Jourdan.-Dczcimoris.-LMrr Médical, mai 1870. XXXI, 30-2-93.
Jérôme Bolscc i.Moreri, Uirt., 11, 180, et Suppl., I, 148, el Jean-George
Hlandraîa (Mem. p. servir à l'Hisl. de la F. de Al. de Mont p. , par J. Astruc,
345-348) auraient peut-être quelque droit à figurer dans la galerie des
médecins qui curent l'honneur d être persécutes à cause de leur atta-
chement ou de leur conversion au catholicisme.
Le Rédacteur en chef, Jules Davasse.
Tari?. - Imprimerie K. I'areht, rue Monsieur- Ic-Prince 8i.
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L'ART MÉDICAL
OCTOBRE 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS.
— SUITE —
§ 3. — Anatouie. — Physiologie.
Nous avons vu ces deux sciences s'isolant et s'accen-
tuant au siècle précédent, sans arriver encore à une
constitution définitive. L'anatomie surtout avait brillé
dans le xvi6 siècle : c'est la physiologie qui émerge au
xvne et semble vouloir rattraper sa compagne. Mais
elles sont encore dans la période de formation plu-
tôt que dans celle de constitution. Du reste, elles de-
meurent isolées et s'affirment comme deux branches
scientifiques distinctes, sans bien préciser ce qu'elles
veulent être, car les anatomistes et leurs traités sont
remplis de préoccupations physiologiques, tandis que
les physiologistes et leurs livres font appel à l'anatomie.
C'est qu'en effet l'idée générale de la science de l'homme
n'est pas aussi nettement formulée dans les esprits. On
entrevoit seulement comme trois courants : l'un d'ana-
tomie ou de simple dissection, plus du domaine de la
chirurgie : un second de physiologie expérimentale
plutôt du domaine de la médecine ; un dernier de
TOME XXXII. - OCTODKi: ! H»
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242 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
science générale qu'on semble vouloir abandonner à la
philosophie, et qu'on laisserait peut-être échapper du
domaine médical.
Parmi les analomistes et physiologistes du xvnc siècle,
il faut citer : [Jarvcy, Achillini. Séverin, Malpighi, Biolan,
Ruysch, Verting, Vïcusscns, Habicot. Pecquet, Duvemey,
Y anal va, Bnrthoiin.
Les principaux traités sur l anatomie son! ceux de
Nicol. Habicot sur la Semaine ou Pratique anatomique ;
Paris, 1631. — Le Theatrum anatomicum de Baultin ;
Francfort, 1605. — Le tome III de Ars medicina/is, con-
tenant 7 livres sur l'analoinic, de Yidiu.s Vidiw; Venise,
1611. — De Riolan : Anthropographia ; Paris, 1618; et
Opéra anatnmica, 1649. -• Syntayma anatomicum, de
Wcsling; Padoue, 1641. — Anatomia de Bartholin;
Lyon, 1651, et un grand nombre d'éditions. — Opéra
anatnmica de Fabrizio d'Acquapendente; Padoue, 1625.
On vit paraître aussi quelques ouvrages de planches
anatomiques, comme les précédentes que Vésale avait
données. Bauhin en publia à Bâle, en 1610; Caperio à
Vienne, en 1627; Baudan à Paris, en 1678; Bid/oo à
Amsterdam, en 1685; W. Cowper à Oxford, en 1697.
Enfin, il faut citer le de Partibus similaribm liber
singularis de G. Hoffmann; Francfort, 1667; premier
traité d analomie générale dans les temps modernes, et
qui reprenait les anciens travaux d .Aristote.
Pour la physiologie, elle repose encore tout entière
jans les livres d'Institutions médicales; elle n'apparaît
distincte et isolée que dans un petit nombre d'ouvrages:
— Le de Natura humana; Viterbe, 1607, par Ilorst. —
Physiologica medica, d'après Paracelse, par Zwinger;
Bàle, 1610. — Physiologia sive cognilio sanitatis et P/ty-
siologia naturatis, par Begius; 1634 et 1648. — Antbro-
po/ogia, par Kyper; Leyde, 1647. — Œconomia corporis
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 243
animalis, deDeusinf/; 1660. — Il y en a d'autres de
lloboken, de Brœckhuysen, de liohn, de Craanen, de
Cockburn; ce sont des essais qui rappellent ce qu'on
trouve dans les lnstitutiones medicœ.
Etat général de la physiologie. — Si nous voulons
nous rendre compte de l'état général de cette science,
ouvrons les principaux institulaires où elle nous appa-
raît sous sa forme la plus classique et la plus générale-
ment connue; Varandé, Laz. Bivière, Plempius et
Ettmuller, que nous avons déjà cités, nous suffiront
comme étant les principaux.
Dans Varandeus, la physiologia est très-réduite; elle ne
contient que 450 pagres in-12. Elle comprend sept sec-
tions : i* de Elementis, où sont traitées les questions
étudiées par l'ancienne philosophie et par les théories
de Paracelse; 2° de Temperamentis ; 3" de Parlibm, selon
Galien ; 4° de Hwnoribus ; 5° de Spiritibus et calidn tnnato;
6° de Facultatibus et funclionibus ; T de Prima hom 'mis con~
formatione ou de la génération. Tout cela se ressent en-
core du xvie siècle.
Dans Laz. Rivière et dans Plempius, ce sont les
mêmes divisions, la même entente de la science. Seule-
ment, dans Plempius, nous trouvons un traité beau-
coup plus vaste, riche de science ancienne et nouvelle,
et rempli de discussions sérieuses. La physiologie sco-
lastique se trouve là aux prises avec les données expé -
rimentales des nouveaux chimistes et des réformateurs,
et l'auteur enclin à la conciliation, maintient cependant
les lignes principales des anciennes doctrines. Sur les
éléments, Plempius accepte quelque chose des chimistes;
sur la substance, Tàme et les facultés, il maintient
nettement et avec une grande autorité de science et de
raison les doctrines scolastiques. Mais sur les fonctions
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244 HISTOIRE DR LA MÉDECINE.
particulières des organes, il laisse là franchement Galien
et s'enrichit admirablement de tout ce que les recherches
expérimentales ont pu fournir. D'abord adversaire de
Harvey, il s'était ensuite rendu à la vérité. Sur la cir-
culation , sur les sécrétions et les grandes et sur les
mouvements organiques, il est le vrai savant de
l'époque; et à ce titre son livre non assez connu est un
admirable et saisissant tableau des immenses progrès
de la physiologie au xvne siècle. Quand on arrive à lui
après avoir lu Fernel, Sennert, Varandé et Laz. Rivière,
on se sent porté vers un autre monde, c'est la transition
sur le terrain moderne.
Ettmuller, de la fin du xvne siècle, nous présente le
mouvement des idées à un degré bien plus avancé en-
core que Plempius. Chez Plempius la transition se fait:
cbez Ettmuller elle est faite. Sa physiologie sort tout à
fait du cadre que Fernel avait tracé et qui avait été suivi
par tous les institutaires : nous n'avons plus les six ou
sept sections presque toutes pleines de discussions ou
de science générale. Elle se présente ici dans ving-t-six
chapitres dont les trois premiers sont consacrés à un
aperçu de l'histoire de la médecine, à une étude des
principes naturels, du corps humain et du principe
vital ; puis, les chapitres suivants abordent successive-
ment ce qui regarde la nutrition et l'accroissement, la
faim et la soif, la mastication et la déglutition des ali-
ments, la chylification et le changement du chyle en
sang, la circulation et les usages des principaux or-
ganes; puis ce qui regarde les sens et le mouvement
des parties; enfin la génération. Il n'est pas nécessaire
d'y regarder longtemps pour voir combien la science est
modifiée : les questions générales occupent à peine deux
chapitres, le second et le troisième; tout le reste du
traité est, pour ainsi parler, la science des organes en
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 845
fonction ; et dans cette science des fonctions orga-
niques, en laquelle il semble que la science va se con-
centrer tout entière, on entrevoit comme trois sections
principales : ce qui regarde la sanguification par la di-
gestion, la respiration et les sécrétions ; ce qui regarde
les relations de l'être avec l'extérieur par les sens et les
mouvements, ce qui intéresse la formation ou généra-
lion. C'est bien là dans ses linéaments premiers la
constitution de la science moderne : les questions géné-
rales de la science de l'homme ne seront plus qu'une
sorte d'introduction à la physiologie, ou formeront une
physiologie générale un peu abandonnée à la philoso-
phie; et la physiologie proprement dite se constituera
dans l'étude des fonctions de sanguification, de rela-
tions et de génération; pendant que l'anatomie s'adon-
nera à l'étude des parties connues par la dissection.
Quant à la synthèse générale de la science, à l'idée
que la médecine devait se faire de la nature de l'homme,
elle résulte du mouvement que nous venons d'indiquer
et des doctrines médicales dont nous avons présenté le
tableau. La doctrine de la substance (matière première
et principe d'activité ou forme), cette antique et respec-
tée conception qui avait été s'améliorant et s'affinant
depuis Platon et Aristote jusqu'à notre xve siècle, n'était
plus généralement comprise : elle s'enfonçait dans
l'histoire, noyée dans des divagations diverses sur la mé-
canique, les forces, les atomes, les ferments, les élé-
ments chimiques; et elle est demeurée sous ce chaos de
ruines jusqu'au jour que j'espère prochain, qu'on re-
connaîtra qu'elle seule satisfait à la raison et à l'expé-
rience. Beaucoup de médecins admettaient encore l'âme
et voulaient en tenir compte : les uns avec le cartésia-
nisme lui reconnaissaient un rôle de premier moteur
ou seulement de puissance intellectuelle; d'autres ad-
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246 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
mettaient outre 1 aine, ou sans elle, une sorte de chaleur
innée, ou un cvo>pp.ov, un impetum faciens, à la façon
d'Hippocrate; d'autres se ralliaient à Yarchée de Para-
celse et de Van Helmont, à la puissance énergétique de
Glisson ; on parlait de la flammula cordis (Holstius), de
Xigne animalium (Corringius), de la lampe de vie (Bur-
gravc), de Y esprit implanté, des esprits animaux, des
esprits influents, du principe vital. Quant aux facultés ou
puissances d'action, au nombre de cinq, selon Aristote,
de huit résuméesen une selon les Stoïciens, de trois selon
Galien, de trois aussi selon la scolastique, on ne savait
plus qu'en penser, et leur étude tombait devant le cri
général de guerre aux causes occultes.
En résumé, on commençait a ne plus voir dans
l'homme que des organes et des humeurs en mouve-
ment selon les lois physiques et chimiques sous la haute
direction d'un principe vital, ou même sans elle. On
abandonnait les relations de la physiologie avec la phi-
losophie pour ne s'occuper que du progrès par l'obser-
vation et l'expérience. Il est vrai que sur ce terrain les
découvertes étaient nombreuses et importantes.
DÉCOUVERTES PHYSIOLOGIQUES DANS CE SIECLE. — NOUS
les rangerons sous les six chefs suivants : circulation,
respiration, vaisseaux lymphatiques et glandes, sys-
tème nerveux, organes des sens et génération. Nous ne
prétendons d'ailleurs que signaler les principales.
1° Sur la circulation. Dans le siècle précédent, Michel
Servet avait d<:jà découvert la petite circulation, Fabrice
d'Acquapendente avait entrevu la grande circulation et
décrit les valvules des veines. Mais cela passait incom-
pris ou à l'état de vague aperoeption. Guillaume Harvey
eut la gloire d'achever et de parfaire la découverte. Il
était né en 1578 à Folkstone, dans le duché de Kent, sur
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KïTDE StK NOS TRADITIONS. 247
ce rivage qui vit du souffle français, et pcut-»Hre sortait-
il d'une ancienne famille française. Après avoir fait ses
études à Canlerbury et à Cambridge, il vint en France,
passa en Italie, à Padoue, où il suivit les anatoinistes
italiens, revint dans son pays, s'établit à Londres, de-
vin! médecin du roi Jacques I", et ensuite de son
malheureux fils Charles Pr, auquel il resta fidèle pen-
dant la guerre civile, fut ensuite proscrit, eut sa mai-
son pillée et ses papiers brûlés, et alors se retira dégoûté
du monde, à Lambette, près de Richemond, où il mou-
rut en 1658, âgé de 80 ans. Sa première œuvre, où il
montra la circulation, est une simple dissertation de
72 pages in~4°, intitulée : Exercitatio anatomica de motu
cordis et sanguims in animalibus , Francf. , 1628, avec
une dédicace à l'infortuné Charles 1er. Avant de mourir
il donna une plus ample exposition dans un in-12, in-
titulé : Exercitationes anatomicœ très de motu cordis et
sanguims circulation; Hott., 1659. Et presque en même
temps, un peu avant, il donna ses Exercitationes de gène-
ratione, Londres, 1651, où il posait les fondements de
tout ce qu'on a découvert depuis lui sur ce sujet. Ses
travaux sont les œuvres d'un homme calme, qui pro-
cède peu à peu avec patience; son style est celui d'un
lettré.
Il paraît que ce fut vers 1602 qu'il commença d'étu-
dier avec patience le grand sujet qui devait rencontrer
tant de contradicteurs. En 1615 il vit ce qu'il cherchait,
car il cherchait comment le sang pouvait se distribuer
aux organes; en 1629, il avait bien vu le mouvement
du cœur et du sang, et il l'enseignait, mais ce n'est
qu'après avoir vérifié très-attentivement ses idées qu'il
les communiqua au monde savant dans sa dissertation
de 1628. Il établit d'abord que le pouls n'est pas abso-
lument sous l'influence de la respiration comme on le
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243 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
disait depuis Galien; que les artères ne contiennent ni
de l'air ni un esprit éthéré, comme on l'a dit, mais bien
du sang qui vient du cœur, chassé par la systole dans
l'aorte ; ce sang* qui avait été chassé du ventricule droit
par l'artère pulmonaire revient bien dans l'oreillette
gauche par les veines pulmonaires, pour passer ensuite
dans le ventricule gauche ; que le cœur droit est bien
distinct du cœur gauche, et que les deux ventricules se
contractent en même temps ; que le sang* n'est pas seu-
lement ballotté dans les vaisseaux, mais qu'il y coule ;
que lorsque la vie s'éteint, le ventricule gauche s'arrête
le premier, puis l'oreillette gauche, puis le ventricule
droit, puis l'oreillette droite, et qu'ainsi tout le sang se
trouve conûné dans le système veineux après la mort.
Il évaluait la quantité de sang à 15 livres, montrait que
le cœur bat environ mille fois par heure, et que pen-
dant ce temps il chasse 83 livres de sang ; qu'une sem-
blable quantité ne pourrait être fournie par le foie dans
le même temps si le sang s'était épuisé dans les parties.
Par des ligatures placées sur les vaisseaux, il montrait
que le cours sanguin est centripète dans les veines,
centrifuge dans les artères. Enfin il faisait appel à
l'analogie, et comme la petite circulation pulmonaire
était connue, il établissait sur elle la grande circulation.
Cette grande découverte ne fut pas acceptée sans
lutte. Parisani, Primerose, Plempius, qui ensuite re-
connut la vérité, et surtout Riolan et Gui Patin, de
Paris, l'attaquèrent vivement. Harvey fut défendu par
son ami Entt : il répondit à Riolan par cette disserta-
tion : Exercitationes duse anatomicœ de circulât ione sangui-
nis ad Joannem Rialanum filium; Rotterd., i649. La
Faculté de Paris, excitée par le mordant Gui Patiny
homme d'esprit railleur et haineux, fut violente contre
les circulateurs, entendant par là confondre les parti-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 249
sans de la circulation avec des charlatans de carrefour.
Il fallut que Boileau et Molière s'en mêlassent pour que
les doctes de cette Faculté devinssent plus calmes.
Enfin, les cartésiens prêtèrent leur appui à la décou-
verte, et la vérité l'emporta. Werner Rolfinck à Iéna,
J. W'aleus en Hollande, Reghts à Utrech, Plempius, qui,
dès 1652, s'en fit aussi le défenseur à Louvain, aidèrent
à sa propagation.
Bientôt, d'autres découvertes vinrent la confirmer.
— En 1661, Malpighi démontra par le microscope le
cours du sang* dans les petits vaisseaux. En 1663,
Stenon fit connaître la véritable structure du cœur. —
En 1664, Maurocordatus fit des expériences sur le par-
cours du sang* à travers les poumons. — En 1669. Ri-
chard Lower donna sur le cœur un ouvrage classique.
— En 1681, G. Cole fit remarquer que le système arté-
riel dans son ensemble forme un cône dont la base
est aux extrémités et le sommet à l'aorte. — En 1676,
E. Blancard, de Midlebourg-, fit connaître les anasto-
moses des artères avec les veines. — En 1690, Leu-
toenhoëck montra par le microscope les globules san-
guins et leurs mouvements dans les anastomoses capil-
laires. — Ruisch (Fred.) décrivit exactement l'artère
bronchiale et se rendit célèbre par ses injections qui
montrèrent toute la perméabilité du système circula-
toire. — Enfin, Vieussens, à la fin du siècle, donna ses
remarquables travaux sur la structure et les mouve-
vements du cœur, sur la circulation dans les capil-
laires.
Cette grande découverte, à elle seule, bouleversait
toute la physiologie de Galien. Avec elle, on devait en-
tendre d'une tout autre manière le jeu de la respira-
tion, du foie, des reins, des grandes diverses. Le rôle
des humeurs dans l'économie ne pouvait être le même :
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250 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
la bile allait être reconnue une sécrétion, le phlegme
était un sang* blanc allié au sang* rouge, mais dans des
vaisseaux distincts, et la bile noire ne devenait plus
qu'un mythe. On comprend dès lors combien cette
découverte dut aider à faire oublier des anciens, et même
à les faire dédaigner au delà de ce que la raison eût dû
marquer.
2° Sur les poumons et la respiration. — En 1624, Jean
Faber, médecin italien, prouva par l'insufflation que
l'air ne passe pas des poumons dans les vaisseaux ; ce
qui servit à Harvey, et ce qu'avait déjà soutenu Van
Helnonty qui disait aussi que l'air traverse ces organes
comme un crible, que les cellules pulmonaires sont
douées d'une force motrice, bien que la respiration se
fasse surtout par les muscles du bas-ventre.
En 1654, liathurst et Heurshaw, médecins anglais,
examinèrent à la suite de Van Helmont, les principes
constituants de l'air, et trouvèrent que l'oxygène est le
principe de la vie. Robert Hook fît voir peu après que les
animaux périssent dans l'air qui a été privé de son
oxygène. En 1661, Malpighi fit connaître ses travaux sur
la structure des poumons, qu'il annonçait composés de
lobules communiquant entre eux et avec la trachée-
artère, et entourés de lacis vasculaires. En 1667, J.
Swammerdam émit sur la respiration une théorie connue
sous le nom de Cercle cartésien, parce que le philosophe
Descaries l'avait proposée le premier; elle consistait à
expliquer que l'air pénètre les poumons, parce que l'air
se raréfie près de la bouche et que l'atmosphère se con-
dense autour de la poitrine, dans la dilatation. En 1668,
J. Mayow compara la respiration à la combustion, dans
laquelle l'oxygène est la flamme de la vie ; seul, il se
mêle au sang, va au cœur et y est le principe de fer-
mentation ; quand il pénètre en trop grande abondance,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 251
c'est la cause de la fièvre. En 1677, Thomas Willis
admit des fibres musculaires et une contractilité dans
les dernières ramifications bronchiques, liorelli donna le
véritable mécanisme de la respiration. Bellini considé-
rait le diaphragme comme l'agent principal de la respi-
ration qui, croyait-il, a pour but de chasser le sang*
dans les vaisseaux capillaires.
3° Sur les vaisseaux lymphatiques et les glandes. — Era-
sistrate avait déjà vu les chylifères : Fallope au
xvi* siècle, avait vu les lymphatiques du foie : Eustachi
avait décrit le canal thoracique : cependant le système
lymphatique était encore inconnu. C'est ?» Aselli que
revient l'honneur de la découverte qu'il publia en 1627.
En 1628, S. Paulîen faisait la démonstration publique
à Copenhague. En 1634, J. Vestinq en donna les pre-
mières figures. Th. Barlholin et Sylvius de Le Boè\ assu-
rèrent la découverte. En 1641, M. Hoffmann, et /. G.
Virsung, disciple de Vesling, découvrirent le canal ex-
créteur du pancréas, dont Bartholin découvrit plus tard
le véritable usage. En 1647, J. Pecquet, et de son côté
Vesling, firent connaître le réservoir commun des vais-
seaux lactés et lymphatiques, et la route suivie par le
chyle. Olaus Budbeck en 1651, et Th. Bartholin en J652,
distinguèrent nettement les vaisseaux lactés d'avec les
lymphatiques; ils s'en disputèrent vivement la décou-
verte. /. Biolan attaqua la doctrine de Pecquet, comme
il avait attaqué celle de Harvey. Vers la môme époque,
parut le livre de Glisson sur la structure du foie; on y
trouve une exacte description des lymphatiques de cet
organe. En 1651, Th. Warton donna son célèbre ou-
vrage sur l'adénographie. G. Nêedham en 1655, et
S/enon en 1660, indiquèrent le canal parotidien. Stenon
fit de remarquables travaux sur les glandes salivaires et
la glande lacrymale dont il indiqua les canaux excré-
252 HISTOIRE DE LA ifEDECTNE.
leurs. Vers \fâ9.Sicammer<tamei Bhch reconnurent les
valvules des vaisseaux lactés. En 1664. Schneider publia
7 gros volumes sur la membrane du nez, sur le mucus
nasal, que l'on croyait autrefois venir du cerveau, et
sur les altérations anatomiques du coryza. Peyer en
1681. et Bntnner en 1687, firent connaître les glandes
muqueuses de l'intestin. Iiitinm découvrit en 1679 le
canal excréteur des grandes sublinguales. En 1691. A.
NucA fit paraître un ouvrage classique sur les lympha-
tiques et les glandes. A la fin du siècle, Havers étudia
les glandes articulaires : Ducerney examina plus atten-
tivement la différence des chylifères et des lymphatiques.
Pacchioni découvrit les lymphatiques de la dure-mère :
Valsa ha vit ceux de la choroïde et du nerf optique :
Méry apen;ut en 1684 les glandes du bulbe de l'urè-
thre, et Couper les décrivit en 1700.
4* Sur le système nerveux, — J. Casserius fut le premier
à faire progresser l'anatomie du cerveau : il distingua
l'arachnoïde, le corps calleux, l'entonnoir ou vulva, le
cul-de-sac des ventricules latéraux, la glande pinéale,
l'acqueduc de Sylvius, les couches optiques. J. Vesliny
admettait que les esprits vitaux sont sécrétés dans les
plexus choroïdes. Descartes plaçait le siège de l'àme dans
la glande pinéale. Sylvius de Le Boë distingua les sinus
de la dure-mère, la forme des ventricules latéraux, les
tubercules quadrijumeaux et leur union avec la glande
pinéale. Wepfer, dans ses recherches sur l'apoplexie,
fit connaître les vaisseaux du cerveau. Th. Willis donna
le premier et le plus complet des traités sur le système
nerveux, en 1664. Il localisa les fonctions de l'ame dans
chacune des parties du cerveau. En 1665. Blacks et
Swammerdam distinguèrent l'arachnoïde indiquée déjà
par Cassérius. En 1669, Burrhus s'occupa de l'analyse
chimique de la substance cérébrale. Leuvenhoëck vit la
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 253
vascularité de la couche corticale des circonvolutions.
En 1684, Vieussens indiqua les nerfs de la dure-mère ;
décrivit les sinus elliptiques de la selle turcique, du
sphénoïde et du sinus caverneux; fit connaître le centre
médullaire du cerveau , la voûte et ses piliers unis
par la commissure , la grande valvule du quatrième
ventricule, les éminences olivaires et pyramidales de la
moelle allongée, le ligament dentelé de la moelle épi-
nière; il donna des descriptions précises des nerfs.
Ridley publia en 1695 un remarquable ouvrage sur le
cerveau ; il y accorde à la dure-mère des nerfs et des
libres; de là la théorie des mouvements du cerveau dont
Pacchioni fut l'inventeur, et qui eut un grand succès.
En 1697, Ruysch donna une excellente description de
l'arachnoïde et de la pie-mère.
5° Sur les organes du sens. — - Le célèbre mathémati-
cien Kepler indiqua comment !e cristallin réfracte la lu-
mière, la rétine représente les images, les procès ci-
liaires éloignent ou rapprochent le cristallin. Mais les
observations les plus importantes sur la vision furent
faites par un jésuite, le H. P. Scheiner, qui montra les
usages de la rétine, du corps vitré, du cristallin, et de la
pupille ; il calcula mathématiquement le cône des
rayons lumineux. Descartes compara l'œil à une chambre
noire. Vers 1672, Newton découvrit sa théorie de la lu-
mière, qu'il ne publia qu'en 1700. Briggs appliqua à la
vision la théorie des couleurs. F. Ruysch et Leuvenhoèck
firent des remarques sur la structure de l'œil : le pre-
mier décrivit la choroïde; Je second indiqua les fibres
du cristallin. J. Cassérius fit les premières découvertes
sur l'organe de l'ouïe, il décrivit la corde et la mem-
brane du tympan, les deux apophyses du marteau, l'im-
perforation du limaçon, les muscles des osselets. En 1640,
Sylvius de Le Boe vit le prolongement de l'enclume.
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254 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
En 16H, Folius décrivit les canaux demi circulaires, le
manche du marteau et les branches de l'enclume. CL
Perrault attribua l'ouïe à la vibration de l'atmosphère,
perdue seulement par la lame spirale du limaçon. Dtt-
verney, en 1683, publia un livre classique sur ce sujet,
dans le même temps à peu près que Schelhammer publia
le sien. En 1689, Rivinm, vit sur la membrane du tym-
pan, la fente déjà remarquée par Gloser,
6* Sur la génération. — Au commencement de ce
siècle, Fyens reproduisit les idées d'Aristote. En 1649,
J. Riolan connut la texture de l'épididvme et du corps
d'Higrnore. Faber montra que l'enveloppe calcaire de
l'œuf est la dernière chose formée. Harceg, dans son
ouvrag-e sur la génération, paru en 1651, ûxa cette for-
mule omne vivmn ex ovo, et posa les fondements du sys-
tème fie l évolution. Dans la mèrne année, Higmore dé-
crivit les courbures des vaisseaux spermatiques dans
l'épididvme, et leur réunion dans le corps qui porte son
nom. DeGraaf décrivit la structure de la prostate et des
vésicules séminales, donna le nom d'ovaire aux lestes de
la femme, fit connaître les changements de ces organes
après la conception, et indiqua la descente des ovules
dans les trompes. Swammerdam appuya la théorie de
l'évolution. Malpighi indiqua en 1668 l'incubation de
l'œuf, et vit la cicatricule, Xopunctum saliens. Redi écrivit
en faveur de l'évolution et contre la g-énération spon-
tanée soutenue par le P. Jésuite Buonnani. Haboken, en
1675, écrivit sur le placenta et les membranes de l'œuf.
S tenon observa l'incubation de l'œuf, et confirma Mal-
pighi. lîartholin fit en 1677 un traité sur les ovaires ; il
réfuta l'idée d'un liquide séminal chez la femme. En 1677,
Leiwcn/iocc/c vit au microscope les animalcules sperma-
tiques, qui lui avaient été indiqués par un jeune méde-
cin de Dantzig-, Louis de Hommen ; de là, il établit la
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 255
théorie de la préexistence des germes. En 1681, des
Noues remarqua les glandes qui furent plus tard con-
nues sous le nom d'œufs de Naboth. La fin du siècle se
termina dans une grande discussion sur la théorie de
l'évolution»
Ainsi, l'anatomie et la physiologie, quoique séparées
comme branches scientifiques distinctes, tendaient à leur
perfectionnement dans une commune voie, sur le ter-
rain de l'expérimentation ; et le sentiment général était
de concentrer l'étude sur l'analyse des parties, cher-
chant à les distinguer pour distinguer les fonctions par-
ticulières. Il y eut là d'ailleurs un groupe d'hommes
très-distingués, à la tête desquels se place Harvey par
ses deux grandes découvertes : la circulation du sang et
l'ovulation. Puis on a pu distinguer Barlholin, Duverney,
Vieussens, Aselli , Rivinus, Malpighi, Stenon, Swam-
merdam. Ce dernier fut l'inventeur des injections à la
cire que Ruysch perfectionna avec une si grande habi-
leté, et marque ainsi un dès grands pas dans les progrès
de la fine anatomie. Enfin, Leuvenhoeck résuma l'in-
troduction du microscope dans les études naturelles ; sa
découverte des globules du sang, celle qu'il ne fit que de
seconde main des zoospermes ; sa découverte des roti-
fères qui ouvrait le champ de la connaissance des infu-
soires, constituent aussi, pour la science, une phase
qu'on ne peut oublier et qui se détache en traits remar-
quables dans le cours de notre histoire.
§ 4. — Pathologie.
Si l'on se souvient de ce qu'était cette partie de la mé-
decine dans les âges précédents, on sait qu'elle consis-
tait en une étude générale sur les causes et les effets ou
symptômes de la maladie, puis en des descriptions par-
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256 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
ticulières des affections le plus souvent classées selon
les org-anes. On admettait bien la distinction des mala-
dies particulières, au xvie siècle, on en fît même des
espèces réelles , et l'éclosion de maladies nouvelles
donna une grande extension à ce que nous^ nommons
nosologie et nosographie. La séméiotique était considérée
comme une branche distincte de la pathologie.
Au xvne siècle, la pathologie reste dans ses disposi-
tions générales ce qu'elle était dans le siècle précédent.
Mais, vers la fin du siècle, avec Ettmuller qui pour le
mouvement coordinateur des idées est vraiment à la
tête de son temps, on entrevoit une systématisation nou-
velle. La séméiotique va rentrer dans la pathologie :
elle formera bien une branche distincte, mais réunie
dans le groupe g'énérique. La nosographie a déjà été
de fait constituée comme distincte précédemment. Il
restera une science g-énérale de la maladie traitant de
sa nature, de ses différences, de ses causes. Enfin, il y a
une branche que ne voit pas Ettmuller, etqui cependant
émerg-e, c'est l'anatomie pathologique ou science des
lésions.
Pour mettre de l'ordre dans ce que nous avons à dire
ici, donnons aux idées la classification qu'elles n'ont
peut-être pas encore reçue, mais sous laquelle elles appa-
raissent, nous parlerons ainsi successivement de la doc-
trine pathologique , de la nosographie, de l'anatomie
pathologique et de la séméiotique.
•
I. Doctrine de la nature des maladies. — Nous
n'avons vu que l'écorce des doctrines médicales du
xvii* siècle, précédemment, et si nous ne pénétrions pas
un peu plus avant dans l'idée qu elles se faisaient de la
maladie, nous ne les aurions pas fait suffisamment con-
naître. Or, il est d'autant plus important de pénétrer ce
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 257
sujet qu'il se présente au xvnc siècle dans une phase
vraiment critique. C'est sur ce point que la doctrine ga-
léniste tient encore; on peut dire que c'est le seul qui
lui reste et sur lequel elle tient jusqu'au grand échec
qu elle reçut au xvme siècle lors de la peste de Mar-
seille, comme nous aurons lieu de l'indiquer, échec qui
précède et présag-c la chute de l'ancienne Faculté de
Paris.
Nos modernes savants qui font fi de la métaphysique,
et dans leur nombre, les médecins en particulier qui
oublient en même temps leurs traditions, méconnais-
sent bien singulièrement la base de toute science. Ils
semblent croire que lorsqu'on pose la méditation de la
nature d'une chose, on demande la recherche subtile de
son essence ; comme s'il n'était pas entendu que l'es-
sence échappe à la science, et qu'il est admis dans toute
métaphysique que la recherche de l'essence d'une ma-
ladie serait aussi ridicule que la recherche de l'essence
du fer ou de l'essence de l'oxygène. Poser la recherche
de la nature n'est point du tout poser la recherche de
l'essence : c'est simplement demander d'une chose son
genre, son espèce, son propre, sa différence, et ses acci-
dents ; et indiquer ces questions, c'est en môme temps
poser une question de genèse, c'est-à-dire une question
étiologique ou de cause; car la nature d'une chose c'est
proprement cette chose elle-même dans les causes de
ses manifestations diverses. Un phénomène n'est rien
pour la science s'il ne lui est connu dans les règles comme
on disait autrefois, dans les lois comme on dit aujour-
d'hui, de ses analogies, de ses dissemblables et des
causes de sa genèse.
Les maladies sont des phénomènes de la vitalité :
nous sommes tous d'accord sur ce point, car ce qui ne
vit pas n'est pas malade, ne peut être malade, comme le
TOME XXXII. — OCTOBRE 1870. 17
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258 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
disait si bien Aristoto. Mais ce phénomène quel est-il ?
c'est-à-dire : à quoi ressemble-t-il, et de quoi diffère-t-il?
C'est demander comment il se produit et se manifeste!
En vain la science dira futilement et sottement qu'elle
ne veut pas faire de métaphysique : ou elle abordera
ces questions et alors elle fera ce qu'elle prétend ne
pas faire ; ou elle ne les abordera pas et ello ne sera pas
la science, se bornant à enregistrer des observations et
des expériences.
Donc, le galénisme qui se croyait héritier de l'hippo-
cratisme, et qui, de fait, avait altéré le dogme patholo-
gique sur deux points (en confondant la cause prochaine
avec la maladie, et en substituant des espèces morbides
artificielles aux espèces naturelles), comme nous l'avons
vu : le galénismo avait trouvé devant lui la scolastique
qui lui disait que la maladie n'a pas de substance pro-
pre (et par cela même qu elle ne peut avoir de cause con-
jointe); il avait trouvé leclosion des maladies nouvelles
qui lui disait de bien voir en quoi consistait une espèce
naturelle. Mais en môme temps le spécificisme issu de
l'alliance des Arabes et de la kabbale néoplatonicienne,
admettant les espèces naturelles, les substantialisait
dans des causes morbifiques de contagion.
Fuschs ({), Ferneletles scolastiques avaient bien vu
(I) A propos de Fuschs, j« regrette do n'avoir pas ou sous la main ,
en corrigeant lo chapitro précédent, une note que je viens do retrou-
ver. Plempius lui reprochait bien comme je l'ai dit d'avoir fait de la
maladio une substance; mais Plempius me parait s'être trompé. Je
retrouve en effet qu'en lisant Fuschs, j'ai pris celte note : « Lui revient
l'honneur d'avoir le premier attaqué la cause continente. Il commença
par chicaner Galien pour avoir méconnu la distinction de la maladie et
de la souffrance, car pour lui comme pour Platon la souffrance est une
altération du mouvement ou do la matière; nam Hiftc;, tel IIxOîj**,
Piatoneetiam in Timm astipulente est moins rei dum convertitur, alteralur,
movctur. Ljitur llxôj; est in motione, affectus autem est permanent. La
maladie au contraire a une essence, c'est une altération stable, une
dialhèic; alteratio stabilis, alteratio permanent, Ji*6wi;. Et cette essence,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS.
259
la difficulté, et Fernel, dans ses Institutes, l'avait posée,
touten restant galéniste. Il l'avait mieux résolue dans ses
Dialogues dont nous avons cité des passages. Le difficile,
dons ce moment périlleux de la tradition, était de se le-
nir là pour creuser sur le vrai terrain. Evidemment on
n'était pas prêt, et il fallait encore osciller au loin.
Le galénisme avait si puissamment infecté les esprits,
qu'alors même qu'on pensait s'en affranchir, on y re-
tombait, soit par l'iatro-mécanique, soit par l'iatro-chi-
mie. Pensait-on lui échapper mieux encore, on tombait
dans le spécificisme. Van Helmont, seul, suivait la voie
vraie , ce semble , mais son idéalisme reposait dans la
tête d'épingle de son archée, et d'ailleurs on ne le com-
prenait pas.
Il avait très-bien saisi que la maladie n'a pas de sub-
stance propre et n'est qu'une forme de la vie. Aussi en
faisait-il une idée de Xarchèe. Certes, son archeus était de
trop, parce qu'enfin l'homme ne se compose que d'une
âme et un corps. En second lieu, tout rapporter à l'ar-
chée, c'était supprimer le corps ou s'entraîner, comme il
celte stabilité, ce n'est point la cause continente qui la lui donne, car la
cause morbide étant écartée, la maladie continue de même; de sorte
qu'il faut rejeter la cause continente; qua propter in morbis continentem
tanquam commentumquoddam Acicennœ, italorum, arabium medicorum, et
àGalini» alienum, imà medicinœ inutile, hodie etiam constanter rejicimus.
(Instit. med., lib. III). D'où je suis disposé à conclure que Plempius
s'est trompé sur le compto de Fuschs, ne l'a pas lu ou l'a mal lu; que
Fuschs était bien dans la doctrine scolastique ; et enfin que Fuschs s'est
trompé en déclarant que la cause continente est d'Avicennes et non de
Galien. Sur ce dernier point, j'observo que les Arabos ont bien, il est
vrai, nommé la cause continente; mais c'était là pousser le galénisme à sa
conséquence logique, car la cause conjointe ou cause prochaine de Galien
est le germe de la caute continente^ laquello est le germe du spécifi-
cisme. C'est parce que Galien s'est si mal tiré de la doctrine étiolo-
gique, ainsi que nous l'avons montré, qu'il est le patron involontaire do
tant d'erreurs, et que, soit par l'iatro-chimie, soit par l'iatro-mécanique,
soit môme par le spécificisme, soit encore par l'organicisme, on le
retrouve partout.
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260 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
y a été conduit, à inventer un imbroglio de puissances
concentriquement placées : lame contenant l ame sen-
silive, qui contient l'archée, qui contient Yaitra vitalis.
L'àme et le corps étant substantiellement unis, la vie
est un acte qui résulte de cette union , et il suffisait de
dire que, comme la vie a sa formule d'expression nor-
male, elle peut avoir des formules d'expression mor-
bide. La maladie devient une forme de la vie, et tout est
posé. Mais suivons Van-Helmont. Il voit donc que la vie
est, dans son ensemble, une sorte de manifestation,
d'une idée que possède l'archée, et il compare cette idée
de vie à une aura vitalis, une sorte de souffle, ou une
émanation d'oscillation dont on peut assez bien se ren-
dre compte, parce que les médecins ont nommé Y aura
epileptica. La maladie est le fait d'un aura analogie. Il
s'en explique très-clairement dans le petit traité Ignotm
hospes mordus, où il compare la maladie à un hôte in-
connu qui nous pénètre. 11 dit : « Sequitur bine neces-
a sario, quod omnis morbus invenit in aura vitœ org*a-
« nica, qua proxime atque penitissime ipsam vitam
« adoritur, ita in eadem vitali luce, causam efGeientem
« reperit. Adeoque sic morbus materia et efficiente in-
« structus, hospitaliter circa vitam. Nec refert intérim
« sive illa morbi conta<rio sit bausta ex causis occasio-
« nalibus, sive demum errore vitœ, intus in Archeo g*e-
« nita.At cum ipsavita sit ens luminare, non ag'it, nisi
« per organum aurai vitalis, sive per archeum, tanquam
« médium, inter lumen vitœ, fluens a parte luminum,
a et corpus (g 9). » — ; C'est donc comme un souffle étran-
ger qui nous impressionne, une sorte d'imprégnation
séminale, un mouvement intérieur que nous engen-
drons au contact d'une cause morbide, une erreur de la
vie : « Non ag'it autem bn?c aura, sive archeus, nisi per
« modum quo omnis spii itus seminalis ag'it in massam
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 261
a sibi substratam. Id est nisi per impressam notam,
« veJ ideam sigillarem, quee novit, quid et quorum sibi
« sit agendum. Ergo omnis et quilibet morbus habet
« notam sigillarem, ac velut actum seminalem, quarum
o rerum sibi agendarum {Ibid., § 10). » — La maladie
est ainsi le fait d'un trouble de notre vitalité, d'une er-
reur de notre direction, et elle trouve en nous ses cau-
ses d'action dans nos puissances et dans notre matière
qui deviennent ses instruments de manifestation : « Sub
« opus (Archei) scilicet perturbatione nascitur idea, in-
« formans aliquam partem Archei. Istudque compositum
o ex materia Archei, et prœfata idea seminalis tanquam
« efficiente initio est vere morbus omnis semina (§ 34). »
— Enfin, cette maladie devient presque quelque chose
de réellement subsistant en raison de l'archée qui
l'engendre, encore bien qu'elle ne soit qu'une sorte
d'idée : « Itaque pênes morbus estens substantiale, eau-
« sis archealibus tum materialiter, quam effïcienter ge-
« nitum (§ 73). » — On comprend, dès lors, pourquoi il
ne veut plus appeler la maladie une diathèse, comme on
le disait, ni une qualité, et comment c'est pour lui une
sorte de vice : « Morbum imprimis non appello diathe-
e sin ; sed ipsum ens prevaricans, quod ex ipso Archeo
« creditur vitali. Non ergo intueor morbum velut ab-
« stractam qualitatem. Idque mihi sic olim induxi, ut
a instar vitœ, sit vitœ ipsi ens vernaculum. » (Dans le
Prof/reditur ad morborum cognitionem^ 33.)
La production de la maladie devient donc pour lui
une sorte de conception séminale : a Est itaque morbus
a ens quoddam natum,postquam nocua quœdam potes-
« tas peregrina violaverit vitale initium hujusque vim
« pénétra verit , ac penetrando excitaverit Archeum ad
« indignationem, furorcm, metum, etc. Quarum scilicet
a perturbationes, anxietates, ac molesliœ ideam sibi con-
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2G2 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
a sibilem, imaginemque imaginandn dehitam excilave-
« rit. Prompte scilicet ista imago caditur, exprimitur,
• sigillaturque in Archeo. eoque vestita; mox morbus
n in scenam intrat, corpore scilicet archeali, et efû-
« ciente idea constitutus. » (Ortus imagine morbosœ, % 2.)
— La maiadie peut, sans doute, £tre héréditaire, comme
est le cancer, mais l'idée morbide (la forme morbide),
est produite vraiment par le malade le plus souvent :
« Non autem insunt et dormiunt' in utero ideœ cancri;
a prout alioquin ideœ faba? in germine faba?. Quia morbi
« naturaliter quidam fiunt ; non tamen insunt. Nisi
« fortassis a semine generantis connatœ, ut in morbis
« hereditariis. » [De ideis morbosis, § 31.) Ce qu'il répète
dans cet autre passage plus net encore : « Morbus qui-
« dem omnis fabricatur quidem ab archeo in semetipso :
o in parte autem sui, quia sigillariter constituitur, etiam
« materialiler ibidem, tanquam hospitio proprio ac se-
a minario constitit. » (Divisto morborum,§ \.)
Chaque maladie forme donc ainsi une essence, une
forme mobide essentielle, distincte de ses manifestations
qui n'en sont que des signes et des symptômes, comme il
le montre pour le cancer : « Cancer non est ulcus quod
« cernunt oculi, nec crustata ejus lividaque labra, quœ
« tangit manus : non denique est sub nigricans, putre-
« dine olidus ulceris fondus, aut sanies inde instillans,
« quam nares oifaciunt : absque his namque, jam can-
« cer erat adhuc sua pelle vestitus. At, hœc sunt effec-
a tus, signa, symptomata cutis cujus sunt fructus. Enim-
« vero cmn enectus, sive productum dicat inseparabi-
a lem respectum, ad causam sui producendum : ideo
a morbus débet esse ens, continens causas et proprieta-
a tes sua? entitatis. » {De ideis morbosis, § 35.) — D'où
l'on comprend que les maladies se distinguent les unes
des autres selon la forme naturelle sous laquelle elles
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 263
se présentent, et qu'il y en a autant d'espèces que d'idées
morbides : « Sunt itaque imprimis tôt morborum spe-
« cies, quot idearum morbosarum, nonenim plures, uti
« nec pauciores : eo quod morbus quilibet suam bauriat
« ab idea morbosa quidditatis entitatem. » (Dtvino mor
borum , §2.)
- Van-Helmont explique encore comment son arebée
conçoit ainsi des formes morbides, parce qu'elle est
dans une nature de péché, et que c'est des passions mo-
rales que naissent les passions physiques. Les premiers
paragraphes de son Traité Progreditur ad cognitionem
morborum, que nous allons citer, expliquent toute sa
pensée et complètent, pour ainsi dire, sa doctrine :
« Morbus quidem a peccato incipit. Non enim naturfle
« nostrœ integritate, puritate, et innocentiœ vigore mors
o erat multoque minus morbus. Mors enim comminata
« erat, non morbus, nisi quod comiter intelligcrentur
o ad futura. Erg-o morbus non aliter quam ipsa mors
« sui natura vitam oppugnat, ejusque potestate, quas
« ideo vitales dicimus : quod illarum deperditione, lenta
o vel subita mors adveniat (§4). — Fide credimus mor-
a tem ideirco omnemque inGrmitatem, a peccato in-
« trasse in hominem et per concupiscentiam carnis pec-
« cati propageas in posteros omnes. Ideirco neque a
« gentilitio morborum ac morlis introitum disci po-
« tuisse (§ 5). » — Utpote rationabile fuit œgritudinem
« omnes classas radicatas in eadem concupiscentia car-
« nis, per quam morbus intravit. Etenim, uteoncupis-
« centia in conceptu non peccat ante consensum, fin-
« gentem plausibilitatis ideam : ita necesse est omnem
« morbum in carne peccati oriendum, consistere in pe-
a regrina imagine, sive idea seminali corruptœ naturœ,
« \eg\ inquam erat consentaneum, ut ens quod sub vo-
« luptate concupiscibili consensit et peccavit, primario
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204 HISTOIRE DE IA MÉDECINE.
« quoque morbis plecteretur. Ita quidem ut nedum ex-
« ternis succumberet violentis; sedsuisexorbitationibus
« propriis, vindicias peccati in carne experiretur. Ut sci-
a licet ipse archeus, rcctor carnis peccati, passionum
a suarum eadem libertate erroneas sibi fabricet imagi-
« nés quœ sibi tanquam veneno forent. Nimirum ex
a concupiscibilis voluptatibus, passionibus irascibilis,
o procellis, item turbulentes etiam spontaneis subjectus
« staret propriœ ruinœ, quam sibi cuderet. Quœ nimi-
« rum imagines, ut entium morbosorum semina pror-
« sus deinceps essent intimo vitae thoro nubiles (§ 6).—
« Durus hic sane sermo in auribus non supra nug-as ca-
«t lores, et lutum audire assuetis (§7). — Quapropter si
« quis miretur tantam Archei ideati, idearumquè semi-
« nalium eflficaciam, ut morbos ipsam pariant mortem :
« is nondum ag-noscit, omnium omnino rerum naturale
« initium ea parte ideali in sencine quo vis pendere
. (§ 8). .
Cette doctrine de Van-Helmont était bien évidemment
une formule (sauf l'idée de l'archée) de la scolastique,
et représentait la doctrine de YessentiaUtè ou des essences
formelles des maladies, pendant qu'à côté d'elles le spé-
cifîcisme, substantialisant l'essence morbide , donnait à
cette essence une matière propre, en l'incorporant dans
un contagium matériel venu du dehors. La formule de
Yessentialilé se rattachait manifestement à la pensée
d'Hippocrate, tandis que celle de la spécificité reprenait
l'ancienne idée de comparer la maladie à un empoison-
nement.
Sydenham est le plus grand des spécifîciens au
xviie siècle. En lui nous trouvons la théorie arrivée à sa
plus simple expression, parce qu'il brille surtout par
l'observation, et qu'il ne prend au système que juste ce
qu'il lui faut pour avoir un guide conducteur. D'ailleurs,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 265
le temps des premiers spécificiens était passé ; on vou-
lait mettre de côté la recherche de la nature des causes
morbifiques dont l'examen échappait à la physique et à
la chimie ; on préférait se contenter de poser la cause
morbifique comme un fait, et on criait : n'allons pas
plus loin dans la recherche des causes. Sydenham était
né à Winfort-Eagle dans le comté de Dorset en Angle •
terre, en l'année 1624. Il étudia d'abord à Oxford, puis
à Cambridge, et vint se fixer à Londres, où il mourut
en 1689, après avoir joui d'une immense réputation
cumme praticien, étant d'ailleurs un observateur de
premier mérite. Il faut que nous l'écoutions quelques
instants, pour entendre par lui toute son école.
Il commence ainsi son Histoire des maladies aif/uës
(chap. 1er) : o Quelque contraires que soient aux corps
humain les causes de maladies , il me semble néan-
moins qu'à raisonner juste, la maladie n'est autre chose
qu'un effort de la nature, qui , pour conserver le ma-
lade, travaille de toutes ses forces à évacuer la matière
morbifique. Le souverain Maître de l'univers ayant
voulu que les hommes fussent exposés à recevoir diffé-
rentes impressions de la part des choses extérieures, ils
se soient trouvés par cette raison nécessairement sujets
à diverses maladies , lesquelles viennent en partie de
certaines particules de l'air qui ne sont point analogues
avec nos humeurs, et qui s'insinuent dans le corps, et,
se mêlant avec le sang*, l'infectent et le corrompent; et
en partie de différentes fermentations, ou même de dif-
férentes pourritures d'humeurs qui séjournent trop
longtemps dans le corps, parce qu'à raison de leur
quantité excessive, ou de leur qualité particulière, il
n'a pu les atténuer ni les évacuer. » Et un peu plus
loin : « Qu'est-ce que la peste, sinon une complication
de symptômes dont la nature se sert pour chasser au
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266 HISTOIRE DE hk MÉDECINE.
dehors, à travers les émonctoires de la peau, et sous la
forme d'abcès ou d'autres sortes d'éruptions, les parti-
cules contagieuses qui sont entrées avec l'air par la
respiration? Qu'est-ce que la g-outte, sinon un moyen
qu'emploie la nature pour purifier le sang des vieillards
et les purger à fond, comme parle Hippocrate? On peut
dire la même chose de la plupart des autres maladies,
lorsqu'elles sont entièrement déclarées. » Les maladies
sont d'ailleurs aiguës ou chroniques. Aig-uës, « lorsqu'il
y a besoin du secours de la fièvre pour séparer du sang
les particules qui l'infectent et les évacuer par les
sueurs, le cours de ventre, les éruptions, ou par d'au-
tres voies. Comme tout cola s'opère dans la masse du
sang" et par un mouvement considérable des parties,
les pores étant d'ailleurs ouverts et les fibres relâchées,
il arrive nécessairement de là que la nature sauve bien-
tôt le malade, si elle produit une évacuation critique de
la matière morbifique , ou qu'elle le tue bientôt si elle
ne produit une telle évacuation. » Pour les maladies
chroniques, ce sont celles où « dans tous les cas la ma-
tière morbifique ne parvient point du tout à la coction,
ou n'y parvient que fort tard. » Il y a d'ailleurs deux
sortes de maladies aiguës, les une èpidèmiques, les au-
tres intercurrentes ou sporadiques. o Les unes (èpidèmi-
ques ) viennent d'une altération secrète et inexplicable
de l'air, qui alors infecte le corps humain, et elles ne
dépendent nullement d'une qualité supérieure du sang*
et des humeurs, sinon en tant que la contagion de l'air
a imprimé cette qualité au sang* et aux humeurs. Les
autres sortes de maladies aig-uës (intermittentes, spora-
diques) proviennent d'une indisposition particulière des
divers sujots. »
Présenté sous cette forme, le spécificisme avait la
grande séduction de tenir compte des causes de conta-
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 267
gion des maladies, de se rattacher à la doctrine hippo-
cratique des crises et de la coclion , et enfin de justifier
les espèces morbides nouvelles qui sévissaient avec tant
de rigueur. Le spécificisme arrivait ainsi à ce qu'on
pourrait appeler sa période classique , où ses théories
se mariaient à l'observation des faits et aux enseigne-
ments traditionnels. Sydenham et ceux qui l'ont suivi
ont été d'excellents nosographes, distinguant bien les
espèces morbides diverses et leurs formes, suivant avec
beaucoup d'attention tous les phénomènes et l'évolu-
tion , et on lui rapporte très-justement d'avoir insisté
sur la distinction des espèces morbides, comme sur un
point capital de la pathologie.
« En premier lieu, dit-il dans sa Préface, il faut ré-
duire toutes les maladies à des espèces précises et déter-
minées, avec le même soin et la môme exactitude que
les botanistes ont fait dans leurs Traités sur les plantes.
Car il se trouve des maladies qui, étant du même genre
et du même nom, et, outre cela, semblables en quel-
ques symptômes, sont néanmoins d'une nature bien
différente et demandent aussi un traitement différent.
« On sait que le chardon est commun à plusieurs es-
pèces de plantes. Ce serait néanmoins être un botaniste
peu exact que de donner seulement une description gé-
nérale de cette plante et de la distinguer par là des
autres, sans s'embarrasser de marquer les signes pro-
pres et particuliers qui en caractérisent et distinguent
chaque espèce. De même il ne suffit pas à un écrivain
de marquer seulement les phénomènes communs d'une
même maladie qui a plusieurs espèces.... (§ VII).
« La principale raison, à mon avis, pour laquelle nous
n'avons pas eu jusqu'à présent une histoire plus exacte
des maladies, c'est que la plupart des auteurs ne les ont
regardées que comme des productions confuses et irre-
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208 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
gulières d une nature affaiblie et déconcertée, et qu'ainsi
on aurait cru perdre son temps et sa peine en travaillant
à les décrire exactement.... (§ XIII).
«L'inimitable Hippocrate, après avoir établi, comme
un solide fondement de son art, cet axiome incontes-
table, savoir que la nature guérit les maladies , a exposé
clairement les symptômes de cbaque maladie, sans le
secours d'aucune hypothèse ni d'aucun système, comme
on voit dans ses livres des Maladies, des Affections, etc. Il
a donné aussi des règles fondées sur la méthode que
suit la nature dans la production et la guérison des
maladies.... (§XV).
o Toute maladie spécifique est une affection qui pro-
vient d une altération spécifique de quelqu'une des li-
queurs du corps animé.... (§ XVIII).
« Quiconque examinera attentivement , trouvera
d'aussi fortes raisons pour croire que cette maladie
est un Hre spécifique que pour croire qu'une plante
est une substance qui naît, fleurit et périt toujours de
la môme manière, et qui, dans tout le reste, éprouve
ce qui est conforme à sa nature.... Je conviens néan-
moins que, au lieu que les espèces des animaux el des
plantes subsistent chacune par elle-même, à l'exception
d'un très-petit nombre, les espèces morbides dépen-
dent au contraire des humeurs qui les produisent. »
(§ XIX).
Mais ce n'est point assez d'être observateur et de ré-
sumer avec un esprit de classement les faits d'observa-
tion ; et c'était cela seul qu'on pouvait trouver en effet
dans le spécificisme de Sydenham , qui est le spécifi-
cisme le plus classique : il faut, outre l'observation et
les lois de classement ou de coordination , trouver la
clef de ces lois , c'est-à-dire leur raison d'être, c'est-à-
dire leur métaphysique. Or, il était impossible de se
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 269
dissimuler combien cette théorie était peu solidement
étayée. Déclarer que la maladie est un combat de la
nature contre une matière morbifique qui vient des
particules de l'air, puis dire que cela s'explique parce
que le souverain Maître a voulu que les humeurs fus-
sent sujettes à des impressions de la part des choses
extérieures : c'est fatalement s'exposer à ce qu'on vous
demande si c'est la matière morbifique qui est la ma-
ladie, ou bien l'impression qu'elle cause ; et il n'est
point facile de se tirer du dilemme qu'on vous pose.
Dire ensuite que ce peuvent être aussi différentes pour-
ritures retenues intérieurement et non rejetées qui sont
la cause de la maladie, c'est faire entendre qu'on ne
comprend pas bien soi-même la première explication,
et c'est en introduire une nouvelle non moins douteuse ;
car cette matière, qu'on dit retenue , pourquoi est-elle
retenue? Cette rétention d'une matière putride, qui
n'est morbide que parce qu'elle est retenue , montre
bien que ce n'est pas la matière môme qui est la cause,
mais cette rétention qui cause cette cause! Et enfin,
après avoir si vivement invoqué les infections de l'air
par une matière putride, déclarer, comme Sydenham le
fait un peu plus loin, qu'il n'a jamais pu savoir ce qu'é-
tait cette cause invoquée, c'est bien se moquer de la
raison ! Sydenham avance en effet l'inanité de ses élu-
cubrations dans ce passage : « Quoique j'aie observé
avec tout le soin possible les différentes constitutions
des années, par rapport aux qualités manifestes de l'air,
afin de pouvoir découvrir par ce moyen les causes de
cette grande variété des maladies épidémiques , je ne
vois pas que j'aie jamais rien avancé jusqu'ici » ; et
plus loin : « Il y a diverses constitutions d'années qui
ne viennent ni du chaud, ni du froid, ni du sec, ni de
l'humide, mais plutôt d'une altération secrète et inexpli-
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270 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
cable qui s'est faite dans les entrailles de la terre. »
{Maladies aiguës, cap. 2, §§ il et 12).
Personne ne nie que l'air ne puisse être corrompu
par des matières putrides tenues en suspension, et qui
puissent être causes de maladies. Mais il y a loin de ce
fait à la théorie spécificienne. Pour que celle-ci puisse
s'établir sur cette base, il lui fallait démontrer qu'il y a
autant d'espèces de matières putrides qu'il y a d'espèces
de maladies. Autrement, la matière putride invoquée
n'est plus qu'une cause d'impression, comme toute au-
tre cause, le froid ou le chaud, le sec ou l'humide ; et
alors c'est cette impression variable chez chaque indi-
vidu, qui devient la vraie cause de l'espèce morbide.
Alors, nous rentrons dans la doctrine des formes mor-
bides, telle qu'elle a été comprise par la scolastique, par
Fernel, par Van-Helmont, et aussi par l'antiquité hip-
pocratique.
Ce serait un grave tort de croire qu'on n'était pas en
état de comprendre ces difficultés au xvn* siècle, lors-
que nous voyons que, peu après Hippocrate, les dog-
matistes les agitaient déjà contre les partisans de la
théorie du poison morbide. Sydenham ne faisait, avec
tous les spécificiens issus de l'Arabisme, que revenir à
cette ancienne théorie qui voulait faire de la maladie
un empoisonnement. Gela n'était que du vieux déjà re-
poussé et battu.
Aussi, tout en admettant les très-habiles observations
des spécificiens, un grand nombre degalénisles ne vou-
laient point de leurs théories et leur disaient que l'al-
tération de l'air, le contage de Fracastor, ou toute autre
cause , ne faisait qu'altérer la constitution organique,
et que c'était dans cette altération que résidait la ma-
ladie. Delà, les nombreuses adhésions des galénistea,
soit aux théories chimiques, soit aux théories mécani-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 271
ques, qui disaient que la maladie devait être une fer-
mentation ou une obstruction, ou toute autre chose d'a-
nalogue.
Veut-on se rendre compte jusqu'à quel point ce galé-
nisme, qui [confond la maladie avec la lésion, et que
nous avons déjà expliqué , était tenace dans les esprits
au xvu8 siècle? J ouvre Ettmuller, très-conciliateur, plu-
tôt porté vers Van-Helmont, et j'y trouve d'abord ce pas-
sage caractéristique : «Tout le corps est le sujet de la
santé f et par conséquent celui de la maladie. » Cette
première phrase est très-bien : on croit que l'auteur va
entendre son sujet à la façon d'Hippocrate et de Van»
Helmont, et nous dire ensuite que la maladie est bien
une sorte dediathèse, une affection de tout l'être; mais
point. Il continue ainsi : o Mais diversement suivant
les parties : les parties contenues, savoir le sang* et les
esprits qui touchent le plus près à la racine de la vie,
sont le sujet principal. Les parties solides ou conte-
nantes sont le sujet moins principal. La vie consiste
radicalement et fondamentalement dans le sang et
dans les esprits, au lieu qu'elle n'est dans les parties
solides que par dénominations, c'est-à-dire que celles-ci
ne sont vivantes qu'en tant qu'elles sont arrosées du
sang et des esprits. » (Instituiez, Pathologie, ch. 1er, § 3).
Remarquons , en passant , cette distinction des parties
contenues et des parties solides qui sera le point de dé-
part de la grande division des soiidistes et des humoristes
au siècle suivant. Mais remarquons surtout comment
l'auteur fait de l'altération des humeurs et des esprits,
qui est le premier effet de la maladie, la cause même de
la maladie ; car cette altération est déjà la maladie; c'est
bien l'effet premier. C'est ce que Galien appelait la cause
conjointe, et c'est ce dont on fait la maladie! Singulier
cercle vicieux qui en effet installe comme maladie et
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272 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
même comme sa cause , ce qui n'est qu'un effet. Et
cependant, c'est ce môme Ettmuller qui, dans Iechap.3
des mêmes ïnstit. med., paihoL, écrit les pages dont nous
prenons les passages suivants :
« La première (des causes) est l'esprit, qui est l'auteur
des actions, tant dans l'état de santé que dans l'état de
maladie. La cause efficiente matérielle est quelque ma-
tière viciée qui irrite l'esprit et le pousse au mal ; c'est
la cause occasionnelle au langage de Van-Helmont (§ 20).
o II s'ensuit qu'il ne faut pas chercher la cause pro-
chaine des maladies dans une grosse masse de matière,
ni dans une abondance de diverses humeurs, mais que
les fondements des grandes maladies sont, pour l'ordi-
naire, très-petits, et que les causes occasionnelles ou
matérielles se doivent mesurer par leur activité, non
par leurs volumes, soit qu elles agissent en fermentant
les humeurs, soit en picotant les parties solides ner-
veuses. L'abeille avec son aiguillon, le scorpion avec le
bout de sa queue, et la vipère avec sa dent percée, ne
mettent presque rien dans la partie blessée; ce rien,
pourtant, cause des symptômes terribles. Quelle ma-
tière porte en soi l'odeur du musc, pour faire rendre
l'àme, ou peu s'en faut, à une femme hystérique? Quelle
quantité de matière peut communiquer un gant qui a
servi à un galeux en touchant la main d'une personne
saine, ou une femme gâtée en embrassant un débau-
ché?... p g 22).
a On doit, à ce propos, bien distinguer la maladie
d'avec la production morbifique survenue à l'occasion
de quelque cause matérielle ou du trouble des esprits.
Par exemple, le calcul n'est pas la maladie, mais une
production morbifique, et la disposition des sels à se
coaguler ensemble est la véritable maladie qu'on nomme
lithiase. L'enflure des pieds des cachectiques n'est pas,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 273
comme on dit, une maladie d'intempérie humide, mais
une production morbifïque de la cachexie causée par le
vice de la sanguification. Dans les fièvres quartes, le
scorbut et le mal hypochondriaque, la rate est souvent
tuméfiée et squirrheuse, et on a coutume de la regarder
comme la cause de ces maladies, mais c'est plutôt une
production morbifïque qui survient à ces maladies in-
vétérées par le vice des digestions. Le chaud et le froid
de tout le corps dans les fièvres, d'un membre particu-
lier dans l érysipèle, sont de véritables productions
morbifiques, et la tumeur, l'ardeur, l'inflammation et
les larmes ne sont pas la maladie qu'on nomme oph-
thalmie, mais de simples productions morbifiques à
l'occasion d'un grain de poudre tombé dans l'œil...»
(§ 24.)
«Au reste, toutes les causes efficientes matérielles ci-
dessus exposées, de quelque genre qu'elles soient, sont
presque toutes occasionnelles; car nous avons déjà sup-
posé que la cause efficiente, prochaine et formelle, était
l'esprit influent et quelquefois l'esprit implanté. C'est
Y impétueux d'Hippocrate qui donne la première fécon-
dité à l'œuf, qui se montre très-actif dans la structure
du corps, et qui est, durant la vie, le principal et l'u-
nique auteur des actions tant naturelles que contre na-
ture; car, quoique la cause occasionnelle soit encore
dans les cadavres, la maladie n'y est pourtant plus, ce
qui fait connaître que la maladie et la mort ne dépen-
dent pas moins des esprits ou du principe moteur que
la vie et la santé...» (§ 29).
«Quand Van-Helmont attache principalement sa vue
dans toutes les maladies sur le principe vital, qu'il con-
sidère comme le premier auteur de la santé et des ma-
ladies, duquel tous les symptômes dépendent, soit
immédiatement, comme les actions blessées, soit mé-
TOMK XXXII. - OCTOBRE 1870. 1«
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274 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
diateinent, comme les symptômes des excrétions et des
qualités changées, cela ne se doit point entendre exclu-
sivement comme si les humeurs contenues et les par-
ties contenantes étaient purement passives, mais inclu-
sivement, c'est-à-dire que les esprits sont comme le
ressort dans l'automate de notre corps, qui fait ses
opérations conjointement avec les parties organiques
qui en sont les roues, et avec les parties liquides qui en
sont le fondement... » (g 32).
C'est ainsi que la conciliation amène une confusion
inévitable. Ettmuller part de la théorie de VanHelmont,
laquelle fait de la maladie une simple idée, une simple
forme, comme le pouvaient faire les scolastiques; mais
plus il va, plus il s'éloigne de son point de départ, et on
le voit incliner insensiblement vers le galénisme, pres-
que jusqu'à la cause conjointe. Un tour desprit déplus,
et il ferait de la cause conjointe une cause continente ce
qui le ferait verser dans le spécificisme. S'il n'y arrive
lui-même, un de ses lecteurs fera le pas voulu, et c'est
ainsi que toujours le mouvement des doctrines s'écarte
de la voie droite. Un sophisme de mots ou un jeu d'es-
prit suffisent à tout perdre !
Notre conciliateur déclare ensuite, au chapitre sui-
vant, intitulé : Des différentes maladies, « qu'il y a trois
différences essentielles des maladies, savoir : maladies des
esprits, maladies des humeurs contenues, maladies des
parties solides contenantes. » Le voilà dès lors rentré
dans le galénisme, et la connaissance des espèces mor-
bides lui échappe comme elle échappait à Galien, bien
qu'il reconnaisse, comme Galien le reconnaissait, que
les maladies sont divisées en espèces. Aussi, ces galé-
nisles ne pouvaient comprendre ces maladies naturel-
lement distinctes, telles qu'on les observait et telles
qu'elles se présentaient; et ce fut là que vint se briser
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 275
l'ancienne Faculté de Paris lors de la peste de Marseille
dans le xvnie siècle, comme nous le verrons plus
loin.
II. Nosoc.ràpuie. — Pendant que la doctrine patho-
logique était si diversement agitée, les observateurs étu-
diaient les maladies selon leur apparition naturelle, et
aussi la plupart étaient plus ou moins spécificiens, de
sorte que, encore que doctrinalement le spécificisme fût
une théorie fausse, il a rendu de grands services.
Parmi les nosographes , nous devons citer Carohts
Pise, surtout Sydenham et Morton. Morton fut le rival de
Sydenham, dont il blâmait les antiphlogistigues pendant
qu'il vantait le quinquina. Sa pyrétologie et sa descrip-
tion du rhumatisme et de la goutte méritent d'être lues,
mais il n'est pas à la hauteur de son rival. Sydenham,
dont nous avons parlé plus haut, était, en somme, un
très-médiocre théoricien, comme nous l avons mon-
tré; mais il fut, en revanche, un des plus habiles obser-
vateurs des temps modernes ; et s'il avait su joindre la
largeur de ses doctrines à la sagacité de ses observa-
tions, il eût été digne d'Hippocrate, auquel on l'a com-
paré pour ses descriptions, mais dont on n'a pu vraiment
le rapprocher qu'avec une grande flatterie. Son spécifi-
cisme eût fait frémir d'indignation le grand maître de
Cos. Ses descriptions des maladies aiguës, ses observa-
tions des maladies régnantes, et en particulier de l'in-
fluence quellesexercentsur les maladies intercurrentes,
ses descriptions des fièvres éruptives, en particulier de
la variole, ses études sur la goutte et sur la dysenterie,
sont dignes de la plus grande estime, et tout médecin
soucieux de son art devrait les avoir lues.
Parmi les divers travaux nosographiques du xvii' siè-
cle, il faut citer les suivants :
276 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
La description d une angine gangreneuse épidémique
qui, de 1610 à 1620, sévit à Naples et en Gastille. Ses
historiens sont F. No/a, I. de Villaréal, P. Casa/es,
A . de Fontsecha, Scombati, et plusieurs autres.
Le purpura fut signalé pour la première fois à Leip-
sick, en 1650, par ,1. Lanye. Deux ans plus lard, il fut
le sujet d'une thèse de J. Hoppius.
D. Sennert paraît avoir, le premier, observé la scar-
latine, mais il la prit pour une forme de rougeole. Elle
sévit en Angleterre, où elle reçut son nom (scartett), et
où Sydanham et Morton la décrivirent comme maladie
distincte.
Vers 1650, on parla d une angine croupale ou poly-
peuse, comme on l'appelait, et qui régna épidémique-
ment en France et en Angleterre. Les premières obser-
vations sont consignéss dans Ch. Bennet (1656) et dans
N. Tulpius (1685).
Une convulsion céréale régna, en 1648, dans le Vogt-
land; en 1650, 1674, 1675, en France et en Angleterre.
Th. Willis et C. Brunner la décrivirent.
En 1665 et 1666, des fièvres pétéchiales régnèrent en
Angleterre ; on en retrouve la description dans Sy-
denham surtout, et dans Morton.
La variole, la rougeole, la dysentérie, les fièvres in-
termittentes, l'apoplexie épidémique furent observées
par Sydenham, Morton et Diemerbroock.
Le rachitisme, maladie d'abord signalée en Hollande,
en Angleterre et en Suisse par Reusner, en 1582, fut
ensuite bien décrite, sous le nom de tabès pictava, par de
Boot, en 1648, puis par Glisson, en 1682, qui lui imposa
son nom de rachitisme. Van-Helmont la rattacha juste-
ment à une question d'allaitement.
W. Haefers fit mention du crétinisme vers 1675.
/. Boniius est le premier, parmi les modernes, qui ait
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 277
donné, en 1658, une bonne description de la lèpre
croûteuse, telle qu'elle se montre aux Indes -Orien-
tales.
J. Floyer donna un excellent traité sur l'asthme en
1698. — Il est célèbre pour avoir remis les bains froids
en honneur dans son pays.
III- Anatomie pathologique. — Cette branche de la
science pathologique a commencé dans ce siècle à fixer
l'attention des médecins, et on rapporte au grand ou-
vrage de T. Bonet, le Sepulchretum (1674), le point de
départ de tous les travaux ultérieurs. Pour être plus
juste, citons les autres ouvrages qui ouvrirent la voie
avant lui, ou la suivirent dans le même siècle.
N. Fonleyn, Responsionwn et curationum medicinalium,
1637. — Observationum analomicarum, 1654. — P. Sai-
mutz, Observationum medicarum, 1648. — Bartholin,
tor analom., 1654. — D. Panaroli, latrologismum pente-
costœ, 1652. — D. Horst, De cas. observationum epistola-
ram anatomicorum, J656. — R. Salzmann, Varia observata
anatomica, 1669. — Wipfer, Historia apoplecticorum ,
1667. — B. Verzascha, Observationum medicarum, 1677,
— Schrader, Observât, anatom. medicor. , 1674. —
E. Blancard, A natomicapracticarationalis, 1688. — Welsch,
Sylloge curationum et observationum medicinalium , 1688;
Concilium medicinalium, 1698. — Il faudrait encore citer
les ouvertures cadavériques de Blasius, les travaux sur
le coryza de Schneider, et beaucoup d'autres observa-
teurs, tant anatomistes que médecins.
IV. Séméiotique. — Cette partie de la médecine fait
peu de progrès. On en élait aux travaux précédents de
Lommius et de Prosper Alpin, sur lesquels on vivait.
Cependant on eut les travaux de Bûcher, de A. Constan-
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278 HISTOIRE DE LA MEDECINE
tin, de de Heredia , et surtout de //. Castro (Syntaxis
prœdictionum medicarum, Leyde, 1661.
Le travail de L. Rivière, dans ses Instihttioncs, est
aussi fort remarquable; on ne le cite pas en général,
soit parce qu'on ne le lit pas, soit parce qu'on n'y fait
pas d' attention; mais il suffit de le parcourir seulement
pour juger combien il l'emporte sur beaucoup de pro-
ductions de ce siècle, et il peut donner une bonne idée
de ce qu'était alors la séméiotique pour les meilleurs
esprits. Il partage le livre III de ses Institutions y et qui
est intitulé Semeioticen continent, en deux sections : dans
la première, il traite de signis diagnosticis; dans la se-
conde, de signis prognosticis. Il veut étudier séparément les
signesdiagnostiqueset les signes pronostiques, et comme
il ne s'aperçoit pas que le môme phénomène peut être
à la fois l'un et l'autre, il croit convenable de n'étudier
que certains d eux dans le diagnostic et d'en étudier
d'autres dans le pronostic. Gomme il ne remarque pas
non plus que le signe n'est qu'une interprétation d'un
phénomène, au lieu de procéder en divisant les phéno-
mènes, il procède en divisant les signes; de sorte que
son travail se rattache à la médecine pratique, à l'art
de tirer les signes, plutôt qu'à la symptomatologie,
comme d'autres auteurs l'ont compris.
On va mieux nous comprendre en parcourant l'inti-
tulé des divers chapitres. La section de signis diagnosticis
comprend quinze chapitres : « 1° de signis biliosi humo-
«ris in corpore prœdominantis; 2° de signis humoris
«pituitosi in corpore prœdominantis; 3° de signis san-
«guinis in corpore prœdominantis; 4° de signis melan-
«choliœ in corpore prœdominantis; o# de signis partis
«alïbclœ; 63 de signis partis primario, et per consen-
ti sum laborantis ; 7° de signis speciei morbi ; 8° de signis
a morbi magni et gradivi , 9° de signis morbi maligni et
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 270
«benig-ni ; 10° de sig-nis rnorbi acuti, vel chronici ; i l0 de
«sig-nis causarum morbificarum , ac primo de sig-nis
«bilis prœlernaturalis ; 12° de sig-nis pituitœ pnrtcr-
« nuturalis; 13° de sig-nis feri redundantis; 14° de sig-nis
«flatuum; 15° de sig-nis temporum morborum.» — La
seconde section comprend quatorze chapitres : a 1° de
«sig«nismorbi long-i aut brevis futuri ; 2° de sig-nis morbi
«salutaris et lethalis; 3° de modo quo fing-ilur morbus
«an scilicet per crisin, vel paulatinam solutionem;
« 4° de tempore quo fing-itur morbus, ubi dies el hora
«futurœ criseos prœnuntiatùr; 5° de loco per quem fu-
« tura est crisis, ac primum de sig-nis futurœ criseos per
«vomitum; 6° de sig-nis futurae criseos per alvi fluxum;
«7° de sig-nis futurœ criseos per sudores; 8° de sig-nis
« uturœ criseos per urinas ; 9° de sig-nis futurœ criseos
«per hœmorrhag-iam; 10° de signis futurœ criseos per
«menses aut hœmorrhoïdas ; H° de signis futuri abces-
«susj 12° de sig-nis eorum quœ superventurasunt in his
« qui jam œgrotant, vel in morbos prolabuntur ac pri-
ée mum de sig-nis futuri delirii; 13° de sig-nis futurœ
«convulsionis; 14° de signis futurœ recidivœ. »
F. Frédault.
— La mite an prochain numéro. —
PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE
ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION
— SUITE (I) —
VIL
Des effets de labstinence complète sur la nutrition
et sur le poids du corps.
Nous savons déjà que, quand le corps est privé d'ali-
ments, l'absorption interstitielle acquiert une grande
activité : elle puise sans cesse dans toutes les parties
de l'organisme une certaine quantité d'éléments pour
produire les oxydations nécessaires à la vie animale.
Aussi le résultat le plus constant et en même temps le
plus importantde l'inanitiation, c'est ladiminution gra-
duelle du poids du corps. L'animal perd tous les jours,
et cette perte est d'autant plus forte que le sujet est plus
volumineux et que les excrétions sont en plus grande
quantité.
Toutefois, tout en diminuant de poids chaque jour,
le corps ne perd pas d une manière égale. En général,
la perte la plus grande a été au début, quelquefois vers
la fin, jamais vers le milieu de l'expérience. En effet, le
premier jour de l'abstinence, l'animal expulse le résidu
des aliments des jours précédents, et, à l'approche de la
mort, il survient une abondante diarrhée hilieuse.
Quand on fait abstraction du premier et du dernier
jour, on trouve que les pertes quotidiennes ne diffèrent
pas beaucoup d'un jour à l'autre.
Nous donnons, dans le tableau suivant, le résultat de
nos expériences sur la diminution du poids du corps.
(i) Voir VArt médical, n°* d'août et de septembre !870.
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ETUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 281
TABLEAU INDIQUANT LA PERTE DE POIDS PAR L'INANITION.
POIDS DU CORPS
I-BRTE DE POIDS
INTÉGRALE
DUREE
de
LA VIB.
Initial
Final
absolue
propor-
tionnelle
■ i
gr.
gr.
jour*.
n.
i
1
780
1 OU
49»
0 38
11
n.
4
1 «1.» -
457
0 34
8
»
n.
•J
»
A iXt\
1 OOV
500
• UHF
0 40
12
»
n.
4
1
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0 40
14
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n.
5
2 1
81 •>
0 38
11
»
n.
0
A». MF
1 I7*>
0 40
15
Cochons d'Inde
n.
1
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310
no
0 35
4
n.
2
520
342
178
0 34
5
»
n.
3
055
39(i
459
0 39
7
1
«i;
74
14
0 16
4.5
»
n.
-216
150
00
0 47
5
a
n.
3
1075
485
590
0 44
14
»
n.
4
\-m
780
4*5
0 37
9
»
n.
ir»4o
910
630
0 40
14
n.
G
1700
S75
825
0 48
17
»
n.
7
45110
1545
985
0 38
15
10-2
81
41
0 40
3
3.5
n.
3S0
.95
85
0 44
n.
:î
1000
1180
740
0 37
10
n.
4
240»
1464
943
0 42
10
n
s
49 10
4960
1950
0 39
15
•
n.
G
6K00
3340
3260
0 49
48
n.
7
J 45-20
til 10
64H
0 51
30
La loi générale de l'inanition formulée par Chossat
et que nos recherches confirment, c'est qu'il existe une
limite de déperdition au delà de laquelle la vie n'est
plus possible. La mort arrive quand l'homme ou l'ani-
mal a perdu les 0,4 de son poids initial.
Les expériences de Chossat ont porté sur les pigeons,
poules, cochons d'Inde, lapins; les nôtres ont eu les
lapins, cochons d'Inde, chiens, chats pour sujets. Les
résultats ont été à peu de chose près les mêmes.
Nous avons quelques exemples authentiques d'indi-
vidus qui se sont laissés mourir de faim. On remarque
qu'A la mort la perle intégrale proportionnelle est la
même que pour les animaux. Granié, qui était assez
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282 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
robuste sans être d'une grande stature, ne pesait plus
que 20 kilogrammes au moment de sa mort. Graefe
rapporte l'observation d'un bomme auquel un char-
latan fit subir un traitement par la faim pour le g-uérir
d'une amaurose; ce malheureux qui ne buvait que de
l'eau pure, perdit 10 kilogrammes les huit premiers
jours, 5 kilogrammes les neuf jours suivants, et à sa
mort, qui arriva au quarante-septième jour, son corps
était réduit à 38 kilogrammes de 65 qu'il pesait au
début du traitement. (Journal der Chirurgie und A ugm-
heilkunde^ vol. XXI.)
Par notre tableau, on voit que la perte intégrale pro-
portionnelle n'est pas toujours la même. Quelquefois,
elle n'est que de 0,2, tandis que dans certains cas elle
s'élève à 0,5 du poids initial. C'est que plusieurs in-
fluences peuvent modifier la loi que nous venons de for-
muler. Parmi celles qui sont plus importantes, nous
citerons le poids du corps, l'état d'obésité et l'àg'e des
individus.
Plus les animaux sont petits, moins de temps ils ré-
sistent à l'inanition, et moins ils peuvent perdre de leur
poids.
Dans nos autopsies, nous avons remarqué que la
graisse avait presque entièrement disparu. Cette sub-
stance éprouve donc une déperdition proportionnelle-
ment plus forte que celle qui est subie par les autres
parties du corps : aussi la perte additionnelle provenant
du tissu adipeux influe-t-elle d'une manière sensible sur
la valeur de la perte intégrale. Chez les animaux gras,
la perte peut s'élever aux 0,5 de leur poids initial avant
que la mort survienne.
L'àg'e des animaux exerce surtout une grande in-
fluence sur la manière dont ils supportent l'abstinence.
Hippocrate avait dit : « Les vieillards supportent très-bien
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 283
l'abstinence; l'homme dans 1 ug*e mur, moins; les ado-
lescents, mal ; les enfants moins encore que les autres. »
L'expérience a confirmé cette observation du père de la
médecine. Les jeunes animaux sur lesquels nous avons
expérimenté n'ont perdu que les 0,2 de leur poids
primitif. C'est aussi à ce résultat que Ghossat est ar-
rivé.
Les troubles de la nutrition se révèlent promptement.
Quelques jours suffisent pour modifier l'habitude du
corps et imprimer de profonds changements dans la
physionomie. «Au bout de quatre jours, dit Savigny,
nous étions devenus méconnaissables; nous n'étions
plus que les ombres de nous-mêmes. »
Voici les signes de la nutrition en souffrance. Le
teint devient terreux, grisâtre, la peau se plisse, se
ride, se dessèche, se parcheminé; l'amaigrissement fait
des progrès, les membres perdent leur grosseur et leur
forme arrondie, les muscles se dessinent, les saillies
osseuses et les dépressions s'accentuent; la face présente
des rides, les joues se creusent, le menton devient
pointu, les orbites s'excavent, l'œil qui conserve son vo-
lume est proéminent et brille d'un éclat remarquable;
la cornée se couvre de mucus desséché, et même s'ulcère
et 'peut se perforer; le ventre est aplati ou creusé en
carène.
Les plaies des animaux inanitiés ne se cicatrisent
qu'imparfaitement, la formation du cal et la consoli-
dation des fractures sont très-difficiles et môme ne se
font pas.
VIII.
Des effets de l'abstinence complète sur les fonctions
de la vie de relation.
i° Fonctions musculaires. — Du premier jour à l'avant-
dernier, les fonctions musculaires n'offrent rien de par-
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28 1 PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
ticulier à noter, sinon un certain degré d'affaiblisse-
ment. L'animal exécute tous les mouvements qui lui
sont propres: il marche, s'agite, saute et court, fait des
efforts pour rompre les entraves qui le retiennent. Quel-
ques animaux que nous avons laissés en liberté dans un
appartement allaient et venaient par moments, mais le
plus souvent ils restaient dans le repos, s'entassant les
uns auprès des autres pour se réchauffer. Cependant,
l avant-dernier jour, à mesure que le refroidissement
gagne, les forces diminuent rapidement, I animal chan-
celle, se traîne sur le ventre. Nous avons vu la faiblesse
commencer par le train postérieur. Dans le dernier
degré de l'affaiblissement, l'animal reste étendu et de-
meure dans la position qu'on lui donne, ne pouvant
plusse remuer. Enfin, à l'approche de la mort, sur-
viennent quelquefois des convulsions, des spasmes des
paupières, des rigidités, des soubresauts de tendons.
La faiblesse musculaire paraît liée au refroidisse-
ment; elle s'accroît en raison directe de l'abaissement
de la chaleur. Cette particularité est tellement vraie,
qu'en soumettant les animaux arrivés au point de mort
imminente à une température de 35 degrés dans une
étuve, si on parvient à augmenter le degré de leur cha-
leur animale, ils reprennent des forces, ouvrent les
yeux, exécutent quelques mouvements des membres
et, au bout d'une demi-heure, on les voit se tenir debout
et marcher avec assez de facilité. Nous avons pu, en
continuant le réchauffement artificiel, ranimer les fonc-
tions musculaires et la vie pendant plus de quarante-
huit heures.
2° Fonctions cérébrales. — Un fait de haute impor-
tance, c'est que les organes nerveux ne perdent presque
rien de leur masse normale par l'inanition. On conçoit
donc que le résultat du défaut d'alimentation sera de
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 235
rompre l'équilibre entre l'action du cerveau et celle des
autres organes. Au fur et à mesure que la masse du
sang* et le poids des diverses parties du corps diminue-
ront, le système nerveux prendra une prédominance
plus grande.
Dans les premiers jours de jeûne, les animaux sont
assez tranquilles, quelquefois sombres et mornes; cet
abattement alterne avec de l'agitation qui se manifeste
alors par de courts instants. Mais, dans la deuxième pé-
riode, nous voyons l'agitation devenir continuelle et
augmenter jusqu'à la fureur. L'animal va et vient dans
sa prison, cherchant à rompre les entraves qui le re-
tiennent; son aspect est menaçant et sa gueule entr ou-
verte laisse apercevoir une langue rouge et sèche ;
souvent il jette des cris, surtout au lever et à la chute
du jour. A mesure que la chaleur animale baisse, une
légère stupeur commence à engourdir ces êtres et elle
s'accroît d'autant plus que le refroidissement fait des
progrès. Ils deviennent hébétés, regardent avec sur-
prise, et, si on les met en liberté, ils ne cherchent pas à
fuir. Enfin, la sensibilité s'anéantit, les yeux sont fixes
ou fermés et l'animal tombe dans une léthargie dont
rien ne peut le retirer. A ce point de mort imminente,
le moindre mouvement que l'on imprime à l'inanitié
peut déterminer une syncope mortelle. L'animal meurt
quelquefois dans les convulsions.
Quelques exemples ont montré que chez les hommes
les mêmes symptômes cérébraux se manifestaint. Chez
eux, l'excitation mentale peut être portée jusqu'à la
fureur et le délire le plus violent. Sur les J50 naufra-
gés de la Méduse, la moitié voulait briser le radeau, et
engagea une lutte à outrance avec les autres. L'absti-
nence prolongée cause des hallucinations; on sait les
choses extravagantes que raconte de Savigny. Enfin, la
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286 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
méfiance, l'égoïsme, la cruauté sont engendrés par la
faim, cette mauvaise conseillère. Nous ne voulons pas
citer les faits horribles dont parlent les historiens;
cependant, de nos jours, nous avons appris qu'en
Algérie, des parents avaient tué et mangé les chairs de
leurs enfants. Arrêtons-nous sur le bel exemple que
fournirent les mineurs du Bois-Monzil. Ils étaient entre
eux très-affectueux : « Dès le premier jour, ils s'étaient
partagé une demi-livre de pain, un morceau de fro-
mage et deux verres de vin que l'un d eux avait apportés
dans la mine, et deux autres qui avaient mangé avant
d'entrer ne prirent point part à la distribution, disant
quils ne voulaient pas mourir plus lard que les
autres. »
Le sommeil est rare chez les inanitiés, souvent entre-
coupé, plein de rêves pénibles. Le négociant que nous
avons cité note qu'il était arrivé au septième jour sans
avoir pu trouver le sommeil.
CHAPITRE IL
DES EFFETS DE L'ALIMENTATION INSUFFISANTE SUR
LES FONCTIONS.
Après avoir étudié les modifications que l'abstinence
complète imprimait aux fonctions et à la composition
des liquides organiques, nous avons à nous occuper de
l'alimentation insuffisante.
Examinons tout d'abord quand et comment une ali-
mentation est insuffisante.
Elle esl insuffisante quand les aliments digérés et
utilisés ne sont pas proportionnels à la dépense, soit
par une diminution dans leur quantité, soit par un chan-
gement dans leur nature, soit à cause de certaines condi-
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ÉTUDE SUR LA. MORT PAR INANITION. 2S7
fions particulières (maladie, convalescence, âge, sexe,
climat, etc.).
Un grand nombre de physiologistes ont adopté la
théorie chimique de l'alimentation. Avec MM. Boussin-
gault et Payen, ils admettent que l'alimentation est
complète : 1° quand la nourriture assimilée contient une
quantité de principes azotés capable de réparer les perles
des principes également azotés qui sont éliminés de
l'organisme;
2° Quand elle renferme le carbone nécessaire pour
remplacer celui qui est brillé dans la respiration ou
rendu avec les sécrétions.
3° Quand elle est assez chargée de fer et de sels, prin-
cipalement de chlorure de sodium et de phosphates al-
calins, pour restituer à l'économie ceux des principes
salins qui en sont continuellement expulsés;
4° Quand elle contient une dose suffisante de matières
grasses pour suppléer à celles qui sont entraînées par
les sécrétions.
L'homme adulte consomme, en général , dans les
vingt-quatre heures, en carbone et en azote, par la
respiration et les autres excrétions :
Carbone ! Aspiration 250 gr.
uarbone... j Excr6Uons 60
310 gr.
Substances azotées, contenant 20 gr. d'azote 130 gr.
Il faut donc que les aliments pris dans les vingt-
quatre heures contiennent 310 grammes de carbone,
plus 130 grammes de substances azotées renfermant
20 grammes de carbone.
Une ration normale peut être ainsi composée :
Subnaoce aiotée. Carboac
Pain 1000 gr. - 70 gr. = 300 gr.
Viande 280 = 00,26 = 31,46
130/26 331,16
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288 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
Voici la ration journalière du cavalier français :
Matières azoléw Matières dod azotées
sèches séchr»-*.
Viande fraîche 125 gr. 70 »
Pain blanc, de soupe. . 516 ) ^
Pain de munition ... . 750 )
Lêgumiueux 200 20 750
1,591 gr. 154 745
Boisson : quantité variable » «t
En général, l'homme adulte et bien portant de nos
climats consomme de 2 kil. 500 gr. à 3 kilog. de nour-
riture solide et liquide dans les vingt-quatre heures. La
somme de toutes les évacuations et exhalations est, en
moyenne, égale à ce chiffre.
La ration alimentaire est donc de la vingtième à la
vingt- cinquième partie du poids du corps.
Il est également intéressant de savoir la quantité de
lait que prend l'enfant nouveau-né. M. Bouchaud, par
des pesées faites avant et après chaque tétée, est arrivé
à donner les chiffres suivants :
Le Ier jour, l'enfant neprenl presque rien, environ 30 gr.
Le 2* jour, il prend un peu plus 150 «
Le 3# jour, la sécrétion du lait s'opère, il prend.. . 400 «
Les 4e et 5e jours, le lait est abond int, il prend.. . 550 «
Du 25" jour au 2« mois, il prend 600 à 600 gr.
Du 2« au 4" mois 649 à 72-4 «
Au 5« mois 808 à 896 «
Au 7e mois 1,000 gr.
Nous sommes loin d'admettre comme fondées les
théories de l'alimentation données par les chimistes.
Nous ne regardons pas l'organisme comme une machine
qui consomme tant par jour et doit avoir tant pour son
entretien. Nous traiterons plus tard cette question.
Constatons pour le moment que les rations d'entre-
tien varient de beaucoup d'un individu à l'autre; la
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 289
constitution, la taille, l'âge , les habitudes, les tra-
vaux, etc., modifieront la quantité d'aliments néces-
saire pour chacun.
Si l'on ne donne à un homme en santé que le tiers
de la quantité d'aliments qu'il consomme habituellement,
ou si sa ration devient de plus en plus petite, il ne tarde
pas à dépérir et à mourir d'inanition.
L'alimentation peut être insuffisante par la qualité,
la nature des aliments. Les expériences de Magendie,
Tiedemann et Gmelin, Burdach, ont démontré l'insuffi-
sance des aliments non azotés pris isolément , tels que
le sucre, la gomme arabique, l'amidon cuit, le beurre, l'a-
xonge. Les principes immédiats azotés, pris isolément ou
mélangés artificiellement, ne peuvent non plus entretenir
la nutrition. Une foule d'exemples et l'histoire des fa-
mines ont prouvé que l'alimentation herbacée est insuf-
fisante pour l'homme ; cette insuffisance ne vient pas de
la composition de l'aliment, mais de la constitution de
nos organes digestifs, qui ne peuvent pas utiliser con-
venablement ces substances.
Le pain uni à l'eau peut n'être pas insuffisant pour
l'homme placé dans des conditions très -favorables;
mais, le plus souvent, il doit être considéré comme trop
peu nutritif. Cet infortuné Starck, qui mourut victime
d'expériences faites sur lui-même, se mit pendant qua-
rante-cinq jours au pain et à l'eau ; il s'affaiblit beau-
coup et perdit 4 kilogrammes. En général , une seule
et même substance ne peut suffire à l'entretien de la vie
de l'homme.
L'eau entrant en grande proportion dans les tissus, il
semble qu'il soit très-important d'en réparer les pertes.
Nous savons déjà que les animaux privés d'aliments en
boivent peu. Cependant, l'usage modéré de ce liquide
est très - avantageux , car, dans l'inanitiation , il pro-
TOMR XXX11. — OCTOBRE 1870. 19
Digitized by Google
290 PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
longe la vie de plus du double de temps. Les pertes en
liquides qui s'opèrent incessamment par les diverses
voies d'excrétion (urine, évaporation cutanée et pulmo-
naire) expliquent ce résultat. Cependant . Chossat a vu
que Tinjection d'eau, hors des proportions de la soif,
tendait ù abréger l'existence.
L'absence du chlorure de sodium peut rendre l'ali-
mentation insuffisante; il doit fournir les sels de soude
nécessaires à l'entretien de la vie animale, et, de plus,
l'acide chlorhydrique, agent principal de la dissolu-
tion des substances albumineuses, fibrineuses, gélati-
neuses. Les phosphates alcalins et le fer sont également
indispensables.
L'alimentation peut devenir insuffisante parce qu'elle
est mal réglée, mal utilisée. Il y a longtemps qu'on a
dit : ce n'est pas ce qu'on mange qui nourrit, mais ce
qu'on digère, et nous ajouterons, avec M. Bouchardat,
ce qu'on utilise. Voyez ce jeune enfant qu'on gorge de
bouillie indigeste ou de viande, alors qu'il n'a pas de
dents; voyez ce vieillard, qui ne peut pratiquer qu'une
mastication incomplète, et auquel on donne des ali-
ments durs et grossiers; voyez ce glycosurique qui con-
somme tant chaque jour. Tous ces individus n'ont
qu'une alimentation insuffisante, parce qu'ils ne s'assi-
milent pas la moitié peut-être de ce que leur estomac
absorbe. La ration normale doit être réglée d'après
l'âge, le sexe, la constitution, l'état de santé ou de ma-
ladie, les travaux, le climat, etc. Ainsi, dans les climats
froids, on doit faire un usage plus grand de la viande
et des alcooliques que dans les pays chauds. L'habitant
des campagnes, quoiqu'il se livre à des travaux fati-
gants, peut se contenter d'une nourriture moins azotée
que l'ouvrier des villes, car l'exercice en plein air lui
fait utiliser infiniment mieux les féculents.
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 291
Ces préliminaires posés, voyons les effets de l'alimen-
tation insuffisante sur l'économie animale.
L'homme est soumis à la même loi générale que dans
l'abstinence complète : il meurt quand le poids du corps
a atteint la limite de déperdition compatible avec
la vie.
Plusieurs auteurs avaient déjà fait cet intéressant
rapprochement entre les effets de l'alimentation insuf-
fisante et ceux de l'abstinence complète. Chossat l'a
établi expérimentalement, et nous-môme, sur plusieurs
animaux, nous l'avons vérifié. Cependant, nous devons
faire observer que la perte intégrale proportionnelle
s'est souvent élevée à 0,45 et même à 0,50, surtout
quand le déficit d'aliments n'était pas considérable, et
que l'inanition arrivait lentement.
Il se manifeste, du vivant des individus, une série de
phénomènes qui peuvent, quant à leur marche, faire
comparer ces deux degrés d'une même modification aux
différences qui séparent les affections aiguës des affec-
tions chroniques. Dans le cas de privation complète
d'aliments, les progrès du mal sont rapides et offrent
au summum certains symptômes qui se reproduisent
plus lentement, plus sourdement dans les cas d'alimen-
tation insuffisante.
A mesure que l'insuffisance d'aliments se prolonge,
la sécrétion du suc gastrique devient de plus en plus
rare , de sorte que les aliments sont de plus en plus
difficilement digérés ; l'estomac oublie, ou, pour mieux
dire, ne trouve plus sa puissance d'élaboration. L'ali-
ment finit par être comme un corps étranger qui l'ir-
rite, et il en résulte souvent des vomissements de ma-
tières non digérées et une abondante diarrhée.
Les sécrétions diminuent ; les urines et les fèces sont
en moindre quantité, cependant en abondance relative-
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292 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
ment plus grande que celle que la ration alimentaire
consommée devrait produire. La chaleur animale offre
les oscillations que nous avons remarquées pour l'absti-
nence complète; elle baisse chaque nuit plus qu'à l'état
normal, pour remonter pendant le jour. Les mouve-
ments respiratoires deviennent plus lents à mesure que
la faiblesse augmente. La circulation suit les mêmes
phases que la respiration. Le pouls baisse, le choc du
cœur contre les parois thoraciques est moins fort. Les
fonctions musculaires et cérébrales s'affaiblissent pro-
gressivement, et l'animal, arrivé au marasme, eng-ourdi
par le refroidissement inanitial, meurt quand son corps
est réduit à la limite de déperdition.
CHAPITRE III.
DES EFFETS DE L'iNANITION SUR LES ORGANES.
Nous arrivons à une partie importante de notre tra-
vail. Après avoir étudié les symptômes qui font recon-
naître l'inanition, il est naturel d'examiner les traces
qu elle laisse sur le cadavre.
On n'imaginerait pas, dit Redi, combien les parties
intérieures sont belles chez les animaux qui sont morts
de faim. Cette observation est bien vraie ; nous n'avons
pas rencontré, comme effet de l'inanition, de lésions dans
les organes, ni dans l'estomac, ni dans les intestins, de
sorte qu'il n'est pas possible d'admettre Yhumorum acri-
monia spontanea de Haller.
Habitude extérieure. — Chez quelques animaux que
nous avons ouverts quarante-huit heures après leur
mort, l'odeur des cadavres était excessivement forte;
les muscles déjà ramollis indiquaient une décomposition
rapide : il faut noter (pic ces autopsies se faisaient en
été.
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 293
L'émaciation est portée au plus haut degré ; les reliefs
musculaires ont disparu, toutes les saillies osseuses se
dessinent parfaitement; le corps ressemble à un sque-
lette, et la peau de l'abdomen est, pour ainsi dire, collée à
la colonne vertébrale. On trouve disséminées sur l'enve-
loppe cutanée des taches bleuâtres, semblables à des
ecchymoses; les extrémités du corps offrent une teinte
cyanosée , la foce toute ridée présente un aspect très-
prononcé de vieillesse. La peau est sèche , âcre au tou-
cher, recouverte d'une espèce d'enduit pulvérulent noi-
râtre, qu'on ne peut enlever par les lotions ou frictions.
Tissu adipeux. — Le tissu cellulaire est réduit aux
plus minces proportions ; il est desséché, condensé ; la
graisse a , en général , à peu près disparu de ses aréo-
les, car on n'en trouve plus ni dans les interstices des
muscles, ni dans lesépiploons. Chez les sujets qui étaient
très-gras, ou chez les animaux très-jeunes, il en reste
encore en quantité appréciable sous la peau. La perte de
la graisse a été, dans les expériences de Chossat, des neuf
dixièmes en moyenne.
Système musculaire. — Tous les muscles sont décolo-
rés, amincis et comme atrophiés ; les aponévroses sont
très-brillantes et comme argentées. La perte subie par
les muscles est considérable ; elle est un peu supérieure
à la perte intégrale proportionnelle de la totalité du
corps ; nous l'avons trouvée en moyenne de 0,45. après
dessiccation à l'étuve. Un fait signalé par Col I art de
Martigny et Chossat, c'est que la déperdition s'exerce
plus énergiquement sur les muscles qui restent dans un
repos forcé que sur ceux dont les mouvements entre-
tiennent l'action nutritive ; en effet, les muscles du
tronc sont presque membraneux, l'atrophie est moins
prononcée dans les muscles du cou et des membres.
Appareil vasculaire. — Cœur. — On a trouvé rarement
294 PHY8I0LOOIE EXPÉRIMENTALE.
un épanchement séreux dans le péricarde. Le cœur est
toujours diminué de volume, les parois sont amincies
et ne contiennent pas de graisse. La perte intégrale pro-
portionnelle est semblable à celle des autres muscles. Ce
résultat est constant et d'une haute importance pour les
conséquences pratiques qui en découlent : le poids du
cœur diminuant graduellement comme celui des autres
muscles, l'état des muscles pourra donc servir de crité-
rium pour juger de l'état du cœur. Ainsi atrophié, ses
proportions, chez l'adulte, sont celles d'un enfant de
8 à 10 ans. De sorte qu'il faudrait, pour que la vie se
continuât chez l'inanitié, que le cœur d'un enfant pût
entretenir la circulation dans le corps de l'adulte.
Les cavités du cœur sont remplies d'un sang noir for-
mant un caillot mollasse; quelquefois on trouve des
concrétions fibrineuses décolorées assez adhérentes aux
parois. La crosse de l'aorte, les veines caves, l'ar-
tère pulmonaire contiennent une petite quantité de
sang.
Le système de la veine-porte en est quelquefois gorgé.
Nous savons que le sang perd les 0,06 de son poids
normal.
Système lymphatique. — Les ganglions lymphatiques
sont très-dé veloppés, quelquefois injectés, surtout dans
l'abdomen.
Appareil pulmonaire. — La muqueuse trachéale est
pâle ; la plaie faite aux anneaux de la trachée n'est pas
cicatrisée, tandis que l'incision faite à la peau l est tou-
jours. Les poumons sont peu rosés, crépitants, n'offrant
aucune trace d'engouement à leur partie postérieure ou
inférieure. Chossat n'a pas trouvé plus que nous de
traces d'altération morbide. Guislain etFeschel ont quel-
quefois constaté la gangrène du poumon chez les fous
inanitiés. La perte intégrale proportionnelle a été de
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 295
0,22, après dessiccation à letuve : nouvelle preuve de
l'heureuse influence de l'exercice d'un organe.
Appareil digestif. ~ La voûte palatine est cyanosée ;
les dents et la langue sont rarement encroûtées de fuli-
ginosités; le plus souvent la langue est décolorée et
nette; de même que la muqueuse qui tapisse le pha-
rynx et l'œsophage, le tube œsophagien est rétréci.
M. Bouchaud a vu, chez Jes enfants nouveau-nés, la
mortification du rebord gingival inférieur et antérieur,
avec nécrose de l'os sous-jacent.
L'estomac est déplacé par suite de sa diminution de
volume ; retiré en partie des lames antérieures du grand
épiploon, il est un peu éloigné des vaisseaux gastro-
épiploïques, droit et gauche, qui ceignent sa grande
courbure. Il est toujours fortement revenu sur lui-
même, au point même qu'il est réduit quelquefois au
volume du gros intestin, ainsi que l'ont vu Rolando et
• Porto-Gallo ; nous ne l'avons jamais vu aussi rétracté.
Ce qui frappe, à l'ouverture de ce ventricule, ce sont
les nombreux replis qui les sillonnent. Ces replis se diri-
gent transversalement du cardia au pylore ; très-nom-
breux à la grande courbure ou bord inférieur, on les
voit diminuer à mesure qu'on se rapproche de la petite
courbure, où l'on n'en trouve plus. Ces replis sont dus
au raccourcissement des fibres musculaires.
On trouve toujours dans l'estomac un liquide plus ou
moins abondant, plus ou moins coloré, variant du vert
foncé au jaune clair, visqueux, qui n'est autre chose
que de la bile, comme l'analyse nous l'a fait voir.
Chez trois chiens , nous avons trouvé des vers lom-
brics, ayant 3 ou 4 centimètres de largeur.
La membrane muqueuse ne présente dans toute son
étendue ni rougeur, ni injection ; elle est blanche, ex-
sangue, légèrement colorée en jaune vers le pylore. Elle
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296 PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
a sa consistance normale vers la grande courbure, mais
vers le cul-de-sac des oriûces cardiaque et pylorique, elle
est ramollie , épaissie , tout en conservant sa texture
membraneuse. Cet état n'est pas inflammatoire , car il
ne s'accompagne ni de routeur, ni d'injection. Il est du
à l'imbibition du liquide qui baigne l'estomac, imbibi-
tion qui altère les propriétés du tissu, mais n'en opère
point la dissolution. Chossat a montré que, par la des-
siccation à l'étuve , la membrane muqueuse laisse éva-
porer 33 0/0 d'eau, et qu'alors on la trouve d'un poids
moindre qu'à l'état normal; sa perte est de 0,01. Regar-
dons donc comme bien démontré, par une foule d'exem-
ples sur les animaux et d'observations recueillies sur
l'homme, que la muqueuse stomacale ne s'ulcère, ne se
corrode, ni ne s'enflamme par le fait d'inanition. La
perte de l'estomac pris dans sa totalité est de 0,33.
Le tube intestinal est dans toute sa longueur d'un
diamètre moins considérable qu'à l'état normal ; il est
diminué de plus d'un quart de sa circonférence. Les
tuniques sont amincies , transparentes. On trouve de
la bile plus ou moins épaisse , plus ou moins modifiée
dans les intestins. La muqueuse est ridée, blanchâtre,
sans arborisations, ne présentant aucune altération pa-
thologique. La perte du canal intestinal est de 0,42
(Chossat). Pour des tuniques aussi minces que celles de
l'intestin , une perte de moitié de leur poids eût été de
nature à entraîner des ruptures , mais il y a compensa-
tion par le raccourcissement dans la longueur du tube;
il est diminué d'un quart de sa longueur première.
Glandes de T appareil digestif. — Ces organes paraissent
réduits à leur propre parenchyme. Le foie est d'une cou-
leur rouge tirant sur le jaune ; il contient très-peu de
sang, et les vaisseaux qui le sillonnent n'en contiennent
pas davantage. La perte de poids du foie est de plus de
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 297
la moitié du poids initial; elle est de 0,520. La vésicule
est distendue par une grande quantité de bile jaunâtre,
liquide.
La rate ne diminue fortement que dans les derniers
jours de la vie; elle se vide de sang*, et à l'autopsie on
la trouve ratatinée, d'une teinte pâle, assez consistante.
Sa perte est plus considérable que celle du foie : elle est
de 0,70.
Le pancréas est remarquable par la vacuité de ses
vaisseaux et son extrême petitesse; il a perdu les 0,64
de son poids primitif.
Ainsi , remarquons que les organes glanduleux, an-
nexes de l'appareil digestif, ont perdu plus que la moitié
de leur poids. Cette atrophie est pathognomonique de
la mort par la faim.
Appareil gênito-urinaire. — Les reins sont pâles, exsan-
gues ; plus de tissu adipeux qui les environne; leur perte
est moindre que celle des org'anes précédents; elle n'est
que de 0,37. On voit qu'avec les poumons ils continuent
leur fonction. La vessie, revenue sur elle-même, ren-
ferme un peu d'urine d'une couleur jaune pâle. Les vé-
sicules séminales ne contiennent jamais de sperme ; les
testicules sont comme atrophiés.
Système nerveux. — Le cerveau et ses enveloppes pré-
sentent quelquefois les signes d'une légère congestion ;
les veines sont pleines de sang1, les méninges offrent des
réseaux finement injectés. Point d'épanchement séreux
ou sanguin. Dans plusieurs cas, nous n'avons rien
trouvé d'anormal dans les centres nerveux. Le fait di-
gne de remarque, c'est que ces org'anes , au milieu de
la ruine de tous les autres, conservent presque intégra-
lement la totalité de leur poids.
Système osseux. — Il n'éprouve qu'une déperdition
légère, environ 0,16. M. Bouchaud a trouvé chez les
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298 PÀTHOOÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
nouveau-nés morts d'inanition, le crâne diminué de
volume par le chevauchement des os. L'occipital est
presque toujours au-dessous des pariétaux; ceux-ci
sont généralement l'un au-dessous de l'autre, et les
frontaux au-dessous des pariétaux. La membrane
fibreuse s'est rétractée, et le périoste externe, la dure-
mère se conforment à cette disposition nouvelle des os.
Yeux. — La cornée est flasque, opaque, sans ulcéra-
tion chez les animaux. Chez l'homme, l'ulcération et
la perforation ont été observées plusieurs fois. Si on
pèse les yeux immédiatement après la mort , on voit
qu'ils n'ont pour ainsi dire rien perdu de leur poids.
TABLEAU DE LA PERTE DE POIDS DES ORGANES
D APRKS CHOS5AT.
Parties qui perdent plusque
la moyenne de 0,400
Graisse 0,933
Sang 0.750
Rate 0,714
Pancréas 0,641
Foie..... 0,520
.Cœur...! 0,448
Intestin 0,424
Muscles locomoteurs 0,423
Parties qui perdent moins
que la moyenne de 0,400
Estomac 0,397
Pharynx, œsophage 0,342
Peau
Reins
Poumons 0,222
Système osseux 0,167
Yeux 0,100
Système nerveux 0,019
0,333
0,319
TABLEAU DU POIDS DES ORGANES INAN1TIÉS
d'après nos bxpéribkces.
-0
n O
S E
* B.
O
| Coear.
Foie.
SB
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s
1
S
T5
3.
«•
m
S?
a
«S
3
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S'
ff
«
Lapin., n.
1
1276
8,05
19
0,13
8,80
. • •
6,50
0,38
» n.
8
2490
14,10
35.05
0,24
16,
1,25
18.30
12.80
0,46
Cocbon n.
1
480
2,80
6.70
0,08
3,50
0,75
• • •
2.60
0,35
Cbat... n.
1
86
0,40
3.40
. . •
• • «
• • • •
1.20
9,16
» n.
2
216
6,65
2,20
6,03
1.40
0.27
» n.
3
1075
17.
0,10
7.05
• • *
• • •
6. .
0,39
» n.
7
2530
15.
39.10
0,22 17.60
1.15
20
13.
0,38
Chien . n.
3
2205
13,25
33.75
0,21 13.20
1.65
18.15
11.90
0,42
» n.
5
4900
31
75. !
0,50 34.
0,75
3.20
36.10
25.
0,39
» n.
0
6600
45.30
110
5.
• .
33.15
0.45
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 299
Pour servir de terme de comparaison , nous avons
fait périr par strangulation des animaux bien portants
et autant que possible de même poids que ceux morts
d'inanition. Voici les résultats:
TABLEAU DU POIDS DES ORGANES A L'ÉTAT NORMAL.
Lapin. . . n. 1
» n. 2
Chat. . . . n. 1
» n. 2
Chien . . . n. 1
CHAPITRE IV.
Il nous reste encore deux questions intéressantes à
traiter : examiner quelle est la durée de la vie lorsqu'il
y a abstinence complète ou insuffisance d'aliments;
rechercher la cause de la mort par inanition. Nous
étudierons ensuite le réchauffement artificiel des sujets
inanitiés.
1.
De la durée de la vie
A. Dans ï abstinence complète. — La durée de la vie
chez les animaux qu'on inanitie est loin d'être la même ;
nous en avons vu mourir le troisième jour, et d'autres
ont résisté pendant trente jours, sans avoir eu ni bois-
son, ni aliments pendant tout ce temps. En réunissant
tous nos chiffres , nous voyons que la durée moyenne
de la vie a été de onze jours.
Depuis Pline, qui a dit que la mort par la faim n'ar-
rivait pas fatalement chez l'homme le septième jour,
les auteurs ont cité un grand nombre d'exemples où
la vie s'était prolongée bien au delà de ce terme.
s — n
„2. %
"S
2
•23
V
1-220 14.80 41.
0.30
1
c
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I ? •
0.90
2540 25.
60.50
0,82
19.20
65.
60 0,60
2000 19.50
52.
0.65
16.50
8.80 H
5200 55.
425.
2,25
.....
... 160
8.90
16.
1.40
.....
...
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300 PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
On a vu des enfants nouveau-nés mourir après trois
jours de privation d'aliments; des adultes ont survécu
huit jours, dix jours, quinze jours, et même plus de
trente jours.
La durée de la vie dépend de conditions multiples :
elle est modifiée par l'âge, par l'état de la nutrition ,
par le repos ou l'exercice, par le milieu ambiant (tem-
pérature, atmosphère).
C'est l'âge plus qu'aucune autre condition qui influe
sur la durée de la vie. Plus les animaux sont jeunes,
plus promptement la mort arrive. Dans les premiers
jours de l'existence , la privation complète d'aliments
entraîne la mort du troisième au sixième jour.
Les individus chargés d'embonpoint endurent plus
longtemps la diète complète, car alors la graisse est une
réserve qui fournit à la respiration. Toutefois, ce serait
une erreur de croire que la mort ne puisse arriver
avant l'absorption complète de la graisse : chez les per-
sonnes grasses, le sang n'est ni abondant, ni riche,
et la graisse ne fournit pas d'aliment suffisant à la nu-
trition .
Plus la perle intégrale a été forte, plus la durée de la
vie a dû être longue. L'influence de la perle quotidienne
proportionnelle est précisément l'inverse de la précé-
dente, c'est-à-dire que plus la perte quotidienne s'est
trouvée grande, moins l'existence s'est prolongée, et
vice versâ. Ainsi, tous les excitants des fonctions vitales,
les mouvements, un air vif et sec, le froid, l'insomnie,
l'état de santé tendent à augmenter la perle journalière,
tandis que le repos, l'habitation dans un lieu bas et
humide, le sommeil, l'état maladif, sont des conditions
qui font plus longtemps supporter l'abstinence.
B. Dotis f alimentation insuffisante. — L'eau prise en
boisson prolonge de beaucoup la durée de la vie chez
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ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 301
tous les êtres. Granié et l'amaurotique, qui firent usage
d'eau pendant l'inanition, résistèrent l'un pendant 65
jours, et l'autre pendant 47 jours. La femme citée par
M. Bouchaud a vécu 68 jours, prenant à peine quel-
ques gorgées de boissons alimentaires. Par nos expé-
riences sur les animaux , nous pouvons dire qu'en gé-
néral la vie se prolonge du double chez ceux qui pren-
nent des aliments liquides. Toutefois, on prévoit que la vie
se prolongera d'autant plus que le déficit de la ration
sera moindre. Enfin, certains états morbides (névroses),
l'habitude de manger peu permettent à des individus
de résister longtemps à une alimentation insuffisante.
Il existe , dans les annales de la science, un certain
nombre de cas d'abstinence prolongée dans l'espèce hu-
maine. Haller raconte qu'une jeune fille indigente, et
qui ne voulait pas avouer sa pauvreté, se priva d'ali-
ments pendant 78 jours, se bornant à sucer du jus de
citrons. Il cite une autre femme qui, ne prenant que de
l'eau, résista quatre mois ; une nommée Maria Jeufels
qui, dans les mêmes conditions, vécut un an ; une autre
encore, dont l'existence se prolongea pendant trois ans ;
enfin, une jeune fille qui ne mourut qu'au bout de
quatre ans.
Mackenzie (Transactions philosophiques) rapporte l'his-
toire d'une fille qui, depuis dix-huit ans, avait les mâ-
choires serrées et n'avait rien pris depuis quatre ans.
Une Ecossaise vécut huit ans sans rien prendre, sinon,
en quelques occasions, un peu d'eau.
Fabrice de Hilden, qui paraît avoir pris ses précau-
tions pour ne pas être dupe, dit qu'Eva Flegen n'avait
bu, ni mangé, pendant seize ans.
En admettantqu'ily ait eu, dans certaines observations,
de la supercherie, on ne peut se refuser à croire qu'il y
en ait d'authentiques. « En 1836, écrit P. Bérard dans
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302 PHY3IOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
son Cours de physiologie, M. le Dr Lavig-ne m'invitait à
aller voir à Lagny une femme de 52 ans qui , après
s'être réduite, pendant i9 mois, à un verre de lait psr
jour, n'avait pris, depuis 5 mois, ni aliments, ni bois-
sons. En 1839, M. Parisot m'a communiqué l'observa-
tion d'une fille de Marcilly (Haute-Marne) qui , depuis
6 ans, n'avait pris aucune nourriture solide, et aucune
boisson depuis 5 ans. En 1836, M. Plong-eau m'a écrit
avoir vu, à Ayvens (Cantal), une femme de 48 ans qui,
depuis 8 ans, n'avait pris aucune nourriture. »
J'ai vu, pour ma part, trois faits semblables. Chez
une fille de 20 ans, l'abstinence a été de 15 mois, chez
une autre de 4 ans ; à peine si elles prenaient 100 gram-
mes de boisson par jour. Encore aujourd'hui, à Lin-
celles (Nord), vit une fille qui, depuis 20 ans, est cou-
chée emmaillotlée dans son lit, sans mouvements, nul-
lement décharnée ; elle prend à peine 60 grammes par
jour d'eau, de lait ou de jaune d'œuf. Elle n'urine que
tous les huit jours, n'a de selle que tous les mois. Ces
trois filles étaient hystériques.
La persistance de la vie ne peut s'expliquer, dans ces
cas extraordinaires, que par l'extrême lenteur des mé-
tamorphoses vitales. Les observations montrent que ces
sujets sont des femmes hystériques qui restent con-
tinuellement couchées , sans mouvements , sans faire
usagée de leurs sens, ne fournissant que peu d'excré-
tions.
DT Bourgeois.
— La suite au prochain numéro. —
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HYGIKNE
303
HYGIÈNE
IL FAUT ISOLER LES BLESSÉS.
L'isolement des blessés est une condition d'une
importance capitale pour la guérison. Ce fait a été
démontré depuis bien des années par les statistiques
les plus incontestables, et il serait superflu de revenir
aujourd'hui sur une démonstration qui ne trouve plus
de contradicteur. Tous les chirurgiens enseignent que
les grandes opérations réussissent bien plus souvent en
ville qu'à l'hôpital, et tous, quand ils le peuvent,
recherchent cette condition de l'isolement quand ils ont
à pratiquer une opération périlleuse, comme l'ova-
riotomie, par exemple.
Pourquoi alors réunir des masses de blessés par arme
de guerre dans le même, établissement et créer l'encom-
brement, quand il faudrait isoler les malades? Parce que
nos chirurgiens ne peuvent renoncer au préjugé tra-
ditionnel des grandes salles d'hôpital, des grands
services; champ aussi fertile en décès qu'en beaux tra-
vaux chirurgicaux et en grandes statistiques.
Qu'est-il résulté de cette pratique, condamnée par
tous les maîtres de notre époque?
C'est que, dans certaines ambulances, la pourriture
d'hôpital s'est développée concurremment à la diathèse
purulente, et que presque tous les hommes atteints de
blessures graves ou soumis à de grandes opérations ont
succombé, et ont succombé malgré le talent incontes-
table des chirurgiens qui les ont opérés, et les soins
assidus et intelligents dont ils étaient entourés
On a objecté, à la nécessité d'isoler les blessés, l'im-
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304 HYGIÈNE.
possibilité ou au moins la difficulté extrême pour les
chirurgiens de pratiquer de grandes opérations sur des
malades ainsi disséminés chez les habitants et dans
les petites ambulances.
A cela , je répondrai d'abord qu'il vaudrait cent fois
mieux pour un blessé être privé des soins d'un grand
chirurgien que de prendre la diathèse purulente ou la
pourriture d'hôpital : dans le premier cas, le malade
peut encore gaiérir avec des soins médicaux et les
efforts de la nature, tandis que, dans le second, la mort
est presque fatale.
Mais nous ne sommes pas réduits à cette alternative;
les grandes ambulances peuvent être divisées en petites
ambulances de deux lits au plus, larg-ement espacées et
aérées. La moitié seulement de ces subdivisions sera oc-
cupée, afin que, lorsqu'une affection contagieuse s'est
développée dans un de ces compartiments, on puisse
l'aérer et le désinfecter avant d'y mettre d'autres
blessés. Cette méthode, appliquée à la Maternité de
Houen,a pour ainsi dire fait disparaître la fièvre puer-
pérale de cet hôpital, or la fièvre puerpérale et les acci-
dents des opérés et des blessés sont absolument de
même nature.
On pourrait ensuite réserver pour les ambulances
desservies par les chirurgiens les blessés qui doivent
subir de grandes opérations, les autres seraient distri-
bués dans les petites ambulances et chez les particu-
liers. Cette mesure aurait un double avantagée : mettre
les blessés qui n'ont pas d'opération à subir dans d'ex-
cellentes conditions de guérison, empêcher l'encombre-
ment des ambulances à opération. Les opérés en voie de
guérison pourraient aussi être évacués dans les ambu-
lances particulières. Ce serait une excellente mesure qui
amènerait la réussite d'un plus grand nombre d'opéra-
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ACADÉMIE DE MEDECINE. 305
tions. Nous savons, du reste, que certains chirurgiens
ont déjà eu recours à cette pratique.
Pourquoi enfin ne pas expérimenter à Paris la tente-
hùpital, qui, d'après des statistiques récentes, a donné
de si beaux résultats pendant la guerre de la Sécession?
Ces tentes peuvent être chauffées, et par conséquent
servir dans la mauvaise saison. L' aération continue
que subissent les malades dans ces tentes remplace,
paraît-il , l'isolement que nous réclamons pour les
blessés et les opérés.
Que ceux qui dirigent le service chirurgical de la
guerre se rappellent que les grandes salles, les beaux
services, constituent un terrain aussi fécond en décès
qu'en grandes opérations, et ils se hâteront d'adopter des
mesures qui auront pour résultat d'amoindrir un peu
les horreurs de la guerre.
Dr P. Jousset.
ACADÉMIE DE MÉDECLXE
LA VARIOLE, LES REVACCINATIONS MILITAIRES,
LE VACCIN DILUÉ.
Depuis six semaines, l'épidémie de variole a beaucoup
augmenté. Cette augmentation pèse entièrement sur
les populations réfugiées à Paris et sur les mobiles de
province ; ses victimes sont exclusivement des personnes
non vaccinées ou non revaccinées, aussi les cas sont-
ils très-graves et la mortalité considérable. Le bulletin
de la semaine dernière nous donnait le chiffre de 461
morts ; tandis qu'il y a quelques mois, alors cependant
que la population était très-eflVayée de la petite vérole,
TOUB XXXII. —OCTOBRE 1870. -J)
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30G ACADÉMIE DE MÉDECINE.
le chiffre do la mortalité oscillait autour de 200 par
semaine.
L'Académie de médecine a compris qu'en face de cet
ennemi elle avait une arme efficace, la vaccine, et elle a
déployé une louable activité dans l'œuvre des vaccina-
tions cl des revaccinations. Elle s'est adressée directe-
ment au «rénéral Troehu pour lever les obstacles que
suscitait la routine de l'administration militaire, et le
gouverneur d > Paris a pris les mesures nécessaires pour
que tous les mobiles fussent revaccinés. Il ne faut pas,
en effet, quand on a l'occasion dose faire tuer glorieu-
sement pour la patrie, mourir bêlement de la petite vé-
role comme une vieille femme.
M. DepauL ayant annoncé (pie la vaccine était rare,
M. Davaine a proposé de diluer le vaccin. On se rap-
pelle que ce! observateur a démontré que le sany de rate
à la 3' dilution était encore contagieux. C'est le même
ordre d'idée qui l'a conduit à diluer le vaccin.
P. Joi sset.
Dans la séance ilti 21) septembre dernier, notre savant collègue
AI. De-paul a annoncé qu'il est difficile de se procurer actuellement
du vaccin à Paris. U existe, à ce que je crois, un moyen facile de
multiplier une quantité donnée- de ce virus moyen auquel il pa-
raîtrait qu'on n'a pas eu recours : c'est d'étendre le fluide vaccinal
d'une certaine quantité d'eau. Si je ne me trompe, on a reconnu
expérimentalement que le vaccin ne perd point ses propriétés viru-
lentes, m«me lorsqu'il est étendu de 150 parties d'eau.
Au mois d'avril denier, j'ai été amené à faire usage de vaccin
étendu d'une assez içraud ' proportion d'eau; voici dans quelles cir-
constances : J'avais réuni, pour les revacciner, un certain nombre
de personnes, le vaccin devait in'etrc fourni par un enfant pris dans
un bureau île nourrices; mais cet enfant, lorsqu'il me fut amené,
ayant déjï servi à des vaccinations successives chez plusieurs méde-
cins, ne m'ollVit plus que des pustules très-petites et totalement
ëpui-é«y. Fort veiné <le devoir r-nveyer san- les revacciner les per-
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ACADÉMIE DE MEDECINE
:ï07
sonnes très-impatientes de l'être, il me vint dans l'esprit d'essayer
de gonller par endosmose, avec «le l'eau, les lambeaux affaissés «les
pustules, et d'en extraire ensuite le liquide qui serait chargé d'une
certaine quantité de vaccin. Parce procédé, je vaccinai tout mon
monde avec l'intention de les revacciner une autre fois «lans «les
meilleures conditions; mais quelques jours après, je constatai avec
plaisir qu'un assez grand nombre des revaccinés l'avaient été avec
succès. Je regrette de n'avoir pas noté quelle en a été la propor-
tion, mais alors je n'avais nullement songé à livrer ce fait à la
publicité.
Parmi les individus ainsi vaccinés se trouvaient deux hommes,
un cuisinier et un cocher, «mi ne l'avaient jamais été. Sur six pi-
qûres qui ont été faites à chacun, l'un eut six pustules, l'autre
cinq.
Quelques semaines après, le 18 mai dernier, me retrouvant dans
des conditions semblables, j'avais en outre besoin de recueillir «lu
vaccin dans des tubes pour m'en servir le jour même ou le lende-
main. Je le lis par le même procédé, c'est-ù-tlire en plaçant sur la
pustule épuisée une coutte d'eau que je repris dans un tube après
un certain temps, et après fouillé les restes de la pustule avec
la lancette. Quelle a été la portion du fluide vaccinal avec celle de
l'eau? C'est ce que je ne puis dire, mais elle était certainement très-
petite. Ce liquide fut inoculé à plusieurs personnes le jour même et
le lendemain, et produisit chez un certain nombre des pustules de
bonne vaccine.
Je ne supposais pas que ce vaccin, étendu d'une certaine quantité
d'eau, put conserver longtemps ses propriétés. Un jeune médecin
distingué, qui habite Offemont, prés de Compiègne, et qui porte
les mêmes nom et prénom que l'un de nos illustres confrères, le
Dr Marcellin Bcrthelot, m'ayant assisté dans ces vaccinations, eut
la pensée de rechercher pendant combien de temps le vaccin étendu
d'eau conservait ses propriétés. Il emporta donc à la campagne
plusieurs «les tubes remplis d'un mélange «le vaccin et «l'eau re-
cueillis le 18 mai, puis il s'en servit pour les expériences suivantes :
1" expérience. — Ua enfant âgé de huit mois, qui avait été
vacciné deux fois déjà sans succès, est vacciné de nouveau le 27 juin
dernier :
1° Au bras gauche, avec du vaccin frais d'enfant et «le bras à
bras ;
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308 ACADÉMIE DE MEDECINE.
2» Au bras droit, avec le vaccin mêlé d'eau et conservé depuis
quarante jours.
Résultat. — Deux pustules de chaque côté.
2e expérience. — Un enfant âgé de cinq ans, non vacciné, est
vacciné le 2 juillet :
\* Au bras gauche, avec du vaccin irais d'enfant et de bras à
bras;
Au bras droit, avec le vaccin mêlé d'eau ot conservé depuis
quarante-cinq jours.
Résultat. — Trois pustules à gauche, deux à droite.
3e expérience. — Un enfant non vacciné est vacciné le 12 juillet:
1° Au bras gauche, avec du vaccin frais et de bras à bras ;
2° Au bras droit, avec le vaccin mêlé d'eau et conservé depuis
cinquante-cinq jours.
Résultat. — Trois pistules à gauche, deux à droite.
4° expérience. — La même expérience, le même jour et avec les
mêmes vaccins, est faite sur une dame âgée de trente-quatre ans.
Résultat. — Une pustule à gauche, deux à droite.
On voit dans ces faits que le virus-vaccin, étendu d'une certaine
quantité d'eau, n'avait pas perdu ses propriétés après cinquante-
cinq jours de conservation, et cela pendant la saison la plus chaude
de l'année. Il me semble donc que l'addition d'une certaine quantité
d'eau au liquide vaccinal, non-seulement serait sans inconvénient
dans la pratique médicale, mais au contraire qu'elle aurait l'avan-
tage, en cas de besoin, d'augmenter de beaucoup la quantité dispo-
nible de ce virus. Il est encore un avantage qu'elle, peut avoir , c'est
de rendre trés-facile l'introduction du vaccin dans des tubes.
J'eusse voulu, avant de publier ces faits, multiplier les expériences,
déterminer quelle est la quantité relative d'eau qu'on peut mêler au
vaccin sans nuire aux vaccinations, et voir quelle est la durée des
piopriétés vaccinales en rapport avec la proportion d'eau ajoutée ;
mais j'ai pensé que, dans les conditions où nous nous trouvons, la
connaissance de ces faits pourrait avoir quelque utilité; elle pourra
d'ailleurs provoquer de nouvelles expériences de la part des mé-
decins mieux placés que moi pour les faire.
[Bulletin de l'Académie de médecine.)
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SOCIÉTÉ DE CHIRURGIE.
300
SOCIÉTÉ DE CHIRURGIE
CIILORAL.
MM. Liégeois et Giraldès ont fait connaître un phé-
nomène assez curieux qui se produit dans les rapports
du chloral et du chloroforme et qui, contrairement à
l'opinion de M. 0. Liebreich, semble prouver que l'ac-
tion du premier de ces agents ne résulte pas de sa
transformation en chloroforme.
Ayant à opérer des chancres phagédéniques, M. Lié-
geois administra le chloral, mais, comme d'habitude, il
y eut sommeil sans anesthésie. Pour obtenir celle-ci,
M. Liégeois eut alors recours au chloroforme. Or, l'ac-
tion de ce dernier agent resta absolument nulle ou se
borna a une excitation qui dura assez longtemps sans
être suivie d'insensibilité.
De son côté, M. Giraldès a vu se produire un fait non
moins singulier et d'un ordre différent. Faisant l'in-
verse de ce qu'avait fait M. Liégeois, M. Giraldès a voulu
calmer, avec le chloral, des enfants que le chloroforme
avait excités outre mesure sans parvenir à les endormir.
Ce chirurgien leur a donné une potion à l'hydrate de
chloral et il a obtenu ainsi un sommeil paisible qui n'a
pas duré moins de cinq à onze heures de suite. Aussi,
depuis cette époque, M. Giraldès ne manque-t-il jamais
de recourir au chloral, soit en polion, soit en lavement,
lorsque le chloroforme a donné lieu à desjihénomènes
d'agitation plus ou moins persistante.
A propos de ces remarques, M. Demarquny a dit qu'il
continuait à donner à ses malades, immédiatement
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310 SOCIÉTÉ DE CHIRURGIE.
après l'opération, cette substance aux doses successives
de 2, 3, 4 et o grammes, jusqu'à production de sommeil.
Il a pu s'assurer que tous les sujets ne répondent pas de
la môme manière à l'action du chloral. Il y en a aux-
quels le chloral, donné immédiatement après l'opération,
procure un sommeil paisible et un calme profond qui
dure toute la journée elles empêche de ressentir la dou-
leur du traumatisme. D'autres sont réfractaires à l'ac-
tion de cette substance qui est parfois rejetéc par le vo-
missement. M. Demarquay fait prendre habituellement
la dose moyenne de 2 grammes de chloral dans deux
cuillerées de sirop étendu d'eau.
Dans la séance suivante, la société s'est encore occu-
pée du chloral.
M. Demarquay a présenté au nom de l'un de nos con-
frères de Bapaume une observation intéressante d'é-
clampsie puerpérale. Une jeune femme primipare ayant
été prise d éclampsie pendant le travail, on vit chez elle
les attaques se continuer môme après la délivrance, et
aucun des movens ordinaires n'avant réussi à les faire
cesser, on s'adressa au chloral qui fut administré à la
dose de 8 grammes dans une potion ; 4 grammes fu-
rent d'abord pris par la malade et n'amenèrent aucune
modification appréciable de son état; on continua néan-
moins l'administration du remède, et, lorsqu'on fut ar-
rivé à G grammes, la malade tomba dans un profond et
paisible sommeil, qui dura douze heures. Après son ré-
veil, elle eut encore quelques petites attaques qui furent
également combattues avec succès au moyen du chloral,
si bien que la malade a complètement et définitivement
goiéri.
M. Verneuil a cru devoir ajouter que, pour son compte,
il connaissait trois cas d'éclampsie puerpérale dans les-
quels le chloral avait également produit la goiérison.
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S0C1ÉTK liE CHIRURGIE. 311
Le chloral guérit aussi le tétanos traumatique, ou du
moins il a semblé le guérir dans une circonstance dont
M. Verneuil a rapporté les détails.
Un jeune maçon de 23 ans avait eu le doigt mé-
dius droit pincé par une porte; il continua à travailler;
au bout de quelques jours, peut-être sous l'influence
qu'exerçait sur lui un logement humide, il éprouva gra-
duellement des symptômes de trismus, puis d'opistho-
tonos cervical. Il est bon de noter que la marche de la
maladie était lente, ce que n'a pas manqué de faire re-
marquer M. Després, toujours sceptique à l'endroit des
cures exceptionnelles. Néanmoins, aucun des traitements
usités n'ayant modifié cet état, et les contractures se gé-
néralisant et devenant de plus en plus violentes, l'idée
vint à M. Verneuil d'essayer le chloral. L'antagonisme
entre la strychnine et le chloral, démontré par les ex-
périences sur les animaux, lui sembla autoriser, par
une induction physiologique légitime, l'emploi du chlo-
ral dans le tétanos. Une potion contenant 4 grammes
d'excellent chloral de la pharmacie centrale des hôpi-
taux fut apportée le matin à la visite. M. Verneuil en fit
administrer î gramme ; au bout de huit ou dix minutes,
le malheureux qui, quelques instants auparavant, pous-
sait des cris aigus, s'endormait d'un calme et profond
sommeil qui dura jusqu'à quatre heures du soir. Avant de
quitter l'hôpital, après la visite du matin, M. Verneuil
put relever la tète du malade et introduire un doigt dans
la bouche, en écartant les mâchoires. M. Verneuil ne
saurait trop se louer de l'intelligence et du zèle avec les-
quels il a été secondé par M. Gustave Richelot, son in-
terne. Le lendemain, à la visite, il trouva le malade dans
un état d'amélioration très-notable. A quatre reprises
différentes et, une dernière fois, quinze jours avant la
guérison définitive, les accidents tétaniques se sont re-
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312 SOCIÉTÉ DR CHIRURGIE.
produits, sans cause connue, avec une très-grande in-
tensité. Chaque fois, ils ont cédé, avec la même netteté
et la même rapidité que la première fois, à l'administra-
tion du chloral. Il n'est survenu, d'ailleurs, pendant
tout le cours du traitement, aucun accident qui soit vé-
ritablement imputable au chloral. Quelques douleurs
épigastriques s'étant manifestées vers le cinquième ou
sixième jour, ont disparu sous l'influence d'un purgatif
qui a fait cesser une constipation qui durait depuis huit
jours et occasionnait probablement les douleurs.
Pendant toute la durée du traitement, la dose du
chloral a été, par jour, de 3 grammes au minimum, et
de 12 grammes au maximum; le malade en a pris, en
tout, 200 grammes, dans l'espace de 28 jours, sans au-
cune espèce de trouble physiologique appréciable. L'ali-
mentation n'a pas été interrompue un seul jour; le ma-
lade prenait chaque jour, en aliments liquides ou demi-
solides, l'équivalent de trois portions. Lag*uérison a élé
complète et définitive en cinq semaines, au bout des-
quelles le jeune homme a quitté l'hôpital.
Sans prétendre considérer le chloral comme le remède
spécifique du tétanos traumatique, M. Verneuil pense
que l'emploi de ce médicament contre une maladie si
grave et si souvent mortelle mérite d'être pris en très-
grande considération par les praticiens.
Cette opinion a été partag-ée et soutenue par MM. Dé-
ni arquay et Larrey.
{Bulletin de la Société de chirurgie.)
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VARIÉTÉS.
313
VARIÉTÉS
PLUS D'ENSEIGNEMENT D'ÉTAT.
La séparation de l'Église et de l'État a été acclamée
dans toutes les réunions publiques, etdans aucune je n'ai
entendu une protestation contre cette solution d'un des
problèmes les plus épineux de notre temps. L'opinion
publique semble donc se faire, au moins en ce moment,
et il est possible que la prochaine Constituante consacre
cet état nouveau, et qui n'a guère été largement pra-
tiqué que dans la grande république américaine. Je
constate, sans me prononcer sur le fond môme de cette
question, l'état des esprits sur l'opportunité de la sépa-
ration de l'Eglise et de l'Etat, et je veux aujourd'hui
même en dégager un corollaire qui, à mes yeux, est
d'une importance capitale pour l'avenir de la liberté en
France. C'est la séparation de f enseignement et de ÏEtat,
la suppression de l'Université et de l'enseignement
officiel.
Si l'Etat renonce à s'immiscer dans les questions re-
ligieuses, s'il consent à être non pas un État athée (car
ce serait encore prendre un parli dans les querelles
religieuses), mais un Etat neutre et indifférent, de quel
droit prétendrait-il nous dispenser l'enseignement, qui
ne sera jamais, quoi qu'on fasse, ni oeutre, ni indif-
férent?
Je sais qu'un certain nombre d'esprits libéraux ont
la prétention de résoudre le problème de l'enseigne-
ment par l'institution de ce qu'ils appellent l'enseigne-
ment laïque , enseignement qui serait neutre , indiffé-
rent, ou, comme le disait M. Desmarets, civil, en prenant
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3 M VAR1KIKS.
ce mot clans l'aoception qu'il a dans mariajc civil op-
posé au maria f/c relitjicux.
Mais c'est là une pure illusion, au moins pour l'en-
seignement primaire. Si vous n'enseignez aucune reli-
gion positive a l'enfant, vous faites très-certainement
une œuvre anti-religieuse au premier chef, et tous les
hommes qui professent une religion positive vous re-
pousseront avec horreur. Quoi, vous voulez expérimen-
ter la théorie de Jean-Jacques Rousseau et attend e que
l'homme soit majeur pour lui parler de Dieu! Mais les
passions n'attendront point ce moment pour lui parler et
l'entraîner dans les abîmes du matérialisme et du posi-
tivisme. J'ajoute que votre enseignement ne sera ni
neutre, ni indifférent, et je vous défie d'enseigner une
page de l'histoire la plus élémentaire sans que vos opi-
nions religieuses ou philosophiques ne déteignent sur
cette page et ne lui donnent une signification spéciale
dirigée contre telle ou telle croyance. Puis l'attitude,
les conversations, les pratiques des instituteurs, que je
vous défie de soustraire complètement à l'œil si clair-
voyant de l'enfance, constitueront une atmosphère in-
fecte dans laquelle viendront sombrer et les enseigne-
ments de l'Église et ceux du foyer domestique. D >nc, si
vous voulez respecter la liberté de conscience (et je
sais que vous voulez la respecter), supprimez l'ensei-
gnement par l'Etat, car il sera toujours oppressif de
cette liberté. S'il appartient à une religion positive
quelconque, il sera repoussé par les autres religions
positives et par les rationalistes; s'il est laïque et indif-
férent, il sera une attaque à toutes les croyances posi-
tive et par conséquent combattu par elles.
L'enseignement par l'État a toujours été un instru-
ment de despotisme; aussi les gouvernements qui se
sont succédé en France ont-ils tout fait au monde pour
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t
VARIÉTÉS. 315
conserver le monopole universitaire. Ils croyaienl, avec
juste raison, que celui qui dispose de l'enfance dispose
de l'avenir. C'est pourquoi aucun d eux n'a jamais con-
senti à donner la liberté de l'enseignement; ils ne nous
ont accordé que des lambeaux do cette liberté, et
leurs concessions ont toujours été annulées par la con-
servation de l'influence jalouse, tracassière et toute-
puissante des universités d'Etat.
Sommes-nous décidément émancipés ou sommes-nous
encore en tutelle? Si nous sommes émancipés, nous avons
le droit et le devoir de faire nos affaires nous-mêmes,
sans qu'un pouvoir incompétent et jaloux vienne
entraver les efforts individuels ou collectifs des citoyens.
Les habitudes monarchiques sont encore tellement
enracinées dans notre société que nous n'osons rien
faire sans l'État; semblables à l'enfant habitué à être
tenu en lisière, à la moindre difficulté, nous nous re-
tournons vers l'Etat et nous implorons son secours et
sa protection. Ce sont ces habitudes funestes, ces inca-
pacités politiques, qui sont les plus grands ennemis de
la République. Fondons la République sur les mœurs
républicaines, si nous voulons qu'elle s'implante défi-
nitivement dans notre pays. Mais si nous n'avons ni le
courage politique, ni l'initiative individuelle qui con-
viennent à l'homme libre; si la République n'est pour
nous qu'une forme extérieure et une lettre morte, notre
société française restera à la merci du premier ambi-
tieux ou du premier intrigant qui aura l'audace de
s'emparer du pouvoir.
La population française est composée de catholiques,
de protestants et de juifs. Il faut ajouter à ces trois ca-
tégories une quatrième, extrêmement nombreuse et
composée d'hommes appartenant aux opinions philoso-
phiques les plus diverses et souvent les plus opposées.
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316 VARIÉTÉS.
Pour la commodité de notre exposition nous appelerons
cette quatrième catégorie les rationalistes. Donc, rationa-
listes, juifs, protestants et catholiques, représentent
dans la société française quatre grandes écoles qui ont
droit à J'enseig'nement, et qui cependant réclament, au
nom de la liberté de conscience, un enseignement qui ne
froisse ni leurs croyances religieuses ni leurs croyances
philosophiques. C'est là le problème qu'il s'agit de ré-
soudre, et nous le disons de suite, il n'y a qu'une solu-
tion possible, la cessation de renseignement d'État.
Nous l'avons déjà dit, Y enseignement laïque, donné par
la commune, est une illusion ou un piég*e. Remarquons
que cette expression de laïque esi\o\ parfaitement fausse,
puisqu'un laïque peut donner un enseignement reli-
gieux ; il faudrait donc chercher un autre nom qui cor-
respondît à l'idée d'enseignement neutre, d'enseigne-
indifîérent, d'enseignement civil.
Mais, nous l'affirmons de nouveau , cet enseigne-
ment neutre est impossible, puisque l'absence d'un
enseignement religieux positif est déjà de la propa-
gande anti-religieuse, et que d'ailleurs, si les matières
restreintes de l'enseignement primaire ne peuvent se
soustraire à l'influence religieuse ou philosophique,
comment espérera-t-on donner l'enseignement secon-
daire et supérieur, sans prendre parti pour ou contre
les religions révélées? Comment remuer devant la jeu-
nesse des écoles ces vastes et sublimes problèmes de la
philosophie et de l'histoire, sans prendre parti pour ou
contre les doctrines qui partagent et divisent notre so-
ciété? Il sera impossible de trouver des professions as-
sez détachées de l esiime que tout honnête homme doit
avoir de soi-même pour faire cet enseignement. L'ensei-
gnement neutre et indifférent n'est possible que par des
eunuques et des impuissants.
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VARIÉTÉS. 317
Que chacune des grandes catégories de citoyens qui
composent la société française se mette donc à l'œu-
vre et fonde des écoles. L'enseignement primaire et
secondaire aura des écoles catholiques, protestantes,
Israélites et rationalistes. L'enseignement supérieur sera
donné par les positivistes, les vitalistes et les mille
sectes que se partagent le monde des sciences physi-
ques et métaphysiques. Chaque école aura la faculté de
dresser des chaires et d'avoir des élèves. Les pères de
famille, seuls juges en pareille matière, pourront choi-
sir les écoles primaires et secondaires où ils voudront
envoyer leurs enfants. Les élèves des écoles supérieures
iront, eux aussi, à l'école de leur choix. Et une concur-
rence loyale, une émulation légitime , auront bientôt
ramené en France l'enseignement supérieur à la haute
situation dont le monopole l'a fait déchoir depuis plu-
sieurs années.
Je sais que cette solution ne fait l'affaire ni des com-
munistes, ni des autoritaires. Ces sectaires regardent
le citoyen, et en particulier l'enfant, comme la propriété
de l'État. Ils enseignent que le père de famille n'est
qu'un procréateur qui n'a aucun droit sur son pro-
duit, et que c'est à l'État de 1 eduquer à sa manière.
Ce système constitue la plus monstrueuse tyrannie
qu'on puisse concevoir ; il a pour corollaire la religion
ou plutôt l'irréligion d'État. Nous protestons contre ces
barbares modernes, au nom de la République et de la
liberté, et nous les combattrons à l'égal des Prussiens.
Proudhon àécrit quelque part une phrase d'une énergie
sauvage, mais qui peint bien le droit du père de famille :
«Si Je prêtre touche à mon fils, dit-il, je tuerai le prêtre.»
Eh bien, tout père de famille appartenant à une des
religions révélées a le droit de dire avec la même vérité
et la même éloquence : Si le libre penseur touche à .
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318 VARIÉTÉS.
mon fils, je tuerai le libre penseur. Oui. le droit du père
de famille, sur le choix de l'éducation, est un droit im-
prescriptible, et la société qui le laisserait péricliter ne
tarderait pas à tomber dans la barbarie.
Mais, mobjeclera-t-on, l'Etat seul est capable de dis-
tribuer ce pain intellectuel de l'enseignement, et com-
ment concilier, avec la liberté complète que vous récla-
mez, avec tous ces efforts non disciplinés des individus
ou des collections de citoyens, f enseignement gratuit et
obligatoire que la République doit à la nation ?
Rien de plus simple.
D'abord l'enseignement ne peut être obligatoire qu'à
la condition expresse que le père de famille puisse choi-
sir l'éducateur. Et comment choisira-t- il l'éducateur si
l'Etat est le grand , et par conséquent à peu près le
seul éducateur? S'il n'y a pas des écoles catholiques,
protestantes, juives, rationalistes? Il est donc néces-
saire que les écoles soient fondées par l'initiative indi-
viduelle, de manière que chaque doctrine ait la sienne.
Très-bien, me direz vous, mais comment, dans les com-
munes pauvres, où cependant l'enseignement est si
nécessaire, la commune sufïira-t-elle à l'entretien de
ses écoles?
Cette difficulté , insoluble avec le monopole, n'en est
plus une avec la liberté. Dans les communes protes-
tantes, il est certain que les habitants auront un insti-
tuteur protestant, puisque tous ou la plupart des enfants
sont protestants. Dans les pays catholiques, juifs et ra-
tionalistes, vous aurez une école catholique, juive ou
rationaliste. Mais , objecterez-vous, que deviendra la
minorité dans ces communes? La minorité aura deux
ressources parfaitement suffisantes. L'esprit de propa-
gande et l'amour paternel. Les religions et les philoso-
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VARIÉTÉS. 319
phies, qui sont réellement vivantes, et qui ont l'esprit
du prosélytisme, élèveront à leur IVnis, et sous la sau-
vegarde de la liberté , des écoles rivales là où leurs
adhérents sont en minorité. Si, enfin , la minorité est
trop restreinte, si la propagande fait défaut, le père
de famille aura le devoir de sauvegarder la foi reli-
gieuse ou philosophique de son fils; il sera certainement
dans une position difficile, mais non pas inextricable.
Mais il est un cas plus grave, qui se présentera peut-
être, et qu'il faut prévoir : c'est celui d'une commune
tellement déshéritée de croyances , tellement nidifie*
rente qu'elle ne fera aucun effort pour avoir une école
quelconque; eh bien! c'est dans ce cas, et dans ce cas
seulement, que l'Etat aura le droit d'intervenir, de
fonder un enseignement dont il se tirera le moins mal
possible. Mais chacun sent que celte situation constituera
un fait très-exceptionnel.
Quant à la gratuité de l'enseignement primaire, elle
s'harmonise très-bien avec la liberté complète de l'en-
seignement et n'a nul besoin , pour fonctionner , de
l'intervention d'une université d'État.
Dans le système de gratuité, les communes seules, ou
aidées par l'Etat, auront à constituer la somme néces-
saire au fonctionnement de l'enseignement primaire.
Eh bien! cette somme, au lieu d être accordée à un ins-
tituteur d'Etat (ce que vous appelez l'instituteur laïque),
sera divisée entre tous les instituteurs, en proportion
exacte du nombre de leurs élèves. L'instituteur qui
aura 100 élèves touchera une indemnité déterminée;
celui qui n'en aura que 10 touchera dix fois moins, et
celui qui en aura 1,000 touchera dix fois plus. Cette
répartition sera conforme à l'adage si vrai : « A chacun
suivant ses œuvres et suivant ses capacités. » Celui qui
travaillera beaucoup et qui enseignera bien, aura beau-
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3*20 a NOS LECTEURS.
coup : celui qui travaillera peu et enseignera mal, rece-
vra peu.
Cette solution est non-seulement conforme à la jus-
tice et respectueuse de la liberté , elle a encore 1 im-
mense avantage de ne pas créer l'instituteur d'État,
c'est-à-dire une troupe innombrable de fonctionnaires
voués fatalement au servilisme administratif, et des-
tinés par avance à former une armée formidable à la
disposition de tous les despotismes. Dr P. Jousset.
A NOS LECTEURS.
Ce numéro s'apprêtait lorsque les malheurs publics
sont venus. Toule la presse scientifique a été suspendue;
qui pouvait penser à autre chose qu'à la défense dans
ces jours lugubres?
Cependant, malgré le deuil et l'anxiété où nous sommes
encore, nous avons cru devoir donner le bon à tirer pour
ces feuilles dont l'imprimeur demandait à être déchargé.
Nous aviserons aux suites de cette publication quand
les dures épreuves que nous traversons, et dont nous
attendons prochainement la fin, seront passées, lorsque
les rédacteurs aujourd'hui dispersés seront réunis.
Puisse Dieu, en bénissant nos armes, retremper aussi
notre courage civil, et nous donner l'intelligence des
solutions que nous aurons à trouver! Après le cataclysme,
les questions se présenteront nombreuses et urgentes.
La réforme de renseignement qui a préparé le désastre,
la répression du matérialisme honteux qui nous a éner-
vés, la suppression des Académies, la question hospita-
lière, la réforme de la médecine militaire, appelleront
notre attention. Que ceux qui doivent survivre au déluge
de barbares s'apprêtent à tenir avec cœur, haut et ferme,
Je drapeau de la vérité et de la justice, et que Dieu pro-
tège la France ! F. Frédault.
Paris, ce 26 novembre 1870.
Le Rédacteur en chef, Jules Davasse.
Parie. — Typ. A. Pa.rb.vt roc Monskur-Ic Trincc, 3(.
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L'ART MÉDICAL
NOVEMBRE 1870
PATHOGÉME ET THÉRAPEUTIQUE
DE L'ACTION DE L'ARSENIC SUR LA PEAU.
L'action de l'arsenic sur la peau est aussi manifeste
que variée, tant au point de vue physiologique que dans
les applications thérapeutiques. II faut d'abord l'étudier
physiologiquement pour pouvoir interpréter les faits de
guérison par ce médicament insigne. De la physiologie
découle l'emploi de tout agent médicinal; c'est la seule
manière d'étudier les médicaments, et c'est là ce qui fait
précisément la force et la valeur de la méthode hahne-
mannienne.
PREMIÈRE PARTIE
Action physiologique.
L'arsenic révèle son action élective sur la peau par
des accidents multiples : prurit, éruptions de toute es-
pèce, ulcérations, gangrènes, taches, ecchymoses,
œdèmes généralisés et partiels, desquamation, chute
des cheveux et des ongles; phénomènes physiologiques
auxquels nous allons consacrer autant de chapitres par-
ticuliers. On me pardonnera d'être long comme détails,
dans notre art, on ne peut démontrer que par l'accu-
mulation des faits.
TOME XXXII. — NOVEMBRE 1370 îl
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322
pathogénie et therkpeutique
CHAPITRE PREMIER.
PRURIT ARSENICAL.
Le premier lait à nia connaissance est donne par
de Haèn {Ratio medendi, pars ix, cap. 6. Paris, 1767, :
il s'agit d une femme empoisonnée par mégarde par une
petite quantité d'arsenic : au bout de deux mois, il sur-
vient une paralysie généraledes membres avec douleurs,
desquamation et démangeaisons générales persistant
pendant plusieurs mois.
Détienne a cité l'observation d'un pileur d'arsenic :
éruption pustuleuse considérable à la face, vésicules
aux mains, au pouce et au front ; guérison en quelques
jours; le sixième jour, le visage était encore en fort
mauvais état. Quelques jours après, le malade revient
consulter le médecin pour une démangeaison générale.
[Journal de médecine, 1759.)
Est-ce pour ces deux faits ou autres que Caëls a dit
dans sa description générale de l'empoisonnement par
l'arsenic : Cutis prurit us iru/ens? [Ratio occu ne ndi morbis
a tnincralium ahusu produci solitis. Amstelodami, 1781.)
On lit dans la thèse de Sulzer, à propos des expé-
riences de Bernhardt sur des malades atteints de liè-
vres intermittentes : — « Plerique borum aliquot dies
« pejus se babebant, et tune cessabat febris. Aliqui vomitu
«corripiebantur, quo facto febris eos reliquit. Alii duo
« prurit il in intest ino recto vexabantur » [Disserta tio inuuy.
medica de arseniciusu medico. Ienœ, 1796).
Habnemann, dans son remarquable traité de l'em-
poisonnement par l'arsenic (1786), ne parle des déman-
geaisons qu'à propos des douleurs brûlantes liées à des
contractures. Dans ses observations personnelles consi-
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»E L'ACTION DE L'ARSENIC SUR LA PEAU. 323
gênées plus tard dans sa Matière médicale pure (1811),
il note plusieurs fois les démangeaisons brûlantes,
comme il confirme l'action physiologique de l'arsenic
sur les ulcères, où il développe du prurit et un senti-
ment de brûlure, fait attesté par Heun (Allg. med. An-
nalen, 1805) et Hargens (Journal de Hufeland, t. IX). Nous
verrons bientôt, plus bas, avec quel luxe d'observations
il a établi le fait de prurit arsenical dans ses travaux
postérieurs.
Un individu, âgé de 52 ans, se met à vomir à la suite
d'un empoisonnement, et se plaint d'une sensation de
brûlure dans tout le ventre. Cette sensation persiste
pendant toute une semaine, et il continue à vomir acci-
dentellement; en même temps il éprouvait à la peau une
démangeaison si brûlante qu'il était obligé d'aller
plonger la tête et les bras de temps à autre dans un
ruisseau voisin. La semaine suivante il fut pris de para-
lysie dans les deux bras. (Murray. Journal d'Edimbourg,
t. XVIII.)
Roget, cité par Ghristison (a Treatise on poisons. Lon-
don, 1845, p. 312), adonné l'observation d'une jeune
fille empoisonnée par un gros d'arsenic. — Le premier
jour, accidents ordinaires; mais dès le second jour,
accidents nerveux multiformes. Le quatrième jour, dou-
leurs dans les extrémités avec démangeaison générale,
symptômes qui persistèrent jusqu'à la fin du sixième
jour, où elle fut prise de convulsions qui se répétèrent
pendant les quinze jours suivants.
Cinq personnes sont empoisonnées à la fois. L'une
d'elles est prise d'une attaque d'épilepsie le premier et
le second jour. Elle soutirait en outre de tiraillements
violents dans les muscles du tronc, et aussi de chaleur
et de démangeaisons aux pieds et aux mains. (Marshall,
in Chrislison, p. 312.)
321 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
On lit dans la description générale de l'empoisonne-
ment par Klein ert (Diss. inaug. medica de arsenico. Lipsiae,
1825) : Prurit um et torporem in apice digitorum.
Un jeune homme de 17 ans s'empoisonne avec
16 grammes d'arsenic. Le premier jour, accidents gastro-
entériques ; le second jour, prurit de lapeau, accompagné
de ténesme et de strangurie ; pas d'éruptions. Guérison
consécutive. (Skillmann. American Journal of the med.
science, 1836.)
Orlîla qui rapporte cette observation n'a pas manqué
de signaler ce symptôme dans sa description générale
de l'empoisonnement par l'arsenic, ainsi que Devergie.
— Christison et Taylor se taisent sur ce point ; d'après
Tardieu, dans la forme lente de l'empoisonnement
arsenical, la sensibilité de la peau est souvent surex-
citée, surtout vers les extrémités, et troublée par des
démangeaisons insupportables et par de brusques sen-
sations de chaleur et de froid. (Etude médico-légale sur
f empoisonnement, 1865.)
A dose médicinale ou moyenne, on retrouve fréquem-
ment le même symptôme. Romberg (Klinische Wahrneà-
mungen. Berlin, 1851), dans quelques observations de
psoriasis traité par l'arsenic, note une forte démangeai-
son de la peau, même aux extrémités où l'éruption ne
s'étendait pas. Le Dr Bornique (De f Emploi de r ar-
senic dans les maladies de la peau. Thèse de Strasbourg,
1856) a observé le même fait sur lui-même. Dans une
communication faite à la Société des médecins des hôpi-
taux de Paris, M. Hardy a surtout sig'nalé les déman-
geaisons à la peau et la céphalalgie chez les malades sou-
mis à la liqueur de FowJer. Babington (1866), qui a
essayé l'arsenic dans la chorée, signale aussi le prurit
développé sous son influence. Au commencement même
de ce siècle, quelques médecins anglais avaient préco-
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DE L'ACTION DE l' ARSENIC SUR LA PEAU. 325
nisé l'acide arsénieux dans les rhumatismes chroni-
ques ; mais d'autres observateurs, peu contents des
résultats par eux obtenus, avaient signalé divers acci-
dents arsenicaux, entre autres la démangeaison par
tout le corps.
Depuis vingt-cinq ans l'attention des observateurs a
été éveillée sur les nombreux accidents causés par le
séjour dans des appartements ornés de papiers de ten-
ture au vert arsenical. Grand nombre d'observations
ont déjà été publiés à ce sujet, surtout en Angleterre
et en Allemagne. Le Dr Bayes , de Londres , a cité
récemment un fait fort curieux (Cases of arsenical paper
poisoning. Monthly hom. review. July, 1870) : Il s'agit de
quatre enfants soumis pendant longtemps à l'influence
de ces papiers de tenture. Parmi les nombreux sym-
ptômes d'origine arsenicale, l'auteur note la démangeai-
son et la sensibilité à l'anus et dans les parties géni-
tales. Une servante de la maison éprouvait aussi un
prurit brûlant à l'anus.
Les démangeaisons ont été signalées en outre depuis
bien longtemps chez les ouvriers exposés aux vapeurs
des minerais arsenicaux en fusion [cfr. Henckel. von der
Bergsucht and Hùttenkâre, Freyberg, 1728; Scheffler.
Gesundheit derBeryleute. Ghemnitz, 1770. Klinge, Journal
de Hu/eland. t. XI ; Brokmann, der Mêlai lurgischenkrank-
keiten des Oberharzes. Osterrode, 1851 ; Langendorff, in
Henke's Zeitschrift, 1857 ; Hesteven, in Taylor's on the
poisons, 1859).
Rien n'est plus fréquent en outre que la démangeaison
des yeux chez les individus soumis à un traitement
arsenical et aussi dans les cas d'empoisonnement. Ce
prurit oculaire est en général lié à un degré plus ou
moins considérable de conjonctivite ; il peut aussi exister
isolément; c'est le prurit des paupières. J'en ai cité de
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326 PÀTHOOÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
nombreux exemples dans mes Etudes sur quelques sym-
ptômes de f arsenic (1862), en y joignant le témoignage des
médecins anglais, Pereira, Thomas Hant et Begbie. Il
m'est arrivé nombre de fois de le vérifier pour mon
propre compte.
Il est inutile d'ajouter que si le prurit arsenical
existe souvent isolément, il précède, accompagne et suit
habituellement les nombreuses éruptions dues à l'ar-
senic, ainsi que les œdèmes, comme nous le verrons en
son lieu. Il en est de môme dans les applications ex-
ternes où le poison détermine des lésions graves de la
peau.
Nous avons vu jusqu'ici l'arsenic se montrer prurito-
gène, soit à dose toxique, soit à dose médicinale habi-
tuelle. Mais peut-il produire le même accident à dose
encore plus atténuée ou infinitésimale? C'est ce que
j affirme, et pour le démontrer, il faut d'abord en
revenir à Hahnemann, ce grand scrutateur des actes
physiologiques des médicaments.
Dans la première édition de sa matière médicale pure,
Hahnemann n'avait noté, en dehors des emprunts faits
à divers auteurs, que deux fois le symptôme prurit
isolé sans spécifier la région (§ 199, 200); de plus il
l'avait signalé dans le cas d'ulcère (§ 198) et accompa-
gnant diverses éruptions (§ 201, 202, 203); mais dans
sa dernière pathogénésie arsenicale, publiée dans son
traité des Maladies chroniques, le symptôme prurit y
figure avec luxe dans toutes ses variétés; il est évident
que Hahnemann l'a décrit d'après des observations
plus nombreuses et plus complètes : prurit de la tète
(§ 165, 167); prurit de la tête accompagné d'éruptions
(§ 168, 169, 171, 172); prurit des yeux et autour
(§ 183, 186, 208); prurit dans l'oreille (245Ï; à la face
(278); à la lèvre supérieure (294); à l'anus (601. 602);
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DR LACTION DE L'ARSENIC SUR LA PEAU. 327
au périnée (611); aux parties génitales (635, 636, 637,
638, 639); au cou sous le menton (785); à l'avant-bras
près du poignet (785); au creux de la main gauche
;804); doigt médius de la main droite (815); aux cuisses
(839, 840, 841); à l'articulation du pied (896); au gros
orteil droit (901); beaucoup de prurit à la cuisse droite
et aux bras (1032); sensation pruriteuse presque géné-
rale (1033); prurit ardent au corps (1034, 1085); prurit
accompagnant éruptions diverses (1046, 1047, 1048,
1051); ardeur, puis prurit autour d'un ulcère (1066);
prurit et transpiration dans le dos toute la nuit (1185).
Je cite avec complaisance Hahnemann, parce que
mes observations personnelles ont complètement con-
firmé les siennes. J'ai expérimenté souvent l'arsenic à
la dose de 2 à 6 gouttes de teinture de Fowler
par jour, et bien plus souvent à dose infinitésimale
jusqu'à la trentième dilution. Déjà, en 1862 [Etudes sur
quelques symptômes de f arsenic), je m'exprimais en ces
termes à ce sujet : Dans mes nombreuses expérimenta-
tions sur l'arsenic, j'ai pu mo convaincre nombre de
fois de la propriété pruritogène de cet agent. Tantôt ces
démangeaisons sont générales, tantôt, et c'est le cas le
plus ordinaire, elles sont locales; on les rencontre sou-
vent aux paupières, avec ou sans conjonctivite. J'ai vu
souvent aussi les démangeaisons exister aux joues et
môme y précéder de quelques jours l'apparition débou-
tons papuleux fugaces. Quelquefois on voit du prurit se
développer en dehors comme en dedans du nez, tantôt
seul, tantôt accompagné de coryza. On en trouve aussi
au cou, aux épaules et sur le dos des mains. J'en ai vu
aux jambes, et deux fois seulement j'ai rencontré des
démangeaisons générales pendant quatre à cinq jours.
On trouvera dans le mémoire précité grand nombre de
faits à l'appui à partir de l'observation LXXVI jusqu'à
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328 PATHOGÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
l'observation CIX. Depuis lors, j'ai eu l'occasion de vé-
rifier nombre de fois ce point de pathogénésie. Il y a
quelques années, je soignais un de mes amis pour une
blépharite légère. Je lui donnai pendant dix jours deux
doses par jour d'arsenic à la quatrième trituration.
Deux jours après la cessation du remède, il survint une
démangeaison très-violente sur le dos de la première
phalange du médius pendant trente-six heures, puis la
démangeaison sauta à la paume de la main du même
côté. Le malade était obligé de se gratter; il n'y eut pas
d'éruption sur les parties siège du prurit. J'ai vu plus
souvent les démangeaisons se développer à dose inGni-
tésimale qu'à dose moyenne. J'estime que c'est là un
excellent moyen de se démontrer à soi-même la réalité
d'action des doses infinitésimales; j'y ajouterai les érup-
tions cutanées et les accidents sur les yeux, phénomènes
fréquents dans la pathogénésie arsenicale. Les expé-
riences de Hahnemann sur l'arsenic dans son traité des
maladies chroniques ont été faites la plupart à la qua-
trième dilution, ainsi que me l'a affirmé le Dr Jahr, qui
le tient du maître. Je défie tout observateur intelligent
et persévérant de ne pas arriver, après de nombreux
essais, aux mêmes conclusions sur cette question si con-
testée des doses infinitésimales.
Au symptôme démangeaison, il faut rattacher comme
annexes d'autres symptômes fréquemment nolés dans
l'histoire physiologique de l'arsenic : ce sont les four-
millements, le chatouillement, la sensation de morsure
et de rongement et surtout les douleurs brûlantes. Le
fourmillement appartient principalement à la paralysie
arsenicale comme prodrome. Les douleurs brûlantes
sont une caractéristique de l'arsenic de premier ordre :
elles sont plus fréquentes à l'intérieur que sur l'enve-
loppe cutanée. Elles méritent un chapitre à part, et ne
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DE L'ACTION DE L'ARSENIC SUR LA PEAU. 329
peuvent être que signalées ici en passant, comme ac-
compagnant souvent la démangeaison arsenicale. J'ai
publié dans Y Art médical (août 1869) une longue obser-
vation d'empoisonnement chronique par l'arsenic en va-
peur: je la reproduis plus bas dans ce mémoire. Outre
le fait de démangeaisons et d'éruptions, c'est un fort
bel exemple de douleurs br ûlantes.
En résumé, le prurit arsenical peut se développer,
quelle que soit la dose du poison : dose toxique, moyenne
ou infinitésimale, omni Josi. C'est un symptôme fréquent.
Souvent étendu à toute la peau, plus souvent localisé,
il paraît affecter de préférence les yeux, la région ano-
génitale et les extrémités. Il peut être isolé, mais bien
plus souvent il devient prodrome, symptôme ou acci-
dent consécutif des nombreuses éruptions arsenicales.
Il peut apparaître dans les premières quarante-huit
heures de l'administration de l'arsenic; mais à dose
toxique, comme les autres accidents de la peau, il ap-
partient de préférence à la période prolongée de l'em-
poisonnement ou à sa forme lente. L'observation de
de Haën le signale à plusieurs mois de distance du mo-
ment de l'intoxication : c'est là un des mille faits parmi
les accidents consécutifs de l'empoisonnement, qui
prouve l'action durable et profonde de l'arsenic sur
l'organisme. Le prurit arsenical se développe, quelle
que soit la voie d'absorption du poison, que ce soit par
les intestins, la peau ou par inhalation pulmonaire ; il
est naturellement plus fréquent dans le cas d'applica-
tion externe.
CHAPITRE II.
HISTORIQUE DES ERUPTIONS ARSENICALES.
Les anciens, qui employaient l'arsenic plus souvent à
l'extérieur qu'à l'intérieur, avaient dû nécessairement
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330 PATHOGENIE ET THERAPEUTIQUE.
constater ses propriétés exanthématogèncs. Il est per-
mis de le conclure d'après Dioscoride : « Vim habet
« exedentem, astringentem et crustas inducentem cum
« fervore ac violenta morsu. » Qu'on lise la première obser-
vation venue d'empoisonnement arsenical dans le cas
d'application externe contre la gale ou les parasites de
la tête, il en existe un certain nombre, et Ton aura
l'explication de la phrase si concise et si nette du père
de la matière médicale. Celse dit la môme chose sous
une autre forme en classant l'arsenic parmi les médica-
ments çnw rodant, exedunt, adurant et crustas ulceribus ro-
ducant (1. v). II en est de même de Galien : facultatis est
cuusticx.
J'ai dit quelquefois qu'il fallait voir dans les descrip-
tions de l'empoisonnement en général, faites par les an-
ciens et les médecins de la Renaissance, l'histoire môme
de l'empoisonnement par l'arsenic. J'en conclus pour
mon compte que ce mode d'empoisonnement a toujours
été le plus fréquent, comme de nos jours, quoique l'ar-
senic tende à se laisser détrôner par le phosphore. J'en
conclus aussi que les anciens ont dû connaître les érup-
tions arsenicales, témoin ce passage de Galien : « Quum
« enim homo sua natura probis humoribus, ac sanorum
« more educatus de repente moritur, ut assumpto lelhali
« veneno fit, deinde corpus aut livens, aut nigricans,
« aut varium est, aut diflïuens, aut putridinem moles-
« tam olet, hune venenum sumpsisse aiunt. » (De locis
affectis, I. vi.) Je citerai surtout la description de l'em-
poisonnement en général par Aëtius, au v* siècle;
parmi les accidents, le médecin grec note les éruptions
huileuses : eruptio bullarum (1).
(!) Cognoscerc et discernere oportet eos, qui taie quippiam sumpserunt,
ex signis quos coincidunt et conscquuntur. Ubi enim in akquo placidx
et benc composit/p prius mentis, etbonos itidœm habitudinis, accidente
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DE LACTION DE L'ARSENIC SUR LA PEAU. 331
Après la Renaissance sont arrivées peu à peu des ob-
servations détaillées. Depuis Forestus et Sennert , qui
ont les premiers donné des observations d'empoisonne-
ment avec éruption, il en a paru un très-grand nom-
bre. Boerhaave commence à signaler les éruptions pro-
fessionnelles, à propos d'accidents arrivés à des ouvriers
fabriquant le cuivre blanc ou tombac: il note des vési-
cules jaunâtres apparaissant sur la poitrine pendant
quelques jours. Plus tard Baylies, résumant les sym-
ptômes de l'empoisonnement arsenical d'après divers
auteurs, indique les taches qui çà et là apparaissent sur
la peau (Practical Essais... London, 1773).
Ce sont surtout les observations du siècle dernier qui
ont commencé à fixer l'attention sur ce point; Caels en
décrivant l'empoisonnement arsenical parle des maculœ
rubrœ, et Hahnemann signale les éruptions miliaires, en
mentionnant diverses observations à l'appui. D'un
autre côté, les médecins attachés aux mines arsenicales
de la Saxe apportent leur contribution à l'histoire des
éruptions. Henckel (loc. cit.) parle d'éruptions miliaires,
comme précédant et amenant la phthisie pulmonaire,
si fréquente. Scheffler note parmi les nombreux sym-
ptômes arsenicaux les vésicules et les ulcérations de la
bouche et de la langue, les ulcérations des aisselles et
des parties génitales , et môme des ulcérations cancé-
riformes à cette région. D'après Kling-e, les ouvriers
etiam justa eiborum coucoctione, statim et de repente varia? accessioncs
irruunt, presortim ab accepto statim cibo ac potu; veluti accidat tussis,
aut fortida sanguinis per os rejectio, aut molesta et œgra lotii excretio,
aut dolor in alto nitens, aut ardor immensus ac plus quam juvenilis,
autsensu3 erosionis, aut stuporis perculsio, punctura, itemquo tremor,
singultus, contractio, eruptio bullarum, livor, tumor, coarctatio, qua-
rumdam partium putrefactio, vomitus lbrlidus et plcnus, manifesta ali-
cujuB venenosa; qualitatis apparitio, et demonstratio : ex his omnibus
si quid repente ab accepto cibo sano homini accidat, voneno infectum
hune ipsurn existimare debemus. (L. xm,c. M.)
332 PATHOGÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
qui traitent le minerai arsenifèro sont habituelle-
ment atteints d'ulcérations aux aisselles et entre les
cuisses.
Depuis le siècle dernier, les faits se sont multipliés ;
ce qui n'a pas empêché Harles, qui a emprunté la plus
grande partie de sa monographie {de Usu arsemci; Nu-
remberg*, 1811) à Hahnemann, denier l'existence de ces
éruptions, soit générales, soit locales, parce que ni lui
ni ses amis n'ont vu pareille chose. MM. Trousseau et
Pidoux se sont contentés de copier Harles, ajoutant
avec assurance que ces symptômes arsenicaux ne sont
que des rêveries d'homœopathes hypochondriaques ; et
c'est ainsi qu'on écrit l'histoire des médicaments. Ce-
pendant les thérapeutisles étrangers, comme Perrira,
Hunt, Werber, Œsterlen, etc., signalaient ces exem-
thèmes d'arsenic, et les toxicologistes contemporains,
plus à môme de vérifier les faits, les mentionnaient
dans leurs ouvrages. Suivant Ghristison, on a remar-
qué dans l'empoisonnement arsenical diverses érup-
tions, surtout chez les individus qui survivent plusieurs
jours : elles sont encore plus fréquentes dans les
accidents prolongés de l'intoxication; elles sont de dif-
férentes natures, pétéchiales, morbilliformes, miliaires,
rouges ou vésiculeuses. Le médecin anglais cite à ce
sujet les observations de Guilbert et de Schlegel. Or-
fila signale une éruption, surtout à la partie antérieure de
la poitrine, de boutons miliaires non vésiculeux, ou de
pustules qui ne tardent pas à brunir ; quelquefois cette
éruption a l'aspect de petites ampoules, semblables à
celles que produisent les piqûres d'orties.
Plus tard Taylor, en décrivant l'empoisonnement
chronique, signale l'irritation de la peau s' accompa-
gnant d'éruption vésiculaire que l'on a nommée eczéma
arsenical. Quelquefois, l'éruption a pris la forme d'urti-
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DE LACTION DE L ARSENIC SUR LA PEAU. 3 <3
caire ou de scarlatine, ce qui a fait prendre 1 empoi-
sonnement pour une fièvre éruptive.
A partir de 1840, la question des éruptions profes-
sionnelles vient à Tordre du jour. Le médecin allemand
Bramer (journal de Gasper) affirme que chez les ou-
vriers employés dans différents arts à pulvériser, tami-
ser l'arsenic, etc. , il survient une éruption de vésicules
de la grosseur d'une tête d'épingle, ou d'un pois, comme
dans la gale ordinaire, que par suite de la démangeai-
son et de l'action de gratter, ces vésicules disparaissent
pour être remplacées par une croûte mince.
En 1845, M. Blaudet, à l'aide de quelques faits, ap-
pelle l'attention sur les éruptions, dues à l'arsénite de
cuivre chez les ouvriers employés à la fabrique de
tenture {Journal de médecine de Beau). Chevalier, deux
ans après, dans les Annales d'hygiène, confirme ces
éruptions professionnelles, montrant que les accidents
signalés par M. Blaudet ont lieu réellement, mais qu'ils
ont peut-être été exagérés. Dix ans plus tard, M. Follin
publie, dans les Archives générales de médecine, une ob-
servation très-détaillée sur divers accidents éruptifs
observés chez un ouvrier préparant du vert deschwin -
furt (arsénite de cuivre). Je pris alors occasion du
travail de M. Follin pour publier dans le Moniteur des
hôpitaux (22 décembre 1857) un long article sur l'his-
toire des éruptions arsenicales, pour démontrer que ces
éruptions professionnelles appartenaient à l'histoire
de l'arsenic, qu'il existait déjà sur cette question un
grand nombre d'observations, et je tâchai, en classant
les matériaux, de diviser ces éruptions diverses, en érup-
tions ecchymotiques, papuleuses, ortiées, vésiculeuses,
érysipélateuses, pustuleuses, en ulcération et gan-
grènes.
Depuis lors les éruptions arsenicales professionnelles,
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334 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
dues au sel cuprique, oui été particulièrement étu-
diées par MM. Pietra Santa, Beaugrand, Chevallier,
Vernovis, et en Angleterre par le DrHassell (1).
Le Dr Bazin, dans ses Leçons sur les affections cutanées
artificielles (1862), analyse longuement les travaux des
médecins français; il y ajoute même une observation.
En môme temps, deux médecins allemands, Langen-
dorfl etKlose, confirment les dires de leurs devanciers
sur les différentes éruptions éprouvées par les ouvriers
employés aux mines arsenicales (2).
Depuis mon Histoire des Eruptions arsenicales, je suis
revenu plusieurs fois sur celte question ; en 1858, dans
un Mémoire sur le prurit vulvaire et son traitement arseni-
cal (Moniteur des hôpitaux) ; en 1862, dans mes Etudes
sur quelques symptômes de l arsenic (Gazette médicale) ; en
1864, en traitant (id.) de faction de l'arsenic sur les parties
génitales externes; et en 1869, publiant une longue ob-
servation d'empoisonnement par les vapeurs d'arsenic
(Art médical). Je reviens encore sur le même sujet pour
le traiter à fond et plus en grand, parce que depuis
(1) Petra Santa. Existc-t-il une affection propre aux ouvriers qui ma-
nient le vert de Sehwrinfurt? (Annales d'hygiène, 1858). — Beaugrand.
Des différentes sortes d'accidents causes pur les verts arseni* aux em-
ployés dans l'industrie (Gazette des hôpitaux, l«r et 8 murs 18Î19). —
Chevallier. Hecherches sur les dangers (pue présentent le vert de
Sehwrinfurt, le vert ursenical et l'arsénitc de cuivre (Annales d'hy-
giènes 18S9). — Vernois. Mémoires sur les accidents produits par les
verts arsenicaux chez les ouvriers fleuristes et les apprôteurs d'étoffes
pour fleurs artificielles en particulier (Annales d'hygiène, 1859\ —
Hassall. Des dangers de la couleur verte dans les feuilles et fleurs arti-
ficielles {The Lance t, 1860).
(3) Langendorff. Ueber die gesundhrits rùcksichten tri Aulage und l/nl«r-
haltung von Hiïttemccrken (Henke's reitschrift, 18a").— Klosc (Handbuch
der Sanilats polizei. Lappcncheim, 1858).
On trouvera dans les chapitres suivants d'autres indications bibliogra-
phiques pour l'histoire des éruptions arsenicales. Si je n'ai pas men-
tionné M. Tardieu, il n'en a pas moins traité la question en reproduisant
sommairement ce que j'avais écrit en 1857.
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1>E l/ ACTION DE I,' ARSENIC SUR LA PEAU. 335
1857, les faits se sont considérablement multipliés, et
que de nouvelles recherches auront mis à même de re-
cueillir un plus grand nombre de matériaux. Je tiens
à compléter et à agrandir mes travaux précédents, en
traitant aujourd'hui de l'action de l'arsenic sur la peau.
Telle est du reste l'importance des éruptions arseni-
cales en médecine légale, que plus d'une fois elles ont
été cause d'erreur de diagnostic et que des médecins
n'ont vu que des exanthèmes là où il y avait empoi-
sonnement.
CHAPITRE III.
KRYTHEME.
Faut-il voir un cas d'érythème dans une observation
de Wepfer, où il s'agit d'un enfant empoisonné par une
servante : « Puellus post meridiem assumpta pulticula
« valde distuabat.... loto corpore rubicundus evasit et
« maduit....» (Cicutœ aquaticae historia. 1679, p. 275.)
L'observation suivante de Fr. Hoffmann est bien
plus positive. Il s'agit de toute une famille empoison-
née par l'arsenic, père, mère et deux enfants: « Uxor
«tandem efflorescentiam, purpurue similem, cum in-
osigni ardore, prurituque junctam, per totum corpus
aexperta, una cum marito et altero infantuin, ut ut
<* longo tempore convaluerunt. » (Fr. Ilottmanni opéra,
t. III, p. 172, 1748.)
Empoisonnement chez une jeune lille de 22 ans (1).
Au bout de vingt-quatre heures, le Df Newman la
trouva sans connaissance, toute la peau couverte de
taches rouges (Horns, Archiv. 1811). .le classe cette
(I) Pour abroger, je déclare que le mot empoisonnement, dans une
observation, se rapporte toujours à l'empoisonnement interne. Toutes les
fois que l'empoisonnement a eu lieu par application interne, ou inhala-
tion pulmonaire, j'ai soin de l'indiquer.
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336 PàTHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
observation parmi les erythèmes, malgré le défaut de
description détaillée. On verra aussi par la suite un
certain nombre d'observations, incerta sedis; je les ai
classées comme j'ai pu; classement qui ne peut avoir
qu'une valeur relative.
Trois jeunes filles sont empoisonnées accidentelle-
ment à quatre heures du soir. Le lendemain à neuf
heures, entre autres accidents, leur poitrine et leur
nuque étaient couvertes de taches pourprées. (M. Leod.
Edin b . med. journal, 1819.)
Un domestique, âgé de 22 ans, meurt en huit jours
par suite d'empoisonnement. A l'autopsie, qui a lieu le
jour môme de sa mort, on trouve sur le côté droit du
cou une tache semée de rouge, de la largeur de trois
doigts. (Schlegcl. Henkes Zeitschrift, 1821.)
Une petite fille âgée de 7 ans est empoisonnée ac-
cidentellement, à deux heures du soir. Accidents de
forme commune; administration du tritoxyde de fer hy-
draté. La nuit est bonne, ainsi que la journée suivante.
Depuis ce temps, ayant mangé plus qu elle ne devait
faire, elle a présenté quelques signes d'irritation intes-
tinale : soif, nausées, deux ou trois vomissements,
douleurs de ventre et une éruption de petites plaques
rouges qui a duré trois jours. (Bineau et Majesté, Jour-
nal des connaiss. méd.-c/i/rurg., novembre 1835.)
Deux petites filles, l'une de 3 ans, l'autre de 5, meu-
rent empoisonnées par l'arsenic, la première en vingt-
sept heures, la seconde en quatre-vingt-cinq. La plus
jeune est autopsiée au bout de quarante-huit heures,
l'autre après vingt-trois heures. C'était au mois de
janvier : absence complète de lividités cadavériques,
mais chez toutes deux il y avait une rougeur scarlati-
neuse à la partie interne des cuisses. (HafTler, Schweize-
mv/tz Zvitachrift von Pommer. 1839.)
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DE L'ACTION J)E L ARSENIC SUR LA l'ISA U. 337
Un individu qui avait des dispositions à l'apoplexie et
qui avait pris, par ordre de médecin, 15 gouttes de
Fowler, trois lois par jour, pendant huit mois et demi,
finit par succomber aux accidents de l'empoisonnement
chronique; il y avait, entre autres, érythème ou rougeur
inflammatoire de la figure (Hooper, Médical Times, 1847).
Sur 26 malades traités par 1 à 4 centigrammes d'ar-
senic par jour, pour fièvres intermittentes, 15 ont
éprouvé des accidents divers ; l'un d'eux eut une gas-
tro-entérite très-grave avec érythème général (Cham-
pouillon, Gazette des hôpitaux, 1850).
Marchand dit avoir vu, chez un malade traité par
l'arsenic pour une maladie autre qu'une dermatose, sur-
venir un érythème très-aigu des deux cuisses, de la
diarrhée et des papules. Dans un second mémoire, il
ajoute avoir observé plusieurs cas dérythème arsenical.
J'ai vu également, dit-il, Yérythèmc arsenical. Dans un
cas, sa rougeur avait une teinte écarlate. Il y eut du
malaise, le remède fut suspendu et l'érythème disparut,
sans desquamation. L'arsenic, dans ce cas, était admi-
nistré contre une bronchite grave. (Annales méd. de la
Flandre occidentale. 1851 et 1854.)
Dans un cas d'éruption miliaire survenue pendant le
traitement arsenical d'une fièvre intermittente, du sep-
tième au dixième jour du traitement, et siégeant au cou
et aux épaules, il y avait en même temps des plaques
d'un rouge assez vif, de 4 centimètres de largeur.
L'éruption dura six à sept jours environ. (Sistach, Ga-
zette médicale, 1861.)
En expérimentant l'arsenic sur lui-même, pendant
près de trois mois, et s'élevant progressivement de
5 milligrammes à plus de 10 milligrammes par jour,
le Dr Vaudey, au bout de deux mois et demi, note, entre
autres accidents, des picotements sur toutes les parties
TOMK XXXII. - N'JVfcMBftK KT Oh.ZUURl 1870. 21
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338 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
du corps avec éry thème (thèse de Strasbourg, 1870).
Taylor affirme, dans son Traité de toxicologie, que, dans
l'empoisonnement arsenical chronique, il y a quelquefois
éruption urticaire, ou scarlatineuse, ce qui, dansquelques
cas, a trompé les médecins sur la cause de la maladie.
Dans mes expériments physiologiques, j'ai vu plus
d'une fois apparaître des plaques d erythème sur des
sujets traités à dose infinitésimale. Catherine J... entre
dans mon service, à l'IIôtel-Dieu, en 1857. C'est une
jeune fille âgée de 20 ans, que la misère, plutôt que la
maladie, amène à l'hôpital. Elle ne se plaint que de fa-
tigue dans les jambes. A partir du 27 octobre, je lui
fais prendre trois doses par jour d'arséniate de fer à la
quatrième trituration. Dès les premiers jours, il lui vient
des élancements dans les tempes, du rhume et de l'en-
chifrènement, larmoiement des yeux avec sensation de
brûlure. Le 2 octobre, démangeaison sur le côté gauche
du cou, avec un peu de rougeur ; le lendemain, déman-
geaison à la figure, même rougeur. Le 5, démangeaison
générale, plaques d'un rouge diffus sur les membres.
Les jours suivants, accidents divers de vertige, de
troubles de la vue, persistance des démangeaisons. Les
accidents cessent avec le remède.
Hahnemann n'a parlé nulle part, pour son compte,
de ce genre d'éruption; il n'a pas môme cité, dans ses
dernières pathogénésies} de faits d'érythèmes signalés
par d'autres auteurs. En résumé, il existe un érythème
d'origine arsenicale. 11 appartient aussi bien à l'empoi-
sonnement aigu qu'A l'empoisonnement chronique. Il se
rencontre de préférence lorsqu'il y a eu ingestion du
poison à l'intérieur, que la dose aitété toxique, moyenne
ou infinitésimale. On l'a constaté surtout pendant la
vie, et quelquefois après la mort.
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DE l'àCTIO.N DE LARSEN1C SUR LA PEAU. 339
CHAPITRE IV.
ERYSIPÈLE.
Deux enfants s'empoisonnent en avalant chacun une
pincée d'arsenic. Les accidents de fièvre et de douleur
persistent quelques jours. Le plus jeune g uérit le pre-
mier; l'aîné eut en outre le visage rouge et enflé, mais
cette éruption disparut vite. (Preussius, Acia naturx eu-
riosorum, 1715.)
J'ai vu, dit Belloc, une femme âgée de 56 ans, qui eut
l'imprudence de se laver le corps avec une dissolution
d'arseniepar ébullition dans l'eau commune, pourguérir
une gale dont elle était attaquée. Elle enfla de tout le
corps, autant que la peau peut prêter ; elle fut couverte
d'un érysipèle général et éprouva pendant plusieurs
jours un feu qui la dévorait. Sagaie se dissipa, à la vé-
rité; mais elle traîna une vie languissante pendant dix
ans, au bout desquels elle mourut, ayant toujours con-
servé un tremblement dans tous ses membres. {Cours de
médecine légale, an IX.)
Girdlestone, médecin anglais, qui paraît avoir été le
premier, dit Rayer, à avoir employé l'arsenic dans les
maladies de la peau, ce qui est une erreur historique
complète, nous fournit, dans ses expériences sur la lèpre,
des faits physiologiques intéressants. Dans un premier
cas, après trois doses de 8 gouttes chacune de teinture
de Fowler, en vingt-quatre heures, le corps entier du
malade devint d'un rouge d'écrevisse,et son visage offrit
l'aspect d'uneinflammationérysipélateusecommentuinte.
Voici un autre fait de Girdlestone qui se rapporte plutôt
à l'éry thème, et que je consigne ici. Un malade, qui
avait depuis deux ans de larges plaques de lepra nigri-
cans sur les joues, prit 4 gouttes de solution miné-
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340 PATHOGÉNIE ET THERAPEUTIQUE.
raie, deux fois par jour. La première dose produisit une
rougeur d ecrevisse à la peau, de la tension dans tout le
ventre et un léguer évanouissement. Le malade fut sou-
lagé par 1 grain de calomel, et sa lèpre fut guérie par
2 gouttes de solution, prises deux fois par jour, pen-
dant six semaines. Après une légère récidive, il reprit le
médicament à la dose de 4 gouttes, qui produisirent les
mêmes effets que ceux décrits ci-dessus. Enfin le malade
parvint à se guérir de nouveau, en prenant la solution à
la dose de 2 gouttes et sans en éprouver d'accidents.
(Edinb. med. Journal, 1806.)
On lit dans le même journal (1808) une observation
du Dr Kellic. Il s'agit d'un rhumatisme articulaire chro-
nique, traité pendant trois mois, avec trois intermissions
de dix jours, par la teinture de Fowler, donnée progres-
sivement de 5 à 10 gouttes par jour. Pendant chaque
série du traitement, à trois reprises différentes, il sur-
vint enflure du visage et des paupières, puis érysipèle
envahissant toute la figure et se terminant par desqua-
mation, au bout d'un septénaire, et cependant, à la
dernière série, on n'était pas allé au delà de 7 gouttes
de solution.
Renier parle d'une femme enceinte qui commit l'im-
prudence de se laver avec une eau arsenicale pour se
débarrasser de vermine. Il survint un érysipèle pustuleux
sur la tête, la figure, la nuque, le dos, les épaules et la
poitrine; il y eut même menace d'avortement. {Lehrbuch
der Chemie, Hllnest, 1812.)
Le Recueil périodique {{# 1 0) contient un compte- rend u de
Broussais sur l'emploi de l'arsenic dans les fièvres intermit-
tentes par un médecin espagnol. Depuis un an, toutes ces
fièvres étaient traitées avec succès. Le médecin, pour la
suppression du médicament, ne tenait aucun compte du
gonflement érysipélateux de la face et de divers autres
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DR l/ ACTION DR L ARSENIC SUR LA PRAT". 341
accidents qu'il n'avait jamais vu entraîner de suites fâ-
cheuses. Bouiller (id., 1813) vit un de ses fébricitants
être pris d'un fort érysipèlede la face, après la première
dose d'arsenic. Kleinert, décrivant l'empoisonnement
aigu, note 1 erysipèle parmi les accidents consécutifs :
« Peculiarisspecieserysipclatisfaciem obtinentis. » (Diss.
de arsenico, Lipsiœ, 1825, p. 7.)
Un individu s'était occupé à moudre et à tamiser de
l'arsenic, et, quoiqu'il eût pris la précaution de se couvrir
d'un linge la bouche et le visage, il n'en fut pas moins
pris, peu de temps après son ouvrage, des accidents les
plus sérieux. Lecuir chevelu était recouvert d'un grand
nombre de pustules dures et isolées; toute la figure et
les oreilles étaient extraordinairement gonflées, avec
rougeur érysipélateuse et grosses bulles. Mêmes acci-
dents, mais à un degré moindre, aux mains et sur les
parties couvertes du corps, le scrotum excepté, qui était
fortement pris, très-enflé et couvert de grosses bulles
qui ne tardèrent pas à crever et prirent tout à fait l'as-
pect gangréneux.II veut en outre de violentes douleurs,
du délire, de l'insomnie, convulsion des membres, trem-
blement des mains, grande anxiété, langue sèche,
respiration gênée, parfois vomissement et fièvre violente.
Le malade mit quatre semaines à se rétablir. Pendant
la convalescence, il perdit ses cheveux en quantité con-
sidérable et conserva longtemps après des tiraillements
douloureux dans les membres (florst. med. Zeitumj, in
Preussen, 1840).
L'observation suivante se rapporte à un fait d'empoi-
sonnement chronique par le séjour dans un appartement
peint en vert arsenical.
Observation I. — Une dame âgée de 75 ans habitait depuis sept
ans une chambre peinte en vert arsenical. Bien portante aupara-
vant, elle fut prise un an après d'une lientérie qui résista plusieurs
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342 PATHOGÉNIR ET THÉRAPEUTIQUE.
mois à une foule de remède;». A la fiu, des bains chauds, la noix
vomique et un séjour de plusieurs mois à Berlin finirent par la ré-
tablir. L'automne suivant elle est prise de raucité de la voix avec
toux sèche et irritation chronique des glandes de Meibomius ; la
lientérie revint alors pour durer jusqu'en été, époque où les bains
chauds et le séjour à Lauchstadt la guérirent de nouveau. L'hiver
suivant, nouvelle tendance à la diarrhée, et il survint au printemps
un gonflement érysipélateux des deux jambes sans qu'il y eût des
varices, et en même temps une grande faiblesse. L'exanthème était
rouge bleuâtre, et sur certains points rouge noirâtre ; il y avait ça
et là des bulles confluentcs remplies d'un sérum bleuâtre. Le
Dr Basedow, qui est l'auteur de cette observation, et qui le premier
a appelé l'attention sur cette forme d'emprisonnement chronique,
prit d'abord cette maladie pour une suite de lientérie et une altéra-
tion du sang ; mais il changea bientôt d'avis, ayant vu dans un
autre cas et dans les mêmes conditions un exanthème ruhcoliforme
confluent d'un rouge bleuâtre se développer sur les avant-bras et
sur les mains, avec névralgie antibrachiale et anesthésie des doigts.
(Basedow, Preus. ver. Zehung, 1846.)
Un individu s'empoisonne, le 13 mai 1847, avec de la
mort aux rats. Les deux ou trois premiers jours, acci-
dents ordinaires de l'empoisonnement, violents et tu-
multueux.
Le 10, au côté gauche de la figure, région paroti-
dienne, la peau est enflammée, rouge, épaissie, ferme
et douloureuse, devenant jaune sous l'impression du
doigt.
Le 20, vertiges en se levant, douleurs du gosier à
raison d'ulcérations existant depuis trois jours. La rou-
geur s'est agrandie et couverte de nombreuses vésicules
remplies d une sérosité jaunâtre. L'éruption envahit le
pourtour du nez et de la bouche. Le lendemain, elle
couvre tout le visage. Le 23, l erysipèle est en pleine
voiededesquamation. Le 25, malgré l'état de dessiccation
et la chute des croûtes, l'oreille gauche se couvre de
nouvelles vésicules. Le 27, guérison complète ; plus tard,
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DE L* ACTION DE i/aRSFNIC SUR LA PEAU. 343
accidents anesthésiques des extrémités inférieures.(Spen-
gler. HmkësZen., 1848).
Taylor cite une observation du Dr Stilli [Amer. med.
Journal, 1848) : une femme frotta la tête do ses enfants,
affectés de porrigo, avec une solution alcoolique d'une
demi-once d'arsenic; la figure devint rouge et enflée;
l'un des enfants mourut, avec diarrhée et paralysie des
extrémités inférieures.
Je n'ai jamais vu, pour mon compte, survenir de
grands érysipèles ; mais, dans mes nombreux expéri-
ments sur l'arsenic, à dose moyenne, comme à dose
infinitésimale. J'ai vu plus d'une fois l'érysipèle partiel
de la face, surtout borné aux paupières, nouvelle preuve
de l'électivité manifeste de l'arsenic sur les yeux. Voici
un exemple où l'action prolongée de l'arsenic est re-
marquable :
Observation II. — Parpalay, entre à l'Hôtel-Dieu de Clermont-
Ferrand le 10 septembre 1851. Le 2i, troisième accès d'une fièvre
tierce. Traité jusqu'au 8 octobre par la solution arsenicale de Fow-
ler, 2 gouttes par jour dans une potion. La fièvre diminue en
intensité à chaque accès et disparait complètement le 8 octobre.
Mais dans les premiers jours du mois, le malade se plaint de brouil-
lards dans les yeux, de larmoiement et de démangeaisons aux pau-
pières ; en même temps il est enchifrené.
Les 5 et 0, il se plaint beaucoup de ses yeux, ils lui cuisent, et il
ne peut pas regarder, à ce qu'il dit. Même enchifrènement. Les
jours suivants, diminution des accidents. Lo 12, il se plaint encore
de démangeaisons aux paupières. Lo 18, il n'éprouve plus rien. Le
28, l'éruption prurigineuse ou eczémoïde discrète depuis deux jours
sur tout le côté gauche du tronc ; il existe quelques boutons au
bras. Le 2 novembre, cette éruption dure encore et lui cause beau»
coup de démangeaison. Léger érysipèle autour des yeux depuis
hier. Le t, l'érysipèle disparait ; le malade n'en avait jamais eu,
l'eczéma touche à ?a fin. Sorti guéri quelques jours après.
Les diverses pathogénésies de l'école homœopathique
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I
M 1 PATHOGKN1R ET THERAPEUTIQUE.
i
i
ne font pas mention de l'érysipèle (Hahnemann, Black,
Jahr). Il est inutile d'ajouter que lérysipèle s'est souvent
développé dans le cas d'application de pâte arsenicale ^
sur le cancer. Il se produit à dose médicinale comme à
dose toxique, et aussi à dose infinitésimale, d'après mes
expériments personnels. On peut aussi considérer l'em-
poisonnement par le séjour dans les appartements à
couleurs ou tentures arsenicales comme opérant à dose
infinitésimale, témoin l'observation Basedow.
CHAPITRE V.
URTICAIRE.
Fowler est, à ma connaissance, le premier qui ait si-
gnalé l'urticaire arsenicale. C'est en traitant une série
de fièvres intermittentes par la solution à laquelle il a •«
attaché son nom, qu'il a constaté ceg'enre d'exanthème.
Chez un petit nombre de malades, le remède occasionna
dumalaise.de la douleur à l'estomac et une légère érup-
tion de la nature de l'urticaire.
Dans une observation de Gendrin, on voit après un em-
poisonnement grave survenir au bout de quarante-huit
heures, sur le cou et la poitrine, une éruption prurigi-
neuse très-confluente, ressemblant à l'urticaire. L'exan-
thème g'ag'na, dans la journée, jusqu'au cuir chevelu,
la partie postérieure du cou et des épaules, et disparut
dans la nuit. [Recueil périodique, 1823.)
Le Journal de chimie médicale (1846) donne l'observa-
tion d une famille entière de douze individus, empoi-
sonnée par l'arsenic. Dès le second jour, apparaît la ,
conjonctivite arsenicale sur plusieurs d'entre eux, et,
deux jours après, une éruption ortiée ou miliaire.
Un homme de 27 ans, ivrog*ne de profession, s'empoi-
sonne le 15 avril et meurt au bout de huit jours. Le 18,
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DR L'ACTION DE i/ARSENIC SUR LA PEAU. 345
éruption de plilyctènes autour de la bouche. Le 19, pa-
rotidite intense du côté gauche Le 21, on voit apparaître,
après une très-mauvaise nuit, une forte éruption ortiée
sur tout le corps, le visage excepté. Le lendemain,
l'exanthème avait disparu. (Kersten, Deutsche Klinik,
1851.)
Sur 108 fièvres intermittentes traitées par l'arsenic,
36 malades éprouvent des accidents arsenicaux. Zeroni
note, parmi eux, une fois l'urticaire (id., 1851). Dans le
courant d'un traitement arsenical pour un prurit vul-
vaire, M. Marchand a vu sur venir des plaques d'urticaire
pendant plusieurs jours, en dehors du lieu affecté (/oc.
cit.).
Observation III. — N... travaille depuis un mois dans les ateliers
de la fabrique de fuchsine. Depuis huit jours, il souffre d'une cuis-
son vive aux bourses avec œdème des mêmes parties. Les pieds et
les mains sont depuis le même temps le siège d'une éruption avec
prurit extrême. Entré à l'Hôtel- Dieu de Lyon le 3 mai.
Actuellement la verge et les bourses sont considérablement œdé
matiées, les mains et les pieds présentent un léger œdème et une
éruption ortiée qui occasionnent un prurit excessif. (Charvet, Etude
sur une épidémie qui a sévi parmi les ouvriers employés à la fabrication
de la fuchsine, thèse de Paris, 1863.)
Orfila etTaylor ont signalé l'éruption urticaire. Chris-
tison la passe sous silence. Voici ce que je disais à ce
sujet, il y a bientôt quinze ans : C'est une des formes
d'exanthème arsenical les plus fréquentes. J'ai vu sou-
vent les sujets arsénicisés accuser des boutons appa-
raissant à la figure, au col et sur les membres, et
disparaissant dans la même journée : Une jeune fille
que je traitais, il y a quelques jours, par Tarséniate de
fer, m'a offert, pendant deux jours consécutifs, dans
toute la longueur des quatre membres, une fort belle
éruption ortiée confluente. Les boutons étaient blancs,
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340 PATHOOÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
légèrement rosés et uniformément grands comme des
lentilles; ils étaient en même temps accompagnés
d'une démangeaison considérable. (Moniteur des hôpitaux,
1857.)
Hahnemann a signalé l'urticaire dans sa pathogène-
sie; non-seulement il citeFowler, mais il note une sorte
d'éruption cuisante, incolore, tout autour du cou, sur
les épaules et aux côtés (§ 604). Ailleurs, Fr. Hahne-
mann, un de ses coexpérimentateurs, décrit une érup-
tion serrée de petits boutons ayant la couleur du reste
de la peau, de la grosseur d'une lentille, et plus petits,
avec douleur cuisante, qui est ordinairement plus forte
la nuit que 1p jour (§ 807). Ces éruptions, où l'on recon-
naît facilement l'urticaire, ont été obtenues très certai-
nement à doses infinitésimales.
Il m'a été donné de voir un fort bel exemple à'urticaria
tuberosa arsenicale. Je crois ce fait-là unique dans la
science. J'ai publié cette observation intéressante, en
août 1869, dans l'Art médical. Je la reproduis ici en
l'abrégeant :
*
Observation IV. — J'ai reçu tout récemment, aux eaux de
Royat, la visite d'un ouvrier qui m'était adressé par le médecin
de la Trappe d'Aignebellc. Le révérend père trappiste me l'en-
voyait, à 1'eflet de statuer sur sa maladie qu'il croyait d'origine ar-
senicale. J'ai gardé le malade trois ou quatre jours seulement, je
l'ai longuement interrogé et examiné ; il m'a offert un cas très-
curieux d'intoxication chronique par l'arseuic.
Jacques Hérard est employé depuis six ans dans une fonderie
d'argent du département de l'Isère, comme concierge et employé
au laboratoire d'essai. Quand on découvre les creusets au point
voulu d<- fusion du minerai, il s'en échappe des vapeurs blanches
à odeur d'ail qui remplissent le laboratoire, et persistent plus ou
moins selon la force de tirage des cheminées d'appel. Il en est de
même dans les hauts fournaux. Quand le tirage est faible sous l'in-
fluence de certains vents, surtout celui du midi, l'usine entière.
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DE L'ACTION DR LARSEXIC SUR LA PEAU. 317
ainsi que la loge du conc'-erge, sont remplies de ces fumées à odeur
d'ail qui donnent mal au cœur et envie de vomir.
C'est à ces conditions d'habitat et de travail que Jacques Hérard
doit les divers accidents auxquels il est sujet. Pendant les trois pre-
mières années, css accidents ne se sont présentas que sous la forme
de coliques avec dévoiement dysentérique...; depuis le mois de sep-
tembre 186G, les accidents ont changé de forme : ils consistent dans
une série continuelle d'éruptions à la peau, et parfois d'oppression
sternale et de gonflement aux bourses.
Quand Hérard a travaillé fort et toute la journée au laboratoire,
le soir il a le cœur malade, grande soif et pas d'appétit. Il est comme
assommé, pris d'un sommeil à dormir debout, ce qui est pour lui
un signe avant-coureur de ses éruptions ; en même temps frissons
passagers de quelques minutes. 11 est agité toute la mut et en
sueurs; sommeil interrompu, rêvasseries. Ces éruptions viennent
surtout la nuit. Il commence i sentir des démangeaisons en diverses
parîies de la peau, puis le tégument gonfle avec une sensation de
cuisson brûlante : c'est comme si on lui dirigeait sur la peau des
vapeurs d'eau bouillante. Ces gonflements de la peau sont des éle-
vures à dimension et épaisseur variables; ce sont tantôt comme des
lentilles ou des pièces de 20 sous, tantôt comme de larges plaques
qui ont parfois l'étendue de la main ; ce sont de véritables bosses
plus ou moins étendues. Il lui arrive parfois d'avoir des gonflements
très -considérables occupant tout le gras du bras.
J'ai été à même d'observer pendant deux jours ces gonflements
singuliers. Le premier jour, il lui était survenu pendant la nuit au
front un de ces gonflements; je le vois à neuf heures du matin;
tout le front est gonflé, dur, d'un rouge luisant. C'est une grosse
bosse, comme provenant d'une forte contusion , offrant au point
culminant une véritable papule large comme une pièce de 20 sous,
plus rouge que le tissu rosé ambiant. Cette papule faisait elle-
même une légère élevure aplatie. Le lendemain, tout avait dis-
paru, mais il était survenu pendant la nuit un gonflement considé-
rable au flanc gauche, grand comme la paume de la main, à rou-
geur érythémateuse tivs-vive et très-tranchée sur les bords. Ce
gonflement était dur, chaud et douloureux au toucher. Hérard di-
sait que ça /" brûlait. En plissant la peau, on sentait le derme con-
gestionné, épaissi comme dans un érysipèle. Le médecin de l'usine
lui a dit que c'était de l'urticaire. En général, d'après Hérard, ces
éruptions commencent durant la nuit pour disparaître insensible-
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318 PATHOOÉXIE FT THKP.APKITIQÏE.
nient l'apr.'s midi. Ces gonflements sont durs et mettent plusieurs
heures à sp former. Il en a quelquefois tout le corps couvert. Son-
vent ces gonflements se portent aux yeux, mais sur les paupières
seulement ; elles deviennent alors gonflées, luisantes, bouchant par-
fois les yeux comme dans Y œil poché; puis le gonflement descend
sur les joues et sur les lèvres. 11 n'y a jamais eu de conjonctivite.
Ces gonflements ont lieu partout, excepté au sommet du cuir che-
velu et aux oreilles. Le premier jour de leur apparition, en sep-
tembre 1866, ils ont débuté par un pied et au talon. Un des acci-
dents des plus douloureux pour Hérard est parfois le gonflement
énorme des bourses avec démangeaisons et cuissons successives , ce
qui ne dure pas au delà de douze ou vingt quatre heures...
Pour plus amples renseignements, je me suis adressé à un jeune
médecin de la localité, le Dr Charvet , auteur de la thèse citée plus
haut, et voici sa réponse : - J'ai visité avec le plus grand soin cet
homme, et j'ai longuement causé avec lui des causes et du dévelop-
pement de sa maladie. Je suis arrivé à la même conclusion que
vous. Il me semble impossible de rapporter à une autre chose qu'à
un empoisonnement arsenical les phénomènes morbides si singu-
liers dans leur développement et leur succession que ce sujet a pré-
sentés. Quant à la présence de l'arsenic dans les minerais et dans
les cendres employées à l'usine, elle est incontestable; l'odeur
alliacée est souvent intense et se fait sentir au loin dans la campa-
gne. Depuis son retour Hérard a repris son travail, et presque im-
médiatement de nouvelles plaques ortiées se sont montrées au front
et au dos de la main gauche.
J'ai joint à cette observation, dans 1 Art médical, quel-
ques autres documents. J'ai soutenu à tort que Fowler
n'était pas le premier à avoir signalé l'urticaire, m'ap-
puyant sur une observation de Fr. Hoffmann et un autre
fait publié dans le Commercium lift, noricum. Je me suis
trompé à propos de ces deux observations; la première
est un cas d'érythème, l'autre se rapporte à une éruption
miliaire.
Concluons qu'il existe une urticaire arsenicale, même
sous la forme rare d urticaria tuberosa, se produisant à
toute espèce de doses. Elle a lieu de préférence avec
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 349
l'ingestion interne du poison. A part l'observation de
Charvet, je ne vois guère qu'elle ait été signalée dans
l'empoisonnement externe.
Imbert-Gourbeyre,
Professeur de matière médicale à l'Ecole de
médecine de Clennont-Ferrand.
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS.
— 8U1TB —
§ V. — Thérapeutique.
La thérapeutique comprend trois branches bien dis-
tinctes qui furent reconnues dès les temps les plus an-
ciens, qui même furent plus isolées qu'elles n'auraient
du l'être : la diététique, la pharmaceutique , et la chi-
rurgie. Nous avons vu qu'en Egypte cette distinction
avait donné lieu à divers ordres de médecins. La tradi-
tion générale, beaucoup plus sage, voulait qu'a l'exemple
d Hippocrate tout médecin fût' maître en diététique, en
pharmaceutique et en chirurgie tout à la fois. C'est la
fureur des spécialités qui a de nouveau séparé la chi-
rurgie.
I. Diététique, hygiène. — Le sentiment qu'on retire
de la lecture de tous les auteurs des xvie et xvn° siècles,
sur ce point, c'est que l'hygiène ùyutvu, est tout à la
fois l'art d'user des choses naturelles en état de santé
et en état de maladie. Les définitions qu'on donne
tournent bien toutes autour de celle-ci, que l'hygiène
est l'art de conserver la santé. Mais quand on voit que
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350 HISTOIRE DE J.A MÉDECINE.
l'hygiène doit comporter la diététique des malades, et
que les principes sont les mômes, que la matière de la
science est la même, on arrive à ce résultat que l'hy-
giène est pour les bien portants ce que la diététique est
pour les malades, et qu'il n'y a entre elles que les diffé-
rences d'application dépendant du sujet, le fond de la
science restant le même. Eu définitive, la science diété-
tique, ou hygiénique, est bien la science de l'usage des
choses naturelles à l'état de snnté pour s'y conserver,
à l'état de maladie pour en sortir.
On avait eu dans le xvi* .sic 'le, outre la partie des
Institutes consacrée à l'hygiène, quelques traités parti-
culiers de Pletius, de Pratis, Elyot, Pictorius, Sylvius,
Gordon, Hantz, Durante, Liébault, P. Alpin, et celui de
Cornaro dont la vogue se prolongea dans le xvi* et le
xvii* siècle.
Dans le xvn* siècle, il en parut d'autres ; ceux de Du-
chesne (ou Querceianm), Guido (ou Vidius), Lessius (un
des plus renommés), Fonseca, Pausa, Deodatus, Bontius,
Lomnius , Fabrice de Hiiden, lliolau (le père), Conring,
Vogler, Bontekofi, etc. Gr. Tozzi écrivit spécialement sur
l'action du café et du thé, dont l'usage se répandait. Th.
Tryon prit surtout le coté moral de 1 hygiène. Bontius en
fît l'histoire chez les Egyptiens et les Indiens. Le très-
petit livre de Samtcrius {de Medicina slatica aphorîsmi,
Vienne, 1614) eut un grand nombre d'éditions, et mon-
tra 1 hygiène basée sur la perspiration pulmonaire
et cutanée, et sur une étude avec la balance; l'auteur
sétant pesé plusieurs fois par jour pendant quarante
années de sa vie et en toute occasion de son existence.
Floyer, le même qui a écrit sur l'asthme, remit en
vigueur les immersions et les bains d'eau froide, pré-
tendant que c'était depuis qu'on ne baptisait plus les
enfants par immersion que l'on était plus sujet aux
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étude sur nos traditions. 3b)
rhumatismes et aux fièvres. Il eut une influence consi-
dérable sur le régime dans son pays, et c'est depuis lui
que les Anglais ont pris le grand usage de l'eau froide
que nous leur connaissons, et qu'ils ont propagé chez
nous.
II. Thérapeutique médicale. — Nous avons vu com-
ment; dans le siècle précédent, la révolte contre le ga-
lénisme s'était étendu jusque dans la thérapeutique;
comment on y réprouvait le principe contraria contrariis
curantur; Paracelse voulant lui substituer cet autre:
Similia similibus curantur. La doctrine que les maladies
sont des essences morbides réelles, et que les médica-
ments contiennent des essences alexipharmaques ou
contre-poisons , se répandait. Avec les médicaments
nouveaux, on ne voyait donc qu'une chose : trouver
des spécifiques pour chaque maladie, ou des contre-
poisons généraux capables de lutter contre plusieurs
espèces morbides; ou peut-être même trouver un spéci-
fique universel, une panacée, comme le voulaient les an-
ciens. Mais la réalité des recherches ne répondait pas aux
désirs etaux illusions do la théorie. Le mercure, legayac,
lipécacuanha, le quinquina, l'or, l'antimoine, étaient de
précieuses acquisitions, mais aucun d'eux n'était une
panacée, et le nombre des spécifiques était toujours
restreint. La théorie des signatures, acceptée par toute
l'école Paracelsiste, et qui avait tant enthousiasmé J.-B.
Porta, fournissait quelques indications; on la suivait
pour essayer la chelidoine et l'hépatique dans les affec-
tions du foie, la pulmonaire dans les affections du pou-
mon, la scrofulaire dans les affections des glandes, la
digitale dans les affections du cœur , etc. Mais, en
somme, la satisfaction qu'on en retirait était mé-
diocre.
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352 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
Pendant ce temps, les nouvelles théories patholo-
giques, basées sur la chimie et la physique, engageaient
à se tourner d'un autre côté : on cherchait des acides
pour combattre les alcalis du sang et des humeurs, des
alcalins pour combattre les acides; des désobstruants
et des incisifs pour diluer le sang* dans les vaisseaux,
des incrassants pour l'épaissir, comme les résines et les
baumes. Il y avait encore des galénistes qui parlaient de
desséchants, d humectants, d évacuants antibilieux ou
du phlegme ; et plusieurs voulaient sans cesse évacuer
Y humeur peccante. On n'a qu à lire la Médecine et les mé-
decins au temps de Molière, par M. Regnault, et surtout
le journal de Danjeau racontant à quel régime inouï de
purgalions on livrait le grand roi Louis XIV, pour se
rendre compte de ce qu'était cette thérapeutique. Ajou-
tons que la saignée, très-remise en honneur, et sur la-
quelle on avait tant discuté dans le siècle précédent,
était considérée comme le premier des antiphlogùtiques ;
car c'était vers cette époque que le mot phlogislique,
dérivé des alchimistes, mis en honneur par Stahl, était
en usage pour expliquer et personnifier la chaleur pro-
duite par les esprits vitaux dans la fièvre et les maladies
aiguës.
La doctrine de l'indication, telle que l'avait posée
Hippocrate, était méconnue, on ne l'entrevoyait qu'à
travers les fumées de théories nouvelles qui l'altéraient,
comme l'avait fait Galien. Sans doute on se rappelait
bien que Y indication est ce qui doit être fait en vue du
malade, et selon l'action de l'agent qu'on peut em-
ployer. Mais, du moment qu'on entrait dans l'interpré-
tation, on ne voyait plus les choses xara<puaw (selon la
nature), comme le demandait Hippocrate, mais selon la
théoriequ'on s'en fuisail; de sorte qu'au lieu de voir dans
la maladie sa distinction, ses localisations et ses mou-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 353
vements, on retombait dans la tradition galénique, con-
sistant à connaître la maladie par sa cause prochaine ;
et, au lieu de constater simplement la puissance des
agents médicinaux, on attribuait aux médicaments des
vertus hypothétiques de salinité, d'acidité, d'humidité,
de sécheresse, de caloricité ou de frigidité. C'était tou-
jours la théorie de la cause prochaine qui régnait. L'un
attribuait la maladie à une acidité, et il cherchait un
agent contre l'acide ; celui-ci y voyait une obstruction
et demandait un désobstruant; cet autre voyait dans la
maladie un empoisonnement et cherchait un contre-
poison, ou spécifique; pour celui-ci c'était une humeur
viciée qui n'était pas évacuée naturellement, et il vou-
lait un agent purgatif, diurétique ou sudorilique pour
évacuer l'humeur peccante.
Prenons de cette époque un des hommes les plus
versés dans l'antiquité, et qui fut aussi un grand méde-
cin, Sydenham, qu'on a surnommé l'Hippocrale an-
glais. Lorsqu'il pose les premiers principes, c'est une
bouche d'or qui s'ouvre, et nous l'entendons nous dire :
« Ce grand homme (Hippocrate) a établi comme un
solide fondement de son art, cet axiome incontestable
que la nature guérit les maladies. Aussi ne demande-t-il
autre chose, sinon de secourir la nature lorsqu'elle tombe,
de la retenir lorsqu'elle s égare, de la ramener dans le cercle
quelle vient d'abandonner ; tout cela en se servant des
moyens qu'elle emploie elle-même pour guérir les ma-
ladies; car cet excellent génie avait bien vu que la na-
ture seule les termine et peut opérer toutes choses. Pour
cela faire, elle n'a besoin que d'être aidée d'un petit
nombre de remèdes très-simples, et quelquefois même,
elle n'a besoin d'aucun. » (Préface du Traité des maladies
aiguës, § VII.) Après cela, nous pensons bien qu'il va
s'occuper de constater les phénomènes et les mou-
TOM • XXXII. — NuYEMBUE tf l>E<E.\JliltE I STO. J i
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354 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
vements des maladies d'une part, et d'autre part les ac-
tions naturelles que peuvent produire les moyens qu'il a
à sa disposition : mais point, et il retombe vite dans le
galénisme, nous disant, quelques alinéas seulement plus
bas : « L'ancienne méthode de traiter les maladies est
fondée sur la connaissance des causes prochaines et
manifestes. » (Ibid.% § XVII.) Et nous le verrons purger,
saigner, faire suer ses malades pour évacuer l'humeur
peccante. Heureusement pour lui, et c'est par là qu'il
reconquiert son juste renom, que dans beaucoup de cas,
il marche en mettant sa théorie de côté et en se deman-
dant, non s'il va évacuer un poison morbide, mais si sa
purgation aura un effet naturellement bon , à telle époque
de la maladie, et telles circonstances étant posées. Mais
c'est que, comme nous l'avons déjà fait observer,
Sydenham était un théoricien fort médiocre, tout en
étant très bon médecin, parce qu'il était au fond plutôt
hippocratiste que galéniste.
Ainsi, quoique Galien fût très-conspué au. xvif siècle,
le fond de la thérapeutique était resté galénique sous
des explications chimiques et mécaniques nouvelles. On
cherchait toujours à traiter la cause prochaine de la
maladie, et on suivait le principe : contraria contrariis
curant tir. Ceux qui ne s'y rangeaient point étaient des
spécifîciens cherchant à contre-carrer ou à évacuer le
poison morbide.
Cependant, les élans de Paracelse et de son école
contre le galénismc ne pouvaient être perdus, et Van
Helmontest celili qui les recueillit avec le plus de rai-
son. Il faut que, sur ce point encore, nous revenions à ce
grand homme, et que nous complétions ce que nous
avions à dire de lui.
Pour lui, comme pour Hippocrate, c'est la nature
-.c'est-à-dire Tarché) qui guérit les maladies. De môme
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étude sur nos traditions. 355
que l'arché engendre des idées morbides au contact des
causes extérieures qui nous pénètrent, cet hospes ignotus
morbus, de même il revient par d'autres influences à des
idées saines. Il y a des auteurs qui ont fait dire à Van
Helmont que le médicament calmait les fureurs (i) de
l'arché : c'est le méconnaître absolument ; c'est certai-
nement l avoir mal lu. Quand la maladie est engendrée,
ce n'est pas que l'arché entre en fureur, mais qu'il con-
çoit une forme morbide ; et, de même quand la santé
revient, ce n'est pas que l'arché se calme, mais qu'il
revient à concevoir la forme normale de la vie.
Mais, cela bien compris, il est visible que pour Van
Helmont il ne peut plus s'agir ni du principe des con-
traire» de Galien, ni du principe des semblables de Para-
celse ; et en effet, il s'en explique très-nettement dans
son petit traité intitulé : Natura contrariurn nescia.
D'abord, il reproche à Galien d'avoir pris et posé un
principe trop facile et dès lors suspect. Il montre com-
bien de faits nient que le contraire soit guéri par le
contraire; il s'en rit même, et demande ce que peut être
le contraire d'un coup de poing ou d'une rixe et rap-
pelle que Paracelse s'est justement moqué de ce prin-
cipe. Mais il attribue à l'amour du paradoxe, chez le
médecin de Bàle, d'avoir voulu substituer à l'axiome
des contraires, l'axiome des semblables. Les maladies
comme la guérison sont le fait de l'arché ; et ces mou-
vements ne sont ni des effets contraires ni des effets
semblables, mais des actions qui dépendent de la nature
même du moteur, selon la fin qui lui a été faite par le
Créateur. « Enim vero quidquid in natura, aut nasci-
« tur, ût ex necessitate seminum efficientium. Semina
(i) Van Helmont dit : Perturbations, il parle bien aussi des fureurs
dans plusieurs endroits, mais on voit bien que c'es-t pour indiquer
l'exultation ,!«™* 1" perturbation.
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356 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
« au te m ipsa nullalenus operantur ob scopum simili-
ce tudinis, contrarietatis (ut alioquin vulgx» putatur) sed
« duntaxat, quia sic sunt jussa operari a reruin Do-
« mino, qui solus scientias, fines, seminibus dédit,
« sibi soli cognitos a priori. » (§ 16.) C'est-à-dire que,
pour lui, l'action intime de l'agent vient d'une aplitude
de la nature créée; que l'action produite par le médica-
ment et qui modifie le mouvement de l'arché n'est pas
contraire, mais différente (ce qui est tout autre chose)
de l'action produite sur ce môme arché par la cause
morbide ; qu'il y a là des effets prévus par celui qui les
a créés, non autre chose. En un mot, pour mieux carac-
tériser le fond de sa pensée, il veut nous dire que l'acte
de g-uérison se fait en vertu d une prédisposition cura-
tive, comme l'acte morbide s'accomplit en vertu d'une
prédisposition à la maladie. « Alioqui semina vadunt,
« et quorsum nesciunt : sese dirigent quidem tan-
« quam scientia pollerent, sed lendunt per média sibi
« concessa ad fines sibi ignotos. Vocamus namque
« impropriè medicaminum intentiones, aut naturœ
« scopos : non quod sibi ab initio scoporum prtefine-
c rint : verum quod ex dono creato, nata sint sua direc-
« tione sponte ac naturaliter defluere, ad ejusmodi
a fines, Deo cognitos. » (§ 17.)
Pour lui, le principe des contraires est un principe
païen, et il s'efforce de prouver qu'il n'y a rien de contraire
dans les éléments ; que le froid et le chaud sont par nous
dits contraires, mais ne sont en réalité que des effets dif-
férents ; que ce n'est pas par contrariété que l'eau éteint
le feu; que le feu n'est pas une substance, non plus que
l'humide et le sec; que tous les éléments matériels ou
les êtres ne sont pas contraires, parce qu ils peuvent pro-
duire des effets différents ou opposés. L'analyse ne
suffît point à rendre son argumentation, il faut la lire.
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ÉTT'DE SUR NOS TRADITIONS. 357
Il combat également ce qu'il nomme le paradoxe de
Paracelse et déclare que les médicaments ne guérissent
ni par les contraires ni par les semblables, mais par
appropriation : « Quapropter censeo medicamen pro-
« prie, immédiate, atqtie efficienter, consistere in com-
te petenti, sive appropriatio, per quod nempe natura a
« suo casu resurgit. Sunt rébus si quidem natales dotes,
« quœ distant a simili. Sunt nempe illae, in quibus
* Àrcheus noster suas reperit delicias. » (§ 42.)
Ce qui revient à dire pratiquement que la médecine
n'a qu'à constater par expérience les effets des médica-
ments pour en profiter, en notant les conditions dans
lesquelles les effets se produisent, conditions qui de-
viendront les indications. Certes, il y a peu de médecins
chez lesquels la théorie ait abouti à quelque chose de
plus sensé, et on en voudrait beaucoup à notre époque
qui fussent dans d'aussi bonnes traditions. Nous ver-
rons d'ailleurs plus tard comment le principe de Para-
celse fut repris par Hahnemann sous une nouvelle
forme.
Mais, avant de quitter Van Helmont, notons encore
un de ses traités, intitulé Butler, dont personne ne parle,
et qui mérite cependant qu'on s'y arrête. Il a son im-
portance dans notre tradition. Les premières phrases
résument tout ce que nous avons dit, et ce ne sera peut-
être pas trop de les citer : « Jam preecedenti tractatu
« demonstravi satis quod morbus non existât nisi in
« vivis, ac nedum proprium sibi subjectum eleg^rit,
a corpus vitale : quinetiam quod intrinsecum vitœ or-
« g»anum ipsum sit faber morbi, efficiensque internum.
« ïmo demonstravi, et materiam, spiritualemque au-
• ream ipsius Archei, nedum esse objectum, in quod
« primum omnia morborum spécula acuuntur ; verum
■ etiam esse ipsam materiam ex qua, et circa quam,
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358 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
« illius faber œstuationes, exundationes, atque exorbi-
« tationes circa propriam perniciem contingunt. Illam
a nimium esse peccati stultam sobolem, dum se bomo a
« Deo avertit, non nisi deinceps omnia stolide in pro-
« prium exitium convertere. » Où l'auteur en veut-il ve-
nir ? C'est d'étudier les actions de la nature sous une
nouvelle forme, et de montrer plus clairement que les
maladies et leur guérison ne dépendent point, comme le
disait le galénisme, d une cause conjointe ; car, de môme
que les plus petites causes peuvent produire de grandes
maladies, de môme des remèdes en très-minime quan-
tité peuvent produire la guérison. On comprend, selon
lui, que la bonté de fJieu exigeait que, si de très-
minimes causes pussent rendre malade, de minimes
agents pussent aussi procurer la guérison ; admirable
argument que je soumets à mon tour à ceux qui veulent
bien raisonner.
Cela nous mène à Butler, un Irlandais qui avait
été célèbre sous le roi anglais Jacques, et qui se trou-
vait détenu dans la prison de Vilvorde. Ce Butler pos-
sédait une petite pierre, lapillum^ qu'il lui suffisait
de tremper dans l'eau ou dans l'huile pendant quelques
instants seulement pour faire de ces deux véhicules, où
l'agent était ainsi dilué à dose bien infinitésimale, de
précieux agents de guérison. Van Helmont voit ainsi
guérir d'abord un érysipèle, puis une hémicranie rebelle
depuis plusieurs années. Van Helmont s'en étonne ; puis
il doute et craint le charlatanisme, voyant que Butler,
par un coup de tête, se refuse de soigner le vicomte de
Gand, qui était goutteux. Mais un obèse d'Anvers est
guéri en quelques semaines; lui-même Van Helmont
est guéri d'un rhumatisme; sa femme est guérie d'une
douleur rebelle et d'un œdème des membres inférieurs.
Les guérisons se multiplient, et notre auteur constate
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 359
bien qu'il n'y avait rien là de surnaturel, ni kabbalisme,
ni démonie, ni mysticisme, mais un seul fait naturel.
Le remède lui demeura inconnu. Il voulut essayer de
le préparer, mais il n'y peut réussir. 11 se rappelle
que les maladies pestilentielles et contagieuses peuvent
naître d'une parcelle bien minime de contage; qu'il
suffit d une bien minime quantité d'un virus rabique ou
du venin d'un serpent pour ébranler toute une consti-
tution, ou même tuer en peu d'instants , et il s'explique
qu'il puisse exister des remèdes qui, par la bonté du
Créateur, soient pour le bien ce que ces agents sont
pour le mal, et qui, à des doses excessivement minimes,
puissent opérer la guérison. Je crois bien, pour ma
part, qu'un siècle après. Hahnemann sut lire ce petit
traité de Van Helmont, si intéressant et si extraordi-
naire.
Revenons h la thérapeutique du xvii* siècle, dont nous
n'avons encore fait connaître que les données générales.
Il nous reste à parler des grandes querelles sur l'anti-
moine, sur l'infusion et la transfusion, et sur l'intro-
duction des médicaments nouveaux.
Nous avons dpjà vu comment, au siècle précédent,
était née la querelle de l'antimoine, qui rappelle ce que
nous pouvons voir aujourd'hui à propos de l'homœopa-
thie : mêmes passions, mêmes préjugés, mêmes vio-
lences, mêmes iniquités. 1/antimoine n'était pas seule-
ment un médicament nouveau, c'était un médicament
chimique : à ce double titre, tout ce qu'il y avait de
galénistes à Paris (et ils étaient nombreux, maîtres de
l'Université, détenant les chaires officielles, maîtres de
la Faculté par leurs élèves, en relation avec les théolo-
ffiensl était un ennemi. Gomme purgatif et vomitif,
l'émétique supplantait l'ancien ellébore et le séné des
Arabes. Gomme préparation chimique, c'était un coin
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300 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
enfoncé dans l'antique monument galénique pour ou-
vrir la porte aux chimistes et à leurs théories. Donc,
l'émétique était proscrit.
Nous avons dit comment la querelle avait été as-
soupie par un arrêt du Parlement de Paris en 1566.
Elle se réveilla en 1603, lorsque Duchesne (Quer-
cetamis) publia son livre (de Priscôrum philosophorum
verx medicinx natura), où il vantait le remède nouveau
et attaquait avec une grande vivacité les médecins
qui le proscrivaient. Hiolan, un des plus attaqués, et
de caractère peu accommodant, y répondit dans son
Apologia. Alors, la querelle devint des plus vives, et de
tous côtés parurent des libelles pour ou contre; de
chaudes disputes s'engagèrent, et Duchesne ne fut pas
un des moins ardents. Cependant les Frères de la Charité,
qui fondaient un hôpital à Paris, propageaient le verre
d'antimoine sous les noms de moclrfique et de macaroni.
En 1606, la mort de Riolan père rend un instant la
tranquillité. Mais, en 1609, Paulmier vient soutenir
l'avis de Duchesne, dans son Lapis p/ii/osophicus ; et tous
les débats recommencent. La Faculté de Paris rend un
arrêt contre Paulmier, qui en appelle au Parlement où
il est condamné (1609). Cependant le nombre des adhé-
rents à l'émétique augmentait, l'opinion publique se
prononçait en leur faveur, et la Faculté cède en inscri-
vant la formule du vin émetique dans son Codex de 1638
et de 1645. Le célèbre Gui Patin, esprit inquiet et aigri,
très littéraire, fort ami de l'antiquité, et plein de verve
railleuse contre la cuisine des Arabes (nom qu'il donnait
aux préparations chimiques), publie le Cursus antimoniœ,
sorte de martyrologie de t antimoine, dans lequel il attaque
tous ceux qui adhèrent aux nouveaux médicaments.
Les libelles recommencent dans tous les sens, les que-
relles deviennent ardentes, et enfin, en 1666, cent ans
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 361
après le premier arrêt que suscita cette affaire, le Parle-
ment intervient encore, consulte la Faculté, dont 92
docteurs sur 102 se prononcent en faveur du vin émé-
tique, et rend un arrêt qui autorise l'usage des nouveaux
médicaments. Des 10 opposants, Blondel, le plus tenace,
veut encore lutter et fait appel ; mais le Parlement rend
un second arrêt confîrmatif, le 8 mai 1668. Les discus-
sions continuèrent bien encore pendant quelque temps,
mais les nouveaux médicaments avaient décidément
conquis droit de cité. Dans notre xix* siècle, les remèdes
homœopathiques devront-ils lutter aussi longtemps
pour se faire admettre?
En 1657, Chr. Wren, de Londres, proposa d'infuser
les médicaments dans les veines pour obtenir une action
plus prompte et plus décisive. Cette métbode, prônée
par la secte des Rose-Croix, fut essayée la même année
par Clarke, R. Boy le et Heushaw. En 1665, R. Lower,
qui l'essaya à Oxford, proposa d'y joindre la transfusion
du sang dans les veines des malades débilités, song pris
d'abord aux animaux, puis emprunté à des jeunes gens.
Denys, professeur à Paris, y introduisit cette double
métbode l'année suivante (1666), d'où elle passa en
Allemagne, et J. Riva l'introduisit en Italie. De tous
côtés on essaya la transfusion et Vin fusion, et les débats
s'ouvrirent.
Pendant ce temps, des médicaments nouveaux af-
fluaient, soit par suite des préparations chimiques, soit
par l'introduction de médicaments étrangers venus des
Indes.
Paracelse avait vanté l'opium apporté par les Arabes;
on en Qt une sorte d alexipharmaque, un spécifique
contre la fièvre. La chaux, sous forme d'écaillés d huîtres
ou d'écrevisses, avait été vantée contre la gravelle par
Paracelse; l'usage s'en répandit. Les préparations acides
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362 HISTOIRE DE LA MKDECINB.
et alcalines furent partout usitées. Sydenham introduisit
la corne de cerf râpée contre la dysenterie ; c'était de la
chaux sous une autre forme. Parmi les pharmacologues
de ce temps, les plus vantés furent/?. Boy/e, à Londres,
et Nicolas Lemen/, à Paris, dont la pharmacopée eut
un immense succès à la fin du siècle, et dont le fils con-
tinua les travaux dans le siècle suivant.
Moïse Charas (1618-1689 , à Paris, remit en honneur
l'usage des vipères dans la thëriaque, et montra que le
sous-carbonate d'ammoniaque caustique est le contre-
poison de la morsure de ces animaux. Sa pharmacopée
eut aussi un grand succès. M. le Dr Cap l a justement
réhabilité dans ses Etudes biographiques (t. 1er).
Le quinquina fut introduit en Europe par 1 Espagne,
en 1640, pour de là se répandre en France, en Belgique,
en Angleterre, non sans lutte. Ce fut la comtesse de
Cinchon ou Cinchonas, femme du vice-roi du Pérou, qui
le fit passer à la cour d'Espagne comme une panacée de
la fièvre ; d'où le nom de poudre de la comtesse, ou
poudre de Cinchonas, sous lesquels ce médicament fut
connu. Des débats très-vifs s'engagèrent sur sa valeur :
on l'essaya contre la fièvre, contre la goutte et la dysen-
térie (Sydenham), contre le typhus, la variole, la mali-
gnité des maladies, la suppuration, la gangrène. Ce
fut Ta/bot qui le fit décidément entrer dans la matière
médicale, mais on n'apprit vraiment à s'en bien servir,
contre les fièvres d'accès, qu'avec Torti, au xvm* siècle.
L'ipéeacuanha nous fut apporté comme remède par
Legras, vers 1672, et fut propagé par Helvètius. Louis XIV
ayant été guéri de la dysentérie par ce remède, l'acheta
et le rendit public. On s'en servit d'abord contre la dy-
sentérie et les diarrhées, les hémorrhagies; puis comme
vomitif, antispasmodique, sudorilique, contre l'asthme,
les obstructions du bas-ventre, la phthisie. — L'arnica,
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ÉTUDE ST'R NOS TRADITIONS. 363
remède paracelsiste nu xvie siècle, se propagea contre
les suites de coups et chutes, et contre la colique hé-
morrhoïdale. - La valériane, tirée de l'oubli au xvie siècle,
fut vantée par L. Rhière, Panaroli, Wepfer. — La bella-
done, que Conrad Gessner avait essayé contre la dysen-
térie, fut vantée au xvii* siècle, dans le Hanovre, contre
la rage et le cancer. — Le lichen d'Islande entra dans
la matière médicale vers 1675. — A la fin de ce siècle,
en Angleterre, on commença à essayer et vanter la di-
gitale contre la scrofule.
Les principaux traités de pharmacopée ou matière
médicale furent ceux de Dubois (Jacques Sylvius), Du-
cheme (Quercetanus), Schrœder, G Hoffmann. Sennert,
M. Charras, Le f fore, N. Lemory et Ludovicus, avec com-
mentaires de Eltmuller. A la fin du siècle, en 4694,
parurent les Eléments de botanique de Tourne fort, en 3 vol.
C'était le début d'une autre science et le vrai commen-
cement des classements en histoire naturelle. Bientôt
allait paraître Linné et après lui Buflbn. Tournefort a
la gloire de leur avoir préparé le chemin.
Si on veut se bien rendre compte de la thérapeutique
de l'époque, il faut ouvrir un de ces ouvrages au moins.
Celui de Ludovicus et Ettmuller, intitulé ; Du bon ckoix
des médicaments, qui fut traduit en français, à Lyon,
en 1710 (2 vol.), va me servir à donner une idée de
l'état de la science au xvu* siècle , car l'ouvrage a été
composé vers le milieu du siècle.
Après une Introduction sur la préparation en général,
on traite des médicaments sous les titres suivants : des
purgatifs ; des laxatifs ; des vomitifs ; des purgatifs mi-
néraux : des diaphorétiques ; des diaphorétiques végé-
taux, minéraux et animaux ; des diurétiques lithontri-
ptiqueset autres, tirés des végétaux, de sanimaux et des
minéraux ; des apéritifs, incisifs, détersifs de la rate, du
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364 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
foie, de l'utérus, de l'estomac, de la poitrine, tirés des
végétaux, des animaux et des minéraux; des résolutifs,
carminatifs, corroboratifs ; des céphaliques nervins et
antiépileptiques ; des hypnotiques, anodins, épieéras-
tiques, narcotiques ; des vulnéraires, astrictifs, détersifs
el autres, topiques externes. Cette table donne à elle
seule une idée des indications générales dont on prenait
le plus de souci ; car c'est une règle que la matière mé-
dicale est toujours disposée de manière à répondre aux
indications de la doctrine médicale qui s'en sert, de sorte
qu'on peut toujours caractériser une doctrine sur la
disposition de ses agents.
Chez d'autres auteurs, on trouve des médicaments
arthritiques, ophlhalmiques, hystériques, phlegmago-
gues, cholélagogues, etc. ; ce qui montre qu'on les dis-
tinguait selon l'usage qu'on en faisait pour les diverses
parties du corps ou les diverses humeurs.
Ludovicus et Ettmuller inaugurent plusieurs idées
qui se sont propagées depuis et ne cessent de retentir
jusqu'à nous; ils s'élèvent contre les médicaments trop
multipliés des Grecs et Arabes ; ils demandent qu'on
élague les inutiles et qu'on s'en tienne à un petit nom-
bre; une centaine, disent-ils, suffit. Ils repoussent sur-
tout les compositions à l'infini d'un même médicament,
ou celles dans lesquelles on fait entrer un grand nombre
d'agents qui le plus ordinairement se nuisent, sont
contraires ou inutiles. Ils veulent réduire le nombre de
pilules, de rotules ou tablettes, d'essen«es de toutes
sortes, d'électuaires ou bols ; ils indiquent que de sim-
ples infusions ou décoctions des plantes sont préférables
à toutes les distillations qui s'altèrent; ils blâment les
magistères ou précipitations de résines tirées des végé-
taux, et se réduiraient volontiers à la térébenthine ; ils
repoussent la multiplicité des b zoards, et se borneraient
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Étude sir nos traditions. 363
au bezoard animal fait avec les vipères ; ils s'élèvent
contre la multiplicité de remèdes étrangers, demandant
qu'on se serve surtout de ceux tirés de notre sol, plus
simples, moins altérés et moins chers. C'est là le début
des réformes pharmaceutiques qui ont mis tant de temps
à se faire et qui aujourd'hui même ne sont pas encore
terminées. Ils repoussent les remèdes tirés du paon, du
lion, de la licorne, des excréments de plusieurs animaux,
des menstrues, etc. Ils veulent qu'on néglige les pierres
précieuses, le saphir, les perles, l'émeraude, le rubis, se
bornant à la nacre, aux yeux d écrevisses, à la corne de
cerf. En un mot : simplification de la matière médicale.
Parmi les médicaments, nous citerons quelques re-
marques. On réduirait volontiers les purgatifs au jalap
et à la scammonée. Les antimoniaux sont acceptés,
mais on les réduit à un petit nombre, au tartrate et au
régule. L or ne doit être employé qu'en poudre ou à
l'état de chlorure soluble. Le semen-contra doit suffire
comme anthelminlhique. On accepte encore les médi-
caments tirés des animaux : le crapaud, la vipère, la
semence de grenouille, l'araignée; et le scorpion pour-
rait les remplacer tous. Je remarque que l'arsenic n'est
pas indiqué. Ualkaest , préparation singulière de Van
Helmont, composée d'un tartrate et autres, est considé-
rée comme impossible à bien préparer et comme entrant
dans la foule des remèdes chimiques trop complexes.
Le mercure est surtout conseillé comme purgatif a l'état
de mercure doux (calomel), ou bien trituré avec du
sucre jusqu'à faire une poudre grise.
L'auteur qui semblerait avoir le mieux rendu tout le
fatras de la pharmacopée grecque, arabe et alchimiste,
et contre lequel s'élèvent incessamment Ludovicus et
Ettmuller, parait avoir été Zuvclplier, dont je n'ai point
eu le livre entre les mains.
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366 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
III. Chihurgie. — Il y a peu de chose à dire de la
chirurgie dans ce siècle; elle fut assez négligée, surtout
dans la première moitié. Et plus tard, les hommes qui
la représentèrent n'eurent qu'un nom secondaire. Ainsi,
Habicot, Bawister qui opérait les cataractes, Th. Bar-
tholin, Glandorp, sont peu connus. Frère Jacques ou
Jacques Beaulieu, lelithotomiste,est plus renommé. Il y
eut des accoucheurs, comme Mauriceau, Molinetti; on
cite encore Thévenin, Calfin. et, vers la fin du siècle
pour rejoindre le suivant, Lamotte, Belloste, Saviard,
Mareschal.
— Notons en passant que la médecine légale fut alors
fondée par Zachias et Devaux.
§ VI. — Les Facultés et les Académies.
La Faculté de Paris était encore à cette époque, de
toutes celles qui avaient été fondées et se fondaient en
Europe, la plus célèbre et qui faisait le plus autorité.
C'est alors que Gabr. Naudé donna ce fameux discoui*scfe
anliquitate et dignitate scholœ medicx Parisiensis panegyris,
où se trouve comme un résumé historique des gloires de
cette grande institution, lorsqu'on retrouva les anciens
registres de la Faculté, égarés depuis 1472 jusqu'en 1650.
C'est cependant un triomphe qui n'est pas sans ombre
et sans nuages !
Dès le début du xvne siècle, en 1602, la Faculté est
définitivement obligée de reconnaître l'introduction des
chirurgiens dans son sein : nous avons vu les débats de
cette lutle au siècle précédent. En ce point, elle cédait à
la justice, mais elle succombait dans ses prétentions, et
cela eût dû rendre nos doctissimi plus modérés. Mais
ce ne fut pas tout, et, pour être répétés, les enseigne-
ments ne sont pa • toujours profitables. La Faculté lut-
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É1TDE SUR NOS TRADITIONS. 367
tait contre l'introduction des médicaments chimiques :
nous avons vu plus haut comment elle finit par céder.
Elle lutta contre la circulation, et céda également. Elle
fît obstacle à l'introduction du quinquina, de l'ipéca-
cuanha, du café, du thé : elle céda encore, toujours
après des luttes. Enfin se présenta devant elle l'affaire
de la chambre royale qui doit nous arrêter.
Paris s'était considérablement agrandi, depuis Fran-
çois Ier, par une affluence d'étrangers. On y accourait
de tous les points de l'Europe pour y voir et surtout s'y
faire- voir, car c'était là que se consacraient toutes les
gloires, toutes les réputations. Parmi ces étrangers,
beaucoup de médecins, plus ou moins reçus dans des
universités étrangères, venaient s'y établir à côté de
beaucoup de médicastres nationaux, chacun vantant ses
remèdes : bols d'Arménie, onguent de Naples, rob de
Syrie, etc. Les uns étaient fort ignorants et séduisaient
le public, d'autres étaient savants, venaient accroître
leur science et tenter en uième temps la fortune. De
Montpellier particulièrement, qui s'était vite ralliée aux
nouveautés, venaient bien des licenciés. La Faculté de
Paris ne voyait pas sans aigreur et sans jalousie tous
ces nouveaux venus qui échappaient à ses règles, à ses
sévérités, il faut bien le dire, et qui lui prenaient parfois
le plus beau de sa clientèle! Dans le siècle précédent, on
avait lutté pour ne pas admettre les chirurgiens dans la
Faculté : irait-on maintenant obliger tout le inonde à
y entrer? La Faculté s'appuyait sur un ancien édit du
roi Jean, en 1352, disant: « Nullus audeat practicare
« Parisiis, vel suburbis.... nisi sit approbatus per Ma-
« gistros Medicinae Pariensis, » édit que le roi Charles VI
aurait étendu à tout le royaume, assurait-on. Mais cet
édit, dont l'original était perdu, ne se retrouvait qu'en
copie sur les registres de la Faculté : cela était fort dis-
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368 HISTOIRE DE L\ MEDECIN F..
cutable, et douteux pour beaucoup. D'ailleurs, ce n'était
qu'un édit qui ne pouvait aller contre, les franchises des
communes, à supposer qu'on pût admettre comme va-
lables des registres qui, parlant de 1352, ne dataient
eux-mêmes que de 1395, et qui restèrent égarés de 1472
à 1630. L'Université avait bien droit d'autorité sur son
terrain, mais la ville dépendait de la commune, du
prévôt des marchands et du Chàtelet ; ceux que la pré-
vôté ou la police autorisait à s'y établir étaient bien
libres! Souvent un médecin qui voulait faire partie de
la Faculté se soumettait. Tel fut Hecquet, à la fin du
siècle. Né à Abbeville, en Picardie, il prit ses «rades à
Reims et alla s'établir dans son pays natal. Ayant voulu
venir s'établir à Paris, il se fixa d'abord à Port-royal-
des-Champs pour n'être pas inquiété, puis se soumit
aux examens de la Faculté de Paris. Mais tout le monde
n'était pas de caractère si conciliant. Vallot n'était que
docteur de Heims. Gui Patin le poursuivit vainement
de ses invectives et de ses chicanes, et même censura
tout docteur qui irait en consultation avec lui. Vallot
n'en persista pas moins à exercer malgré la Faculté, et
n'en devint pas moins plus tard médecin du roi. En
1691, un médecin sans titre, se disant à la fois aussi
chirurgien et pharmacien, fut nommé médecin de la
Pitié à la recommandation d'un avocat célèbre; et, pour
lui faire plaee, on avait exclu le D' Pinot, qui était at-
taché à l'hôpital depuis vingt-cinq ans : il fallut présen-
ter les arrêts et règlements ayant force de loi sous la
protection du Parlement, et qui déclaraient qu'on ne
pouvait nommer dans les hôpitaux d'autres médecins
que ceux de la Faculté. En 1695, c'est à l'assemblée du
clergé que la Faculté s'adressa pour réprimer un grand
nombre de moines ecclésiastiques qui pratiquaient
la médecine sans titre. Il n'y avait donc pas de
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 369
lois. Cependant il y avait lutte sourde, elle devait
éclater.
Un certain Th. Renaudot, docteur de Montpellier,
homme très-remuant parmi tous ces étrangers remuants,
s'était fait recommander au cardinal de Richelieu, avait
conquis sa confiance, et se mit à fonder, sous la haute
protection de Son Eminence, la Gazette de France, pre-
mier essai de journal en France. On avait déjà essayé
semblable chose en Italie, et ce nom de gazette était
môme le nom d'une petite monnaie italienne, prix au-
quel le journal se vendait. Th. Renaudot ne s'en tint
pas là. Fort de ses protections, il se mit à donner des
consultations gratuites, les établit dans une maison de
la Cité, où il installa en même temps une pharmacie
pour préparer les médicaments chimiques, et même une
sorte de mont-de-piété pour être utile aux ouvriers ;
car ce médecin très-entreprenant était en même temps
très-charitable, et il consacrait à ces fondations de bien-
faisance ce que son journal lui rapportait. D'ailleurs
peu scrupuleux sur l'annonce, il vantait dans ce journal
ses œuvres, par lui les répandait, en indiquait l'adresse
et les merveilleux résultats. Bientôt il devint un centre
de groupement, et plusieurs médecins de la ville, tant
de Montpellier que d'autres lieux, tous étrangers à la
Faculté, s'associèrent sous sa direction en compagnie
médicale. La Faculté alors intervint, fit condamner Re-
naudot par le Parlement et disperser la société. Gui
Patin était un des ardents dans cette lutte. Mais Renau-
dot était tenace dans ses entreprises : il fit jouer des
ressorts et des protections, se fit recommander au roi
et en obtint des lettres patentes, en date du 1 i avril 1673,
qui lui permettaient de reconstituer sa compagnie sous
le nom de Chambre royale de médecine, laquelle était au-
torisée à faire passer des thèses et à délivrer des di-
loME XXXII. — .NOVEMMlK ET DÉCEMliliE l$7l' 1 1
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370 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
plômes. Le coup était bien fort, la Faculté fut aux
champs, et à son tour remua ciel et terre pour écraser
cette rivale naissante. Elle fit d'abord opposition à ce
que ces lettres patentes fussent enregistrées ; et, comme
aucun ministre ne les avait contresignées, elle obtint
de Golbert de les faire annuler. .Mais la Cliambre royale de
médecine tint bon quelques années ; elle ne céda pas
devant l'injonction qui lui fut faite de cesser ses séances,
et continua son existence jusqu'en 1694, époque à la-
quelle la Faculté obtint du roi un décret de suppression.
On lit alors maintes démarches, on se récria contre les
iniques jalousies de la Faculté; mais Renaudot et ses
amis durent céder, la Faculté triomphait. Elle n'en
avait pas moins une certaine et noble fierté devant la
cour, car elle avait décidé en 1648, sous le décanat de
J. Piètre, qu'on ne nommerait pour doyen ou profes-
seur aucun docteur attaché à la famille royale, parce
que Yvelen, professeur de deux ans, avait été obligé
d'interrompre sa profession pour suivre la cour. Il est
vrai qu'il fallut, en 1694, tout le crédit de Fagon pour
écraser Renaudot et les sociétés provinciales, comtne on
les nommait, et la Faculté lui en fut très-reconnais-
sante. Nous verrons comment, au siècle suivant, la
faveur royale cessa de soutenir l'antique école.
La tentative de Renaudot, quoique malheureuse, n'en
était pas moins nécessaire, et on peut regretter qu elle
n'ait pas abouti. L'Université de Paris était à un mo-
ment critique où il lui fallait Tune de ces deux choses :
ou se transformer, ou accepter une concurrence. Quand
elle s'était fondée, elle avait été le fait d'un mouvement
progressiste dans l'instruction : peu après, elle avait
senti la nécessité de donner des digues à ce mouvement
et l'avait enserré dans les examens et les grades ; elle
devenait dès lors un principe conservateur. Il y avait
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Étude sur nos traditions. 371
certainement là une conduite fort sage par un côté, car
c'est fort légitimement que la nature humaine est ins-
tinctivement poussée à prendre des précautions pour
conserver, préserver et développer ce qu'elle a une fois
acquis. Tout homme qui nie la valeur du principe de
conservation est une jeunesse inconsidérée ou un fou.
Mais, à côté de ce prineipe capital, il en est un autre non
moins utile, c'est celui du progrès, qu'il ne faut pas non
plus méconnaître et qui consiste dans cette sorte d'af-
franchissement et de liberté par laquelle notre sponta-
néité de sentiments ou d'esprit s'élance à la recherche
des choses et des voies nouvelles. Or, c'est malheureu-
sement un fait que les institutions humaines, fondées
pour conserver ce qui est une fois acquis, deviennent
ordinairement des obstacles à la spontanéité d'où naît
le progrès, et qu'ainsi le principe de conservation nuit
au principe de nouveauté et de développement. La
vieille Université de Paris avait bien laissé quelques
moyens d'échapper à une conservation trop rigoureuse,
et c'est ainsi que le renouvellement du professorat tous
les trois ans était l'occasion d'une sorte de rajeunisse-
ment. Mais elle était formée par un corps de docteurs,
tous issus du même enseignement et des mômes doc-
trines ; corps compact, et fatalement intolérant dans la
transmission de ses traditions. De là les obstacles que
toutes les nouveautés des xv*, xvi' et xvn* siècles avaient
rencontrés et rencontraient. La nouvelle chimie, la nou-
velle physique, les nouvelles mathématiques, les sciences
naturelles, la philologie, n'avaient et ne pouvaient avoir
leur place dans cet ancien corps constitué par d'autres
dogmes scientifiques. L'antique Faculté de médecine et
celle des arts ne se retrouvaient plus au milieu de tous
les faits nouveaux et devaient fatalement lutter contre
leur introduction. Il n'y avait de développement possible
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372 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
que par une transformation de ces anciennes institu-
tions, ou par la libre concurrence, qui l'eût obligée de
se métamorphoser devant des institutions rivales.
François 1er avait eu une sorte de perception de ces dif-
ficultés au siècle précédent, et avait fondé le Collège de
France pour les savants étrangers. Mais cette institu-
tion était en elle-même trop incomplète, et d'ailleurs,
ne pouvant donner des grades, elle ne pouvait être une
rivale pour l'Université.
C'est ainsi qu'au xvn* siècle les sciences nouvelles
furent cultivées par des hommes qui n'appartenaient
pas à l'Université ou qui ne lui appartenaient que
de loin, et que ces savants furent conduits à se réunir
et à se grouper dans des conventicules qu'on nomma
des Académies. A Florence , VA cademia del Cimento
avait donné l'exemple, que le cardinal de Richelieu
imita en fondant Y Académie française. A Paris, Ro-
bertson, Pascal et ses amis fondèrent Y Académie des
sciences, pendant qu'à Londres se faisait la Société royale.
Chez Bourdelot (l'abbé) s'était faite Y Académie chimique,
où R. Boyle vint de Londres pour discuter les théories
mécaniciennes. Son neveu, fils de sa sœur, prit son nom,
devint docteur de la Faculté, à laquelle il fit don de la
bibliothèque de son oncle. Chez Clerselier, membre du
Parlement, se tenait Y Académie cartésienne, où le père
Mcrsenne donna des conférences pendant plusieurs an-
nées, et où Rohault lui succéda. Il en fut de même pour
Y Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Le Jardin des
Plantes, ou Jardin du Roi, fut établi en 1626, sous
Louis XIII, par de la Brosse, à l'instar de celui que
Henri IV avait établi à Montpellier en do36. Fagon, qui
y naquit, y succéda à son oncle maternel de la Brosse.
Sur la fin du siècle, Duverney, l anatomiste, et Lémery,
le botaniste, y attiraient un grand nombre d'auditeurs.
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 373
Ce mouvement de Fondation des Académies et les sociétés
particulières était la conséquence inévitable de l'état
de l'Université, où il n'y avait pas de place pour les
sciences nouvelles. Mais, chose singulière, ces Acadé-
mies devaient être elles-mêmes un obstacle, après avoir
été un progrès. Lorsque Y Académie des sciences sortit des
conférences particulières de Robert val et s'installa au
Louvre, on lui adjoignit des jeunes gens destinés à en
être la partie mobile et libérale ; à la fin du siècle,
on supprima cette fraction qui, d'ailleurs, par suite du
favoritismequilagangrenait,n'étaitqu'un horsd'œuvre,
et la société devint un autre corps essentiellement con-
servateur. L'Académie ne se recrutait que parmi les hom-
mes qui pensaient comme elle, avaient ses théories, ses
idées, pactisaient avec ses passions, en un mot, étaient
de sa coterie. Cela se fit peu à peu et par le cours naturel
des choses. Heureusement qu'il ne lui fut pas accordé le
droit de donner des diplômes; car, entre ses prétentions
et celles de l'Université, toute vérité nouvelle eût été
étranglée. Et cependant, ces hommes qui allaient peu-
pler les Académies et s'y confiner en nombre restreint
et limité, comme pour attester qu'il y aurait toujours
quarante savants en France et qu'il n'y aurait jamais
que cela, c'étaient pour la plupart des savants libres,
des praticiens distingués par leur propre mérite, qui
s'étaient élevés tout seuls, en dehors de l'Université, qui
avaient fait fructifier leur spontanéité. Ils constituaient
la science extra-universitaire, pendant que l'Univer-
sité restait la partie classique, ils faisaient la partie
nouvelle, avancée ; ils étaient les pionniers du nouveau
monde savant. Ils en eurent bien dans les premiers
temps la généreuse ardeur ; mais on a toujours raison
de craindre ceux qui conquièrent une autorité. Notons
bien ce fait, car nous aurons à faire remarquer corn-
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374 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
ment c'est de ce foyer, qui s'était établi comme une
protestation contre l'ancienne intolérance, que naquit
l'intolérance des temps nouveaux ; de sorte que ce qui
fut installé comme institution do progrès est devenu,
par la force des choses, une institution rétrograde.
La fondation des Académies a produit en outre un sin-
gulier changement dans la conduite et la destinée des
sciences. Dans les premiers temps, ces sociétés nouvelles
extra-universitaires furent constituées par des praticiens
indépendants et un petit groupe de savants amateurs ;
de sorte que deux sentiments principaux régnent parmi
eux, les excitent, les enflamment : la curiosité et le but
pratique. Robertval, Mersen ne, Pascal, Gassendi, étaient
de simples curieux, amateurs de la science et des choses
de l'esprit. Mais Auzout était un ingénieur astronome,
Buot était un ingénieur géographe, et il en était de
même de Huyghens, de Mariotte ; Gureau de la Chambre,
Bourdelot et le botaniste Marchand, Pecquet, Duclos le
chimiste, Cl. Perrault, son collaborateur, L. Gayant,
étaient médecins ; Thevenot était un voyageur, l'abbé
Gallois un professeur de littérature au Collège royal.
Lorsque l'Académie des sciences s'installa le 26 dé-
cembre 1666, sous la protection de Colbert, elle comp-
tait un ensemble assez remarquable de quelques ama-
teurs et de beaucoup de praticiens dans des genres
divers, et quand on voit les premiers plans de travaux
à instituer, ceux tracés par CI. Perrault, ceux des as-
tronomes et des physiciens, on ne peut méconnaître
que la science pratique était le but des préoccupations
générales, aussi bien chez les membres réunis que chez
le grand ministre qui les avait rassemblés.
On a dit que cette première Académie fut tyrannisée
par Louis XIV et les gens de cour, qu'on leur demanda
d'abord plus de renseignements pour les travaux et l'ar-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 375
tillerie du grand roi, ou pour les jeux de roulettes des
grands seigneurs, qu'on fit une guerre à la science
pure (i); et que ce fut le ministre Pontchartrain qui,
en plaçant son neveu l'abbé Bignon à la tête de l'Aca-
démie réformée et reconstituée en janvier et février 1699,
fonda vraiment la nouvelle et grande Académie des
sciences. Cette appréciation n'est ni juste, ni sage.
Il ne faut pas contester sans doute les exigences aux-
quelles furent soumis les membres de la première Aca-
démie ; mais il faut avouer que toute la tradition scien-
tifique autorisait l'opinion du grand roi en soutenant que
les sciences peuvent être un délassement d'esprit pour
un curieux et un amateur, mais qu'elles doivent être
surtout utiles par leurs applications pratiques. Je re-
marque d'ailleurs que la seconde Académie, qui fut
inaugurée dans la dernière année du xvn" siècle et prit
fin en 1793, a rendu d'assez grands services soit à la
géographie, soit au génie, à la médecine et aux grandes
industries, pour qu'on ne lui reporte pas de justes
hommages. C'est elle qui a tiré les sciences de la rou-
tine où les enfermait l'ancienne Université, et assez
d'hommes pratiques ont fait sa gloire pour qu'on ne l'ac-
cuse pas du crime stupide et injuste de n'avoir fait que de
la science pure. Les querelles dont elle a retenti dès ses
débuts, entre les Cartésiens et les Newtonniens, entre les
Géomètres et les Algébristes, n'ont pas empêché Clair-
vaut, Réaumur, Maupertuis, Jussieu, de faire de la
très-bonne et excellente science pratique , utile aux
géographes et aux ingénieurs, aux médecins et aux
industriels.
Je remarque toutefois que, dans cette nouvelle phase,
l'Académie ne sut pas rallier la médecine, qui y fut tou-
(i) Maury, f Ancienne Académie des Sciences, p. 39.
370 HISTOIRE DR LA MÉDECINE.
jours maigrement représentée et y tint un rôle amoin-
dri, pendant que beaucoup de savants, purement ama-
teurs, comme Fontenelle, Dalembert et d'autres, y
occupèrent le premier rang- ; de sorte qu'en réalité, ce qui
s'y fit de bien fut fait, malgré le courant des savants à
réputation ; que plus de bien s'y serait fait si des profes-
seurs n'avaient souvent tenu la place des hommes pra-
tiques ; et qu'enfin on y glorifia plutôt le savoir du
professeur brillant et émérite que l'utile connaissance
du savant praticien. C'est sous l'influence de cette Aca-
démie, dont encore une fois je ne méconnais pas les
services, tout en déplorant son esprit, qu'on prit l'ha-
bitude de ne plus considérer comme savants que les
membres de l'Académie, ou ses aspirants, ou les pro-
fesseurs qui y étaient rattachés par un lien quelconque ;
et c'est depuis qu'on a exclu du monde savant les mé-
decins, les ingénieurs, les pharmaciens, les géographes,
les jardiniers, les grands industriels, qu'il fut de mode
de considérer comme de simples praticiens; de sorte
que, comme nous le montrerons au siècle suivant, on
en arriva môme à contester que la médecine pût être
une science.
Cette révolution dans les hommes de science a été un
des désastres les plus grands que la société ait pu subir,
et qui l'a atteinte jusqu'aux sources vives de la vitalité.
Jl en est résulté deux groupes distincts et naturellement
hostiles, poursuivant des errements ridicules et même
coupables, une fois que leurs habitudes ont été établies :
d une part, des savants occupant les Académies, les
institutions officielles, les chaires professorales, faisant et
enseignant une science qui s'enorgueillissait de plus en
plus, en s'isolant de la pratique qu'elle considérait comme
au-dessous d'elle, visant cependant à l'influencer et à la
dominer, et la fourvoyant le plus souvent, parce qu'elle
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 377
était inapte à lui donner de bons conseils; d'une autre
part, des hommes qui occupaient des professions pour
lesquelles la science eût été une nécessité sesontdésha-
bitués d'apprendre, à force d'entendre dire qu'on n'avait
pas besoin de science pour être bon praticien et que la
science était au-dessus d'eux, dans une hauteur lointaine
dont ils n'étaient pas dignes. Il faut rendre justice à
l'ancienne Faculté de médecine qui, par ses habitudes
et son esprit, lutta tant qu'elle put et jusqu'à sa fin
contre cette déplorable scission, et* qui ne fut vaincue
que par l'échafaud. Quand, à latin du xvin' siècle et au
commencement du nôtre, l'esprit académique et profes-
soral s'empara définitivement de la science et de l'en-
seignement dans notre pays, ce fut le triomphe du
courant qui s'était produit à la fin du xvne siècle. En
vain beaucoup d'hommes pratiques ont montré qu'ils
n'étaient devenus si forts dans leur profession que par
leur grand savoir; en vain dans toute profession, et
particulièrement en médecine, beaucoup d'autres ont
non-seulement fait preuve d'un grand savoir, mais ont
fait progresser les sciences par l'élévation de leurs vues,
la profondeur de leurs déductions et la grandeur de
leurs découvertes : les académiciens et les professeurs,
maîtres du courant scientifique, au nom de leurs ma-
thématiques, de leur physique et de leur chimie, ont
rejeté loin d'eux tous ces praticiens honorables et utiles;
de sorte qu'en définitive, c'est ce qui est vaniteux et in-
fécond qui gouverne la science, tandis que ce qui est
utile et honorable est asservi.
F. Frédault.
— La suite au prochain numéro. —
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378
CLINIQUE.
CLINIQUE
QUELQUES CAS DE FIÈVRES INTERMITTENTES REBELLES
AU SULFATE DE QUININE.
Nous sommes si habitués à voir le sulfate de quinine
triompher, sinon de la maladie elle-même, au moins
des accès qui constituent la fièvre intermittente, qu'il
est toujours intéressant de recueillir les faits qui, par ex-
ception, ont résisté à l'antipériodique par excellence
et de rechercher les caractères de ces fièvres rebelles au
sulfate de quinine.
Dans un quartier bouleversé par les démolitions et
les constructions du nouveau Paris, près de la rue de
Rennes, dans un hôtel entouré de jardins, habite une
nombreuse famille; c'est là que j'ai observé, depuis un
an, plusieurs cas de fièvres intermittentes rebelles au
sulfate de quinine.
Au printemps de l'année 1869, le fils aîné de cette fa-
mille, jeune homme de 16 ans, d'une bonne santé habi-
tuelle, fut pris d'une fièvre intermittente anomale, à
type quotidien redoublé, présentant un premier accès
vers cinq heures du matin, et un second vers deux heures
de l'après-midi. L'accès débute par un sentiment de
froid, pâlissement des doigte et de la face, puis chaleur
sans sueur. La céphalalgie est continue, mais elle aug-
mente pendant les accès et s'accompagne d'un trouble
notable de la vue ; l'anorexie est à peu près complète,
la diarrhée survient facilement sous l'influence des
doses fortes du sulfate de quinine; jamais la chaleur
fébrile ne dépasse 37 degrés ; l'amaigrissement et la
perte des forces furent le résultat très-prompt de
cet état de fièvre et d'anorexie; le sommeil était bon.
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FIÈVRES INTERMITTENTES AU SULFATE DE QUININE. 379
Les urines, examinées à cause du trouble de la vue, ne
présentaient pas d'albumine.
Le sulfate de quinine, à la dose de 75 centigrammes
et d'un gramme, répété plusieurs fois, le quinquina
à dose moindre, l'arsenic à forte dose, la noix vomique
à la 12e dilution, le diadema et la tarentule à la 2' tri-
turation, le plomb et peut être encore quelques autres
médicaments que j'oublie, furent employés inutilement.
Au bout de six semaines d'une thérapeutique infruc-
tueuse et qui ne parvint pas même à suspendre les ac-
cès, j'envoyai le malade à Versailles. La ûèvre cessa
dès le second jour; il revint huit jours après, et fut re-
pris presque aussitôt de ses accès qui disparurent défini-
tivement pour cette année, quand il partit pour l'Al-
sace.
Pendant l'hiver de cette année 1870, le même jeune
homme fut repris de la même fièvre avec les mêmes
caractères. L'hydrothérapie (douches en cercle) employée
dès le début, ne modifia pas les accès, et détermina au
bout de dix à douze jours une diarrhée qui nous força
de renoncer à ce moyen; la fièvre persista malgré le
froid rigoureux de cet hiver, et elle ne disparut définiti-
vement que par un voyag-e à Metz, où le jeune homme
resta un mois; la fièvre cesta complètement le second jour
après son départ de Paris; il est revenu, est resté plus
d'un mois à Paris, et n'a pas encore été repris de la
fièvre.
2"e Observation. La sœur du malade précédent,
mademoiselle Marie, est âg*ée de 17 ans, est atteinte
depuis deux ans d'une chlorose dont les deux symptômes
principaux sont une céphalalgie habituelle et de l'ano-
rexie. Cette demoiselle eut la rougeole vers le mois de
mars, et dans la convalescence fut prise d'une fièvre
intermittente très-analog-ue à celle de son frère : deux
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380 CLINIQUE.
accès par jour, marqués par du frisson, de la chaleur,
de la fréquence du pouls, de la céphalalgie, du trouble
de la vue et une perte complète d'appétit ; pas de sueurs.
Cette fièvre résiste à des doses fortes et répétées de
sulfate de quinine, au quinquina, à la noix vomique,
à l'arsenic, au diadema. Je me décidai à l'envoyer à
Metz, où elle se débarrassa de sa fièvre, mais pas subite-
ment comme son frère; la Gèvre diminua graduelle-
ment et ne disparut qu'après une quinzaine de jours.
La céphalalgie habituelle à laquelle est encore sujette
cette jeune fille, ne lui permit peut-être pas de se rendre
compte de la cessation du mouvement fébrile ; car les
frissons ayant disparu dès les premiers jours, il est
probable que le mouvement fébrile ne persista pas long-
temps après leur disparition.
Avant de rapporter une troisième observation de
fièvre intermittente rebelle au sulfate de quinine, je
désire présenter quelques réflexions sur les deux cas
précédents.
Le type quotidien redoublé est excessivement rare,
j'en ai observé quelques cas pendant des épidémies
survenues au printemps, mais ces cas extrêmement
bénins cédaient facilement aux médicaments appro-
priés. On rencontre encore ce type quotidien redoublé
dans des cas de fièvre intermittente de forme com-
mune, dont le retour des accès a été modifié par l'ad-
ministration prolongé du sulfate de quinine et du quin-
quina. Mais il y a loin de là à une fièvre intermittente
qui révête de prime abord le type quotidien redoublé,
qui résiste pendant des mois aux traitements les plus
divers, pour guérir très-rapidement par le changement
du climat ; cette fièvre mérite donc bien le nom de fièvre
intermittente anomale que je lui ai imposé.
Ces deux cas se rapprochent par leur aspect de la
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FIÈVRES INTERMITTENTES AU SULFATE DE QUININE. 381
cachexie intermittente d emblée, qu'on observe seulement
dans les pays marécageux, mais ils en diffèrent par
l'absence du gonflement considérable de la rate qui
forme un des caractères de la cacbexie, et qui faisait
presque complètement défaut.
Sous le rapport thérapeutique, ces deux observations
ne sont pas moins remarquables que sous le rapport
pathologique; le sulfate de quinine fut administré plu-
sieurs fois à la dose considérable d'un gramme aussi-
tôt après l'accès; c'est en vain que je pris la précaution
de faire manger le malade aussitôt après le médica-
ment, afin d'en favoriser l'absorption; c'est tout au plus
si l'accès du lendemain fut modifié, et cependant le
sulfate de quinine avait produit des bourdonnements
d'oreille et la surdité qui prouvaient sa bonne qualité, sa
dose suffisante, et sa parfaite absorption.
Des pilules à base de quinium, composées par un
pharmacien d'Aurillac, et qui constituent un fébrifuge
très -efficace, furent aussi sans etfet contre cette fièvre.
Enfin les médicaments homœopalhiques les mieux choisis
échouèrent pareillement, et cependant il ne s'agissait
point ici de ces maladies incurables et au-dessus des
ressources thérapeutiques, puisqu'il suffit, pour guérir
une maladie en apparence si rebelle de soustraire pen-
dant quelques heures le malade à l'influence du milieu
qui avait engendré la maladie, d'où je conclus que, si
la thérapeutique était plus perfectionnée, elle nous au-
rait fourni une substance capable de guérir ces mala-
des.
3BB Observation. Mademoiselle Elisabeth, sœur des
malades précédents et habitant avec eux, est une
fillette de 11 ans, d une bonne santé habituelle; elle
eut la rougeole cet hiver avec ses frères et sœurs, et
dans la convalescence fut prise d une pneumonie qui
382 CLINIQUE.
guérit par la bryone, le septième jour de la maladie;
c'est dans la convalescence de cette maladie et douze à.
quinze jours i près la résolution complète de la pneu-
monie qu'elle fut prise d'une Gèvre intermittente quoti-
dienne avec frissons et chaleur; la sueur était à peine
marquée.
Le sulfate de quinine administré à la dose de 50 centi-
grammes en une fois après l'accès et immédiatement
avant 1ère pas, échoua complètement; cette dose répétée
jusqu'à quatre fois de suite, parvint seulement à déran-
ger l'heure des accès; ils venaient primitivement le
matin, ils furent relardés à une heure de l'après-midi et
à cinq heures, puis revinrent de nouveau le matin après
avoir manqué le soir.
Je prescrivis ensuite nux vomica 12* en trois prises
après l'accès. Je trouvai ce médicament indiqué par le
pàlissement des doigts, la couleur violette des ongles
au début de l'accès; il n'y avait de soif marquée à aucun
des stades.
La noix vomique échoua complètement, quoiqu'elle fût
répétée plusieurs jours de suite. Nous commencions à
désespérer et je craignais d'être obligé d'employer encore
ici le changement d'air pour guérir cette fièvre. Mais,
avant d'arriver à ce point extrême, je prescrivis arseni-
cum 12e, a prendre comme nux vomica, c'est-à-dire trois
doses de deux globules à prendre d'heure en heure
après l'accès.
L'accès suivant fut considérablement retardé et dimi-
nué, l'arsenic fut répété de la même manière; il survint
encore un tout petit accès, et l'arsenic, continué à la dose
de deux globules chaque soir pendant quatre jours,
triompha complètement de cette fièvre.
Ces trois observations portent avec elles plus d'un en-
seignement; elles feront comprendre aux esprits sérieux
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ÉTUDE SUR LA MORT FAR INANITION. 383
combien est difficile la question de certitude en théra-
peutique; ainsi le sulfate de quinine qu'on se plaît à
citer comme un exemple de la puissance de la thérapeu-
tique, a échoué ici quatre fois de suite et sans produire
guère plus de résultat qu'un médicament homœopathi-
que mal choisi. D'une autre part, voici la noix vomi-
que, l'arsenic, l'aranea diadema, qui réussissent si
souvent dans le traitement des lièvres intermittentes,
et qui échouent comme le sulfate de quinine dans nos
trois premières observations.
Enfin le résultat obtenu par l'arsenic dans notre der-
nière observation, alors que le sulfate de quinine avait
si manifestement échoué , n'est-il pas une preuve irré-
fragable de l'action des doses infinitésimales ?
P. Jousset.
PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE
ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION
— SUITE ET FIX (1). —
II.
Quelle est la cause de la mort par inanition ?
Avec Chossat, nous dirons que la mort est amenée par
le refroidissement. Qu'arrive-t-il, en effet, par l'inanitia-
tion? L'animal n'ayant plus ses aliments habituels
pour réparer ses pertes continuelles, les organes sont
forcés de fournir eux-mêmes des principes nutritifs,
tant en azote qu'en carbone ; cependant les matériaux
ne suffisent pas longtemps, la production d'acide car-
Ci) \ oit l'Art médical, numéros d'août, septembre et octobre 1870.
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384 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
bonique diminue, les oxydations intimes sont moins
nombreuses, les sources de cbaleur diminuent ; et Ton
voit que, plus l'animal s'avance vers la ruine, plus sa
cbaleur baisse, plus les oscillations du refroidissement
augmentent d'amplitude. Enfin, le dernier jour, la tem-
pérature tombe rapidement, et, en même temps, anéan-
tissement des forces musculaires et cérébrales , ralen-
tissement de la respiration et de la circulation, puis la
mort arrivant lorsque le degré de cbaleur animale est
entre 20 degrés et 25 degrés.
Or, nous savons qu'à l'autopsie aucune lésion d'or-
gane ne peut expliquer la mort. Le cœur, il est vrai,
est atrophié, la masse de sang diminuée, mais nous ne
trouvons pas là la cause immédiate de la mort, car elle
n'a lieu ni par syncope, ni par convulsions, comme
dans les pertes de sang, et d'ailleurs, dans certains
cas, la vie se continue lorsque le cœur est encore plus
réduit de volume. Si la mort arrive, ce n'est pas parce
que les organes ne sont plus aptes à remplir leurs fonc-
tions, mais parce que, le combustible manquant, il n'y
a plus une production assez grande de calorique , et
le refroidissement gagne et engourdit les organes.
En effet, la mort survient entre 20 et 25 degrés; c'est
aussi à ce degré d'abaissement qu'arrive la mort des
animaux que l'on fait périr dans les mélanges réfrigé-
rants. MM. Lecomte et Demarquay [Modifications de la
chaleur animale sous [influence des médicaments) ont prouvé
qu'un refroidissement du corps au-dessous de 3 degrés
est souvent mortel, qu'au-dessous de 4 degrés il l'est
toujours.
Dans l'inanition, la même chose n'a-t-elle pas lieu?
La température animale ne baisse-t-elle pas progressi-
vement, la nuit, de 1 degré, puis de 2 degrés, puis de
3 degrés, puis de 4 degrés? Alors la réaction ne peut
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étude sur la mort par inanition. 385
plus se faire, et le refroidissement fait des progrès ra-
pides, et la vie n'est pins possible. Gomme dernière
preuve, voyons ce qui se passe dans le réchauffement
artificiel. L'animal est au point de mort imminente,
g*lacé, sans pouls, n'ayant plus qu'un souffle respira-
toire; réehauflez-le à uneétuve donnant 30 à 40 degrés ;
bientôt il se ranime, son cœur bat, sa respiration re-
prend, il se lève, il marche, les sécrétions se continuent.
Si l'on maintient ce foyer de chaleur, l'animal reprend
une vie nouvelle qui peut se maintenir pendant un jour
ou deux ; c'est alors, mais alors seulement, que, le sang*
étant encore plus consommé, l'animal s'éteint dans les
convulsions ou une syncope.
Nous devons donc conclure que l'animal meurt parce
que sa température éprouve un abaissement plus grand
que celui des jours précédents. Il meurt parce qu'il se
refroidit, et non pas se refroidit parce qu'il meurt.
III
Du réchauffement artificiel.
Il ne sera pas sans intérêt d'exposer quelques recher-
ches que nous avons faites sur la vie artificielle des
inaniliés.
Nous avons montré que dans l'inanition la mort ar-
rivait par le refroidissement ; il résulte de là que, si l'on
soumet un animal déjà refroidi et près d'expirer à un
réchauffement artificiel, on peut retarder l'époque de sa
mort et changer le mécanisme par lequel elle arrive.
L'expérience l'a prouvé.
Pour réchauffer nos sujets, nous les avons plonges
dans un bain à 38 degrés centigrades pendant une
demi-heure, puis nous les avons soumis à la chaleur du
foyer, en les entourant de couvertures.
TO.ME XVMI. — N JYKMBIIE fcl DKOEHDKE IK^I). J •
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386 PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
Nous les prenions lorsqu'ils étaient arrivés au point
de mort imminente : l'animal était étendu à terre, inca-
pable d'exécuter aucun mouvement musculaire, dans
un état de stupeur complète, ne percevant seulement
que l'impression de l'attouchement des yeux et celle du
pincement des orteils; les yeux à demi ouverts, fixes,
sans clignotements; la respiration à peine appréciable,
ne donnant que 6 à 8 mouvements à la minute, le cœur
n'ayant plus que de rares et faibles battements; le
corps froid et la chaleur et la perte de poids arrivées
au terme. A ce point, si on attendait encore quelques
minutes, l'animal mourait : deux sont même morts
lorsqu'on les transportait au bain.
Nos expériences ont porté sur seize sujets : six lapins,
cinq chats et cinq chiens.
Au bout de cinq minutes que l'animal était dans le
bain, on le voyait se ranimer un peu, la respiration et
les battements du cœur revenaient plus fréquents et
mieux marqués; il y avait quelques clignotements des
paupières. Après dix ou quinze minutes, les mouvements
commençaient à reparaître; l'animal essayait de relever
la tête, remuait les pattes et regardait autour de lui
avec étonnement ; la sensibilité était alors moins obtuse.
Enfin, après quinze ou trente minutes, la vie s'affer-
missait, la circulation et la respiration reprenaient leur
activité , les forces musculaires et cérébrales étaient
revenues; de sorte que l'animal, retiré du bain, pouvait
se tenir sur les pattes et faire quelques pas, quoique en
chancelant. Nous le placions près d'un foyer ardent,
essuyé et couvert, et il se ranimait si bien qu'on ne
pouvait plus le maintenir; il lui fallait marcher dans
l'appartement.
Au bout d'une heure, les sécrétions paraissaient se
rétablir, les sujets réchauffés évacuaient souvent et
ÉTUDE SUR LA MORT PAR INANITION. 387
avec assez d'abondance de l'urine et des fèces liquides
d'une couleur noirâtre.
Chez six de nos sujets, trois lapins, deux chiens et un
chat, nous avons continué d'entretenir la chaleur arti-
ficielle, mais sans leur donner d'aliments. Chose surpre-
nante! on voyait la vie redevenir très-active; les sécré-
tions surtout étaient fréquentes, et le poid3 du corps
diminuait deux fois plus rapidement que dans l'état
d'inanitiation.
Nous avons observé que la chaleur acquise par le
réchauffement est une chaleur variable, qui n'offre
point la quasi-flxité de la chaleur animale. Le sujet alors
est comme les animaux à sang* froid, il n'a qu'une cha-
leur d'emprunt, ne faisant que traverser le corps et
subissant toutes les variations de hausse et de baisse de
la source qui la lui fournit.
De ces six animaux, l'un est mort au bout de six
heures, trois autres dans les premières vingt-quatre
heures ; des deux dernières, l'un a vécu moins, l'autre
plus de quarante-huit heures. Peu à peu ils se sont
affaiblis, sont tombés dans le coma et se sont éteints,
après avoir eu plusieurs accès conyulsifs. Leur chaleur
au moment de la mort était en moyenne de 35°.
L'appétit revient bientôt chez les animaux réchauffés.
Il était intéressant de savoir si à ce désir de nourriture
se trouvait jointe la faculté de digérer. Nous avons donné
du lait, du bouillon, de la viande et du pain à nos
chiens et chats, d'abord en petites proportions, puis à
doses ordinaires. Les animaux prennent la nourriture
avec plaisir et avidité, et la digestion s'opère, mais ce
n'est qu'avec une extrême lenteur; l'aliment séjourne
quelque temps dans l'estomac sans éprouver d'élabora-
tion ; toutefois on reconnaît que les aliments ing*érés ont
subi l'action dig'estive à la coloration jaunâtre dés
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33 S PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE.
selles. Une condition est indispensable à la digestion :
il faut que la chaleur artificielle soit continuée et main-
tenue; si on la suspend, plus de digestion possible; ce
n'est que quand ranimai, ayant pris une quantité suffi-
sante d'aliments, l'a digérée et se Test assimilée, que la
chaleur normale revient et devient fixe.
Nous avons noté dans cette vie artificielle une grande
activité des fonctions de sécrétion ; les urines et les
fèces sont évacuées souvent et en abondance. Et là
même est le plus grand obstacle au rétablissement de
l'animal : la digestion se fait, mais le corps excrète, il
continue à diminuer, la perte de poids s'accroît, et la
mort nous devance.
Trois de nos animaux, deux chats et un chien, sont
morts au bout de quarante-huit heures d'alimentation.
Les aliments ingérés n'ont pu être assimilés, la diarrhée
a persisté, le sang" s'est usé davantage, et la mort est
survenue, au milieu des convulsions, comme dans les
hémorrhag'ies où la vacuité du système sanguin amène
la cessation de l'action du cœur.
Enfin, si nous passons à notre dernière série d'ani-
maux, nous voyons qu'ils ont survécu et se sont réta-
blis. Que survenait-il alors? On remarquait que chez
ceux-là les pertes quotidiennes étaient minimes; et plus
minimes elles étaient, plus facilement le rétablissement
s'accomplissait. La dig-estion se faisait complètement et
l'assimilation des principes nutritifs avait lieu ; loin d'y
avoir perte de poids, il survenait de l'augmentation.
Toutefois, observons que, pour obtenir un rétablissement
prompt et sûr, il est nécessaire que ranimai ait de
suite une quantité d'aliments suffisante, quelque peu
disposé que l'estomac paraisse d'abord à la recevoir ;
sans cela, malgré le réchauffement, le poids du corps
continuerait à baisser et l'animal finirait par périr.
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faTDE SI R LA MORT PAR INANITION.
CONCLUSIONS.
Des faits que nous avons étudiés, nous pouvons dé-
duire les conclusions suivantes, qui caractérisent la
mort par inanition :
1° Quand le corps est privé d'aliments, l'absorption
interstitielle devient très -active. Elle puise dans les tissus,
principalement dans les tissus adipeux et musculaire,
les matériaux nécessaires pour la réparation du sang* et
la production de la chaleur animale.
2° La respiration se ralentit à mesure que l'inanition
fait des progrès; il y a moins d'acide carbonique exhalé,
quelquefois il y a absorption d'azote.
3° Les battements de cœur deviennent plus lents ou
plus fréquents et petits; le choc sur les parois thora-
ciques est moins fort; la quantité de sang* diminue; la
proportion d'eau et de matières extractives augmente ;
celle des globules diminue.
4° L'oscillation quotidienne de la chaleur animale de-
vient plus forte à mesure que l'inanition avance. A midi,
la température est d'un degré moindre qu'à l'état nor-
mal; le soir, elle baisse progressivement de 1, 2, 3 degrés;
le jour de la mort, elle descend à 25 et même 20 degrés
centigrades.
5° Les sécrétions des sucs digestifs diminuent et même
se suppriment, excepté celle de la bile, qui conserve
encore une certaine activité ; les sécrétions des urines et
des fèces continuent, mais en bien moindre quantité.
La peau se couvre d'un enduit pulvérulent, noirâtre,
exhalant une odeur fétide.
6° Le poids du corps baisse progressivement par une
perte quotidienne assez régulière. A la mort, le corps a
perdu les 0,4 de son poids. Cette perte oscille cependant
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I
390 ACADÉMIE DE MEDECINE.
entre 0,3 et 0,5, selon les conditions d'âge et de nutrition,
d'exercice ou de repos. Ce sont les tissus adipeux et
musculaire, puis les glandes annexes du tube digestif
qui éprouvent les plus fortes pertes.
7° A l'autopsie, on trouve ordinairement les organes
sains. On remarque l'état squelettique, la teinte cyanosée
des extrémités, la décoloration des tissus, la presque
vacuité du système sanguin, la diminution de plus de
moitié du volume du cœur, du foie, de la rate, du pan-
créas, le rétrécissement et la diminution de longueur du
tube digestif.
8° La durée de la vie dans l'abstinence complète varie
de 3 à 8 jours chez les enfants, et de 8 à 40 jours chez
les adultes ou les vieillards. L'usage de l'eau en boisson
prolonge la vie de près du double de durée.
98 C'est le refroidissement du corps par manque de
chaleur animale qui amène la mort.
10° En réchauffant dans un bain à 35 degrés l'indi-
vidu inanitié et près de mourir, on peut le ramener à la
vie; les fonctions reprennent leur activité, et, avec une
alimentation progressivement croissante, la nutrition se
rétablit.
D' Bourgeois.
ACADÉMIE DE MÉDECINE
LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
Le rapport sur l'arsenicate d'antimoine de M. le Dr Pa-
pillaud a suscité au sein de l'Académie de médecine une
discussion instructive à plusieurs points de vue. Nous
laisserons d'abord la parole aux membres de la corpo-
Digitized bjLGoegle
LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 391
ration officielle, afin que le lecteur puisse prendre une
connaissance exacte de la discussion, après quoi, en
notre qualité de critique, nous demanderons la parole
à notre tour.
M. Sbb admet, avec M. Raynal, <jue l'action tic l'acide arsénieux
sur la respiration et ses bons effets dans l'asthme ne sauraient être
révoqués en doute.
Quant à l'action sédative de cet argent sur le cœur, il no saurait
partager les opinions qui ont été émises à ce sujet. L'arsenic n'agit
pas directement sur l'organe central de la circulation ; en tout cas,
s'il avait une action sur le cœur, ce ne serait pas en ralentissant,
mais plutôt en accélérant les mouvements de cet organe.
L'asenic agit non sur le cœur, mais sur les capillaires sanguins,
dont il active la circulation. Chose singulière, il semble exercer une
intluence élective sur les capillaires de la partie antérieure et supé-
rieure du corps, particulièrement sur ceux de la face et du cer-
veau, ce qui se traduit, entre autres signes, par la coloration rosée
de la face chez les individu* qui font usage des préparations arse-
nicales.
Cet effet résulte de la paralysie des capillaires sanguins, comme à
la suite de la section du cordon cervical supérieur du grand sym-
pathique dans la fameuse expérience de M. Claude Bernard (1).
Cette paralysie a pour effet d'activer la fréquence des mouvements
du cœur, ce qui contredit absolument l'opinion de la prétendue
action sédative de l'arsenic sur le cœur.
Un troisième point est relatif à l'action reconstituante des pré-
parations arsenicales. Suivant M. Sée, l'arsenic ne serait qu'un
reconstituant indirect. 11 n'agirait pas à la façon «lu fer, qui jouit du
privilège d'augmenter directement le nombre des globules du sang,
ce qui a lieu généralement d'une manière très-rapide dans la chlo-
rose et la chloro-anémie. L'arsenic n'est pas un reconstituant de ce
genre, mais il diminue la dénutrition ; c'est un antidéperditeur, pour
employer une expression de M. Gubler (2). Les expériences de M. le
Dr Lolliot ont mis hors de doute cette action antidénutritive des
préparations arsenicales, en montrant que l'urée, dernier terme
j*
(1) Claude Bernard, Leçons sur le système nerveux. Paris, 1858.
(2) Gubler, Commentaires thérapeutiques du Codex. Paris, 4868.
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30? ACADÉMIE DP MÉDECINE.
des déchets de l'organisme, diminue sensiblement chez les individus
qui font usage de ces préparations.
Cette action reconstituante indirecte est complétée par l'activité
que l'arsenic imprime à l'appétit et aux fonctions dhçestives. A ce
dernier point de vue, les effets reconstituants des préparations arse-
nicales, d'indirects qu'ils étaient, deviennent plus directs. Dans tout
cela on ne voit pas comment l'arsenic pourrait calmer les palpi-
tations, si l'on excepte les cas où elles sont produites par l'appau-
vrissement du sang.
Cependant il existe des faits qui ne permettent pas de nier les
bons résultats de l'emploi de l'arséniate d'antimoine contre les
maladies du cœur. M. Séc croit devoir attribuer ces bons effets, non
pas à l'élément arsenic-, mais à l'élément antimoine de cette prépa-
ration complexe. On sait, en effet, que l'antimoine exerce une action
' sédative directe extrêmement prononcée sur le cœur, ainsi que l'ont
montré les enseignements et la pratique de l'école rasorienne. C'est
do cette manière que l'on peut comprendre les faits relatés dans le
travail de M. Papillaud.
Ce qui peut se résumer ainsi : premièrement, l'ar-
senic paralyse les vaso-moteurs de la partie antérieure
et supérieure du corps, d'où congestion de la face et du
cerveau; secondement, il accélère les mouvements du
cœur; troisièmement, ce n'est pas un reconstituant di-
rect à l'instar du fer , mais un médicament d'épargne
comme le démontre la diminution de l'urée. Cependant
c'est un reconstituant indirect , puisqu'il augmente
l'appétit et active la digestion; quatrièmement, c'est
l'antimoine et non l'arsenic qui modifie heureusement
les affections du cœur.
Dans la séance suivante, M. Sée donne un développe
ment plus complet à ses idées. Nous rapportons son se-
cond discours parce qu'il contient des renseignements
intéressants sur la possibilité de la guérison des mala-
dies organiques du cœur et de nouveaux arguments
pour appuyer la manière de voir de M. Sée sur l'action
de l'arsenic.
-Digitized b9~Google
T A CLINIQFR RT LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 393
M. Sêe présente d'abord une analyse rapide des observations
publiées dans les divers mémoires de M. le Dr Papillaud rela-
tivement à l'emploi de l'arséniate de soude dans les maladies orga-
niques du c<eur. Il montre que la plupart de ces observations ne
sauraient être admises comme étant réellement des cas de maladies
organiques du cœur. Cependant il en est dans le nombre jusqu'à
cinq ou six qui ont été prises avec quelque soin, et dans lesquelles
la certitude du diagnostic semble ne pouvoir être révoquée en doute.
Or, dans deux cas où l'auteur parait avoir eu véritablement affaire
à la maladie de Corrigan (insuffisance aortique), le traitement a
échoué. Il y a eu simplement diminution de la dyspnée, symptôme
d'ailleurs moins caractéristique dans la maladie de Corrigan que
dana les autres affections organiques du cœur. Dans trois autres cas,
une fois l'influence du médicament s'est bornée à transformer, au
bout d'un an, un bruit de souffle râpeux en un souffle très-doux;
deux fois la maladie du cœur semble avoir réel'ement été guérie.
Du moins, chez un jeune homme de vingt-deux ans présentant un
bruit de souffle râpeux indiquant un rétrécissement de l'orifice aor-
tique, et qui avait été traité par l'arséniate d'antimoine, l'auteur,
qui avait perdu le sujet de vue, l'ayant retrouvé au bout de onze ans,
constata que le bruit du souffle avait complètement disparu.
Quoi qu'il en soit de cette guérison, que l'on pourrait peut-être
attribuer a la nature et non au traitement, le fait en est intéressant,
en ce qu'il montre la possibilité de la guérison des maladies orga-
niques du cœur, du moins chez les enfants et les jeunes gens. Ainsi
que l'a fort bien dit M. Barth, on voit des enfants qui, à la suite
d'un rhumatisme articulaire aigu compliqué d'endocardite ou de
péricardite, présentent des bruits de souffle caractéristiques d'une
maladie organique du cœur guéris complètement au bout d'un cer-
tain nombre d'années.
Toutefois il ne faudrait pas croire que la disparition du bruit de
souffle est un signe certain de la guérison de la maladie. Il y a des
malades, en effet, chez lesquels ce symptôme cesse, on ne sait ni
pourquoi, ni comment, sans que la moindre amélioration se mani-
feste du côté de la dyspnée et de l'œdème.
La plupart des autres observations relatées dans les mémoires de
M. Papillaud se rapportent à des maladies autres que des affections
organiques du cœur. Elles sont englobées sous le nom de palpi-
tations. Plusieurs se rapportent à cet état complexe que Ton a dési-
gné sous le nom de maladie de Batedow, et qui, en outre des palpi-
394
ACADEMIE DE MEDECINE.
tations, présente, comme on sait, etl'exophthalmie, et l'hypertrophie
du corps thyroïde. Il n'est pas sans intérêt de voir que la médication
arsenicale a produit, dans cos cas, des effets véritablement remar-
quables.
Une action du médicament qui mérite d'être notée en première
ligne, parce qu'on la retrouve dans toutes les maladies qui ont été
traitées par l'arsenic, c'est celle qui s'est traduite chez les malades
de M. Papillaud par la diminution de la dyspnée et le relèvement
des forces. C'est là, en quelque sorte, 4a caractéristique de l'action
des préparations arsenicales. En dehors de cette action, il est néces-
saire de faire des réserves, à l'exemple de M. Barth, relativement à
l'influence de l'arséuiate d'antimoine sur les maladies organiques
du cœur.
M. Sée déclare que, pour lui, l'action de l'arsenic sur l'organe
central de la circulation est très-contestable. A cet égard, il ne sau-
rait partager l'opinion émise dans la dernière séance par M. Gubler,
non plus que certaines autres idées professées par son collègue au
triple point de vue de l'action physiologique des préparations arse-
nicales sur la nutritio , la respiration et la circulation.
1° Effets de l'arsenic sur la nutrition. — Avant de produire ses
effets généraux, l'arsenic commence à agir sur le tube digestif ; il
augmente l'appétit et favorise la digestion, principalement la diges-
tion .stomacale, ce qui a conduit un certain nombre de médecins à le
prescrire contre les dyspepsies avec inappétence et même contre les
gastralgies. Toutefois il existe un assez grand nombre de malades
qui ne peuvent supporter l'arsenic à aucune dose, et chez lesquels
quelques gouttes de liqueur de Fowler déterminent du dégoût, de
l'anorexie, des nausées, des vomissements et de la diarrhée. Mais
ceux qui tolèrent le médicament voient immédiatement leurs diges-
tions devenir plus actives et leur nutrition s 'accroître .
On a comparé ces effets de l'arsenic à ceux des toniques, et parti-
culièrement des ferrugineux. On a dit qu'il augmente le nombre des
globules du sang.
D'autres médecins ont avancé au contraire que l'arsenic produit
des effets de débilitation, d'anémiation, de dissolution du sang.
Il n'en est rien. L'arsenic ne détermine la difffuence du sang que
dans les cas d'empoisonnement chronique à'arsenicisme.
Il n'augmente pas davantage le nombre des globules.
Son action sur le sang est comparable à celle que M. Claude Ber-
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LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 395
nard (1) a signalée pour le gaz oxydu «le carbone. Ce gaz, mi3 en
contât avec les globules du sang, a, suivant M. Claude Bernard, la
propriété de constituer une combinaison intime de ces globules avec
l'oxyde, de sorte que la couleur du sang des animaux empoisonnés
par l'oxyde de carbone reste rutilante; leurs muscles conservent
après la mort une coloration d'un rouge très -vif, phénomènes que
l'on observe également chez les individus qui ont succombé à l'as-
phyxie par la vapeur du charbon.
L'action de l'arsenic sur les globules du sang peut se comparer
à celle de l'oxyde du carbone. Ils fixent l'arsenic, mais aussi
l'oxygène; le sang des animaux devient plus rouge qu'à l'état nor-
mal et se conserve mieux.
De ce fait découle une conséquence importante, à savoir:
que les combinaisons des globules du sang avec l'oxygène
étant plus durables et moins souvent renouvelées, donnent lieu
à des produits d'oxydation moins nombreux, partant à une
destruction moins rapide de la matière organique, à un ralen-
tissement du mouvement de dénutrition, d'où résulte une économie
réelle pour l'organisme. Cette action est rendue manifeste par
l'examen des produits d'oxydation qui sortent de l'organisme, d'une
part, sous forme d'urée, dernier terme des déchets des matières
albuminoïdes; d'autre part, sous forme d'acide carbonique, produit
ultime de la combustion des matières hydrocarbonées de la sub-
stance vivante. Il est démontré aujourd'hui, par l'analyse chi-
mique, que ces produits diminuent «le quantité sous l'influence de
l'arsenic.
Mais, pour que les résultats de l'analyse ne soient pas entachés
d'erreur, il faut, au préalable, ainsi que l'a démontré, en 1865,
M. Voit (de Munich), commencer par équilibrer le budget des
recettes et des dépenses des individus que l'on soumet à ces expé-
riences. C'est pour ne pas avoir pris ces précantions que certains
observateurs ont avancé que l'arsenic augmentait la proportion des
produits d'oxydation. Il est bien démontré aujourd'hui, ainsi qu'il
résulte de la thèse de M. le Dr Lolliot, que l'administration de
l'arsenic détermine une diminution de 20, 30 et iO pour 100 de la
proportion d'urée contenue dans l'urine.
Il va sans dire que ces résultats n'ont de valeur qu'à la condition
il) Claude Bernard, Leçons sur les substances toxiques et médicamen-
teuses.
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39fi
ACADEMIE DE MÉDECINE.
d'être recueillis sur des sujets chez lesquels les effets primitifs de
l'arsenic n'auront produit ni augmentation, ni diminution de l'ap-
pétit et des fonctions digestives. Il est facile de comprendre, en effet,
que, dans le premier cas, la quantité d'urée serait plus ou moins
notablement augmentée, et qu'elle serait diminuée dans le second.
Quand l'appétit n'a été ni augmenté, ni diminué par l'adminis-
tration de l'arsenic, on est dans les conditions favorables pour obte-
nir de l'analyse chimique des résultats nets et précis. La diminution
delà proportion de l'urée et de l'acide carbonique, que l'on observe
dans ces conditions, prouve bien que l'asenic a pour effet d'enrayer
le mouvement de dénutrition. Il diminue les oxydations organiques,
et, partant, la quantité de calorique produit, et ces effets résultent
de l'épargne de la combustion des matières grasses de l'économie,
ainsi que de la diminution de l'activité îles phénomènes chimiques
qui se passent dans le tissu musculaire. L'arsenic épargne donc pins
particulièrement la graisse et les muscles.
C'est en vertu de cette action reconstituante indirecte que l'arsenic
a pu être employé avec succès dans le traitement des fièvres inter-
mittentes par Boudin {{), et, après lui, par MM. Fremy, Moutard-
Martin, Isnard (de Marseille), ainsi que par un grand nombre de
médecins militaires (î\ L'arsenic constitue donc un fébrifuge, mais
un fébrifuge spécial qui réussit surtout dans les cachexies paludéen-
nes comme moyen indirect de reconstitution organique.
2° L'action favorable de l'arsenic sur la respiration est mise hors
de doute par les observations et les expériences de MM. Bouley,
Leblanc, Raynal, ainsi que par les habitudes des populations de la
basse Autriche, sur lesquelles Tschudi et de nombreux médecins
anglais qui ont été observer sur les lieux ces populations arseni-
cophages ont donné des renseignements précis et dignes de foi. Ces
observateurs sont unanimes pour proclamer les bons effets de l'ar-
senic sur la fonction respiratoire.
La clinique a mis en relief également les résultats favorables de
l'emploi de l'arsenic dans la plupart des affections thoraciques, dans
lesquelles la dyspnée est le symptôme prédominant dans l'asthme,
la bronchite, les catarrhes pulmonaires, et jusque dans la phthisie.
Cette action favorable de l'arsenic dans les maladies des voies
respiratoires est démontrée par les travaux du D'Cahen, repris par
(1) Boudin, Traité de* fièvres intermittentes. Paris, 4842.
(2) Voyez Léon Colin, Traité des fitvres intermittentes. Pu ris. 1870.
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LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 397
M. Moutard-Martin, et par ceux des médecins des thermes du Mont-
Dore, dont les eaux sont remarquables par la proportion d'arsenic
qu'elles contiennent.
3" En ce qui concerne les ettets des préparations arsenicales sur
la circulation, les opinions les plus discordantes ont été émises par
les auteurs : les uns, avec Trousseau, Orlila, etc., déclarant que
l'arsenic est un excitant de la circulation; les autres, au contraire,
proclamant que ce médicament jouit de propriétés sédatives et
hyposthénisantes sur la circulation, et qu'il détermine le ralentis-
sement du pouls.
Il est remarquable que, par les cliniciens, les praticiens qui ont eu
fréquemment l'occasion de manier la médication arsenicale, comme
les médecins militaires, ceux qui s'occupent spécialement du trai-
tement des maladies de la peau, pas un seul n'a signalé le fait du
ralentissement du pouls.
M. Sée continue à penser, malgré les critiques de M. Gubler,
que l'arsenic n'exerce pas d'influence sur le centre circulatoire, mais
qu'il jouit d'une action spéciale élective sur les capillaires, surtout
des parties supérieures du corps.
Il y a à cela deux raisons : la première, c'est que les capillaires
des parties supérieures du corps, particulièrement de la face et du
cerveau, possèdent une structure musculaire plus parfaite que ceux
des parties inférieures ; iis jouissent de plus de contractilité, et dès
lors il n'est pas étonnant qu'ils répondent d'une manière plus spé-
ciale à l'action de l'arsenic
Une seconde raison de cette action spéciale de l'arsenic sur les
capillaires des parties supérieures, c'est que divers médicaments
peuvent exercer une action élective sur certains nerfs, et même des
nerfs vaso-moteurs. De même qu'il existe des substances, comme,
par exemple, la fève de Calabar, qui exercent une action élective
sur le centre vaso-moteur de la moitié inférieure du corps, de
même il peut y avoir des médicaments qui portent plus particu-
lièrement leur action sur le centre vaso-moteur de la moitié supé-
rieure. Tout le monde sait que le curare, la digitaline, ont une action
spéciale sur le nerf pneumogastrique. Pourquoi l'arsenic ne pour-
rait-il avoir aussi une action plus marquée sur les vaso-moteurs des
parties supérieures du corps?
En résumé, les préparations arsenicales exercent, suivant M. Sée,
une influence remarquable sur trois grandes fonctions de l'orga-
nisme, la nutrition, la respiration et la circulation. L'arsenic est un
398 ACADÉMIE DE MEDECINE.
reconstituant indirect par le privilège qu'il a d'enrayer le mouve-
ment de nutrition organique. A ce point de vue, il pourrait être
employé utilement contre le diabète, mahdie dans laquelle se pro-
duit une déperdition incessante d'urée, si ce médicament n'était
contre-indiqué, parce qu'il a pour etlet de diminuer la chaleur ani-
male. — L'arsenic constitue un moyen puissant d'action sur les
organes respiratoires. — Enfin, il exerce une action élective sur les
artérioles, surtout des parties supérieures du corps. A cet égard, il
peut être mis rationnellement en usage pour combattre certaines
congestions.
Remarquons en passant qu'après avoir pris, sans en
rien dire, à la pratique homœopalhique l'indication de
l'arsenic dans l'asthme, les maladies du cœur, la chlo-
rure et la fièvre intermittente, l'école officielle tente
aujourd'hui de prendre à la même école l'indication de
l'arsenic dans le traitement du diahète.
M. Hardy répondit immédiatement à M. Sée que l'ar-
senic ne localise pas son action sur la partie supérieure
du corps, puisqu'il peut produire la paraplégie et un af-
faiblissement de la force génésique ; que l'arsenic aug*-
mente la sécrétion urinaire etcelledes larmes, etqu'enfîn
on ne peut décider encore si l'arsenic est un excitant
ou hyposthénisant. J'ajouterai que cette dernière ques-
tion, bien qu elle ait préoccupé au plus haut point l'Aca-
démie de médecine, n'est qu'une véritable niaiserie galé-
nique pour les partisans de la thérapeutique expérimen-
tale. Excitant, hyposthénisant, tonique, sont des mots
vides de sens et qui n'avaient de valeur que sous le règne
de la thérapeutique hypothétique. Mais arrivons main-
tenant au véritable contradicteur de M. Sée : M. Gubler,
qui avait protesté immédiatement contre la théorie de
M. Sée, a développé ses idées dans un discours pro-
noncé dans la séance du 22 novembre.
Il se manifeste, surtout depuis quelque temps, messieurs, une
tendance regrettable, c'est de plier les faits à la théorie et de trans-
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LA CLINIQUE ET LA. PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 399
former la sage clinique en humble servante d'une physiologie aven-
tureuse. J'ai cru qu'il était du devoir de l'Académie de signaler le
danger, et j'ai, pour ainsi dire malgré moi, poussé le cri d'alarme
dans l'avant-dernièrc séance (8 novembre 1870). 11 faut maintenant
le justifier.
Avant de descendre sur le terrain de la lutte, je tiens à faire ces-
cer un malentendu qui se saurait se prolonger sans de sérieux in-
convénients. Quelques personnes paraissent croire que M. le profes-
seur Séc, armé du flambeau d'une science nouvelle, cherche à guider
la médecine dans des sentiers inexplorés, tandis que ses collègues,
plongés dans l'obscurité, enfoncés dans l'ornière du passé, s'effor-
ceraient d'y retenir la génération contemporaine.
11 n'en est rien. Dans cette enceinte où je vois tant de maîtres à
coté de mes condisciples, nous avons tous à peu près les mêmes
idées sur l'utilité de l'anatomie, de la physiologie et des autres
sciences fondamentales ; journellement nous faisons de ces sciences
des applications rationnelles à la médecine proprement dite. Tous
nous estimons l'observation au lit du malade et l'expérimentation
sur les animaux. Le moins organicien fait de l'anatomie patholo-
gique et fonde la connaissance d'un agent médicamenteux sur la
modification qu'il imprime à nos organes et à leurs fonctions. Et,
dans ces diverses opérations, chacun de nous se pique de rigueur
scientifique.
Ainsi la direction est commune, et si, dans notre marche vers le
progrès, nous arrivons à nous échelonner, du moins il n'y a pas
entre nous de bien grands intervalles.
M. Gubler consacre ensuite quelques pagres à démon-
trer que les opinions professées par M. Sée ont, pour la
plupart, été enseignées au public par lui M. Gubler, en
sorte que « il ne peut se défendre d'un certain mouve-
ment de vanité et qu'il est tenté de proclamer M. le pro-
fesseur Sée le plus brillant de ses élèves. » Cela est possi-
ble, mais importe peu à l'histoire de l'action de l'arsenic,
aussi hàtons-nous d'y revenir. M. Gubler continue
ainsi :
A la suite de remarques importantes de MM. Bnuley et Haynal
touchant l'action sédative de l arsenic sur la respiration et même la
400 ACADÉMIE l'E MEDECINE.
circulation, M. S^c est intervenu, on s'en souvient, pour exposer
sa manière de comprendre l'action physiologique de l'arsenic et, de
par sa théorie, déclarer impossible l'action que nos collègues avaient
observée du coté du cœur.
Obéissant à un premier mouvement, je me suis élevé avec une
certaine énergie contre ce non possumus lancé contre de bonnes ob-
servations au nom d'une théorie contestable. La doctrine physiolo-
gique de l'arsenic, vous disais-je, en est encore à la période cm*
bryonnairc. Los conceptions idéales ne manquent pas, mais la base
expérimentale n'est pas suffisamment solide.
Dans la dernière séance. M. Sée s'est eflbrcé de réfuter cette
critique sommaire à l'aide d une exposition nouvelle et plus détaillée
de ses idées. Nous allons voir s'il y u réussi.
J'examinerai la question avec une liberté d'esprit d'autant plus
entière, que les opinions de M. Sée sur ce point particulier sont,
ainsi que je le faisais pressentir, presque entièrement semblables à
celles que je professe moi même depuis longtemps. Quelques mots
d'historique serviront d'introduction nécessaire à cette partie de
mon argumentation.
En 1865, dans un article (I) qui comprend en même temps que
l'asthme proprement dit, plusieurs études sur les dyspnées, etc.,
M. Sée a cru devoir donner un résumé de l'action physiologique et
thérapeutique de chacun des médicaments conseillés aux asthma-
tiques.
Dans l'article consacré à l'arsenic (•£,), nous lisons : « Le poison
pénètre dans le sang, se combine avec les éléments histologiques ou
protéiques, et favorise manifestement les oxydations; en voici les
preuves : l'urée, qui représente les produits des combustions orga-
niques, augmente de douze à vingt-huit les chlorures et (il eût fallu
dire et les) phosphates terreux de l'urine s'élèvent jusqu'au double
de la proportion normale. Ces résultats, acquis par les expériences
de Sabelin, indiquent l'exagération du mouvement nutritif; ce qui le
prouve mieux encore, c'est que l'acide urique, produit incomplet
d'oxydation, diminue en raison inverse de l'urée; entin, l'augmen-
tation de la température et l'accélération du pouls sont des témoi-
gnages de plus de l'activité des décompositions. »
Ainsi, le doute n'était pas permis, et il ne fallait pas s'arrêter à
(l) G. Sée, article Asthmk du Nouveau Dictionnaire de mèiecine et ds
chirurgie pratiques. Paris, iSf.S, t. III, p. 583.
(•2) G. Sée, ibidem, t. III, p. 744.
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LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 401
l'idée que l'arsenic est un tonique ou bien qu'il afFaiblit les vaso-
moteurs et autres conceptions fantaisistes : l'arsenic n'était autre
chose qu'un moyen d'activer la dénutrition, ce que prouvait sura-
bondamment l'accroissement de l'urée, etc.
Mais trois années ne s'étaient pas écoulées que notre savant col-
lègue faisait publier sur le sujet par un de ses élèves, M. le Dr Lol-
liot, une opinion diamétralement contraire.
Dans l'intervalle avait paru mon livre (1), mis en vente dès le
2 ou le 3 février 4868, où je développais précisément la manière de
voir adoptée plus tard par notre collègue.
Un instant je crus pouvoir me flatter d'avoir contribué à cette
conversion, mais cette illusion ne fut pas de longue durée. Rien,
en effet, dans la thèse de M. Lolliot, soutenue au mois de juillet
1808, n'indique que l'auteur ait eu connaissance d'un ouvrage pu-
blié près de six mois auparavant par un membre de cette Académie,
et auquel un certain nombre des journaux de médecine les plus ac-
crédités de Paris et de la province avaient fait un accueil des plus
flatteurs. C'est probablement à l'absence de mon nom dans une mo-
nographie, fort estimable d'ailleurs, qu'est due la croyance presque
générale que M. le professeur Séc est l'auteur de l'opinion qui veut
que l'arsenic entrave le mouvement de dénutrition et constitue ce
qu'on a nommé un antidéperditevr, et ce que notre collègue tient à
appeler un médicament d'épargne. Nous reviendrons tout à l'heure
sur ces expressions.
Mais ce n'est pas cet oubli que je reproche à l'auteur de la thèse
ni au maitre qui l'a inspirée. Je ne ferai pas non plus un crime à ce
dernier d'avoir abandonné une théorie manifestement en opposition
avec les faits pour en adopter une que je crois meilleure, et dont il
m'était permis de revendiquer la paternité. Non, ce que je prends
la liberté de blâmer, c'est la désinvolture un peu trop leste avec la-
quelle on a lâché et la première opinion et l'honorable confrère sur
les expériences duquel on l'avait édiliée.
Dans la thèse de 1868, il n'est pas un instant question de la doc-
trine de la dénutrition exagérée et de l'excès d'urée. Le nom de Sa-
belin n'est prononcé nulle part, pas même dans l'index bibliogra-
phique. Une si noire ingratitude m'afflige sans trop me surprendre ;
on garde involontairement rancune à ceux qui ont contribué à nous
fourvoyer. Mais je ne fais pas de la psychologie, et je me hâte de
(1) Gubler, Commentaires thérapeutiques du Codex. Paris, 1868.
TOME XXXII. — NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 1870. -Jti
402 ACADÉMIE DE MEDECINE.
revenir ù l'action physiologique de l'arsenic. Voici en quelques mots
le résumé de mon opinion sur ce médicament, telle qu'elle se
trouve contenue dans mes Commentairet thérapeutiques du Codex :
L'arsenic est un irritant topique, pouvant produire des cschares
par un mécanisme tout différent des caustiques chimiques. Il frappe
de mort le tissu qu'il imprègne, mais il ne le désorganise pas ; c'est
un escharo tique sphacéliant. En qualité d'irritant, il peut aiguiser
l'appétit, provoquer des hlépharites, des éruptions cutanées, etc.
Une fois parvenu dans la circulation, ce métalloïde devient un
modérateur de la combustion respiratoire par un mécanisme encore
difficile à pénétrer. C'est ainsi qu'il calme les mouvements respira-
toires et Téréthisme fébrile. C'est par là qu'il ralentit la dénutrition,
qu'il fait emmagasiner de la graisse et qu'il donne l'apparence de la
santé.
Or, M. Sée n'a pas trouvé autre chose dans l'action générale de
l'arsenic. Seulement, au lieu de s'étayer des faits cliniques, il pré-
fère invoquer les expériences de Brett-Schueider, de Schmidt, de
Sturzwagc, confirmées récemment par celles de MM. Lolliot, Théo-
phile Anger et Bruley, tendant à établir la diminution de l'urée et
de l'acide carbonique sous l'influence de l'arsenic.
Je suis naturellement tout prêt à accepter ces résultats, puisqu'ils
confirment l'opinion que je m'étais faite, d'après l'observation thé-
rapeutique chez l'homme ; mais je ne puis leur accorder la valeur
absolue si véhémentement sollicitée pour eux par notre savant con-
tradicteur.
On a vu, en effet, dans la dernière séance, quel amer reproche
M. Sée adressait à M. Hardy, pour avoir omis la recherche quanti-
tative de l'urée dans ses expériences personnelles. On a pu remar-
quer aussi qu'une telle négligence ne soulevait pas la même indi-
gnation chez les cliniciens purs. Aux résultats expérimentaux sur
lesquels s'appuie M. Sée plusieurs objections peuvent être oppo-
sées.
D'abord, les expériences ne sont pas encore assez nombreuses
pour mettre hors de doute les résultats qu'elles prétendent établir.
M. Sée n'en a pas fait lui-même. Quant a MM. Lolliot. Th. Anger
et Bruley, ils ne sont parvenus à en ajouter chacun qu'une seule à
celles tles auteurs allemands. En outre, on voudra bien m'accorder
que plusieurs de celles-ci sont neutralisées par les expériences con-
tradictoires de Sabelin.
Eu second lieu, quand bien même le fait de la diminution de
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LA CLINIQl È ET LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 403
l'urée aurait été plus souvent vérifié, il ne faudrait pas encore se
hâter de conclure. La quantité d'urée excrétée n'exprime pas direc-
tement et nécessairement, soit l'état de la dénutrition, soit celui de
la combustion respiratoire. Le rein entre pour quelque chose dans
le phénomène ; suivant sa susceptibilité physiologique ou morbide,
il sécrète activement ou ralentit son travail, malgré des variations
de doses en sens inverses de la part de l'urée en dissolution dans le
sérum sanguin.
Il se peut aussi que l'arsenic s'oppose à la sécrétion de l'urée,
aussi bien que l'iode favorise le passage du fer par les glandes sali-
vaires.
D'un autre côté, avec une dénutrition active, l'urée peut dimi-
nuer, si les déchets organiques passent sous forme d'acide urique
ou de matières albuminoides. Enfin, avec une dénutrition ralentie,
la proportion d'urée pourrait augmenter, si une combustion plus
complète faisait apparaître sous cette forme l'albuminose urinairc
et l'acide urique normal. Je ne viens pas soutenir que l'un de ces
cas se réalise avec l'arsenic, aucune donnée positive ne m'autorise-
rait à le faire : je veux montrer simplement avec quelle réserve il
faut tirer les conséquences d'un fait expérimental, alors même qu'il
est bien constaté.
Les réserves que je viens de faire à l'égard de la proportion d'u-
rée, je les poserais également vis-à-vis de la diminution d'acide car-
bonique, laquelle peut coïncider avec une somme de combustion
normale, si l'action de l'oxygène se porte principalement sur les
matières azotées, et avec une dénutrition plus active, si au lieu de
la graisse ce sont les tissus albuminoides qui sont ramenés dans la
circulation pour y être brûlés.
Un point sur lequel je ne puis encore partager les convictions en-
thousiastes de M. Sée, est celui qui se rapporte aux effets quasi-
merveilleux observés en Styrie et diverses autres provinces de l'Au-
triche. Je reconnais bien l'influence favorable exercée par l'arsenic
sur quelques dyspnées : dans certains asthmes chez l'homme et dans
la pousse des cheveux ; mais ce que je me refuse à admettre, c'est
que la puissance du moyen soit telle, que les asthmatiques, deve-
nus si légers qu'ils se disent volatiles, se fassent ensuite un jeu de
gravir les pentes les plus abruptes.
Dans la mesure où je l'admets, cette action sur la respiration me
semble comparable à celle de la migraine qui, elle aussi, a une cer-
taine période, quand elle est modérée et régulière, s'accomprigno
404 ACADÉMIE DE MEDECINE.
d'une facilité de respiration et d'un calme circulatoire vraiment sin-
guliers. J'en ai fait trop souvent l'expérience sur moi-même, et j'ai
eu l'occasion de vérifier le fait chez différentes personnes de ma
clientèle. Et, chose remarquable, une sorte de migraine, ainsi que
vous le disait dernièrement M. Hardy et que je l'ai constaté de mon
côté, est parfois l'un des premiers symptômes d'intolérance dans le
cours de la médication arsenicale. Ceci, messieurs, n'est pas une ex-
plication, puisque le mécanisme de la migraine nous est encore à
peu près inconnu, et que des phénomènes semblables peuvent être
produits par des états organiques absolument inverses. J'ai voulu
seulement faire un rapprochement et indiquer une voie de recher-
ches.
J'arrive à l'un des points les plus importants de l'action physiolo-
gique de l'arsenic.
M. Sée a cru pouvoir comparer l'action de l'arsenic sur les glo-
bules à celle de l'oxyde de carbone.
« De même, a-t-il dit, que les globules intoxiqués par l'oxyde de
carbone gardent l'oxygène et restent indéfiniment rutilants, de
même, au contact de l'arsenic, les globules sanguins se combinant
avec l'oxygène d'une manière plus stable et plus chimique {sic) ne
laissent plis échapper ce gaz. C'est ainsi que l'arsenic devient un
médicament d'épargne. »
On aurait pu croire que cette théorie de l'action de l'oxyde de
carbone appartenait à notre savant contradicteur. Mais point ; c'é-
tait, nous disait-on, celle de M. Cl. Bernard que personne n'avait
reconnue.
M. Bouley a déjà signalé cette erreur que chacun de nous avait
remarquée. Évidemment M. Sée n'a pas bien saisi le sens de ce que
l'illustre physiologiste a écrit sur cette question assez difficile peut-
être à exposer en termes généraux , mais moins malaisée à com-
prendre quand on s'en réfère aux expériences.
Or, voici ce que les expériences conçues et exécutées par M. Cl.
Bernard nous apprennent :
1° Le sang au contact de l'oxyde de carbone devient rutilant.
3° Cette rutilanec diffère de Tartérialisation par sa permanence,
puisqu'elle se prolonge quelquefois au delà de trois semaines..
3° Le gaz oxyde de carbone est absorbé par le sang.
i° Seulement le phénomène est masqué par l'exhalation d'une
quantité sensiblement équivalente d'oxygène. Ce qui fait que le
volume apparent ne change pas.
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LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE. 405
S» Mais ultérieurement le sang modifié par l'oxyde de carbone
n'absorbe plus l'oxygène, tandis qu'il n'en est pas de même avec
l'acide carbonique ou l'azote.
6' Dès lors tout échange entre le sang et l'air atmosphérique se
trouve empêché.
7* Au résumé , l'oxyde de carbone empoisonne d'abord en chassant
r oxygène des globules et ensuite en l'empêchant d'y rentrer.
C'est tout le contraire de ce que croyait M. Sée. Ainsi s'écroule
l'échafaudage sur lequel il avait établi l'action physiologique de
l'arsenic.
M. Sée se défend d'avoir dit ce que tous nous avions cru enten-
dre. Il a voulu faire tme comparaison non une assimilation. Voici
quelle serait sa nouvelle formule : a Tandis que l'oxyde de carbone
chasse l'oxygène et prend sa place dans le globule, l'arsenic, au
contraire, force l'oxygène à se combiner plus intimement avec le
corpuscule sanguin et à s'y maintenir indéfiniment. » Mais alors
comment notre collègue a-t-il pu songer à comparer des phéno-
mènes aussi disparates, et comment a-t-il pu croire que l'un de ces
phénomènes pourrait servir à l'explication de l'autre. Il sera diffi-
cile que M. Sée échappe à ce dilemme : ou bien il a cru, par suite
d'un lapsus mentis, que l'oxyde de carbone fixait l'oxygène dans le
globule, comme il suppose que fait l'arsenic, et alors la comparaison
était admissible, mais elle reposait sur une erreur matérielle; ou
bien il n'a pas méconnu la profonde différence qui sépare l'action
constatée de l'oxyde de carbone de l'action supposée de l'arsenic,
et alors il n'y avait pas de comparaison possible entre les deux
agents au point de vue de leurs effets sur les globules sanguins.
Je ne vais pas au delà de cette conclusion et je ne m'inscris pas
en faux contre l'opinion exprimée par M. Sée dans la dernière séance.
Il se pourrait qu'elle fût juste, mais je n'ai aucune raison de le
croire ni mon savant contradicteur non plus.
Ce n'est pas sans dessein que je spécifiais tout à l'heure en disant
« l'opinion de la dernière séance, » car un élève de M. Sée nous ap«
prend qu'il a professé une autre théorie d'après laquelle l'arsenic
se combinerait avec les globules, en prenant la place de l'oxygène,
et les rendrait de la sorte inaptes à oxyder les tissus, dont la dénu-
trition se trouve ainsi ménagée (1). Voilà ce qui serait plus orthodoxe :
cela fait regretter que le maître ne s'en soit pas tenu à sa première
manière.
(I) Lolliot, thèse, p. 52.
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406 ACADÉMIE DE MEDECINE.
C'est ici le lieu de parler de la classe des médicaments d'épargne à
laquelle M. Sée parait vouloir attacher sou nom, et de l'expression
d'antidéperditeurs qu'il m'attribue à tort.
Si j'avais voulu exprimer le fait pur et simple de l'empêchement
apporté aux fonctions de l'économie par certains agents thérapeu-
tiques, je n'aurais eu qu'à ouvrir un de nos vieux lexiques et j'y
aurais trouvé le mot cohibent dont j'aurais tiré les facultés cohibentet
ou cohibitives. J'emploie quelquefois le mot antidéperditeur parce
qu'il a cours dans la science ; mais l'occasion d'en faire usage se
présente moins fréquemment pour moi que pour d'autres, attendu
que la plupart des médicaments qui reçoivent cette épithète et qui
rentrent dans les médicaments d'épargne , sont désignés dans ma
classification sous le nom de dynamophores ou dynamisants,
M. Sée préfère se servir des mots médicaments d'épargne, dont l'as-
semblage est un peu plus euphonique que l'adjectif antidéperditeur,
mais qui n'a pas d'autre mérite, puisqu'il se borne à exprimer le
fait brut de la diminution des pertes organiques. On a cependant
l'habitude de lui faire honneur de cette appellation comme si elle
était l'indice d'une manière particulière de comprendre les phéno-
mènes ou du moins comme si elle était nouvelle. Or, il n'en est
rien. Le mot sparen, appliqué à cette classe d'agents, est depuis
longtemps usité en Allemagne, et le mot épargner en est la traduc-
tion littérale.
Mais je préfère spar mittel ou moyen d'épargne à médicaments d'é-
pargne, parce que cela se cromprend mieux.
Quant à l'origine de l'idée que ces mots représentent, elle remonte
bien haut déjà.
Wilh. B'îckar, qui écrivait on 18i9 son ouvrage si intéressant sur
l'action physiologique de certaines substances alimentaires ou mé-
dicamenteuses, insiste constamment sur l'arrêt mauserstokuug ou
l'obstacle mauserhemmung qu'apportent à la mue organique les
agents dits actuellement antidéperditeurs, et notamment l'alcool.
Mais il ne se flatte pas d'être entré le premier dans cette voie, car
il expose avec complaisance la classification de Schultz (1831) qui
repose précisément en partie sur la distinction des substances en
celles qui activent la dénutrition et celles qui la retardent.
Le nom et la chose étaient donc parfaitement connus de longue
date, et M. Sée n'a rien a jouté à ce que nous savions.
Lorsque M. Sée avait déclaré impossible le ralentissement des
battements du cœur, par cette raison que l'arsenic produisant la
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LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 407
dilatation des capillaires de la face et de l'encéphale doit, au con-
traire, augmonter la fréquence du pouls, je m'étais récrié contre
cette manière de jugera priori une question de fait, mais je n'avais
pas affirmé contradictoirement la réalité du ralentissement, ainsi
que me l'a fait dire mon savant contradicteur, flans son dernier dis-
cours. Je suis resté, à cet égard, dans une prudente réserve, comme
il convient de faire, quand on n'a pas suffisamment observé. Nous
allons maintenant vider cette question.
M. Bouley a noté la sédatiou circulatoire. Voilà un fait positif
qui emprunte une grande valeur à l'autorité scientifique de notre
éminont collègue. Si un certain nombre d'autres bons observateurs
l'avaient également vu, il faudrait bien admettre le phénomène au
nombre des effets ordinaires ou possibles du médicament.
D'autre part, si l'arsenic enraye la fièvre intermittente, on m'ac-
cordera qu'il peut exercer une action sédative sur la circulation.
Or, la pratique de Boudin, de Sistach, de M. Fremy ne laisse aucun
doute sur l'utilité de ce moyen, trop vanté, j'en suis convaincu, par
plusieurs de ses parrains, mais auquel on ne peut, sans injustice,
dénier toute efficacité, et qui possède certainement contre la fièvre
une autre action que celle de tonifier et de réconforter l'économie.
D'ailleurs tous ceux qui ont expérimenté l'arsenic dans la tubercu-
lose ont yu s'apaiser la fièvre symptomatique, pouls et chaleur
compris.
Je vous citerai d'abord mes chers maîtres Trousseau et Pidoux,
puis mon excellent collègue de l'hôpital Beauj on , M. Moutard-
Martin. A l'hôpital Lariboisière, M. Hérard, dont la compétence
est si grande dans ce qui touche aux affections pulmonaires, a con-
staté les mêmes faits, et son élève, M. Niederkomm, a donné des
relevés précis, accompagnés de tracés graphiques où l'on a vu se
développer parallèlement les courbes de la température et du pouls.
A vrai dire, les cliniciens auraient été fort étonnés qu'il en fût
autrement.
Il y plus, un auteur anglais, Hill (1), a vu des palpitations cardia-
ques céder, non pas aux effets chroniques altérants, mais bien a
l'action aigué, aux modifications fonctionnelles, engendrées par
l'arsenic. Toutes ces observations forment déjà un ensemble impo-
sant, seulement il faudra les interpréter. En attendant, remarquons
que tout cela s'est produit malgré la prétendue dilatation paraly-
tique des capillaires de la tête.
(t) Cité par M. Imbort-Oourbeyro.
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403 ACADÉMIE DE MEDECINE.
Permettez-moi d'ajouter qu'étant admise l'influence sédative de
l'arsenic sur la respiration , on ne comprendrait guère qu'elle ne
s'étendit pas à la circulation, laquelle marche ordinairement du
même pas dans les conditions hygiéniques ou morbides. Car il y a
une loi plus positive que celle dont on nous parlait naguère, c'est
que le ralentissement des mouvemeuts respiratoires entraîne un
ralentissement des mouvements du cœur.
Sans se laisser embarrasser par ces faits et ces considérations,
M. Sée ne craint pas de déclarer que l'abaissement du pouls n'existe
pas, parce qu'il ne peut exister coïncidemment avec la paralysie
vaso-motrice du train antérieur. A cette occasion, il invoque la belle
loi de M. Marey sur le rapport inverse qui existe habituellement
entre la tension et la fréquence du pouls. Cherchons ce que vaut ce
raisonnement.
D'abord, sans parler des cas exceptionnels où l'influence de con-
ditions ordinairement subordonnées se montre prédominante, c'est
une diminution générale de la tension vasculaire qui détermine l'ac-
célération du pouls. Une diminution locale n'aurait pas ce pouvoir,
et par conséquent l'influence de la dilatation des capillaires de la
tète serait probablement insuffisante.
Avant d'aller plus loin, je voudrais demander un renseignement
à M. Sée : Est-ce que par hasard notre collègue aurait fait des ex-
périences pour établir, comme il l'indiquait, l'existence de l'hy-
perémie de l'encéphale ?
M. Sée avoue qu'il n'en a fait aucune. Tout se réduirait donc à
la dilatation des capillaires de la face. Mais cette paralysie vaso-
motrice circonscrite est-elle du moins bien constatée ? Je crois pou-
voir affirmer le contraire. M. Sée remarque avec tout le monde que
les joues sont devenues roses chez les sujets qui ont repris une santé
plus florissante pendant l'usage de l'arsenic. Cela lui suffit. Ainsi,
messieurs, quand vous rencontrerez sur votre route des types de
santé ; quand vous verrez dans la campagne ces gaillards vigou-
reux, aux robustes épaules et au teint fleuri, plaignez-les : ils sont
sur le chemin de la maladie, car ils ont déjà une paralysie des vais-
seaux de la face. Et, pour être logique, M. Sée vous dira qu'ils doi-
vent être affectés d'une certaine fréquence du pouls.
Déjà M. Hardy a combattu victorieusement la doctrine de notre
collègue, en faisant voir que, loin de borner ses elTcts à la partie
supérieure du corps, l'arsenic semble au contraire appesantir son
action sur le train inférieur, puisqu'il cause quelquefois l'anaphro-
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LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 409
disie, d'après les remarques de Rayer et de M. Charcot, et même
des paraplégies semblables, d'après Christison, parfois identiques,
selon moi, avec les paralysies saturnines.
Au résumé, la paralysie vaso-motrice de la tète invoquée par
M. Sée n'est rien moins que démontrée.
L'auteur de la théorie a bien essayé de nous prouver que la chose
était possible, ce qui n'était pas en discussion ; personne, en effet,
n'ignore qu'il existe plusieurs centres d'innervation sympathique,
dont les deux principaux sont au cou et dans la région lombaire.
Les recherches récentes de MM. Robin et Gimbert sur la structure
des vaisseaux de la face sont bien connues ; et chacun sait que cer-
tains médicaments font élection sur un organe ou sur un appareil.
Mais tout cela ne nous apprend rien sur la question de savoir si,
dans le cas particulier, les choses se passent conformément aux vues
de notre collègue.
M. Sée, voulant prouver que certaines substances bornent leurs
effets à l'un des deux centres du système nerveux vaso-moteur,
cite la fève du Calabar comme ne faisant sentir son influence que
sur le train de derrière. On ne pouvait pas plus mal choisir son
exemple. Notre collègue aura été frappé sans doute de l'intensité
des mouvements péristaltiques de l'intestin grêle ; mais l'accroisse-
ment de motricité atteint à peu près au même degré tous les tissus
contractiles de la vie organique, et même de la vie de relation,
d'après les intéressantes expériences de MM. Laborde et Leven.
D'ailleurs est-ce que tout le monde ne sait pas que la contraction
de la pupille est l'effet le plus apparent de l'csérine ? Or, l'œil n'ap-
partient pas, que je sache, au train de derrière, à moins qu'on n'ait
affaire à cette race supérieure dont parle Victor Considérant, qui
porterait une queue munie d'un œil à son extrémité.
En définitive, l'action sédative de l'arsonic sur le cœur a été notée
dans une foule de circonstances. Il est difficile de la mettre en doute;
seulement nous aurons à rechercher dans l'avenir par quel moyen,
direct ou indirect, le médicament amène ce résultat. Au lieu d'ac-
cepter les observations , ou bien de les soumettre au contrôle de la
critique, que fait M. Sée? Il les nie, parce que cela contrarie ses
idées sur la paralysie arsenicale du vaso-moteur de la partie supé-
rieure du corps.
Et si quelqu'un, partant d'une autre donnée, venait dire à notre
savant collègue : « Toutes les fois qu'un médicament produit une
modification de la température, on verra se produire dans le même
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410 ACADÉMIE DE MEDECINE.
sens une modification de l'excitabilité. S'il y a augmentation de la
température, l'excitabilité sera augmentée ; s'il y a abaissement de
la température, l'excitabilité sera diminuée. Or, l'arsenic produit
un abaissement de température, il produira donc en même temps
une diminution de l'excitabilité des nerfs du cœur qui battra plus
lentement, s
J'ai cité textuellement, messieurs, à part, le mot sulfate de quinine,
que j'ai remplacé par celui d'arsenic, ce qui ne ebange rien au rai-
sonnement, puisque l'auteur n'exige qu'une seule condition pour le
ralentissement du pouls : c'est la diminution préalable de l'excita-
bilité. Eh bien ! ce raisonnement a été fait par un savant, dont mon
habile contradicteur ne contestera assurément ni la compétence ni
l'autorité. Il a été fait par M. Sée lui-même, qui probablement ne
s'en souvient plus (1).
Vous le voyez, messieurs, si M. Sée a des raisons de penser que
l'arsenic ne doit pas ralentir le cœur, nous en avons de meilleures
pour admettre qu'il le ralentit. C'est à l'observation de prononcer.
Mais l'observation est difficile; il est plus commode de faire une
supposition.
Je résume cette longue discussion dans les propositions sui-
vantes :
A part son action irritante et escharotique-sphacéliantey l'arsenic
so comporte comme s'il diminuait la combustion respiratoire ou ce
que j'appelle Yhématocausie, et conséquemment le mouvement de
dénutrition.
Plusieurs expériences proprement dites, effectuées sur l'homme
et les animaux, s'accordent sur ce point avec l'observation clinique.
Elles démontrent une diminution de l'acide carbonique exhalé par
les poumons et de l'urée sécrétée par les reins; le mécanisme par
lequel se produit ce ralentissement des oxydations et de la désassi-
milation est encore mal connu.
On peut invoquer avec quelque vraisemblance une action directe
sur le sang et une action sur le système nerveux après intussus-
ception du métalloïde agissant par une action de présence ou pre-
nant la place d'une proportion correspondante de phosphore; mais
rien n'autorise à préciser davantage et à soutenir que l'arsenic force
l'oxygène à se maintenir plus intimement et plus longtemps com-
biné avec la substance des globules sanguins.
(I) Voyez Lolliot, thèse, p. 133.
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LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 4U
L'arsenic est donc un abincitant, un contre-stimulant, un anti-
pyrétique, mais non pas un tonique. Il s'oppose à la dépense, mais
il n'apporte pas de force. C'est un antidéperditeur, mais non pas un
dynamophore.
En empêchant les organismes de se brûler activement, il permet
la reconstitution et l'cmmagasinement de la graisse, d'où l'air de
fraîcheur et de santé, l'embonpoint de ceux, hommes ou bètes, qui
en font un usage modéré.
Les symptômes de l'arsenicisme rappellent, par certains côtés, le
syndrome de la migraine, et spécialement la facilité de respiration
qui caractérise les accès de cette maladie.
Tout porte à admettre que l'action sédative de l'arsenic se fait
sentir en même temps sur le centre circulatoire. Un certain nom-
bre d'observations en font foi. Néanmoins, des faits précis, complétés
par les moyens d'investigation modernes, et particulièrement par
les recherches sphygmographiques, sont nécessaires à la démon-
stration rigoureuse de ce point important.
L'accroissement momentané de l'appétit, sous l'influence des
préparations arsenicales, est probablement dû à l'excitation directe
de la muqueuse digestive et à la diminution du mouvement fébrile
qui entretenait l'inappétence.
L'ensemble des faits thérapeutiques confirme ces vues physio-
logiques et s'explique en partie par elles ; mais beaucoup de points
restent encore obscurs et réclament des recherches ultérieures,
nombreuses et suivies.
Il est impossible d'établir aujourd'hui une théorie de l'action
physiologique de l'arsenic répondant à toutes les exigences des faits
connus, et les faits eux-mêmes n'ont pas toujours été observés avec
assez de rigueur pour fournir des bases certaines à l'édification
d'une doctrine scientifique.
Dans ce discours, M. Gabier établit contre M, Sée :
1° que les explications données par les physiologistes
sont contradictoires et changeantes ; 2° qu'en diminuant
la combustion respiratoire l'arsenic retarde la dénutri-
tion et permet à l'organisme l'emmagasinement de la
graisse ; 3° enfin dans l'ordre pathologique et l'ordre
physiologique il conclut des faits cliniques que l'arsenic
412 ACADÉMIE DE MEDECINE.
est un antipyrétique, un calmant du cœur, un contro-
stimulant.
M. Sée a immédiatement répliqué.
D'abord, sans vouloir discuter la priorité des idées qu'il a émisses
sur l'action physiologique et thérapeutique des médicaments, M. Sée
fait remarquer à M. Gubler qu'en 18G6, à l'époque où ils étaient
tous les deux compétiteurs pour la chaire de thérapeutique, il fit,
dans un opuscule d'une vingtaine de pages, l'exposé complet de sa
manière de voir sur l'action de tous les médicaments, et en parti-
culier de l'arsenic. A cette époque, M. Gubler n'avait encore rien
publié de sérieux sur la thérapeutique expérimentale, pas même ses
Commentaires sur le Codex, parus seulement en 1867. Les recherches
de M. Sée n'ont donc rien de commun avec les idées développées
par M. Gubler dans ce dernier ouvrage.
Relativement à l'influence de l'arsenic sur le sang, M. Sée n'a
pas prétendu assimiler l'action de l'arsenic à celle de l'oxyde de
carbone; il a voulu seulement faire une comparaison et dire que,
sous l'influence de l'arsenic, l'hémoglobine fixe l'oxygène aussi inti-
mement qu'elle s'incorpore l'oxyde de carbone pour former avec
lui une combinaison stable, ainsi que l'a démontré M. Cl. Bernard.
Cette action de l'arsenic sur le sang n'est pas une hypothèse; elle
est démontrée par les expériences qui prouvent que l'arsenic pré-
serve les globules de la destruction en diminuant la combustion
organique, diminution indiquée par la moindre proportion d'urée
et d'acide carbonique éliminés de l'organisme. La diminution de la
quantité d'acide carbonique contenu dans le sang à un moment
donné et l'excès relatif d'oxygène expliquent pourquoi le sang,, dans
ce cas, reste rutilant.
L'arsenic a donc la propriété d'enrayer la destruction des glo-
bules. Mais il n'en est pas ainsi lorsqu'on force la dose de l'arsenic
ou que l'on prolonge trop la durée de la médication. Quand on
arrive à Yarsenicisme, les résultats sont tout à fait opposés aux pré-
cédents; dans ce cas, la destruction des globules est accélérée; on
en voit diminuer le nombre, de même que l'on voit apparaître alors
des phénomènes de paralysie, au heu de l'accroissement de la force
d'innervation musculaire que nous avions noté auparavant. Il im-
porte de ne pas confondre des résultats opposés qui dépendent de
conditions entièrement différentes de l'expérimentation.
M. Sée explique comment il a été amené à modifier des opinions
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LA CLINIQUE ET LA PHYâlULOOIK EXPERIMENTALE. 413
qu'il avait émises dès l'année I86i (1). Il n'avait pas encore fait
les recherches expérimentales qui lui ont démontré l'erreur dans
laquelle était tombé Sabelin ; Voit n'avait pas encore indiqué la pré-
caution qu'il y avait à prendre, pour éviter l'erreur, d'établir au
préalable le bilan des recettes et des dépenses des sujets mis en
expérience. Grâce à cette précaution indispensable, l'analyse chi-
mique a pu établir avec une entière certitude le fait important,
non-seulement de la diminution absolue de l'urée, mais encore de
l'acide carbonique, sous l'influence de l'arsenic. On en a conclu
logiquement que cette substance met obstacle à la destruction de la
molécule organique.
La diminution de la température générale, causée par l'emploi
de l'arsenic, est la conséquence forcée de la diminution de la désas-
similation, c'est-à-dire des combustions organiques.
On a discute la question de savoir si l'arsenic est un excitant ou
un hyposthénisant, et Ton a invoqué les faits d'observation clinique
contre les faits d'expérimentation. En vérité, quand on voit des cli-
niciens de la valeur de Trousseau et de Graves conclure à l'action
excitante de l'arsenic d'après l'augmentation de la coloration de la
peau du visage, tandis que le thermomètre placé sous l'aisselle ou
introduit dans le rectum montre une diminution de la température
normale, on se demande si les prétentions de la clinique à l'infail-
libilité sont bien fondées, et si, dans l'espèce, l'analyse chimique
n'est pas plus dans le vrai en expliquant le fait de la diminution de
la température animale par la diminution des combustions orga-
niques.
En ce qui concerne l'influence de l'arsenic sur la respiration,
M. Séc n'a pas dit que cette influence se traduit par une diminution
dans le nombre des respirations, mais bien par une diminution du
besoin de respirer. Chaque fois que l'on constate une diminution de
la proportion d'acide carbonique contenue dans le sang, ou un excès
relatif d'oxygène, on observe parallèlement une diminution du
besoin de respirer. La vigueur respiratoire des individus qui pren-
nent de l'arsenic peut aussi s'expliquer par l'énergie que l'arsenic
communique aux muscles respiratoires comme aux autres muscles
de l'économie.
On peut dire, en effet, mais seulement d'une manière hypothé-
tique, que les circulations locales dans les muscles se trouvent
(1) Article Asthme du Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques»
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1 1 1
ACADEMIE DE MEDECINE.
augmentées par l'influence de l'arsenic, sans produire toutefois
l'augmentation des produits de combustion dont l'accumulation dé-
termine la sensation de fatigue musculaire. L'activité imprimée a la
circulation musculaire enlève au fur et à mesure* les produits
d'oxydation, surtout l'acide lactique, d'où il résulte une aptitude
plus grande à l'action musculaire.
M. Sée n'a pas dit que l'animation de la face, chez les individus
soumis à la médication arsenicale, dépendait de la paralysie des
vaisseaux. La dilatation des vaisseaux peut, au contraire, ainsi que
l'ont démontré MM. Legros et Onimus, et M. Meuriot, coexister
avec des contractions véritablement actives.
L'action du cœur reste en dehors de l'influence exercée par l'ar-
senic sur les circulations locales. Les observations cliniques qui
constatent le ralentissement de la circulation cardiaque chez les
individus soumis à la médication arsenicale sont loin d'être pro-
bantes, de l'aveu de M. Gublcr lui-même, et l'on ne comprend pas
que, si ce ralentissement existait, il n'eût pas été mis déjà tout à fait
en lumière par les observateurs en si grand nombre qui se soût
occupés de la question.
Au point de vue physiologique et thérapeutique, rien n'est moins
démontré que ce prétendu ralentissement des mouvements du cœur;
mais il résulte des expériences entreprises par M. Sée sur l'homme
et les animaux que l'arsenic diminue l'impulsion cardiaque et la ten-
sion artérielle mesurées avec le manomètre. Or, la fièvre n'est pas
seulement indiquée par l'augmentation des battements du cœur ou
du pouls, mais encore par la diminution de la tension artérielle.
L'arsenic serait donc un singulier fébrifuge. — Son action princi-
pale, c'est l'arrêt temporaire des combustions organiques. C'est de
cette façon que ce médicament entraine avec lui la diminution de la
calorification, et par conséquent de la fièvre. A cet égard, l'action
de l'arsenic n'est nullement comparable à celle du sulfate de qui-
nine, de la vératiine ou de la digitale. C'est en mettant obstacle à
l'activité des combustions organiques que l'arsenic diminue et éteint
la fièvre*
Si c'est là une hypothèse (et tout médecin qui prescrit un médi*
cament fait une hypothèse plus ou moins préconçue sur l'action de
ce médicament), M. Sée pense que cette hypothèse, induite de»
faits de physiologie expérimentale, a contribué à répandre la lumière
sur des faits que l'observation cliuique réduite à elle-même avait été
jusqu'à ce jour incapable d'expliquer
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LA CLINIQUE ET LA PHYSIOLOGIE EXPÉRIMENTALE. 415
Si un ostracisme aussi injuste que stupide ne fermait
pas les portes de l'Académie à tous les disciples de Hah-
nemann, voici ce que nous aurions répondu à nos deux
anciens collègues sur cette question de l'arsenic :
La première condition pour connaître expérimentale-
ment l'action d'un médicament, c'est de séparer sévè-
rement les actions physiologiques des actions thérapeu-
tiques. En effet, l'expérience démontre que les deux
actions sont habituellement opposées ou au moins diffé-
rentes. Le fer n'agit pas sur l'homme en parfaite santé
comme chez la femme chlorotique. Les phénomènes
physiologiques produits par le quinquina chez l'homme
sain ne se manifestent point ou se comportent différem-
ment chez un homme atteint de la fièvre intermittente.
Enfin de véritables symptômes d'asystolie sont produits
chez l'homme en santé par des doses toxiques de digitale,
tandis que les mêmes symptômes disparaissent souvent
sous l'influence de ladigitale chez lesmaladesatteints d'af-
fection de la valvule mitrale. Secondement, le médecin
doitdistingueravecsoin dans l'expérimentation physiolo-
gique d'un médicament les symptômes produits par les
doses petites, par les doses fortes et par les doses toni-
ques. Il doit étudier encore avec grand soin et distin-
guer les actions aiguës rapides produites par un petit
nombre de doses et les actions chroniques déterminées
par un long usage du médicament.
C'est surtout en étudiant cette dernière catégorie
d'action que le thérapeutiste observera un phénomène
fort curieux et qui donne l'explication des contradiction»
apparentes fournies par l'expérimentation des médica^
ments sur l'homme sain ; je veux parler des effets alter-
nants et habituellement opposés d'une môme substance.
Ces phénomènes sont pour ainsi dire vulgaires pour le
plus obscur des élèves de Hdhncnlann, et par contre
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416 ACADÉMIE DE MEDECINE.
sont presque complètement ignorés des académiciens.
Je vais citer quelques-uns de ces effets, pour faire com-
prendre toute l'importance de leur étude.
L'opium administré en une fois, à dose moyenne, pro-
duit le sommeil suivi d'une insomnie rebelle. Le sulfate
de magnésie administré à dose suffisante, donne lieu à
des selles nombreuses suivies d'une constipation opi-
niâtre. L'iodurc de potassium donne naissance à un flux
abondant de mucosités par la membrane de Schneider,
suivi ensuite d une sécheresse considérable. La fréquence
et le ralentissement du pouls sont des effets alternants
de la digitale; l'insomnie et le sommeil, des effets alter-
nants du café, l'augmentation ou la diminution de
l'acide urique dans les urines, des effets alternants du
colchique, etc., etc.
Le lecteur a déjà saisi toute l'importance de ces
efïets alternants et comment il explique les contradic-
tions des expérimentateurs qui ont soutenu les opi-
nions les plus opposées sur l'action du même médicament
suivant qu'ils ont observé l'effet primitif ou l'effet se-
condaire de ce médicament. Enfin j'ajouterai que le
pire obstacle aux progrès de la thérapeutique expéri-
mentale, c'est la conservation d'hypothèses antiques el
solennelles sur l'action des médicaments. Qu'est-ce qu'un
médicament tonique, excitant, contre-stimulant pour un
thérapeutiste moderne? Est ce que la connaissance des
efïets alternants des médicaments ne montre pas que la
même substance peut être à la fois stimulante et conlro-
stimulante? Et que deviennent ces expressions, si vous
considérez le même médicament chez l'homme sain et
chez l'homme malade? Le fer, ce type des toniques d'une
thérapeutique qui ne devrait plus être que de l'histoire,
est-il un tonique pour l'homme en santé, auquel il oie
l'appétit, donne de la somnolence et des congestions?
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LA CLINIQUE ET FA PHYSIOLOGIE EXPERIMENTALE. 417
l'est-il pour le phthisique, dont il accroît la fièvre et au-
quel il donne la diarrhée? Il l'est, dites-vous pour la
chlorotique. Oui; mais c'est parce qu'il la guérit. Ce qui
guérit est le véritable tonique, et une saignée bien
placée a plus d une fois relevé les forces d'un malade.
Au point de vue de l'action physiologique, certains
médicaments pourraient être divisés en deux classes,
ceux qui excitent la vitalité générale ou partielle et
ceux qui la dépriment. Mais vouloir appliquer ces no-
tions peu sévères du reste, à l'action thérapeutique,
c'est vouloir plonger à plaisir la science dans la confu-
sion et la (aire repasser sans cesse à travers les théories
anciennes et nouvelles d une physiologie fantaisiste. Ce
qui est nécessaire, ce qui prime de beaucoup ces dis-
tinctions de substances excitant ou déprimant la vita-
lité, c'est la connaissance exacte et positive de l'action
des médicaments, non sur les animaux, mais sur
l'homme, avec la distinction bien faite des symptômes
primitifs et de ceux qui ne sont que l'effet de la réaction
de l'organisme, des symptômes secondaires. Quand un
médicament a été étudié de cette manière, on peut le
placer dans la matière médicale expérimentale, sans
craindre de voir des théories nouvelles en physiologie
venir remettre en question l'histoire de ce médicament.
Kt si l'on demande une classification des médicaments,
nous répondrons qu'une classification reposant sur leur
action physiologique sera probablement toujours en-
tachée d'hypothèse, qu'aujourd'hui elle est certaine-
ment impossible; c'est pourquoi nous préférons les
classer en trois ordres: médicaments de l'ordre animal,
végétal et minéral, plaeant ensuite chaque espèce par
ordre alphabétique.
Nous ajouterons enfin, pour ce qui concerne l'arsenic,
que les travaux des médecins homœopathes ont poussé
tomk yxxii. — NovKSinnF. 1870. 27
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418 A NOS LKCTEURS.
très-loin l'histoire physiologique et pathologique de ce
médicament, et qu'il y a plus de cinquante ans qu'ils
la préconisent avec succès contre certaines affections
organiques du cœur, quoiqu'ils reconnaissent qu'il est
beaucoup plus efficace, ce qui n'étonnera personne,
dans l'asthme et dans la chlorose. D'où il semble claire-
ment résulter que si au lieu de proscrire bêtement des
médecins dont la science et l'honorabilité sont à leur ni-
veau nos académiciens daignaient s'associer à leurs tra-
vaux, ils liraient aujourd'hui couramment des pages
de matière médicale qu'ils peuvent à peine épeler.
P. Jousset.
A NOS LKCTEURS.
De lamentables événements ont suspendu la publi-
cation de ce journal. Nous avons à cœur de reprendre le
plus tôt possible, avec nos fidèles et bienveillants abon-
nés, des rapports qui datent de seize années consécu-
tives. Deux questions étaient à résoudre : 1° la dette
contractée avec eux pour l'année 1870, dunl les numéros
de novembre et décembre n'avaient pas paru; 2" la
reprise de notre publication.
Le comité de rédaction a décidé la première question
en reconnaissant la nécessité de compléter le 32e volume
parla mise au jour de deux numéros, celui de novembre
que nous envoyons en ce moment, et celui de décembre
1870 que nous ferons paraître à la fin de septembre.
Il ne faut pas se dissimuler que l'attention générale
est bien distraite des choses de science par les événe-
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A NOS LECTEURS. 41 f
ments politiques. Plusieurs de nos amis, très-désireux de
voir reparaître Y Art médical, nous ont cependant donné
toute latitude eu égard aux circonstances. Nous avons à
cœur de composer le journal surtout d'articles originaux
et mûrement travaillés. Qui n'a besoin aujourd'hui de
se recueillir avant de se remettre au travail ? La rédac-
tion a donc pensé que dans l'impossibilité d'obtenir
rapidement des travaux sérieux et en nombre suffisant,
il lui fallait un certain temps; qu'enfin, puisqu'une
lacune était inévitable, il valait mieux reprendre notre
publication à son point de départ ordinaire, c'est-à-dire
au mois de janvier. A cette époque, l'hôpital Saint-Jac-
ques, qui va s'ouvrir à la fin de septembre et qui aura
déjà fonctionné depuis trois mois, nous fournira des
matériaux intéressants pour la ciinique; et d'ici là notre
prochain numéro , qui arrivera à nos lecteurs le
1er octobre, abrégera ce temps de silence forcé que nous
avons subi, que nous subirons encore un peu, mais
dont nous pouvons au moins fixer le terme.
Que nos lecteurs veuillent donc aussi se rappeler
que l'œuvre de l'hôpital, interrompue forcément par
le siège et par la Commune, est reprise avec ardeur.
Les réfugiés qui ont occupé les bâtiments de la rue
Saint-Jacques sont retournés chez eux, les dégâts cau-
sés par les obus sont réparés, la Commission executive
s'occupe activement de compléter notre matériel, et
nous pensons pouvoir prochainement ouvrir cette école
d'enseignement et de propagande homœopalhique.
Nous invitons donc les personnes qui ont bien voulu
s'associer à notre œuvre à nous faire passer, aussitôt
que possible, le montant de leur souscription.
Grâce au généreux concours de ceux qui nous vien-
nent en aide et qui nons conservent toujours leur effi-
cace assistance, lecteurs, collaborateurs, souscripteurs,
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420 NÉCROLOGIE.
nos deux œuvres, l'hôpital et le journal pourront mar-
cher de pair et rendre le plus de services possible dans
un avenir assuré (i).
A. M.
«juillet! 871.
Nécrologie. Depuis plusieurs moi?, le corps médical a fait de
nouvelles pertes.
Le Dr Falret, aliéniste distingué, continuateur à. la Salpètrière
de l'enseignement libre de Pinel et d'Esquirol, représentait ce qu'on
appelle aujourd'hui avec dédain la médecine « mentale et psychologi-
que » en l'opposant avec orgueil à ce qu'on nomme la médecine
« somaligue », comme s'il y avait deux portions dans l'homme, des
maladies de l'àme et des maladies du corps. Son enseignement et
ses ouvrages, où l'on trouve des idées justes et une connaissance
pratique des troubles intellectuels, manquait d'une hase solide et
vraiment médicale.
Le professeur Longet, de la Faculté de Paris et de l'Académie
des sciences, laisse des travaux, que tout le monde connaît, de phy-
siologie descriptive et même expérimentale. Malgré toute l'estime
et tout le respect que nous ont toujours inspirés les sentiments, le
caractère, la science du professeur Longet, disons cependant que,
faute, d'une doctrine physiologique sûre et élevée, il n'a pu retarder
l'abaissement progressif de la physiologie, son morcellement en
connaissance de détails, et l'ignorance volontaire où elle se com-
plaît des plus belles facultés de l'homme.
M. Liégeois, chirurgien des hôpitaux et physiologiste également,
a été surpris par la mort au moment où il commençait la publication
d'un grand ouvrage de physiologie. A. M.
{{) 11 va sons dire que si la possibilité de reparaître convenablement
avant le terme indique plus haut ntus était donnée, nous en prévien-
drions nos lecteurs dans le numéro de décembre qui leur est encore du
et qui ne tardera pas longtemps à paraître. «
le rédacteur en chef : Jules Davasse.
far» - Imprirmie k. I 'amnt, nu Monsieur- le- 1 noce, 31.
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L'ART MÉDICAL
DÉCEMBRE 1870
HISTOIRE DE LA MÉDECINE
fcTUDE SUR NOS TRADITIONS.
— SUITE —
LA MÉDECINE AU XVIIIe SlÈCLB.
Il est difficile de donner du xvme siècle une idée gé-
nérale bien nette, parce que les mouvements les plus
contradictoires s'y produisent. Comme pour la philoso-
phie, on voit en médecine l'idéalisme et le sensualisme,
le spiritualisme et le matérialisme, le mépris de l'auto-
rité et en même temps un retour vers les anciens ; et
tout cela se choque, se môle , tentant de faire autant
d'écoles, mais plus encore représenté par des indivi-
dualités brillantes que par des groupes puissants.
Ainsi, le mécanicisme introduit dans la science par Des-
cartes, va donner l'organicisrae, doctrine dans laquelle,
dédaignant toute autre recherche des causes, on ne veut
s'occuper que de l'explication mécanique des phéno-
mènes; et dès le début du siècle, cette voie est suivie
par Baglivi, Lancisi, auxquels succéderont bientôt Mor-
gagni, Senac, Bordeu. Mais en même temps paraît
Boerhaave qui tente d'unir le mécanicisme à la chémiutric
et auquel succédera bientôt l'école humorale de de Hacn,
Caubius, Stoll et d autres. En même temps aussi, Fred.
Iloiïmann prépare la doctrine de l'irritabilité et du
spasme , à laquelle pourront être rattachés bientôt
Haller, Cullen, Brown, Bichat, doctrine qui représen-
TOMI XXXII. •* DÉCXMBRS 4870. 28
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422 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
terait une sorte de vitalisme sensualiste, et pourrait
être considérée comme allant de pair avec ce qu'est le
sensualisme en philosophie. En môme temps aussi pa-
raît Stahl qui, successeur de ce qu'ont fait dans le siècle
précédent Glisson et Cl. Perrault, porte le vitalisme jus-
qu'à l'animisme, mais en préparant le duodynamisme
dont Barthez s'emparera quelques années plus tard ,
croyant représenter le pur vitalisme. En même temps
encore paraissent les historiens qui remuent les vieux
livres, rappellent aux grandes études de l'antiquité, et
réagu^sent contre le courant qui avait frappé de mépris
les anciens. Et tout cela paraît dès le début du siècle,
pour se continuer avec des fortunes diverses, avec des
interprétations multiples, selon les hommes jusqu au
cataclysme qui va terminer le siècle ; et tout cela marche
se mêlant ou se heurtant avee des matérialistes comme
La Mettrie, avec des naturalistes, des philosophes, des
observateurs, avec des expérimentateurs comme Haller
ou Spallanzani. En un mot, il y a pour ainsi dire de
tout dans ce siècle singulier, el quand on veut se le re-
présenter dans son ensemble, il fait plutôt l'effet d'une
mêlée que d'un mouvement plus ou moins bien coor-
donné.
Cependant, dans ces débats qui se succèdent si ra-
pides, dans cette étrange mêlée,, on sent le détraque-
ment général auquel tous répondent, et on perçoit
comme un souffle d orage qui excite ses convulsions.
C'est incontestablement une période extrême de tran-
sition. Mais à côté des écroulements qui se préparent
apparaissent des lignes nouvelles, ou tout au moins on
voit que dans le désastre qui s'apprête tout ne sera pas
perdu; et si le matérialisme s'accentue plus violemment
qu'il ne l'avait encore fait, d'un autre côté le spiritua-
lisme sous forme de vitalisme suit le mouvement qu'il
avait préparé dans le xvir* siècle; de môme silaphi-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 423
losophic cinporlc les esprits dans tous ses égarements,
on voit poindre à eôté d'elle le retour de l'autorité et de
l'expérience pour en limiter les écarts.
Nous examinerons plus attentivement et plus lon-
guement encore que nous l'avons fait pour les siècles
précédents la question des doctrines; et aussi, comme
dans les chapitres précédents, nous analyserons ce qui
se rapporte à la physiologie, à la pathologie, à la théra-
peutique, aux institutions et facultés.
Pour prendre une première idée de ce siècle, il est
peut être intéressant de se représenter dans un l ibleau
l'ensemble des principaux noms que nous aurons à rap-
peler. Au commencement apparaissent des hommes
qui se sont montrés dans le siècle précédent, achèvent
leur carrière dès les débuts de celui-ci, et sont comme
les transmetteurs à l'âge nouveau du flambeau allumé
par les devanciers. Dans le milieu se voient ceux qui
sont nés, ont vécu et sont morts dans ce siècle; ils lui
appartiennent tout entiers; à la On se montrent ceux
qui doivent inaugurer notre xixc siècle, et dont lïvîat
apparaissait déjà à la lin du xvni". Les temps s'en-
chaînent de telle sorte qu'il y a presque loujoui s un
chaînon à moitié dans un âge, à moitié dans i',a:!: e. cl
ce sont quelquefois les plus brillants et les plus utiles.
B<-lltni
. . . . 17.1*
Laucisri
. . . . 17 10
Aiidry
. . . ■k;:;s-17-;-2
. . . . 1713
1 Or, s- 1736
, . 1715
. . . . 1710
Rai} m p fer
. . . . 1716
lïrrqur't
. . . 1001-1737
. . . . 17-21
. . . . 17 ^22
. . . . 17-2*
Baglivi
. . . iooR-noo
Boerhnnve. . . .
. . . 1608-1728
•
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HISTOIRE DE LA MEDECINE.
424
J.-L. Petit 1674-1750
Gastaldy 1674-1747
LaPeyronic 1678-1747
Monro 1671-1767
Junckor 1 680-1 759
M Alberti 1682-1757
Morgagni 1682-1771
Astruc 1684-1767
Solano 1685-1738
Garengeot 1688-1759
De Gorter 1689-1 7i7
Huxham 1768
Senac 1690-1770
Morand 1697-1773
Verlhol' 1699-1767
Van Swieten 1700-1772
Sagar 1701-1783
Darwin 1701-1784
Levret 1703-177
Lieutaud 1704-1780
De Haên 1704-1776
Gaubius 1705-1780
Sauvages 1706-1767
Pringle 1707-1782
Linnô 1707-1778
Jîuffon 1707-1788
Hazon 1708-1779
Hallcr 1708-1777
Lamettrio 1709-1751
Fothergill 1712-1780
Cullen 1712-1790
Pott 1713-1788
EJoy 1714-1788
Daubenton 1716-1799
Ch. Bonnet 4720-1793
Avenbrugger 1722-1798
Bordeu 1722-1776
Meckel 1724-1774
Tenon 1724-1816
Caldani 1725-1813
Darcct 1725-1801
Pouteaa 17 '5-1775
Lorrv 1725-1778
Morand 1726-178'*
Hœdercr 1726-1763
Macbridc 1726-1778
Unzer 1727-1799
Bordenave 1728-1782
Black 1728-1799
Baume 1728-1804
J. Hunt. r 1728-1793
Zirnmermann 1 728-1 795
Tissot 1728-1771
Smellie 172 -1778
Spallanzani 1729-1799
Schrœde.r 1729-1773
Fontana 1730-1805
Bclloc 1730-1807
Darvin 1731-180:!
Janin 1731-1799
Sabalicr 1732-1811
Gaertner 1732-1791
Mesmer 1733-1814
Quartn 1733-1814
Barthez 1 734-1 806
Borsieri 1735-1785
Brown 1735-1788
Lobs te in 1736-1784
Lepecq de Ln Clôture . 1 736-1 W4
Fowler 1736-1801
Parmentier 1737-1813
Galvani 1737-1738
Plenck 1738-I8J7
Callisen 1740-1824
Murray 1740-1791
Lassus 1741-1807
Sauccrotte 1741-1X14
Stoll 1742-1788
Scheele 1742-1786
Lnvoisier 1743-1794
Chopart 17 43-1793
Gruner 1744-1815
Bosquillon 1744-1816
Desault 1744-1793
Cruishank 1745-1800
J.-P. Franck 1745-1821
Baudclocquc 1746-1810
Chaussicr 1744-1838
Scarpa 1747-1 Mi
Vicq d'Azvr 1748-1794
Lind 1748-1795
Tbouret 1748-1810
Swediaur 1748-1824
Selle 1748-1800
Gmelin 17J8-I804
Berthollet 1748-1822
Prochaska 1719-1820
Petit-lladel 1749-1815
Jenner 1749-1813
Grimaud 1750-1789
Blumenbach 17o2-f840
Hahnemann 1755-1843
Dumas 1765-1813
Bicbat 1778-1801
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS.
425
§ I. — Doctrines principales.
Nous avons dit qu'avec ce siècle, les doctrines s'étaient
singulièrement multipliées et divisées. De là, ajoute-
rons-nous, la difficulté de les bien coordonner, et une
tendance à la confusion contre laquelle l'historien ne
lutte pas toujours avec succès. S'il s'agissait d'un âge
très-ancien, cette difficulté diminuerait par la possibilité
de rapprocher les temps et de passer sous silence au
besoin les hommes secondaires; mais pour un siècle si
près de nous qu'il nous touche, on sent de la répugnance
à rapprocher trop près l'un de l'autre, dans des alinéas
qui se suivent, des hommes distants de près d'un siècle,
comme par exemple Lancisi et Bichat, quelque étroit
rapport qu'il y ait d'ailleurs entre leurs vues. Pour
parer à cette double nécessité, de bien marquer les
écoles, sans trop rapprocher les extrêmes d'un même
siècle, il est peut-être utile de s'inspirer tout à la fois
de ce double besoin, et de suivre un peu la marche des
années, quitte à paraître scinder les écoles dont nous
aurons d'ailleurs le soin de renouer les tronçons.
Ainsi, dès le début du siècle, nous apparaissent trois
hommes qui ont quelque analogie et peuvent former un
groupe distinct : Lancisi, Hecquet, Baglivi. Je les nom-
merais volontiers les précurseurs de l'organicisme.
Après eux, Stahl, Fr. Hoffmann et Boerhaave pa-
raissent ensemble sans unité doctrinale ; ils ont chacun
une formule distincte; mais ils marquent très-bien un
groupe historique.
Manget, Freind, Astruc, Hazon, forment aussi dès le
début du xviii* siècle, quoiqu'à quelques années d'in-
tervalle, un groupe d'historiens qui engendre l'école
historique d'où est née l'école de la tradition ; et quoique
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I
426 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
Bordeu et surtout Zimmermann soient bien plus jeunes,
on peut les leur rattacher sans trop forcer la marche
des temps.
L'école humorale paraît presque dès le début du
xvnr siècle et se prolonge jusque vers la fin. Cependant
son éclat ne vient qu'après Boerhaave, et vers le milieu
du siècle ; dès lors on peut lui rattacher, sans trop d'in-
convénient, des hommes qui se tiennent à vingt ou
Ironie ans de distance. Gaubius et Sloll, qui sont ses
deux principaux maîtres, et avec eux Pringle, ne sont
guère plus éloignés.
Huiler vient alors à son rang, dans le milieu du siècle,
et à propos de son irritabilité, le nervosisme de ses pré-
curseurs, la théorie du spasme de Cullen, l'incitabi-
iité de Brown, ses suivants, forment un groupe histo-
rique et doctrinal nettement défini et qui suit naturel-
lement, dans l'ordre des temps, les écoles précédentes.
Nous nous arrêtons alors à l'école naturaliste qui a
eu sans doute bien des devanciers, dans sa spécialité,
mais qui, avec Bu lion, Ch. Bonnet, Linné, Spallanzani,
avec ses travaux et ses discussions sur la génération,
attire après Hallcr l'attention des médecins.
L'organicisme nous était apparu dès le début du siècle
avec Lancisi. Depuis, nous aurions pu relever, en pas-
sant, Senne et Morgagni; mais nous nous sommes ré-
servé pour les rattacher à Bordeu, le grand maître qui
émerge après 1750.
Le matérialisme est un des mauvais côtés de notre
science, qui devait profiter de l'organicisme; ils'accentue
effectivement dans la seconde moitié du siècle, avec La
Met trie et Cabanis.
Alors apparaît le vitalisme avec ses modalités di-
verses sous Carthez, Darwin, J. Hunter, Bichat. Nous
touchons à la tin du siècle. Un peu plus et nous serions
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 427
dans le xixe siècle, nous pourrions voir l'alliance du vi-
talisme et de l'organieisme, essayée dans Bichat, prendra
son cours; puis le souffle traditionaliste rappeler aux
principes, et ses efforts momentanément arrêtés par
l'union du positivisme français au matérialisme alle-
mand ; mais ce serait sortir de notre chapitre que d'aller
si loin. Cette doctrine avait ses racines dans l'animisme
de Stahl, mais elle ne s'accentue que vers la fin du
siècle.
Cependant, nous avons omis de dire ce qu'était de-
venue la secte de la Kabbale, qui nous avait occupés
dans les siècles précédents; nous aurions pu en dire un
mot à propos du développement de la pathologie démo-
niaque vers le temps de Fréd. Hoffmann ; mais tout cela
vient si bien se transformer dans le Mesmérisme un peu
avant la grande Révolution française, que ce hors-
d'œuvre se place là tout naturellement.
Nous voilà donc à la fin du siècle : c'est le moment
de saluer les 'derniers institutaires dont nous n'avions
pas parlé depuis le siècle précédent, qui ont fait peu de
choses et peu de bruit dans ce xvmc, mais qui viennent
juste au moment où un nouvel âge va commencer,
rappeler les traditions classiques de nos pères. Petit-
fiadel, malgré son peu de renom, nous est une occasion
de rappeler les échos des anciens enseignements, et il
vient avec modestie, en 1801, montrer à la génération
qui va paraître, le faisceau de principes qui a fait la
gloire de tant et tant de nos grands maîtres, et qui doit
demeurer le fondement solide de notre savoir.
I. Lancisi, Hecquet et Baolivi. — Ces trois hommes
sont les trois initiateurs de l'organicisme aux débuts du
xvhi" siècle, sans bien se rendre compte d'ailleurs de la
voie dans laquelle ils entraient, car la doctrine n'était
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4£8 HISTOIRE DR LA MÉDECINS.
pas encore formulée. Ils passaient pour iatro-mécani-
ciens, avec un reste d'attache à l'hippocrato-galénisme.
Nous avons vu comment, dans le galénisme, on admet-
tait des maladies organiques, c'est-à-dire dépendant plus
particulièrement du jeu vicieux des organes ; et com-
ment aussi pour Galien la maladie était une lésion des
parties du corps vivant. Nous avons vu que cette idée,
remise à jour par Fernel, malgré son penchant pour la
scolastique, avait continué d'être caressée par beaucoup
de médecins, et combien elle était vivace dans Ettmuller
à la fin du xvn* siècle; les iatro-mécaniciens s'y ral-
liaient parce qu'elle autorisait leurs hypothèses. C'est là
le point de départ de ce qu'on nomme l'organicisme mo-
derne.
Lancisi (1654-1720) avait été chargé, par le pape
Clément XI, d'étudier avec soin les causes des morts
subites très-fréquentes à Rome à la fin de 1705 et au
commencement de 1706. Ce fut le point de départ de
son livre qui parut en février 1708. Ce n'est pas d'ail-
leurs un gros ouvrage, mais un petit in- 12, qu'on nom-
merait aujourd'hui un mémoire, contenant plusieurs
observations avec autopsies. La première partie surtout
doit nous intéresser ; c'est là que l'auteur qui voit sa
question plutôt du point de vue physiologique que du
point de vue pathologique, développe ses idées sur la
vie et la mort, idées que fiichat s'appropriera moins de
cent ans plus tard.
Dès le premier chapitre, il expose que la vie dépend
d'un mouvement des solides unis aux liquides, sous la
présidence de l'âme, et que ce mouvement est triple : le
sang mû par le cœur, l'air mû par le poumon, et le
fluide nerveux mû par le cerveau. Voici le texte : Quod
« sane, ut assequamur, memoria repetendum est, ex
« anatomicis et chymicis, vitam in perfectis animalibus
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 4t9
(ut consulto de illorum sensationibus taceamus) non
« uni duntaxat, sed complexui plurimorum principio-
a rum, ac duorum potissimum deberi, organicœ nimi-
« rum structurée sol id arum partium majoris usus, si-
« mulque congru® mixturae, fluiditati, ac moli partium
« liquidarum similis usus, quœ tum inlestino nixu tum
« etiam externa continentium pressione perenniter ea
« methodo agitantur in nobis, ut, anima prœside li-
« quidœ cum solidis mutuo sibi opitulentur, vicissim
« que manus prœbeant ad motum. Scilicet quemadmo-
« dum ars, naturae operum imitatrix, ut advertit Hip-
« pocrates, qui primus mechanicam in medicinam
« invexit, quemadmodum inquam ars hydraulicas me-
« chanicas compati navit, quas eadem aqua mota, dum
« relabitur, ad cerlum te m pu s movet, iterumque mo-
a vetur : ita multiplici, ac nunquam satis admirando
« divino artificio, idem sangiris, chylo renutritus, qui
« in jam natis ab alterno cordis, puimonum, ac tho-
• racis motu pellitur, et quaqua versum per arterias
c movetur, cum partim iinmutatus per venas, partim
a sub fluidi animali crasi per nervos recurrat, ac rela-
« batur in thoracem, pulmones et cor, hœc rursusvis-
« cera movet, a quibus fuerat dimotus, eritque in
• posterum per sing'ulas œlates movendus. Simiiiter
a cerebrum suis cum membranis, quod liquidum ani-
« maie, propriis e gland u lis secretum, pro sua parte ad-
« movendum cor, et thoracem per nervos undatim pel-
« lit, accepto vicissim a corde, ac thorace sanguine pro
j illius viribus movetur. Vita igitur perfectorura ani-
« malium nihil aliud esse videtur, quod continuus ,
• prœside ac movente anima, fluxus ac refluxus, plus,
« minusve sensibilis aeris, sanguinis et liquidi nervo-
« rum per organa, et ex organis majoris usus, satis
« probe constituas, et mutuo, atque alterne plus, mi-
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430 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
« nusve sensibiliter agitatis, et agitantibus, ad quo-
« rum deinde motuum conservationem mira profecto
a energia, miroque inter se ordine concurrunt innu-
a mera alia organa sub glandularum, tubulorum mus-
u culorumque specie, per viscera, artusque dispersa;
« scilicet ut fluida partim renoventur, partim defœcen-
tur, ac perficiantur. »
D'où l'auteur déduit, au chapitre troisième, que la
mort est le fait de la cessation du mouvement de l'air,
du sang* et du fluide nerveux dans et par les organes :
« Mors in hominibus, qui perfectorum animalium sunt
« omnium opinione perfectissimi, quacumque ex causa,
<( et quomodolibet continuât, est vera et omnimodo
« cessatio motus a?ris, sanguinis et fluidi nervorum in
« organis et per organa majoris usus, quce naturales
« suas motiones vere, ac omnino amiserunt. »
Et en résumé, comme l'auteur va le montrer au cha-
pitre cinquième, la vie et la mort dépendent du bon ou
du mauvais état des trois principaux organes : du cer-
veau, du cœur et du poumon : « Et quoniam tria sunt
a fluida, totidem que solida majoris usu, quae vita me-
« chanicam potissimum librant, scilicet ex parte soli-
« dorum, primo aer, secundo sanguis, tertio fluidum
« nervorum; ex parte solidorum, primo aspera arteria
« cum pulmonibus, cœterisque partibus respirations
« inservientibus ; secundo cor cum appensis sanguiferis
a vasis; tertio cerebrum cum nervis, praeserlim sphlan-
« chnicis : ea propter ab horum altero , pluribus, aut
« omnibus, seorsim aut simul, modo maxime, et con-
o stantissime lœsis, improvisa mors impendere potest :
« ut enîm singula hœo, intégra cum sunt, in vitœ be-
« neficimus, ita si vitientur, in malefîcium, vicissim
« conspirant, vivesque consociant. »
L'importanco de ce travail, petit par son volume,
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 431
*
était considérable. L'auteur faisait table rase de la chi-
mie en réalité, et il rappelait qu'un point capital en
physiologie et en médecine, était de bien étudier le mé-
canisme des phénomènes ; c'était la plus belle applica-
tion que le cartésianisme eût encore inspiré, et il était
un appoint considérable au mouvement que faisait déjà
l'analomie pathologique, laquelle allait avoir bientôt
Senac et Morgagni. Cependant, on ne peut se dissimuler
que là se dévoilaient, pour qui les voulait voir, tous les
vices qui devaient si sérieusement entacher la doctrine.
De ce qu'un organe accomplit un acte, de ce qu'un in-
strument opère, est-ce à dire que toute l'action soit ex-
pliquée par l'organe ou l'instrument? Non certes; car
l'action particulière dépend d'un ensemble qui la gou-
verne ; et pénétrer le jeu d'un rouage n'est pas com-
prendre l'action de toute la machine. Aussi voyez l'er-
reur où tombe immédiatement ce grand esprit : de ce
que le cerveau, le poumon et le cœur ne peuvent s'ar-
rêter, sans que la vie s'éteigne, il en déduit que la vie
dépend de leurs fonctions! Un pivot casse dans une ma-
chine, et tout s'arrête : voyez, nous dira-t-on, c'était là
ce qui faisait marcher le monstre ! Nous verrons plus
loin comment Bordeu a conduit l'organicisme dans une
voie plus juste, sans cependant atteindre la vérité, et
nous pourrons voir plus tard comment au xix° siècle,
sous l'influence de Bichat et de Laénnec, l'organicisme
est décidément tombé dans ces erreurs premières et
fatales.
Lancisi, qui était né à Rome en 1654, y demeura con-
stamment, fut premier médecin et camérier secret du
pape Innocent XI, de Clément XI et d'Innocent XII. II
acquit une réputation considérable par sa science, son
intelligence et son art. Malgré une pratique extrêmement
étendue, il ne cessait de travailler, de lire et d'écrire,
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432 HISTOIRE DE LA MÉDECINE.
comme ont fait d'ailleurs tous les hommes qui se sont
illustrés dans la médecine; car parmi nous, on périclite
dès qu'on ne travaille plus, et il est de précepte que le
vrai médecin n'en sait jamais assez. Sans doute une
grande réputation peut être acquise à un homme d'es-
prit peu pourvu de science ; mais entre confrères, cela
se démêle bien vite , et nous ne considérons comme
valeur vraie que celle qui se soutient par l'instruction
et qui ne cesse de croître en s'instruisant.
Il a publié un grand nombre d'ouvrages jusqu'à sa
mort, en 1720, à l'âge de 65 ans, entre autres une
Anatnmie, une Physiognomie, les Tables dEustachi, un
livre sur les Effluves de* marais, et beaucoup de disser-
tations ou de lettres. Son œuvre véritable est le livre
que nous avons cité [De subitnneis mortibus), plusieurs fois
réimprimé. Parti des idées chémiatres, il arrivait au
solidisme, comme nous venons de le voir : c'était l'idée
qui s était produite du temps $ Ettmidler et qui allait
faire son chemin.
Philippe Hecquet (1G6 1-1737) fut l'un des premiers
à bien voir la réaction contre la chémiatrie et h s y en-
gager franchement. Il était d'Abbeville, en Picardie, où
il reçut, au sein de sa famille excellente, une éducation
chrétienne à laquelle il resta constamment fidèle. Il alla
faire ses études médicales et prendre ses grades à Reims
et s'établit àAbbeville, d'où il vint bientôt à Paris pour
accroître son instruction. Il se soumit aux exigences de la
Faculté en en suivant les leçons et en y prenant de nou-
veau ses grades, lui qui était déjà maître. En 1710, il
fut nommé médecin de la Charité, et en 1712, la Fa-
culté l'élut pour son doyen. Il passa les dix dernières
années de sa vie, à demi paralysé, chez les Carmélites
du faubourg Saint-Jacques, dont il était le médecin, et
chez lesquelles il mourut et fut enterré. C'est certaine-
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ÉTUDE SUR N*0S TRADITIONS. 433
ment un des hommes qui ont le plus honoré l'ancienne
Faculté par son grand caractère, l'élévation de ses* sen-
timents tout chrétiens, et la vigueur de son intelligence.
11 était fort strict sur le régime et en donnait lui-même
l'exemple, car il vécut ses trente dernières années sans
manger de viande, et presque autant sans boire de vin.
Du reste il fut très-dévoué aux malades, mourut pauvre
après avoir donné tout ce qu'il avait avant d'entrer
chez les Carmélites, et demeura fort estimé et regretté
de ses confrères.
Ses livres, aujourd'hui oubliés, et qui n'obtinrent ja-
mais une excessive vogue populaire, n'eurent pas moins
une grande influence, comme cela se voit d'habitude
pour les hommes vraiment solides. Il soutint que la di-
gestion se fait par la trituration ; il attaqua vigoureuse-
ment l'abus des purgations pour corriger ou évacuer
de prétendus vices des humeurs, et s'éleva avec une
extrême vivacité contre ce qu'il nomme les briyandages
de la médecine et de la chirurgie. Il vantait beaucoup l'usage
de l'opium, des calmants et des narcotiques, et plus
particulièrement l'usage de la saignée et de l'eau; de
sorte qu'il prêta par là à la critique mordante du ro-
mancier Lesage qui le tourna en ridicule dans Git-Blas,
sous le nom du Dr Sangrado. Son système médical est
plus particulièrement exposé dans son livre intitulé : / a
Médecine théologique ou la médecine créée telle qu'elle se fait
voir ici sortie des mains de la nature , 2 vol. , 1731 , ouvrage
qui reparut en 1738 sous cet autre titre : la Médecine
naturelle vue dans la pathologie vivante. Sous une forme
très-vive et où le raisonnement n'est pas toujours
exempt d'exagération, il fait du sang et des mouve-
ments des solides la cause mécanique des maladies, les
rattachant toutes à trop ou trop peu de tension des or-
ganes solides. Il s'est ainsi rapproché de l'ancienne doc-
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434 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
ti'iue de Thémison et a préparé la voie dans le même
temps que Fr. Hoffmann, à Cullen, à Brown et leur
suite. Ph. Hecquet s'est beaucoup nui à lui-même et à
ses idées par son exaspération, et on le peut dire, ses
violences de parole; il ne s'est pas garé du côté faible
où tombent tous les caractères entiers qui, crainte de
faiblesse, manquent de souplesse. Il ne suffît pas d'être
fort, il faut savoir être doux ; et à côté des principes
auxquels on doit tenir, la raideur pousse au sophisme
si on n'est point accessible aux corrections.
Hecquet eut aussi le malheur de ne pas comprendre
Y inoculation et de lui être hostile.
Georges Bagiici (1008-1708) eut à peine le temps de
paraître, car il mourut à 38 ans, et à cet âge un médecin
n'est encore qu'un jeune homme. Ayant étudié la mé-
decine à iNaples et à Padoue, il vint de bonne heure à
home où il suivit Malpighi, fut rapidement nommé pro-
fesseur à la Sapienee, et y mourut de trop de travail. Il
a laissé deux livres qui ont eu un immense retentisse-
ment et qui ont beaucoup avancé le solidisme, bien que
l'auteur s'y déclare en plusieurs endroits partisan de
la chémiatrie. Le premier en date est le De Praxi medicx,
libri quatuor; Rome, 1096. Le second est le Tractants de
fibra motrice et morbosa ; Perusia, 1700. Tous deux ont
été bien des fois réimprimés, et M. le Dr J. Boucher a
donné du premier une traduction française, en 1851.
L'auteur avait 28 ans quand il donna cette médecine
pratique, et 32 ans quand il publia le Traité sur la fibre
motrice. Ce sont des œuvres de jeunesse ; leur impor-
tance exige cependant que nous nous y arrêtions, parce
que les idées qu'ils renferment montrent bien ce qu'é-
tait l'élan de l'opinion à cette époque et dont Baglivi
tressaillait, comme une jeune pousse frémit au vent qui
s'élève. Il faut s'attendre à y trouver des contradictions
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ÉTUDB SUR NOS TRADITIONS. 435
et beaucoup de bonnes intentions. Le mieux, pour en
bien marquer l'esprit, est d'en extraire quelques pas-
sages.
« Ministre de la nature et son interprète, quoi qu'il
veuille faire ou quoi qu'il fasse, le médecin doit se rap-
peler que le seul moyen de commander à la nature, c'est
de savoir d'abord lui obéir soi-même. (De la Médecine
pratique, liv. i, cliap. 1.)
« Ce n'est point le langage de l'homme, c'est le lan-
gage de la nature elle-même que parle Hippocrate. L'an-
tiquité médicale n'a rien produit qu'on puisse comparer
avec cet illustre fondateur de la science, et l'avenir ne
produira rien de semblable jusqu'à ce que les médecins,
revenus de leurs longues erreurs et sortis de leur pro-
fond sommeil, aient pu saisir enfin toute la distance qui
sépare cette mâle et historique médecine de la Grèce,
des romanesques spéculations modernes. (Ibid.)
« Au lieu de chercher sans cesse à séparer les anciens
et les modernes, essayons plutôt, s'il est posible, de
réunir les uns et les autres dans une alliance éter-
nelle. Quelle folie plus grande, en effet, que de vouloir
toujours les mettre en désaccord par les mots, quand
ils sont d'accord pour les choses. [Ibid.)
« S'il y a quelque chose au monde qui puisse faire perdre
de vue à l'esprit la connaissance des maladies, c'est avant
tout cette rage effrénée de spéculations et de disputes
que les médecins arabes et tous les galénistes des siècles
suivants ont portée jusque dans la pratique. (Ibid,)
a Chaque maladie a sa nature particulière et certaine
à l'abri du caprice des théories ; il n'en est pas une qui
n'ait, de la même façon, son mode d'invasion, ses pro-
grès, sa période d'état et ses terminaisons propres.
(Chap. 2.)
« Tout nous échappe, je le sais, quand il Vagit de dé-
436 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
terminer la nature des lésions organiques et des mala-
dies ; mais il y a une chose claire, c'est que chacune
d'elles a son tyjie particulier; qu elles croissent et dé-
croissent suivant certaines lois; que leurs périodes enfin
sont régulières et constantes. (Iôid.)
« Prenons les Aphorismes d'Hippocrate, ses Pronos-
tics, ses Prénotions de Cos et comparons avec les obser-
vations modernes, nous serons bientôt convaincus que
la nature des maladies est restée ce qu elle était dans
les temps reculés ; leurs marches, leurs périodes, rien
n'a changé depuis lors, (lbid.)
«Tourner en dérision les beaux travaux d'autrui et les
nobles efforts tentés pour faire avancer les sciences, c'est
non -seulement une chose indigne d'un honnête homme
et d'un homme docte, mais c'est encore un dommage
considérable aussi à l'état et aux progrès des sciences
elles-mêmes... Voyez tous ceux qui depuis quarante
ans bientôt ont voulu écrire sur ces matières : la plu-
part d'entre eux, ayant pour ainsi dire uniquement
consacré leurs efforts à inonder de sarcasmes les tradi-
tions de la médecine antique, on peut à peine s'imaginer
tout ce qu'il est résulté de maux pour la médecine et les
malades. (Iôid., chap. 4.)
Il est convaincu que « presque toutes les maladies ont
leur source dans quelque modification des fluides, et
par conséquent c'est une chose toute naturelle si des
principes théorico-philosophiques sont impuissants à
nous éclairer sur la cause véritable et essentielle des
maladies. »Et il écrit quelques lignes plus haut : « Lais-
sons les chimistes avec leurs grands mots de fusion, de
sublimation, de précipitation, vouloir expliquer la na-
ture et chercher ainsi à établir une philosophie à part ;
ce n'est pas moins une chose incontestable, que tous ces
phénomènes doivent se rapporter aux lois de l'équi-
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 437
libre, à celle du coin, de la corde, du ressort et des
autres éléments delà mécanique. » (Gbap. il.)
Il se rattache du reste au Bacon isme et veut que la
médecine fasse comme l'astronomie; car, « le premier
soin des astronomes est donc de se procurer une masse
de faits considérables, et ce n est qu'ensuite qu'ils vont
demander aux théories quelque raison palpable de ces
faits... C'est dans la voie tracée par les astronomes que
doivent s'engager les médecins s'ils veulent apprendre
à faire la théorie des maladies, etc. » (Ghap. il.) Combien
de fois depuis n'a-t-on pas répété cette juvénilité! Et
cependant, avec un petit nombre de faits bien observés,
un esprit supérieur découvre la loi qui les règle ; un sot
aura beau multiplier ses observations, il n'en tirera
rien.
Plus loin, Baglivi nous réédite cette autre niaiserie
baconnienne : a Pour faire l'histoire d'une maladie, il
n'est besoin d'aucune science étrangère, ni de la con-
naissance des livres ; c'est ce qu'on appelle une science
pare, une jHence propre ; et comme elle n'a d'autres
éléments que l'observation et les renseignements fournis
par le malade, tout ce qui vient du dehors ne peut ja-
mais être pour elle qu'une source de confusion et de
trouble, la triste source de toutes ces erreurs qu'on nous
a si souvent rappelées. Le devoir du médecin dans cette
k première partie de la science se borne à jouer le rôle
de témoin qui raconte mais n'apprécie pas. » (Lib. n,
chap. 1). Le jeune homme oublie que pour observer il
faut déjà savoir, et que toute observation est une appré-
ciation dans laquelle on dégage ce qu'il faut retenir de
ce qu'il faut négliger.
A côté de ces naïvetés, le maître reparaît, et il recon-
naît par exemple la nécessité de bien distinguer les es-
pèces morbides qu'ailleurs il a déclaré iminutables dans
TOM1 XXXII. — DÉCEMBRE 4870. S9
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438 HISTOIRE DE LA MEDECINE.
leurs types : « Nous parlions, il y a un instant, des la-
cunes qu'il reste à combler dans la médecine; il n'y en
a guère, je crois, de plus importantes que celles-ci : il
faudrait que chaque maladie fût divisée en autant d'es-
pèces qu'il y a de maladies primaires capables de les en-
tretenir, ou de causes énergiques et constantes capables
de leur donner naissance; il faudrait encore que cha-
cune de ces espèces eût ses signes caractéristiques, son
histoire première, sa médication propre et immuable;
ce serait quelque chose comme la méthode des bota-
nistes, qui prennent un nom de plante, le chardon, par
exemple, et qui en font une dénomination générique,
réunissant sous ce titre plusieurs espèces de chardon f
décrivant la grandeur de chaque espèce, sa Cgure , sa
couleur, sa saveur, etc. » (Lib. n, chap. 9.)
Dans la question des causes, il revient à Galien : « Si
nous voulons procéder avec ordre, il faut d'abord accep-
ter l'ancienne division des causes morbides en cause
procatarctiçue, cause proégumène ou dispositive, et cause
prochaine y c'est-à-dire une cause dont la présence en-
traîne nécessairement l'existence de la maLaie, et dont
l'extinction entraîne l'extinction des phénomènes mor-
bides. » (Lib. n, chap. 20, art. 2.)
À propos de l'indication thérapeutique, notons celte
pensée qui en rappelle une semblable de Van Helmont :
• Nous venons de voir des maladies considérables pro-
duites par une très-faible cause, quelquefois même par
des causes insaisissables et absolument en dehors de
l'organisme ; or, d'un autre côté, il y a des maladies
tout aussi graves, que l'on voit guérir en un instant
sans que l'on puisse saisir non plus la moindre évacua-
tion, mais qui disparaissent sur-le-champ par le seul fait
d'un changement quelconque dans les parties. » (Liv. n,
chap. 10.)
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ÉTUDE SUR NOS TRADITIONS. 439
Enfin dans l'avant-dernier chapitre, il se déclare so-
lidiste pour les maladies chroniques : « Quelle est la
cause de ces maladies? Un épaississement, une élabora-
tion incomplète des humeurs, et la plupart du temps,
une lésion des solides organiques bien plutôt que des
fluides. » (Liv. n, ch. 11.)
Dans son livre de Fibra motrice , le solidisme de-
vient plus manifeste. Baglivi établit bien qu'il doit y
avoir équilibre entre les fluides et les solides, mais ou
définitive c'est de la fibre motrice du cœur et des vais-
seaux que procède le mouvement du sang* et des li-
quides, et c'est des fibres motrices de la dure-mère que
procède le mouvement du fluide nerveux ; ce qu'il faut
voir dans l'état de maladie comme dans l'état de sanlé,
le point intéressant de la vitalité, c'est 1 état de la
fibre. « Les unes sont dures, crispées, tendues, vi-
vaces, tenaces; les autres paresseuses, fragiles, lan-
guissantes, lâches et presque mucilagineuses ; etc'cH
de là le résultent les biens et les maux, et c'est ce qu'il
faut que nous recherchions avec soin et que nous gué-
rissions, comme étant les caractères des actes vitaux et
naturels dans le corps humain. • (Lib. i, cap. 1.) Ce
livre, plus curieux qu'utile h lire aujourd'hui, et qui
renferme cependant quelques remarques très-judieieus s.
a été, avec celui de Laneisi, le point de départ du retour
au solidisme qui est devenu lorganicisme.
F. FlUÎDAULT.
— suit t an prochain numéro. —
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440
PATHOGÉiME ET THÉRAPEUTIQUE
DE L'ACTION DE L'ARSENIC SUR LA PEAU.
— Suite —
CHAPITRE VI.
PAPULES.
Une femme s'empoisonne accidentellement. Au bout
de vingt-quatre heures, tout son corps était couvert
d'une éruption rubéoliforme. Elle se rétablit en six jours.
(Thomson, Médical essay and obs., 1747, t. IV, p. 41.)
Déjà au chapitre précédent il a été question d'une érup-
tion rubéoliforme partielle dans une observation de
Basedow. Caels (1781) indique, dans sa description gé-
nérale de l'empoisonnement, les macu/x rubrx. -
Sept ouvriers s'étaient servis d'arsenic par erreur au
lieu de baryte pour rafraîchir une maison. Tous furent
pris de fièvre et d'une éruption papuleuse plus ou moins
généralisée qui disparut en quelques jours, mais laissa
des taches rouges pendant longtemps. (Ogston et Ryan,
London med. Gaz.) 1851.)
« Une seule fois, dit Marchand, j'ai vu survenir des pa-
pules arsenicales. Ces papules, que j'ai observées aussi
dans le traitement d'autres maladies, ressemblent à des
papules de prurigo, mais sont plus pointues. Ce qui les
distingue, c'est que quelques jours après leur apparition
il y a une desquamation épidermique qui se fait non-
seulement sur les papules, mais aussi sur la peau qui
les environne. L'épiderme se détache par plaques irré-
gulières frangées, d'un centimètre carré ou environ;
les bords de la peau sur laquelle s'opère cette desqua-
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DE i/ACTION DR L* ARSENIC SUR LA PEAU. 441
mat ion, sont marqués d'un liséré blanc, qui délimite
une surface généralement ronde, mais irrégulièrement,
ressemblant à certains pityriasis. Si on cesse la médica-
tion arsenicale, tout cela disparaît en cinq ou huit jours.
J'ai vu ces papules sur plusieurs fiévreux. M. Marchand
dit encore ailleurs : J'ai parlé dans ce mémoire de pa-
pules arsenicales, voici ce que j'ai observé : quatre fois
j'ai vu survenir chez des sujets qui prenaient de l'arse-
nic pour des fièvres intermittentes, des éruptions papu-
leuses dont le siège était variable. Les papules étaient
volumineuses, causaient peu de prurit et ne s'accom-
pagnaient pas d'inflammation. Elles persistaient tant
qu'on administrait le remède, quelques-unes seulement
se terminaient par desquamation. Quand l'arsenic était
suspendu, elles disparaissaient et Tépiderme se levait
par plaques larges, épaisses, arrondies, frangées. Dans
un cas, les papules se montrèrent dans la région pal-
maire, et la desquamation qui s'ensuivit ressemblait, à
s'y méprendre, à celle qui s'opère quand on a eu dans
cette région des ampoules causées par un travail manuel
auquel on n'était pas habitué. Les papules causent peu
de prurit et la desquamation ne s'accompagne d'aucune
sensation... Les éruptions arsenicales doivent être rares
quand on traite des dermatoses. S'il s'agit d'autres ma-
ladies, elles doivent être plus fréquentes, du moins
d'après ce que j'ai observé. Ces éruptions ne doivent
inspirer aucune inquiétude, car elles disparaissent aus-
sitôt qu'on suspend la médication. >
« Sous l'influence de la médication arsenicale (dans les
affections squameuses)» dit M. Devergie, il peut appa-
raître une éruption secondaire sur les taches arseni-
cales (i) ou sur les parties de la peau où siège encore la
(1) Il sera question do ces taches arsenicales dans un chapitre subsé-
quent.
«
I
442 PÀTHOGENIB ET THÉRAPEUTIQUE.
maladie qui est en traitement. Elle consiste en quelques
boutons rouges, isolés, papuleux, de la grosseur d'une
lentille, qui se multiplient lentement. Ce phénomène,
que j'ai signalé le premier, est commun aussi à l'usage
îles pommades au goudron et aux préparations alcali-
nes. » [Traité pratique des maladies de la peau, 1834.)
Hunt, dans les dernières éditions de son ouvrage, a
parlé aussi d'une éruption papuleuse légère, lichen arse-
nh alis, qui survient quelquefois pendant le traitement
des maladies de la peau. Dans l'une de ses observations,
on voit survenir une éruption papuleuse très-éphémère
nu périnée, aux fesses et au scrotum. (Diseases of skin.)
De mon côté, j'ai vu souvent ce genre d'éruptions
avec l'arsenic, surtout administré à dose infinitésimale,
et j'ai pu obtenir, dans mes expérimentations, les ré-
sultats les plus tranchés. J'ai cité plus bas trois obser-
vations. Voici ce que je disais en 1857 à ce sujet : — Ces
papules, que quelques auteurs onteomparées à l'éruption
morbilleuse, ressemblent bien plutôt à ces syphilidesdu
visage que tout le monde connaît; elles ont cependant
une teinte moins cuivrée. Leur lieu d'élection se trouve
au cou, au visage. Je les ai vues aux mains; elles sont
en général peu nomb euscs et discrètes. Je les ai vues
débuter par des groupes de papules rouges, grosses
comme de petites tê\c> d'épingle; ces papules se con-
fondent plus tard pour l'aire des papules larges comme
une lentille et plus. Klics n'ont guère plus de six à huit
jours de durée et disparaissent successivement avec une
légère desquamation furfuracée.
Obs. V. — Bardèche, 22 ans, maréchal de logis au 3e hussards, entré
le 10 mai 1835 ù l'Ilôt»?!- Dieu de Clermont-Ferrand. Psoriasis gut-
t it i généralisé depuis neuf mois.
Traité par l'arséniate de fer, quatrième trituration, depuis le
V> mai jusqu'au 18 juin, trois doses par jour. Au bout de quelques
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DE L* ACTION DE L* ARSENIC SUR LA PEAU. 443
jours, il se plaint des yeux, larmoiement, démangeaison, etc....
8 juin . Le malade se plaint de sa potion qu'on supprime; il ac-
cuse de la fatigue d'estomac, de l'oppression pendant la nuit, des
douleurs dans tout le corps, surtout aux deux coudes et aux deux
jambes. Il est survenu par tout le corps une éruption de papules acu-
minées discrètes, tout à fait distinctes des plaques de psoriasis. A la
fesse gauche, elles sont confluentes et y forment une plaque de la
largeur de 7 à 8 centimètres. Cette plaque s'agrandit les jours sui-
vants; les papules s'élargissent et se confondent. A partir du 43,
elles se flétrissent pour disparaître les jours suivants.
Obs. VI. — Fille Bœuf, 17 ans, entrée à l'Hôtel-Dieu en mars
1855. Anémie; quelques traces de chlorose. Elle a été traitée par
l'arséniate de fer depuis le 31 mars jusqu'au 11 avril inclusivement,
à la dose d'un millième par jour, à prendre en quatre fois, dissous
dans une potion .
Pendant les dix premiers jours, démangeaison fréquente à la fi-
gure et au cou, avec apparition de très-petits boutons papuleux et
fugaces ; raideur des paupières, démangeaisons avec sentiment de
graviers.
10 avril. Depuis deux jours, papules discrètes très-marquées à la
figure. Sur l'aile gauche du nez, il existe une dizaine de boutons pa-
puleux. Le 11, douleurs notables dans les jambe*. Le 12, il existe
une douleur très-vive au bras et an poignet droit, ainsi qu'à la jambe
droite. La douleur est si forte au bras droit que la malade ne peut
pas le porter à la tète. L'apparition de ces douleurs me fait suppri-
mer l'arséniate de fer. Les jours suivants, les douleurs continuent
aussi vives dans les membres inférieurs, ainsi qu'au bras droit ; la
malade se lève, mais elle reste assise pendant la journée, à cause de
ces douleurs.
Le 17. Souffrance vive dans la main droite ; le pouce est tuméfié,
très-douloureux au toucher, couvert d une large plaque rouge. Elle
ne se lève pas depuis hier et pleure à raison de ses douleurs des
membres; impossibilité de mouvoir les jambes. Cependant l'érup-
tion papuleuse du visage a continué sa marche ascendante depmis
un septénaire. Le visage et le pourtour des oreilles sont couverts de
papules rougeatres nombreuses , dont quelques-unes sont larges
comme une pièce de 1 franc, ressemblant à une véritable éruption
syphilitique. Ajoutez à cela une blépharile intense, avec tuméfac-
tion des paupières et larmoiement consMérable.
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444 PATHOGÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
Les jours suivants, les douleurs des membres diminuent, l'érup-
tion de la face se flétrit, et la malade commence à se lever un peu
pendant le jour. Le 28, les douleurs ont redoublé. La malade a
gémi toute la journée et n'a pu se lever. Sortie le 3 mai. Les dou-
leurs ont cessé, mais l'éruption quoique flétrie est encore très-no-
table.
Cette observation est un fait remarquable de rhuma-
tisme arsenical et en mâme temps d'éruption papu-
leuse. Les deux symptômes, ainsi que ceux des yeux,
n'en ont pas moins continué leur marche ascendante et
progressive, malgré la cessation du remède.
Voici une dernière observation d'éruption papuleuse
sous l'influence de l'arsenic donné à dose médicinale
habituelle ou moyenne.
Obs. VIL — Marie Lassalas, 16 ans, domestique, entrée le 10 oc-
tobre 1854 à l'Hôtel-Dieu. Cette jeune fille, fraiebe et bien portante,
offre quelques traces légères de chlorose. Dès le premier jour de sou
entrée, elle prend 4 gouttes de teinture de Fowler dans 100 grammes
de véhicule, en quatre doses dans la journée.
A partir du 10, je constate les symptômes suivants : un peu •!*'
larmoiement , enchifrènement avec voix nasonnée, coryza fluuot
très-notable ; a eu un peu d'épistaxis pendant la nuit.
17. Fortement enrhumée; a toussé toute la nuit. La gorge et U-s
amygdales sont rouges.
20. Il est survenu dans la nuit sur tout l'avant-bras gauche une
éruption continente de petits boutons rouges papuleux, gros comme
la tète d'une épingle. Il y a deux jours, ces boutons étaient sortis,
puis rentrés, au dire de la malade.
2 1 . Même éruption, accompagnée de beaucoup de démangeaisons ;
même enchifrènement et larmoiement.
22. L'éruption du bras devient encore plus considérable ; son in-
tensité me fait cesser la potion de Fowler.
23. L'avant-bras est tout rouge, couvert de papules très-petites
ettrès-confluentes, c'est comme si elle avait la chair de poule.
24. Même rougeur de l'avant-bras avec enflure considérable et
douloureuse.
2">. Depuis plusieurs jours, même éruption plus discrète aux deux
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DE LACTION DE L'ARSENIC SUR LA PEAU. v- 445
joues, à la main et au poignet droit, avec démaugeaison notable.
Les jours suivants, ces divreses éruptions se flétrissent peu à peu.
11 s'y établit une desquamation légère. Le coryza a persisté tout le
temps. Sortie le 4 novembre, sans traces d'éruption.
Parmi les toxicolog-istes, Cbristison est à peu près le
seul qui ait parlé des papules arsenicales, en notant que
l'éruption peut être morbilliforme. Hahnemann et Jahr
n'ont fait que répéter l'observation de Thomson. La pa-
thogénésie anglaise de Black parle d'éruption papuleuse
aux mains ayant duré cinq jours. Ce fait est emprunté
à Niedermeyer cité par Wibruerr; c'est une erreur; il
ne s'agit ici que d'une éruption miliuire. En somme, la
papule arsenicale a surtout été signalée et étudiée assez
récemment. Il ressort des faits qu'elle se produit à toute
espèce de doses. L'observation déjà citée de Thomson
prouve avec quelle rapidité l'arsenic peut produire à la
place l'éruption papuleuse. Nous verrons reparaître les
papules dans les éruptions arsenicales complexes, en
traitant des éruptions professionnelles.
CHAPITRE VIL
éruptions vésiculeuses (miliaire, eczéma, herpès , zona).
On lit dans le Commercium lût. noricum (1735) une
petite observation sans nom d'auteur, où il est question
d'un empoisonnement chez une jeune fille de 20 ans.
Dès le quatrième jour, il y eut aggravation , fièvre,
douleurs à la tête et aux membres, puis du purpura alba
(nom synonyme d'éruption miliaire); l'éruption fut gé-
nérale. Plus tard, paralysie des membres, et après la
desquamation de l'exanthème, la paralysie se convertit
en épilepsie dont souffrit encore long-temps la ma-
lade.
446 PATHOOÉNIB ET THERAPEUTIQUE.
Obs. VIII. — Il y a environ un an que je fua mandé pour voir un
malade dans un village voisin. C'était un homme âgé de 35 on 36 ans,
qui s'enivrait tous les jours de vin ou de liqueurs spiritueuses. On
me dit qu'il avait été attaqué tout à coup d'accidents terribles, et
que peut-être serait-il mort lorsque j'arriverais. Je fis diligence et
effectivement je le trouvai presque expirant.
Il avait le pouls fréquent, irrégulier, faible et convulsif, la respi-
ration laborieuse et entrecoupée de soupirs ; son regard était fa-
rouche ; les yeux, qui lui sortaient de la tète, étaient baignés de lar-
mes si acres, qu'elles avaient enflammé, corrodé même les paupiè-
res et les joues. Les muscles du visage entraient de temps en temps
en convulsions ; la voix était tremblante, la langue sèche et les lè-
vres couvertes de petites taches noires. Une chaleur brûlante et une
soif que rien ne pouvait calmer dévoraient ses entrailles. Le ventre
universellement trés-tendu et douloureux, laissait involontairement
échapper des matières séreuses et si caustiques, que le malade se
plaignait, lorsqu'elles sortaient, comme si un fer bridant lui brûlait
l'anus. Une sueur fétide s'exhalait de tout son corps, les urines
étaient supprimées, et sa raison s'aliénait de temps en temps.
Il avait avalé 2 gros d'arsenic blanc dissous dans une chopine
d'eau ; il me dit aussi qu'il en avait bien vomi la moitié sur-le-
champ.
L'huile, les bouillons très-gras, le lait, l'eau de graine de lin fu-
rent les remèdes que je mis en usage. Il en prit prodigieusement;
cependant, malgré ces secours, le mal augmenta. La tète se perJit
tout à fait; les mouvements convulsifs devinrent universels; les
sueurs, la diarrhée continuèrent; le ventre se gonfla davantage; de
fréquentes faiblesses semblaient annoncer à chaque instant la mort
du malade qui paraissait inévitable. Mais la nature préparait dans
ces temps orageux une crise salutaire. Après que ces accidents cu-
rent continué pendant cinq jours avec la même violence, il survint
le sixième une éruption miliaire univers. Ile et abondante qui parut
un peu le calmer. Le pouls devint plus régulier, les mouvements
convulsifs diminuèrent, le ventre se détendit, la langue devint moins
aride, la transpiration plus libre et la raison moins aliénée.
Ou me manda de nouveau... Je prescrivis une potion cordiale
diuphorétique tempérée. Le succès fut heureux; le malade dormit
un peu, l'éruption et les sueurs devinrent plus abondantes, le cours
des urines se rétablit. Des ulcères, qui vinrent aux deux talons, don-
nèrent issue à des matières iehoreuses. Le ventre continua d'être li-
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DE LACTION DB LARSEXIC SUR LA PEAU. 447
bre, la tête se remit insensiblement. L'éruption se renouvela à plu-
sieurs reprises pendant quinze jours, et cessa enfin pour laisser le
corps couvert d'écaillés farineuses. Le lait que le malade prit en-
suite avec régime acheva de le guérir. Il ne lui est resté de cet ac-
cident qu'un tempérament plus faible encore qu'auparavant, un
tremblement universel, et d'être sujet à de fréquentes ophtbnlmies.
(Guilbert. Recueil périodique, 1756.)
J'ai reproduit en entier l'observation de Guilbert, vu
son importance historique ; elle a été souvent citée et a
appelé l'attention sur les éruptions miliaires arsenicales,
forme éruptive qui traditionnellement a été mise davan-
tage en relief.
Un officier de cavalerie fut empoisonné avec de l'ar-
senic répandu dans une soupe d'épeautre; il guérit, dit
Bouteille, par les secours que je lui administrai. Mais
pendant sa convalescence, il eut au visage,' sur le cou et
à l'intérieur de favant-bras, une éruption de petites
pustules à peu près semblables aux miliaires. (Journal
de médecine* 1779.)
Belloc dit que l'éruption miliaire a été donnée par
Sallin comme particulière à l'arsenic. Sallin était méde-
-
cin du roi au Chàtelet; c'était le médecin légiste de
l'époque; il lut en 1778, à la séance publique de la Fa-
culté de médecine, un long mémoire où, parlant des
accidents du poison , il signale une éruption à la
peau (i).
Un homme se frotte la tète avec de la poudre de co-
balt et de cévadille pour en détruire les parasites. Le
lendemain, la téle enfle; puis anasarque. Parmi les ac-
cidents notés, éruption miliaire sur les mains; il en
sortit un liquide noir et brûlant. Guérison au bout de
(I) Cinq ouvriers s'empoisonnent aveo du vin mélangé à un liniment
arsenical. Dès le second jour, il survint bientôt une démangeaison in-
commode qui fut suivie de l'éruption de petites pustules semblables à
celles de la gale. (Barrin. Journal de médecine, 1783.)
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448 PATHOGÈNIB ET THERAPEUTIQUE.
quelques jours. (Nedermeyer, Beitrage zur Nahtrgeschichte
von Moll; Salzburg, 1787.)
L'observation suivante de Desgranges a été souvent
citée. Il s'agit d'un empoisonnement externe chez une
jeune femme de chambre qui avait eu l'imprudence,
pour faire passer des poux, de se frotter la tête, six ou
sept jours auparavant, avec de la pommade chargée
d'arsenic. La tête était très-saine et sans entamure quel-
conque. Aussi s'écoula-t-il plusieurs jours avant la ma-
nifestation des funestes effets de cette application. La
malade a été atteinte des douleurs les plus cruelles,
toute la tête est devenue enflée, les oreilles, doublées
de volume, se sont couvertes de croûtes, plusieurs
places à la tête ont participé à cet état, et au milieu de
ces accidents locaux surviennent les accidents généraux
les plus graves. Vers le huitième ou neuvième jour,
tout le corps se couvrit d'une éruption considérable de
petits boutons ù pointes blanches comme du millet, sur-
tout aux mains et aux pieds. En moins de quarante-
huit heures, l'éruption se sécha et tomba par desqua-
mation ; tous les accidents diminuèrent, et le huitième
jour, à partir des soins médicaux, la malade était hors
de danger. Dans le cours de la convalescence, les che-
veux sont tombés. {Recueil périodique, 1799.)
Un père frotte la tête de son enfant âgé de 6 ans avec
de l'huile d'olive chargée d'arsenic; c'était pour le dé-
■
barrasser de ses poux. L'opération faite, l'enfant va se
coucher joyeux et plein de santé. Le lendemain matin,
il se plaint de violente céphalalgie; les vomissements
sont fréquents et tout le corps est enflé. Le Dr Portulez,
appelé à quatre heures du soir, trouve l'enfant agoni-
sant ; le corps était extraordinairement enflé et couvert
de vésicules bleuâtres; sueurs froides, légères convul-
sions à la figure; impossibilité d'avaler; l'enfant meurt
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DE L'ACTION DE L* ARSENIC SUR LA PEAU. 4i9
à cinq heures. [Journal de médecine de Corvisart, 1803.)
Thilenius a publié dans son ouvrage une observation
qui a les plus grands rapports avec celle de Desgranges
citée plus haut. C'est une jeune domestique qui se lave
la tête un soir avec de l'eau de cobalt pour paraître plus
belle et avoir les cheveux lisses. Le lendemain matin,
elle est prise de bonne heure de frissons et de chaleur,
et obligée de garder le lit. Quelques heures après, érup-
tion de nombreuses pustules brûlantes à la tête, au front
et au cou. Les parents crurent que c'était la rougeole;
la jeune fille, soit ignorance, soit crainte d'en révéler la
cause, supporta cette éruption qui envahit le visage et
la poitrine jusqu'au neuvième jour. Thilenius fut alors
appelé. Le visage offrait l'aspect le plus horrible, il avait,
doublé de diamètre ; on voyait à peine le bout du nez,
et il était couvert partout de croûtes d'un gris noirâtre
de la grandeur d'un pouce. Les deux oreilles et les
côtés du cou étaient presque noirs ; un liquide fétide en
découlait; tout le reste du corps, de la tête aux pieds,
était criblé de millions de petites pustules, d'un rouge
.vif, demi-transparentes et en grande partie grisâtres à
leur sommet. On n'aurait pas trouvé sur la peau une
place à y mettre la tête d'une épingle. Pouls extraordi-
nairement fréquent; la douleur et l'insomnie avaient
presque déterminé un état de rage. Application de di-
vers remèdes; l'enflure tomba au bout de quatre jours
ainsi que les croûtes. Guérison consécutive sans acci-
dents ultérieurs. (Medicin. und càirurg. Remerkungen ;
Frankf.-um-Main, 1814, p. 481.)
Une jeune fille s'empoisonne volontairement à huit
heures du soir. Bientôt, vomissements violents et ré-
pétés; le lendemain matin à quatre heures elle se trouve
mieux et prend du café; elle éprouve encore des dou-
leurs d'entrailles et des vertiges. Deux jours après,
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450 PATHOGÉNIE ET THÉRAPEUTIQUE.
éruption miliaire à la peau, surtout au ventre, et vési-
cules sur la langue. Rétablissement en quelques jours.
(Hohnbaum, Hezkes zeitchrift, 1821.)
Le Dr Mitchell a publié l'observation d'un individu
qui s'était frotté le scrotum et les aisselles avec du savon
noir arsenical, pour détruire des poux de corps ; il y
eut des accidents généraux d'empoisonnement; la peau
du scrotum se dépouilla, laissant une surface enflée et
sanguinolente [Médical Times, 1853).
Un berger avait lavé pendant neuf heures de suite
ses moutons avec une solution d'arsénite de potasse.
Quatre jours après, le scrotum était couvert d'un eczéma
rubrum ; il y avait aussi des vésicules sur les cuisses.
{The Lancet, 1857.)
En novembre 1857, dit Taylor, je fus appelé en con-
sultation auprès d'un malade chez lequel une fort petite
quantité d'arsenic administré à l'intérieur avait amené
une irritation de la peau avec eczéma généralisé. La dose
n'avait été que d'un trentième de grain, répétée deux
fois par jour; il n'avait pris en tout que 40 gouttes
de solution de Fowler, c'est-à-dire un tiers de grain.
On peut lire, dans mes Études sur la paralysie arseni-
cale^), la longue observation de mistr. Wooler, empoison-
née par son mari à l'aide de lavements répétés, observa-
tion publiée parChrislison [Edinb. med. Journal, 1856). La
maladie arsenicale fut des plus graves et dura depuis le
commencement de mai jusqu'au 27 juin, jour du décès.
Le 13 juin, la face et les bras s'étaient couverts d'une
éruption qui prit graduellement les caractères d'un
eczéma.
Le Dr Sistach a vu, chez trois malades traités par
l'arsenic pour fièvre intermittente, une petite éruption
(1) Gaxttti médical*, 18*8.
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-
DE L'ACTION DE L'ARSENIC SUR LA PEAU. 451
miliaire, accompagnée de démangeaisons plus intenses
la nuit que le jour et comparable aux piqûres de puces.
L'éruption s'est montrée du septième au dixième jour
du traitement et a duré de cinq à huit jours.
Grave3 raconte, dans ses Leçons cliniques, avoir traité
une dame pour un psoriasis généralisé. Arrivée à la dose
de 10 gouttes de liqueur de Fovvler trois fois par jour,
elle fut prise de frissons, de phénomènes fébriles, et
elle eut de l'herpès labialis.
Kersten a vu aussi dans un cas d'empoisonnement
une éruption phlycténoïdo autour de la bouche le troi-
sième jour; plus tard il y eut urticaire par tout le
corps.
Dans son traité sur l'empoisonnement (obs. 17) ,
Tardieu cite un cas d'intoxication arsenicale avec mort
au bout de onze jours; les troisième et quatrième jours,
il y eut stomatite et inflammation vésiculeuse de toute
la face avec démangeaison vive.
Grâces aux observations de Guilbert, Sallin et Des-
granges, les éruptions miliaires ont été mentionnées
plus souvent que les autres; presque tous les toxico-
logistcs en ont parlé.
11 en est des éruptions vésiculeuses comme des pré-
cédentes : elles sont positivement arsenicales et se ren-
contrent dans l'empoisonnement interne aussi bien que
dans l'externe, apparaissant dans les premiers jours
comme plus tard, que la dose ait été toxique ou médi-
cinale. Ces éruplions se produisent-elles aussi à dose infi-
nitésimale? Déjà le fait deTaylor où l'on voit un eczéma
généralisé survenir à la suite de doses bien minimes,
est un commencement de démonstration; mais en voici
de plus concluantes :
H ah ne man n a noté pour son compte, par conséquent
à dose atténuée, l'éruption miliaire (s. 818), tout en ci-
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452 PATHOOÉNIB ET THÉRAPEUTIQUE.
tant les observations de Guilbert, Hartmann (1) et Des-
granges. On pourrait, à la rigueur, y rattacher aussi
les symptômes 187, 188, 629, 816, 817, où le g-enre
d'éruption est mal décrit. Il y a dix ans, j'ai fait à ce
sujet des expérimenls avec mes élèves, et j'ai obtenu les
plus beaux résultats. Je reproduis ici trois observations
importantes.
Obs. IX. — J'ai commencé à prendre de l'arsenic à dose minérale
(un cent-millionième de grain), trois fois par jour, le i,r juillet
Le 4 juillet, mal de gorge assez fort. M. lmbert constate à la
base de chaque pilier une aphttie large et entourée de rougeur. Il
existe aussi de la rougeur sur le pharynx. Ce mal de gorge ne
dure que quatre ou cinq jours.
Le 8 juillet, et ça a été le dernier jour de l'expérimentation, il est
survenu sur la poitrine une éruption qui m'a fait horriblement
souffrir. Cette éruption a commencé par de petits boutons rouges
qui me forçaient à me gratter jusqu'au sang. Le 9, l'éruption con-
tinue toujours ; il en est survenu une autre sur les bras, plus dou-
loureuse que la première, ainsi que sur le dos ; les bras sont cou-
«• verts de boutons. Les 10 et 12 juillet, les élèves de mon cours ont
contaté avec moi l'étendue de l'éruption papulo-vésicnleuse dévelop-
pée sur M. Tardieu. Quoique discrets, les boutons couvraient le
tronc et les membres supérieurs. La nuit du samedi au dimanche
13 juillet, la démangeaison a été si forte que mes ongles ne me suf-
fisaient pas à me soulager. J'ai été obligé de me lotionner la poi-
trine et les bras avec du vinaigre pur ; les jours suivants, l'éruption
a diminué et a fini par disparaître. (Tardieu, élève en pharmacie.)
Obs. X. — J'ai commencé le -4 juillet à prendre de l'arsenic à dose
minérale, trois fois par jour. Aucun symptôme les -4 et 5.
Le 6 au soir, colique vive qui m'oblige à prendre une potion
éthérée et diacodée ; diarrhée pendant la nuit, quatre selles. Je ne
puis m'expliquer cette diarrhée autrement que par l'arsenic.
(!) Au symptôme 81 1, on lit dans la dernière pathogén/sie de Hahne-
mann : éruption d'une miliuire abondante, rouge, scorbutique (Hart-
mann, Dit*, œthiops antim. et arsenical is ; Halœ, 17îî9). — Je n'ai pas pu
me procurer otte dissertution, et savoir dans quelle circonstance s'est
produite cette éruption, si c'est h dose toxique ou médicinale.
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DE L ACTION DE l' ARSENIC SUR LA PEAU. 453
Le 7, la colique a disparu, mais il reste un peu Je diarrhée et de
douleur avec fatigue et brisement des membres.
Le 8, rien ; le 0. démangeaisons à la partie interne des cuisses.
Le 10, les démangeaisons deviennent plus vives et se localisent
au scrotum du côté gauche, ce qui attire mon attention. En m'exa-
minant, je constate une rougeur insolite au côté gauche seulement
des bourses et sur la partie postérieure de la verge ; la chaleur est
très- vivo.
La nuit du 10 au 11 est très-pénible ; le sentiment de cuisson et
de démangeaison est tel que je suis forcé de m'appliquer des com-
presses d'eau froide pendant la plus grande partie de la nuit ; je ne
m'endors un peu que le malin, vers quatre heures.
En m'éveillant, je regarde et je constate l'éruption de vésicules
très-petites, occupant toute la partie rouge du scrotum. Je me rends
à huit heures du matin chez M. Imbert qui me conseille de cesser
l'expérience et de prendre des bains. (M. Tardit, en entrant dans
mon cabinet, paraissait très-souffrant, marchant avec difficulté. Je
constatai en effet sur lui un magnilique exémasurle côté gauche du
scrotum. Malgré son courage, cet intelligent élève était très-ennuyé
de l'accident.)
Les jours suivants, l'eczéma continua sa marche ; suintement
léger, puis dessiccation. Après quatre ou cinq jours, la démangeaison
diminue beaucoup, et tout se termine au bout d'une semaine. (Tar-
dit, élève en médecine.)
Un mois auparavant, M. Tardit avait fait une autre
expérience, à dose infinitésimale encore plus élevée.
Voici cette observation :
Obs. XL — Expérimentation commencée le 24 mai ; trois doses
par jour à la huitième trituration (un dix quadrillionième de grain).
Le 26. Après la première dose, céphalalgie assez vive qui va en
augmentant d'intensité toute la journée, avec un sentiment de
construction très-marquée aux tempes, comme si j'étais ivre.
Le 27. La céphalalgie cet moins vive, mais elle persiste toujours
avec les mêmes caractères ; elle s'accompagne aussi de raideur
assez marquée dans les cuisses, analogue à celle qu'on éprouve
après une longue marche. Le soir, elle gague les muscles de la ré-
gion postérieure du cou ; sentiment de fatigue générale. En même
TOME XXXII. — DÉCEMBRE 1870. 30
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454 PATHOGKME KT THKltAl'Kl JTIQCE.
temps, chaleur incommode dans la fosse nasale gauche, accompagnée
d'un état de sécheresse particulier de l'arrière -gorge.
Le 29. Je constate le matin une éruption de petits boutons rou-
ges, coniques, très-rapproebés, qui occupent toute la face dorsale
de la main gauche, puis de la main droite. Elle est accompagnée
de quelques démangeaisons exagérées par les frottements.
Le 30. L'éruption plus marquée encore s'étend jusque sur les
doigts dont elle occupe surtout la face interne, ainsi que la face
palmaire de la main ; la démangeaison est plus vive (1).
Le 31. L'éruption commence à pâlir; ce jour-là, M. Imbert
l'examine; elle présente tous les caractères d'une miliaire confluente.
Le soir, je cesse l'expérimentation.
Le -1 juin, l'éruption et le coryza duraient encore.
J'ajouterai comme renseignements que je n'ai presque jamais mal
à la tète. D'un autre côté, je suis très-sujet au coryza et aux maux
de gorge, ce qui diminue d'autant la valeur de ces symptômes; les
autres me semblent tout «à fait arsenicaux, à savoir la raideur mus-
laire, la perte complète d'appétit, le malaise général très-pénible et
l'éruption miliaire. (Tard i t.)
Si je n'avais pas eu déjà une foi robuste dans la réa-
lité d'action des doses infinitésimales, ces trois expéri-
ments auraient suffi amplement pour me la donner.
J'ai publié ces observations dans mes Éludes sur quelques
symptômes de t arsenic.
Gomme fait curieux d'action palhogénitique, il faut
citer aussi le zona arsenical. Voici les faits qui le dé-
montrent.
Hunt donne l'observation d'un individu âg*é de
59 ans, atteint depuis longues années de prurigo podich
qui lui faisait passer de cruelles nuits à raison des dé-
mangeaisons. Le malade est mis à la teinture de Fowler
(1) Cette éruption a beaucoup de rapport avec le symptôme 818, le
seul où lltihuemann ait décrit positivement l'éruption miliaire dans ses
expérimenta pcrsonnncls: au milieu d'un prurit brûlant, semblable à celui
des piqûres des cousins , survint une éruption aux mains, entre les
doigts, cl au bas-ventre, de petits boutons pointus et blancs, dont le som-
mât contient un liquide.
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DE L'ACTION DE LARSENIC SUR LA PEAU. 455
à la dose de 5 gouttes, trois fois par jour, à prendre
immédiatement après les repas. Au bout d'un mois, il y
avait amélioration progressive; les démangeaisons noc-
turnes avaient cessé depuis cinq nuits, lorsqu'il survient
un spasme sur les muscles intercostaux du côté gauche,
suivi d'une éruption pustuleuse sur l'endroit douloureux
qui oblig*e de suspendre l'arsenic. Quoique l'auteur
parle d'éruption pustuleuse et non vésiculeuse, on est
naturellement porté à voir ici une attaque de zona. L'é-
ruption disparut dans un septénaire. Dans un autre
cas de porrigo decafvans, traité par le chlorure d'arsenic,
l'auteur note l'apparition d'un herpès zoster.
Hutchinson [Med. Times, 1838) a vu si fréquemment
l'herpès zoster survenir après l'usage interne de l'arse-
nic, que pour lui il ne peut pas être question ici d'une
simple coïncidence. Il cite sept observations de psoriasis,
d'eczéma, etc., traités arsenicalement, dans lesquelles il
a vu se produire le zona, tantôt peu de jours après,
tantôt après un traitement de plusieurs mois. Dans tous
ces cas, l'herpès a été de courte durée.
J'ajoute, pour la g-ouverne de ceux qui seraient tentés
de mettre ces faits au compte des rêveries hornœopa-
thiques, que les deux médecins anglais n'appartiennent
nullement à l'école hahnemannienne, et que ce sont deux
allopathes fort disting-ués.
Imbert-Gourbeyre.
— La suite prochainement. —
456
MÉDECINE l'UATIQUE.
MÉDECINE PRATiOUE
CAUSERIES CLINIQUES
TOME II
XI
TRAITEMENT DE LA DIPHTHERIE (i).
— Suite et fin. —
XLIV. Plumbum et plumbum iodatum. — En 1869, le
Dr Schuessler, d'Oldenbourg*, avait recommandé plum-
bum contre la diphthérie, recommandation justifiée par
quelques cures (voy. art. XI, § xxx). Mais ce remède lui
ayant parfois procuré des insuccès et ces insuccès seu-
lement dans les cas très-graves de la forme croupale, il
s'est décidé à modifier cette année (1870) sa prescrip-
tion en administrant plumbum iodatum de la 9* à la
12e dilution. Depuis lors, écrit-il, grâce à ce double
traitement» il n'a pas perdu un seul malade de la diph-
thérie, bien qu'il en ait eu à soigner une centaine en-
viron, gravement atteints de cette maladie. — Attg.
Hom. zeit.y t. LXXX, p. 145, numéro du 9 mai 1870.
Le Dr Schuessler ne dit pas très-explicitement s'il em-
ploie simultanément, alternativement ou isolément les
deux remèdes précités. Mais il est à présumer que,
ayant vu échouer plumbum seulement dans la forme
croupale, il n'administre plus que plumbum iodatum
contre le croup.
Notre confrère d'Oldenbourg ne relate pas un seul
des cent cas de diphthérie qu'il a récemment traités, et
(!) Voir l. XXXI, pages 44, 119, 186, 407.
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CAUSERIES CLINIQUES. 457
ne dit pas à quelles formes de cette maladie ils appar-
tenaient. On ne peut que présumer, je le répète, qu'il a
donné avec succès plumbum iodatum dans le croup.
Cyanure de mercure, — Plus haut (§ xxxvi) j'ai déjà
parlé de ce médicament. Mais j'y reviens, pour mieux
préciser son indication, et cela, à propos d'une épidé-
mie de diphthérie relatée dans Y Art médical (XXXI,
288-97). Cette épidémie, qui a sévi à Saint-Romans et à
Saint-Jean-en-Royan (Isère), a été fort grave puisque,
dans le second village, il y a eu 32 morts sur 40 malades,
dont 30 avaient été soignés par des médecins allo-
pathes.
A Saint-Romans, 28 cas ont été traités, tous avec suc-
cès par l'homœopathie : 14, qui le furent dès le début,
revêtirent, probablement à cause de cela, la forme bé-
nigne ou la forme commune. Parmi les 14 autres, il y
eut 1 cas de forme putride (p. 294), 1 cas de forme
ataxique et 12 cas (p. 290-3), chez lesquels coexistaient
certains caractères de la forme croupale (aphonie, siffle*
ment laryngo-trachéal, accès de suffocation) et de la
forme putride (salivation incessante, diphthérie des
fosses nasales). Ces derniers traits expliqueraient la gué-
rison de ces 12 derniers malades par le cyanure de mer-
curc, qui a déjà guéri plusieurs fois la forme putride et
pas encore, d'après les observations publiées, la forme
franchement croupale.
Lesespèces morbides, étantseulementdes modes d'être
de l'homme malade, ne sont des espèces que par analogie;
aussi ne sont-elles pas aussi délimitées et distinctes que
les espèces zoologiques, par exemple. De môme que les
espèces morbides , les formes de chaque maladie ne
sont pas toujours parfaitement distinctes entre elles.
Elles revêtent alors un caractère mixle. comme chez les
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458 MÉDECINE PRATIQUE.
12 diphthériliques précités. Quand on veut préciser les
indications d'un médicament, il faut toujours avoir pré-
sentes à l'esprit ces considérations nosologiques ; et l'on
se rappellera alo s, pour l'appliquer, l'axiome deBuffon :
« Distinguer beaucoup, c'est savoir beaucoup. »
Ajoutons, pour compléter la relation de l'épidémie de
Saint-Romans, que les diphthériliques avaient été vaine-
ment traités par les dilutions de spongia, bromum et larla-
rw.î, avant d'être guéris par le cyanure de mercure. En ré-
sumé, ce remède aura, dans ce village, produit la cure de :
14 cas de forme bénigne ou commune ;
1 — alaxique ;
1 — putride ;
12 — forme mixte, putride et croupale.
Dans le cours de cette épidémie de diphthérie, on eut
lieu de remarquer :
1° La mortalité considérable des malades traités par
l'allopathie, en regard des succès constants de l'homœo-
pathie;
2° La bénignité très-marquée des cas traités, dès le
début, par l'homœopathie;
3° Le retour >u la recrudescence des symptômes gra-
ves, quand on suspendait le traitement homœopathique
avant la dispari il n complète de la maladie.
C'est là un tri;>!e enseignement que n'oublieront cer-
tainement pas les médecins dignes de ce nom.
XLVI. Th><ja. — Le Dr Heinrich, de Naumburg, a vu
thuja 30* guérir deux cas de paralysie consécutive à la
diphthérie : une paralysie de la face et une paralysie de
la parole. Chez les deux malades, on n'avait administré
qu'une seule dose de ce médicament , ce qui prouverait
sa grande homœopalhicité en pareille oceurence. {A!hj.
Ihm. z'ihmj. t. I p. \?>\
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CAUSERIES CLINigL'KS. 4 V
Si, en même temps que ces deux faits, on se rappelle
les très - nombreuses cures de névralgies par thuja et
particulièrement le cas de Bœnninghauscn, guérissant
avec une seule dose de thuja 200e, une névralgie de la
tête, vainement traitée pendant onze an» par divers
médecins homœopathes, on sera porté à prescrire plus
souvent ce remède contre les affections des nerfs sensi-
tifs et moteurs même.
XLVII. Strychnine. — Paralysie diphthéritique exis-
tant depuis cinq semaines chez une jeune fille et occu-
pant les muscles de la déglutition, des yeux, des cordes
vocales et une grande partie du corps, surtout la moitié
supérieure; voile du palais pendant, luette déviée à gau-
che; l'épiglotte constamment relevée; anesthésie de la
muqueuse pharyngienne ; une sonde pénétrant dans la
glotte provoque la toux. Les muscles réagissent très-
faiblement sous l'influence des courants électriques.
Pendant dix jours, la malade fut nourrie à l'aide d'une
sonde œsophagienne, et chaque jour on lui fit une in-
jection sous-cutanée contenant 1/1 à 1/2 grain de
strychnine. Au bout d'un mois, l'œsophage, le pharynx
et le voile du palais étaient revenus à leur état normal,
grâce à l'injection sous-cutanée de 27 centigrammes de
strychnine. La malade pouvait marcher, étant soutenue,
mais il lui était encore impossible de mouvoir les bras
comme à l'état normal. 21 centigrammes de strychnin> \
administrés de la même manière, achevèrent de la - i -
rir complètement. — Dr Leube, d'Erlangen. — Ally.
Hom. zeit., t. LXXXI. Monatsblatt, p. 9.
XLVIII. Belladona. Chez un enfant de 3 ans et demi,
atteint de diphthérie et traité d'abord par merc. soîuh. 30e,
ensuite par hnjonh 0° et ijwa V a!' \ enfin par bro-
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460 MÉDECINE PRATIQUE.
mum2\ il survint une paralysie de la 6* paire. Celle-ci,
après l'insuccès de pliosphorus 30% fut guérie par ôella-
dona 30* .
Dr Cliancerel, Bulletin hom., 1864, t. V, p. 449.
J'ai connu une dame chez laquelle la paralysie du
releveur de la paupière de l'œil gauche fut guérie par
belladona 100e, après quelques symptômes d'aggravation.
Cette paralysie, qui n'était pas de nature diphlhéritique,
était survenue, je crois, après un refroidissement.
XLIX. Bhus 6e et 3\
Nuxvomica 100e, 12' et 3e.
Lachesis 12e et 4e.
L'emploi successif de ces trois remèdes guérit en trois
mois une paralysie diphthéritique du voile du palais
avec nasonnement et une paralysie des bras et des
jambes.
Dr Ozanam, Bulletin hom., 1860, t. 1", p. 269.
L. Phosphorus. — Le 18 avril 1870, à la suite d'une
angine peu grave, paraît-il, un jeune homme de 2o ans
est atteint d'une paralysie du pharynx : il avale difficile-
ment, parle aussi difficilement et seulement du nez ; il
respire du nez.
Le 5 mai, je lui fais prendre phosphorus 3% 40 fois en
dix jours et, après trois jours d'intervalle, arsenic 30*
aussi 40 fois en dix jours. Deux ou trois jours seulement
après avoir commencé à prendre phosphorus, la déglu-
tition et la parole reviennent à l'état normal,
Le 8 juin, apparaît une légère paralysie des bras et
des jambes, contre laquelle je prescris inutilement nux
vomica 12% puis sulfure de carbone 6'.
Le 30, la paralysie ayant augmnté, je prescris phns-
phorus 3e, à prendre 80 fuis en vingt jours, .le n'ai pas
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CAUSERIES CLINIQUES. 461
revu le malade, et je n'ai pas encre pu savoir s'il avait
été guéri par ce remède, qui avait si bien réussi au dé-
but contre la première paralysie.
LI. Trachéotomie. — L'idée de supprimer toute médi-
c ilion dans le croup et, par conséquent, d'opérer, dès le
d 'but, le malade vierge de tout traitement, celte idée,
qui avait passionné le chirurgien Louis et rendu Caron
ridicule, a de même égaré quelques médecins de nos
jours, particulièrement Trousseau et ses élèves (voy.
Y Art médical, IX, 12 et 387). Mais depuis on est bien
revenu de cet engouement. Il s'agit donc de rechercher
les indications et les contre-indications de la trachéoto-
mie, qui a guéri, tantôt 6 malades sur 7, tantôt t sur 6,
d'autres foisseulement3 sur 42 (hôpital Sainte-Eugénie,
18S9).
Quelques médecins ont conseillé de pratiquer cette
opération à la première période, la plupart à la deuxième
ou troisième période de la maladie. Mais, comme les
praticiens fixent arbitrairement et, par conséquent,
d'une façon différente le début de chaque période, il faut
renoncer à cette division artificielle pour préciser le mo-
ment opportun d'opérer.
La trachéotomie ne doit pas être dirigée contre la
maladie, mais contre un accident de celte maladie, la
suffocation. Il faut donc pratiquer cette opération, quand
les accès de suffocation, croissant d'une manière inces-
sante, ne sont nullement modifiés par le traitement et
font prévoir une mort prochaine.
La trachéotomie répond à une indication positive, à
l'asphyxie déterminée par un obstacle mécanique au
passage de l'air à travers la glotte : asphyxie manifestée
par '!< iix signes : les accès de suffocation cl le sifilemeiil
laryngo-lrachéal. Quand donc les accès de ^ulfoealion se
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402 MÉDECINE PRATIQUE.
rapprocheront et que le sifflement laryngo -tracbéal de-
viendra plus intense, il faudra, si les premiers signes de
l'asphyxie apparaissent, il faudra pratiquer la trachéo-
tomie, quelle que soit la période de la maladie.
Cette opération est contre-indiquée dans la forme pu-
tride oudiphthérie généralisée. Elle doit être tentée ha-
bituellement dans la forme croupale, quelquefois dans
la forme ataxique, car on ne sait pas toujours si l'as-
phyxie tient à une paralysie ou bien à un obstacle mé-
canique. On doit tenter cette opération, môme à la der-
nière extrémité, chez des malades que l'on ressuscite
pour ainsi dire, et à tout âge, quoique les succès soient
rares chez les enfants au-dessous de 3 ans.
Le procédé le plus simple pour pratiquer la trachéo-
tomie, c'est de faire, à l'exemple du Dr Du Planty (voy.
Bulletin hom., 1869, t. XI, p. 97), la ponction de la tra-
chée à l'aide d'un trocart de forme et de volume appro-
priés à ce but. On évite ainsi une difficulté, l'introduc-
tion de la canule qui peut s'égarer dans les tissus. A ce
trocart, il faudrait adapter une double canule pour évi-
ter les dangers d'un seul tube que peuvent encombrer
les fausses membranes et les autres matières expecto-
rées. S il n'y a pas une double canule, on est obligé de
retirer le trocart pour le nettoyer, puis de le réintro-
duire fréquemment, ce qui oflre des inconvénients puur
le malade et pour le médecin.
On a reproché au procédé de la ponction de refouler
la trachée et par conséquent de ne point perforer rapi-
dement la paroi antérieure, qui est peu résistante, chez
les petits enfants surtout. Dans ce cas, on fait la trachéo-
tomie, suivant la méthode ordinaire ainsi décrite dans
la Médecine pratique du Dr Jousset, I, 298.
« Une incision, partant du cartilage cricoïde et arri-
vant presque au bord supérieur du sternum, est prali-
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CAUSERIES CLINIQUES. 463
quée à la peau. On divise successivement les tissus,
couche par couche, en évitant de couper les vaisseaux,
et on arrive ainsi sur la trachée. S'il survient alors une
lïémorrhagie, on la supprime en liant ou tordant les
petits vaisseaux divisés. On pénètre dans la trachée
avec un bistouri pointu, on divise deux ou trois cerceaux
cartilagineux, on remplace le bistouri par le dilatateur
qui sert à introduire la double canule : c'est le temps
difficile de l'opération. Pour prévenir cette difficulté, on
pourrait armer la canule d'une sonde en gomme élas-
tique dépassant la canule et facilitant, dès lors, l'intro-
duction de celle-ci dans la plaie de la trachée.
«La canule, munie de deux oreilles ou d'un rebord,
est fixée à l'aide d'un ruban autour du cou du malade.
Une rondelle de caoutchouc, passée préalablement sous
les oreilles de la canule,' protège la plaie contre le con-
tact métallique. Immédiatement après l'opération, des
mucosités et du sang* s'échappent de la canule, puis,
après cet orage, la respiration devient calme et sans
bruit. On recouvre alors l'ouverture d'une gaze claire
et on entretient, à l'aide d'un vase plein d'eau bouil-
lante, une légère humidité dans l'atmosphère.
« La canule doit être nettovée, en retirant la canule
intérieure, toutes les Ibis qu'il se produit des bruits in-
tenses pendant la respiration. Si les accès de suffocation
reparaissent, il faut retirer la canule tout entière et
maintenir la plaie béante à l'aide du dilatateur, pour fa-
voriser l'expulsion de l'obstacle qui s'oppose au libre
passage de l'air. Autrement, on ne retire la canule pour
faire le premier pansement que le troisième jour après
l'opération.
« Il faut savoir que les accès de suffocation et l'as-
phyxie peuvent revenir, quoiqu'il n'y ait pas d'obstacle
mécanique au pass.oge de l'air. Dans ce cas, il survient
464 MÉDECINE PRATIQUE.
soit une bronchite pseudo-membraneuse, soit une para-
lysie du diaphragme.
« On retire définitivement la canule du sixième au
dixième jour. On commence par la retirer durant quel-
ques heures, et on ne l'enlève définitivement que lors-
que les malades respirent suffisamment par le larynx.
Chez quelques-uns d'entre eux, l'obstruction du larynx
persiste pendant quinze jours, trois semaines et plus, et
par conséquent on est obligé, dans ces cas, de laisser la
canule pendant tout ce temps. »
LU. Je vais maintenant récapituler toutes les observa-
tions cliniques précitées, et les répartir dans les formes
de la diphthérie auxquelles elles appartiennent. Le lec-
teur aura, dès lors, sous les yeux, un tableau synopti-
que lui montrant les remèdes qui ont le plus souvent
réussi contre telle on telle forme.
Forme bénigne.
2 cas guéris par l'emploi de la glace.
!0 — le brome.
4 — bromure de potassium de 0,25 à
1 gramme.
10 consécutifs à la scarlatine, cyanure de mercure 6e.
Forme commune.
2 cas guéris par l'insufflation de lïeur de soufre.
2 — le copahu et le cubèbe.
3 — bromure de potassium.
7 — brome.
8 — . cyanure de mercure.
Forme putride.
1 cas guéri par l'emploi de la ylme.
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CAUSERIES CLINIQUES. 4ft3
1 cas guéri par lachesis, après l'insuccès de mercurius
et du bromure de mercure,
1 — plumbum 30e.
1 — bromure de potassium, 75 centigram-
mes.
2 — l'eau bromèe.
5 — apis 3* et des lotions sur les fausses
membranes avec de l'eau alcoolisée.
5 — cyanure de mercure 6e.
12 cas de forme mixte, putride et croupale, guéris par
le cyanure de mercure 3*.
1 cas de diphthérie chronique des bronches guéri par
bryonia 6e.
Je cite brièvement ci-après quatre cas de forme pu-
tride qui ont été guéris, chacun à l'aide de plusieurs
remèdes :
1 guéri par merc. iod. 3e et belladona 3. alternés, gar-
garisme avec l'eau bromée et plus tard hali chloricum 3e.
Dr Bayes, Bulletin hom., 1861, t. II, p. 611.
1 guéri par nitri acid. 1 r* et belladona 2e alternés, puis par
l'emploi de vin de Porto et d'eau-de-vie contre la défail-
lance et le refroidissement général, et enfin par le gar-
garisme avec chlorate de potasse 20 grains, eau 8 on-
ces,
ld., id., p. 613.
1 par belladona 2" décimale et merc. solubilis 3e tritur.
décimale, puis par arsenic 3* et mercurius alternés.
DrW. Morgan, Bulletin hom., 1861, t. II, p. 181.
1 par belladona 2e, dilution décimale et mercur. solubilis
3* trit. déc, et toutes les trois heures, les fausses mem-
branes touchées avec Vai ide chtor/iydrique étendu d'eau.
Dans ces deux derniers cas, les malades avaient le
cou entouré d'épongés imbibées d'eau chaude.
7</.,î</.,p. 317.
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l'*>r> MEDECINE PRATIQUE.
Forme croupale.
6 cas traités par l'injection d'eau de chaux dans les
bronches, 1 guérison et 5 morts.
1 croup d'emblée, guéri par bryonia 3".
2 cas guéris par le polysulfurede potassium ; 0,10 dans
90 grammes d'émulsion d'amandes.
72 cas traités par l'eau de la source Adélaïde, 43 gué-
risons et 39 morts.
13 cas traités par le brome, 6 guérisons e^ 7 morts.
139 cas traités par le tartre stiôié à doses massives
moyennes, 94 guérisons et 45 morts.
1 cas traité par le cyanure de mercure 3% 1 mort.
12 cas de Corme mixte, putride et croupale, guéris par
le cijanure de mercure 3'.
Forme ataxique.
1 cas guéri par plumbum 30e.
3 traités par le cyanure de mercure 6«, 1 mort, 2 gué-
risons.
H cas, présentant le type intermittent, guéris par le
sulfate de ijuiniw à dose massive.
Paralysies dp ht hé ri tiques.
2 cas guéris par thuja 30e : une paralysie de la face
et une paralysie de la parole.
1 cas guéri par la strychnine, 48 centigrammes en
injection sous cutanée : paralysie des muscles de la
déglutition, des yeux, des cordes vocales, du voile du
palais, de la luette, de l'épiglotte et paralysie incomplète
des quatre membres.
1 cas guéri par belladona 30e après l'insuccès de phos-
phorus 30e : paralysie de la 6° paire.
1 cas guéri en trois mois par l'emploi successif de rhxa
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CAUSERIES CLINIQUES. 467
(> cl .y, nue oomka 101e, 12e et 3% toc/a*/* 12e et i° : pa-
ralysie du voile du palais avec nasonnement, paralysie
des bras et des jambes.
1 cas guéri par phosphorus 3' : paralysie complète de
la déglutition, du pharynx, du voile du palais.
CONCLUSION.
LUI. En voyant, dans le tableau synoptique précé-
dent, soit le même remède guérir plusieurs formes de
Jadiphthérie, soit la même forme de la diphlhérie gué-
rie, tantôt par un médicament, tantôt par un autre,
le lecteur quelque peu sceptique doit être porté à croire
que la maladie a été, en pareil cas, guérie, non par le
traitement, mais malgré celui-ci, dès lors sans action
pour le bien et pour le mal.
D'autre part, les praticiens les plus enthousiastes de
tel ou tel remède ne peuvent prouver que tous les cas
heureux traités par ce médicament out été guéris grâce
à lui.
Gomment donc concilier ces opinions si opposées des
médecins enthousiastes et des praticiens sceptiques ?
En rappelant la proposition suivante de J-.l\ fessier :
« Ne sont curables par un traitement que les maladies of-
frandes exemples de guérison spontanée.» A titre de
corollaire, on peut en dire autant des formes de chaque
espèce morbide.
Puisque l'organisme vivant aune tendance à la gué-
rison qu'il peut quelquefois réaliser par ses propres
forces, on peut aider celle-ci par un médicament. Ainsi
s'expliquerait la cure d'une même forme de la diphlhérie
guérie, tantôt par un remède, tantôt par un autre,
agissant dans le sens de la nature médiatrice. — Quo
vergit 7iatura, eo ducendum.
163 MÉDECINE PRATIQUE.
On peut encore donner une autre explication de pa-
reilles cures, explication qu'admettront certainement
les homœopathes. Chaque forme pouvant revêtir diver-
ses variétés en rapport avec les idiosyncrasies indivi-
duelles, chacune d'elles réclame, d'après la loi des
semblahles, un remède différent.
Un remède guérit-il un seul cas d'une maladie, on
peut douter de son efficacité et croire à une coïncidence
heureuse.
Mais, si un médicament réussit, par exemple, dans
plusieurs cas des formes graves de la diplithérie, qui ne
guérissent toutes seules qu'exceptionnellement, on doit
présumer, suivant une lég-itime probabilité, que la gué-
rison est due à ce remède. Il sera donc indiqué dès lors
dans des cas analogues. Aussi peut-on justement pré-
coniser le brome, le cyanure de mercure, le tartre stibic,
Yapis, qui ont guéri assez fréquemment des formes
graves de la diplithérie.
En résumé, les observations publiées jusqu'ici nous
autorisent à émettre les conclusions suivantes :
Le brome est indiqué, quelquefois dans la forme pu-
tride, habituellement dans les formes bénigne, com-
mune et croupale. Dans cette dernière forme, on peut
augmenter l'efficacité de ce remède en le vaporisant dans
la chambre du malade, ou bien en pratiquant des inha-
lations directes. Le bromure de potassium a des indications
analogues qu'on n'a pas encore pu différencier. (Yoy.
S XXXIX, XL et XLI.1
Le cyanure de mercure est indiqué surtout dans la
forme putride, habituellement dans les formes bénigne
et commune, rarement dans la forme ataxiqueet même
dans les cas de forme croupale présentant simultané-
ment quelques symptômes de la forme putride. (Voy.
§ XXXVI et XLV.)
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CAUSERIES CLINIQUES. 469
Le tartre stibié, à doses massives moyennes (5 à 50
centigrammes dans 125 grammes d'eau, serait parfaite-
ment indiqué dans la forme eroupale, si les succès,
publiés par les médecins allopathes (94 guérisons sur
139cas), ont été obtenus chez des malades véritablement
atteints du croup (Voy. § XLII).
Deux médecins homœopathes seulement ont signalé
l'efficacité de ce remède contre cette maladie : le
Dr Ch. J. Peschier, de Genève, avec une grande incom-
pétence nosologique [Journal de la Société gallicane, 1850,
t. I, p. 187), et le Dr Arnaud, de Paris, avec des con-
naissances pathologiques plus précises, je crois [Bulletin
hom., 1868, t. IX, page 17).
Ce dernier prescrivait contre le croup Y aconit T M,
2 ou 3 gouttes dans 125 grammes d'eau, et le tartre stibié,
5 centigrammes dans 125 grammes d'eau. Ces deux
remèdes donnés, à la dose d'une cuillerée à café, alter-
nativement toutes les heures, toutes les 30, 15 et môme
toutes les 10 minutes. « Dans un assez grand nombre de
cas de croup » , le Dr Arnaud a vu réussir ce traitement,
qui se rapproche beaucoup de celui recommandé par les
médecins allopathes. En pareille occurrence, on pourrait
d'autant mieux l'employer que le tartre stibié, en provo-
quant les vomissements, favorise l'expulsion des fausses
membranes.
Le sulfate de quinine, à doses massives, est indiqué,
dans toutes les formes et surtout dans la forme ataxique,
seulement quand il y a des accès intermittents (Voy,
§ XLIII).
Apis mellifica est indiqué dans la forme putride (Voy.
§ XXXVII).
Bryonia alba est indiqué dans la forme putride, variété
chronique, et peut-être dans la forme commune et crou-
pale (Voy. § XXXVIII).
TOUS XXXII. — DÉCEMBRE 1870. 31
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470 MÉDECINE PRATIQUE.
Plumbum est indiqué quelquefois dans la forme pu-
tride, mais plus souvent, je crois, dans la forme ataxique
contre les paralysies concomitantes ou consécutives
(Voyez § XXX et XLIV).
Aconit est indiqué s'il y a complication d'une forte
fièvre, surtout chez les enfants. Ce remède doit être
alterné avec un autre médicament approprié à la
diphthérie.
On a recommandé aussi dans cette maladie iodium,
leUadona, mercurius vivas, corrosivus et solubilis, nilri
acidum, kali nitricum^ kali bicarbonicum, kali chloricum.
Mais on ne peut pas encore préciser les indications de
ces remèdes contre les diverses formes de la diphthérie.
D'après le Dr de Villers, l'un des vulgarisateurs du cya-
nure de mercure, ce médicament serait indiqué dans la
diphthérie épidémique, et nitri acidum dans la diphthé-
rie sporadique.
L'expérience clinique a démontré l'efficacité des re-
mèdes suivants contre les paralysies diphthéritiques :
strychnine, nux vomica, thuja, phosphorus, belladona, rhus,
lâches is.
En pareil cas, lapathogénésie indiquerait : causticum,
cocculus, lycopodium, plumbum, siliceu, stannum, sulfur,
zincum.
Je n'ai pu signaler ici que les indications générales
de quelques remèdes contre la diphthérie et les paraly-
sies qui l'accompagnent. Les praticiens seront guidés
par la loi des semblables pour choisir, parmi ces médi-
caments, celui qui sera le plus approprié à chaque forme
de la maladie, à chaque variété et, en un mot, à chaque
malade en particulier.
Je ne veux point terminer cette monographie sur la
diphthérie sans exposer, pour en éclairer 1 etiologie et
la diagnostic, diverses considérations que j'ai emprun-
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CAUSERIES CLINIQUES. 471
lées pour la plupart à quelques membres de la Société
hornœopathique de France (Voy. Bulletin nom., t. XII,
p. 394-529, et t. XIII, p. 9).
LIV. L'existence du génie épidémique ne suffit pas
pour garantir le diagnostic et constituer un critérium
de certitude de l'existence d'une espèce morbide quel-
conque; sinon, pendant le règne du choléra, toutes les
affections gastro- intestinales coexistantes appartien-
draient au choléra, et pendant le règne de la diphthérie,
toutes les angines pseudo-membraneuses coexistantes
appartiendraient à la diphthérie.
Cependant, il faut le remarquer, l'influence conta-
gieuse ne conclut pas toujours à la reproduction de la
même espèce morbide, mais elle peut déterminer l'évo-
lution d'une espèce voisine. La contagion, comme disait
Trousseau, s'opère alors par transition d'une espèce à
l'autre et prépare l'éclosion d'une prédisposition noso-
logiquetnent voisine. Aussi, pendant une épidémie de
diphthérie, celle-ci peut provoquer chez les gens prédis-
posés l'éclosion d'une angine simple et réciproquement.
De même, pendant une épidémie de choléra, celui-ci
peut provoquer chez les gens prédisposés, l'éclosion
de la diarrhée, de l'entérite, et réciproquement.
Sous l'influence épidémique, il peut encore s'opérer
des transformations d'une maladie dans une autre.
Ainsi, en temps d'épidémie, la fièvre typhoïde peut se
transformer en choléra. La diarrhée est alors ['accident
commun, le pont qui sert de passage d'une maladie à
l'autre.
En temps d'épidémie diphthéritique, l'angine pulta-
cée, l'angine herpétique, le muguet et autres affections
pharyngiennes à fausses membranes peuvent Se trans-
former en diphthérie. La faus«e momhraneest ici Yacci-
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472 MÉDECINE PRATIQUE.
dent commun, le pont qui sert de passage d'une maladie
à l'autre.
Dan s la doctrine du spécificisme ou desentités morbides,
cette transformation ne serait pas explicable. Mais elle
l'est dans la doctrine de J.-P. Tessier qui considère les
maladies comme des espèces par analogie, autrement
dit comme des manières d'être , des états de l'être vi-
vant : états habituellement irréductibles et pourtant
exceptionnellement transformables l'un dans l'autre.
Ces contagions d'une éspèce à l'espèce nosologique-
ment voisine, ces transformations d'une espèce morbide
dans une autre ne s'observent que rarement et presque
uniquement en temps d'épidémie. Si ces sortes de con-
tagions et de transformations se montraient habituelle-
ment, elles rendraient à peu près impossible la classifi-
cation nosologique et la connaissance de la contagiosité
de telle ou telle maladie.
Du reste, comme pour bien confirmer le principe
même de la classification nosologique et constituer ainsi
l'immutabilité des espèces morbides pour base scienti-
fique de la pathologie, on voit en tout temps, mais sur-
tout pendant une épidémie, une maladie interrompue
chez le même sujet par une maladie intercurrente, et
quand celle-ci est terminée, la première reprend son
cours et achève son évolution naturelle.
LV. Plus haut (voy. § II-VII), j'ai cité plusieurs affec-
tions pharyngiennes dans lesquelles on observe, comme
dansladiphthérie, des fausses membranes dans la gorge.
A ces affections, on peut encore ajouter l'angine des
fièvres éruplives et typhoïdes, le phlegmon des amyg-
dales, l'érysipèle du pharynx et les angines occasion-
nées par le mercure, les caustiques et autres agents
toxiques.
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CAUSERIES CLINIQUES. 473
Parmi ces angines et les six autres citées précédem -
ment (voy. § 2,) il n'en est que deux, je le répète, qui
peuvent être confondues, non avec la diphthérie grave,
mais avec la diphthérie bénigne ; ce sont les angines
herpétique et pultacée.
« Dans l'angine pultacée, il ya deux caractères qui
permettent presque toujours d'établir le diagnostic :
c'est le défaut d'adhérence des fausses membranes et
leur peu de durée. L'angine pultacée dure rarement
plus de trois jours sur la même amygdale, et si elle dure
un septénaire, c'est qu'habituellement elle atteint succes-
sivement les deux côtés de la gorge et que le premier
pris est déjà guéri quand l'autre présente la fausse
membrane dans son complet développement. Cette
marche n'est pointcelle de l'angine diphthéritique. Dans
cette dernière, la fausse membrane persiste ordinaire-
ment un septénaire, et souvent davantage ; de plus
elle ne se guérit point d'un côté pendant qu elle envahit
le côté opposé. » [Bulletin liom., XII, 448; voy. plus haut,
§V.)
L'angine herpétique est en quelque sorte une variété
de la fièvre éphémère, c'est-à-dire que le mouvement
fébrile est violent, subit et précède la localisation dans
le pharynx. Elle ne présente jamais ces fausses mem-
branes étendues, qui, passant des amygdales à la luette
et au pharynx, tapissent toute l'arrière -gorge. L'angine
herpétique débute ordinairement par des îlots de fausses
membranes, chose rare dans la diphthérie, dont les
fausses membranes forment des plaques plus étendues.
La durée et l'adhérence sont souvent pareilles dans les
deux maladies (Voy. plus haut, § VIII).
Dr Gallavardin,
de Lyon.
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M\ A NOS LECTEURS.
I
Nous sommes heureux d'annoncer à nos sympathiques lecteurs
que, conformément à des vœux exprimés de divers côtés, le Comité
de rédaction a pu modifier sa première décision. Le journal pourra
reparaître au 4«r octobre, c'est-à-dire un mois après ce dernier nu-
méro, destiné à compléter l'année 1870 et à payer intégralement
notre dette.
Il restera sans doute une lacune de neuf mois, et l'année 1871 ne
sera représentée dans notre collection, de deux volumes par an, que
par un demi-volume (trimestre d'octobre, novembre et décembre);
mais tout le monde comprendra que notre œuvre porte la trace
des malheurs publics, auxquels ni homme, ni chose n'a échappé.
Il est même convenable qu'il en soit ainsi.
En janvier 1872 commencera, comme toutes les autres années,
un nouveau volume, ainsi qu'en juillet, ce qui reprendra le cour3
ordinaire de notre publication, rqui, nous l'espérons bien, ne sera
plus interrompue.
Nous comptons plus que jamais sur l'appui et le? encouragements
de tous ceux qui nous ont aidés et soutenus jusqu'ici. Plus les temps
sont difficiles, et plus nous avons besoin du concours de nos amis,
dans une œuvre de dévouement qui a pour but la défense et la pro-
pagation de la vérité en médecine , envers et contre toutes les er-
reurs, tous les préjugés, toutes les passions acharnés contre elle.
H
La même pensée et les mêmes vœux s'appliquent à l'intéressante
fondation de l'hôpital homœopathique [Manon Saint-Jacques), dont
l'ouverture a été malheureusement retardée par des événements
aussi terribles qu'imprévus.
La Commission administrative de cet Établissement en a décidé-
ment fixé l'ouverture au 1er octobre prochain.
Nous n'avons pas besoin de recommander cette fondation à la
bienveillance de tant d'esprits éclairés et généreux, qui, ayant
éprouvé les bienfaits de l'homœopathie, en veulent faire profiter
les malades pauvres, et qui, de plus, désirent enfin voir s'ouvrir un
enseignement clinique attendu depuis si longtemps.
Alph. Milcent.
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TABLE DES MATIÈRES. 475
TABLE DU TOME XXXII DE L'ART MÉDICAL
Académie de médecine.
— La variole, les revaccina-
tions militaires, le vaccin
dilué, par le D' P. Jousset. 305
— La clinique et la physio-
gie expérimentale, à propos
de l'arsenic, par le Df P.
Jousskt 391
anatomie pathologique.
— L'embolie ot l'arlérite, par
le Dr P. Jousset 60
Arsenic (Mémoire sur I') dans
les névralgies, par le
D' Imh^rt-Gourbeyre.. -20,106
— (Action de F.i sur la peau,
par le Dr Lmbert-Gour-
bkyre 322-440
Artérite et embolie 60
Bibliographie.
De l'herpétisme,du D' Gigot-
Suart, médecin-consultant
aux eaux de Cauterets, par
le Dr P. Jousset 127
Blessés (Il faut isoler les). . 303
Bruits inlra-cardiaques ou
bruils morbides ou anor-
maux qui se développent à
l'intérieur du cœur et sur-
tout à ses orifices, par le
Dr Mailliot 44
Bulletin.
— Enseignement médical ho-
mœopathique aux Etats-
Unis (Journal du dispen-
saire Hahnemann do
Bruxelles, mars 1870). . 70
—Hôpital homœopathique,2*
liste de souscription. ... 78
— De la Société de chirurgie. 309
— Nécrologie. Lordat, Caba-
nis. 73
Chloral (Bulletin de laSociété
de chirurgie) 309
Clinique.
— Quelques cas de Bèvres
intermittentes rebelles au
sullate de quinine, par le
Dr P. Jousskt 378
—Cliniques (L 6f»ns) du Dr P.
Jousset, sur la phthisie pul-
monaire, rédigées par le
Dr J. Jablonski 37, 194
Embolie et artérite 60
Enseignement médical ho-
moeopathique aux Etats-
Unis; 70
Eruptions arsenicales (Voy.
Action de l'arsenic sur la
Peau) 321
Etude sur nos traditions
(Voy. Histoire de la méde-
cine;, par le Dr F. Fué-
dault. . . 5, 81, 161, 241, 349
Etude sur la mort par ina-
nition, par le Dr Bour-
geois 95, 187, 280 383
Herpétisme (de 1'). Voy. Bi-
bliog 217
Histoire de la Médecine sui te),
par le D» F. Frédault.
— De la mé ocine au xvn*
siècle 5
— Doctrines rincipales. . 81
— Hippocrat - galénistes
conciliateur- , historiens,
institutaire : 86
— Iatro-théonphie; paraclé-
lisme; rose-croix 92
— Van Helmont ; Descartes,
Leibnitz 161
— Ecole iatro-chimique. . . 170
— Ecole iatro-mécanique. . 1*78
— Vitalisme et animisme. . 181
— Mouvement général des
doctrines à la ûn du siècle. 182
— Anatomie, physiologie. . 241
— Découvertes physiologi-
ques dans ce siècle (xvii«j. 246
— Pathologie 255
— Nosographie 275
— Anatomie pathologique. . 277
— Thérapeutique médicale.. 349
— — chirurgicale. 366
— La médecine au xvni»
siècle 421
Hôpital homœopathique, 2«
liste de souscription. ... 78
Hygiène.
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470
TABLE DES MATIERES.
— Il faut isoler les blessés,
par le D' P. Jousset. ... 303
Mkdecine pratique.
— Leçons cliniques du Dr
Jousset 37, 194
— Fièvres intermittentes re-
belles au sulfate de qui-
nine . . 378
— Causeries cliniques : trai-
tement de la diphthérite,
par le D' Gallavardin . . 456
Misères (les petites) de quel-
ques médecinscatholiques.
Voy. Variétés 136, 227
Monde bomœopathique (le).
Voy. Variétés 149
Mort par inanition (Etude sur
la) 187
Nécrologie.
Lordat, Cabarus, par le Dr
Alph. Milcent 73
— Palret, Longet, etc 420
Névralgies (Mémoire sur l'ar-
senic dans les). . . . 20, 106
Observations.
— Neuf observations de né-
vralgies produites ou gué-
ries par l'arsenic 23, 24,
29, 31, 32, 34, 35, 36
— Neuf observ. de phthisie.
199 et suiv.
— Deux observ. de bruits
intra-cardiaques. . . 120, 121
— Quatreobserv. d'éruptions
arsenicales. ... 341 et suiv.
Pathogénie et thérapeutique.
— Mémoire sur l'arsenic dans
les névralgies, par le Dr 1m-
bert-Goorbeyrb. ... 20, 106
33!
%7f 194
— De l'action de l'arsenic
sur la peau, par le D' 1m-
ber t-Gou bbeyre
Pbthisie pulmonaire (Voy.
Leçons cliniques) . .
Physiologie expérimentale.
— Étude sur la mort par ina-
nition, par le Dr Bourgeois. 95,
187, 280, 383
Revaccinations militaires (V.
Acad.deMéd.) 305
Séméiotiqub.
— Bruits intra-cardiaques ou
bruits morbides ou anor-
maux qui se développent à
l'intérieur du cœur, et sur-
tout à ses orifices, par le
D' L. Maillot. . . 44, 419,
Société de chirurgie. Chloral.
(Voy. Bulletin.)
Vaccin dilué (Voy. Acad. de
Méd.)
Variole (Voy. Académie de
Méd.)
Variétés.
— Les petites misères de
quelques médecins catho-
liques, par le D«" Ch. Ra-
vbl. .......... t«J6, 227
— Le monde homœopathique,
par le Dr Gallavardix (de
Lyon)
— IMus d'enseignement d'B-
tat, par le Dr P. Jousset. .
— A nos lecteurs, par le
Dr F. Frédault
— Avis à nos lecteurs, parle
Dr Milcent 320, 418-474
Table 475
309
305
305
149
313
320
E. H.
FIN DR LA TABLE DES MATIÈRES OU TOME TRENTE- DEUXIÉ UT.
Le Rédacteur en chef, Jules Davasse.
Paris. - Tj p. Ai Parent rue \fonsi.-ur-le Prince, 3f.
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